Maurice Thorez a été la grande figure du Parti Communiste français.
Avant lui, le PCF n’était qu’un assemblage de différents courants opposés voire antagoniques et largement marqués soit par le réformisme, soit par l’anarcho-syndicalisme.
Avec lui, le PCF est devenu un parti extrêmement bien organisé, qui a lancé l’initiative du Front populaire et, enfin, qui a été capable de participer de manière décisive à la Résistance.
Après lui, le PCF s’effondrera lentement mais sûrement, dans un processus inexorable. Le noyau même de l’histoire du PCF repose donc sur la figure de Maurice Thorez.
Ce que représente Maurice Thorez pour la fusion des éléments fondant le PCF
Il serait cependant erroné de considérer que Maurice Thorez aurait émergé comme un grand dirigeant liquidant les erreurs du passé et, qu’après sa mort, ce qu’il représente aurait été trahi.
En effet, la ligne du PCF après sa mort a toujours correspondu avec ce qu’il avait développé comme position. De même, Maurice Thorez ne parvient à la direction du PCF que, justement, parce qu’il synthétise les courants auxquels il prétend s’opposer.
Ce qu’il représente, finalement, c’est très exactement la social-démocratie. Il est faux de considérer qu’il y a une social-démocratie en France à la fin du 19e siècle, ou même encore que Jean Jaurès en est la grande figure.
La social-démocratie, historiquement, est la première fusion entre le socialisme scientifique et le mouvement ouvrier : en Allemagne, en Autriche, en Bohême-Moravie, etc. la social-démocratie est née sur le terrain idéologique du marxisme et de la révolution socialiste.
En France, tel n’a pas été le cas, et la facture pour cette pseudo-social-démocratie a été l’émergence extrêmement puissante de l’anarcho-syndicalisme et du syndicalisme révolutionnaire.
Le PCF est justement né comme rassemblement de militants réformistes authentiques et de radicaux anarcho-syndicalistes et syndicalistes-révolutionnaires. Leur fusion a été précisément élaborée par la figure de Maurice Thorez.
Pas de « mannequins » – Les bouches s’ouvrent – « Jetons la pagaie ! »
Maurice Thorez a été un cadre du PCF depuis ses débuts, avec quelques errements idéologiques notamment en faveur du trotskysme. En fin de compte, il s’est retrouvé à la direction de par ses capacités oratoires, intellectuelles et organisationnelles.
C’est le premier point significatif : Maurice Thorez ne représente pas une ligne idéologique qu’il aurait formulée : il ne porte pas une pensée, c’est-à-dire une perspective de la révolution socialiste dans un pays donné, selon des conditions concrètes.
Maurice Thorez est porté par les événements et il est à un moment « l’homme de la situation ». Cette situation, c’est celle qui lui permet l’accession à la direction du PCF, au moyen de plusieurs articles pratiques :
– Partis et syndicats (5 août 1931)
– Démocratie syndicale (7 août 1931)
– Pas de « mannequins » (14 août 1931)
– Les bouches s’ouvrent (21 août 1931)
– « Enfin, on va discuter ! » (1er septembre 1931)
– « Jetons la pagaïe ! » (23 septembre 1931)
– Pas de combines ! La lutte de classes ! (29 septembre 1931)
– La lutte pour l’unité syndicale (septembre 1931)
– Les tâches des communistes dans les syndicats (22 et 24 novembre 1931)
La question syndicale au cœur de l’identité du PCF
Dans la foulée de la naissance du PCF fut fondée une Confédération Générale du Travail Unitaire (CGTU) assumant une identité favorable au communisme, par opposition à la CGT restante, proche des socialistes et rassemblant entre un tiers et la moitié des adhérents.
Or, historiquement, face au réformisme à la fin du 19e siècle, les éléments les plus radicaux refusèrent l’idéologie et se précipitèrent dans l’anarcho-syndicalisme et le syndicalisme-révolutionnaire.
Et on peut voir que Maurice Thorez reste dans cette perspective. Dans le document « Partis et syndicats », il affirme que :
« Le Parti tout entier – ses cadres, ses organisations, sa presse – tout doit être tourné vers le congrès confédéral [de la CGTU]. Tous les comités du Parti, et avant tout nos cellules d’usines, doivent soutenir l’effort des organisations unitaires pour intéresser les masses au programme de lutte de la CGTU. Ce sera la meilleure forme de préparation aux prochaines élections cantonales. »
Cette position est, finalement, celle qui sera celle du PCF jusqu’aux années 1980. Le Parti soutient l’unité syndicale la plus large, se posant comme aile la plus avancée, mais, en même temps, il se considère comme organiquement lié au syndicat et à son expérience, comme on le voit lorsqu’il pose la relation entre le soutien au syndicat et les élections.
Maurice Thorez s’oppose ainsi à l’anarcho-syndicalisme en prônant un Parti qui ne se confond pas avec le syndicat, mais il effectue cela en soumettant le Parti à « l’unité » à la base du syndicat. C’est la clef décisive qui permet de comprendre pourquoi, avec le Front populaire, toute base idéologique sera abandonnée, au nom de l’unité.