La poussée fasciste du 6 février 1934 a essentiellement été une action parisienne. Elle a rassemblée les ligues d’extrême droite implantées surtout dans le monde urbain. Pour Henri Dorgères, il fallait absolument imposer une stratégie « rurale », « paysanne » de la contestation antiparlementaire, antisémite, anticommuniste.
Avec le Front paysan, il s’imagina un grand rôle national et s’acheta un appartement à Paris. Il multiplia les meetings, parfois en compagnie des chefs fascistes comme Taittinger ou La Rocque, à la fin de l’année 1934, meetings qui débordaient régulièrement en des agitations tapageuses.
La défense paysanne se posait comme l’incontournable outil pour le renversement du régime, par un biais illégal mais passif, une sorte de « désobéissance civile » :
« Prendre le pouvoir légalement, c’est-à-dire électoralement, nous semble une chimère, mais prendre le pouvoir de force nous semble également impossible tant que les dirigeants de ce pays auront la volonté de défendre le régime.
Ils disposent de tant de gardes mobiles, de tant de mitrailleuses que je recule d’effroi, pour ma part, devant le fleuve de sang que ferait couler une telle opération.
Mais la prise illégale du pouvoir me semble possible si nous amenons nos dirigeants à abdiquer.
De nombreux régimes ont ainsi abdiqué en France et, récemment encore, des gouvernements qui avaient des majorités parlementaires importantes ont fui sous la poussée de l’opinion publique.
Cette poussée, il faut l’exercer de telle sorte que la somme des inconvénients du pouvoir devienne pour nos politiciens plus grande que la somme de ses avantages. »
À la suite des élections municipales de mai 1935, qui voient la forte progression communiste dans la banlieue parisienne, voici ce qu’en dit Henri Dorgères dans un article au titre explicite « La ceinture rouge, soit, nous ferons donc la ceinture verte » :
« Le danger communiste existe aussi bien dans les fermes des environs de Paris que dans les boutiques petites et grandes de la capitale.
Or, les cultivateurs de la grande banlieue ne sont pas organisés en vue de la lutte contre le communisme.
Ils possèdent des associations professionnelles prospères, mais qui ne peuvent se battre sur ce terrain.
Par contre, des groupements de défense paysanne ne s’occupant ni de coopérations, ni de mutuelles, pourraient fort bien remplir ce rôle.
Autour de la ceinture rouge, ils pourraient établir une ceinture verte fort utile à la fois pour défendre leurs intérêts matériels et pour maintenir en respect les éléments révolutionnaires de la banlieue. »
C’est une véritable stratégie d’encerclement des mairies socialistes et communistes qui est « reprise » par les Croix de feu du colonel de la Rocque. Après une réunion parisienne « secrète » des Croix de feu début octobre 1935, Le Populaire (socialiste) écrit :
« le colonel de La Rocque a prouvé l’authenticité de nos révélations. S’adressant à ses gradés parisiens rassemblés lundi soir, salle Wagram, avec leurs hommes de confiance, il s’est écrié :
« Les cadres de la région parisienne seront la clef de la situation et les camarades de province on les yeux tournés vers eux, car ils savent que lorsque Paris aura donné le signal, la province devra les appuyer en immobilisant la ceinture rouge et EN MENANT L’OFFENSIVE parallèlement à celle de Paris.’’
Pour cette opération dont les chefs de l’armée de la tête de mort ne se dissimulent pas la difficulté, elles seront appuyées par les « chemises vertes » de Dorgères, venant principalement des départements normands : ‘‘à la ceinture rouge, a déclaré un chef Croix de feu, nous opposerons la ceinture verte !’’ »
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Henri Dorgères et les chemises vertes