Sur la réfutation de Confucius par Lieouhsia Tche

Tang Siao

1975

Vers la fin de l’époque Tchouentsieou (770-476 av. J.-C.), alors que la Chine passait du système esclavagiste au système féodal, une lutte à mort éclata entre les esclaves et les propriétaires d’esclaves. Tche de Lieouhsia (appelé plus couramment Lieouhsia Tche) fut un éminent dirigeant de l’insurrection d’esclaves dans les Etats de Tal et de Lou (l’actuelle province du Chantong).

A la tête d’une force armée, il se battait dans différentes régions menant une guerre de mouvement et infligeant des coups sévères à la classe dominante et au système esclavagiste pourri. Sorti des rangs des esclaves il dénonça avec indignation Confucius, représentant de l’idéologie de l’aristocratie esclavagiste en pleine décadence. L’essai « Tche-le-brigand » dans le Tchouang Tse (un classique taoïste du IVe-IIIe siècle av. J.-C.) est un précieux document historique relatant la lutte menée par Lieouhsin Tche contre Confucius.

Cependant, les commentateurs du passé du Tchouang Tse étaient pour la plupart des adeptes de Confucius. Partant de leurs préjugés de classe, ils allaient jusqu’à nier l’existence de Lieouhsia Tche et le fait qu’il condamné sévèrement Confucius. Ils tentaient ainsi de camoufler les crimes de Confucius. C’était là une grossière déformation des faits historiques.

Les documents que nous avons consultés nous donnent d’amples preuves de l’existence de Lieouhsia Tche. Son nom est cité dans dix-neuf passages des ouvrages suivants antérieurs à la dynastie des Ts’in (221-207 av. J.-C.) : Tchouang Tse, Meng Tse (IVe siècle av. J.-C.), Siun Tse (IVe-IIIe siècle av. J.-C.), Han Fei Tse (IIIe siècle av. J.-C.) et Liuche Tchouentsieou (IIIe siècle av. J.-C.).

Sema Tsien de la dynastie des Han de l’Ouest (206 av. J.-C.-8 ap. J.-C.), connu comme un historien qui « a recueilli toute la littérature et les événements du passé », a narré les activités révolutionnaires de Lieouhsia Tche dans deux textes de ses Mémoires historiques. Et Wang Tchang (27 ap. J.-C.-environ 97), penseur matérialiste imprégné d’esprit critique, a également parlé des hauts faits de Lieouhsia Tche dans l’un des chapitres de son ouvrage Louen Reng (Discours bien pesés).

Tout ce que ces auteurs ont raconté est en gros identique au texte de « Tche-le-brigand » du Tchouang Tse. Ceci prouve que les exploits de Lieouhsia Tche à la tête d’esclaves révoltés ont été largement racontés et rapportés par la suite par de nombreux auteurs. Il est donc clair que Lieouhsia Tche a été un personnage historique assez important.

Nous n’avons pas pu préciser sa date de naissance ni celle de sa mort. Pourtant en consultant des ouvrages antérieurs à la dynastie des Ts’in, nous voyons que certains auteurs ont souvent représenté Lieouhsia Tche comme un adversaire de Tseng Chenet et Che Tsieou.

Or, ces derniers étaient contemporains de Confucius. Donc, Lieouhsia Tche devait être, lui aussi, contemporain de Confucius. En outre, des ouvrages de cette époque nommèrent souvent ce héros « le brigand », et ce caractère chinois tao apparut pour la première fois à l’époque Tchouentsieou.

Dans le Mo Tse (Ve-VIe siècle av. J.-C.), « brigand-voleur » et « bandit-rebelle » sont deux termes employés alternativement, sans distinction.

A cette époque, le mot « brigand » était employé par la classe des exploiteurs pour désigner généralement les masses organisées en groupes armés révolutionnaires. L’emploi de ce mot dans les écrits de cette époque est une preuve de plus que Lieouhsia Tche a bien vécu à l’époque Tchouentsieou.

La réfutation de Confucius par Lieouhsia Tche telle qu’elle fut décrite dans « Tche-le-brigand » du Tchouarig Tse a été confirmée par d’autres ouvrages. Le Liuche Tchouentsieou par exemple nous raconte cette anecdote :

Lieouhsia Tche demanda de mettre dans son cercueil après sa mort un marteau de bronze dont il se servirait pour casser le crâne aux rois Tang de la dynastie des Chang et Wen de celle des Tcheou et aux autres chefs de file de la classe des propriétaires d’esclaves quand il les rencontrerait dans l’autre monde.

D’où nous pouvons voir que Lieouhsia Tche voua une haine implacable à ces « rois anciens » et ces « sages » tant vénérés par Confucius. Ce même ouvrage a noté encore les interprétations données par Lieouhsia Tche aux concepts moraux tels que courage, justice, sagesse et bienveillance. Ceci nous montre que l’éthique de la classe des esclaves avancée par Lieouhsia Tche était diamétralement opposée aux vertus de la « piété filiale » et de la « déférence fraternelle » prêchées par Confucius.

Nous pouvons voir ici que Lieouhsia Tche avait une théorie politique qui lui était propre. Dans ses Mémoires historiques, Sema Tsien a écrit que Lieouhsia Tche propageait activement les doctrines révolutionnaires. L’auteur du Siun Tse dit que Lieouhsia Tche se montrait habile dans les débats et que ses discours convaincants faisaient peur à ses adversaires.

Dans les Discours sur le contrôle du sel et du fer par l’Etat, il est dit que Sang Hong-yang (152-80 av. J.-C.), légaliste célèbre des Han de l’Ouest, indiqua que « Confucius voulait persuader Lieouhsia Tche par les rites », mais échoua. En somme, le contenu de ces ouvrages est justement conforme à celui de « Tche-le-brigand » dans le Tchouang Tse qui décrit comment Lieouhsia Tche, faisant montre d’un esprit de combativité Inflexible, déjoua les efforts de Confucius pour le convaincre de se rendre et dénonça les crimes des « anciens rois », et comment il fit preuve d’une grande habileté dans le débat et déconcerta complètement Confucius. Tous ces ouvrages s’appuyent et se confirment mutuellement.

L’essai « Tche-le-brigand » fut écrit à une époque ultérieure au temps où vécut ce héros, sur la base de nombreuses histoires qui circulaient oralement parmi le peuple travailleur.

Il est à noter que l’auteur de ce texte a aussi employé certaines expressions calomnieuses à l’égard de Lieouhsia Tche, et que, par endroits, il a même professé des idées taoïstes, passives et décadentes par sa bouche. Les écrits de ce genre, nous devons les juger d’après les conceptions de classe et de la lutte de classes, et en recourant à la méthode de l’analyse de classe.

Les dominateurs réactionnaires de tous les temps ont toujours considéré que seuls leurs « classiques » et « biographies » officiels étaient authentiques et dignes de foi.

En fait, ces ouvrages déformaient, dans la plupart des cas, les faits historiques, en inversant le vrai et le faux, pour servir l’intérêt de leur classe.

Mais, puisque l’histoire est créée par le peuple travailleur, ce sont les récits répandus largement parmi le peuple qui la reflètent le plus fidèlement et sont dignes de foi.

Les ouvrages écrits sur la base des récits populaires pourraient manquer de précision sur certains détails concernant les dates, les épisodes ou parce que des expressions et des pensées des époques postérieures s’y sont introduites, mais il nous est quand même possible de déceler la vérité historique à partir de ces ouvrages, si nous savons saisir le tronc de l’arbre en élaguant les rameaux inutiles, c’est-à-dire discerner le vrai du faux.

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