Augustin, Pseudo-Denys l’Aréopagite et Boèce sont trois penseurs ayant joué un rôle historique capital, dans la mesure où ils ont été ceux qui, aux IVe – Ve – VIe siècles, ont réussi à faire du christianisme une idéologie cohérente et systématique.
Ils ont ici répondu à un besoin historique très particulier, permettant au christianisme de ne pas en rester au niveau d’une conception religieuse parmi d’autres, avec des sectes vivant à l’écart du monde de manière unilatérale.
C’est grâce à eux que les monastères vont devenir les bastions de la civilisation, maintenant le cap de la culture malgré un Moyen-Âge odieux sur le plan du développement des forces productives et des idées.
Ce sont ces monastères, ayant donné naissance aux universités, qui vont accueillir l’averroïsme et permettre à cette expression théorique matérialiste d’être reprise par les attentes pratiques de la bourgeoisie naissante, aboutissant à l’humanisme.
Si le profil de ces trois penseurs est très différent, leurs apports forment un ensemble permettant à la base du christianisme de posséder une dynamique interne capable d’exprimer les besoins de la société.
Augustin est né en 354 dans une province romaine en Algérie actuelle, où il meurt également en 430 ; son œuvre majeure est La Cité de Dieu. Il a donné au christianisme son style, son approche sur le plan de la sensibilité, dans le sens d’une quête de ferme bienveillance tournant au mysticisme complet, dans une optique résolument anti-matérialiste.
Pseudo-Denys l’Aréopagite a vécu au Ve siècle et a écrit toute une série d’œuvres expliquant les principes de la hiérarchie dans le ciel (les anges) et sur la terre (dans l’Église). C’est l’idéologue, qui fournit la dynamique sur le plan du rapport entre l’organisation et les idées.
Boèce est né à Rome vers 480 et est mort à Pavie en 524 ; son œuvre majeure est Consolation de philosophie. C’est un théoricien, qui fournit les principes généraux justifiant la théologie par un grand souci de cohérence et une grande exigence sur le plan intellectuel, portant la remise en cause de toute l’approche « philosophique » propre au stade supérieur de l’Antiquité gréco-romaine, avec notamment l’épicurisme et le stoïcisme.
L’ensemble de ces aspects va, par la suite, donner naissance à ce qui sera appelé historiquement la scolastique. La scolastique adopte la méthode de Boèce, pour traiter d’une vision du monde fourni par Pseudo-Denys l’Aréopagite, sur la base d’une démarche apportée par Augustin.
À ce titre, aucun de ces trois auteurs ne relèvent de la scolastique, qui naît uniquement de la rencontre fusionnelle de tous ces éléments.
Et le rôle du Pseudo-Denys l’Aréopagite est absolument essentiel, comme le révèle son nom, car on ne peut pas comprendre le christianisme sans en saisir la base néo-platonicienne.
Il s’agit d’un moine syrien, qu’on appelle Pseudo-Denys l’Aréopagite, car il s’est fait passer pour Denys l’Aréopagite, un athénien converti par Paul au Ier siècle, ce qui est raconté dans les Actes, 17:34.
Voici le passage concerné, d’une grande importance symbolique, car témoignant de la reconnaissance par un philosophe grec de la supériorité du christianisme. C’est cette « fusion » revendiquée par le christianisme qui a amené la confusion historique entre Denys l’Aréopagite et le Pseudo-Denys l’Aréopagite, qui a vécu plusieurs centaines d’années après.
Dans ce passage, Paul, un apôtre (sans faire partie des douze apôtres), raconte un épisode de son passage en Grèce, sur l’Aréopage – terme désignant soit une colline, soit la réunion des magistrats se tenant auparavant sur cette colline.
Il s’y confronte aux philosophes, affirmant la supériorité du christianisme ; seule une poignée de philosophes le suit finalement, dont justement Denys, surnommé pour cette raison Denis de l’Aréopage, Denys l’Aréopagite.
1 Puis ayant traversé par Amphipolis et par Apollonie, ils vinrent à Thessalonique, où il y avait une Synagogue de Juifs.
2 Et Paul selon sa coutume s’y rendit, et durant trois Sabbats il disputait avec eux par les Écritures;
3 Expliquant et prouvant qu’il avait fallu que le Christ souffrît, et qu’il ressuscitât des morts, et que ce Jésus, lequel, [disait-il], je vous annonce, était le Christ.
4 Et quelques-uns d’entre eux crurent, et se joignirent à Paul et à Silas, et une grande multitude de Grecs qui servaient Dieu, et des femmes de qualité en assez grand nombre.
5 Mais les Juifs rebelles étant pleins d’envie, prirent quelques fainéants remplis de malice, qui ayant fait un amas de peuple, firent une émotion dans la ville, et qui ayant forcé la maison de Jason, cherchèrent [Paul et Silas] pour les amener au peuple.
6 Mais ne les ayant point trouvés, ils traînèrent Jason et quelques frères devant les Gouverneurs de la ville, en criant : ceux-ci qui ont remué tout le monde, sont aussi venus ici.
7 Et Jason les a retirés chez lui; et ils contreviennent tous aux ordonnances de César, en disant qu’il y a un autre Roi, [qu’ils nomment] Jésus.
8 Ils soulevèrent donc le peuple et les Gouverneurs de la ville, qui entendaient ces choses.
9 Mais après avoir reçu caution de Jason et des autres, ils les laissèrent aller.
10 Et d’abord les frères mirent de nuit hors [de la ville] Paul et Silas, pour aller à Bérée, où étant arrivés ils entrèrent dans la Synagogue des Juifs.
11 Or ceux-ci furent plus généreux que les Juifs de Thessalonique, car ils reçurent la parole avec toute promptitude, conférant tous les jours les Ecritures, [pour savoir] si les choses étaient telles qu’on leur disait.
12 Plusieurs donc d’entre eux crurent, et des femmes Grecques de distinction , et des hommes aussi, en assez grand nombre.
13 Mais quand les Juifs de Thessalonique surent que la parole de Dieu était aussi annoncée par Paul à Bérée, ils y vinrent, et émurent le peuple.
14 Mais alors les frères firent aussitôt sortir Paul hors de la ville, comme pour aller vers la mer; mais Silas et Timothée demeurèrent encore là.
15 Et ceux qui avaient pris la charge de mettre Paul en sûreté, le menèrent jusqu’à Athènes, et ils en partirent après avoir reçu ordre de [Paul de dire] à Silas et à Timothée qu’ils le vinssent bientôt rejoindre.
16 Et comme Paul les attendait à Athènes, son esprit s’aigrissait en lui-même, en considérant cette ville entièrement adonnée à l’idolâtrie.
17 Il disputait donc dans la Synagogue avec les Juifs et avec les dévots, et tous les jours dans la place publique avec ceux qui s’y rencontraient.
18 Et quelques-uns d’entre les Philosophes Epicuriens et d’entre les Stoïciens, se mirent à parler avec lui, et les uns disaient : que veut dire ce discoureur? et les autres disaient : il semble être annonciateur de dieux étrangers; parce qu’il leur annonçait Jésus et la résurrection.
19 Et l’ayant pris ils le menèrent dans l’Aréopage, [et lui] dirent : ne pourrons-nous point savoir quelle est cette nouvelle doctrine dont tu parles?
20 Car tu nous remplis les oreilles de certaines choses étranges; nous voulons donc savoir ce que veulent dire ces choses.
21 Or tous les Athéniens et les étrangers qui demeuraient à [Athènes], ne s’occupaient à autre chose qu’à dire ou à ouïr quelque nouvelle.
22 Paul étant donc au milieu de l’Aréopage, [leur] dit : hommes Athéniens! je vous vois comme trop dévots en toutes choses.
23 Car en passant et en contemplant vos dévotions, j’ai trouvé même un autel sur lequel était écrit : AU DIEU INCONNU; celui donc que vous honorez sans le connaître, c’est celui que je vous annonce.
24 Le Dieu qui a fait le monde et toutes les choses qui y sont, étant le Seigneur du Ciel et de la terre, n’habite point dans des temples faits de main;
25 Et il n’est point servi par les mains des hommes, [comme] s’il avait besoin de quelque chose, vu que c’est lui qui donne à tous la vie, la respiration, et toutes choses; 26 Et il a fait d’un seul sang tout le genre humain, pour habiter sur toute l’étendue de la terre, ayant déterminé les saisons qu’il a établies, et les bornes de leur habitation :
27 Afin qu’ils cherchent le Seigneur, pour voir s’ils pourraient en quelque sorte le toucher en tâtonnant, et le trouver; quoiqu’il ne soit pas loin d’un chacun de nous.
28 Car par lui nous avons la vie, le mouvement et l’être; selon ce que quelques-uns même de vos poëtes ont dit; car aussi nous sommes sa race.
29 Etant donc la race de Dieu, nous ne devons point estimer que la divinité soit semblable à l’or, ou à l’argent, ou à la pierre taillée par l’art et l’industrie des hommes.
30 Mais Dieu passant par-dessus ces temps de l’ignorance, annonce maintenant à tous les hommes en tous lieux qu’ils se repentent.
31 Parce qu’il a arrêté un jour auquel il doit juger selon la justice le monde universel, par l’homme qu’il a destiné [pour cela] ; de quoi il a donné une preuve certaine à tous, en l’ayant ressuscité d’entre les morts.
32 Mais quand ils ouïrent ce mot de la résurrection des morts, les uns s’en moquaient, et les autres disaient : nous t’entendrons encore sur cela.
33 Et Paul sortit ainsi du milieu d’eux.
34 Quelques-uns pourtant se joignirent à lui, et crurent; entre lesquels même était Denis l’Aréopagite, et une femme nommée Damaris, et quelques autres avec eux.