Le rôle de l’argent selon Marx : l’argent et la dépendance vis-à-vis de lui

L’argent apparaît alors comme une menace essentielle pour les anciens modes de production, car la production marchande capitaliste, en se développant, procède à la décomposition et la dissolution des anciennes formes.

Les personnes prisonnières des anciens modes de production le ressentent, elles sont écrasées par l’avalanche des marchandises à faible prix, par l’intégration toujours plus grande des masses paysannes appauvries, par la pression financière sur les campagnes, la dépendance au crédit, la production agricole capitaliste elle-même, etc.

La figure du « Mahatma Gandhi » est ainsi célèbre, parce que justement il a représenté le mode de production arriéré en Inde qui a tenté de s’opposer à la pression capitaliste britannique.

Gandhi avait ainsi lancé le boycott des produits britanniques ; la matière première venait d’Inde mais était transformé en Grande-Bretagne. En apparence, il s’agissait d’un mouvement pour l’indépendance, en réalité Gandhi défendait la simple reproduction des biens, typique de l’Inde féodale.

Gandhi a d’ailleurs théorisé cette revendication de l’auto-suffisance, l’élaborant en système ; il voulait même qu’un rouet soit présent sur le futur drapeau national.

En agissant ainsi, Gandhi montre qu’il n’a compris que l’apparence du rapport des échanges, et non la question du mode de production. La pensée de Gandhi est réactionnaire, elle est une « révolte » contre l’argent.

C’est ce que Marx veut dire quand il dit :

« Lorsqu’on étudie le capital historiquement, dans ses origines, on le voit partout se poser en face de la propriété foncière sous forme d’argent, soit comme fortune monétaire, soit comme capital commercial et comme capital usuraire.

[La note de Marx ajoute :] L’opposition qui existe entre la puissance de la propriété foncière basée sur des rapports personnels de domination et de dépendance et la puissance impersonnelle de l’argent se trouve clairement exprimée dans les deux dictons français : « Nulle terre sans seigneur », « L’argent n’a pas de maître ». »

A ce titre, Gandhi ne remettait pas en cause l’existence des grands propriétaires terriens, qui eux-mêmes avaient tout intérêt à maintenir une reproduction simple de la production et à ne pas subir la concurrence des capitalistes.

Le capitaliste, de son côté, amène l’industrie : une production plus grande d’individus regroupés collectivement, sous sa houlette. Les individus en question reçoivent un salaire : leur rapport au capitaliste passe par l’argent. C’est l’argent qui, en apparence, menace le féodal, bien qu’en fait ce soit le mode de production.

Notons bien que l’effondrement de la base économique a, précisément chez les féodaux (qui ont historiquement par ailleurs entretenu tout un apparat), ajouté aux problèmes financiers causés déjà par les guerres. Louis XIV avec Versailles ne pouvait former un système durable.

Les féodaux, toujours endettés, les États féodaux, en crise sévère au XVIe-XVIIe siècles et parfois même en banqueroute complète, s’endettèrent ainsi. Ce n’est pas un facteur déterminant, mais c’est une réalité importante.

Comme le dit Karl Marx :

« Dans le monde antique, le mouvement de la lutte des classes a surtout la forme d’un combat, toujours renouvelé, entre créanciers et débiteurs, et se termine à Rome par la défaite et la ruine du débiteur plébéien, qui est remplacé par l’esclave.

Au moyen-âge, la lutte se termine par la ruine du débiteur féodal. Celui-là perd la puissance politique dès que croule la base économique qui en faisait le soutien.

Cependant, ce rapport monétaire de créancier à débiteur ne fait, à ces deux époques, que réfléchir à la surface des antagonismes les plus profonds. »

Cependant, cela est vrai dans le capitalisme aussi. En effet, le capitaliste dépense de l’argent pour produire des marchandises et obtenir ainsi plus d’argent qu’il n’en avait au départ.

Cela signifie qu’à chaque cycle, l’argent qu’il faut lancer est plus grand qu’au cycle précèdent.

Au final, il y a donc des investissements de plus en plus grands ; un petit investissement capitaliste ne tient pas la route en comparaison, il est écrasé par la pression des grands investissements capitalistes.

Il y a donc une concurrence acharnée et une dépendance certaine de l’industrie par rapport aux banques, ce que Lénine remarquera, forgeant alors la notion d’impérialisme pour caractériser la fusion des banques et de l’industrie. C’est ce qu’il appellera, de manière parfaitement juste, « l’impérialisme, stade suprême du capitalisme ».

Voici comment Marx nous parle déjà de cela :

« Nous avons vu ailleurs que, plus le mode de production capitaliste se développe, et plus cela augmente le minimum des avances nécessaires pour exploiter une industrie dans ses conditions normales.

Les petits capitaux affluent donc aux sphères de la production dont la grande industrie ne s’est pas encore emparée, ou dont elle ne s’est emparée que d’une manière imparfaite.

La concurrence y fait rage en raison directe du chiffre et en raison inverse de la grandeur des capitaux engagés.

Elle se termine toujours par la ruine d’un bon nombre de petits capitalistes, dont les capitaux périssent en partie et passent en partie entre les mains des vainqueurs.

Le développement de la production capitaliste enfante une puissance tout à fait nouvelle, le crédit, qui à ses origines s’introduit sournoisement comme une aide modeste de l’accumulation, puis devient bientôt une arme additionnelle et terrible de la guerre de la concurrence, et se transforme enfin en un immense machinisme social destiné à centraliser les capitaux. »

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Le rôle de l’argent selon Marx : l’étalon-or et sa (future) disparition

Revenons au fait que c’est l’État qui fabrique l’argent. Bien évidemment, il ne peut pas le fabriquer comme bon lui semble, il ne peut pas simplement utiliser la fameuse « planche à billets » comme il l’entend.

En effet, cet argent, qui n’est que du papier, a une valeur, et il faut que l’État soit en mesure de lui trouver un équivalent, puisqu’il ne s’agit que de papier, et qu’il faut qu’il soit pour autant « crédible. »

Si l’argent n’a pas de valeur, les capitalistes ne vont pas l’utiliser. C’est la raison du triomphe du dollar, de l’euro, etc. sur d’autres monnaies dont la valeur n’est pas assurée, pouvant s’effondrer, etc.

Voici ce qu’enseigne Marx :

« L’État jette dans la circulation des billets de papier sur lesquels sont inscrits des dénominations de numéraires telles que 1 livre sterling, 5 livres sterling, etc.

En tant que ces billets circulent réellement à la place du poids d’or de la même dénomination, leur mouvement ne fait que refléter les lois du cours de la monnaie réelle.

Une loi spéciale de la circulation du papier ne peut résulter que de son rôle de représentant de l’or ou de l’argent, et cette loi est très simple : elle consiste en ce que l’émission du papier-monnaie doit être proportionnée à la quantité d’or (ou d’argent) dont il est le symbole et qui devrait réellement circuler. »

Ce qu’on appelle argent vaut ici de l’or, de l’argent, etc. L’État doit donner des gages, il doit être crédible, sa monnaie doit valoir quelque chose, sinon les billets seraient aussi peu valables que ceux du monopoly.

C’est le principe de l’étalon-or : dans les coffres de la banque nationale, il y a de l’or, équivalent à l’argent en circulation. Nous verrons, en parlant de la question de l’accumulation du capital, que la question de cet or au démarrage du capitalisme, est un sujet épineux.

Cependant, pour ce qui nous intéresse ici, et comme nous le savons, l’étalon-or a été « abandonné ».

Notre maître Marx se serait-il trompé ? Absolument pas.

L’étalon-or n’a, en réalité, pas été abandonné, mais dépassé. La raison en est ni plus ni moins que le crédit. Il y a tellement d’échanges que l’argent est obligé de s’échanger à une vitesse si grande qu’il en est dématérialisé.

Regardons cela. Que nous dit Karl Marx au sujet de l’argent ? Il nous dit :

« Plus la production marchande se développe et s’étend, moins la fonction de la monnaie comme moyen de paiement est restreinte à la sphère de la circulation des produits.

La monnaie devient la marchandise générale des contrats. »

La monnaie est présente à tous les niveaux du capitalisme. Elle est tellement présente qu’elle s’est dématérialisée. La carte de crédit est devenu historiquement l’outil pour accélérer les échanges : lorsqu’on paye en carte, on gagne du temps, puisque l’argent n’est pas remis à soi-même, puis remis à la caisse, puis remis à la banque. Cela passe de banque en banque.

Or, le principe du crédit est qu’on peut parfois payer sans disposer de l’argent. C’est là que s’effondre le principe d’un équivalent réel, sous la forme d’or ou d’argent, à l’argent qui circule sous la forme de billets et de pièces.

Vérifions cela chez Marx : que dit-il au sujet des trésors, des coffres des pays capitalistes, dans leur rapport avec la circulation des marchandises ?

Il dit :

« Le fleuve aux vagues d’argent et d’or possède un double courant.

D’un côté, il se répand à partir de sa source sur tout le marché du monde, où les différentes enceintes nationales le détournent en proportions diverses, pour qu’il pénètre leurs canaux de circulation intérieure, remplace leurs monnaies usées, fournisse la matière des articles de luxe, et enfin se pétrifie sous la forme de trésor.

Cette première direction lui est imprimée par les pays dont les marchandises s’échangent directement avec l’or et l’argent aux sources de leur production.

En même temps, les métaux précieux courent de côté et d’autre, et ce mouvement suit les oscillations incessantes du cours de change.

Les pays dans lesquels la production a atteint un haut degré de développement restreignent au minimum exigé par leurs fonctions spécifiques les trésors entassés dans les réservoirs des banques.

A part certaines exceptions, le débordement de ces réservoirs par trop au-dessus de leur niveau moyen est un signe de stagnation dans la circulation des marchandises ou d’une interruption dans le cours de leurs métamorphoses. »

Ce que dit Marx, c’est que plus il y a d’échanges, plus l’argent circule vite, donc moins il y a besoin d’argent, donc moins besoin de stock d’or équivalent.

Pourquoi l’étalon-or a-t-il alors été abandonné ? Simplement, car l’argent circulant a désormais d’autres équivalents, consistant en certaines possessions de l’État.

Si l’État français fait bien attention à conserver comme il se doit la Tour Eiffel, les Champs-Élysée, etc., c’est que ces possessions étatiques ont de la valeur et jouent un rôle comme équivalent symbolique de l’argent circulant.

Pourquoi symbolique ? Parce que le capital bancaire joue désormais un rôle essentiel dans les échanges, renforçant la « dématérialisation » ; nous en reparlerons par la suite, au moment de la circulation du capital, mais également de l’accumulation du capital.

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Le rôle de l’argent selon Marx : les billets de banque et le cadre national

La question des billets de banque et de pièces, c’est-à-dire de l’argent, est difficile, parce que les choses ont changé depuis Marx, non pas en substance bien entendu, mais dans leur forme.

Deux phénomènes se sont produits : d’abord, l’abandon de l’étalon-or pour l’argent, et ensuite l’apparition d’une monnaie commune à plusieurs États, avec l’euro.

C’est donc différent d’à l’époque de Marx, mais naturellement la tendance avait déjà été analysée.

Il faut donc saisir ce qu’explique Marx, et comprendre comment en apparence cela a changé, et en apparence seulement.

L’idée de base, qui n’est pas difficile à comprendre, est que l’argent n’est pas statique. Sans doute que si Molière critique l’avare, c’est parce que lui-même représente l’esprit bourgeois entreprenant, qui exige la circulation.

L’argent est, en effet, utilisé par les échanges, il « circule ». Il passe de main en main, un tel achète, un autre vend, etc., un autre encore investit, ce qui revient d’ailleurs à acheter, etc.

De plus, le tout ne se passe pas au même moment. L’un achète pendant que l’autre vend, l’un met de côté pendant que l’autre investit, etc. C’est le chaos de la circulation capitaliste, comme nous le verrons.

Il faut donc des billets de disponibles, d’une certaine quantité… Mais aussi d’une certaine valeur. Les billets de monopoly ne permettent pas d’acheter un écran d’ordinateur, mais les euros si : c’est que l’État est reconnu socialement, pas le monopoly, ou plus exactement, il est connu que les billets réels ont une valeur réelle, ce n’est pas que du papier, alors que les billets de monopoly, si.

C’est un premier point, qui en appelle un second.

Pour ce qui concerne la quantité de billets qui circule, cela ne dépend par contre pas seulement du nombre d’échanges, cela dépend aussi de leur vitesse.

Si ces échanges sont très nombreux, alors l’argent change très souvent de main, donc il n’y a pas besoin d’en avoir beaucoup de disponible. Si par contre les échanges sont lents, alors il faut de nombreux billets.

Et tout cela alors que leur valeur doit être significative aussi, équivalente à une certaine quantité de travail : l’argent incarne en effet du travail social, et pour qu’on l’accepte comme ayant de la valeur, elle doit représenter une valeur réellement existante.

Ici, la situation présente a changé depuis Marx. Aujourd’hui un billet représente de la valeur, mais en théorie seulement ; de par le passé, il représentait de l’or qui était à la banque de l’État produisant le billet en question.

Le rapport de l’or à la monnaie dépend alors de la vitesse des échanges… Karl Marx constate ainsi, dans Le Capital :

« La masse d’argent qui, par exemple, est jetée dans la circulation à un moment donné est naturellement déterminée par le prix total des marchandises vendues à côté les unes des autres.

Mais, dans le courant même de la circulation, chaque pièce de monnaie est rendue, pour ainsi dire, responsable de sa voisine.

Si l’une active la rapidité de sa course, l’autre la ralentit, ou bien est rejetée complètement de la sphère de la circulation, attendu que celle-ci ne peut absorber qu’une masse d’or qui, multipliée par le nombre moyen de ses tours, est égale à la somme des prix à réaliser.

Si les tours de la monnaie augmentent, sa masse diminue ; si ses tours diminuent, sa masse augmente. La vitesse moyenne de la monnaie étant donnée, la masse qui peut fonctionner comme instrument de la circulation se trouve déterminée également. »

On voit l’importance de l’argent, qui permet de vendre des marchandises, de payer des ouvriers pour en produire de nouvelles, de vendre celles-ci, etc. Si la machine se grippe, alors la production est perturbée : ce sont des crises dites monétaires, en réalité industrielles ou commerciales.

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Le rôle de l’argent selon Marx : le fétichisme de l’or et de l’argent

Nous avons vu que le capitaliste donne naissance à la force collective, parce qu’il unifie des travailleurs dans une direction de production commune.

Cependant, au-delà de la réalité sociale transformée en tant que telle, lui-même ne se conçoit que comme individu, comme simple capitaliste individuel ayant lui-même décidé ce qu’il voulait. Le protestantisme est la religion adaptée à sa vision du monde, avec l’entrepreneur individualiste et exigeant une société disciplinée, considérant sa réussite comme un signe d’élection divine, etc.

Ce n’est pourtant pas la seule figure qui a été produite par le développement du capitalisme. Il y a également l’avare.

De fait, la figure de l’avare est bien connue en France, avec par exemple la figure de Gobseck chez Balzac, ou bien encore la pièce de Molière.

Pourquoi l’avare conserve-t-il son or ? Nous avons vu que le capitaliste ne le fait pas ; il sait en effet qu’il peut l’agrandir en le jetant dans la production capitaliste.

L’avare, lui, a perdu cela de vue, parce qu’il s’imagine dominer la puissance de l’argent, devenir lui-même la puissance. Grâce à l’argent, il peut faire de nombreuses choses ; l’argent est puissant et universel.

L’avare a fait un fétiche de cette potentialité ; le fétichisme de l’argent est un produit du mode de production capitaliste.

L’avare est toutefois dans une contradiction, dont il a conscience, et cela le perturbe, lui donnant une dimension tragique. En effet, comme un peu d’argent ne vaut qu’une certaine valeur, l’avare est obligé est tenté de chercher à avoir plus d’or, afin de combler le fossé entre la valeur finie des pièces d’or et la valeur infinie de l’or comme moyen d’échange.

Il est coincé entre la puissance de l’argent qu’il a et la dimension infinie de l’argent infini qu’il pourrait avoir.

Rappelons ici brièvement que l’argent est un intermédiaire qui est né socialement comme outil, pour dépasser le troc. Il est plus facile, naturellement, de ne pas transporter des marchandises pour les échanger, mais d’avoir su soi de simples pièces.

Ces pièces d’or permettent d’acheter quelques marchandises, mais au sens strict l’argent permet de « tout » acheter.

Avec le mode de production capitaliste, on peut de plus également acheter de la force de travail, dans un processus renforçant cet argent.

Par conséquent, l’avare est aliéné, possédé par l’or pour sa capacité de tout acheter. L’illustre Karl Marx nous explique que :

« La possibilité de retenir et de conserver la marchandise comme valeur d’échange ou la valeur d’échange comme marchandise éveille la passion de l’or.

A mesure que s’étend la circulation des marchandises grandit aussi la puissance de la monnaie, forme absolue et toujours disponible de la richesse sociale (…).

Le penchant à thésauriser n’a, de sa nature, ni règle ni mesure. Considéré au point de vue de la qualité ou de la forme, comme représentant universel de la richesse matérielle, l’argent est sans limite parce qu’il est immédiatement transformable en toute sorte de marchandise.

Mais chaque somme d’argent réelle a sa limite quantitative et n’a donc qu’une puissance d’achat restreinte. Cette contradiction entre la quantité toujours définie et la qualité de puissance infinie de l’argent ramène sans cesse le thésauriseur au travail de Sisyphe.

Il est de lui comme du conquérant que chaque conquête nouvelle ne mène qu’à une nouvelle frontière. »

L’avare conserve l’argent sans y toucher, ou bien se précipite dans une quête sans fin derrière l’argent, devenant la figure du capitaliste authentique.

La culture peut être très marquée par ce phénomène. Comme le constate Karl Marx:

« Le trésor n’a pas seulement une forme brute : il a aussi une forme esthétique. C’est l’accumulation d’ouvrages d’orfèvrerie qui se développe avec l’accroissement de la richesse sociale. »

Comme le remarque Marx, c’est en Inde que ce fétichisme a été très prononcé ; y compris en Europe, les palais des Maharajas font immanquablement penser à l’or, aux diamants, etc.

La richesse apparente est censée représenter la richesse réelle ; l’apparat acquière une symbolique formidable.

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Le rôle de l’argent selon Marx : l’argent masque le travail comme source de la valeur

Nous avons vu que le capitaliste arrive avec de l’argent, emploie des travailleurs pour produire des marchandises, qu’il revend par la suite, se retrouvant finalement avec davantage d’argent.

L’argent, a cependant, existé avant le capitalisme, et auparavant, la formule capitaliste, le cycle argent – production de marchandises – davantage d’argent, n’existait pas.

Nous avons vu que l’origine de ce surplus de richesse provient du surtravail arraché aux travailleurs.

Donc, ce qui fait que de l’argent relève du capital est sa fonction dans la production capitaliste, qui va de pair avec la reproduction capitaliste. Karl Marx explique ainsi :

« Le valeur-capital à l’état d’argent ne peut exécuter que des fonctions de monnaie, et aucune autre.

Ce qui fait de ces fonctions de monnaie des fonctions de capital, c’est leur rôle déterminé dans le mouvement du capital et, par voie de conséquence, la connexion du stade où elles apparaissent avec les autres stades du cycle du capital. »

Cela signifie que l’argent est capital lorsqu’il est dépensé pour produire, en payant des travailleurs « libres » (c’est-à-dire pas des esclaves), et qu’il revient après la vente des marchandises produites.

Sinon, il n’est pas capital.

Au cours de ce processus propre à l’argent en tant que capital, du surtravail a été arraché aux travailleurs, sous la forme d’heures non payées, mais étant masquées derrière un salaire général. Il y a un salaire, mais il est en fait « incomplet ».

Le salaire, en tant qu’argent, masque ici la véritable valeur : le travail. C’est le surtravail qui permet au capitaliste d’agrandir la somme « avancée », car rien ne vient de rien. L’argent est le masque de l’exploitation.

Individuellement, le travailleur est censé avoir eu un juste salaire, en argent ; du point de vue scientifique, la classe des travailleurs est exploitée par la classe des capitalistes.

Le capitalisme, ce n’est pas le commerçant qui prend un pourcentage sur la revente : le commerçant n’est qu’un parasite entre acheteurs et vendeurs ; son existence ne peut pas expliquer l’augmentation des richesses.

L’origine de la richesse, c’est un échange entre équivalents, en apparence : lorsque le travailleur reçoit de l’argent du capitaliste sous la forme du salaire, avec en réalité le travailleur fournissant au capitaliste du travail non rémunéré.

Cela signifie que l’argent s’agrandit non pas « tout seul » mais précisément lorsqu’il entre en rapport avec le travailleur, parce que c’est le travailleur qui, en fournissant du travail non rémunéré, ajoute de la valeur.

Ce n’est pas tout. Pour que l’argent entre en rapport avec le travailleur, il faut des conditions précises. Karl Marx nous enseigne que :

« Le mode de production capitaliste – étant fondé sur le salaire, sur le paiement de l’ouvrier en argent et en général sur la transformation des prestations en nature en prestations en argent -, ne peut se réaliser avec quelque ampleur et quelque profondeur que s’il existe dans le pays une masse d’argent suffisante pour la circulation et pour la constitution d’un trésor (fonds de réserve, etc.), déterminée par cette circulation.

Telle est la condition préalable exigée par l’histoire ; il ne faut cependant pas s’imaginer qu’il se forme d’abord une masse suffisante d’argent thésaurisé et que la production capitaliste ne commence qu’ensuite.

Cette production se développe en même temps que ses conditions, et l’une de ces conditions consiste en un apport suffisant de métaux précieux.

C’est pourquoi l’accroissement de cet apport de métaux précieux constitue depuis le XVIe siècle un facteur essentiel dans l’histoire du développement de la production capitaliste.

Mais quand il s’agit de la nécessité de l’apport continu d’argent dans le cadre de la production capitaliste, on constate que, d’une part, l’on jette dans la circulation de la plus-value sous forme de produit sans qu’il y ait l’argent nécessaire pour la monnayer, et que, d’autre part, l’on y jette de la plus-value sous forme d’or sans que le produit ait été au préalable transformé en argent.

Si les marchandises supplémentaires qui doivent se convertir en argent trouvent la somme d’argent nécessaire, c’est que, d’autre part, l’on jette dans la circulation, non point par l’échange, mais par la production même, de l’or (et de l’argent) supplémentaire, qui doit se convertir en marchandises. »

Nous touchons ici l’épineux problème de la question de l’accumulation primitive du capital, qui a toujours été un sujet important de débat, notamment en raison de la vision formulée par Rosa Luxembourg.

Cependant, ce qui nous intéresse ici pour l’instant est l’argent. Et donc, à partir du moment où l’argent amène l’argent en plus grande quantité, et que la production ne semble qu’un « à côté », alors l’argent masque la réalité productive.

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Le rôle de l’argent selon Marx : l’argent du capitaliste disparaît pour mieux revenir

Le paradoxe de l’argent tel qu’il existe dans le capitalisme, et pour le capitaliste, c’est qu’il n’est pas tant un moyen d’échange ni d’achat que but en soi.

Il est en effet l’objectif du capitaliste, dans la mesure où il représente de la valeur, valeur arrachée aux travailleurs au moyen du surtravail.

Pour les travailleurs, l’argent permet l’accès aux marchandises, pour vivre ; pour les capitalistes, l’argent est le but de l’accumulation, au moyen de la production de type capitaliste.

Dans le cycle de cette production, il y a achat de force de travail, vente de marchandises, le tout répété, inlassablement, par le capitaliste, en toute conscience apparemment. Comme le formule Marx :

« Les transformations du capital, de marchandise en argent et d’argent en marchandise, sont en même temps des transactions du capitaliste, des actes d’achat et de vente. »

Or, ce qu’il faut constater, c’est que l’argent disparaît pendant un temps, dans le cycle argent – production de marchandises – argent.

Pourquoi cela ? Parce que l’argent apporté par le capitaliste est dépensé dans les salaires et dans les matières premières, l’achat de machines, leur entretien, etc.

Toutefois, il ne disparaît qu’en apparence. En effet et déjà, il aboutit à d’autres capitalistes puisqu’il est utilisé pour acheter d’autres marchandises, et aux travailleurs dont la force de travail est par ailleurs achetée, avec les salaires.

Donc cet argent repart dans le capitalisme ; c’est d’importance pour la circulation du capital, comme nous le verrons.

Ensuite, parce que si l’argent a disparu, en fait il est toujours là d’une certaine manière, car il va revenir, une fois les marchandises produites et vendues.

L’argent est en fait plutôt donc « bloqué » pendant la production – il est bloqué parce qu’il est censé revenir par la suite, si les marchandises produites sont par la suite effectivement vendues.

Marx résume cela ainsi :

« Le capital circulant variable [c’est-à-dire les salaires] dépensé pendant la production ne peut servir à nouveau dans le procès de circulation qu’autant que le produit, où sa valeur est incorporée [c’est-à-dire la marchandise], est vendu, converti de capital-marchandise en capital-argent, afin d’être re-déboursé pour le paiement de la force de travail.

Mais il en va de même du capital circulant constant (matières de production), qui est déboursé dans la production, et dont la valeur réapparaît comme fraction de valeur du produit [qui est composé des matières premières transformées]. »

On peut alors poser la question : cet argent est-il dépensé, du point de vue du capitaliste, ou non ?

On voit bien que non dans sa manière de réagir. Par exemple lorsqu’un capitaliste ferme simplement une usine et ne verse plus de salaires, car ce qu’il a en tête, ce n’est pas l’argent « dépensé » (et ayant donc une réalité sociale) réellement, mais bien la plus-value possible.

A ses yeux, l’argent reste toujours à lui, car il obtient des marchandises de l’argent fourni, et ces marchandises représentent un argent à venir.

En fait, en pratique donc, pour le capitaliste, l’argent n’est pas dépensé, il est avancé, car il revient (dans la mesure où il revient si la vente des marchandises a réussi, mais voyons ici le cas idéal).

Marx dit ainsi :

« La valeur-capital est simplement avancée, non dépensée, puisque, après avoir parcouru les différentes phases de son cycle, elle y revient à son point de départ, et elle y revient enrichie de plus-value.

Ainsi, elle présente le caractère d’une avance faite.

Le temps qui s’écoule entre le départ et le retour est le temps pour lequel ce capital est avancé. »

Marx appelle le temps de ce cycle, entre le départ et le retour, une « rotation. » C’est d’importance pour la circulation du capital, mais cela ne nous concerne pas directement ici.

Ce qui compte, c’est que l’argent du capitaliste passe donc par des cycles (leur temps de réalisation étant secondaire ici), c’est-à-dire qu’il disparaît pour revenir, tout en étant toujours là.

C’est bien entendu quelque chose d’étrange. Et ce n’est pas tout ! Car il faut toujours relancer le processus : le mouvement du capital se veut « éternel ».

Cela veut dire que pour le capitaliste, le capital apporté est là sans être là tout en étant là sans être là, etc., et qu’il s’agrandit, et ce dans un processus ininterrompu.

Telle est l’importance de l’argent dans le cycle de reproduction. Non seulement, il semble s’ajouter à lui-même, mais en plus il part pour mieux revenir, c’est-à-dire que dans les situations idéales, c’est comme s’il ne partait pas.

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Le rôle de l’argent selon Marx : l’argent, en apparence, s’ajoute à lui-même

L’argent est une réalité frappante dans le capitalisme. Il frappe l’imagination de par sa puissance ; la conscience est impressionnée par sa présence en tous les endroits.

L’argent est un moyen d’échange se présentant comme universel et en apparence, c’est lui qui ferait le capital et permettrait la richesse.

Voir les choses de cette manière est bien entendu incorrect ; ce n’est là qu’illusion. C’est le travail qui permet la richesse, l’argent n’est qu’un outil dans les mains du capital, il n’est pas toujours capital, et d’ailleurs il existait historiquement avant le capital.

Comprendre le capital et ne pas se limiter à voir l’argent est un point fondamental du matérialisme historique.

La grande difficulté historique est ici de voir le capital au-delà de l’argent : le petit-bourgeois s’arrête à l’argent, il ne voit pas le système capitaliste, le mode de production, et il a pour cette raison produit nombre d’anti-capitalismes romantiques, notamment et principalement l’antisémitisme.

En apparence, ce qui saute aux yeux, c’est effectivement le rapport capital => marchandise => capital. Et c’est vrai que :

« Aujourd’hui comme jadis, chaque capital nouveau entre en scène, c’est-à-dire sur le marché – marché des produits, marché du travail, marché de la monnaie – sous forme d’argent, d’argent qui, par des procédés spéciaux doit se transformer en capital. »

C’est en raison de cela qu’apparaît la vision du capitaliste avec son sac rempli d’argent, celle de l’oncle Picsou, du personnage symbolisant le jeu Monopoly, etc., mais aussi bien entendu les images nazis du « juif » vivant par et pour l’argent, parasite qui serait comme un vampire pour la société, etc.

Qu’est-ce que l’argent ? C’est un moyen simplifiant les échanges, pour dépasser le troc. Des pièces de monnaie, valant elles-mêmes quelque chose, sont utilisées comme intermédiaires, comme moyens d’échanges.

Historiquement, ces pièces ont elles-mêmes de la valeur, car elles sont faites d’or, d’argent, etc. Ces métaux précieux ayant une valeur, et étant donné qu’on peut les réduire en petite quantité aisément, ils ont pu jouer un rôle d’échange non seulement à l’intérieur des pays, mais même entre les pays.

Toutefois, l’argent utilisé dans le capitalisme correspond à quelque chose de plus profond qu’un simple moyen d’échange entre équivalents.

En effet, l’argent que le capitaliste utilise dans la production lui revient avec la vente des marchandises, et de manière plus grande qu’au départ. C’est là la dimension « magique » qu’on prête à l’argent dans le capitalisme, et qui s’appuie en réalité sur l’exploitation des travailleurs.

En apparence, le capitaliste arrive et paie des gens pour produire des marchandises, et vend ensuite celles-ci.

On en tire la conclusion, erronée, que comme on achète et on vend les marchandises de manière – en apparence – principale, c’est pour cela qu’on utilise l’argent pour payer les travailleurs, de manière – en apparence – secondaire.

Pour renforcer ce raisonnement, on constate également que l’argent existait avant l’apparition du capitaliste proposant de rémunérer des gens contre un travail. L’argent étant antérieur à l’existence du travailleur libre, celui-ci ne serait que le serviteur de celui-là.

Donc, l’argent serait ce qui compte ; la marchandise ne serait qu’un lieu de passage, le travailleur un personnage secondaire payé à son « juste prix », et le profit, en quelque sorte, miraculeux.

Le capitaliste qui investit « au bon endroit » deviendrait donc riche, grâce aux marchandises qui correspondraient à une « demande » et qui donc « partent comme des petits pains ».

Or, ce n’est pas ainsi que cela fonctionne, bien sûr. Comme nous l’avons vu, Marx a analysé le surtravail arraché par le capitaliste, lors de la production. Là est la source de richesse authentique.

De plus, le type d’échanges (par le troc ou bien l’argent) dépend du mode de production, et non l’inverse. La nature de l’argent est, dans le capitalisme, bien spécifique au mode de production. Comme l’affirme Marx :

« Au fur et à mesure que le travail se fait travail salarié, le producteur se fait capitaliste industriel ; c’est pourquoi la production capitaliste (et par suite la production marchande) n’apparaît avec toute son ampleur que le jour où le producteur agricole direct est un salarié.

C’est le rapport entre le capitaliste et le salarié qui fait du rapport monétaire, du rapport entre l’acheteur et le vendeur, un rapport immanent à la production même.

Mais ce rapport a son fondement dans le caractère social de la production, non du mode d’échange ; au contraire, c’est celui-ci qui résulte de celui-là.

C’est d’ailleurs le lot de la conception bourgeoise, pour laquelle tout se ramène à de bonnes petites affaires, de ne pas voir dans le caractère du mode de production le fondement du mode d’échange qui y correspond mais l’inverse. »

Le capitaliste entend arracher du surtravail, et pour cela il a besoin d’exploiter un travailleur libre et de revendre la marchandise derrière ; pour cette raison, l’argent est nécessaire.

Le capitaliste exploite le travailleur et partant de là lui extorque du travail non payé, lui permettant d’obtenir un capital plus grand à la fin de la production et de la vente.

En ce sens, l’avare perd là où le capitaliste gagne, car l’avare garde son argent, mais le capitaliste authentique a quant à lui de plus en plus d’argent.

Marx nous dit ainsi :

« La valeur d’usage [= l’utilité d’un bien] ne doit donc jamais être considérée comme le but immédiat du capitaliste, pas plus que le gain isolé, mais bien le mouvement incessant du gain toujours renouvelé.

Cette tendance absolue à l’enrichissement, cette chasse passionnée à la valeur d’échange lui sont communes avec le thésauriseur.

Mais tandis que celui-ci n’est qu’un capitaliste maniaque, le capitaliste est un thésauriseur rationnel.

La vie éternelle de la valeur que le thésauriseur croit s’assurer en sauvant l’argent des dangers de la circulation, plus habile, le capitaliste le gagne en lançant toujours de nouveau l’argent dans la circulation. »

Cela veut dire qu’en apparence, ce qui apparaît est simplement que l’argent s’ajoute à lui-même.

C’est comme si l’argent avait toujours existé et que certains avaient trouvé des sortes de chapeaux magiques où, lorsqu’on y jette de l’argent, davantage en ressort.

La réalité est toute autre.

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La loi de la baisse tendancielle du taux de profit selon Marx : les trois faits principaux de la production capitaliste

Voici, enfin, comment Karl Marx, traitant de la chute tendancielle du taux de profit, présente les principaux aspects du mode de production capitaliste :

« Trois faits principaux de la production capitaliste:

1. Concentration des moyens de production en peu de mains; ainsi ils cessent d’apparaître comme la propriété des ouvriers qui les utilisent directement et se transforment, au contraire, en puissances sociales de la production.

Mais, d’abord, ils apparaissent comme propriété privée des capitalistes.

Ceux-ci sont les trustees [syndics] de la société bourgeoise, mais ils empochent tous les fruits qui résultent de cette fonction.

2. Organisation du travail lui-même comme travail social: par la coopération, la division du travail et la liaison du travail et des sciences de la nature.

Dans les deux sens, le système de production capitaliste abolit la propriété privée et le travail privé, quoique sous des formes contradictoires.

3. Constitution du marché mondial.

Par rapport à la population, l’énorme force productive, qui se développe dans le cadre du mode de production capitaliste, et l’accroissement des valeurs-capital (pas seulement de leur substrat matériel), même s’il n’a pas lieu dans la même proportion, qui augmentent bien plus vite que la population, entrent en contradiction avec la base du profit de laquelle s’exerce cette énorme force productive et qui, relativement à l’accroissement de richesse, s’amenuise de plus en plus, et avec les conditions de mise en valeur de ce capital qui s’enfle sans cesse.

D’où les crises. »

Et voici comment Karl Marx présente la dimension historique de la chute tendancielle du taux de profit :

« Pour lui donner une expression tout à fait générale, voici en quoi consiste la contradiction : le système de production capitaliste implique une tendance à un développement absolu des forces productives, sans tenir compte de la valeur et de la plus-value que cette dernière recèle, ni non plus des rapports sociaux dans le cadre desquels a lieu la production capitaliste, tandis que, par ailleurs, le système a pour but la conservation de la valeur-capital existante et sa mise en valeur au degré maximum (c’est-à-dire un accroissement sans cesse accéléré de cette valeur).

Son caractère spécifique est fondé sur la valeur-capital existante considérée comme moyen de mettre en valeur au maximum cette valeur. Les méthodes par lesquelles la production capitaliste atteint ce but impliquent : diminution du taux de profit, dépréciation du capital existant et développement des forces productives du travail aux dépens de celles qui ont déjà été produites.

La dépréciation périodique du capital existant, qui est un moyen immanent au mode de production capitaliste, d’arrêter la baisse du taux de profit et d’accélérer l’accumulation de valeur-capital par la formation de capital neuf, perturbe les conditions données, dans lesquelles s’accomplissent les procès de circulation et de reproduction du capital, et, par suite, s’accompagne de brusques interruptions et de crises du procès de production.

La baisse relative du capital variable par rapport au capital constant, qui va de pair avec le développement des forces productives, stimule l’accroissement de la population ouvrière, tout en créant constamment une surpopulation artificielle.

L’accumulation du capital, au point de vue de sa valeur, est ralentie par la baisse du taux de profit, qui hâte encore l’accumulation de la valeur d’usage, tandis que celle-ci, à son tour, accélère le cours de l’accumulation, quant à sa valeur.

La production capitaliste tend sans cesse à dépasser ces limites qui lui sont immanentes, mais elle n’y parvient qu’en employant des moyens, qui, de nouveau, et à une échelle plus imposante, dressent devant elle les mêmes barrières.

La véritable barrière de la production capitaliste, c’est le capital lui-même: le capital et sa mise en valeur par lui-même apparaissent comme point de départ et point final, moteur et fin de la production; la production n’est qu’une production pour le capital et non l’inverse: les moyens de production ne sont pas de simples moyens de donner forme, en l’élargissant sans cesse, au processus de la vie au bénéfice de la société des producteurs.

Les limites qui servent de cadre infranchissable à la conservation et la mise en valeur de la valeur-capital reposent sur l’expropriation et l’appauvrissement de la grande masse des producteurs; elles entrent donc sans cesse en contradiction avec les méthodes de production que le capital doit employer nécessairement pour sa propre fin, et qui tendent à promouvoir un accroissement illimité de la production, un développement inconditionné des forces productives sociales du travail, à faire de la production une fin en soi.

Le moyen – développement inconditionné de la productivité sociale – entre perpétuellement en conflit avec la fin limitée: mise en valeur du capital existant.

Si donc le mode de production capitaliste est un moyen historique de développer la force productive matérielle et de créer le marché mondial correspondant, il représente en même temps une contradiction permanente entre cette tâche historique et les rapports de production sociaux qui lui correspondent. »

Ces deux larges extraits résument tout à fait l’approche matérialiste dialectique de Karl Marx, qui a compris la dynamique du mode de production capitaliste, sa nature transitoire, son rôle historique, la nécessité de son dépassement.

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La loi de la baisse tendancielle du taux de profit selon Marx : chaos et surproduction

Comme on le sait, Lénine a théorisé que l’impérialisme était le stade suprême du capitalisme. Son raisonnement se fonde bien sûr directement sur les enseignements de Karl Marx.

Ce dernier a constaté, en effet, que la chute tendancielle du taux de profit ne donnait pas naissance qu’à des moyens « rationnels » de la contrecarrer, encore qu’on puisse parler de rationalité puisque la bourgeoisie ne comprend par définition strictement rien au mode de production capitaliste.

Le chaos prime également.

Voici ce qu’enseigne Karl Marx :

« Si le taux de mise en valeur du capital total, le taux de profit, est bien l’aiguillon de la production capitaliste (de même que la mise en valeur du capital est son unique fin), sa baisse ralentira la constitution de nouveaux capitaux autonomes et elle semble dès lors menacer le développement du procès de production capitaliste, elle favorise la surproduction, la spéculation, les crises, la constitution de capital excédentaire à côté d’une population en excédent. »

Ce n’est pas tout. Plus les forces productives se développent, plus est flagrante l’étroite base de la consommation. Le besoin de la socialisation de la production et de la consommation devient toujours plus frappant, en tant que besoin du communisme.

Il est facile de voir au XXIe siècle comment la haute technologie est appliquée à des choses inutiles, des gadgets ultra-technologiques pour la haute bourgeoisie, pour son apparence, son style de vie décadent, etc.

On peut se douter également, et on en revient ici à la question des monopoles, que plus le capital est fort, plus il est dirigé d’une main de fer, de manière centralisée. Comme le constate Karl Marx :

« La masse du profit augmente bien avec la grandeur du capital investi, même si le taux [de profit] est moins élevé. Mais ce fait entraîne en même temps une concentration du capital puisque les conditions de production commandent alors l’emploi de capitaux massifs.

Il conditionne aussi la centralisation, c’est-à-dire l’absorption des petits capitalistes par les gros et la décapitalisation des premiers. »

L’élévation des moyens de production va donc de pair avec une si haute productivité sociale que ce sont les monopoles qui prédominent. On comprend que les banques jouent historiquement un rôle central, de par leur fonction dans l’organisation du capital. Inévitablement le capital bancaire et le capital industriel s’entrecroisent à un moment.

C’est d’autant plus vrai que les petits capitalistes jouent sur la spéculation, mettant leur capital au service des vastes projets des grands capitalistes, tentant d’en grappiller une part de succès, c’est-à-dire de profits.

Imaginons également que le processus s’approfondisse tellement que les capitalistes ne sauraient plus où placer leur capital. On aurait alors une situation de surproduction de capital.

Dans le socialisme, ce capital serait redirigé socialement, mais cela ne saurait être le cas dans une économie où les moyens de production relèvent de la propriété privée. Cela renforce le chaos général et l’exportation des capitaux – ce que Lénine décrit dans son ouvrage sur l’impérialisme.

Karl Marx dit ainsi :

« Surproduction de capital ne signifie jamais autre chose que surproduction de moyens de production – moyens de travail et de subsistance – pouvant exercer la fonction d’être utilisés pour exploiter le travail à un degré d’exploitation donné; cependant que, si ce degré d’exploitation tombe au-dessous d’une certaine limite, cette chute provoque des perturbations et des arrêts de la production capitaliste, des crises, une destruction de capital.

Il n’y a pas de contradiction dans le fait que cette surproduction de capital s’accompagne d’une surpopulation relative plus ou moins grande.

Les mêmes circonstances qui ont augmenté la force productive du travail, multiplié la masse des produits-marchandises, élargi les marchés, accéléré l’accumulation du capital en masse et en valeur, et abaissé le taux de profit, ont donné naissance à une surpopulation relative et l’engendrent en permanence; les ouvriers en surnombre ne sont pas employés par le capital en excédent en raison du faible degré d’exploitation du travail auquel on pourrait seulement les employer, ou du moins en raison du faible taux de profit qu’ils fourniraient pour un degré d’exploitation donné.

Si on exporte des capitaux ce n’est pas qu’on ne puisse absolument les faire travailler dans le pays. C’est qu’on peut les faire travailler à l’étranger à un taux de profit plus élevé. »

Le mode de production capitaliste capitalise ainsi le travail, au lieu de le rendre utile, et produit des marchandises en trop, alors qu’en même temps les masses sont toujours plus appauvries.

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La loi de la baisse tendancielle du taux de profit selon Marx et la dimension tendancielle

Le capitalisme étend sa domination par l’accumulation de profits de manière toujours plus généralisée, mais en même temps il sape sa propre source de profits qui réside dans l’extorsion de la plus-value, car les prolétaires ont une part toujours moins grande dans la production des marchandises, en raison des progrès techniques.

Plus le capital grandit – et la tendance au monopole est inévitable – plus il met en branle de plus grands projets, avec plus d’ouvriers, élevant les moyens de production et sapant sa propre identité en tant que propriété privée.

Et plus il sape sa propre base, plus le capital s’agrandit pour lancer des projets encore plus grands, pour récupérer par là la plus-value qu’il pouvait obtenir auparavant avec des projets moins grands, en raison des moins grandes avancées techniques.

Il faut ainsi des projets capitalistes toujours plus grands pour tenter d’échapper à la baisse tendancielle du taux de profit.

Comme le dit Karl Marx :

« La tendance progressive à la baisse du taux de profit général est tout simplement une façon propre au mode de production capitaliste d’exprimer le progrès de la productivité sociale du travail. »

Et pour résumer encore une fois ce « paradoxe » dialectique :

« En somme à la basse relative du capital variable et du profit correspond une hausse absolue de l’un et de l’autre. »

Toutefois, pourquoi Karl Marx dit-il que cette baisse est progressive, ou plus précisément tendancielle ?

Il y a là un point important. En fait, la baisse du taux de profit est tendancielle, car elle ne dépend pas, en soi, du fait que par exemple davantage de prolétaires soient employés et exploités. Ce qui est en jeu, c’est le taux d’exploitation.

Or, les capitalistes tentent de contrecarrer la baisse des profits, grâce à de nombreux moyens, jouant précisément sur le taux d’exploitation.

Les capitalistes cherchent en effet à élever la production sans pour autant ajouter du capital. Pour cela, ils procèdent à des réorganisations du travail, à l’instauration de nouvelles méthodes de travail.

Comme exemples connus, il y a le taylorisme, le fordisme, le toyotisme, etc.

Les capitalistes cherchent à faire en sorte que le travail soit rationalisé, c’est-dire que le timing des activités soit le plus efficace possible, que les machines tournent mieux, que les équipes de travail soient mieux coordonnées, que les gestes soient plus rapides, etc.

Le travail est ici intensifié, sans investir du capital. La plus-value est alors plus grande : la chute du taux de profit est enrayé relativement, pour un temps.

A cela s’ajoute, bien sûr, le jeu sur la hausse des prix permettant, en n’augmentant pas les salaires, de baisser la valeur de ceux-ci. C’est autant de gagner pour les capitalistes. Il va de soi que dans les phases où le chômage est important, le chantage à l’emploi permet d’exercer une grande pression sur les salaires.

Un autre moyen est celui de faire en sorte que les marchandises aient un prix plus bas, augmentant alors les ventes. On sait ici comment les capitalistes spéculent sur les matières premières. A cela ajoutent également la chute des barrières douanières, ou encore la baisse des taxes, pour faciliter la vente des marchandises.

L’Union Européenne est ainsi directement née comme moyen de faire tomber les douanes ; aux Etats-Unis d’Amérique, l’absence de petites frontières dès le départ a facilité le développement du capitalisme. On comprend ici évidemment également pourquoi la bourgeoisie a soutenu historiquement la monarchie absolue, comme moyen de dépasser les barrières féodales.

Un dernier moyen consiste bien sûr à exporter du capital, dans des zones moins développées, afin de profiter du retard local pour organiser les conditions adéquates à l’extorsion de la plus-value.

Tout cela forme des freins relatifs à la chute du taux de profit, qui reste cependant inéluctable de par la contradiction même existant au sein du capitalisme existant entre la propriété privée des moyens de production et le haut niveau de la productivité sociale.

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La loi de la baisse tendancielle du taux de profit selon Marx : plus il y a d’ouvriers moins il y en a et inversement

En licenciant, les entreprises perdent la source de leur plus-value, et le taux de profit baisse, alors que pour les capitalistes le fait qu’il y ait des salaires en moins est censé renforcer les profits.

Cependant, cela ne se réalise pas mécaniquement. Karl Marx fait ici une précision très importante, qui peut semble paradoxale.

Il dit que non seulement il peut y avoir plus de prolétaires qui travaillent et baisse tendancielle du taux de profit, mais même que cela doit nécessairement être le cas dans le capitalisme, et que justement cela a un rapport direct avec la baisse tendancielle du taux de profit.

C’est étrange : comment se fait-il que, puisque le capitalisme licencie pour rogner sur les salaires, il y ait pourtant davantage de prolétaires ? Et comment cela pourrait-il être en lien direct, comme deux aspects du même processus ?

Ce qui joue, en effet, c’est le rapport entre la part des machines et des prolétaires dans le travail total. Mais pour qu’il y ait plus de machines, plus de perfectionnement, il faut plus de capitalisme, donc plus d’ouvriers.

En fait, plus il y a d’ouvriers, moins il y en a, et moins il y en a, plus il y en a, par le jeu du capitalisme. Expliquons cela.

Le capital investit par exemple 100 euros dans une entreprise de transformation du textile au Bangladesh. Le matériel et les machines coûtent 20 euros, le travail des ouvriers 80 euros. Seulement, en raison de la concurrence, de l’accumulation des moyens de production inhérents au capitalisme, le capital modifie le rapport entre les machines et les ouvriers.

Les machines coûtent alors, par exemple, 60 euros et les ouvriers 120 euros. Et le processus continue : plus la production est perfectionnée, plus la part d’utilisation de la main d’oeuvre humaine faiblit, et par conséquent la plus-value arrachée aux humains.

On peut intensifier le travail humain si on le veut, bloquer ou abaisser les salaires, c’est-dire renforcer l’exploitation, cela ne change rien : le capital investit 100, mais la partie « utile » pour les profits devient toujours plus petite.

Plus le capitalisme se modernise, plus la partie dédiée en réalité à arracher la plus-value aux humains se rétrécit. Le capitalisme est condamné à ne servir qu’à agrandir les moyens de production avant de disparaître.

Pourquoi, alors, y a-t-il toujours plus d’ouvriers ? Tout simplement parce qu’en se modernisant, il élargit la production de marchandises. Il y a une production toujours plus grande, toujours plus de biens produits, et par conséquent toujours plus d’ouvriers pour les produire.

Il se déroule ainsi un déséquilibre entre les branches les plus développées et celles qui sont plus arriérées. C’est cela qui explique l’explosion du nombre d’ouvriers en Chine et inversement la chute du nombre d’ouvriers en France, ce qui, dit ainsi, reste abstrait car ce n’est valable que pour certains secteurs : la prolétarisation se généralise également en France, car il y a reconversion des travailleurs dans d’autres secteurs.

Cette reconversion se déroulant dans le chaos capitaliste, cela présuppose le chômage, car les chômeurs sont l’armée de réserve industrielle du capital. Selon qu’il y ait plus ou moins de capital disponible selon les périodes, il y a plus ou moins de chômeurs, mais le chômage est inhérent au capitalisme.

Karl Marx note ainsi :

« De la nature du procès d’accumulation capitaliste – simple phase du procès de production capitaliste – il résulte tout naturellement que la masse accrue de moyens de production destinés à être convertis en capital a toujours sous la main une population ouvrière exploitable dont l’accroissement correspond au sien et même le dépasse.

A mesure que progressent les procès de production et d’accumulation, il faut donc que croisse la masse du surtravail appropriable et approprié et, par conséquent, la masse absolue du profit que s’approprie le capital social.

Mais ces mêmes lois régissant la production et l’accumulation font augmenter, avec sa masse, la valeur du capital constant selon une progression croissante plus rapide que celle du capital variable converti en travail vivant.

Donc, ce sont les mêmes lois qui entraînent pour le capital social une hausse absolue de la masse du profit, et une baisse du taux de celui-ci. »

Pour résumer, on pourrait dire ici que le capitalisme croît de manière quantitative et donc les profits, mais que le saut qualitatif consiste en l’effondrement du taux de celui-ci à chaque investissement.

Le capitalisme est alors dans une spirale négative : il produit toujours plus pour obtenir des profits, mais il peut en arracher toujours moins, et plus il bataille pour en arracher par la modernisation, plus il abaisse lui-même le taux de profit, la part d’exploitation concrète, dans l’investissement, ôtant le sol sous ses propres pieds.

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La loi de la baisse tendancielle du taux de profit selon Marx : profits et plus-value

La productivité sociale du travail est un critère essentiel. Pour une même exploitation – pour un même nombre d’heures non payées – le taux de plus-value peut être très différent.

Tout est une question de l’importance du capital investi, ainsi que sa forme. Prenons deux exemples bien différents :

a) Le premier est connu : un ouvrier du textile au Bangladesh est plus rentable qu’un ouvrier du textile en France, car le capital à investir pour la même production est plus grand en France, de par les conditions de travail, de sécurité, etc., sans parler du salaire.

Même si les deux ouvriers avaient le même salaire, le coût des machines, ateliers, etc. ferait que l’ouvrier en France serait moins rentable. La part du travail humain doit être la plus grande possible, comme on le voit.

b) Prenons un autre exemple. Un ouvrier de l’aéronautique en France est plus rentable qu’un ouvrier équivalent en Inde, car il est plus éduqué et peut faire fonctionner des machines plus puissantes et perfectionnées, amenant une production plus importante.

Les deux exemples donnés sont contradictoires : d’un côté, les capitalistes ont intérêt à exporter leur capital, de l’autre ils ont intérêt à ne pas le faire. Il y a à la fois toujours plus de hausse de productivité et, en même temps, toujours plus d’ouvriers.

C’est une contradiction – précisément au cœur du capitalisme, pour des raisons bien précises. Cela la bourgeoisie ne le voit pas et dit que les ouvriers sont de moins en moins.

Pourquoi cela ? Parce que les capitalistes sont prisonniers, dans leur conscience, d’un seul aspect du capitalisme.

Il se passe la chose suivante : la bataille pour les parts de marché fait qu’il y a bataille pour abaisser les coûts de production et à cela s’ajoute la nécessité pour le capital de toujours plus étendre ses profits.

Or, les capitalistes regardent donc sur quelles variables ils peuvent jouer. Ils voient ainsi qu’ils peuvent procéder à l’abaissement de la part de main d’oeuvre employée : ils veulent un nombre moindre de salaires à payer, pour obtenir cependant la même production ou une plus grande production.

La hausse de la productivité permet cela, et ils se disent qu’ils y gagnent… alors qu’en réalité ils perdent tout.

C’est ici que le problème est fatal pour le mode de production capitaliste. Car les profits ne trouvent pas leur source réelle dans le commerce des marchandises, mais dans l’exploitation du prolétariat. Cela les capitalistes ne le voient pas : ils s’imaginent que la production de marchandises et surtout leur vente suffit en soi à leur fournir les profits.

Cependant, employer moins de prolétariat en produisant autant, ce n’est pas se débarrasser de salaires, mais abaisser les profits. Voilà ce que les capitalistes ne voient pas.

Plus la partie du travail humain est faible dans la production, plus le travail qui est extorqué aux prolétaires est faible, et donc moins il y a de profits réels, car les véritables profits du capitaliste reposent sur l’extorsion de travail aux prolétaires, sur la plus-value.

Karl Marx dit ainsi :

« La loi de la baisse du taux de profit qui traduit un maintien du taux de plus-value ou même une hausse de ce dernier signifie en d’autres termes : étant donné une certaine quantité de capital social moyen, un capital de 100 par exemple, la fraction de celui-ci qui représente des moyens de travail ne cesse de croître et celle qui représente du travail vivant ne cesse de diminuer.

Mais, comme la masse totale du travail vivant ajouté aux moyens de production baisse par rapport à leur valeur, le travail non payé et la portion de valeur qui le représente baissent aussi par rapport à la valeur du capital total avancé.

Ou encore: une partie aliquote de plus en plus petite du capital total investi se convertit en travail vivant et ce capital total absorbe donc, proportionnellement à sa grandeur, toujours moins de surtravail, même si, ce qui est possible, dans le travail employé le rapport du travail non payé au travail payé vient à croître en même temps. »

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La loi de la baisse tendancielle du taux de profit selon Marx : la productivité sociale du travail

La « loi de la baisse tendancielle du taux de profit » est la pierre angulaire du Capital de Karl Marx. C’est la thèse essentielle, qui détermine toute la position du matérialisme dialectique sur le mode de production capitaliste.

Le débat autour de cette thèse a été à l’origine d’un grand débat au début du mouvement ouvrier, dans la social-démocratie. Le révisionnisme – qui révisait donc le marxisme – affirmait que cette thèse de Karl Marx précisément était fausse, que le capitalisme pouvait grandir sans crise et que donc les ouvriers pouvaient en profiter et faire le socialisme par des moyens pacifiques.

Inversement, il a toujours été au coeur du mouvement communiste de préserver la compréhension scientifique de cette loi qui, il faut bien le souligner, concerne une baisse du taux de profit qui est « tendancielle ».

Cela signifie que l’appauvrissement généralisé des masses, s’accélérant passé un certain cap d’accumulation du capital, ne se produit pas de manière unilatérale, ni de manière uniforme, même s’il est de fait inéluctable.

Quelle est la base de la question ? C’est celle de la définition même de ce qu’est le capital.

En fait, on connaît le principe selon lequel au départ une entreprise produit des biens à un prix élevé, puis ensuite les produit en quantité beaucoup plus grande, à un prix moins élevé. Sur le papier, l’entreprise gagne autant, ayant simplement transféré ses profits du principe qualitatif au principe quantitatif.

En réalité, les choses ne se déroulent pas de cette manière. Raisonner ainsi, c’est avoir en tête une démarche commerciale, pas une démarche capitaliste au sens strict.

Car qu’est-ce que le capital ? Le capital c’est du travail accumulé, sous la forme matérielle. Les moyens de production relèvent des capitalistes, pas de la société toute entière ; c’est le principe de la propriété privée des moyens de production.

Ce capital emploie du travail vivant, des travailleurs, dans des ateliers, des usines, etc. ; on appelle capital fixe ou constant les machines, les bâtiments, etc. et capital variable le travail vivant des travailleurs, plus ou moins employés par les capitalistes.

Le jeu, l’équilibre, le rapport entre ces deux aspects du capital forment précisément la dynamique dialectique du capital en général.

En effet, le capitalisme développe les moyens de production. Ce faisant, il modernise la société, toute la société : il ne produit pas que plus de marchandises, il produit également les moyens de les produire, il les perfectionne toujours davantage.

La société devient alors de plus en plus performante sur le plan des moyens de production. Toute se rejoint, se relie ; les progrès de certains secteurs profitent aux autres secteurs, comme par exemple la téléphonie, l’informatique, les transports, etc.

C’est, pour prendre une image, celle des robots qui remplacent les ouvriers dans l’usine. C’est la productivité qui augmente, sur tous les plans.

Karl Marx constate ce principe en disant :

« En utilisant plus de machines en général, en employant davantage de capital fixe, le même nombre d’ouvriers transforme en produits une plus grande quantité de matières premières et auxiliaires dans un même laps de temps – c’est-à-dire avec moins de travail. »

C’est là le point essentiel : l’accumulation du capital ne signifie pas uniquement l’accumulation de marchandises, mais également l’accumulation des moyens de production. C’est précisément là que le capitalisme joue un rôle historiquement utile, unifiant la force de travail pour élever le niveau des moyens de production.

Karl Marx appelle cela la « productivité sociale du travail », et s’il parle de la baisse tendancielle du taux de profit, c’est parce que celle-ci résulte de celle-là.

Il dit ainsi :

« La tendance progressive à la baisse du taux de profit général est tout simplement une façon propre au mode de production capitaliste d’exprimer le progrès de la productivité sociale du travail. »

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La circulation du capital selon Marx et la crise de surproduction comme inévitable conséquence

La circulation du capital a un aspect particulier qu’il y a lieu de comprendre pour saisir le processus général de surproduction.

En effet, le capitaliste peut renforcer son propre appareil productif au moyen du surtravail. Il y a alors un argent virtuel qui apparaît : virtuel, car il n’est pas présent, mais réel dans la mesure où il apparaîtra dans le prochain cycle, avec des marchandises plus nombreuses ou de meilleure qualité.

Ici, le surtravail a permis non pas de produire directement davantage de marchandises, mais de développer les moyens de production, et donc effectivement la production de marchandises, mais lors du prochain cycle.

C’est là d’ailleurs un point essentiel pour le « démarrage » de l’accumulation du capital, le passage de la reproduction simple à la reproduction élargie.

Mais c’est également un point essentiel pour comprendre comment historiquement le capital a pu utiliser la social-démocratie : en acceptant les syndicats institutionnels, le capital a renforcé sa modernisation, sa productivité.

Il ne faut pas perdre de vue que le capital n’est pas présent que dans les marchandises produites, il existe dans la production elle-même, dans l’usine, dans l’atelier. Il a besoin d’investir en quelque sorte en « lui-même », dans le processus de production.

Karl Marx souligne d’ailleurs ici que :

« Plus est grand le capital productif déjà en fonction dans un pays (y compris la force de travail qui lui est incorporée, génératrice de surproduit), plus sont développés la force productive du travail et par conséquent aussi les moyens techniques d’une extension rapide de la production de moyens de production – plus est grande, par conséquent, la masse du surproduit, tant en valeur qu’en masse de valeurs d’usage par lesquelles il est représenté. »

Et Karl Marx de mentionner le capital productif virtuel additionnel et le capital-argent virtuel additionnel. Alors intervient souvent ici le capital financier, qui prend une importance centrale.

Pourquoi cela ? Parce que le capital entend réaliser les possibilités de production accordées par davantage de capital productif virtuel additionnel et le capital-argent virtuel additionnel. Il a cependant souvent besoin d’un coup de pouce pour avancer en ce sens, par exemple en faisant appel à du capital à la bourse, ou bien en demandant un crédit à une banque.

Mais dans ce processus, il y a alors des capitalistes qui achètent sans vendre, d’autres qui vendent sans acheter. Il n’y a aucune harmonie, chaque capitaliste agissant selon ses propres besoins et ses propres perspectives.

Le fait que le capital fasse circuler l’argent selon ses propres besoins a donc un prix : la surproduction de capital et la surproduction de marchandises.

Dans une note du Capital (livre II), Karl Marx résume la chose de la manière suivante :

« Contradiction dans le mode de production capitaliste : les ouvriers, en tant qu’acheteurs de marchandises, sont importants pour le marché.

Mais à les considérer comme vendeurs de leur marchandise – la force de travail – la société capitaliste tend à les réduire au minimum du prix.

Autre contradiction : les époques où la production capitaliste met en œuvre toutes ses virtualités se révèlent régulièrement comme des époques de surproduction, parce que les virtualités de production ne peuvent jamais être utilisées suffisamment pour qu’il y ait non seulement production, mais encore réalisation d’une plus grande somme de valeur.

Au contraire, la vente des marchandises, la réalisation du capital-marchandise et, par conséquent aussi de la plus-value, est limitée non par les besoins de consommation de la société en général, mais par les besoins de consommation d’une société dont la grande majorité est toujours pauvre et condamnée à toujours le rester. »

Qu’est-ce que cela veut dire ? Tout simplement que la production n’est pas planifiée pour répondre à une consommation qui elle-même aurait comme fondement financier ce qui a été gagné dans la production.

Dans le capitalisme, la production est au contraire chaotique, les capitalistes plaçant leur capital selon leurs propres besoins, ce qui aboutit à une circulation du capital incohérente.

A cela s’ajoute que par la propriété privée des moyens de production, la consommation est restreinte, toujours plus restreinte, à une minorité.

Ainsi, les améliorations effectuées par le capitaliste de son propre appareil productif peuvent s’avérer vaines : c’est la surproduction de marchandises.

Ainsi, les améliorations effectuées par le capitaliste de son propre capital-argent, par la thésaurisation, la mise de côté d’argent, peuvent s’avérer vaines : c’est la surproduction de capital.

Tant la la surproduction de marchandises que la surproduction de capital se déroulent dans des cycles, à des moments donnés, cycles s’entrecroisant, s’enchevêtrant, s’emmêlant sans que jamais le capital ne puisse trouver une solution équilibrée.

C’est un élément essentiel de la crise générale du capitalisme.

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La circulation du capital selon Marx : le capital fait tourner l’argent à son compte

Ainsi, la circulation du capital passe par l’argent ; cet argent est jeté dans la circulation par le capital et par la consommation personnelle des capitalistes, mais également par la production directe d’or par certains capitalistes.

Dans tous les cas, amasser de l’or n’a pas de sens et ne relève pas du capital ; l’argent est un outil pour le capital.

Et, comme le dit Marx :

« La partie du produit annuel qui représente la plus-value sous forme de marchandise obéit tout à fait aux mêmes règles que l’autre partie du produit annuel.

Sa circulation exige une certaine une somme d’argent.

Cette somme appartient à la classe capitaliste au même titre que la masse de marchandises produite chaque année et représentant la plus-value. Personne d’autre que la classe capitaliste ne la jette, à l’origine, dans la circulation.

Grâce à la circulation elle-même, la répartition de cette masse se renouvelle sans trêve entre les capitalistes. »

Mais d’où vient la force grandissante du capitalisme ?

Est-ce seulement de la lente accumulation ? Justement, ce qu’il faut voir, c’est qu’à chaque étape de la circulation, le capital a davantage de moyens techniques, il sait mieux comment utiliser les forces de la nature.

Le capitalisme a donc tout intérêt à soutenir le progrès technique, les améliorations scientifiques.

Il faut noter toutefois un point important, expliqué comme suit par Marx :

« L’augmentation des forces productives du travail, si elle n’a pas pour condition une dépense supplémentaire de valeur-capital, n’accroît sans doute en première instance que la masse du produit, mais elle n’accroît pas sa valeur ; excepté dans la mesure où elle permet de reproduire une plus grande quantité de capital constant [c’est-à-dire du matériel productif : principalement les machines et matières premières] avec le même travail [c’est-à-dire que pour chaque force naturelle utilisée en plus, on a du travail en plus allant avec, pour le même nombre de travailleurs], donc de conserver sa valeur.

Mais en même temps, elle crée une nouvelle matière-capital, donc la base d’une accumulation accrue du capital. »

Lorsque le capitalisme augmente les forces productives, il peut avoir davantage de marchandises moins chères qu’auparavant ; en ce sens le capitaliste n’y gagne rien directement, à part par rapport à la concurrence.

Mais ce faisant, il inonde de davantage de marchandises, et celles-ci peuvent être intégrés dans d’autres processus productifs, qui tous servent les capitalistes.

Karl Marx note ainsi :

« Les cycles des capitaux individuels s’entrelacent, se supposent et se conditionnent les uns les autres et c’est précisément cet enchevêtrement qui constitue le mouvement de l’ensemble du capital social. »

Et il constate que :

« Ce sont précisément ces opérations d’achat et de vente qui font de façon générale circuler entre eux [les différents membres de la classe capitaliste] le seul argent nécessaire pour monnayer la plus-value. »

Ce qui l’amène à dire que :

« La foule regarde avec étonnement les masses accumulées, surtout quand elles sont concentrées entre les mains d’une poignée de gens…

Mais les masses produites annuellement, semblables aux flots éternels et innombrables d’un fleuve puissant, déferlent et se perdent dans l’océan oublié de la consommation.

Et cette consommation éternelle n’en commande pas moins toutes les jouissances, et même l’existence de tout le genre humain.

C’est à la quantité et à la répartition de ce produit annuel qu’il faudrait avant tout appliquer la réflexion. »

C’est ici que l’argent se montre bien comme simple outil pour arracher au travailleur individuel la plus-value ; l’argent nécessaire au travailleur individuel pour vivre est le moyen de le pressuriser, et cela à court terme, obligeant le travailleur à s’intégrer au processus de production capitaliste.

Sans salariat, pas de capital, tel est le sens de la circulation monétaire.

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