La question du pouvoir d’État était bien entendu fondamentale, au-delà des réformes économiques, même si bien sûr les deux sont dialectiquement liées puisque Henri IV apparaît comme celui qui historiquement doit résoudre la crise de croissance de la monarchie absolue.
Une figure essentielle fut ici le protestant Maximilien de Béthune, duc de Sully (1559-1641), qui fut extrêmement proche d’Henri IV et dont une phrase est ici très connue :
« Labourage et pâturage sont les deux mamelles dont la France est alimentée, les vraies mines et trésors du Pérou. »
On a là une logique qui est celle, non pas de la colonisation féodale comme menée par l’Espagne en Amérique, mais de la valorisation des richesses nationales. Ici, on a une démarche typiquement protestante et on ne sera guère étonné que des capitaux venus des Pays-Bas, place-forte du capitalisme et du protestantisme, furent utilisés pour assécher une partie du marais poitevin, au moyen d’ingénieurs flamands protestants réfugiés.
Sully fit en sorte d’unifier le marché national, en supprimant une quantité importante de péages, en permettant la liberté du commerce des grains, en organisant un réseau de voies de communication, notamment par des canaux tel que celui de Briare reliant la Seine à la Loire. À ce titre, il était grand voyer de France : responsable des routes, il organisa leur réfection et fit planter des ormes aux bords des routes en prévision des besoins de la marine.
Car Sully s’occupait également des questions militaires. Surintendant des fortifications et grand maître de l’artillerie de France, il se chargea de cumuler les armes et munitions dans l’arsenal, ainsi que de fortifier les défenses aux frontières. Lui-même avait participé auparavant à toutes les batailles protestantes, étant plusieurs fois blessé.
C’est à ce titre que Henri IV lui confia ses responsabilités, ayant une totale confiance en lui, le nommant également surintendant des finances, pour surveiller les comptes.
On est ici tellement dans une démarche d’appareil d’État que, alors qu’il était protestant lui-même, Sully conseilla à Henri IV de se convertir au catholicisme et joua un rôle pour convaincre des responsables catholiques de la Ligue de soutenir le pouvoir royal.
C’est là particulièrement significatif du rôle joué par Henri IV. De fait, ce dernier mit au pas les institutions ayant profité de la guerre des religions pour s’émanciper du pouvoir royal : les échevinages, les états provinciaux, les cours souveraines, les corps intermédiaires, des collèges d’officiers, des assemblées d’ordre.
Il fit également en sorte de se procurer des revenus en modifiant le statut de la « noblesse de robe », c’est-à-dire les postes administratifs permettant de s’intégrer aux institutions. L’hérédité des offices ne fonctionnait qu’avec une résignation quarante jours auparavant ; une taxe annuelle valant le soixantième de la valeur de l’office permit d’outrepasser cela.
Cela rapporta un million de livres, notamment avec un groupe de financiers protestants. De 1596 à 1635, le prix moyen d’une charge de conseiller au parlement de Paris passa de 10 000 à 120 000 livres.
Henri IV fit en sorte de briser les rapports de soumission au sein de l’aristocratie, qui formaient un clientélisme opposé à la monarchie absolue. Il arracha aux gouverneurs les pouvoirs non militaires, c’est-à-dire politiques, financiers et judiciaires. Il plaça ses hommes dans les places fortes les plus importantes.
Il retira au connétable le commandement des armées, ainsi qu’au colonel général de l’infanterie, Jean-Louis de Nogaret, duc d’Epernon, le choix et la promotion d’une partie des officiers.
La haute noblesse tenta de saboter le processus, ce qui exigea des réponses militaires. Une opération fut également menée en 1605 dans le Limousin contre les vassaux du duc de Bouillon, puis contre ce dernier à Sedan, où une garnison royale s’installe en 1606.
Mais c’est surtout en 1602 la conjuration de l’un de ses proches, Charles de Gontaut, duc de Biron, pair et maréchal de France, appuyé par l’Espagne, qui eut le plus de retentissement.
Le pape fut très inquiet de cette opération de déstabilisation réalisée alors que la monarchie absolue semblait revenue pour de bon dans le giron catholique. Il dénonça vivement le duc de Biron – qui fut exécuté à la Bastille – et l’Espagne fut critiquée par un rapprochement avec la France.
C’était là un coup de maître politique, renforçant la monarchie absolue mais montrant bien le caractère relatif de l’édit de Nantes.
Dès 1603, Henri IV autorise le retour des jésuites en France ; le Vatican, de son côté, accorde une dispense de consanguinité à la soeur d’Henri IV, Catherine de Bourbon qui est protestante, reconnaissant son mariage avec le duc de Bar, fils du duc de Lorraine et catholique.
En 1604, le cardinal Del Bufalo, nonce en France, intervient comme intermédiaire entre la France et l’Espagne pour en terminer avec une guerre des tarifs. Henri IV fit don en 1604 de l’abbaye de Clairac, le Vatican plaçant en 1608 une statue d’Henri IV sous le porche de la cathédrale de Rome. Entre-temps, en 1605, c’est le cardinal de Florence, pro-francais, qui devient le pape Léon XI.
La monarchie absolue dépassait sa crise, relançant le processus de son affirmation comme plus haut développement de la féodalité, permettant à la nation d’exister par le marché et par là renforçant la bourgeoisie.