La première grande qualité du dialecticien, c’est de parvenir à voir qui sont réellement les gens. Si on ne dispose pas de cette qualité, alors on ne peut pas aimer le peuple, et si on ne peut pas aimer le peuple, alors on ne peut pas être communiste.
Jésus était, en ce sens, un communiste, bien entendu un communiste primitif. Son sens de l’empathie lui permettait, en effet, de croire en chaque personne. Chaque personne pouvait être sauvé, selon lui, sans exception. Cela exprime une fidélité au peuple.
La limite de Jésus, c’était qu’il s’appuyait sur sa démarche sur le principe de « Dieu le père ». Mais il exprime en pratique une forme de communisme primitif, et c’est pour cela qu’il a eu tant d’écho et une telle importance historique.
Quand on profite par contre de la dialectique, tout devient beaucoup plus concret, beaucoup plus vrai et il n’y a plus besoin de fictions religieuses. On réussit à lire une personne, dans la mesure où sa réalité nous apparaît de manière authentique, au-delà du voile des apparences. Car la grande erreur que commettent les gens, c’est de se forcer à être « équilibré », neutre, calme. Ils n’y parviennent d’ailleurs pas.
La dialectique permet sur ce plan de comprendre comment l’humanité dispose d’une conscience, et comment cette conscience est forcément contradictoire. En termes grossiers, on peut opposer ici la joie et la tristesse, la vigueur d’esprit et la mélancolie. Cette contradiction est inévitable, sans elle il n’y aurait pas d’esprit humain.
Le cerveau reflète tous les échos de la vie quotidienne, de la vie sociale, de la vie naturelle ; on les perçoit de différentes manières dans l’esprit, et si on n’est pas conscient du processus, alors surgissent les dépressions, les sentiments d’échecs, la négativité.
Les communistes, par contre, sont toujours des optimistes, car ils savent que les contradictions sont toujours productives, et ils savent comment chercher les fils conducteurs des événements, en se tournant vers la recherche des pôles contraires de chaque contradiction.
L’humanité, sortie de la Nature, il y a des milliers d’années, n’a pas de conception matérialiste dialectique du monde, et pour cette raison elle est déboussolée. C’est l’un des grands paradoxes sur ce plan de la société de consommation des pays impérialistes que de fournir une réelle aisance matérielle… et, dans le même temps, un désespoir psychique profond.
Les réseaux sociaux sont, à ce titre, remplis de remarques sur le développement personnel, d’initiatives d’affirmation de son ego, de flatteries et d’encouragements (mensongers), etc.
L’idéologie de « l’inclusivité » relève de cette domination bourgeoise, tout comme l’idéologie LGBT ; toutes ont le même fondement que le slogan de McDonald’s, « venez comme vous êtes ».
Sauf que les gens ne sont pas ce qu’ils sont. Ils masquent leur faiblesse, leurs sentiments, leurs sensations ; parfois, ils n’en ont même pas conscience. Ce que dit la Fraction Armée Rouge est ici édifiant, quand on pense que cela a été affirmé en 1972.
La présentation de la société de consommation est incroyablement d’actualité. Ses fondamentaux étaient déjà bien vus. Le capitalisme a gagné en qualité, il n’est plus seulement producteur de quantité réservée à une minorité.
« L’exploitation des masses dans la métropole n’a rien à voir avec le concept de Marx des travailleurs salariés dont la plus-value est extraite.
C’est un fait qu’avec la division croissante du travail, il y a eu une énorme intensification et la propagation de l’exploitation dans le domaine de la production, et le travail est devenu un fardeau plus lourd, à la fois physiquement et psychologiquement.
Il est également un fait que, avec l’introduction de la journée de travail de 8 heures – la condition préalable pour augmenter l’intensité de travail – le système a usurpé tout le temps libre que les gens avaient.
A l’exploitation physique dans l’usine a été ajoutée l’exploitation de leurs sentiments et de leurs pensées, de leurs souhaits, et de leurs rêves utopiques – au despotisme capitaliste dans l’usine a été ajouté le despotisme capitaliste dans tous les domaines de la vie, à travers la consommation de masse et les médias de masse.
Avec l’introduction de la journée de travail de 8 heures, le 24 heures par jour de la domination de la classe ouvrière par le système a commencé sa marche triomphale- avec la création de pouvoir d’achat de masse et du « revenu de pointe » le système a commencé sa marche triomphale sur les plans, les désirs, les alternatives, les fantasmes, et la spontanéité du peuple ; en bref, sur les gens eux-mêmes !
Le système de la métropole a réussi à glisser les masses si loin dans leur propre saleté qu’elles semblent avoir largement perdu tout sens de la nature oppressive et exploiteuse de leur situation, de leur situation comme des objets du système impérialiste.
Ainsi pour une voiture, une paire de jeans, une assurance-vie, et un prêt, elles accepteront facilement un outrage de la part du système.
En fait, elles ne peuvent plus imaginer ou souhaiter quelque chose au-delà d’une voiture, des vacances, et d’une salle de bains carrelée.
Il en résulte, cependant, que le sujet révolutionnaire est quelqu’un qui se libère de ces contraintes et refuse de prendre part aux crimes de ce système.
Tous ceux qui trouvent leur identité dans les luttes de libération des peuples du tiers-monde, tous ceux qui refusent, tous ceux qui ne participent plus ; ce sont tous des sujets révolutionnaires – des camarades (…).
Si les peuples du tiers-monde sont l’avant-garde de la révolution anti-impérialiste, alors cela signifie qu’ils représentent objectivement le plus grand espoir pour les gens dans la métropole pour atteindre leur propre liberté.
Si tel est le cas, alors il est de notre devoir d’établir un lien entre la lutte de libération des peuples du tiers-monde et l’aspiration à la liberté dans la métropole où que ce soit qu’elle émerge.
Cela veut dire dans les écoles diplômantes, dans les écoles secondaires, dans les usines, dans les familles, dans les prisons, dans les bureaux, dans les hôpitaux, dans les administrations, dans les partis politiques, les syndicats – partout.
Contre tout ce qui nie ouvertement ce lien ouvertement, le supprime et le détruit : le consumérisme, les médias, la cogestion, l’opportunisme, le dogmatisme, la domination, le paternalisme, la brutalité et l’aliénation.
« C’est nous qui sommes concernés ! » – le sujet révolutionnaire c’est nous.
Quiconque commence à lutter et à mener la résistance est l’un d’entre nous. »
Malheureusement, la vague révolutionnaire qui datait de la période de la mise en place de la société de consommation a échoué. Il n’est plus possible de lutter contre le développement du capitalisme et la mise en place de la société de consommation. L’URSS de Lénine et Staline, et la Chine populaire de Mao Zedong, ont été aussi battus par l’incroyable développement de la superpuissance impérialiste américaine et le mode de vie qu’elle a instauré.
Entre les années 1989 et 2020, ce mode de vie a même été instauré au niveau mondial, même si bien entendu avec des degrés très différents. Cependant, on retrouve la même aliénation de la société de consommation dans les banlieues de Lima, les campagnes indiennes ou des métropoles comme Tokyo, Paris et New York.
C’est d’autant plus paradoxal que cette société de consommation – avec des degrés extrêmement diversifiés – existe justement même dans des pays semi-féodaux, comme l’Inde, les Émirats Arabes Unis, le Brésil, le Nigeria, etc.
En fait, la majeure partie de la population mondiale vit dans des pays semi-féodaux, semi-coloniaux, et en même temps en raison de la croissance des forces productives, le capitalisme produit déjà ses méfaits au moyen de la société de consommation.
C’est ce qui explique le gain de qualité dans l’horreur de la violence sociale, depuis les cartels du Mexique jusqu’à l’immense hostilité sociale visant les femmes dans tout le sous-continent indien. Et dans les métropoles impérialistes elles-mêmes, c’est le cannibalisme social qui se développe massivement justement, avec le lumpenprolétariat en expansion, les mafias prenant une taille toujours plus grande.
Dans un tel contexte, impossible d’être soi-même. Les gens peuvent se tourner comme ils le veulent derrière des fictions, notamment la propriété. Ils n’obtiennent pas de stabilité mentale, psychique, sentimentale, sensible pour autant.
Il suffit d’aller dans un grand musée et de voir à quelle vitesse les gens le traversent, en prenant des photos à la va-vite sans jamais aller au fond des choses, pour comprendre ce qui ne va pas. Le problème relève de la sensibilité, de la culture, de la vision du monde.
Ici, il faut bien entendu mentionner le rapport aux animaux. L’indifférence quasi totale de la quasi-totalité des gens envers la réalité animale est un témoignage à lui tout seul de la barbarie. Il ne s’agit pas seulement de l’industrie de la viande et du poisson, qui ont pris un caractère universel et terrifiant. Il s’agit également, voire surtout, du rapport à la vie elle-même, de l’empathie, de la sensibilité, de l’admiration pour le vivant.
Les êtres vivants deviennent ici grossiers, lourdauds, passifs. Bref, ils sont forgés par la société de consommation, au point que les Français des années 1960 apparaissent comme des êtres raffinés, travailleurs, cultivés et stables en comparaison avec ceux des années 2020, agités et superficiels, velléitaires et attentistes.
Il s’agit bien sûr de voir que cette évolution était inévitable de par le triomphe de la société de consommation, et que de manière dialectique, cela va permettre le succès du Socialisme. Cependant, pour que cela soit possible, les gens vont devoir devenir eux-mêmes. Ils vont devoir cesser les faux-semblants. Il faut qu’ils arrêtent de consommer aveuglément pour obtenir un sentiment d’existence par ailleurs faux. Il faut qu’ils aillent au fond des choses.
Ici, c’est la question féminine qui est au centre de toute réponse. Les femmes sont opprimées depuis la fin du matriarcat ; depuis des milliers d’années, leur personnalité a été écrasée, étouffée. Elles ont en elles une violence immense qui doit s’exprimer. Le slogan du Parti Communiste du Pérou dirigé par Gonzalo est ici excellent en ce qu’il résume tout : « désenchaîner la fureur des femmes ! ».
La libération des femmes est la clef pour mettre un terme au vaste cycle où l’humanité est sortie de la Nature à travers le patriarcat et le système esclavagiste, la féodalité, le capitalisme.
Avec le retour des femmes comme protagonistes dans la société, le rapport à la Nature va redevenir ce qu’il a été avant la sortie de celle-ci par l’humanité. Il suffit de voir quel est le rapport des femmes à la Nature, aux animaux, et inversement à la guerre, aux crimes, pour saisir la portée de la question.
Bien entendu, l’humanité conservera les acquis de son long parcours. L’être humain est un animal qui a connu un parcours particulier : c’est conforme à ce que dit le matérialisme dialectique sur le développement inégal.
Mais, justement, un développement inégal n’aboutit pas à une indépendance par rapport à la réalité et l’humanité qui détruit n’a pas sa place. Elle doit donc se transformer, pour reprendre une position productive, constructive, dans la Nature.
Il est évident ici que l’humanité doit répandre la vie dans le Cosmos, protéger la planète Terre qui est une Biosphère. L’humanité est un moyen pour la matière en mouvement qu’est la vie de se développer. Comme on en est loin encore aujourd’hui en apparence quand on voit les gens ! Mais c’est en ce sens que les gens ne sont pas ce qu’ils ont l’air d’être.
Et même, ils ne sont pas ce qu’ils sont, car personne ne peut vivre de manière correcte, sans parler de dignité, sans saisir le besoin de communisme. Qui rejette le besoin de communisme est obligé de tomber dans la dépression, la tristesse, l’isolement, la négativité.
Être dialecticien, c’est par contre développer ses facultés, ses connaissances et sa sensibilité, tout le temps. C’est voir comment le mouvement dialectique des choses est productif, et en réfutant la ligne noire qui est régressive, réactionnaire, on choisit la ligne rouge qui est affirmation, optimisme, production, harmonie.