L’échec du PCF lors de la participation au gouvernement et l’effondrement du bloc de l’est en 1989 amena une adaptation théorique. Paul Boccara, toujours en place, quoi qu’il arrive, maintint la ligne générale mais en accentuant le trait de l’autogestion.
L’échec du bloc de l’est, ainsi que du gouvernement de 1981 malgré les nationalisations, tiendraient au caractère « étatiste » de la perspective tracée. Dans ce cadre, la référence à Lénine fut abandonnée.
Le secteur public se vit également attribuer désormais une valeur foncièrement positive. Si auparavant, l’État était analysé comme un serviteur des monopoles, désormais sa nature neutre est assumée. Le secteur public fut présenté comme pouvant avoir, indifféremment, une gestion pro-bénéfices ou une gestion sociale.
C’est de là que vint la théorie de la mixité qui devrait s’installer dans l’économie, avec un large secteur public à vocation « sociale ». Ce serait une mixité « marché / partage ».
Évidemment, cela fut justifié par une prétendue nouvelle phase de la crise du capitalisme monopoliste d’État, une nouvelle « forme ».
En avril 1990, Paul Boccara explique dans une interview à Économie et Politique que :
« Le copilotage État / privé n’est plus le même aujourd’hui dans la crise que celui du CME classique. L’enjeu est donc bien celui d’une nouvelle économie mixte. Mais laquelle ? (…)
La question d’une nouvelle économie mixte à prédominance publique et sociale pour aller de l’avant est posée très fortement (…).
Notre conception n’a rien à voir avec la tradition étatiste d’une unification. Quel est aujourd’hui le rôle de l’État ? Il intervient pour favoriser le capital, mais aussi pour le corriger, y compris sous la pression des luttes, les effets de cette action.
Il joue donc des deux côtés. Il faut casser cette conception où c’est toujours l’État qui décide l’essentiel dans le secteur public, soit pour soutenir le privé, soit pour « corriger ».
L’enjeu du changement révolutionnaire n’est pas dans la correction par un État plus démocratique et prétendument « égalisateur ». L’intervention de l’État devrait pouvoir consister désormais davantage à lâcher des pouvoirs décentralisés et à aider à leur mise en œuvre. »
On est encore résolument dans le vargisme, mais le programme n’est plus une démocratie avancée, avec une certaine centralisation, mais une sorte de participation des masses à l’économie à partir des organismes « démocratiques » existants, ainsi que par un appui d’une banque publique ayant une « bonne » orientation.
On reste dans le principe suivant lequel il faut de nouveaux critères de gestion dans les entreprises, aux dépens de la dimension financière, des dividendes, mais cette fois il est parlé, comme ici en 1999, de : « mixité conflictuelle, viable et évolutive avec la rentabilité des capitaux »
Voici comment cette perspective est résumée par Paul Boccara, en 1994 :
« Proposer une mixité tout à fait nouvelle, à prédominance publique et sociale, (avec prépondérance de critères d’efficacité sociale sur les critères de rentabilité capitaliste), cela veut dire
1) que le secteur public, industriel et du crédit, puisse inciter des entreprises privées à faire telle chose et non pas telle autre ce qui implique des incitations économiques fortes, et convergentes sur divers plans, liées à de nouveaux critères d’efficacité sociale des fonds, notamment au niveau de la fiscalité du crédit ;
2) et aussi que les travailleurs, les populations, les élus puissent intervenir à partir de critères de cohérence nouveaux, surtout les fonds de l’entreprise pour des choix concrets sociaux et efficace.
Il faut voir l’ampleur du changement, la créativité culturelle et politique nécessaire. Il faut tenir les deux bouts dans la durée et en ayant confiance dans notre peuple.
D’abord, il faut des changements de très grande ampleur, d’une très grande cohérence, systémique, c’est-à-dire qui change le système, même si c’est pour une mixité nouvelle. C’est un autre système mixte. »
C’est somme toute la ligne du Parti socialiste des années 1980.