Thèses du rapport présenté par le camarade Mao Zedong à une réunion des cadres supérieurs du Parti à Yenan.
11 mars 1940
1. La situation politique actuelle est la suivante :
a) Sérieusement éprouvé par la Guerre de Résistance que mène la Chine, l’impérialisme japonais n’a déjà plus la force de lancer de nouvelles offensives militaires de grand style ; et le rapport des forces entre l’ennemi et nous a atteint l’étape de la stabilisation stratégique. Cependant, l’ennemi persiste dans sa politique fondamentale d’asservissement de la Chine, qu’il poursuit par le sabotage du front uni antijaponais, par l’intensification des opérations de « nettoyage » sur ses arrières et le renforcement de l’agression économique.
b) La Grande-Bretagne et la France voient leur position affaiblie en Orient du fait de la guerre en Europe, tandis que les Etats-Unis continuent leur politique consistant à « observer le combat des tigres du haut de la montagne ». L’éventualité d’une conférence de Munich en Orient est donc pour le moment exclue.
c) L’Union soviétique a remporté de nouvelles victoires dans sa politique extérieure, elle continue sa politique d’aide active à la Chine dans la Guerre de Résistance.
d) Le groupe projaponais de la grande bourgeoisie chinoise a déjà capitulé définitivement devant le Japon, et il s’apprête à former un régime fantoche. Quant au groupe pro-européen et pro-américain de la grande bourgeoisie, il peut encore poursuivre la résistance contre le Japon, mais sa tendance au compromis reste sérieuse.
Il mène une politique double : tout en voulant maintenir l’union avec diverses forces en dehors du Kuomintang pour tenir tête au Japon, il les sape par tous les moyens et s’acharne plus particulièrement contre le Parti communiste et les autres forces progressistes. C’est le groupe des irréductibles au sein du front uni antijaponais.
e) Les forces intermédiaires, qui comprennent la moyenne bourgeoisie, les hobereaux éclairés et les groupes disposant de forces locales réelles, prennent généralement position entre les forces progressistes et les irréductibles, en raison des contradictions qui les opposent aussi bien aux forces dominantes principales grands propriétaires fonciers et grande bourgeoisie qu’à la classe ouvrière et à la paysannerie. Elles forment le groupe intermédiaire au sein du front uni antijaponais.
f) Les forces progressistes du prolétariat, de la paysannerie et de la petite bourgeoisie urbaine, dirigées par le Parti communiste, se sont beaucoup développées ces derniers temps et ont déjà pratiquement réussi à établir des bases d’appui à pouvoir démocratique antijaponais. Leur influence sur les ouvriers, les paysans et la petite bourgeoisie urbaine est très grande à travers le pays ; et elle est loin d’être négligeable sur les forces intermédiaires.
Sur le théâtre des opérations, le Parti communiste combat des effectifs japonais qui égalent presque en importance ceux qu’affronté le Kuomintang. Les forces dirigées par le Parti communiste constituent le groupe progressiste au sein du front uni antijaponais.
Telle est actuellement la situation politique en Chine. Dans ces circonstances, il est encore possible de prévenir une évolution vers le pire et d’amener un tournant favorable dans la situation, et la décision prise par le Comité central le 1er février est entièrement juste.
2. La condition essentielle pour la victoire dans la Guerre de Résistance est l’extension et la consolidation du front uni antijaponais. Pour atteindre ce but, la tactique indispensable est de développer les forces progressistes, de gagner les forces intermédiaires et de combattre les forces irréductibles ; ce sont là trois maillons qu’on ne peut dissocier, et la lutte est le moyen d’unir toutes les forces qui résistent au Japon.
Dans la période du front uni antijaponais, la lutte est le moyen de parvenir à l’union, et l’union, le but de la lutte. L’union vivra si on cherche à la faire par la lutte ; elle périra si on la recherche par des concessions. Cette vérité se répand peu à peu parmi les camarades du Parti. Pourtant, beaucoup ne la saisissent pas encore.
Ils pensent que la lutte risque de briser le front uni ou qu’elle est un moyen à employer sans restriction ; ils appliquent une tactique erronée à l’égard des forces intermédiaires ou se font une idée fausse des forces irréductibles. Toutes ces erreurs doivent être rectifiées.
3. Développer les forces progressistes, cela signifie : développer les forces du prolétariat, de la paysannerie et de la petite bourgeoisie urbaine ; accroître hardiment les effectifs de la VIIIe Armée de Route et de la Nouvelle IVe Armée ; établir de nombreuses bases démocratiques antijaponaises ; étendre les organisations du Parti communiste à tout le pays ; développer à l’échelle nationale les mouvements de masse dont ceux des ouvriers, des paysans, des jeunes, des femmes et des enfants ; gagner les intellectuels de l’ensemble du pays ; étendre aux masses le mouvement démocratique pour l’instauration d’un régime constitutionnel.
L’expansion graduelle des forces progressistes est le seul moyen d’empêcher que la situation ne se détériore, de prévenir la capitulation et la rupture et de jeter les bases indestructibles de la victoire dans la Guerre de Résistance.
Mais le développement de ces forces exige une âpre lutte : il faut combattre impitoyablement non seulement les impérialistes japonais et les traîtres à la nation, mais aussi les irréductibles. En effet, les irréductibles s’opposent à cette expansion, et les forces intermédiaires se montrent sceptiques.
A moins de lutter résolument contre les irréductibles et d’obtenir des succès réels dans cette lutte, nous ne pourrons résister à leur pression ni dissiper les doutes des forces intermédiaires, et il serait alors impossible aux forces progressistes de se développer.
4. Gagner les forces intermédiaires, cela signifie gagner la moyenne bourgeoisie, les hobereaux éclairés et les groupes disposant de forces locales réelles. Ce sont là trois catégories différentes qui, cependant, font toutes partie, dans la situation actuelle, des forces intermédiaires. Par moyenne bourgeoisie, on entend la bourgeoisie nationale, distincte de la bourgeoisie compradore, c’est-à-dire de la grande bourgeoisie.
Elle est opposée aux ouvriers par des contradictions de classe et elle n’approuve pas l’indépendance de la classe ouvrière ; mais, du fait qu’elle subit le joug des impérialistes japonais dans les régions occupées et qu’elle est bridée par les grands propriétaires fonciers et la grande bourgeoisie dans les régions du Kuomintang, elle désire encore résister au Japon et, de plus, elle voudrait conquérir le pouvoir politique pour elle-même.
Dans la question de la résistance au Japon, la moyenne bourgeoisie est en faveur de l’union pour la Résistance, et, dans la question de la conquête du pouvoir, elle soutient le mouvement pour un régime constitutionnel et cherche à utiliser à ses propres fins les contradictions entre les forces progressistes et les irréductibles.
C’est une couche sociale qu’il nous faut gagner. Les hobereaux éclairés forment l’aile gauche de la classe des propriétaires fonciers, c’est-à-dire la fraction de cette classe qui possède certaines caractéristiques de la bourgeoisie et dont l’attitude politique est à peu près la même que celle de la moyenne bourgeoisie.
Des contradictions de classe les opposent à la paysannerie, mais d’autres contradictions les opposent aux grands propriétaires fonciers et à la grande bourgeoisie. Ils n’approuvent pas les irréductibles, ils cherchent à utiliser, eux aussi, les contradictions entre ces derniers et nous pour atteindre leurs propres buts politiques.
Cette fraction, elle non plus, ne doit en aucun cas être négligée, et il faut que notre politique tende à la rallier à nous. Les groupes disposant de forces locales réelles sont de deux sortes : les uns contrôlent en permanence certains territoires, et les autres, composés d’ »armées d’amalgame », n’en contrôlent pas.
S’ils sont en contradiction avec les forces progressistes, ils le sont également avec l’actuel Gouvernement central du Kuomintang en raison de la politique égoïste qu’il poursuit à leurs dépens. Eux aussi s’efforcent d’exploiter nos contradictions avec les irréductibles pour atteindre leurs propres buts politiques.
Les dirigeants de ces groupes appartiennent, pour la plupart, à la classe des grands propriétaires fonciers et à la grande bourgeoisie, c’est pourquoi, dans la Guerre de Résistance, même s’ils manifestent parfois des tendances progressistes, ils ne tardent pas à revenir à des positions réactionnaires.
Cependant, comme ils sont en contradiction avec les autorités centrales du Kuomintang, ils peuvent rester neutres au cours de notre lutte contre les irréductibles, à condition que nous pratiquions une politique juste. Notre politique à l’égard des forces intermédiaires est de gagner chacune des trois catégories définies plus haut.
Elle est toutefois distincte de celle que nous pratiquons pour gagner la paysannerie et la petite bourgeoisie urbaine, et elle varie aussi pour chaque catégorie des forces intermédiaires. La paysannerie et la petite bourgeoisie urbaine doivent être gagnées en tant qu’alliés fondamentaux et les forces intermédiaires en tant qu’alliés dans la lutte contre l’impérialisme.
Parmi ces forces intermédiaires, la moyenne bourgeoisie et les hobereaux éclairés sont susceptibles de lutter à nos côtés contre le Japon et aussi de se joindre à nous dans l’établissement d’un pouvoir démocratique antijaponais, mais ils redoutent la révolution agraire.
D’aucuns pourront participer dans une certaine mesure à la lutte contre les irréductibles, d’autres garder une neutralité bienveillante, d’autres encore rester neutres par la force des choses.
Les groupes disposant de forces locales réelles, tout en résistant avec nous à l’envahisseur japonais, ne peuvent qu’observer une neutralité provisoire dans notre lutte contre les irréductibles. Ils ne sont nullement enclins à établir avec nous un pouvoir démocratique, puisqu’ils font eux-mêmes partie de la classe des grands propriétaires fonciers et de la grande bourgeoisie.
Les forces intermédiaires ont tendance à se montrer vacillantes dans leurs positions, et sont appelées inévitablement à se différencier. Nous devons donc, compte tenu de leurs hésitations, savoir les persuader et les critiquer comme il convient.
La conquête des forces intermédiaires est pour nous une tâche des plus importantes dans la période du front uni antijaponais, mais qui ne peut être remplie qu’à certaines conditions, à savoir : a) la présence chez nous de forces suffisantes ; b) le respect des intérêts des forces intermédiaires ; c) une lutte résolue de notre part contre les irréductibles, lutte qui doit être jalonnée de victoires.
Faute de ces conditions, les forces intermédiaires seront hésitantes ou se feront même les alliées des irréductibles dans leurs attaques contre nous, car ceux-ci font également l’impossible pour les gagner afin de nous isoler.
Ces forces intermédiaires ont un grand poids en Chine et peuvent, dans bien des cas, devenir le facteur décisif dans notre lutte contre les irréductibles ; aussi faut-il être extrêmement prudent à leur égard.
5. Les forces irréductibles, ce sont actuellement les grands propriétaires fonciers et la grande bourgeoisie. Ces classes se divisent en deux groupes : celui qui a capitulé devant le Japon et celui qui est partisan de la Résistance ; elles sont appelées à se différencier encore davantage par la suite.
Au sein de la grande bourgeoisie, le groupe qui résiste au Japon diffère actuellement du groupe des capitulards. Il poursuit une politique à double caractère : d’une part, il est encore partisan de l’union pour la Résistance et, d’autre part, il pratique une politique extrêmement réactionnaire de répression des forces progressistes, préparant par là sa capitulation future.
Du moment qu’il reste favorable à l’union pour la Résistance, nous avons encore la possibilité de le faire rester dans le front uni antijaponais, et plus longtemps nous y réussirons, mieux cela vaudra. Il serait faux de négliger cette politique et la coopération avec ce groupe, de le considérer comme ayant déjà capitulé et de croire qu’il est sur le point d’entrer en guerre contre les communistes.
Mais, d’autre part, étant donné que ce groupe pratique partout dans le pays une politique réactionnaire de répression des forces progressistes, qu’il ne suit pas le programme commun ─ les trois principes du peuple révolutionnaires ─ et s’obstine à nous empêcher de l’appliquer, qu’il s’oppose résolument à ce que nous dépassions les limites qu’il nous a fixées, nous permettant seulement de mener contre les envahisseurs une guerre de résistance aussi passive que la sienne, étant donné enfin qu’il tente de nous assimiler et exerce sur nous, si nous lui résistons, une pression idéologique, politique et militaire, il est nécessaire que nous adoptions une tactique de riposte à sa politique réactionnaire et que nous menions contre lui une lutte résolue sur le plan idéologique, politique et militaire.
Telle est la double politique révolutionnaire que nous opposons à la double politique des irréductibles, telle est notre politique d’union par la lutte.
Si, sur le plan idéologique, nous sommes capables d’énoncer une juste théorie révolutionnaire et de porter un coup sévère à leur théorie contre-révolutionnaire ; si, sur le plan politique, nous prenons des mesures tactiques répondant aux exigences du moment et portons un rude coup à leur politique de lutte contre les communistes et le progrès ; si nous prenons les mesures militaires adéquates et ripostons énergiquement à leurs attaques, alors nous serons à même de limiter la portée de la politique réactionnaire des irréductibles et de les obliger à reconnaître le statut des forces progressistes, nous pourrons développer ces dernières, gagner les forces intermédiaires et isoler les irréductibles.
Et nous serons du même coup en mesure de gagner ceux des irréductibles qui désirent encore résister au Japon, de les faire rester plus longtemps dans le front uni antijaponais et d’éviter ainsi une guerre civile de grande envergure, semblable à celle qui a eu lieu dans le passé.
C’est pourquoi, dans la période du front uni antijaponais, notre lutte contre les irréductibles a pour but non seulement de parer à leurs attaques, de manière à éviter des pertes aux forces progressistes et à leur assurer un développement continuel, mais aussi de faire durer plus longtemps la résistance des irréductibles contre le Japon et leur coopération avec nous, afin de conjurer une guerre civile de grande ampleur.
Sans cette lutte, les forces progressistes risqueraient d’être anéanties par les irréductibles, le front uni ne pourrait plus exister, plus rien n’empêcherait les irréductibles de capituler devant l’ennemi, et la guerre civile éclaterait.
Par conséquent, la lutte contre les irréductibles est un moyen indispensable pour unir toutes les forces de la Résistance, amener un tournant favorable dans la situation actuelle et empêcher une guerre civile de vaste envergure.
Toute notre expérience confirme cette vérité.
Mais, durant la période du front uni contre le Japon, il est nécessaire d’observer les principes suivants dans notre lutte contre les irréductibles. Premièrement, le principe de la légitime défense. Nous n’attaquerons pas à moins d’être attaqués, mais si nous sommes attaqués, nous contre-attaquerons.
Cela signifie que nous ne devons jamais lancer d’attaques sans avoir été provoqués, ni demeurer sans riposte quand nous sommes attaqués. C’est en cela que réside le caractère défensif de notre lutte. Les attaques armées des irréductibles doivent être brisées résolument, radicalement, intégralement, totalement. Deuxièmement, le principe de la victoire.
Nous ne nous battons que si nous sommes sûrs de vaincre. Il ne faut en aucun cas engager le combat sans plan, sans préparation et sans assurance du succès. Nous devons savoir exploiter les contradictions des irréductibles ; il nous faut, pour les battre, nous en prendre d’abord aux plus réactionnaires, et non à tous à la fois. C’est en cela que réside le caractère limité de la lutte. Troisièmement, le principe de la trêve.
Après avoir repoussé une attaque des irréductibles et avant qu’ils n’en déclenchent une nouvelle, nous devons savoir nous arrêter et mettre un terme à la lutte. La période suivante est celle d’une trêve entre les deux parties. Nous prenons alors l’initiative de réaliser l’union avec les irréductibles ; s’ils acceptent, nous concluons avec eux un accord de paix.
En aucun cas nous ne devons-nous battre sans répit, jour après jour, heure après heure, ni nous laisser griser par la victoire. C’est en cela que réside le caractère temporaire de chacun de nos combats.
Nous ne répondons de nouveau par la lutte qu’au moment où les irréductibles lancent une nouvelle attaque. En d’autres termes, ces trois principes peuvent s’exprimer ainsi : « avoir le bon droit de son côté, s’assurer l’avantage et garder la mesure ».
En persistant à lutter selon ces principes, nous développerons les forces progressistes, gagnerons à nous les forces intermédiaires et isolerons les irréductibles ; nous pourrons aussi amener ces derniers à bien réfléchir avant de nous attaquer, avant d’entrer en compromis avec l’ennemi ou avant de déchaîner une guerre civile de grande envergure. Nous aurons ainsi rendu possible une amélioration de la situation actuelle.
6. Le Kuomintang est un parti dont la composition est complexe ; il comprend aussi bien des irréductibles que des éléments intermédiaires et des progressistes ; on ne saurait donc assimiler tout le Kuomintang au groupe des irréductibles.
Comme le Comité exécutif central du Kuomintang a édicté des instructions contre-révolutionnaires génératrices de « frictions », telles les « Mesures pour la limitation de l’activité des partis hérétiques », et qu’il a mobilisé toutes ses forces pour provoquer partout dans le pays des « frictions » contrerévolutionnaires sur les plans idéologique, politique et militaire, certains estiment que tout le Kuomintang est composé d’irréductibles ; cette manière de voir est erronée.
Aujourd’hui, au sein du Kuomintang, les irréductibles sont toujours en situation de dicter la politique de leur parti, mais ils ne sont qu’une minorité ; la majorité des membres (beaucoup ne le sont que de nom) ne sont pas forcément des irréductibles.
Il est indispensable de voir clair sur ce point, alors seulement nous pourrons tirer profit des contradictions existant au sein du Kuomintang, adopter une politique différente à l’égard de chacun des groupes qui le composent et faire les plus grands efforts pour unir à nous ses éléments intermédiaires et progressistes.
7. Quant au pouvoir politique dans les bases antijaponaises, il faut préciser qu’il doit être celui du front uni national antijaponais. Un tel pouvoir n’existe pas encore dans les régions sous la domination du Kuomintang.
Il s’agit du pouvoir politique de tous ceux qui sont pour la Résistance et la démocratie, c’est-à-dire de la dictature démocratique exercée conjointement par plusieurs classes révolutionnaires sur les traîtres à la nation et les réactionnaires, dictature qui diffère de celle des propriétaires fonciers et de la bourgeoisie, mais aussi, à certains égards, de la dictature démocratique des ouvriers et paysans au sens strict du terme.
La composition des organes du pouvoir doit être la suivante : les communistes, représentant le prolétariat et les paysans pauvres, y entreront pour un tiers ; les éléments progressistes de gauche, représentant la petite bourgeoisie, pour un tiers également ; le dernier tiers reviendra aux éléments intermédiaires et autres, représentants de la moyenne bourgeoisie et des hobereaux éclairés.
Seuls les traîtres à la nation et les éléments anticommunistes n’ont pas qualité pour en faire partie. Cette règle générale est nécessaire si on ne veut pas compromettre le principe d’un pouvoir de front uni national antijaponais.
C’est la politique authentique de notre Parti au sujet de la composition des organes du pouvoir, politique qu’il convient d’appliquer consciencieusement et non pour la forme. Mais ce n’est là qu’une règle générale qu’il faut appliquer en tenant compte des circonstances ; il ne faut pas s’en tenir aux proportions d’une façon mécanique.
Dans les organes du pouvoir à l’échelon le plus bas, cette règle peut être quelque peu modifiée pour prévenir la mainmise des despotes locaux, des mauvais hobereaux et des propriétaires fonciers.
Cependant, elle ne doit pas être transgressée pour ce qu’il y a d’essentiel dans son esprit. Quant aux non-communistes entrant dans les organes du pouvoir du front uni antijaponais, nous n’avons pas à nous demander s’ils ont adhéré à un parti, ni à quel parti ils appartiennent.
Dans les régions où s’exerce le pouvoir du front uni antijaponais, un statut légal doit être accordé à n’importe quel parti, qu’il s’agisse du Kuomintang ou de tout autre parti, pourvu qu’il ne s’oppose pas au Parti communiste, mais coopère avec lui.
En matière d’élections, la politique adoptée est que tout citoyen chinois, âgé de dix-huit ans révolus et partisan de la Résistance et de la démocratie, a le droit d’élire et d’être élu, sans distinction de classe, de nationalité, d’appartenance politique, de sexe, de croyance et de niveau d’instruction.
Les organes du pouvoir du front uni antijaponais doivent être élus par le peuple, puis se faire valider par le Gouvernement national. Leur forme d’organisation répondra au principe du centralisme démocratique. Leur programme politique doit avoir essentiellement pour point de départ la lutte contre l’impérialisme japonais, la lutte contre les traîtres et les réactionnaires avérés, la protection du peuple qui résiste au Japon, le rajustement des intérêts de toutes les couches sociales qui participent à la Résistance, l’amélioration des conditions de vie des ouvriers et des paysans.
La création de tels organes aura une énorme influence sur tout le pays et servira de modèle à un pouvoir de front uni à l’échelle nationale ; il importe donc que tous les camarades de notre Parti comprennent à fond cette politique et la mettent résolument en pratique.
8. Dans notre lutte pour développer les forces progressistes, gagner les forces intermédiaires et isoler les forces irréductibles, nous ne devons pas négliger le rôle des intellectuels, d’autant plus que les irréductibles font tous leurs efforts pour les gagner à eux ; c’est donc une politique importante, indispensable, que de gagner tous les intellectuels progressistes et de les placer sous l’influence de notre Parti.
9. Notre propagande doit se faire conformément au programme suivant :
a) Exécuter le testament du Dr Sun Yat-sen en soulevant les masses pour une résistance unanime au Japon.
b) Réaliser le principe du nationalisme en combattant résolument l’impérialisme japonais et en travaillant à la libération complète de la nation chinoise et à l’égalité en droits de toutes les nationalités du pays.
c) Réaliser le principe de la démocratie en assurant au peuple la liberté pleine et entière de résister au Japon pour le salut de la nation, en faisant élire par le peuple les organes gouvernementaux à tous les échelons et en instaurant le pouvoir démocratique révolutionnaire du front uni national antijaponais.
d) Réaliser le principe du bienêtre du peuple par la suppression des impôts exorbitants et des taxes multiples, par la réduction des fermages et du taux d’intérêt des prêts, l’institution de la journée de huit heures, le développement de l’agriculture, de l’industrie et du commerce, l’amélioration des conditions de vie du peuple.
e) Mettre en pratique la déclaration de Tchiang Kaï-chek selon laquelle « tout homme, qu’il soit du Nord ou du Sud, qu’il soit jeune ou vieux, a le devoir de résister à l’envahisseur et de défendre le sol de la patrie ». Tous ces points figurent dans le programme publié par le Kuomintang lui-même et constituent aussi le programme commun du Kuomintang et du Parti communiste.
Mais, actuellement, le Kuomintang est incapable de les mettre à exécution, sauf pour ce qui est de la résistance au Japon ; seuls le Parti communiste et les forces progressistes sont à même d’appliquer ce programme.
C’est d’ailleurs le plus simple qui soit ; il a déjà été largement diffusé dans le peuple, mais beaucoup de membres du Parti communiste ne savent pas encore s’en servir comme d’une arme pour soulever les masses populaires et isoler les irréductibles.
Dorénavant, il faut avoir constamment à l’esprit les cinq points ci-dessus et les populariser sous forme d’avis au public, de déclarations, de tracts, d’articles, de discours, d’entretiens, etc.
Dans les régions du Kuomintang, ce n’est qu’un programme de propagande, mais dans les régions où s’installent la VIIIe Armée de Route et la Nouvelle IVe Armée, c’est un programme d’action. En nous y conformant, nous agissons d’une façon légale, et quand les irréductibles s’opposent à ce que nous le réalisions, ils violent la légalité.
A l’étape de la révolution démocratique bourgeoise, ce programme du Kuomintang est, pour l’essentiel, le même que le nôtre. Cependant, l’idéologie du Kuomintang est foncièrement différente de celle du Parti communiste. Nous devons seulement mettre en pratique ce programme commun de la révolution démocratique, sans partager en aucune façon l’idéologie du Kuomintang.
Thèses du rapport présenté par le camarade Mao Zedong à une réunion des cadres supérieurs du Parti à Yenan.
11 mars 1940
1. La situation politique actuelle est la suivante :
a) Sérieusement éprouvé par la Guerre de Résistance que mène la Chine, l’impérialisme japonais n’a déjà plus la force de lancer de nouvelles offensives militaires de grand style ; et le rapport des forces entre l’ennemi et nous a atteint l’étape de la stabilisation stratégique. Cependant, l’ennemi persiste dans sa politique fondamentale d’asservissement de la Chine, qu’il poursuit par le sabotage du front uni antijaponais, par l’intensification des opérations de « nettoyage » sur ses arrières et le renforcement de l’agression économique.
b) La Grande-Bretagne et la France voient leur position affaiblie en Orient du fait de la guerre en Europe, tandis que les Etats-Unis continuent leur politique consistant à « observer le combat des tigres du haut de la montagne ». L’éventualité d’une conférence de Munich en Orient est donc pour le moment exclue.
c) L’Union soviétique a remporté de nouvelles victoires dans sa politique extérieure, elle continue sa politique d’aide active à la Chine dans la Guerre de Résistance.
d) Le groupe projaponais de la grande bourgeoisie chinoise a déjà capitulé définitivement devant le Japon, et il s’apprête à former un régime fantoche. Quant au groupe pro-européen et pro-américain de la grande bourgeoisie, il peut encore poursuivre la résistance contre le Japon, mais sa tendance au compromis reste sérieuse.
Il mène une politique double : tout en voulant maintenir l’union avec diverses forces en dehors du Kuomintang pour tenir tête au Japon, il les sape par tous les moyens et s’acharne plus particulièrement contre le Parti communiste et les autres forces progressistes. C’est le groupe des irréductibles au sein du front uni antijaponais.
e) Les forces intermédiaires, qui comprennent la moyenne bourgeoisie, les hobereaux éclairés et les groupes disposant de forces locales réelles, prennent généralement position entre les forces progressistes et les irréductibles, en raison des contradictions qui les opposent aussi bien aux forces dominantes principales grands propriétaires fonciers et grande bourgeoisie qu’à la classe ouvrière et à la paysannerie. Elles forment le groupe intermédiaire au sein du front uni antijaponais.
f) Les forces progressistes du prolétariat, de la paysannerie et de la petite bourgeoisie urbaine, dirigées par le Parti communiste, se sont beaucoup développées ces derniers temps et ont déjà pratiquement réussi à établir des bases d’appui à pouvoir démocratique antijaponais. Leur influence sur les ouvriers, les paysans et la petite bourgeoisie urbaine est très grande à travers le pays ; et elle est loin d’être négligeable sur les forces intermédiaires.
Sur le théâtre des opérations, le Parti communiste combat des effectifs japonais qui égalent presque en importance ceux qu’affronté le Kuomintang. Les forces dirigées par le Parti communiste constituent le groupe progressiste au sein du front uni antijaponais.
Telle est actuellement la situation politique en Chine. Dans ces circonstances, il est encore possible de prévenir une évolution vers le pire et d’amener un tournant favorable dans la situation, et la décision prise par le Comité central le 1er février est entièrement juste.
2. La condition essentielle pour la victoire dans la Guerre de Résistance est l’extension et la consolidation du front uni antijaponais. Pour atteindre ce but, la tactique indispensable est de développer les forces progressistes, de gagner les forces intermédiaires et de combattre les forces irréductibles ; ce sont là trois maillons qu’on ne peut dissocier, et la lutte est le moyen d’unir toutes les forces qui résistent au Japon.
Dans la période du front uni antijaponais, la lutte est le moyen de parvenir à l’union, et l’union, le but de la lutte. L’union vivra si on cherche à la faire par la lutte ; elle périra si on la recherche par des concessions. Cette vérité se répand peu à peu parmi les camarades du Parti. Pourtant, beaucoup ne la saisissent pas encore.
Ils pensent que la lutte risque de briser le front uni ou qu’elle est un moyen à employer sans restriction ; ils appliquent une tactique erronée à l’égard des forces intermédiaires ou se font une idée fausse des forces irréductibles. Toutes ces erreurs doivent être rectifiées.
3. Développer les forces progressistes, cela signifie : développer les forces du prolétariat, de la paysannerie et de la petite bourgeoisie urbaine ; accroître hardiment les effectifs de la VIIIe Armée de Route et de la Nouvelle IVe Armée ; établir de nombreuses bases démocratiques antijaponaises ; étendre les organisations du Parti communiste à tout le pays ; développer à l’échelle nationale les mouvements de masse dont ceux des ouvriers, des paysans, des jeunes, des femmes et des enfants ; gagner les intellectuels de l’ensemble du pays ; étendre aux masses le mouvement démocratique pour l’instauration d’un régime constitutionnel.
L’expansion graduelle des forces progressistes est le seul moyen d’empêcher que la situation ne se détériore, de prévenir la capitulation et la rupture et de jeter les bases indestructibles de la victoire dans la Guerre de Résistance.
Mais le développement de ces forces exige une âpre lutte : il faut combattre impitoyablement non seulement les impérialistes japonais et les traîtres à la nation, mais aussi les irréductibles. En effet, les irréductibles s’opposent à cette expansion, et les forces intermédiaires se montrent sceptiques.
A moins de lutter résolument contre les irréductibles et d’obtenir des succès réels dans cette lutte, nous ne pourrons résister à leur pression ni dissiper les doutes des forces intermédiaires, et il serait alors impossible aux forces progressistes de se développer.
4. Gagner les forces intermédiaires, cela signifie gagner la moyenne bourgeoisie, les hobereaux éclairés et les groupes disposant de forces locales réelles. Ce sont là trois catégories différentes qui, cependant, font toutes partie, dans la situation actuelle, des forces intermédiaires. Par moyenne bourgeoisie, on entend la bourgeoisie nationale, distincte de la bourgeoisie compradore, c’est-à-dire de la grande bourgeoisie.
Elle est opposée aux ouvriers par des contradictions de classe et elle n’approuve pas l’indépendance de la classe ouvrière ; mais, du fait qu’elle subit le joug des impérialistes japonais dans les régions occupées et qu’elle est bridée par les grands propriétaires fonciers et la grande bourgeoisie dans les régions du Kuomintang, elle désire encore résister au Japon et, de plus, elle voudrait conquérir le pouvoir politique pour elle-même.
Dans la question de la résistance au Japon, la moyenne bourgeoisie est en faveur de l’union pour la Résistance, et, dans la question de la conquête du pouvoir, elle soutient le mouvement pour un régime constitutionnel et cherche à utiliser à ses propres fins les contradictions entre les forces progressistes et les irréductibles.
C’est une couche sociale qu’il nous faut gagner. Les hobereaux éclairés forment l’aile gauche de la classe des propriétaires fonciers, c’est-à-dire la fraction de cette classe qui possède certaines caractéristiques de la bourgeoisie et dont l’attitude politique est à peu près la même que celle de la moyenne bourgeoisie.
Des contradictions de classe les opposent à la paysannerie, mais d’autres contradictions les opposent aux grands propriétaires fonciers et à la grande bourgeoisie. Ils n’approuvent pas les irréductibles, ils cherchent à utiliser, eux aussi, les contradictions entre ces derniers et nous pour atteindre leurs propres buts politiques.
Cette fraction, elle non plus, ne doit en aucun cas être négligée, et il faut que notre politique tende à la rallier à nous. Les groupes disposant de forces locales réelles sont de deux sortes : les uns contrôlent en permanence certains territoires, et les autres, composés d’ »armées d’amalgame », n’en contrôlent pas.
S’ils sont en contradiction avec les forces progressistes, ils le sont également avec l’actuel Gouvernement central du Kuomintang en raison de la politique égoïste qu’il poursuit à leurs dépens. Eux aussi s’efforcent d’exploiter nos contradictions avec les irréductibles pour atteindre leurs propres buts politiques.
Les dirigeants de ces groupes appartiennent, pour la plupart, à la classe des grands propriétaires fonciers et à la grande bourgeoisie, c’est pourquoi, dans la Guerre de Résistance, même s’ils manifestent parfois des tendances progressistes, ils ne tardent pas à revenir à des positions réactionnaires.
Cependant, comme ils sont en contradiction avec les autorités centrales du Kuomintang, ils peuvent rester neutres au cours de notre lutte contre les irréductibles, à condition que nous pratiquions une politique juste. Notre politique à l’égard des forces intermédiaires est de gagner chacune des trois catégories définies plus haut.
Elle est toutefois distincte de celle que nous pratiquons pour gagner la paysannerie et la petite bourgeoisie urbaine, et elle varie aussi pour chaque catégorie des forces intermédiaires. La paysannerie et la petite bourgeoisie urbaine doivent être gagnées en tant qu’alliés fondamentaux et les forces intermédiaires en tant qu’alliés dans la lutte contre l’impérialisme.
Parmi ces forces intermédiaires, la moyenne bourgeoisie et les hobereaux éclairés sont susceptibles de lutter à nos côtés contre le Japon et aussi de se joindre à nous dans l’établissement d’un pouvoir démocratique antijaponais, mais ils redoutent la révolution agraire.
D’aucuns pourront participer dans une certaine mesure à la lutte contre les irréductibles, d’autres garder une neutralité bienveillante, d’autres encore rester neutres par la force des choses.
Les groupes disposant de forces locales réelles, tout en résistant avec nous à l’envahisseur japonais, ne peuvent qu’observer une neutralité provisoire dans notre lutte contre les irréductibles. Ils ne sont nullement enclins à établir avec nous un pouvoir démocratique, puisqu’ils font eux-mêmes partie de la classe des grands propriétaires fonciers et de la grande bourgeoisie.
Les forces intermédiaires ont tendance à se montrer vacillantes dans leurs positions, et sont appelées inévitablement à se différencier. Nous devons donc, compte tenu de leurs hésitations, savoir les persuader et les critiquer comme il convient.
La conquête des forces intermédiaires est pour nous une tâche des plus importantes dans la période du front uni antijaponais, mais qui ne peut être remplie qu’à certaines conditions, à savoir : a) la présence chez nous de forces suffisantes ; b) le respect des intérêts des forces intermédiaires ; c) une lutte résolue de notre part contre les irréductibles, lutte qui doit être jalonnée de victoires.
Faute de ces conditions, les forces intermédiaires seront hésitantes ou se feront même les alliées des irréductibles dans leurs attaques contre nous, car ceux-ci font également l’impossible pour les gagner afin de nous isoler.
Ces forces intermédiaires ont un grand poids en Chine et peuvent, dans bien des cas, devenir le facteur décisif dans notre lutte contre les irréductibles ; aussi faut-il être extrêmement prudent à leur égard.
5. Les forces irréductibles, ce sont actuellement les grands propriétaires fonciers et la grande bourgeoisie. Ces classes se divisent en deux groupes : celui qui a capitulé devant le Japon et celui qui est partisan de la Résistance ; elles sont appelées à se différencier encore davantage par la suite.
Au sein de la grande bourgeoisie, le groupe qui résiste au Japon diffère actuellement du groupe des capitulards. Il poursuit une politique à double caractère : d’une part, il est encore partisan de l’union pour la Résistance et, d’autre part, il pratique une politique extrêmement réactionnaire de répression des forces progressistes, préparant par là sa capitulation future.
Du moment qu’il reste favorable à l’union pour la Résistance, nous avons encore la possibilité de le faire rester dans le front uni antijaponais, et plus longtemps nous y réussirons, mieux cela vaudra. Il serait faux de négliger cette politique et la coopération avec ce groupe, de le considérer comme ayant déjà capitulé et de croire qu’il est sur le point d’entrer en guerre contre les communistes.
Mais, d’autre part, étant donné que ce groupe pratique partout dans le pays une politique réactionnaire de répression des forces progressistes, qu’il ne suit pas le programme commun ─ les trois principes du peuple révolutionnaires ─ et s’obstine à nous empêcher de l’appliquer, qu’il s’oppose résolument à ce que nous dépassions les limites qu’il nous a fixées, nous permettant seulement de mener contre les envahisseurs une guerre de résistance aussi passive que la sienne, étant donné enfin qu’il tente de nous assimiler et exerce sur nous, si nous lui résistons, une pression idéologique, politique et militaire, il est nécessaire que nous adoptions une tactique de riposte à sa politique réactionnaire et que nous menions contre lui une lutte résolue sur le plan idéologique, politique et militaire.
Telle est la double politique révolutionnaire que nous opposons à la double politique des irréductibles, telle est notre politique d’union par la lutte.
Si, sur le plan idéologique, nous sommes capables d’énoncer une juste théorie révolutionnaire et de porter un coup sévère à leur théorie contre-révolutionnaire ; si, sur le plan politique, nous prenons des mesures tactiques répondant aux exigences du moment et portons un rude coup à leur politique de lutte contre les communistes et le progrès ; si nous prenons les mesures militaires adéquates et ripostons énergiquement à leurs attaques, alors nous serons à même de limiter la portée de la politique réactionnaire des irréductibles et de les obliger à reconnaître le statut des forces progressistes, nous pourrons développer ces dernières, gagner les forces intermédiaires et isoler les irréductibles.
Et nous serons du même coup en mesure de gagner ceux des irréductibles qui désirent encore résister au Japon, de les faire rester plus longtemps dans le front uni antijaponais et d’éviter ainsi une guerre civile de grande envergure, semblable à celle qui a eu lieu dans le passé.
C’est pourquoi, dans la période du front uni antijaponais, notre lutte contre les irréductibles a pour but non seulement de parer à leurs attaques, de manière à éviter des pertes aux forces progressistes et à leur assurer un développement continuel, mais aussi de faire durer plus longtemps la résistance des irréductibles contre le Japon et leur coopération avec nous, afin de conjurer une guerre civile de grande ampleur.
Sans cette lutte, les forces progressistes risqueraient d’être anéanties par les irréductibles, le front uni ne pourrait plus exister, plus rien n’empêcherait les irréductibles de capituler devant l’ennemi, et la guerre civile éclaterait.
Par conséquent, la lutte contre les irréductibles est un moyen indispensable pour unir toutes les forces de la Résistance, amener un tournant favorable dans la situation actuelle et empêcher une guerre civile de vaste envergure.
Toute notre expérience confirme cette vérité.
Mais, durant la période du front uni contre le Japon, il est nécessaire d’observer les principes suivants dans notre lutte contre les irréductibles. Premièrement, le principe de la légitime défense. Nous n’attaquerons pas à moins d’être attaqués, mais si nous sommes attaqués, nous contre-attaquerons.
Cela signifie que nous ne devons jamais lancer d’attaques sans avoir été provoqués, ni demeurer sans riposte quand nous sommes attaqués. C’est en cela que réside le caractère défensif de notre lutte. Les attaques armées des irréductibles doivent être brisées résolument, radicalement, intégralement, totalement. Deuxièmement, le principe de la victoire.
Nous ne nous battons que si nous sommes sûrs de vaincre. Il ne faut en aucun cas engager le combat sans plan, sans préparation et sans assurance du succès. Nous devons savoir exploiter les contradictions des irréductibles ; il nous faut, pour les battre, nous en prendre d’abord aux plus réactionnaires, et non à tous à la fois. C’est en cela que réside le caractère limité de la lutte. Troisièmement, le principe de la trêve.
Après avoir repoussé une attaque des irréductibles et avant qu’ils n’en déclenchent une nouvelle, nous devons savoir nous arrêter et mettre un terme à la lutte. La période suivante est celle d’une trêve entre les deux parties. Nous prenons alors l’initiative de réaliser l’union avec les irréductibles ; s’ils acceptent, nous concluons avec eux un accord de paix.
En aucun cas nous ne devons-nous battre sans répit, jour après jour, heure après heure, ni nous laisser griser par la victoire. C’est en cela que réside le caractère temporaire de chacun de nos combats.
Nous ne répondons de nouveau par la lutte qu’au moment où les irréductibles lancent une nouvelle attaque. En d’autres termes, ces trois principes peuvent s’exprimer ainsi : « avoir le bon droit de son côté, s’assurer l’avantage et garder la mesure ».
En persistant à lutter selon ces principes, nous développerons les forces progressistes, gagnerons à nous les forces intermédiaires et isolerons les irréductibles ; nous pourrons aussi amener ces derniers à bien réfléchir avant de nous attaquer, avant d’entrer en compromis avec l’ennemi ou avant de déchaîner une guerre civile de grande envergure. Nous aurons ainsi rendu possible une amélioration de la situation actuelle.
6. Le Kuomintang est un parti dont la composition est complexe ; il comprend aussi bien des irréductibles que des éléments intermédiaires et des progressistes ; on ne saurait donc assimiler tout le Kuomintang au groupe des irréductibles.
Comme le Comité exécutif central du Kuomintang a édicté des instructions contre-révolutionnaires génératrices de « frictions », telles les « Mesures pour la limitation de l’activité des partis hérétiques », et qu’il a mobilisé toutes ses forces pour provoquer partout dans le pays des « frictions » contrerévolutionnaires sur les plans idéologique, politique et militaire, certains estiment que tout le Kuomintang est composé d’irréductibles ; cette manière de voir est erronée.
Aujourd’hui, au sein du Kuomintang, les irréductibles sont toujours en situation de dicter la politique de leur parti, mais ils ne sont qu’une minorité ; la majorité des membres (beaucoup ne le sont que de nom) ne sont pas forcément des irréductibles.
Il est indispensable de voir clair sur ce point, alors seulement nous pourrons tirer profit des contradictions existant au sein du Kuomintang, adopter une politique différente à l’égard de chacun des groupes qui le composent et faire les plus grands efforts pour unir à nous ses éléments intermédiaires et progressistes.
7. Quant au pouvoir politique dans les bases antijaponaises, il faut préciser qu’il doit être celui du front uni national antijaponais. Un tel pouvoir n’existe pas encore dans les régions sous la domination du Kuomintang.
Il s’agit du pouvoir politique de tous ceux qui sont pour la Résistance et la démocratie, c’est-à-dire de la dictature démocratique exercée conjointement par plusieurs classes révolutionnaires sur les traîtres à la nation et les réactionnaires, dictature qui diffère de celle des propriétaires fonciers et de la bourgeoisie, mais aussi, à certains égards, de la dictature démocratique des ouvriers et paysans au sens strict du terme.
La composition des organes du pouvoir doit être la suivante : les communistes, représentant le prolétariat et les paysans pauvres, y entreront pour un tiers ; les éléments progressistes de gauche, représentant la petite bourgeoisie, pour un tiers également ; le dernier tiers reviendra aux éléments intermédiaires et autres, représentants de la moyenne bourgeoisie et des hobereaux éclairés.
Seuls les traîtres à la nation et les éléments anticommunistes n’ont pas qualité pour en faire partie. Cette règle générale est nécessaire si on ne veut pas compromettre le principe d’un pouvoir de front uni national antijaponais.
C’est la politique authentique de notre Parti au sujet de la composition des organes du pouvoir, politique qu’il convient d’appliquer consciencieusement et non pour la forme. Mais ce n’est là qu’une règle générale qu’il faut appliquer en tenant compte des circonstances ; il ne faut pas s’en tenir aux proportions d’une façon mécanique.
Dans les organes du pouvoir à l’échelon le plus bas, cette règle peut être quelque peu modifiée pour prévenir la mainmise des despotes locaux, des mauvais hobereaux et des propriétaires fonciers.
Cependant, elle ne doit pas être transgressée pour ce qu’il y a d’essentiel dans son esprit. Quant aux non-communistes entrant dans les organes du pouvoir du front uni antijaponais, nous n’avons pas à nous demander s’ils ont adhéré à un parti, ni à quel parti ils appartiennent.
Dans les régions où s’exerce le pouvoir du front uni antijaponais, un statut légal doit être accordé à n’importe quel parti, qu’il s’agisse du Kuomintang ou de tout autre parti, pourvu qu’il ne s’oppose pas au Parti communiste, mais coopère avec lui.
En matière d’élections, la politique adoptée est que tout citoyen chinois, âgé de dix-huit ans révolus et partisan de la Résistance et de la démocratie, a le droit d’élire et d’être élu, sans distinction de classe, de nationalité, d’appartenance politique, de sexe, de croyance et de niveau d’instruction.
Les organes du pouvoir du front uni antijaponais doivent être élus par le peuple, puis se faire valider par le Gouvernement national. Leur forme d’organisation répondra au principe du centralisme démocratique. Leur programme politique doit avoir essentiellement pour point de départ la lutte contre l’impérialisme japonais, la lutte contre les traîtres et les réactionnaires avérés, la protection du peuple qui résiste au Japon, le rajustement des intérêts de toutes les couches sociales qui participent à la Résistance, l’amélioration des conditions de vie des ouvriers et des paysans.
La création de tels organes aura une énorme influence sur tout le pays et servira de modèle à un pouvoir de front uni à l’échelle nationale ; il importe donc que tous les camarades de notre Parti comprennent à fond cette politique et la mettent résolument en pratique.
8. Dans notre lutte pour développer les forces progressistes, gagner les forces intermédiaires et isoler les forces irréductibles, nous ne devons pas négliger le rôle des intellectuels, d’autant plus que les irréductibles font tous leurs efforts pour les gagner à eux ; c’est donc une politique importante, indispensable, que de gagner tous les intellectuels progressistes et de les placer sous l’influence de notre Parti.
9. Notre propagande doit se faire conformément au programme suivant :
a) Exécuter le testament du Dr Sun Yat-sen en soulevant les masses pour une résistance unanime au Japon.
b) Réaliser le principe du nationalisme en combattant résolument l’impérialisme japonais et en travaillant à la libération complète de la nation chinoise et à l’égalité en droits de toutes les nationalités du pays.
c) Réaliser le principe de la démocratie en assurant au peuple la liberté pleine et entière de résister au Japon pour le salut de la nation, en faisant élire par le peuple les organes gouvernementaux à tous les échelons et en instaurant le pouvoir démocratique révolutionnaire du front uni national antijaponais.
d) Réaliser le principe du bienêtre du peuple par la suppression des impôts exorbitants et des taxes multiples, par la réduction des fermages et du taux d’intérêt des prêts, l’institution de la journée de huit heures, le développement de l’agriculture, de l’industrie et du commerce, l’amélioration des conditions de vie du peuple.
e) Mettre en pratique la déclaration de Tchiang Kaï-chek selon laquelle « tout homme, qu’il soit du Nord ou du Sud, qu’il soit jeune ou vieux, a le devoir de résister à l’envahisseur et de défendre le sol de la patrie ». Tous ces points figurent dans le programme publié par le Kuomintang lui-même et constituent aussi le programme commun du Kuomintang et du Parti communiste.
Mais, actuellement, le Kuomintang est incapable de les mettre à exécution, sauf pour ce qui est de la résistance au Japon ; seuls le Parti communiste et les forces progressistes sont à même d’appliquer ce programme.
C’est d’ailleurs le plus simple qui soit ; il a déjà été largement diffusé dans le peuple, mais beaucoup de membres du Parti communiste ne savent pas encore s’en servir comme d’une arme pour soulever les masses populaires et isoler les irréductibles.
Dorénavant, il faut avoir constamment à l’esprit les cinq points ci-dessus et les populariser sous forme d’avis au public, de déclarations, de tracts, d’articles, de discours, d’entretiens, etc.
Dans les régions du Kuomintang, ce n’est qu’un programme de propagande, mais dans les régions où s’installent la VIIIe Armée de Route et la Nouvelle IVe Armée, c’est un programme d’action. En nous y conformant, nous agissons d’une façon légale, et quand les irréductibles s’opposent à ce que nous le réalisions, ils violent la légalité.
A l’étape de la révolution démocratique bourgeoise, ce programme du Kuomintang est, pour l’essentiel, le même que le nôtre. Cependant, l’idéologie du Kuomintang est foncièrement différente de celle du Parti communiste. Nous devons seulement mettre en pratique ce programme commun de la révolution démocratique, sans partager en aucune façon l’idéologie du Kuomintang.