Paul Boccara : «Anthroponomie» et civilisation

Le concept d’anthroponomie est employé pour la première fois par Paul Boccara en 1969, mais c’est surtout après 1990 qu’il va l’utiliser en remplacement du programme communiste.

Ce terme apparaît à la suite du manifeste de Champigny, en décembre 1968, où le PCF souligne l’importance des formes para-étatiques pour mobiliser les masses. Il y a là une idée de « reconquête » de l’État, d’où d’ailleurs les références historiques toujours plus nombreuses du PCF à un 1789 fantasmé.

L’anthroponomie apparaît comme le pendant théorique et culturelle de cette pseudo conquête ; cela désigne chez Paul Boccara toutes les activités non économiques. La sphère de l’activité non économique devrait prendre toujours plus le dessus ; c’est ni plus ni moins qu’une sorte de théorie du temps libre, une version ultra édulcorée du communisme.

Il faut avoir en tête ici que chez Paul Boccara, il est possible d’intégrer dans une « planification démocratique » même le secteur capitaliste privé, et que plus il y a « démocratie », plus il y a de l’espace pour l’anthroponomie.

Et cette démarche réformiste est valable pour tout et n’importe quoi : la Communauté Européenne, l’ONU, le FMI, etc. Tout est récupérable… si on le gère différemment, si on le tourne mieux.

En 2010, Paul Boccara affirma par exemple ouvertement qu’il n’était nul besoin de s’opposer à l’euro, qui pourrait être un moyen « pour le financement du progrès social et de la coopération en Europe ». Il suffirait que soit formé un « fonds européen de développement social, écologique et solidaire », prêtant à taux zéro ou presque pour ce qui serait socialement utile.

Cette dimension « sociale », « écologique », « solidaire », etc., c’est cette « anthroponomie », une sorte de sphère regroupant tout ce qui relève de la « régénération humaine », formulation sans contenu autre qu’idéaliste qui est devenu au fur et à mesure le mot d’ordre général de Paul Boccara et du boccarisme.

Voici ce que cela donne, en 2010, dans Pour des avancées des théories hétérodoxes ou critiques :

« Il convient d’insister sur le fait que l’on ne peut réussir à maîtriser et à commencer à dépasser les marchés sans l’avancée de nouveaux pouvoirs et d’une nouvelle culture pour animer les nouvelles institutions.

Plus largement il s’agit, en liaison avec l’économie, de transformations au-delà d’elle dans tous les domaines anthroponomiques [concept de Paul Boccara, désignant « les aspects non économiques de la vie humaine »] de la société et de toute la civilisation.

En ce qui concerne une nouvelle gouvernance mondiale, on pourrait chercher à construire des institutions de démocratie participative internationale, au-delà du Conseil économique et social de l’ONU actuel, et d’une expansion considérable des grandes agences de l’ONU.

Pour une nouvelle civilisation, il ne suffit pas de nouveaux pouvoirs, il faut que puisse se développer une autre culture et un nouvel humanisme. Cela se rapporterait à des valeurs de partages jusqu’à chacun.

Ce serait des partages des ressources, des pouvoirs, des informations et des rôles, tout particulièrement des rôles de création, pour une civilisation d’intercréativité. »

Paul Boccara ne parvint jamais à formuler autre chose qu’un charabia idéaliste au sujet de la civilisation et de la régénération humaine, et ce malgré un intense travail pour théoriser quelque chose. Voici ce qu’il disait déjà en 1986 :

« L’ensemble de mon travail sur les interventions des travailleurs dans les gestions se relie non seulement à mes recherches économiques antérieures mais à des recherches nouvelles, dans le cadre de mon projet dit anthroponomique de type transdisciplinaire, en coopération avec des sociologues, des spécialistes du psychisme, de la langue, etc.

Ainsi, au-delà des approches en cours liées aux recherches en gestion, sur les problèmes d’organisation, de pouvoir, ou encore de psychologie des groupes d’individus, je prétends introduire des concepts différents comme ceux des identités contradictoires et relationnelles de chaque travailleur, des crises d’identité de ces travailleurs. »

Il était évident que Paul Boccara ne pouvait parvenir à quelque chose, puisqu’il s’agit ici d’un révisionnisme résolu, cherchant à définir le communisme en des termes idéalistes, de le réduire au partage, la solidarité, etc.

Il parviendra cependant à former les cadres du PCF dans cette perspective.

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