De multiples oppositions sont nées au cours de l’affirmation de cette sorte de césaro-papisme, d’intégration de la religion dans le système de domination impériale restructurée.
Augustin va appuyer de toutes ses forces l’écrasement dans la violence des chrétiens donatistes, expliquant même que face à « la barbare et violente hérésie des Donatistes, toute indulgence pourrait paraître plus cruelle que leur cruauté même ».
Ce donatisme était, de fait, l’expression d’une grande radicalité. Il s’agissait d’un courant chrétien refusant que soit pardonné de manière générale aux évêques qui avaient failli lors de la sanglante persécution de l’empereur païen Dioclétien, de 303 à 305.
Il semblait de fait inacceptable que soient acceptés comme évêques des gens ayant brûlé des ouvrages chrétiens ou pratiqué des sacrifices sous la pression meurtrière du régime.
Ce jusqu’au-boutisme anti-païen convergea même en Afrique du Nord avec la révolte violente des circoncellions, des ouvriers agricoles itinérants, contre les propriétaires terriens. Il s’exprima également par un culte populaire du martyr et une rupture très nette avec le pouvoir central impérial.
On a ici indéniablement ici l’expression de l’impatience populaire par rapport aux promesses chrétiennes, une expression de la lutte de classes.
Le christianisme fut en mesure ensuite, avec Augustin se revendiquant de Constantin Ier, d’écraser idéologiquement le donatisme au Concile de Carthage en 411, où se réunirent 286 représentants traditionalistes et 279 opposants donatistes.
Il s’ensuivit une répression forcenée de la part de l’empire, accompagnée d’une série importante de scissions dans le donatisme.
L’invasion vandale en 429, avec la chute de Carthage, le bastion donatiste, en 439, marqua la perte par l’Empire romain de l’Afrique du Nord pour un siècle et le donatisme disparut alors comme proposition religieuse historique.
Il est cependant significatif que John Wycliffe et Jan Hus furent, par la suite, attaqués par le catholicisme romain comme relevant d’une forme de donatisme.
À ce grand ennemi d’Augustin qu’est le donatisme, il faut ajouter le pélagianisme. Elle a comme origine la conception de Pélage, origine de Bretagne romaine et installé à Rome.
À ses yeux, l’être humain n’est pas condamné par le péché commis par Adam. La mort n’est pas une conséquence de son acte et l’Humanité n’est nullement condamnée.
Le pélagianisme s’appuie sur un passage du Deutéronome (24:16) :
« On ne fera point mourir les pères pour les enfants, et l’on ne fera point mourir les enfants pour les pères; on fera mourir chacun pour son péché. »
Pélage dit ainsi :
« Si le péché d’Adam doit retomber sur ceux qui ne pèchent pas, la justice de Jésus-Christ doit suffire également à ceux qui ne croient pas ; c’est-à-dire si nous participons au mal sans notre faute, nous devons aussi pouvoir participer au bien sans notre mérite. »
De là le raisonnement suivante :
« Ces choses se suivent et se tiennent : si l’homme a le devoir d’éviter le péché, c’est qu’il le peut ; il serait injuste et absurde de lui attribuer à crime ce qu’il ne dépend pas de lui d’éviter. S’il ne le peut pas, il n’a aucune obligation. »
Par conséquent, l’être humain dispose par conséquent du libre-arbitre en tant que tel et peut faire des choix corrects ou non, mais tout dépend de lui, il n’a pas besoin de grâce divine pour cela. Il y a ici une réelle autonomie qui est affirmée, chaque humain étant en mesure d’aller dans le bon sens, par lui-même, et d’ainsi mériter de Dieu par son choix même.
Le choix d’un être humain a par conséquent une valeur en soi. Pélage résume ainsi sa pensée en les formules suivantes :
« La raison n’est pas viciée par le péché originel. La perfection est possible. »
Il y a ici une insistance particulière sur le caractère bon de la nature humaine, sur la capacité naturelle à incliner vers ce qui est juste ; Pélage souligne d’ailleurs la question de l’importance de la conscience :
« Chaque fois que je dois traiter de la conduite des mœurs et de la manière de mener une vie sainte, je commence d’ordinaire par montrer la force et la qualité de la nature humaine (…).
Il y a en effet, selon moi, en notre esprit, pour ainsi dire une sorte de sainteté naturelle.
Siégeant en la citadelle de l’esprit, elle juge du mal et du bien.
De même qu’elle approuve les actions honorables et droites, de même elle condamne les méfaits. Elle juge les litiges d’après le témoignage de la conscience, selon une sorte de loi intérieure. »
Il y a là une dimension tout à fait rationaliste et humaniste et on comprend pourquoi l’Église catholique a, par la suite, considéré que le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes de Jean-Jacques Rousseau relevait du pélagianisme.
Au début du XXIe siècle, les papes Benoît XVI et François expliquèrent également que les courants ultra-conservateurs de l’Église relevaient d’une forme de pélagianisme, c’est-à-dire d’une assurance confortable en le dogme comme assurance d’être sauvé, alors qu’en réalité « les pauvres sont l’Évangile ».
Le pélagianisme est, de fait, une perspective rationaliste affirmant qu’il existe un déterminisme possible selon les actions. Pélage exprime une confiance complète en l’être humain et sa capacité d’agir en fonction de ses choix corrects.
Quelle force sociale pouvait soutenir une telle conception ? Pélage était en fait très actif auprès des grandes familles romaines. Il était également lié, semble-t-il, au haut clergé romain.
La démarche de Pélage, en fait, imposait une approche philosophique qui se situait clairement dans la perspective des courants gréco-romains, principalement le stoïcisme. A cela s’ajoute que s’il y a une réflexion nécessaire sur le bien et le mal à partir de l’autonomie de l’individu, cela signifie que les laïcs auraient leur mot à dire.
Pélage était lui-même un ascète et sa vision de la religion était celle d’une sorte d’accompagnatrice de la civilisation, par en bas, avec une charge démocratique tout à fait clair.
C’était catégoriquement inacceptable pour le christianisme, tout comme pour l’empire. Augustin joua ici un rôle capital, en tant que figure majeure de l’opposition au pélagianisme.
Il développa toute une conception où l’humanité, condamnée par le péché d’Adam, devait non seulement obéir à l’Église pour agir de manière correcte, mais en plus se soumettre à une grâce divine.
Et effectivement, les conciles de Carthage de 415 et de 418, celui d’Antioche en 424, le Concile œcuménique d’Éphèse en 431 brisèrent au fur et à mesure le pélagianisme, alors que Pélage est excommunié en 426, Augustin jouant un rôle majeur à ce niveau.