Le concept de capitalisme monopoliste d’État dont se revendique Paul Boccara est le fruit d’une thèse d’Eugen Varga au moment de la fin de la seconde guerre mondiale. Il considérait qu’avec les exigences de la guerre, l’État avait pris son autonomie par rapport au capitalisme.
L’État serait capable d’un regard objectif, réaliste, et serait donc relativement en mesure de forcer les capitalistes à prendre des décisions privilégiant l’intérêt commun plutôt que le leur.
Cette interprétation va provoquer de grands troubles en URSS, avant de se voir finalement écrasée, temporairement seulement cependant, puisqu’à la mort de Staline, elle réapparaît et devient officiellement celle de l’URSS de Nikita Khrouchtchev.
Paul Boccara reprend intégralement la conception d’Eugen Varga, sans jamais le dire. Sa définition de base est la même. Voici comment, en 1972, dans Qu’est-ce que la crise du capitalisme monopoliste d’État ?, il présente le concept d’un État désormais neutre servant les monopoles.
« Du lendemain de la deuxième guerre mondiale jusque vers la fin des années 1960 environ, le monde capitaliste connaît une croissance rapide de la production, un emploi souvent élevé, des crises faibles et des dépressions peu durables.
En même temps, on assiste partout à une intervention massive de l’État capitaliste dans la production et la consommation.
L’idéologie bourgeoise tire argument de ces faits pour prétendre que l’État, arbitre au-dessus des classes, n’est préoccupé que de l’intérêt général et que la maîtrise de la croissance économique est désormais assurée.
En réalité, il s’agit seulement de la période d’épanouissement du capitalisme monopoliste d’État. »
Il faut être ici prudent : si Paul Boccara dit que l’État n’est pas un arbitre neutre (comme les socialistes le disent), il veut dire en fait qu’il est neutre dans sa nature mais penche toujours d’un côté ou de l’autre.
Il faut toujours avoir en tête que le boccarisme est une variante du vargisme. On serait dans une troisième période du capitalisme ; celui-ci n’est plus libéral, ni monopoliste. Seuls les monopoles dominent désormais totalement, portés par l’État.
Voici comment Paul Boccara présente, de manière plus précise, le capitalisme monopoliste d’État, dans La crise du capitalisme monopoliste d’État et les luttes des travailleurs :
« Le capitalisme monopoliste d’État, annoncé par des transformations significatives dès le tout début du stade impérialiste, surgit pendant la guerre de 1914-1918, sous la pression de la lutte à mort entre les États capitalistes, expression du développement des antagonismes impérialistes.
Il est nécessaire de pousser au maximum la production et pour cela de commencer à dépasser les limites des rapports du capitalisme monopoliste simple, en mettant systématiquement la puissance de l’État, le pouvoir concentré de la société qu’elle représente, au service de l’accumulation capitaliste par les commandes, le financement et la programmation publiques (…).
Le capitalisme monopoliste d’État caractérise l’impérialisme dans sa phase actuelle. Il développe de façon antagonique les formes du capitalisme monopoliste simple.
Le système de domination capitaliste des monopoles privés, du capital financier, de l’exportation des capitaux se complète par l’utilisation dans l’intérêt général des groupes capitalistes dominants des monopoles de type public, du financement de type public, de l’exportation de capitaux publics (« aides »), etc. »
La notion de capitalisme monopoliste d’État consiste à dire que l’État, dans ses initiatives, appuie les monopoles. La vie entière des monopoles passe par l’État, celui ne fait pas qu’intercéder en leur faveur, il organise son existence même selon leurs intérêts.
Et cet État conserve une existence propre, indépendante. Il n’est que façonné par les monopoles.