Pour un nouveau rassemblement maoïste! (1974)

[Appel n° 2 – 18 juin 1974]

Après a décision des dirigeants de « La Cause du Peuple » de dissoudre l’organisation et face à la carence allant de pair avec de graves déviations de ces mêmes responsables, il est urgent de sauver de la liquidation les forces révolutionnaires qui les ont suivis jusqu’ici afin que se poursuive la marche en avant du maoïsme vivant dans notre pays.

A la suite d’un premier appel, des militants représentant une dizaine d’unités de la région parisienne se sont réunis le 15 juin pour discuter des moyens de sortir de la crise.

Alain Geismar a présenté un point d’information sur ce que l’ex-groupe central a fait et surtout n’a pas fait depuis cinq mois.

Cependant aussitôt que des critiques se sont élevées, sa première réaction a été de fuir le débat. Celui-ci s’est poursuivi sans lui.

Il a été décidé de convoquer pour la fin juillet une conférence de travail portant sur les thèmes suivants: – bilan critique de l’expérience accumulée par les maos de « La Cause du Peuple » de 1968 à 1973;
– critique de l’orientation actuelle du groupe central ex mao;
– analyse de la conjoncture politique en France et dans le monde;
– nos tâches actuelles et notre stratégie d’ensemble;
– de quelle organisation avons-nous besoin.

Nous préparerons cette conférence en étudiant successivement chacun de ces points lors de réunions hebdomadaires auxquelles nous convions tous ceux qui ne veulent pas se résigner à la liquidation du maoïsme en France.

Le texte qui suit n’est qu’une intervention dans le débat ouvert que nous voulons aussi large que possible. C’est seulement à l’issue de celui-ci que nous pourrons répondre aux questions que se posent les militants et les masses, et nous unifier sur une ligne élaborée collectivement.

LA FAILLITE DE L’ANCIENNE DIRECTION

La situation actuelle est l’aboutissement d’un long processus de dégénérescence.

Une de nos tâches sera d’en rechercher l’origine et le mécanisme. Nous constatons simplement que les Cahiers N° 2 tombent dans l’anarchisme quand ils rejettent toutes les fautes sur les cadres (en général) et l’organisation centralisée (en général).

Ils déforment et donnent un contenu réactionnaire au concept d’avant-garde pour conclure que si nous sommes des petits bourgeois autoritaires, coupés des masses, etc. c’est la faute à Lénine et à Mao!

Les Cahiers abandonnent le point de vue de classe puisqu’ils confondent direction prolétarienne et direction bourgeoise, identifiant le centralisme démocratique au centralisme (en général) et celui-ci au style de commandement bourgeois.

Ils invoquent l’exemple du PCUS et du PCF, mais les directions de ces partis sont autoritaires parce que bourgeoises.

Pour Mao, par contre, le centralisme démocratique est la méthode de direction propre au prolétariat conscient. La démocratie en est l’aspect principal.

Il n’y a pas de centralisme prolétarien sans démocratie et inversement. Cette méthode consiste à élaborer la ligne politique en systématisant les idées justes des masses. Il n’est pas étonnant que nos adjudants anti-autoritaires les plus forcenés exercent la dictature bourgeoise aussitôt qu’ils s’emparent de la moindre parcelle du pouvoir.

Les Cahiers tentent de tromper les militants en jouant sur les mots.

De ce que les ouvriers de LIP ont lancé des actions « d’avant- garde », ils concluent que les travailleurs n’ont plus besoin d’une « avant-garde ». Il s’agit d’une escroquerie verbale.

Certes, les masses sont capables d’initiatives qui bouleversent ciel et terre. L’histoire en offre mille exemple, mais elle nous enseigne aussi qu’en l’absence d’une avant-garde à la hauteur des tâches objectivement à l’ordre du jour, la réaction finit toujours par reprendre le dessus. Pour en revenir à LIP, faute d’une avant-garde unissant le camp du Peuple, la candidature Piaget n’a pu être imposée!

Théorisant une situation particulière à LIP, les Cahiers prétendent par ailleurs qu’une cellule communiste ne sert jamais à rien au sein du mouvement de masse. En réalité, celui-ci en a le plus souvent besoin pour s’unifier, s’organiser, s’exprimer.

La logique des Cahiers conduisait à la dissolution de I’UNCLA sous prétexte que LIP est apparu là où cette organisation n’était pas implantée!

L’ancienne direction n’a pas seulement abandonné le terrain du marxisme, elle a aussi lamentablement échoué sur le plan pratique. Elle s’est montrée incapable de remplir son mandat. La Conférence nationale des 3 et 4 novembre 1973 avait décidé la création d’un magazine théorique populaire et la publication d’une série de brochures. Rien n’a été fait.

La Conférence nationale des 1er, 2 et 3 février 1974 avait prévu en outre l’organisation de « journées de la pensée révolutionnaire », la convocation au printemps d’une seconde Conférence nationale, et entre temps, la circulation de thèses et de bilans en vue d’alimenter le débat. Là encore, carence totale.

Actuellement, les cinq membres de l’ancien centre se démènent beaucoup pour mettre sur pied le vaste rassemblement envisagé par les Cahiers. Ce devait être une organisation qui n’en serait pas une mais un « mouvement » ayant un centre qui ne centraliserait plus, tout en centralisant un peu (quand même !).

Autrement dit une avant- garde se déniant comme telle où des maoïstes, leur drapeau dans la poche (et leur mouchoir dessus) côtoieraient des trotskystes protestant du contraire et des anarchistes se réclamant de Marx mais crachant sur Lénine.

Dans ce crépuscule des révolutionnaires désenchantés, tous les chats seraient gris et les militants, devenus indistincts des masses, resteraient éternellement dans la communion, pardon la communauté, des travailleurs « lipisés ».

En attendant cette « parousie » d’une France lipisée, nos illuminés de la mystique Lip multiplient (sans grand succès) les négociations avec divers appareils par-dessus la tête des militants, entendu que ceux-ci doivent espérer le salut d’initiatives prises dans les hautes sphères.

Or, il est clair que depuis le 3 février, l’organisation n’a plus aucune sorte d’existence. Quant au groupe central, il n’a pas accompli les tâches transitoires pour lesquelles il avait été élu, ni convoqué la Conférence nationale pour lui rendre compte. Ces trois faits lui enlèvent toute qualité pour parler au nom des « Maos » de « La Cause du Peuple ». Ce sont des têtes sans corps qui se promènent en proposant à leurs interlocuteurs :« Amenez vos masses, nous vous offrons des chefs. »

QUELLE ISSUE ?

Il est temps que les militants se ressaisissent et ne s’en laissent plus conter par les ex-dirigeants qui ont trahi leur confiance. Le moment est critique. Il appartient à chacun de prendre ses responsabilités.

Ne comptez pas sur les autres pour redresser une situation qui tourne à la catastrophe. Abandonnez vos illusions et préparez-vous à la lutte. Il y va de la ligne, il y va de l’avenir révolutionnaire.

Nous devons nous unifier en vue de préserver les acquis positifs très riches de l’expérience accumulée par les « Maos de La Cause du Peuple », tout en critiquant les erreurs et les points faibles de leur pratique. En même temps nous devons nous unir à tous ceux qui sont venus au maoïsme en suivant un itinéraire différent mais à partir des grands mouvements de masse depuis mais-juin 1968.

Le peuple a besoin d’une organisation communiste révolutionnaire dont la ligne exprime et unifie ses luttes. Une telle organisation est nécessaire :

1. Pour assurer la fusion du marxisme-léninisme-maoïsme avec le mouvement populaire et y combattre l’idéologie bourgeoise. Celle-ci rétablit constamment sa domination dans les intervalles qui séparent les luttes à moins que la prise de conscience des masses ne soit consolidée par la propagande communiste.

2. Pour donner aux masses un point de vue d’ensemble et des perspectives stratégiques claires à partir d’une systématisation de l’expérience historique. Faute de quoi le processus révolutionnaire ne pourra être poursuivi jusqu’au bout : jusqu’à la prise du pouvoir, les transformations socialistes, le communisme.

Notre but néanmoins n’est pas de créer un groupuscule, c’est à-dire une secte, de plus. Il n’y a pas de recette pour éviter ce risque. A titre de contribution au débat, nous proposons cependant quelques opinions à la réflexion des camarades.

CE QUI NOUS DISTINGUE

Nous ne serons pas semblables aux groupuscules ossifiés qui se contentent de rabâcher dans leur propagande la vérité universelle du marxisme-léninisme.

La pratique concrète pose des problèmes toujours nouveaux dont la solution n’est pas dans les classiques. Ceux-ci aident seulement à trouver cette solution et à se garder de certaines erreurs si l’on sait s’en servir sans dogmatisme.

Il faut partir de la réalité, recueillir les idées justes des masses en participant à leurs luttes qui transforment cette réalité pour enrichir la théorie de nouveaux concepts qui à leur tour éclairent la pratique.

Ce processus est celui de l’auto-éducation des masses. Croire que les théoriciens peuvent élaborer en chambre des analyses guidant l’action révolutionnaire, c’est du dogmatisme.

Compter sur la spontanéité des masses pour faire l’économie du moment de la systématisation par les communistes armés de la science prolétarienne, c’est de l’empirisme. Il existe une voie juste entre ces deux écueils.

Les « Cahiers » déclarent que la théorie est toujours à faire, elle n’est pas déjà faite. C’est faux, parce qu’unilatéral. L’assimilation de la théorie « déjà faite » est la condition nécessaire (pas suffisante) pour élaborer la théorie de notre pratique actuelle. Face à celle-ci nous ne partons pas de zéro.

Donc nous ne serons pas non plus pareils aux anarcho-spontanéistes qui, sous prétexte de libérer la parole du peuple et de ne pas en laisser le privilège aux détenteurs de la théorie, en arrivent à nier la vérité universelle du marxisme-léninisme-maoïsme et intiment silence à l’idéologie prolétarienne, laissant seul audible le discours de la petite bourgeoisie.

Le résultat est la capitulation sur toute la ligne devant la pression de celle-ci (cf. les entretiens de Sartre, Gavi et Victor).

Les jeunes qui refusent l’autorité des pontes académiques ont raison. On les comprend même quand ils glissent dans un rejet de la théorie marxiste qu’ils ne connaissent qu’à travers des propagandes dogmatiques et stéréotypées.

Tout autre est le cas des savants contempteurs du savoir livresque qui crachent sur ce plat pour en dégoûter les autres et se le réserver à eux-mêmes. Ils détournent les militants de l’étude du marxisme comme si pour éviter le culte du livre il fallait tomber dans l’obscurantisme bourgeois.

Nous voulons une organisation démocratique, ce qui suppose que les militants aient une formation théorique sinon ils ne pourront participer effectivement à l’élaboration de la ligne.

Il faut en outre que les idées circulent non seulement verticalement mais aussi horizontalement au moyen d’un bulletin intérieur. La critique et l’autocritique doivent être pratiquées constamment.

Nous voulons une organisation où la plus large autonomie soit laissée aux unités de base. Pas de généralisation hâtive d’expériences-types. La tactique dépend de la situation concrète locale que seuls peuvent apprécier les militants sur place.

Nous voulons une organisation dynamique qui sache s’intégrer aux masses, vivre et lutter à leur rythme, être à leur écoute. Il faut que les gens du peuple se reconnaissent en nous et nous considèrent seulement comme les éléments les plus actifs et les plus conscients de leur camp.

Nous voulons une organisation fonctionnant avec discipline et continuité. L’alternance d’activisme et de passivité, de constructions et de dissolutions, ainsi que la déperdition constante de militants et de cadres expérimentés qui caractérisaient l’ex-Gauche Prolétarienne rendaient impossible l’accumulation des forces. 

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Nouvelle Cause du Peuple, NAPAP, Action Directe