Moïse, Jésus, Mahomet: un refuge pour le peuple

Le droit ne peut s’imposer, s’il ne transporte pas quelque chose de supérieur par rapport à auparavant. C’est pour cela que la religion est un refuge ; Moïse, Jésus et Mahomet ont construit la religion comme projet politique très concret, comme modification juridique.

Cependant, en même temps, ils devaient inévitablement également réfuter les difficultés de la vie matérielle, en tentant de souligner que le nouveau droit apporterait la justice.

C’est de là que vient « l’humanisme » que portent les religions ; c’est ce que Karl Marx a expliqué avec sa fameuse formule de « l’opium du peuple », sur le double caractère de la religion : protestation contre la dureté de la vie et expression en même temps de celle-ci.

Moïse, Jésus et Mahomet sont ici des grands poètes, exprimant avec douceur et sévérité en même temps les difficultés de la vie humaine. C’est cela qui les a rendu populaire.

Voici la sourate 113 du Coran, appelée al-Falaq, « l’aube naissante » :

« Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
1. Dis : « Je cherche protection auprès du Seigneur de l’aube naissante,
2. contre le mal des êtres qu’Il a créés,
3. contre le mal de l’obscurité quand elle s’approfondit,
4. contre le mal de celles qui soufflent (les sorcières) sur les noeuds,
5. et contre le mal de l’envieux quand il envie ».

Sourate 113 – al-Falaq – l’aube naissante

Jésus a tenu des propos également d’une magistrale poésie, comme avec la parabole du berger. Voici comment Jean raconte cela :

1 « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n’entre pas par la porte dans l’enclos des brebis mais qui escalade par un autre côté, celui-là est un voleur et un brigand.
2 Mais celui qui entre par la porte est le berger des brebis.
3 Celui qui garde la porte lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix ; les brebis qui lui appartiennent, il les appelle, chacune par son nom, et il les emmène dehors.
4 Lorsqu’il les a toutes fait sortir, il marche à leur tête, et elles le suivent parce qu’elles connaissent sa voix.
5 Jamais elles ne suivront un étranger ; bien plus, elles le fuiront parce qu’elles ne connaissent pas la voix des étrangers. »
6 Jésus leur dit cette parabole, mais ils ne comprirent pas la portée de ce qu’il disait.
7 Jésus reprit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, je suis la porte des brebis.
8 Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des brigands, mais les brebis ne les ont pas écoutés.
9 Je suis la porte : si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé, il ira et viendra et trouvera de quoi se nourrir.
10 Le voleur ne se présente que pour voler, pour tuer et pour perdre ; moi, je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance.
11 « Je suis le bon berger : le bon berger se dessaisit de sa vie pour ses brebis.
12 Le mercenaire, qui n’est pas vraiment un berger et à qui les brebis n’appartiennent pas, voit-il venir le loup, il abandonne les brebis et prend la fuite ; et le loup s’en empare et les disperse.
13 C’est qu’il est mercenaire et que peu lui importent les brebis.
14 Je suis le bon berger, je connais mes brebis et mes brebis me connaissent,
15 comme mon Père me connaît et que je connais mon Père ; et je me dessaisis de ma vie pour les brebis.

Jean, 10:1-10

Dans la Bible juive, c’est pas Moïse qui compte pour la compassion, car celle-ci ne peut qu’être nationale, or Moïse n’est pas rentré sur la terre promise, justement pour une question juridique, ayant frappé un rocher dans le désert pour obtenir de l’eau, au lieu de parler à ce rocher, ce qui sous-tend un manque de confiance dans le commandement divin.

Par conséquent, la compassion est forcément liée à la sagesse, car là on est déjà dans un cadre proto-national, dans un Etat presque constitué nationalement. C’est la très grande particularité de la Bible juive, et indéniablement ce qui a fait son succès.

Par ailleurs, les multiples commentaires de celle-ci dans le cadre du judaïsme touchent surtout les questions juridiques. Lorsqu’on dit que le judaïsme est une religion du livre, on devrait dire surtout des livres concernant le droit.

La figure de Salomon est ici très connue, avec son fameux « jugement », et il faut bien comprendre que Moïse est intégré ici idéologiquement, comme celui qui ouvre cette perspective morale et juridique :

16 En ce temps-là, deux femmes de mauvaise vie vinrent se présenter devant le roi.
17 Et l’une de ces femmes dit « Ecoute-moi, Seigneur! Moi et cette femme nous habitons la même maison ; j’y ai donné naissance à un enfant, étant avec elle.
18 Trois jours après ma délivrance, cette femme a également accouché. Or, nous vivons ensemble, nul étranger n’habite avec nous la maison, nous deux seules y demeurons.
19 Pendant la nuit, l’enfant de cette femme est mort, parce qu’elle s’était couchée sur lui.
20 Mais elle s’est levée au milieu de la nuit, a enlevé mon fils d’auprès de moi, tandis que ta servante était endormie, l’a couchée sur son sein, et son fils qui était mort, elle l’a déposé entre mes bras.
21 Comme je me disposais, le matin, à allaiter mon enfant, voici, il était mort! Je l’examinai attentivement quand il fit grand jour, et ce n’était pas là le fils que j’avais enfanté.
22 Non pas! dit l’autre femme, mon fils est vivant, et c’est le tien qui est mort! Point du tout, reprit la première, c’est le tien qui est mort, celui qui vit est le mien! » C’est ainsi qu’elles discutaient devant le roi.
23 Le roi dit alors: « L’une dit: Cet enfant qui vit est le mien, et c’est le tien qui est mort; l’autre dit: Non, c’est le tien qui est mort, celui qui vit est le mien. »
24 Le roi ajouta: « Apportez-moi un glaive; » et l’on présenta un glaive au roi.
25 Et le roi dit: « Coupez en deux parts l’enfant vivant, et donnez-en une moitié à l’une de ces femmes, une moitié à l’autre. »
26 La mère de l’enfant vivant, dont les entrailles étaient émues de pitié pour son fils, s’écria, parlant au roi: « De grâce, seigneur! Qu’on lui donne l’enfant vivant, qu’on ne le fasse pas mourir! » Mais l’autre disait: « Ni toi ni moi ne l’aurons: coupez! »
27 Le roi reprit alors la parole et dit: « Donnez-lui l’enfant vivant et gardez-vous de le faire mourir: celle-ci est sa mère. »
28 Tout Israël eut connaissance du jugement que le roi avait rendu, et ils furent saisis de respect pour le roi; car ils comprirent qu’une sagesse divine l’inspirait dans l’exercice de la justice.

Prophètes, Rois 1, 3:16-28

Justice et compassion, se mêlant l’un l’autre: voilà le socle du succès de Moïse, Jésus et Mahomet.

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