Lorsqu’on parle des miracles, ce sont en fait les miracles relevant de la guérison qu’il faut avoir en tête, car pour l’humanité, il y a la faim, le froid, les privations, les carences, le sentiment de dénaturation… qui sont comprises comme des tentatives de conquête de la part de l’infra-monde.
En proposant un équilibre, ou du moins un semblant d’équilibre, les religions acquièrent une légitimité et il fallait des figures empathiques pour porter la démarche à l’origine. C’est à partir de là que toute la construction religieuse se met ensuite en branle.
Et la fonction de la religion, c’est tenter de combler les manquements d’une humanité qui déraille, car elle est sortie de la Nature.
C’est ce qui explique que la religion continue d’exister à travers toutes les époques : tant que l’humanité n’est pas revenue à la Nature, par le Communisme, en conservant les acquis de son parcours historique spécifique, la religion exprime et tente de soigner une humanité déboussolée dans son isolement apparent au sein de l’univers.
D’où, naturellement, les rites afin de cadrer les pensées, le mental des êtres humains. Mais pour saisir comment ces rites ont joué le rôle de cadre, il faut bien discerner comment se met en place ce qui est encadré, à savoir la conscience de l’animal humain qui se développe progressivement, et découvre la contradiction du bonheur et du malheur, conçu alors de manière dualiste comme « bien » et comme « mal ».
Car l’esprit humain, tant qu’il n’est pas arrivé au Communisme, est prisonnier, restreint à ce dualisme du bien et du mal, qui est saisi individuellement, de manière égoïste, sans regard dialectique historique suffisant sur le mouvement de l’Histoire et le sens de la collectivité, de l’univers.
C’est cela qu’il faut bien comprendre, dialectiquement. La religion ne consiste pas seulement en un appareil de mystification et d’utilisation sur la base de superstitions. Ce serait là réduire le phénomène religieux à une dimension fonctionnelle réelle, mais n’éclairant ni son origine, ni son maintien à travers les époques et les modes de production.
La religion est en fait l’expression, avec des nuances mais jamais réellement de différences, malgré les conflits concurrentiels, du fétiche de la séparation du bien et du mal.
L’humanité naissante avait possédé une conception dualiste du bien et du mal, les deux existant nécessairement et dans un conflit ininterrompu. C’était le reflet de la conscience humaine découvrant le bonheur et le malheur.
Le monothéisme, comme on le sait, prolonge ce dualisme, puisque le Dieu unique se voit toujours confronté à un diable. C’est là absurde au sens théorique, car pourquoi un Dieu omnipotent, omniscient, qui est tout et cela de toute éternité, aurait-il une sorte de double maléfique ?
C’est là qu’on voit que les religions de type monothéistes sont un prolongement, même si modifié pour de multiples raisons – principalement un cap de passé dans la maîtrise de l’agriculture et de la domestication -, des animismes polythéistes.
Plus concrètement, tant les religions monothéistes que les animismes polythéistes font la police des mœurs. Cependant, en raison des forces productives plus développées qualitativement, les premières insistent davantage sur le cadre général, alors que les secondes sont frénétiques au quotidien.
Il faut ici avoir bien en tête la grande différence qu’il y a sur le plan historique. Le monothéisme intervient lorsque l’agriculture et la domestication des animaux a passé un certain cap. Cela peut se dérouler dans le cadre du mode de production esclavagiste, bien que tendanciellement on aille déjà dans le sens du mode de production féodal.
Néanmoins, le mode de production esclavagiste correspond aux Cités-États, formés par l’accumulation de victoires, jusqu’au renforcement du centre originel, et sa domination de type impériale-violente.
Le mode de production féodal se fonde par contre sur une grande dispersion du pouvoir, avec des seigneurs maintenant un contrôle local.
Naturellement, il y avait également un contrôle local dans le mode de production esclavagiste, et il y a également un pouvoir central dans le mode de production féodal. Ce n’est toutefois pas là l’aspect principal.
Ce qui compte, c’est que la dispersion féodale exigeait la qualité sur le plan de la police des mœurs, donc le monothéisme, alors que la centralisation esclavagiste nécessitait la quantité sur le même plan.
L’animisme polythéiste de l’Inde antique, de la Grèce antique, de Rome, de Babylone, de l’Égypte antique, des Mayas, des Aztèques, de la Chine antique, etc., précipitait les êtres humains dans des rituels ininterrompus et une anxiété permanente.
Le monothéisme exige par contre de son côté la régularité des prières et des célébrations. Il concentre les intentions et les volontés, alors que l’animisme polythéiste les dilue pour les exiger en permanence.
Autrement dit, l’humanité était particulièrement agitée dans le cadre du mode de production esclavagiste, alors que dans le mode de production féodal, elle était davantage cadrée.
On ne saurait ici sous-estimer le degré de barbarie du mode de production esclavagiste. On avait affaire à des êtres humains constamment sur la brèche, vivant non pas dans la précarité, mais dans le dénuement, avec des risques mortels se produisant de manière régulière.
C’est le paradoxe : la barbarie de l’époque patriarcale était ignoble, mais en même temps elle permettait d’assurer la continuité de la vie quotidienne. Il n’était pas possible d’avoir mieux en raison de l’absence de développement suffisant des forces productives.
C’est pour cela que le diable continue d’exister dans le monothéisme. Dans l’époque barbare, les êtres humains s’effondraient psychologiquement, moralement, mentalement, physiquement, psychiquement. Dans le monothéisme, c’était moins le cas, mais c’était tout de même encore le cas.
En fait, l’être humain sorti de la Nature est un être en crise, il n’est plus l’animal, il n’est pas encore l’animal social retourné à la Nature.
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