La coopération économique selon Paul Boccara

Si l’on ne comprend pas le déplacement idéologique léger fait par Paul Boccara dans sa conception, on ne comprend pas pourquoi le PCF est parvenu à se maintenir durant les années 1990, 2000, 2010.

En maintenant les exigences sociales, ainsi que la logique de participation au gouvernement, mais en mettant surtout l’accent sur la participation aux institutions depuis les organismes existants, il a maintenu en place tout l’appareil du PCF.

Cette participation aux organismes institutionnels était auparavant présenté comme un moyen pour aller dans le sens de la démocratisation. Désormais, c’était considéré comme une fin en soi. Le PCF se considérait comme une démocratie en soi, comme porteur de la démocratie sociale.

Cette fiction maintenait la grande unité de la base, alors que l’appareil du PCF profitant de toutes façons de vastes corruptions, notamment au niveau municipal ou par l’intermédiaire des structures syndicales, avait tout intérêt à ce que rien ne bouge.

La CGT elle-même, largement impliqué dans les comités d’entreprise avec ses contre-projets, et avec des responsables largement corrompus socialement, avait les mêmes intérêts.

Paul Boccara put donc appeler à des choses absolument non communistes comme une « coopération et compétition coordonnée » entre les entreprises, ou bien demander à ce que les collectivités territoriales épaulent les demandes des petites entreprises auprès des banques. Cela ne choquait désormais plus personne.

L’ennemi était désormais seulement la finance – auparavant la lutte contre la finance était censée permettre le démarrage d’une lutte contre tout le capitalisme – et tout était permis du moment que la finance était présentée comme l’ennemi.

Voici comment Paul Boccara, dans Les interventions dans les régions : un moyen de dépasser les contradictions de la politique du gouvernement de gauche sur l’emploi et la finance, formule cette fiction idéologique anti « finance » :

« La question de la mobilisation du crédit, des banques et des institutions financières reste, pour l’essentiel, tabou, non seulement pour le gouvernement ou les médias, mais aussi pour le mouvement social, y compris les communistes.

Or dans la réalité, une mobilisation novatrice du crédit et des banques pourrait être cruciale (…).

On peut même dire que toute la crise systémique consiste dans le recul du crédit pour la production, qui était devenu trop inflationniste, en faveur de la croissance du marché financier et de la déflation relative du crédit pour la production – et encore plus pour l’emploi – sous la pression des capitaux à vocation multinationale.

Au contraire pour contribuer à un recul fondamental du marché financier et à la sortie de la crise, il faudrait un nouveau type de crédit peu inflationniste et relançant efficacement, de façon moderne, la production, l’emploi, la formation, la recherche, les coopérations. »

Le PCF est, à partir de 1989, ouvertement pour l’amélioration de l’économie capitaliste, formulé comme son encadrement pour échapper à la logique financière. La base ayant été éduquée dans le fait que seule la finance formait l’obstacle au progrès – et cette idée était déjà présente à l’époque de Maurice Thorez, avant même Paul Boccara – ne pouvait qu’accepter cela.

Pour tout de même disposer d’une sorte de projet, Paul Boccara dut inventer une nouvelle conception, celle d’un « communisme » qui consisterait en une logique de communautarisation sociale.

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