Parti Communiste, crise générale, démocratie populaire

L’Histoire est l’histoire de la lutte des classes et le Parti Communiste est l’organisation des gens ayant justement compris le sens de l’histoire. Il ne s’agit pas d’une idée révolutionnaire plaquée abstraitement sur une société, ou même de grandes réformes élaborées de manière théorique et qu’on voudrait voir être instaurées.

Le Parti Communiste pose son regard au moyen d’une grille historique : il définit la situation, les tâches et agit conformément à la lutte des classes, qui historiquement marque le passage du capitalisme au socialisme.

Il fait face à l’opportunisme, qui profite du fait que certaines choses ne soient pas encore possibles pour prôner un soutien au capitalisme ; il fait face au gauchisme qui veut forcer le cours de l’histoire au moyen de méthodes se voyant attribuées des propriétés littéralement magiques.

Au-delà de ces considérations générales, il faut voir en quoi le Parti Communiste est le produit d’une époque… le produit de son époque. Il est en effet incarné ; ce sont des êtres de chair qui le composent, qui l’ont forgé, qui sont forgés par lui. Étant donné qu’il est composé d’êtres concrets, de militants, de cadres, d’une direction, sur la base d’une pensée ayant synthétisé la nature du pays concerné… c’est tout un processus historique complexe, dont le cheminement n’est pas linéaire.

Au cours de ce processus, à la base, il y a le noyau dur, qui voit le chemin et qui agit en tant que Parti pour le Parti. Ce sont des gens qui ont compris les caractéristiques générales de la période historique, qui ont participé à la lutte des classes de leur pays et en ont saisi les traits généraux. Ce noyau est déjà le Parti et il ne l’est pas encore, car il représente la substance du Parti, qui cependant doit encore se conjuguer avec les luttes de classes pour produire l’Histoire.

Il est tout à fait possible que l’Histoire ne soit, en certains cas, pas au rendez-vous, ce qui fait qu’il y a de la lutte de classes, mais pas selon les modalités attendues. En Allemagne de l’Ouest, au début des années 1970, la Fraction Armée Rouge naît par exemple de ce constat d’impossibilité de la révolution à court et moyen terme, de par les conditions historiques alors. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait rien à faire, cependant l’ambition est forcément moins grande de par un telle analyse qui montre que la situation oblige les communistes à rester particulièrement isolés.

Heureusement, nous échappons en 2020 en France à un tel triste constat, ou plus exactement nous commençons à y échapper. La raison, c’est l’irruption de la seconde crise générale du capitalisme.

Le PCF(mlm) a affirmé que l’irruption du COVID-19 correspondait à l’expression d’une nouvelle crise générale du capitalisme. La première crise générale du capitalisme avait ,comme aspect principal, la contradiction entre le travail manuel et le travail intellectuel : la bourgeoisie totalement aux commandes avait mené les travailleurs à la boucherie de 1914-1918, mais heureusement les bolcheviks avaient saisi la situation et mené les travailleurs au pouvoir en Russie.

La seconde crise générale du capitalisme a de son côté, comme aspect principal, la contradiction entre villes et campagnes : le capitalisme élancé au niveau mondial provoque une urbanisation qui défigure la Biosphère planétaire et provoque des catastrophes sanitaires, dont celle du COVID-19 qui a littéralement provoqué de lourds blocages économiques et politiques.

Le mode de production capitaliste est rentré dans le mur et c’est cela qui justifie le Parti Communiste. Le Parti Communiste Français a été le Parti à la suite de la première crise générale, le PCF(mlm) sera celui de la seconde.

Mais comment réussir là où le Parti Communiste Français a échoué ? Justement en comprenant mieux la seconde crise générale que le Parti Communiste Français n’avait compris la première.

Rappelons les faits. Le Parti Communiste Français avait très bien compris le Front populaire, dont il a été l’initiateur concret. Il a été toutefois incapable de prolonger le tir, ce qui s’est vu dans le réformisme de Maurice Thorez, le dirigeant du Parti Communiste Français du tout début des années 1930 au début des années 1960. Au lieu d’en arriver à la Démocratie populaire, le Parti Communiste Français a cherché à démocratiser le capitalisme. Il s’est donc inscrit dans les institutions. Il s’est fait engloutir.

Alors, pour se justifier, il a mis en avant la théorie du « Capitalisme Monopoliste d’État » : l’État serait devenu neutre, il aurait fusionné avec les grands capitalistes, il faudrait l’arracher à ceux-ci et le démocratiser.

C’est là du révisionnisme. Le PCF(mlm) l’a compris et a par conséquent réactivé l’affirmation de la nécessité de la Démocratie populaire, en se réappropriant les enseignements de l’Internationale Communiste et de Staline, en revenant à la source. Ce fut un processus complexe, une bataille pour la récupération des fondamentaux, un travail de fond idéologique de grande ampleur.

Qu’est-ce que la Démocratie populaire ? C’est l’unité des forces anti-monopolistes. Il ne s’agit pas de réaliser le socialisme, il s’agit d’unir les forces refusant le pouvoir des monopoles et ses menées guerrières. On l’aura compris : la notion de Démocratie populaire est éminemment défensive ; elle est dialectiquement le pendant de la révolution. S’il y a une offensive alors on peut faire la révolution ; si on ne peut pas, que le capitalisme a l’initiative, il faut la Démocratie populaire.

Comment le capitalisme peut-il avoir l’initiative ? En allant vers la guerre impérialiste par la mobilisation populaire au moyen du fascisme. C’est la fuite en avant de la bourgeoisie passée sous la direction de sa partie la plus agressive, la plus puissante, celle des monopoles.

Ce processus était extrêmement puissant dans les années 1920-1930 en raison de la crise générale du capitalisme produite par la première guerre mondiale et la révolution russe d’octobre 1917. Le capitalisme était en perdition et pour s’en sortir, chaque pays allait à la confrontation. Les communistes allemands, autrichiens et italiens, pour ne mentionner que les cas les plus connus, se sont faits littéralement déborder par ce processus.

Pourquoi le PCF(mlm) affirme-t-il qu’il faut la Démocratie populaire ? Pourquoi adopter une position défensive ? La raison en est que dans les métropoles impérialistes, le 24 heures sur 24 du capitalisme a littéralement lessivé le mouvement ouvrier. En 2020, le niveau de conscience est pratiquement nul, le degré de corruption immense. Que ce soit sur le plan des idées, de l’organisation, de tout ce qu’on voudra, les masses populaires sont en-dessous de tout. Elles sont emprisonnées dans le capitalisme.

Il suffit de voir les gilets jaunes, un mouvement petit-bourgeois radicalisé, sans base ni envergure puisque petit-bourgeois. Qu’un tel mouvement puisse exister en dit long sur le vide complet qui caractérise la situation française. Les syndicalistes tentent des coups de force sans y arriver, les anarchistes cassent des vitrines et tout s’arrête là, alors qu’une partie des masses est attirée par l’extrême-droite pour espérer qu’un capitalisme national les aidera à s’en sortir.

Le processus est bien entendu contradictoire, mais dans tous les cas il est évident que le processus de reconstruction du camp des travailleurs va être particulièrement douloureux, étant donné tous les sacrifices à réaliser. Il y a une certaine expérience du conflit social, mais aucune perspective de lutte de classe consciente et il n’y a de ce fait ni détermination, ni engagement, ni participation de la classe ouvrière à quoi que ce soit pour l’instant.

Tout cela va changer, mais cela implique une transformation très exigeante, qui devra se produire dans un contexte très difficile. Autant dire que c’est une position défensive, alors que du côté du capitalisme, il y a une longue expérience du pouvoir, un État à son service, un processus d’entraînement dans la compétition impérialiste internationale, dont la confrontation sino-américaine, c’est-à-dire la bataille de la superpuissance hégémonique contre la superpuissance en devenir cherchant à prendre directement la première place, est l’aspect principal.

La ligne n’est donc pas celle de promouvoir directement la révolution, une chose qui apparaît clairement impossible. La ligne est de mettre en place les vecteurs démocratiques populaires forgeant un contre-pouvoir face à ce qui caractérise le capitalisme en crise : l’effondrement de la société sur elle-même et sa reprise en main par en haut.

La difficulté est d’à la fois lutter contre la décadence et d’également lutter contre ce qui prétend lutter contre cette tendance. Le capitalisme en crise, c’est en effet l’individualisme, les idéologies relativistes allant jusqu’à nier la réalité biologique humaine, l’affirmation des « libertés » absolues de l’individu à faire ce qu’il entend comme il l’entend… et en même temps une mobilisation collective sur une base nationaliste, avec une militarisation généralisée accompagnant l’avancée vers la guerre impérialiste.

Autrement dit, c’est en comprenant les modalités de la crise générale que le Parti Communiste se construit, parallèlement à la crise, comme réponse historique à la crise. Il n’est pas un produit de la lutte de classes en général ou d’activités en particulier. Il suit une ligne historique qui est celle de la crise. C’est parce qu’ils n’ont pas compris ces modalités que les communistes ont échoué en Europe dans les années 1920-1930, à un moment la crise les a dépassés.