P.C. d’Inde (Marxiste-Léniniste) / Naxalbari : Le MLM et la pensée Mao Zedong ne sont pas la même chose

Les dernières décennies ont vu les maoïstes remporter des succès significatifs dans la lutte idéologique et dans la pratique révolutionnaire, établissant le marxisme-léninisme-maoïsme comme commandant et guide de la révolution prolétarienne mondiale. 

Cela est visible dans deux aspects reliés entre eux. 

Plus que jamais auparavant, mener la Guerre Populaire ou s’activer à la préparation de son déclenchement est considéré comme la tâche centrale d’un parti maoïste. 

Sous ce rapport, la polarisation à l’intérieur du mouvement marxiste-léniniste au sens large qui a émergé dans les années 1960, entre les communistes authentiques et les diverses formes d’opportunisme de droite, s’est donc aiguisée. 

L’opportunisme de droite, le centrisme et le dogmato-révisionnisme sont de plus en plus forcés de dévoiler leur essence contre-révolutionnaire. 

La possibilité de concilier les deux contraires sous la bannière de la pensée mao zedong est en train de disparaître. 

Autrefois, les variétés de l’opportunisme de droite ont cherché à empêcher l’adoption du MLM en agitant le spectre du Lin Piaoisme et en soulevant un nuage de fumée sur les problèmes de l’heure. 

Cette tentative a échoué. 

Ceux qui ont joué ce jeu ont désormais été forcé de montrer leurs vraies couleurs en déviant du MLM et de la voie révolutionnaire encore plus explicitement. 

Cependant, les opportunistes de droite n’ont pas abandonné la partie. 

Certains d’entre eux ont feint d’accepter le maoïsme sans faire aucune rupture décisive avec leur passé. Pour ces gens, le MLM n’est rien d’autre qu’un nouveau cheval à enfourcher, puisque les leurs sont à l’agonie. 

C’est une loi de la révolution que le révisionnisme et d’autres variétés étrangères au communisme sont vouées à adopter de nouvelles formes à chaque avancée de la lutte des classes. 

Par conséquent, une telle adoption du MLM n’est pas surprenante. 

En revanche, les maoïstes ont évidemment à contrer ces tactiques opportunistes de droite. Malheureusement, une idée erronée persiste dans les rangs maoïstes, devient un obstacle dans cette lutte. 

Elle fournit aussi un espace à cette tactique opportuniste de droite. Quelle est cette idée erronée ? 

C’est l’idée que le MLM et la pensée mao zedong soient une seule et même chose. 

Ce qui est vrai, c’est que le passage du terme de pensée mao zedong au terme de MLM représente le passage à une explication plus précise et plus scientifique des contributions de Mao. 

Ce changement terminologique est également nécessaire pour tracer une ligne de démarcation plus nette face au révisionnisme moderne. 

Mais, si l’on ne parvient pas à clarifier la différence entre MLM et pensée mao zedong, l’adoption du MLM ne reviendra justement qu’à un changement terminologique. La porte sera donc ouverte aux variétés d’opportunisme de droite que nous avons mentionnées. 

Quelle est l’origine de cette idée erronée? Elle provient d’une vue formaliste de la situation. 

Comme nous l’avions expliqué dans un article passé : « Il est vrai qu’un catalogue formel comparant la pensée mao zedong et le maoïsme ne révèlera rien de nouveau. 

Mais là n’est pas la question, et nous devons prendre garde à ne pas tomber dans ce piège formaliste tendu par les adversaires du maoïsme. » 

La pensée mao zedong et le maoïsme ne sont pas la même chose. Ce dernier apporte quelque chose de nouveau. Quelque chose d’une grande importance idéologique est conquis avec l’adoption du maoïsme. 

Cette nouveauté ne réside pas dans le mot lui-même. 

Elle réside dans la rupture avec la compréhension incomplète ou mutilée de l’universalité des conceptions de Mao prises comme un tout, et dans le saut qualitatif qu’elles permettent de faire pour mieux s’emparer de notre idéologie, de façon plus élevée et plus profonde. 

Evidemment, tout raisonnement qui ne ferait qu’insister sur l’absence de nouveauté, ferait échouer la tâche de mobiliser tout le Parti et de le mener à cette rupture. 

La tâche de donner corps à ce grand potentiel, dans une rectification idéologique vigoureuse pour s’emparer au mieux du marxisme-léninisme-maoïsme serait accomplie partiellement. 

Ou pire, elle serait abandonnée à la spontanéité. 

Les dirigeants fondateurs des nouveaux partis marxistes-léninistes dans les années 1960 avaient fait de l’adoption de la pensée mao zedong en tant que nouvelle, troisième et supérieure étape du marxisme-léninisme la pierre de touche de la rupture avec le révisionnisme. 

Ils ont appliqué cette idéologie pour construire la ligne révolutionnaire et guider la pratique. 

Tous les partis maoïstes actuels tirent leur origine de tels sauts qualitatifs. 

Mais de là à aujourd’hui, l’adoption du MLM n’ a pas été en ligne droite. 

Nous n’avons pas besoin ici de détailler tout le processus, mais il est clair que cette avancée a été gagnée dans la lutte contre les tendances qui oeuvraient contre la ferme saisie de l’universalité des contributions de Mao. 

Cette lutte est encore en cours et doit être complétée. 

Examinons une question spécifique, la théorie de la Guerre Populaire. 

Lorsque la pensée mao zedong était arborée, pendant une longue période, la tendance dominante était de la voir comme quelque chose de spécifique, justifiée et applicable seulement dans les pays semi-coloniaux semi-féodaux. 

Des échos de cette tendance continuent d’exister, dans les partis maoïstes, encore aujourd’hui. 

Toutefois, les dirigeants fondateurs des nouveaux partis marxistes-léninistes des années 1960 étaient tout à fait clairs au sujet de l’universalité de la guerre populaire. Les écrits de Charu Mazumdar en sont un exemple. 

Dans ces conditions, comment expliquer l’émergence de la vue erronée qui limite la Guerre Populaire aux pays opprimés ? Cela a été une déviation. 

Pour la combattre, Il a fallu attendre l’explication puissante du maoïsme en tant que nouvelle étape du marxisme-léninisme et de l’universalité de la Guerre Populaire par le Parti Communiste du Pérou. 

Le Mouvement Révolutionnaire Internationaliste (MRI) et les partis qui y participent acceptent l’idée que « Mao Zedong a développé la compréhension de la science militaire du prolétariat par sa théorie et sa pratique de la Guerre Populaire » et que celle-ci est « applicable universellement dans tous les pays, bien qu’elle doive être appliquée aux conditions concrètes de chaque pays… » 

Evidemment, c’est un des points où la compréhension encore incomplète de la nouvelle étape atteinte grâce aux contributions de Mao a été rectifiée par l’adoption du maoïsme. 

Est-ce que cela n’était qu’une simple répétition de ce qui a été dit dans les années 1960 ? Non, cela reflétait une compréhension plus profonde et complète. 

Compréhension basée, à l’époque, sur les leçons des expériences avancées gagnées par la guerre populaire au Pérou, laquelle était guidée par une compréhension avancée des contributions de Mao, et en particulier de la théorie de la Guerre Populaire. 

Cette compréhension a été enrichie par la suite avec la guerre populaire au Népal, en particulier avec l’intégration des tactiques d’insurrections armées, de l’intervention politique au niveau des centres urbains dans le cadre de la guerre populaire prolongée.

Aujourd’hui, accepter en paroles l’universalité de la guerre populaire tout en refusant de reconnaître et de tirer des leçons de ces exemples avancés n’aurait aucun sens. 

Adopter le maoïsme tout en niant les contributions théoriques faites par ces guerres populaires serait comprendre de façon incomplète l’universalité du maoïsme. 

Pourquoi cela est-il arrivé ? 

Dans les années 60, le camarade Charu Mazumdar écrivait : «Aujourd’hui que nous possédons la brillante pensée du président Mao Zedong, le stade le plus haut du développement du marxisme-léninisme, pour nous guider, il est impératif pour nous de juger toutes choses à nouveau à la lumière de la pensée mao zedong et de construire une voie entièrement nouvelle pour aller de l’avant.» 

L’adoption du maoïsme réclame justement de nous exactement cet impératif de « tout reprendre à neuf ». 

Il exige un regard renouvelé sur toute la question de l’idéologie, de son développement en général et en particulier sur les apports de Mao. 

Pour qu’elle ait un sens concret et directement compréhensible, il faut relier cette adoption à un examen approfondi de la ligne et de la pratique du parti. 

Et cette adoption doit apprendre des toutes dernières expériences les plus avancées du prolétariat international. 

Pour certains partis, il s’agira de mener une rupture décisive avec ses déviations élémentaires et rejoindre la voie révolutionnaire. 

Pour d’autres, déjà engagés dans la pratique révolutionnaire, il s’agira de rectifier des aspects spécifiques. 

Le point commun, c’est la nécessité d’une rectification idéologico-politique. 

C’est le point essentiel de cette « reprise à neuf ». 

Ce point essentiel passe à la trappe lorsque le maoïsme et la pensée mao zedong sont déclarés identiques et qu’il ne s’agit donc que d’adopter une meilleure dénomination. 

L’adoption de la pensée mao zedong dans les années 60 avait signifié : rompre avec le révisionnisme et construire un nouveau parti sur de nouveaux fondements. 

Maintenant que cette tâche est consommée, d’autant plus que la rupture avec le révisionnisme est allée en se consolidant et s’aiguisant pendant ces décennies de lutte armée révolutionnaire, y a-t-il encore besoin d’appeler à la rectification idéologico-politique au moment d’adopter le maoïsme ? 

Les expériences du mouvement communiste international et national nous donnent clairement la réponse. 

Persister dans la voie de la Guerre Populaire donne certainement une base puissante pour identifier et corriger les erreurs. 

Mais la question de savoir si cette rectification va jusqu’aux racines et se fait de manière ouverte et compréhensible, ou si elle se limite à corriger certaines positions particulières, ne peut pas être tranchée par la seule lutte armée révolutionnaire. 

Elle ne peut pas être vérifiée non plus par la pratique immédiate, car les résultats de ces différences d’approche se révèlent seulement à long terme. 

Il s’agit principalement de la question de mener fermement et de façon ininterrompue la lutte idéologique. 

Il s’agit d’appliquer complètement le principe « c’est la ligne qui est principale ». 

Il s’agit de forger le parti et les masses dans l’acier de cet enseignement maoïste décisif, pour les temps présents et pour la révolution prolongée jusqu’au communisme. 

De plus, même si l’adoption du maoïsme n’est considérée que comme une meilleure dénomination aiguisant la démarcation avec le révisionnisme, cela n’implique t-il pas une rectification idéologico-politique ? 

« Combattre l’égoïsme, critiquer le révisionnisme » était un mot d’ordre important de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne. 

Le révisionnisme moderne dans le mouvement marxiste-léniniste au sens large distille son venin en présentant une vision tronquée ou mutilée des enseignements de Mao Zedong. 

Pour critiquer et détruire cette influence, les maoïstes doivent aiguiser leur propre compréhension idéologique, en particulier leur compréhension de l’universalité du maoïsme. 

Ces deux tâches sont unies inséparablement. Si notre aiguisement idéologique, si la rectification est laissée de côté sous prétexte que nous avons toujours été des maoïstes, alors le combat contre le révisionnisme en sera affaibli. 

Pour citer un document du PCP : « Il est vital et urgent d’analyser le maoïsme une fois encore, en vue de définir plus et mieux son contenu, en étant guidés par l’idée qu’arborer, défendre et appliquer le maoïsme est l’essence de la lutte entre le marxisme et le révisionnisme d’aujourd’hui. » 

Nous avons dit que le réexamen de notre idéologie implique également d’apprendre des expériences nouvelles et avancées du prolétariat international. 

Comment juger si une expérience est avancée ou non ? 

La vérification par la pratique fournit sans aucun doute le critère. Mais l’interprétation de cela est devenue une affaire importante dans la lutte pour déterminer le caractère avancé des acquis des guerres populaires au Népal et au Pérou. 

Les juger principalement par les progrès ou les reculs immédiats ou par le niveau de lutte armée et de répression, cela serait mal utiliser le critère de la pratique. 

De même, minimiser leurs leçons sous prétexte qu’elles viennent de petits pays aux Etats faibles, etc… est tout aussi faux. 

Dans ces deux façons de voir, l’absence de l’aspect idéologique saute aux yeux. 

Sans lui, le critère de la pratique est réduit à un simple empirisme. 

La liaison dialectique de l’universel et du particulier est rompue. 

Une des leçons importantes de la lutte pour établir le MLM a été une compréhension plus profonde de la remarque de Mao selon laquelle, dans le développement de l’idéologie prolétarienne, «la base c’est la science sociale, la lutte des classes». 

C’est lorsqu’elle s’appuie sur les riches expériences de la lutte des classes révolutionnaire que l’idéologie peut se développer. 

Des développements nouveaux, plus profonds, plus avancés de théories existantes peuvent alors émerger. De nouveaux concepts peuvent être développés. 

Si tel est le cas ou non, on ne peut le décider que sur la base du MLM. 

Sans aucun doute, les leçons d’une révolution particulière ne peuvent pas être appliquées mécaniquement ailleurs. Mais c’est aussi le cas du MLM lui-même. 

Si les leçons d’une révolution particulière s’accordent avec le MLM, si elles nous montrent une nouvelle façon de connaître et d’agir, alors ces leçons doivent être nécessairement être soutenues et appliquées. Cela aussi est une pierre de touche de l’adoption du MLM par un parti. 

Qu’est-ce que l’on perd en négligeant l’étude consciencieuse de ces compréhensions avancées ? 

Pour donner un exemple précis, il y a deux ans, le Comité Central non-divisé du PCI(ML) Janasakthi a publié un document officiel. 

Ce document attribuait les échecs de leur parti au fait qu’il n’avait pas su prendre en main les contre-offensives tactiques. 

Ce qui est instructif à nos yeux, c’est que cette « rectification » ait pu se faire sans aucune rupture avec la «théorie des phases» de la ligne de CP Reddy (une variante de la ligne de Nagi Reddy) [la théorie anti-maoïste des phases dit : d’abord la lutte économique, puis la résistance armée pour défendre les gains économiques, enfin la lutte armée pour le pouvoir politique]. 

En fait, tout le document n’était qu’une tentative éclectique pour que deux fusionnent en un : combiner l’opportunisme de droite de CP Reddy avec Charu Mazumdar. 

Quel leçon tirer de cela ? La tendance dominante dans les critiques maoïstes de la théorie des phases a toujours visé l’incapacité du PCI (ML) Janaskathi à mener la lutte armée contre l’Etat. 

C’est la pierre de touche de la critique contre la « théorie des phases ». 

Cette dernière a été mise en comparaison avec la croissance du mouvement révolutionnaire dirigé par les maoïstes, qui a persisté dans la lutte armée et l’a élevée au niveau de la Guerre Populaire contre l’Etat. Cette comparaison faite dans le contexte de l’Inde est certainement utile pour exposer cette théorie anti-maoïste. 

Mais ne mettre l’accent que sur une seule forme de la manifestation de la « théorie des phases » a aussi permis d’éviter l’examen et la dénonciation de cette négation du dynamisme de la guerre, qui est sa véritable essence. 

Cela a affaibli la critique de la « théorie des phases ». 

Cela a ouvert la porte aux manoeuvres de la direction de Janaskathi ayant pour but de donner les apparences d’ une rectification. 

Une des raisons ayant permis cela a été l’incapacité d’examiner toute l’affaire avec le recul permis par les théories et expériences nouvelles et avancées de la Guerre Populaire, au profit de considérations et exemples limités à l’Inde. 

Dans le cas particulier de Janaskathi, un groupe de camarades qui ont sérieusement entrepris de reconsidérer leur passé avec ce recul ont réussi à aller à la rupture, au contraire d’autres sections qui continuent à patauger plus ou moins profondément dans le marais de Nagi Reddy. 

Ceci a permis à ces camarades d’arriver à la conclusion ferme que c’est la compréhension correcte du maoïsme, plus que son adoption formelle, qui est la question-clé pour l’unification des maoïstes de l’Inde en un seul parti, en un parti basé sur le MLM et uni au MRI. 

Aujourd’hui que l’opportunisme de droite rend des hommages peu sincères au MLM en vue de s’atteler au char de l’unification en cours des maoïstes authentiques, ce développement a une grande signification. 

Il insiste une fois encore sur l’importance vitale d’approfondir notre compréhension du MLM, en particulier du maoïsme, et de livrer combat contre les vues qui brouillent la netteté du saut effectué par l’adoption du marxisme-léninisme-maoïsme à la place de la pensée mao zedong. 

Par Ajith, pour le
CPI (ML) Naxalbari

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et le PC d’Inde (marxiste-léniniste)

PC d’Inde (Maoïste): déclaration quant au meurtre de Mallojula Koteswara Rao

Condamnons le meurtre brutal du camarade Mallojula Koteswara Rao, l’apprécié dirigeant des masses opprimées, le dirigeant de la révolution indienne et membre du Bureau Politique du PCI (maoïste) ! Observons une semaine de protestation du 29 novembre au 5 décembre [2011] et une grève générale en Inde de 48 heures les 4 et 5 décembre !

Le 24 novembre 2011 restera une journée noire dans les annales de l’histoire du mouvement révolutionnaire indien. La clique dirigeante fasciste Sonia-Manmohan-Pranab-Chidambaram-Jairam Ramesh, qui n’a cessé de hurler comme quoi le PCI (maoïste) serait « la plus grande menace pour la sécurité intérieure », en collusion avec la ministre en chef du Bengale occidental Mamata Banerjee, ont tué le camarade Mallojula Koteswara Rao, après l’avoir capturé vivant dans un complot planifié bien organisé.

Cette clique, qui avait tué le camarade Azad, notre porte-parole de parti le 1er juillet 2010, a encore une fois lancé son filet et étanché sa soif de sang. Mamata Banerjee, qui avait versé des larmes de crocodile sur l’assassinat du Camarade Azad avant de parvenir au pouvoir, tout en en mettant d’une part en scène les pourparlers après son entrée en fonction, a tué un autre des plus hauts dirigeants le Camarade Koteswara Rao et par là montré sans fards ses aspects anti-populaire et fasciste.

Les agences centrales de renseignement et les agences de renseignement meurtrières du Bengale occidental et de l’Andhra Pradesh l’ont pourchassé dans une conspiration bien planifiée et l’ont lâchement tué dans une opération conjointe ; ils distribuent désormais une histoire inventée d’affrontement.

Le secrétaire central de l’Intérieur RK Singh, en mentant comme quoi ils ne savaient pas avec certitude qui était mort dans l’affrontement, a dans le même temps annoncé que c’était un coup dur pour le mouvement maoïste. Il a ainsi dévoilé la conspiration derrière ce meurtre.

Le peuple opprimé enverra absolument au cimetière les classes dirigeantes exploiteuses et leurs maîtres impérialistes qui rêvent le jour, en pensant qu’ils pourraient éliminer le parti maoïste en tuant les plus hauts dirigeants du mouvement révolutionnaire.

Le Camarade Koteswara Rao, qui est très populaire sous le nom de Prahlad, Ramji, Kishenji et Bimal à l’intérieur du parti et parmi le peuple, est l’un des importants dirigeants du mouvement révolutionnaire indien.

Ce guerrier infatigable, qui n’a jamais reposé son dans la lutte pour la libération des masses opprimées durant 37 ans et qui a donné sa vie pour le bien de l’idéologie en laquelle il croyait, est né en 1954 à Peddapally ville du district de Karimnagar dans le Telangana du Nord, en Andhra Pradesh. Élevé par son père Late Venkataiah qui a été un combattant de la liberté et par sa mère Madhuramma, qui avait des opinions progressistes, Koteswara Rao s’est imprégné depuis l’enfance de l’amour pour son pays et ses masses opprimées.

En 1969, il avait participé au mouvement historique pour un Telangana indépendant, alors qu’il était étudiant au lycée dans la ville de Peddapally. Il a rejoint le mouvement révolutionnaire sous l’inspiration des glorieux mouvements de Naxalbari et de Srikakulam tout en obtenant son diplôme de collège SRR de Karimnagar.

Il a commencé à travailler comme un membre actif du Parti en 1974. Il a passé quelque temps en prison durant la période noire de l’état d’urgence. Après la levée de l’état d’urgence, il a commencé à travailler comme organisateur du parti dans son district natal de Karimnagar.

Il a répondu à l’appel de la campagne du parti « Aller dans les Villages » et a développé des relations avec la paysannerie en allant dans les villages. Il était un de ceux qui ont joué un rôle prépondérant dans l’essor du mouvement paysan populaire comme « Jagityal Jaitrayatra » (la Marche de la Victoire de Jagityal) en 1978.

Ce faisant, il a été élu membre du comité du district du comité conjoint Adilabad-Karimnagar du PCI (ML). En 1979, lorsque ce comité a été divisé en deux comités de district, il devint le secrétaire du comité du district de Karimnagar. Il a participé à la douzième conférence du parti de l’État de l’Andhra Pradesh, il a été élu au Comité d’État d’Andhra Pradesh (AP) et il a pris les responsabilités de secrétaire.

Jusqu’en 1985, dans le cadre de la direction du comité d’Etat de l’Andhra Pradesh, il a joué un rôle crucial dans la propagation du mouvement dans tout l’État et dans le développement du mouvement du Nord Telangana qui avançait avec la perspective de zone de guérilla.

Il a joué un rôle de premier plan dans l’expansion du mouvement au Dandakaranya (DK) et à son développement. Il a été transféré à Dandakaranya en 1986 et il a pris des responsabilités en tant que membre du Comité de Forêt. Il a dirigé des escadrons de guérilla et le peuple dans les zones de Gadchiroli et Bastar du DK. En 1993, il a été coopté comme membre dans le Comité central d’organisation (COC).

A partir de 1994, il a principalement travaillé à répandre et à développer le mouvement révolutionnaire dans les parties Est et Nord de l’Inde, y compris au Bengale occidental.

A été particulièrement extraordinaire son rôle dans l’unification des forces révolutionnaires, dispersées après l’échec du mouvement de Naxalbari au Bengale occidental et dans la relance du mouvement révolutionnaire.

Il se mêlait profondément avec les masses opprimées du Bengale et les différentes sections du camp révolutionnaire, il a appris la langue bengali avec détermination et a laissé une marque indélébile dans le cœur des gens là-bas.

Il a travaillé sans relâche dans la réalisation de l’unité avec plusieurs groupes révolutionnaires et dans le renforcement du parti.

Le Camarade Koteswara Rao a été élu en tant que membre du Comité Central (CC) lors de la Conférence spéciale nationale de ce qui était alors le PCI (ML) (Guerre Populaire), tenue en 1995.

Il s’est efforcé de réaliser l’unité entre les groupes [PCI(ML] Guerre Populaire et [PCI(ML] Unité du Parti en 1998.

Lors du Congrès du Parti du PCI (ML) (Guerre Populaire) d’alors, tenu en 2001, il a de nouveau été élu au CC et au Politburo. Il a pris les responsabilités de secrétaire du Bureau régional du Nord (NRB) et il a dirigé les mouvements révolutionnaires dans les états du Bihar, de Jharkhand, du Bengale occidental, de Delhi, Haryana et du Pendjab.

Simultanément, il a joué un rôle clé dans les pourparlers d’unité entre le groupe Guerre Populaire et le MCCI d’alors. Il a servi comme membre du CC et du Politburo unifiés formés après la fusion des deux partis en 2004 et a travaillé comme membre du Bureau régional de l’Est (ERB). Il s’est surtout concentré sur le mouvement d’état du Bengale occidental et a continué en tant que porte-parole de l’ERB.

Le Camarade Koteswara Rao a joué un rôle prépondérant dans la gestion des revues du parti et dans le domaine de l’éducation politique au sein du parti. Il a pris part à la gestion de « Kranti », « Errajenda », « Jung », « Prabhat », « Vanguard » et d’autres revues du parti.

Il a joué un rôle spécial dans la publication des diverses revus révolutionnaire au Bengale occidental. Il a écrit dans ces revues de nombreux articles théoriques et politiques.

Il a été membre de la Sous-commission sur l’éducation politique (SCOPE) et a joué un rôle prépondérant dans l’enseignement du marxisme-léninisme-maoïsme dans les rangs du parti.

Dans toute l’histoire du parti, il a joué un rôle mémorable dans l’élargissement du mouvement révolutionnaire, en enrichissant les documents du parti et dans le développement du mouvement. Il a participé au Congrès de l’Unité – 9 e Congrès du parti tenu en janvier 2007, a été élu membre du CC une fois de plus et a pris les responsabilités de membre du Bureau Politique et membre de l’ERB.

A été remarquable l’orientation politique donnée par le camarade Koteswara Rao aux mouvements populaires de Singur et Nandigram, qui éclatèrent en 2007 contre les politiques anti-populaire et pro-monopoles du gouvernement social-fasciste du PCM [Parti Communiste Marxiste] au Bengale occidental, et en particulier au glorieux soulèvement de la rébellion populaire à Lalgarh contre les atrocités de la police.

Il a guidé le comité de l’État du Bengale occidental et les rangs du parti pour diriger ces mouvements, et d’autre part a mené avec initiative la propagande du parti à travers les médias.

En 2009, quand la clique Chidambaram a essayé de tromper les classes moyennes au nom de pourparlers et de cessez-le-feu, il a travaillé de manière significative pour les démasquer. Il fait un énorme travail, en portant bien haut l’importance de la Guerre Populaire et en amenant la politique révolutionnaire au sein des vastes masses. Ce grand voyage révolutionnaire, qui a duré près de quatre décennies, est connu une fin abrupte le 24 Novembre 2011.

Peuple bien-aimé! Démocrates!

Condamnons cet assassinat brutal. C’est la conspiration des classes dirigeantes pour détruire la direction révolutionnaire et priver le peuple de l’orientation correcte et la direction prolétarienne. Il est un fait connu que le mouvement maoïste est le plus grand obstacle aux voleurs et grands compradores qui entassent des millions dans des banques suisses en vendant pour des cacahuètes Jal[l’eau], Jungle [la forêt] et Zameen [la terre] du pays pour les requins impérialistes.

L’offensive brutale aux multiples facettes menée à l’échelle du pays et baptisée Opération Green Hunt de ces deux dernières années sert exactement cet objectif. Cet assassinat de sang-froid fait partie de cela. Il est du devoir des patriotes et des personnes éprises de liberté de ce pays de protéger le mouvement révolutionnaire et ses dirigeants comme la prunelle de leurs yeux. Il s’agit d’assurer l’avenir du pays et celui des générations à venir.

Même à l’âge de 57 ans, le Camarade Koteswara Rao a mené la vie dure d’un guérillero tel un jeune homme et il remplissait les cadres et le peuple d’un grand enthousiasme partout où il allait. Sa vie servira particulièrement de grande inspiration pour la jeune génération. Il étudiait et travaillait pendant des heures sans repos et il parcourait de grandes distances. Il dormait très peu, menait une vie simple et fut un travailleur acharné.

Il se mêlait facilement avec les gens de tous âges et avec des gens de différentes sections sociales et les remplissait d’enthousiasme révolutionnaire. Aucun doute, le martyre du camarade Koteswara Rao est une grande perte pour le mouvement révolutionnaire indien.

Mais le peuple de notre pays est très grand. C’est le peuple et les mouvements populaires qui ont donné naissance aux révolutionnaires courageux et dévoués comme Koteswara Rao. Les ouvriers et les paysans et les révolutionnaires qui ont imprégné l’esprit révolutionnaire de Koteswara Rao depuis Jagityal jusqu’à Jungle Mahal, et qui se sont armés du parfum révolutionnaire qu’il a répandu dans tout le pays, mèneront avec certitude la révolution de nouvelle démocratie indienne sur le chemin de la victoire. Ils anéantiront les impérialistes et leurs laquais propriétaires terriens et la bourgeoisie compradore bureaucratique ainsi que leurs représentants comme Sonia, Manmohan, Chidambaram et Mamata Banerjee.

Notre Comité Central appelle le peuple du pays à observer une semaine de protestation du 29 novembre au 5 décembre  et à observer une « Bharat Bandh » [grève générale indienne] de 48 heures les 4 et 5 décembre pour protester contre l’assassinat brutal du camarade Koteswara Rao.

Nous appelons à divers programmes, comme la tenue de réunions, de rassemblements, de dharnas [protestations sous la forme d’occupation], le fait porter des badges noirs, de tenir des barrages routiers, etc. pour protester contre cet assassinat.

Nous demandons que les trains, les routes, les établissements commerciaux et éducatifs soient fermés et que toutes sortes de transactions commerciales soient arrêtées dans le cadre de la « Bharat Bandh » des 4 et 5 décembre. Cependant, nous exemptons les services médicaux de la Bandh.

(Abhay) 
Porte-parole, Comité Central, PCI (maoïste)

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et le PC d’Inde (marxiste-léniniste)

PC d’Inde (Maoïste) : Interview du secrétaire général, juin 2006

People’s March : Comment voyez-vous les développements actuels au Népal ? 

Azad : Nous avons en Inde observé les développements en cours avec grand intérêt. 

L’agitation de masse militante par le peuple du Népal contre le régime réactionnaire et autocratique du Roi Gyanendra en avril, dans le contexte de la puissante lutte armée, était en effet historique. 

Le peuple du Népal avait inscrit un chapitre glorieux dans les annales du Népal en forçant le roi fasciste à abandonner sa position résolue et à concéder le pouvoir au parlement. 

En particulier une mobilisation forte d’un million de personnes dans Kathmandou en juin et les centaines milliers de personnes mobilisées dans les zones rurales indique l’influence croissante des maoïstes dans le pays. 

Leur influence touche même les secteurs urbains. 

Notre Parti salue a lutte historique du peuple du Népal pour la démocratie et une société meilleure. 

Cependant, les révolutionnaires en Inde espèrent que la lutte au Népal continuera jusqu’au renversement du roi ainsi que du soi-disant parlement et la conquête du pouvoir par les forces révolutionnaires et démocratiques. 

Nous espérons que les maoïstes pourront maintenir leur initiative pour diriger les développements politiques en cours. 

Ils devraient rester vigilants dans leur alliance avec l’alliance des sept partis, qui veut passer un compromis avec le roi et trahir les aspirations du peuple. 

P.M. : Comment voyez-vous la tactique du PCN (maoïste) qui rejoint le gouvernement intérimaire et fait la promesse pour respecter le verdict de l’assemblée constitutive ? Azad : La situation au Népal et dans le monde est complexe. 

En raison de la faiblesse du mouvement communiste international nous voyons beaucoup de guerres populaires embourbées pendant des décennies dans une lutte pour la survie. 

Dans cette situation il est évident que le Parti et les masses népalaises ont fait des avancées historiques. 

Mais nous pensons qu’il y a besoin d’être prudent quant aux tactiques actuelles. 

Nous pensons que les maoïstes, en formant un gouvernement en commun avec les partis bourgeois-féodaux de compradores tels que le congrès réactionnaire du Népal, les révisionnistes du PCN-UML et les autres partis des classes dominantes, ne réussiront pas vraiment étant donné qu’ils représentent deux intérêts de classe diamétralement opposés. 

C’est une compréhension erronée de la question de l’Etat au Népal que d’envisager la possibilité d’une transition pacifique de l’Assemblée Constitutionnelle à la République de Nouvelle Démocratie. 

On peut apporter quelques réformes par en-haut et satisfaire certaines sections pauvres du peuple mais ceci ne résoudra jamais les problèmes de base du peuple, car vous ne pouvez pas briser le féodalisme et jeter l’impérialisme hors du Népal en utilisant le vieil Etat malgré tous les efforts pour l’embellir et lui donner une façade rénovée. 

Seul un bouleversement révolutionnaire des masses peut atteindre cet objectif. 

Sans aucun doute, les mobilisations de masse énormes dans tout le pays et les efforts pour créer un essor révolutionnaire encore plus large sont des préparatifs positifs pour mener la révolution en avant, mais certaines déclarations dans les interviews tendent à donner l’impression que le PCN (maoïste) insiste exagérément sur la possibilité de faire avancer le mouvement par l’Assemblée constituante et par l’alliance avec les 7 partis. 

Ceci peut avoir des implications dangereuses. 

L’insistance actuelle du PCN (maoïste) doit être vue avec prudence surtout qu’elle a lieu après qu’il eut brillamment édifié son Armée Populaire de 25.000 combattants, ses Bases d’Appui, son Front Uni et ses organes de Nouveau Pouvoir, et eut déclaré qu’il était dans la phase de l’offensive stratégique pour prendre le pouvoir. 

Dans ce processus ils ont efficacement défait tous les efforts de la police et de l’Armée Royale Népalaises pour les écraser en maintenant l’initiative politico-militaire. 

Mais maintenant il n’y a plus aucune référence à cela, on ne parle plus de l’offensive stratégique ni de la question de comment la faire avancer. 

Ils se réfèrent naturellement sur ce point à une révolution du type de février [1917] et que pour cela des préparations doivent être menées pour la révolution d’octobre, mais nous ne sommes pas au courant que cela corresponde avec leur plan de l’offensive stratégique. 

P.M. : Et que diriez-vous de la dissolution des organes révolutionnaires de pouvoir et la fusion des deux armées ? 

Azad : Ces organes sont le produit de la guerre populaire prolongée contre le vieil Etat et ils se tiennent à la lumière du jour en tant qu’exemples brillants de la dictature démocratique du peuple au niveau local, brillamment établi par le PCN (maoïste). 

Les tâches immédiates et les tactiques devraient servir à renforcer ces organes et à les mouler dans des organes de soulèvement comme les Soviets en Russie et en Chine révolutionnaires. 

Tout en consolidant ces organes de pouvoir nous devons tâcher de mobiliser les masses de façon considérable dans des soulèvements et tâcher de prendre les villes menant à la conquête finale du pouvoir au moment opportun. 

En fait dans la situation concrète au Népal aujourd’hui, les maoïstes ont en tant que tel seulement deux options révolutionnaires. 

Ou bien ils doivent intensifier le soulèvement de masse, faire évoluer les formes d’organisation de pouvoir politique appropriées à saisir le pouvoir politique au niveau national / de tout le Népal, ou si ce n’est pas possible dû à un équilibre défavorable des forces de classes, les zones libérées existantes doivent être consolidées et renforcées et les mesures prises pour accomplir les tâches démocratiques et avancer en direction des tâches socialistes. 

Il est possible que dans ce processus deux Népal émergent – l’un réactionnaire basé à Katmandou et quelques villes et le Népal révolutionnaire basé dans les campagnes. 

En ce qui concerne la fusion de l’armée au sein d’une armée étatique refondée, c’est même encore plus dangereux. 

Mao a dit que sans armée populaire le peuple n’a rien. 

L’armée est l’un des instruments principaux de la domination de classe. 

Comment deux classes diamétralement opposées peuvent-elles avoir une seule armée? 

En fusionnant l’armée populaire avec l’armée réactionnaire des classes dominantes (jusqu’ici domestique fidèle du roi) le peuple sera sans défense en cas d’offensive armée réactionnaire par l’ennemi. 

Nous avons des expériences de plusieurs pays où les masses laborieuses ont massivement souffert en raison de la ligne erronée du parti communiste. 

En Indonésie nous connaissons le cruel massacre des communistes et de leurs sympathisants effectué par les classes dominantes dues à la ligne consistant à se lier d’amitié avec les classes dominantes réactionnaires qu’ils ont considérées comme des forces patriotiques et démocratiques. 

Nous avons également devant nous les exemples du Chili, du Nicaragua et de plusieurs autres pays. 

On ne peut pas éliminer la possibilité des classes dominantes réactionnaires d’effectuer un coup d’Etat et de rétablir leur monopole du pouvoir politique au moment opportun où les forces révolutionnaires ont été efficacement désarmées ou affaiblies. 

Ceci a été l’expérience dans plusieurs pays suivant la seconde guerre mondiale, par exemple en France, en Grèce etc. 

Mais, naturellement, si les maoïstes ne constituent pas une menace face aux intérêts de l’impérialisme et de la bourgeoisie bureaucratique compradore (BBC) et s’ils s’adaptent et s’incorporent au système alors eux aussi sont reçus chaleureusement par les classes dominantes. 

L’invitation faite à l’ONU de diriger le cessez-le-feu et de surveiller la démobilisation des forces armées populaires est également dangereuse. 

L’ONU est essentiellement un instrument de l’impérialisme et en particulier de l’impérialisme américain. 

Il est destiné à fonctionner dans l’intérêt des classes dominantes réactionnaires du Népal et de l’impérialisme. 

De façon générale, la décision du PCN (maoïste) de dissoudre les gouvernements populaires révolutionnaires dans les campagnes et de fusionner l’Armée Populaire de Libération avec l’armée réactionnaire lancera un processus irréversible de perte de toutes les conquêtes révolutionnaires réalisés jusqu’à maintenant. 

P.M. : Les divers partis parlementaires en Inde, pour ne pas parler des partis de gauche comme le CPI [PC d’Inde] et la CPI (M) [PC d’Inde (Marxiste)], ont salué la ligne de la participation au gouvernement intérimaire et à la démocratie parlementaire choisie par les maoïstes du Népal et disent qu’elle aura un impact positif sur le mouvement maoïste en Inde. Comment votre Parti évalue-t-il son impact ? 

Azad : Ces partis en Inde ont l’espoir subjectif que les développements au Népal auront un impact « positif » sur le mouvement de maoïste dans notre pays (ce qu’ils veulent dire par positif consiste en ce que les maoïstes cessent la lutte armée et joignent le prétendu courant principal de la politique parlementaire). N’importe qui au courant de l’histoire du mouvement maoïste en Inde, avec les nombreuses avancées et reculs dans les dernières quatre décennies depuis Naxalbari [révolte paysanne de 1967], sait que notre mouvement est solide. 

Même lorsque confrontés à de grandes difficultés et défis, les maoïstes authentiques en Inde n’ont jamais vacillé ou dérivé de leur ligne de nouvelle révolution démocratique, de la réaliser par la ligne de la guerre populaire prolongée. 

Ils avaient non seulement rejeté la voie parlementaire mais avaient également lutté contre les partis qui ont voulu participer aux élections en prétendant l’utiliser comme tactique. 

Naturellement, il existe quelques pseudo-partis révolutionnaires, comme le CPI (ml) – Liberation qui a dégénéré et rejoint les partis parlementaires mais ils se montrent devant le peuple comme des partis révisionnistes déguisés en MLM. 

Aucun étonnement ainsi à ce que les nombreux partis de la classe dominante et les prétendus partis de gauche en Inde soient exaltées par le changement de la position du PCN (maoïste) menée par le camarade Prachanda. 

Ils saluent naturellement la ligne prise par le PCN (maoïste) et invitent les maoïstes en Inde à prendre conscience de la futilité de la lutte armée et à suivre les maoïstes du Népal pour participer à la porcherie parlementaire en Inde. 

En tant qu’ennemis et adversaires forcenés de la révolution tous ces partis ont été au premier plan pour supprimer la guerre populaire en marche en Inde. 

La décision du PCN (maoïste) de participer au gouvernement avec les partis réactionnaires, de déclarer leur engagement à la prétendue domination de la loi et la future constitution, et de devenir des acteurs dans le jeu des élections parlementaires suivant les élections à l’assemblée constituante est venue comme un bol d’air frais pour les partis des classes dominantes au Népal et le système parlementaire en Inde. 

En fait, dans son entrevue février dernier avec [le journal] The Hindu, le camarade Prachanda lui-même a fait remarquer l’impact « positif » que sa ligne de démocratie multipartite aura sur le mouvement maoïste en Inde. 

Cela a dû être un grand soulagement pour les classes dominantes indiennes d’entendre le camarade Prachanda parler de l’engagement de son Parti pour la démocratie multipartite et du message qu’il veut donner au mouvement Naxalite en Inde en établissant avec succès la démocratie multipartite au Népal. 

Quand on lui demanda ce qu’il dirait s’il devaient rencontrer le premier ministre indien Manmohan Singh, le camarade Prachanda dit : 

« Nous combattons pour une démocratie multipartite véritable mais ils sont emprisonnés là, à Patna, Siliguri, Chennai. 

Si vous les libérez tous, un message en sortira. 

Et si vous vous pensez que le mouvement Naxalite en Inde est un problème pour vous, nous pensons que nous essayons de traiter les problèmes au Népal d’une nouvelle manière, ainsi si vous libérez nos camarades et si nous réussissons à établir la démocratie multipartite au Népal, ceci sera un message très grand pour le mouvement Naxalite en Inde. 

En d’autres termes le terrain sera préparé pour eux pour penser d’une nouvelle manière politique. 

Les mots ne sont pas suffisants ; nous devons confirmer ce que nous disons en établissant cette démocratie. » 

C’est vraiment une question très inquiétante de voir que le camarade Prachanda, au lieu d’exiger des classes dominantes indiennes expansionnistes l’arrêt de toute interférence et de cesser se mêler dans les affaires internes du Népal, ait seulement parlé de la façon dont leur tactique provoquerait un changement des perspectives des maoïstes en Inde. 

Inutile de dire, ces remarques ont non seulement été profondément mal vécues par les masses révolutionnaires de notre pays qui connaissent le misérable système de la démocratie parlementaire en Inde, mais elles seront également montrées comme totalement fausses par leur pratique révolutionnaire. 

P.M. : Le CPM [PC d’Inde (Marxiste)] et un de ses leaders, Sitaram Yechuri, ont été mis en avant comme le messie pour jouer un rôle entre les maoïstes et l’Alliance des Sept Partis. 

Après son retour en Inde lui et son parti ont conseillé aux maoïstes indiens de suivre la ligne du PCN (maoïste). Comment expliquez-vous ceci quand ils semblent hostiles aux maoïstes ici ? Indépendamment de cela, Yechury [un des dirigeants majeurs du PC d’Inde (Marxiste)] a dit à la presse que les maoïstes indiens ont projeté de le tuer et que le secret concernant cette décision lui a été fourni par les maoïstes du Népal. Quel est votre commentaire s’il vous plaît ? 

Azad : Le PC d’Inde (Marxiste) est un parti des classes dominantes indiennes, représentant les intérêts de l’impérialisme, du féodalisme et la bourgeoisie bureaucratique compradore en Inde. Sa tâche principale semblait être d’amener les maoïstes népalais dans le « courant principal » parlementaire, qu’il nous prêche aussi en Inde. 

Parce que nous n’accédons pas à leurs exigences ils ont employé les pires formes de terreur d’Etat contre nous comme au Bengale occidental. 

Leur but est le même dans les deux pays – pacifier les maoïstes en Inde avec des balles et faire la même chose avec les maoïstes népalais avec des balles enrobées de sucre. 

Yechuri et le CPM ont en effet joué un rôle plus effectif pour les classes dominantes indiennes quand le congrès s’y prenait gauchement avec le fiasco de Karan Singh [envoyé officiel spécial de l’Inde au Népal]. 

Quand il a exagéré sa « diplomatie » et a été mis à l’écart, il a inventé la théorie de la conspiration des maoïstes en Inde visant à le tuer pour regagner de la crédibilité et pour essayer de semer les graines de la méfiance entre les deux partis maoïstes. 

Un vrai Chanakya [philosophe indien du 4-3ème siècle avant JC, appelé le « Machiavel » de l’Inde] ! ! 

P.M. : Pourquoi êtes-vous opposés à la tactique de la démocratie multipartite comme celle proposé par le PCN (maoïste) ? 

Azad : Premièrement, nous sommes considérablement troublés par l’affirmation mise en avant par le camarade Prachanda dans ses diverses interviews, selon laquelle son parti s’est engagé dans la démocratie multipartite, qui sera pratiquée non pas après la prise révolutionnaire du pouvoir par le prolétariat, mais dans la société semi-féodale semi-coloniale. 

Le document du congrès de 2003 était assez vague concernant le concept de démocratie multipartite ou de concurrence politique du PCN (maoïste), c’est-à-dire s’il est applicable après la prise du pouvoir par le parti révolutionnaire ou avant la prise elle-même. 

Il indique seulement qu’il est possible d’organiser la concurrence politique dans les limites constitutionnelles de l’état démocratique anti-féodal et anti-impérialiste. 

Cependant, les rapports, les interviews et les documents publiés après l’accord de Delhi de 12 points entre le PCN (maoïste) et l’alliance des sept partis en novembre 2005 soulignent tous le besoin de concurrence dans le système existant après que l’Assemblée constituante soit élue. 

Il y a également confusion concernant le caractère de classe des partis avec qui une telle concurrence politique doit être conduite. 

Tandis que le document 2003 déclarait clairement que ces forces seront anti-féodales et anti-impérialiste dans leur nature, les documents d’après novembre 2005 et les interviews du PCN (Maoïste) permettent de généraliser une telle compétition parmi les constituants de l’alliance des sept partis, qui sont fondamentalement bourgeois-féodal bureaucratique dans leur caractère malgré leur rôle contre la monarchie, ou, plus spécifiquement, contre la domination autocratique du Roi Gyanendra. 

En fait, dans le même document intitulé « La situation actuelle et nos tâches », présenté par le camarade Prachanda et adopté par la réunion du Comité central du PCN (maoïste) en mai 2003, il a correctement décrit la nature des partis parlementaires au Népal dans les termes suivants : 

« En apparence cela peut apparaître comme une lutte triangulaire impliquant la monarchie, les forces parlementaires et les forces révolutionnaires, mais dans son essence et si on regarde d’un point de vue de classe, la lutte implique seulement deux forces (forces réactionnaires et démocratiques). 

Il a été prouvé en pratique que les différences entre les groupes monarchiques et parlementaires autocratiques ne consistent qu’en différences concernant le partage du pouvoir dans le vieil état. 

On l’a prouvé maintes et maintes fois au Népal que la monarchie au nom du (faux) patriotisme et les forces parlementaires au nom de la (fausse) démocratie veulent occuper les places du pouvoir et trahir la nation et le peuple sur une base de classe inchangée. (…) 

Ce que nous avions dit d’un point de vue théorique et de classe et qui se confirme toujours davantage dans le processus actuel de cessez-le-feu et de négociation, c’est que c’est seulement le conflit d’intérêts entre les différents centres réactionnaires internationaux qui est derrière les récriminations et les contradictions mutuelles entre différents groupes réactionnaires au Népal. 

Pendant que l’armée royale et les éléments du Palais sont manoeuvrés et protégés par l’impérialisme occidental, en particulier l’impérialisme américain, et les forces parlementaires principales par les dominants indiens qui cherchent l’hégémonie spéciale en Asie du sud, ils subissent la secousse continue de la guerre entre eux. 

Par conséquent il devrait être clair pour l’ensemble du Parti que, avec comme arrière-plan le développement politique en particulier après le massacre du Palais [meurtres au sein de la famille royale] l’idée de voir ou bien les forces monarchiques ou bien parlementaires du Népal comme plus démocratiques ou plus nationaliste que l’autre, est particulièrement nocive et erronée. 

Il est devenu plus clair encore aujourd’hui au Népal que nous ne pourrons jamais avoir quelque rapport idéologique et politique que ce soit avec les groupes monarchiques ou parlementaires, excepté pour gérer des contradictions dans une situation particulière. » 

Tandis que l’analyse ci-dessus du caractère de classe des partis parlementaires, de leur fausse démocratie et de l’allégeance à diverses puissances impérialistes, est fondamentalement correcte, il est en effet très triste que le PCN (maoïste) n’ait pas adhéré fermement à cette analyse d’une perspective stratégique et de classe. 

Une chose est de faire des ajustements nécessaires, des arrangements et l’unité tactique avec ces forces parlementaires et même avec une section des impérialistes contre l’ennemi principal quand les conditions pour de telles alliances deviennent mûres, mais autre chose est de créer des illusions sur le caractère de ces partis ou oublier de voir leurs liens avec les impérialistes et les expansionnistes indiens. Cela portera un grand tort à la révolution sur le long terme. 

D’ailleurs, nous voyons que le camarade Prachanda et le PCN (maoïste) ont transformé la tactique en stratégie et en voie de la révolution mondiale pour le 21è siècle. 

Ainsi, dans son interview accordée à The Hindu, le camarade Prachanda a souligné le fait que l’engagement des maoïstes à la démocratie multipartite n’est pas tactique mais est le résultat d’une discussion idéologique prolongée dans le parti pendant trois ans. 

Il a dit : « notre décision sur la démocratie multipartite est une position théoriquement et stratégiquement développée et nous disons aux partis parlementaires que nous sommes prêts à entrer en concurrence pacifique avec vous tous. » 

Le chef de PCN (maoïste) a directement assuré les partis parlementaires bourgeois-féodaux des compradores que son parti était prêt à entrer en concurrence pacifique avec eux. 

Et en décrivant cette décision sur la démocratie multipartite comme une position développée théoriquement et stratégiquement, le camarade Prachanda a mis en avant une thèse dangereuse – celle de la coexistence pacifique avec les partis des classes dominantes au lieu de les renverser par la révolution ; celle de la concurrence pacifique avec tous les autres partis parlementaires, y compris les partis des classes dominantes qui sont des faire-valoir de l’impérialisme ou de la réaction étrangère, dans de prétendues élections parlementaires ; 

celle d’abandonner l’objectif de construire le socialisme pendant une période indéfinie ; 

et celle d’ouvrir large des portes pour que les réactionnaires féodaux-compradores viennent au pouvoir en utilisant le caractère arriéré des masses et le soutien massif des réactionnaires domestiques et étrangers ou des forces bourgeoises bureaucratiques compradores et des forces petites-bourgeoises et féodales pour détourner le cours entier du développement de la société loin de la direction socialiste, afin de maintenir le système existant (même si c’est sous une nouvelle forme) au nom de la démocratie et du patriotisme. 

Quel que puisse être nos bonnes intentions pour établir un système plus démocratique, les lois régissant la lutte de classe n’autorisent pas un tel système. 

L’histoire a prouvé maintes et maintes fois ceci depuis les jours de la Commune de Paris jusqu’aux révolutions plus récentes en Asie, en Afrique et en Amérique latine. 

P.M. : Êtes-vous alors en faveur de démocratie multipartite au moins après la conquête du pouvoir? 

Sinon quelle est la forme de gouvernement que vous envisagez après la révolution? 

Azad : La compréhension Marxiste-Léniniste-Maoïste concernant la forme de gouvernement qui sera plus la plus adaptée pour le prolétariat est la commune ou Soviet ou le Conseil révolutionnaire qui peuvent le mieux servir le prolétariat et la grande majorité des masses dans la mesure où ils agissent non pas comment salons de thé et de simples formes législatives, mais en tant que corps législatifs et exécutifs. 

Les représentants à ces corps sont élus et sont sujets à révocation à n’importe quel moment où les gens considèrent qu’ils ne servent pas leurs intérêts. 

Si nous regardons le processus même de la guerre populaire prolongées elle nécessite l’établissement dans les zones libérées du pouvoir démocratique de toutes les forces anti-impérialistes et anti-féodales SOUS LA DIRECTION DU PROLÉTARIAT, élu démocratiquement aux gram sabhas [conseils populaires] avec le droit de les révoquer également par le conseil populaire. 

Ici il y a une interaction étroite entre les structures de pouvoir et la volonté du peuple et c’est donc vraiment démocratique. 

Une fois que la pouvoir est pris au niveau de toute l’Inde, jusqu’au passage à l’étape socialiste, tous les partis authentiquement anti-impérialistes et anti-féodaux feront partie du nouveau pouvoir, et la transition au socialisme peut seulement avoir lieu en continuant la lutte de classe sous la dictature du prolétariat. 

Ceci ne nie pas la démocratie pour les masses dans leur ensemble mais, comme dit Lénine, la petite production produit quotidiennement la bourgeoisie, à chaque heure, et ces éléments trouveront leurs représentants dans toutes les instances du pouvoir d’état, y compris le Parti. 

Peut-on concevoir une meilleure forme de gouvernement et un meilleur exercice de la démocratie dans son véritable sens? 

Lénine a dit : « Décider, périodiquement pour un certain nombre d’années, quel membre de la classe dirigeante foulera aux pieds, écrasera le peuple au Parlement, telle est l’essence véritable du parlementarisme bourgeois non seulement dans les monarchies constitutionnelles parlementaires, mais encore dans les républiques les plus démocratiques. » [L’Etat et la révolution] 

Cela a été dit par Lénine il y a un siècle. 

Depuis, particulièrement depuis la seconde guerre mondiale, le parlement et les institutions qui vont avec sont devenus encore plus corrompus et pourris à la base. 

Un bon exemple de la façon dont le nouveau pouvoir a été établi est la commune de Paris. 

Les concepts pratiqués là ont été travaillés par les Soviets de l’URSS, les communes en Chine et les expériences du Grande Révolution Culturelle Prolétarienne et on tente de les mettre en pratique dans les zones libérées formées par les maoïstes dans différentes parties du monde. 

Le camarade Lénine a également expliqué très lucidement comment le Parlement fonctionne même dans la plus démocratique des républiques et, l’opposant à la Commune, a montré comment les communes (ou les Soviets en Russie et les Conseils révolutionnaires en Chine) sont les formes de gouvernement les plus appropriées pour le prolétariat et les masses laborieuses. 

« La république parlementaire bourgeoise entrave, étouffe la vie politique propre des masses, leur participation directe à l’organisation démocratique de toute la vie de l’État, de la base au sommet. Les Soviets des députés ouvriers et soldats font tout le contraire. » [Les tâches du prolétariat dans notre révolution] 

« Certes, le moyen de sortir du parlementarisme ne consiste pas à détruire les organismes représentatifs et le principe électif, mais à transformer ces moulins à paroles que sont les organismes représentatifs en assemblées « agissantes ». 

« La Commune devait être non pas un organisme parlementaire, mais un corps agissant, exécutif et législatif à la fois.» [L’Etat et la révolution] 

« Au parlementarisme vénal, pourri jusqu’à la moelle, de la société bourgeoise, la Commune substitue des organismes où la liberté d’opinion et de discussion ne dégénère pas en duperie, car les parlementaires doivent travailler eux-mêmes, appliquer eux-mêmes leurs lois, en vérifier eux-mêmes les effets, en répondre eux-mêmes directement devant leurs électeurs. » [L’Etat et la révolution] 

« Nous ne pouvons concevoir une démocratie, même une démocratie prolétarienne, sans organismes représentatifs: mais nous pouvons et devons la concevoir sans parlementarisme, si la critique de la société bourgeoise n’est pas pour nous un vain mot, si notre volonté de renverser la domination de la bourgeoisie est une volonté sérieuse et sincère et non une phrase « électorale » destinée à capter les voix des ouvriers, comme chez les menchéviks et les socialistes-révolutionnaires. » [L’Etat et la révolution] 

P.M. : Et comment assurez-vous la concurrence politique avec d’autres partis ? 

Le PCN (maoïste) affirme que c’est seulement en organisant la concurrence politique et en institutionnalisant le droit des masses d’amener au pouvoir un parti révolutionnaire alternatif que la contre-révolution peut être efficacement constatée. 

Azad : Il est en effet étonnant que le PCN (maoïste) en arrive à une telle conclusion même y compris après que le prolétariat soit lesté des expériences riches et diverses sur la période de transition du capitalisme au socialisme, après qu’il soit armé avec une forme, une méthode et une arme si appropriée comme la révolution culturelle, et soit en possession de la richesse des écrits de nos professeurs – Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao – et par plusieurs auteurs marxistes, au sujet de constater la dégénérescence du Parti, de l’Armée et de l’Etat ; de prévenir de la restauration du capitalisme ; et construire un nouveau type d’Etat et de société. 

Penser que le prolétarisation et la révolutionnarisation continues du parti communiste puissent être assurés et que la contre-révolution puisse être efficacement constatée en organisant une prétendue concurrence politique ou en institutionnalisant le droit des masses à installer un parti ou une direction révolutionnaire alternatif à la tête de l’Etat signifie tomber dans le piège du formalisme bourgeois et mine la vraie tâche consistant à mobiliser les masses intensivement pour mener la lutte de classe rageuse contre les vieilles classes réactionnaires défaites et la nouvelle classe bourgeoise se développant au sein du Parti, de l’armée et de l’administration. 

Il est difficile de saisir comment des partis révolutionnaires alternatifs peuvent exister d’autant plus que les partis communistes ont toujours compris que les différentes lignes politiques ont représenté des perspectives prolétariennes ou des perspectives bourgeoises. 

Le point crucial ne se situe pas en assurant la droite des masses de remplacer un Parti par un autre par les élections, qui est de toute façon la norme dans n’importe quelle république bourgeoise ou république bourgeoise-féodale bureaucratique, mais en assurant leur participation active et créatrice en dirigeant le Parti et l’Etat, en scrutant l’apparition d’une nouvelle classe bureaucratique, et en participant elles-mêmes à l’administration de l’Etat et de la société et au processus entier de la transformation révolutionnaire. 

Et cela sera la première tâche du Parti que d’organiser et mener les masses à étudier la contre-révolution et à amener la transformation révolutionnaire dans toutes les sphères par la révolution ininterrompue sous la dictature du prolétariat. 

Et c’est la leçon la plus importante qui nous est apportée par l’expérience historique entière de la révolution mondiale, en particulier par la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne. 

D’ailleurs, est-il possible que le Parti du prolétariat empêche le retour des classes défaites au pouvoir et prévienne la contre-révolution pacifiquement ou par un coup de force, en leur fournissant une telle occasion de concurrencer d’une façon « démocratique »? 

Le Parti bolchévique aurait-il gagné les élections en Russie après la révolution, s’ils avaient organisé une telle concurrence politique, vue son absence presque totale dans les campagnes où les idées les plus réactionnaires régnaient en maître? 

En fait, le Parti bolchévique a dû même dissoudre l’assemblée constituante juste après qu’il ait pris le pouvoir malgré le fait que c’était seulement une minorité en son sein, car l’assemblée constituante a agi en tant qu’instrument des réactionnaires et est devenue un obstacle face à 

la mise en oeuvre des réformes révolutionnaires et face à l’exercice de la dictature prolétariat, comme dans les soviets. 

Cela n’est pas simplement le cas de la Russie : dans beaucoup de pays, en particulier dans les pays semi-coloniaux semi-féodaux, où la petite production et l’économie paysanne prédominent, l’idéologie féodale, culture, les coutumes et la force de l’habitude parmi la majorité de la population rendra possible pour d’autres partis non prolétariens et même réactionnaires d’arriver au pouvoir relativement facilement sous le manteau anti-féodal anti-impérialiste. 

Par conséquent il n’est pas étonnant si nous constatons que la proposition idéaliste et subjective du PCN (maoïste), même si faite avec de bonnes intentions, devient finalement un outil commode dans les mains des partisans de la voie capitaliste pour saisir la pouvoir. 

En ce qui concerne la concurrence politique avec d’autres partis, nous avons l’expérience de la Chine où plusieurs partis démocratiques tels que la ligue démocratique, le parti des paysans et ouvriers et le parti des ouvriers et d’autres ont concurrencé le PC de Chine et participé aux élections dans les divers organes du pouvoir. 

Bien que ceux-ci aient existé pendant presque une décennie après la révolution, le peuple les a rejetés quand ils ont refusé de soutenir le socialisme et ont essayé de suivre la voie capitaliste. 

La concurrence politique a été encouragée en Chine, pas sous forme de participation dans le type d’élections parlementaires bourgeoises occidentales mais aux élections dans diverses instances. 

Les partis démocratiques et les organismes appartenant aux quatre classes qui ont formé les forces motrices de la révolution participaient aux élections dans diverses instances. 

Le PCC a lutté pour unir tous les partis et forces anti-féodaux anti-impérialistes pendant la nouvelle révolution démocratique et également après la prise du pouvoir et l’établissement de la démocratie populaire ou dictature démocratique populaire. 

Dans son article « De la juste résolution des contradictions au sein du peuple » en 1957, Mao a expliqué ainsi la politique du PCC envers les autres partis politiques après la prise du pouvoir: 

« Coexistence prolongée du Parti communiste et des partis démocratiques, tel est notre désir, telle est aussi notre politique. 

Quant à savoir si les partis démocratiques pourront exister durant une longue période, cela n’est pas simplement déterminé par le seul désir du Parti communiste, cela est aussi fonction du comportement des partis démocratiques en partant de la confiance qu’ils se voient accorder par le peuple. 

Le contrôle mutuel entre les partis politiques existe également depuis longtemps déjà, en ce sens qu’ils se donnent des conseils et se critiquent mutuellement. 

Le contrôle mutuel n’est naturellement pas unilatéral: le Parti communiste peut contrôler les partis démocratiques, et ceux-ci peuvent aussi contrôler le Parti communiste. » 

En Chine beaucoup de méthodes ont été développées pour empêcher la restauration capitaliste et l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie dans le gouvernement et le Parti.

Le mouvement Que cent fleurs fleurissent et que cent écoles rivalisent de Mao a laissé cent écoles de pensée contester ; son système de « trois-tiers» de la représentation démocratique qui limite les sièges des membres de parti communiste dans tous les corps élus à un maximum d’un tiers du tout et donne deux-tiers des sièges aux membres d’autres partis et éléments non du Parti ; sa mise en avant de six critères politiques pour que les partis politiques se présentent aux élections ; etc. ; sont seulement quelques uns des exemples adoptés. 

La démocratie n’est pas simplement une formalité consistant à émettre un vote mais doit exister dans le processus très vivant de toute organisation, avec la direction sous la surveillance étroite des masses et des cadres ; cela n’est possible qu’avec le fait d’augmenter la conscience MLM du Parti et des masses et l’intensification de la lutte de classe. 

En Chine il y avait beaucoup de partis partageant la pouvoir après la révolution mais l’unité était sur une base de principe, et faisait partie du front pour approfondir la lutte de classe contre les restes des forces féodales et de la bourgeoisie bureaucratique-compradore. 

Au Népal ils diluent en pratique la lutte de classe en formant un gouvernement avec les éléments féodaux et de la bourgeoisie bureaucratique-compradore. 

La chose la plus importante est que tous les corps révolutionnaires dans l’Etat démocratique populaire soient élus et que chaque personne ainsi élue soit sujette à révocation, ce qui ne se fait pas dans les prétendues démocraties parlementaires. 

P.M. : Trouvez-vous quelque chose d’erroné quand le PCN (maoïste) indique qu’il ira à la nouvelle étape démocratique par l’intermédiaire de la république démocratique ou multipartite bourgeoise ? 

Azad : Aucun maoïste ne dirait qu’il est erroné de combattre pour l’exigence d’une République et pour le renversement de la monarchie autocratique. 

Et de même, aucun ne s’opposerait à ce que soit forgé un front uni de tout ceux qui sont opposés à l’ennemi principal à n’importe quel moment donné. 

Inutile de dire, un front uni de cette sorte serait purement tactique en nature et ne peut pas, et ne devrait pas, en aucune circonstance, déterminer le chemin et la direction de la révolution lui-même. 

Le problème avec le théorisation du PCN (maoïste) repose dans le fait qu’en transformant le combat contre l’autocratie en un sous-étape de la république de nouvelle démocratie, avec la tendance de faire que la sous-étape impose (domine et détermine) la direction et la voie mêmes de la révolution. 

Le programme et la stratégie de la république de nouvelle démocratie élaborés par le Parti avant son lancement de la lutte armée, ses cibles à renverser, et même l’analyse concrète de classe faite plus tôt, fondée sur les avancées de la révolution jusqu’ici, sont maintenant subordonnés aux besoins de la prétendue sous-étape de la révolution népalaise. 

La sous-étape d’une république démocratique bourgeoise semble, dans leurs interviews et rapports, être devenue le facteur déterminant tout. 

Pour autant que nous le sachions, nous pouvons dire que les nombreux types de système d’Etat dans le monde peuvent être réduits à trois sortes de base selon le caractère de classe de leur pouvoir politique : (1) républiques sous la dictature bourgeoise (en plus de ces derniers il y a les fausses républiques dans les pays arriérés semi-féodaux, semi-coloniaux sous la dictature commune de la bourgeoisie bureaucratique-compradore et les éléments féodaux, soutenue par l’impérialisme) ; (2) républiques sous la dictature du prolétariat ; et (3) républiques sous la dictature commune de plusieurs classes révolutionnaires. 

Essentiellement, le slogan d’une république démocratique bourgeoise donnée par le PCN (maoïste) ne peut pas ne pas relever du premier type de république malgré la participation du parti révolutionnaire dans le pouvoir d’Etat avec les partis bourgeois-féodaux compradores. 

Dans son entrevue avec le correspondant de la BBC, le camarade Prachanda a donné sa vision du futur Népal dans les termes suivants : « Nous croyons que le peuple népalais s’acheminera vers une république et, pacifiquement, le processus de reconstruction du Népal avancera. » 

« Dans cinq ans le Népal deviendra une nation belle, pacifique et progressiste. » 

« Dans cinq ans que les millions de Népalais s’élanceront de l’avant avec la mission de bâtir un beau futur, et le Népal commencera vraiment à devenir un paradis sur terre. » 

Il a plus loin affirmé qu’une république démocratique élue d’une telle manière résoudra les problèmes de Népalais !! » 

« Nous croyons qu’avec l’élection d’une assemblée constituante, une république démocratique sera formée au Népal. 

Et ceci résoudra les problèmes des Népalais et mènera le pays dans un chemin plus progressiste. » 

N’importe qui lisant les lignes ci-dessus penserait que ces vues reflètent plus un sentiment nationaliste que des perspectives prolétaires de classe. 

Comment le Népal commencera-t-il à devenir un « paradis sur terre » après être devenu une république bourgeoise ? 

Comment la formation d’une république démocratique « peut-elle résoudre les problèmes des Népalais » ? 

Peut-elle se libérer des griffes de l’impérialisme après être devenue une république dans l’ère impérialiste actuelle ? 

Est-ce que le PCN (maoïste), qui prétend croire au MLM, pense vraiment que le « processus de reconstruction du Népal avancera d’une manière pacifique » ? 

Et y a-t-il un seul exemple dans l’histoire du monde où un tel processus pacifique de reconstruction a eu lieu ? 

L’histoire de la révolution mondiale ne montre-t-elle pas cette lutte de classe amère, sanglante et violente parfois, continue même après des décennies après la prise du pouvoir par le prolétariat ? 

Alors comment le camarade Prachanda pourrait-il penser à un processus si pacifique de reconstruction du Népal même à ce sous-étage ? 

Les partis appartenant à l’alliance des sept partis combattent-ils vraiment l’impérialisme, l’expansionnisme indien et le féodalisme au Népal ? 

Y a-t-il une garantie que le PCN (maoïste) battra les partis bourgeois-féodales, auxquelles il veut être assorti pour la concurrence politique dans les élections et pour s’assurer que le Népal ne tombe sous les griffes de l’impérialisme et de l’expansionnisme indien ? 

Comment peut-on croire qu’une fois finies les élections à l’Assemblée constituante et le Népal devenu une République, pas sous la conduite de la partie de classe ouvrière mais peut-être sous une alliance d’une combinaison de partis, c’est-à-dire une alliance des classes dominantes et de la classe ouvrière sous la direction du PCN (maoïste), le pays se libérerait du féodalisme et de l’impérialisme et deviendrait une «nation belle, pacifique et progressiste»? 

Selon l’opinion du camarade Prachanda, « la classe réactionnaire et leurs partis essayeront de transformer cette république en une république parlementaire bourgeoise, tandis que notre Parti de la classe prolétarienne essaiera de la transformer en république de nouvelle démocratie. Combien de temps durera la période de la transition, ce n’est pas une chose qui peut en ce moment être assurée. Il est clair que cela dépendra de la situation nationale et internationale et de l’état de l’équilibre des pouvoirs. » 

Cette prétendue république multipartite transitoire est cherchée pour être transformée en république de nouvelle démocratie par la lutte pacifique au moyen de la concurrence politique avec la classe réactionnaire et leurs partis, qui essaient de la transformer en république parlementaire bourgeoise ! ! 

Quelles que soient les tactiques adoptées par le PCN (maoïste) l’aspect le plus critiquable de ce discours c’est de projeter ces tactiques en tant que position théoriquement développée, qu’elle pense devrait être le modèle pour les révolutions au 21ème siècle. 

Au nom de lutter contre le dogmatisme nos camarades de PCN (maoïste) glissent sur un terrain dangereux. 

Qui plus est, tant que le Parti mène une lutte cohérente contre l’impérialisme et les réactionnaires locaux, et poursuit la ligne de la redistribution de la terre et de la richesse, de la nationalisation de tout les compradores, des industries étrangères, des banques et du commerce extérieur, il est sûr de faire face à l’opposition des autres partis parlementaires. 

Et s’il veut faire partie du jeu parlementaire il doit respecter ses règles et ne peut pas mener à bien ses politiques anti-féodales, anti-impérialistes, d’une manière complète. 

Même l’indépendance de l’ordre judiciaire doit être identifiée en tant qu’élément du jeu du parlement et peut causer l’obstruction à chaque réforme que le Parti maoïste essaye de lancer après être venu au pouvoir par des élections. 

Ceci déjà est vu avec l’accord de 8 points étant expliqué comme illégal. 

Quant à l’impérialisme US, il exige fortement que les maoïstes ne devraient participer à l’assemblée constituante qu’après avoir rendu les armes. 

Le PCN (maoïste) s’est correctement opposé à cette position des USA et également des expansionnistes indiens. Nous comptons qu’ils resteront fermes en cela. 

Alors il y aura plusieurs institutions comme l’ordre judiciaire, la commission d’élection, les médias, diverses instances artistiques, culturelles et même religieuses, les organismes non gouvernementaux, et également les organismes de droits de l’homme dont certains sont formés par les classes dominantes, et ainsi de suite. 

Si on glisse dans le marécage de la prétendue république démocratique multipartite, on ne peut pas éviter de soutenir ces prétendues institutions indépendantes. 

Beaucoup de ces dernières peuvent devenir des planques pour les forces réactionnaires et travailler à la contre-révolution, de manière subtile et diversifiée. 

On ne peut pas oublier la façon subtile dont les agences occidentales ont infiltré et ont subverti les sociétés dans les pays de l’Europe de l’est et même dans l’ancienne Union Soviétique. 

P.M. : Le camarade Prachanda dit que la tactique adoptée par son parti est fondée sur les spécificités de l’équilibre politique et militaire dans le monde aussi bien que l’équilibre particulier de classe, politique et de pouvoir au Népal sans compter les expériences du 20ème siècle. Quelle est l’opinion de votre Parti sur ceci ? 

Azad : Il est vrai que le camarade Prachanda dans son interview de février dernier dans The Hindu a cité les trois facteurs ci-dessus quant à la décision de son Parti en faveur de la démocratie multipartite. 

En fait, cette position pouvait être vue dans le PCN (maoïste) même avant ladite entrevue. 

Par exemple, lors de la réunion du comité central en août 2004, il a commencé à être sceptique au sujet des perspectives de la victoire dans un petit pays comme le Népal quand il est confronté à l’impérialisme et qu’il n’y a aucun avancée de mouvements révolutionnaire forts. 

« Dans le contexte actuel, quand avec la restauration du capitalisme en Chine là il n’y a aucun autre Etat socialiste existant, quand malgré les conditions objectives favorables il n’y a actuellement aucune avancée d’aucun mouvement révolutionnaire fort sous la conduite du prolétariat, et quand l’impérialisme mondial attaque le peuple partout comme un tigre blessé, est-il possible à un petit pays avec une contrainte géopolitique spécifique comme le Népal d’aller à la victoire au point de prendre l’Etat central par la révolution ? 

C’est la question la plus significative étant posée au Parti aujourd’hui. 

La réponse à cette question peut seulement être trouvée dans le Marxisme-Léninisme-Maoisme et de ceci dépend le futur de la révolution népalaise. » 

Le même plénum avait également précisé les raisons de l’adoption de la série d’étapes tactiques comme le cessez-le-feu, la négociation, l’issue politique etc.. 

« Il n’y a aucun doute que les forces impérialistes sont maintenant en train de préparer des attaques bien plus sinistres alors que la guerre populaire népalaise a en vue l’offensive stratégique depuis sa position actuelle d’équilibre stratégique. 

Les complexités, les chances et les problèmes de la révolution népalaise sont les manifestations de cet état objectif… mais, au Népal, le développement de la révolution a atteint une étape très sensible de préparation pour l’offensive stratégique. 

Il est essentiel de comprendre que la série d’étapes tactiques entreprises par le Parti tels que le cessez-le-feu, la négociation, l’issue politique etc. sont fondés sur cette situation stratégiquement favorable et tactiquement défavorable de la situation mondiale et de l’état de l’équilibre stratégique à l’intérieur du pays. » 

Il est vrai que partout les révolutions se confrontent à une situation dure, particulièrement après le revers en Chine. 

Tactiquement parlant, dans le monde actuel, les forces ennemies sont tout à fait fortes tandis que nos forces subjectives sont faibles. 

L’impérialisme mondial a lâché partout une offensive massive sur les forces révolutionnaires, les mouvements de libération nationale et les mouvements populaires. 

Mais ce n’est qu’un côté de la médaille. 

En même temps, les conditions objectives sont tout à fait favorables ; l’impérialisme, en particulier l’impérialisme US, est détesté par les peuples partout dans le monde et les mouvements populaires massifs éclatent dans le monde entier contre l’impérialisme, en particulier l’impérialisme US. N’importe quelle révolution dans le monde d’aujourd’hui doit inévitablement faire face aux attaques des impérialistes. 

Pour faire face à un ennemi beaucoup plus grand que les forces révolutionnaires, la question ne se pose pas : cela peut et exigera une grande flexibilité dans la tactique. 

En particulier quand nous sommes une force considérable, une telle flexibilité peut être maniée plus efficacement pour l’accomplissement de nos buts. 

Mais en faisant ainsi, il y a toujours le danger de perdre de vue nos tâches stratégiques de prise du pouvoir par la force armée. 

Au vu des rapports fait par la direction du PCN (maoïste) il s’avère que ce danger est présent. 

Beaucoup de rapports faits et d’interviews données tendent à nier des positions marxistes de base concernant l’Etat et la révolution. 

On peut dire que cela a été fait dans le contexte de la diplomatie ; mais son résultat final est d’induire en erreur le camp révolutionnaire et progressiste. 

Ce n’est pas cela qu’on attend d’un homme d’Etat marxiste. 

Dans l’interview le camarade Prachanda était allé jusqu’à dire : « Nous sommes prêts à accepter le verdict populaire, s’il choisissait la monarchie constitutionnelle et la démocratie multipartite. » 

C’est en effet une grande tragédie de voir le Parti maoïste finir finalement dans ces positions politiques malgré le fait d’avoir de fait le pouvoir dans la majeure partie des campagnes. 

P.M. : Le camarade Prachanda dit que la ligne de la démocratie multipartite s’applique au mouvement maoïste en Inde aussi. Comment votre Parti voit-il ceci ? 

Azad : Nous avons vu ses commentaires sur ce point dans son entrevue avec le correspondant de The Hindu. 

On y lit : « Nous croyons qu’elle s’applique à eux aussi. 

Nous voulons discuter ceci. 

Ils doivent comprendre ceci et emprunter cette route. 

Sur la question de la direction et sur la démocratie multipartite, ou plutôt la concurrence multipartite je crois ceux qui s’appellent des révolutionnaires en l’Inde ont besoin de penser à ces questions. 

Et il y a besoin d’aller en direction de cette pratique. Nous souhaitons discuter avec eux sur ceci. 

Si les révolutionnaires ne voient pas le besoin de développement idéologique, ils n’iront nulle part. » 

Un tel conseil était mis en avant des divers partis parlementaires des classes dominantes en Inde depuis longtemps. Les révisionnistes des CPI et CPI (M), qui jurent par Marx et Lénine, nous sermonnent régulièrement dans leurs magazines, documents et rapports, au sujet de la futilité de la lutte armée pour prendre le pouvoir d’état et réaliser la transformation sociale révolutionnaire. 

Ils essayent désespérément de montrer à quel point la démocratie multipartite parlementaire est le meilleur instrument pour réaliser cette transformation comme en ont été témoins le Bengale occidental et le Kerala. 

Le CPI (ml) – Liberation, au nom du MLM, prêche les vertus de la démocratie multipartite et traite tous ceux qui ne souhaitent pas être liés à la porcherie parlementaire d’ anarchistes et d’ aventuristes. 

Il est bon que le PCN (maoïste) veuille discuter avec les maoïstes d’Inde de la question de la direction et de la démocratie multipartite. 

Il y a eu des discussions et échanges intéressants d’opinions et d’expériences entre les directions de nos deux partis sur le concept de la direction, sur la question du culte de personnalité et la concentration de tout le pouvoir dans les mains d’un individu, etc. 

Notre avis a toujours été qu’il est qu’une bonne partie de la direction du Parti travaille parmi les masses et se concentre sur la construction la lutte de classe, même après la prise du pouvoir, afin d’empêcher la dégénérescence chez les fonctionnaires du Parti, les fonctionnaires dans les divers départements d’Etat, en particulier les forces armées, dans les diverses unités de la sphère de production, et ainsi de suite. 

Nous devons encourager les masses à critiquer les erreurs commises par le Parti et les chefs du Parti même au cours du mouvement révolutionnaire avant la prise du la pouvoir. 

Nous devons développer la direction collective plutôt que de se concentrer sur une autorité révolutionnaire individuelle ou déléguée. 

La dépendance sur un ou peu d’individus au lieu de développer la direction collective et d’impliquer l’adhésion entière du Parti et des masses dans la prise de décision a été l’une des causes qui a mené à de grands retournements en Russie et en Chine où, après la chute des dirigeants prolétariens exceptionnels comme Staline et Mao, le PCUS et le PCC sont devenus révsionnistes si facilement. Nous sommes d’accord avec le camarade Prachanda quand il dit qu’ «à partir des enseignements des Etats communistes du 20ème siècle – nous voulons nous situer sur un nouveau plan au sujet de la direction – où une seule personne ne reste pas le chef de parti ou le chef d’Etat. » 

En fait, cela avait également été l’un des points principaux de discussion pendant la lutte interne au PCN (maoïste) dans les années 2004 – 2005 où le camarade Bhattarai (Laldhoj), dans ses Questions de base pour la discussion à l’intérieur du Parti, a soulevé des questions comme : La direction prolétarienne est-elle une expression centralisée de collectivité, ou est-elle centrée sur une personne? La loi principale de la dialectique, à savoir un se divise en deux, s’applique-t-elle à la direction centrale ou pas ? 

Comment le système d’une personne unique au sommet du Parti, de l’armée et de l’Etat, et cela qui plus est à vie, peut-il résoudre la question de produire des successeurs révolutionnaires et la révolution ininterrompue ? 

Notre Parti, CPI (maoïste) souhaite conduire une discussion sérieuse sur ces questions et également sur la question de la voie Prachanda et sur les concepts de voie, de pensée et de isme . 

P.M. : Que diriez-vous en ce qui concerne le concept de la démocratie du 21ème siècle tel que proposé par le PCN (maoïste) dirigé par le camarade Prachanda ? 

Azad : Qu’est qu’il y a de neuf dans ce concept de la démocratie du 21ème siècle élevé au pinacle par le PCN (maoïste) et comment est-il qualitativement différent de la démocratie du 20ème siècle ? 

Le PCN (maoïste) avait également affirmé que sa « décision sur la démocratie multipartite est une position stratégiquement et théoriquement développée » également applicable aux conditions de l’Inde. 

La différence entre démocratie bourgeoise et démocratie prolétarienne est connue, la démocratie elle aussi a un caractère de classe, dans une société divisée en classe, la démocratie sert la classe dominante et exerce la dictature sur le reste du peuple. 

Dans une république bourgeoise la nature de la démocratie est bourgeoise. 

Elle consiste à servir la bourgeoisie tout en opprimant la grande majorité du peuple. Son essence c’est la dictature bourgeoise. 

De même, dans les républiques démocratiques populaire, la démocratie s’exerce pour toutes les classes anti-féodales et anti-impérialistes tandis que la dictature s’exerce sur les ennemis du peuple et leurs agents. 

La différence qualitative entre les différents types de démocraties se situe dans leur caractère de classe. 

Mais quand le PCN (maoïste) indique qu’il y a une différence qualitative entre la démocratie des 20èmes et 21èmes siècles sans aucune référence à leur caractère de classe, elle est non seulement très incertaine, mais semble aussi hautement subjective.

Une des raisons données est que « le 21è siècle connaît un développement sans précédent des sciences et de la technologie, en particulier des technologies de communication électronique dans le monde. » 

La manière dont ce développement sans précédent concerne la stratégie des révolutions au 21ème siècle ou sur la nature de la démocratie au 21ème siècle n’est pas claire. 

Le PCN (m) dit que « dans le domaine de l’idéologie, le comité central a essayé de dessiner un profil stratégique de la révolution mondiale basé sur l’analyse de la situation du monde contemporain et surtout sur les nouvelles analyses de l’impérialisme globalisé et du mouvement prolétarien et a réussi pour présenter un concept totalement nouveauau sujet de la direction, de l’accomplissement de la révolution et de la prévention de la contre-révolution » et « dans le domaine de la politique » elle indique qu’il a fait « un saut qualitatif dans la conception de la stratégie politique et militaire et de la tactique, par rapport à ce qui fut établi au 20ème siècle. » 

Nous ne sommes toujours pas au clair sur la signification de cette conception et de ce saut qualitatif proclamés par le PCN (maoïste), à l’exception de leur ligne de démocratie multipartite et de concurrence politique qui se réduit à la concurrence pacifique des divers partis réactionnaires et révisionnistes pour le pouvoir dans une prétendue république démocratique multipartite transitoire. 

P.M. : Pour conclure, vers où voyez-vous aller la révolution népalaise ? 

Azad : Nous sommes également au fait de rapports qui signalent que l’Armée Populaire de Libération maintient toujours sa puissance de feu et sa vigilance. 

Il y a aussi la référence au récent essor révolutionnaire compris comme une révolution de Février [1917] allant vers la préparation d’une révolution d’Octobre [1917] 

Il y a également des rapports au sujet de mobilisations de masse énormes pour gagner de nouvelles forces aux côtés de la révolution, y compris dans les secteurs urbains. 

En outre les impérialistes US et les expansionnistes indiens (leur faire-valoir y compris, Yechuri) essayent ouvertement de saboter l’alliance en exigeant comme préalable la reddition des armes maoïstes. 

De plus, les maoïstes ont déclaré qu’ils n’abandonneront pas leurs armes et maintiendront leurs propres bases à la campagne. 

Voilà des tendances positives indiquant qu eles maoïstes sont prêts à aller vers la révolution de nouvelle démocratie. 

Il y a le besoin de prendre garde à deux situations : tomber dans les pièges tendus par les classes dominantes et leurs maîtres impérialistes et expansionnistes ; prendre garde en second lieu de l’éventualité d’un massacre soudain des communistes comme on ne a été témoin en Grèce, en Indonésie, au Chili et un certain nombre d’autres pays. 

Même une base de masse énorme dans ces pays n’a pas arrêté de tels massacres. Mais nous comptons sur le PCN(m) pour faire aller de l’avant la révolution vers la conquête du pouvoir dans tout le pays. 

P.M. : Une dernière question. Quel est le message que vous donneriez aux révolutionnaires du Népal, de l’Inde et du reste du monde ? 

Azad : D’abord nous inviterions sérieusement le PCN (maoïste) et sa direction à reconsidérer certaines de ses positions récentes et pour apprendre de l’histoire des erreurs passées. 

Le Parti et le peuple du Népal ont une grande histoire de lutte et de sacrifice. Plus de 10.000 personnes ont perdu leurs vies au cours de la guerre populaire en cours. Nous saluons ces martyrs héroïques de la révolution népalaise et de la révolution mondiale 

Nous sommes confiants dans les capacités du grand peuple népalais à faire avancer la révolution malgré les tours et détours qui ont lieu dans le mouvement. 

Il n’y a aucun doute que la révolution n’est pas quelque chose de simple, mais avance en zigzags. 

Nous invitons également le peuple de l’Inde à prêter un soutien total à la révolution népalaise. 

Mais ce faisant, il est également du devoir du prolétariat de l’Inde et du monde de faire des suggestions amicales à leurs camarades du Népal. 

Après tout, les intérêts de la révolution népalaise sont infiniment dans l’intérêt de révolution du monde, et plus particulièrement de sa voisine, la révolution indienne. Le peuple révolutionnaire de l’Inde est prêt à n’importe quel sacrifice pour soutenir la révolution népalaise. 

Nous sommes confiants en notre marche en avant, ensemble, contre le système odieux de l’impérialisme mondial et sa base semi-féodale locale. 

P.M. : Au nom de People’s March, nous vous remercions pour l’interview sur cette question si cruciale dans un pays voisin. 

Azad : Merci 

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et le PC d’Inde (marxiste-léniniste)

PC d’Inde (Maoïste) : Communiqué de presse, 13 novembre 2006 (sur le Népal)

Un nouveau Népal ne peut surgir que de la destruction de l’Etat réactionnaire!
Déposer les armes de l’APL sous la supervision de l’ONU reviendrait à désarmer les masses! 

Le 5 novembre, le PCN (Maoïste) a entériné un accord avec le gouvernement du Népal stipulant que l’APL [Armée Populaire de Libération] déposerait les armes dans sept cantonnements désignés, alors que les forces armées du gouvernement déposeraient également un nombre équivalent d’armes. 

Celles-ci seraient placées sous la supervision d’une équipe d’observation de l’ONU, pendant que les clefs des casiers des armes de l’APL seraient avec le parti Maoïste. 

Il a été également entériné par les deux parties que le présent Parlement serait dissous et qu’il serait formé un nouveau Parlement intérimaire avec un partage des sièges pour les Maoïstes, pour former un gouvernement intérimaire avec certains portefeuilles [ministériels] pour les Maoïstes, et l’élection d’une Assemblée Constituante d’ici l’été prochain, qui est censée décider du destin de la monarchie et du futur du Népal.

L’accord a reçu un caractère officiel quand le premier ministre Koirala et le président du PCN(M) le camarade Prachanda ont signé l’accord et l’ont déclaré publiquement. 

Le Comité Central du PCI(Maoïste) a été troublé par cet accord conclu par un parti Maoïste fraternel au Népal avec le gouvernement de l’alliance de sept partis dirigé par le protégé de l’Inde qu’est Koirala.

L’accord de dépôt des armes de l’armée populaire dans des cantonnements désignés est chargé d’implications dangereuses. Cet acte pourrait amener le désarmement des masses opprimées du Népal et une annulation des gains effectués par le peuple du Népal au prix d’immenses sacrifices dans la guerre populaire longue d’une décennie . 

La clause dans l’accord de déposer un nombre équivalent d’armes par les deux parties fonctionnera de manière évidente en faveur du gouvernement dirigé par Koirala vu que ce dernier aura l’option d’utiliser l’énorme stock d’armes toujours à disposition de l’armée à tout moment, et de renforcer par la suite l’armée réactionnaire du gouvernement. 

La décision prise par le PCN(Maoïste) sur la question de la gestion des armes, même s’il est considéré que c’est un pas tactique pour achever les objectifs immédiats de former une assemblée constituante, est nuisible aux intérêts de la révolution.

L’ensemble des expériences de la révolution mondiale a démontré à maintes reprises que sans l’armée populaire il était impossible pour le peuple d’exercer le pouvoir. Rien n’est plus atroce pour l’impérialisme et les réactionnaires que les masses armées et c’est ainsi ils acceptent avec plaisir n’importe accord pour désarmer celles-ci.

En fait, désarmer le masses a été le refrain constant de toutes les classes dominantes réactionnaires depuis l’émergence même d’une société divisée en classe. Les masses désarmées sont une proie facile pour les classes réactionnaires et les impérialistes qui vont jusqu’à effectuer des massacres, comme l’a montré l’histoire.

Le Comité Central du PCI(Maoïste), en tant qu’un des détachement du prolétariat mondial, avertit le PCN(Maoïste) et le peuple du Népal devant le grave danger inhérent à l’accord de dépôt des armes et les appelle à reconsidérer leurs tactiques à la lumière des amères expériences historiques.

L’accord entre les Maoïstes pour faire partie du gouvernement intérimaire ne peut pas transformer le caractère réactionnaire de la machine d’Etat qui sert les classes dominantes exploiteuses et les impérialistes. L’Etat peut être l’instrument dans les mains soit des classes exploiteuses soit du prolétariat mais il ne peut pas servir les intérêts des deux, ceux-ci s’affrontant complètement. 

C’est le principe de base fondamental du Marxisme qu’aucun changement de base du système social ne peut être amené sans destruction de la machine d’Etat. Des réformes d’en haut ne peuvent amener aucun changement qualitatif dans le système social exploiteur, quel que soit la manière dont on pourrait considérer comme démocratique la nouvelle Constitution, et même si les Maoïstes deviennent une composante importante du gouvernement. 

C’est une complète illusion que de penser qu’un nouveau Népal pourrait être construit sans détruire l’Etat existant.

Une autre illusion que l’accord crée concerne le soit disant rôle impartial ou neutre de l’ONU. L’ONU est en réalité un instrument aux mains des impérialistes, en particulier des impérialistes US, afin de dominer, tyranniser et interférer dans les affaires des pays du tiers-monde, au bénéfice des impérialistes. 

Elle est utilisée comme un simulacre pour donner de la légitimité à des actes éhontés d’oppression et de suppression des peuples du tiers-monde par les impérialistes. 

L’Afghanistan et l’Irak sont les exemples les plus récents du rôle direct de l’ONU dans la légitimation de l’agression et de l’occupation impérialistes de ces pays. 

C’est le devoir des révolutionnaires de montrer, de s’opposer et de combattre le rôle impérialiste de l’ONU. Accorder à cette dernière un quelconque rôle dans la gestion des armes, la supervision des élections et le processus de paix au Népal, signifierait seulement appeler à l’interférence impérialiste, en particulier celle de l’impérialisme US.

Un autre facteur troublant est l’illusion nourrie par les Maoïstes du Népal concernant le rôle des expansionnistes indiens. 

Les classes dominantes indiennes sont la plus grande menace aux peuples de l’ensemble du sous-continent et il est le devoir des peuples des différents pays d’Asie du Sud de combattre de manière unie l’expansionnisme indien. 

L’Etat indien, avec le soutien de l’impérialisme US, a continuellement interféré dans les affaires internes du Népal; il a soutenu la monarchie tout en encourageant ses laquais parmi les forces parlementaires au nom de la théorie des deux piliers [théorie indienne comme quoi le Népal repose à la fois sur la monarchie constitutionnelle et sur le multipartisme]; il a entraîné et élargi toutes les formes d’aides à l’Armée Royale du Népal dans leur offensive militaire contre les Maoïstes, il a effectué des accords secrets avec le [parti du] Congrès Népalais dirigé par Koirala ainsi qu’avec d’autres partis réactionnaires, et il a poussé à désarmer l’APL et les masses du Népal et à isoler les Maoïstes.

Son but est d’arracher les richesses naturelles du Népal, particulièrement son énorme potentiel hydro-électrique et de faire du Népal un refuge sûr pour les impérialistes et les capitalistes compradores indiens.

L’éloge répété du camarade Prachanda pour le rôle de l’Inde concernant l’accord entre les Maoïstes et l’alliance des sept partis au Népal forme des illusions parmi les masses au sujet de l’Inde, au lieu de les préparer à combattre les expansionnistes indiens qui sont toujours intéressés à avoir le Népal sous la main dans le futur. 

Encore plus surprenante est l’assertion par le PCN(Maoïste) que leurs présentes « tactiques » au Népal serait un exemple pour d’autres partis maoïstes en Asie du Sud. Le camarade Prachanda a également effectué un appel à d’autres partis maoïstes, pour qu’ils reconsidèrent leurs stratégies révolutionnaires et qu’ils pratiquent la démocratie multiparti au nom de la démocratie du 21ème siècle.

Notre Comité Central affirme de manière cristalline au PCN(M) et au peuple en général qu’il ne peut pas y avoir de démocratie authentique dans aucun pays sans la prise du pouvoir d’Etat par le prolétariat, et que la soit disant démocratie multiparti ne peut amener aucun changement essentiel dans la vie du peuple.

Il appelle les partis maoïstes et les peuples d’Asie du Sud à persister dans la voie de la guerre populaire prolongée comme montrée par le camarade Mao. 

Nous appelons également de nouveau le PCN(Maoïste) à reconsidérer ses tactiques présentes qui sont en fait en train de modifier le fondement même de la direction stratégique de la révolution au Népal, et à se retirer de leur accord avec leur gouvernement du Népal pour le dépôt des armes de l’APL vu que cela rendrait le peuple sans défense face aux attaques des réactionaires.

Azad 
Porte-parole
Comité Central,
Parti Communiste de l’Inde (Maoïste) 

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et le PC d’Inde (marxiste-léniniste)

PCI (ML) – Guerre Populaire : La mondialisation

Parti Communiste d’Inde Marxiste-Léniniste / Guerre populaire

La mondialisation 
 

Qu’est-ce que la mondialisation? Quel est son impact sur le prolétariat et les peuples opprimés dans le monde?

Le terme “mondialisation” est devenu à la mode suite à la très longue crise qui a commencé au début des années 1970, et il est particulièrement en vogue depuis 1980. 

Le phénomène de mondialisation devrait être approché sous deux angles à la fois : primo, ce qu’il représente réellement, et secundo, ce qu’il est censé devenir.

Si l’on veut comprendre l’essence même du processus, il est nécessaire de tenir compte des sept aspects suivants:

1. L’expansion sans précédent des rapports capitalistes de production à l’échelle mondiale.
2. L’internationalisation de la production accompagnée d’une circulation croissante des investissements directs à l’étranger (IDE).
3. L’apparition d’une nouvelle division internationale du travail et l’importance croissante d’un marché mondial de l’emploi.
4. La mondialisation de la finance ou l’accroissement des marchés financiers internationaux dans des proportions étonnantes;
5. L’interdépendance croissante à l’échelle mondiale des différentes économies;
6. Les limites de la mondialisation, l’accroissement du protectionnisme et l’apparition de blocs commerciaux;
7. L’impact de la mondialisation sur le prolétariat, les opprimés et les nations du monde entier, ce qui définit les tâches de la classe ouvrière.

1. Expansion internationale des rapports de production capitalistes

En premier lieu, la mondialisation signifie la mondialisation du capitalisme, c’est-à-dire l’extension des rapports capitalistes de production, des valeurs et de l’éthique capitalistes à de nouvelles sphères et à des régions de plus en plus vastes du monde.

Le capitalisme, comme l’expliquait Marx, montre une tendance constante à l’expansion. 

En fait, lorsque Marx et Engels ont écrit Le Manifeste du Parti communiste, le capitalisme en était toujours à ses débuts dans la plus grande partie de la planète. 

Ce n’était un système socio-économique dominant que dans certaines parties de l’Europe occidentale: en Grande-Bretagne et en Belgique. 

Le capitalisme se développa ensuite en Allemagne, où c’étaient encore des rapports précapitalistes qui prévalaient; le Japon en était toujours à un stade féodal et l’Amérique était entrée dans la phase naissante du capitalisme. 

Mais durant le dernier quart du XIXe siècle, on a assisté à un développement phénoménal du capitalisme.

Le capitalisme industriel s’est très vite étendu aux Etats-Unis, en Allemagne, en France et en Scandinavie (Norvège, Suède, Danemark, Finlande et Islande) et il a ouvert le reste du monde au commerce capitaliste. 

Cependant, malgré la rapidité de l’expansion du capitalisme et du commerce mondial au cours de la période allant des années 1870 à la Première Guerre mondiale, le système des usines n’a été une caractéristique dominante qu’en Allemagne occidentale et centrale, au Nord-Est des Etats-Unis, et dans certaines parties de l’Europe orientale et centrale. 

Alors qu’en 1880, en Amérique, 50% de la population dépendait de l’agriculture, dans la plupart des pays d’Europe, c’était la majorité des gens qui y était encore occupée. 

Dans les pays relativement industrialisés comme les Etats-Unis et l’Allemagne, un tiers de la population travaillait toujours dans l’agriculture au moment de la guerre. 

En 1929, lorsque l’Amérique et le reste de la planète ont été ébranlés par la seconde Grande Dépression, un Américain sur quatre était toujours fermier. 

Ceci constitue un terrible contraste avec la situation du milieu des années 1970; alors qu’un Américain sur vingt-huit seulement vivait de l’agriculture (environ 3,7% de la population totale), aujourd’hui, seul un Américain sur cinquante est encore fermier (exactement 2%).

Cela montre comment le capitalisme s’étend sans cesse vers de nouvelles zones en démantelant toutes les formes précapitalistes de production.

Le cas du Japon illustre sans doute encore mieux ce phénomène. 

En 1900, le Japon n’occupait qu’un demi-million d’ouvriers dans ses usines. En 1935, leur nombre était passé à 5,9 millions. 

Même à la veille de la Seconde Guerre mondiale, 50% de la population japonaise était toujours employée dans l’agriculture et la pêche. 

Aujourd’hui, ces chiffres ont été ramenés à une proportion négligeable de la population. 

Une expansion aussi rapide des rapports capitalistes de production via la transformation de l’agriculture, des services, du secteur ménager, etc., n’a pas tardé à se produire dans tous les pays capitalistes.

Le capitalisme transforme la société tout entière en une gigantesque place de marché. 

Tout particulièrement à l’époque du capitalisme monopoliste, le mode capitaliste de production conditionne et remodèle les besoins de l’individu, de la famille et, partant, de toute la société. 

Il convertit chaque produit du travail humain en produit de consommation. 

Il crée, de cette façon, un marché universel. 

En premier lieu, le capitalisme monopoliste convertit la production totale de marchandises en biens de consommation; ensuite, il transforme une gamme sans cesse croissante de services en autres biens de consommation; et finalement, il invente et introduit de nouveaux produits et services dont certains deviennent indispensables, étant donné que toutes les alternatives ont été systématiquement détruites suite aux changements de la vie moderne. 

Le temps de loisirs est devenu lui aussi tributaire du marché. 

Parcs récréatifs, extravagances spectaculaires en matière de distraction, voyages organisés, salons de massage et de beauté, motels, hôtels, restaurants, réseaux de télévision par satellite, moyens d’information sous contrôle impérialiste et autres services pourvoient à toute une série de besoins croissants (dont la plupart ont été provoqués artificiellement) chez les gens. Par conséquent, l’industrialisation de l’alimentation et des autres produits nécessaires au ménage, le développement de l’entretien ménager moderne et des industries de services, et la récupération du travail ménager non payé sous forme de travail dans des usines, bureaux, hôpitaux, lavoirs, boutiques de vêtements, magasins de détail, restaurants, etc., tout cela mène à une totale dépendance de toute vie sociale vis-à-vis des marchés. 

Même pour le travail envers les jeunes, les personnes âgées, les malades et les handicapés, ou pour les distractions, l’amusement et la sécurité, on est obligé de dépendre du marché. 

Et il n’y a pas que les besoins en matériel et en services à être canalisés par le marché. 

Même les schémas émotionnels de la vie passent également par là, aujourd’hui.

Dans la plupart des pays industriels, on a assisté, au cours de ce siècle et plus spécialement dans la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, à l’incorporation à grande échelle des femmes dans la main-d’oeuvre salariée. 

Par exemple, en Grande-Bretagne, en 1851, moins de cent femmes étaient employées de bureau, ce qui représentait moins de 0,1% de l’effectif total des employés. En 1961, toujours en Grande-Bretagne, ce taux de participation féminine atteignait les deux tiers. 

Aux Etats-Unis, en 1900, les trois quarts des 900.000 employés étaient des hommes et seulement 200.000 étaient des femmes. 

En 1970, il y avait plus de dix millions de femmes employées constituant environ les trois quarts des employés! 

On assiste donc à un transfert partiel du travail en provenance du domaine ménager non capitaliste vers les relations capitalistes. 

Les chaînes de restaurants fast-food ont quasiment étendu leurs tentacules à toute la planète, y compris la Chine, l’Europe de l’Est et les républiques de l’ancienne Union soviétique. McDonald, Pizza Hut, Kentucky Fried Chicken ont même fait leur entrée dans un pays comme l’Inde. 

Ces chaînes, combinées à l’invasion à grande échelle du marché par les boissons non alcoolisées et l’eau minérale, ont modifié les habitudes alimentaires des pays industrialisés et des classes aisées des pays du tiers-monde. 

L’importance de cette transformation peut être jugée à partir des chiffres de consommation de boissons aux Etats-Unis pour le début des années 1990. 

Les boissons gazeuses non alcoolisées constituent 25% de cette consommation; la bière atteint 12%; le lait 15%; le café 11%; les jus de fruits 6%; les autres boissons 12%; alors que l’eau potable du robinet ne constitue que 19% du volume bu aux Etats-Unis. 

En contraste avec ces chiffres, l’eau représente 97% de la consommation en boisson des gens du tiers-monde. C’est pourquoi Coca Cola, Pepsi Cola et d’autres ont mis au point des stratégies commerciales agressives en vue de provoquer certains changements substantiels dans les normes de consommation dans le tiers-monde.

En dehors de l’expansion du marché domestique, deux facteurs supplémentaires ont contribué au développement du capitalisme sur le plan mondial : (a) l’accroissement des exportations de marchandises et de capitaux outre-mer et (b) sa pénétration au sein des plantations, des industries pétrolières et autres industries d’extraction dans les colonies, les semi-colonies et les pays dépendants.

(a) L’exportation de biens et de capitaux en direction des marchés d’outre- mer s’est également développée très rapidement à partir des années 1870. 

Durant la période située entre 1880 et 1913, on a assisté à la croissance la plus rapide de tous les temps du commerce mondial, et ce jusqu’à nos jours. 

Il a en effet connu une croissance annuelle de 14%, contre 7% entre 1950 et 1973, 3% entre 1973 et 1987, et une croissance pratiquement nulle au cours de l’entre-deux-guerres. Cette période (1880-1913) a également connu une augmentation importante de l’exportation de capitaux, bien que la part des investissements directs de l’étranger ait été négligeable.

La raison de cet accroissement rapide des exportations de marchandises et de capitaux durant cette période est à rapprocher de l’ascension du capital monopoliste suite à la première Grande Dépression de 1873-1895. 

Les marchés nationaux de l’Europe occidentale étaient trop petits pour absorber l’augmentation massive de production, et ce grâce aux niveaux élevés de concentration et de centralisation de capitaux et de production qui conduisirent à l’apparition de gigantesques monopoles nationaux au sein des pays capitalistes. 

L’accumulation massive entre les mains des monopoles capitalistes d’une plus-value devait trouver des débouchés outre-mer à cause de l’exiguïté des marchés domestiques et de la baisse des taux de profit sur ces marchés. 

Par conséquent, si l’on voulait sortir de la crise, au cours de ce dernier quart du XIXe siècle, il fallait recourir à l’exportation de capitaux financiers et à la mainmise des marchés extérieurs.

Cela a débouché sur une expansion du capitalisme à l’échelle mondiale et a amené les différentes économies nationales à ne plus former qu’un seul marché mondial. 

Mais le faible pouvoir d’achat des masses dans les pays du tiers-monde a constitué (et constitue d’ailleurs toujours à l’heure actuelle) une entrave à l’expansion rapide du capitalisme. 

En dépit de ces limitations, l’accroissement des exportations de capitaux et de marchandises dans ces pays ces derniers années a partiellement ouvert de nouveaux secteurs à la pénétration et l’exploitation du capitalisme.

(b) En envahissant les secteurs des plantations et les industries pétrolières et extractives, les rapports capitalistes de production se sont étendus à certaines poches des pays coloniaux, semi-coloniaux et dépendants, et ce, déjà avant la Seconde Guerre mondiale. 

Mais le très faible pouvoir d’achat des masses de ces pays, la nécessité impérative pour l’impérialisme de préserver les structures sociales féodales, précapitalistes et autres dans ces mêmes pays – à la fois pour les maintenir en perpétuel état de dépendance vis-à-vis de l’impérialisme et pour y contrecarrer toute possibilité de révolution -, et les craintes et les hésitations des impérialistes à pénétrer dans le secteur manufacturier de ces pays, tous ces facteurs ont constitué des obstacles plus que sérieux à l’extension des rapports capitalistes de production dans les pays du tiers-monde, c’est-à-dire là où vit aujourd’hui la grande majorité des habitants de cette planète.

Mais l’offensive du capital a transformé ces économies de façon considérable; des communautés primitives de type tribal ont été démembrées, des sociétés de type féodal ont été transformées en sociétés semi-féodales, des communautés entières ont été déracinées et recyclées pour travailler dans les plantations, dans les mines ou dans la construction; les économies nationales ont été de plus en plus intégrées à l’économie mondiale; le commerce des affaires, les assurances, les transports et les communications se sont développés jusqu’à un certain point. 

Et par conséquent, aussi bancals et déformés qu’ils puissent être, c’est de façon bien tangible que les rapports capitalistes se sont introduits dans les colonies, les semi-colonies et les pays dépendants, au cours d’une période coloniale qui s’est poursuivie grosso modo jusqu’au milieu du XXe siècle.

Et cela a continué même après la fin de la domination coloniale directe, lorsqu’une nouvelle élite consumériste – une classe de nouveaux riches et de parvenus – est apparue dans le tiers-monde tant dans les régions rurales que dans les zones urbaines. Les monopoles impérialistes ont envahi massivement l’industrie légère des pays du tiers-monde au lendemain immédiat de la Seconde Guerre mondiale, et ce, grâce aux politiques des import-substitution adoptées par la plupart des régimes du tiers-monde. 

La surcapacité croissante de l’industrie, la stagnation virtuelle des marchés à domicile après le sursaut d’après-guerre, l’accumulation massive de surplus dans les mains des monopoles industriels et banquiers, et la baisse des taux de profit, ont propulsé le capital impérialiste plus sauvagement encore vers les marchés du tiers-monde afin d’y chercher des débouchés lucratifs, et ce, dès la crise économique mondiale qui a commencé à la fin des années 1960 et qui s’est fait réellement sentir en 1973.

Le capital international a dressé les plans de nouvelles stratégies destinées à sortir de cette crise de l’après-guerre. 

Les fonds accumulés par les banques ont été prêtés aux gouvernements du tiers-monde dans l’espoir de rendements garantis, alors que les entreprises industrielles ne pouvaient rembourser leurs emprunts, à cause des pertes qu’elles subissaient régulièrement. 

Le développement dans les pays du tiers-monde du “secteur tertiaire” devait conduire à un regain d’expansion des rapports capitalistes dans ces régions. 

Des stratégies de “Révolution verte” ont donc été élaborées afin de trouver des marchés pour leurs tracteurs, moissonneuses-batteuses, machines en tous genres, pour leurs semences, engrais, pesticides et autres équipements et fournitures agricoles. 

Par conséquent, les rapports capitalistes se sont étendus jusqu’à certaines poches du secteur agraire. 

Le secteur des biens d’équipement (industrie lourde) – qu’à l’époque, les impérialistes se refusaient à encourager dans les pays du tiers-monde, par crainte de perdre leur emprise sur les économies de ces derniers et de les voir s’ériger en rivaux sur les marchés mondiaux – est devenu un important terrain d’investissements au cours des années 1980. 

Au cours de cette période, des usines entières ont été déplacées vers certains pays du tiers-monde. 

Au nom de la modernisation et de l’automatisation, un nombre sans cesse croissant d’industries de biens d’équipement ont été implantées dans ces mêmes pays. 

En plus de l’introduction dans le tiers-monde de marchandises et d’investissements de capitaux en provenance de l’étranger, le secteur des services a été forcé lui aussi de s’ouvrir aux firmes mondiales. 

Le développement des opérations bancaires, du commerce, des assurances, de la propriété foncière, des opérations boursières et autres institutions financières a débouché sur un nouveau développement des rapports capitalistes à l’échelle mondiale. 

Les prétendues Zones de Promotion à l’Exportation ainsi que les Zones de Libre-Echange, instaurées avec tant d’enthousiasme par les firmes transnationales dans le tiers-monde afin d’y installer leurs filiales, ont amené un nombre considérable de femmes à la production sociale.

Ce développement des rapports capitalistes s’accompagne d’une détérioration drastique des niveaux de vie d’une partie importante de la population. 

La destruction successive des forces productrices due à la surcapacité et à la surproduction à l’échelle mondiale: les mesures d’austérité, les réductions salariales, l’inflation galopante et la création d’une importante armée de sans-emploi due à la rationalisation et aux restructurations destinées à hausser la productivité (mais qui augmentent en même temps l’exploitation du travail), tout cela a contribué à la baisse du pouvoir d’achat de la population. 

Par conséquent, la propagation des rapports capitalistes n’a absolument rien à voir avec une quelconque amélioration des conditions de vie des gens opprimés. La promotion agressive de l’industrie du sexe est un exemple de ce vers quoi tend la mondialisation du capitalisme. 

Rien qu’en Asie (particulièrement en Thaïlande et aux Philippines), un million d’enfants ont été prostitués ces dernières années: cela montre le caractère cruel de l’expansion des rapports capitalistes dans les sociétés semi-féodales, semi-coloniales du tiers-monde.

En Chine, le capitalisme s’est développé sur les cadavres de milliers de travailleurs. 

Rien qu’au cours des huit premiers mois de 1993, 11.000 ouvriers chinois ont été tués dans des accidents de travail. 

Lors d’un de ces horribles accidents qui nous ramène au XVIIIe siècle, 81 ouvrières ont été tuées en novembre 1993, alors que les portes et les fenêtres avaient été fermées afin de garder les gens à l’intérieur de l’usine pendant les heures de travail! 

Des conditions de travail exécrables, de longues heures de travail, des salaires inadéquats et même des châtiments corporels sont les caractéristiques essentielles du capitalisme qui est occupé à se répandre rapidement en Chine et dans d’autres pays de la région Asie-Pacifique dont on prétend qu’elle est aujourd’hui celle qui connaît la croissance la plus rapide au monde.

2. Internationalisation de la production

Une autre trait essentiel de la mondialisation ou de l’internationalisation du capitalisme consiste en l’internationalisation de la production qui se caractérise par le développement d’entreprises et de banques transnationales géantes ainsi que d’autres oligopoles à l’échelle mondiale.

Le capital, naturellement, a toujours opéré sur le plan international, et ce dès les tout premiers jours du capitalisme. 

Le capital marchand opérant à l’échelle mondiale a précédé l’apparition du mode de production capitaliste en Europe. 

Au XIXe siècle, la finance s’est de plus en plus internationalisée, au fur et à mesure que la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne investissaient à l’étranger dans des obligations gouvernementales et municipales et dans des actions de chemins de fer, de tramways et de services publics. L’internationalisation du capital a progressé rapidement au cours des quatre décennies qui ont précédé la Première Guerre mondiale. 

Mais en contraste avec les investissements directs à l’étranger (ou IDE), associés aux transnationales depuis 1960, l’investissement étranger d’avant la Première Guerre mondiale consistait avant tout en un investissement de portefeuille, c’est-à-dire en prêts au développement, consentis à long terme et libres de cotation, et en investissements dans des parts, des obligations et des titres. 

Par conséquent, au moment où éclate la Première Guerre mondiale, 90% de tous les investissements à l’étranger consistaient en investissements de portefeuille.

L’internationalisation de l’économie mondiale à cette époque avait été réalisée par le biais du commerce de marchandises, l’exportation de capitaux privés et l’exploitation des colonies. 

Des centaines de “comptoirs” s’étaient constitués à partir des années 1880 et avaient mobilisé des capitaux dans des proportions encore jamais vues. 

Ces “comptoirs” avaient été fondés pour développer et commercialiser des produits de base tels que le sucre, le café, le tabac, le caoutchouc, l’étain et le pétrole à partir des colonies britanniques et hollandaises. Un “comptoir” opérait surtout dans un pays étranger tandis que l’équipe directoriale et le secrétariat restaient dans la mère patrie. 

De nombreuses firmes indépendantes britanniques opéraient aux Etats-Unis. 

On peut repérer les origines de certaines transnationales actuelles dans les compagnies indépendantes de cette époque. 

Le développement des firmes multinationales anglo-hollandaises – la Royal Dutch/Shell par exemple – peut être considéré comme un processus de concentration de plusieurs compagnies indépendantes de ce type.

La transformation du capitalisme de libre concurrence en capitalisme monopoliste qui a eu lieu durant la Grande Dépression du dernier quart du XIXe siècle (1873-1895) a vu également la montée des trusts, des cartels, des syndicats et d’autres formes de monopoles internationaux. 

On a assisté à une augmentation impressionnante des niveaux de concentration du capital et de la production, c’est-à-dire que les unités de production acquéraient des dimensions de plus en plus grandes parce que l’on réinvestissait l’accumulation de plus-value dans la production aussi bien que dans la centralisation du capital et de la production. En d’autres termes, il y avait un nombre de plus en plus restreint d’unités de production suite à la fusion de différents capitaux. 

Au cours de cette période, des “barons voleurs”, tels Rockefeller, Carnegie et Morgan, ont racheté des groupes concurrents à bas prix et ont acquis des positions dominantes au sein de l’économie américaine. Une vague massive de fusions et d’acquisitions s’est donc produite aux Etats-Unis entre 1893 et 1904.

Par exemple, en 1897, on comptait 82 groupes industriels dotés d’une capitalisation de plus d’un milliard de dollars. 

Au cours des trois années 1898-1900, onze grands conglomérats se sont formés avec une capitalisation de l’ordre de 1,14 milliard de dollars, et le plus grand de tous, l’US Steel Corporation, est apparu en 1901, avec une capitalisation de 1,4 milliard de dollars.

En Allemagne et au Japon, l’Etat est intervenu directement dans la création de monopoles géants afin de pouvoir rivaliser sur le plan international avec les Britanniques, les Français et les Hollandais. 

Certaines transnationales d’aujourd’hui tirent leur origine de l’internationalisation du capital productif au cours des années qui ont précédé la Première Guerre mondiale. Singer, ITT, General Electric et Westinghouse aux Etats-Unis, Dunlop et les frères Lever (Unilever actuellement) en Grande-Bretagne, Siemens et General Electric (AEG) en Allemagne, BBC (aujourd’hui ABB) et Nestlé en Suisse, la Royal Dutch (qui a fusionné avec Shell) et Philips aux Pays-Bas, Pirelli en Italie, Ericsson, SKF, ASEA (aujourd’hui fusionné avec BBL pour former ABB) et Alfa Laval en Suède, Gevaert en Belgique et plusieurs autres compagnies possédaient des usines en Europe et aux Etats-Unis. 

L’insuffisance des marchés domestiques, la hausse des droits de douane ainsi que d’autres barrières douanières et non douanières dans les pays étrangers, tout cela avait amené l’ensemble de ces firmes à installer des usines dans d’autres pays afin de s’emparer de leurs marchés.

Par exemple, suite à la hausse des droits de douane sur les fils conducteurs, la compagnie italienne Pirelli s’était hâtée de construire une manufacture de conducteurs électriques dès 1901 en Espagne, et une autre usine avait été installée en Grande-Bretagne en 1913, en commun avec une firme britannique. 

Les deux firmes allemandes Siemens et AEG avaient installé des filiales dans des pays protégés par des droits de douane élevés comme la Russie, l’Autriche, la Hongrie, l’Espagne et la France. AEG s’était également lancé dans la production en Italie en 1909, vu que ce pays pratiquait la discrimination commerciale non tarifaire.

Malgré cela, les activités transnationales menées par divers monopoles durant cette période se sont limitées à quelques pays industrialisés d’Europe et aux Etats-Unis et elles n’ont couvert que certains secteurs. A l’époque, seules quelques centaines de compagnies opéraient outre-mer, et c’est peu comparé aux 37.000 transnationales, réunissant 170.000 filiales, qui sont répandues aujourd’hui à travers le monde.

Dans les pays du tiers-monde, les activités des monopoles se sont surtout concentrées sur le secteur primaire, c’est-à-dire dans les plantations et l’extraction des ressources naturelles. 

Les grandes opérations des transnationales dans ces régions datent du tournant du XXe siècle – pétrole et investissements miniers au Mexique, mines de cuivre au Chili, au Pérou et au Congo belge, bauxite dans les Guyanes britannique et hollandaise, et pétrole dans les Indes orientales néerlandaises. 

Dans le domaine de l’agriculture, la United Fruit Company des Etats-Unis a été fondée en 1899, et elle a établi son “empire bananier” en Amérique centrale et dans les Caraïbes avant la Première Guerre mondiale. 

En Afrique, la compagnie anglo-néerlandaise Unilever a investi dans les huiles végétales, ainsi que dans la firme Cadbury et le cacao, toujours avant la guerre de 1914-1918. Dunlop possédait des plantations de caoutchouc en Malaisie et Brooke Bond a installé ses plantations de thé en Inde et au Sri Lanka. 

Les principales compagnies du secteur alimentaire ont investi dans les plantations de cannes à sucre à Cuba. W.R. Grace & Co s’est lancé dans la production sucrière au Pérou. 

Les plus grandes transnationales, comme Exxon, Royal Dutch Shell, Anaconda, Kennecott et Alcoa, se sont constituées afin de s’assurer dans le tiers-monde, et à bas prix, ces sources d’approvisionnement en matières premières d’une d’importance capitale.

Lorsqu’éclata la Première Guerre mondiale, 60% de tous les IDE se trouvaient dans les colonies, les semi-colonies et les pays dépendants: 55% de ces IDE couvraient le secteur primaire, contre 15% seulement pour les industries de transformation. 

La ruée vers les colonies, les querelles au sujet des sources d’approvisionnement en matières premières, des marchés et des zones où les capitaux pouvaient être investis – en bref, la lutte pour une nouvelle répartition du monde – tout cela s’est traduit par des guerres commerciales, des guerres monétaires et des confrontations armées entre les différentes puissances impérialistes, et ce durant plus de trois décennies à dater de 1914. Le protectionnisme croissant, caractérisé par des barrières douanières et non douanières élevées, l’extrême chaos et l’instabilité de l’ordre mondial, ainsi que le développement des luttes de libération nationale partout dans le monde ont ralenti l’internationalisation du capital productif jusque dans les années 1950.

Cependant, durant l’entre-deux-guerres, les firmes industrielles ont commencé leurs activités dans le tiers-monde. 

En 1939, les entreprises mondiales de pointe (à la fois américaines et européennes) ont implanté pas moins de deux cents filiales en Amérique latine. C’était le cas des sociétés américaines telles que Ford, General Motors, Goodyear, Firestone, National Cash Register, General Electric, Singer, Abbott et Parke Davis, et des firmes européennes comme Siemens, Philips, Pirelli, Unilever, Roche, Nestlé et Olivetti. Dans le reste du tiers-monde, une centaine de filiales à peine avaient été installées avant la Seconde Guerre mondiale.

L’activité des transnationales a continué à être dominée par le secteur primaire tout au long de cette période; des plantations de café ont été lancées au Kenya, des plantations d’hévéas (caoutchouc) au Liberia; on a ouvert des mines de cuivre en Zambie, on a extrait du pétrole au Moyen-Orient, et on s’est lancé dans l’extraction de métaux précieux en Afrique du Sud. 

Tout ceci revient donc à dire que les investissements directs de l’étranger dans le tiers-monde jusqu’à la Seconde Guerre mondiale ont concerné avant tout le secteur primaire.

Malgré le haut niveau de protectionnisme développé durant l’entre-deux-guerres et le bas niveau des activités manufacturières mises sur pied par les entreprises dans les pays du tiers-monde, on a assisté à une concentration croissante des capitaux dans tous les pays capitalistes importants, et certains secteurs industriels clés furent dominés par un petit nombre de monopoles et d’oligopoles géants. 

US Steel pour les Etats-Unis et Krupp pour l’Allemagne, dans les secteurs du fer et de l’acier; la Standard Oil du New Jersey et la Royal Dutch/Shell dans le domaine du pétrole; I.G. Farben, ICI et Du Pont pour l’industrie chimique; l’American Tobacco Company et la British American Tobacco Company pour le tabac; Pepsi Co et Coca Cola dans l’industrie de la limonade; Unilever dans les savons, etc. 

Au Japon, quatre zaibatsus – Mitsubishi, Mitsui, Sumitomo et Yasuda – contrôlaient la quasi-totalité de l’industrie, de la finance et du commerce extérieur du pays.

L’internationalisation de la production a effectué un grand bond en avant après la Seconde Guerre mondiale, et particulièrement à partir de la moitié des années 1970, lorsque d’autres pays tels que l’Allemagne et le Japon se sont joints aux Etats-Unis pour installer des usines de transformation à l’étranger. 

Au contraire de l’investissement de portefeuille encouragé avant la Première Guerre mondiale, les investissements directs à l’étranger après la Seconde Guerre mondiale furent concentrés dans les secteurs manufacturiers et tertiaires. 

Ce glissement reflète les nouvelles réalités de la néo-colonisation de la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. 

Sous la domination coloniale, l’exportation de capitaux était destinée principalement à l’extraction de matières premières et des ressources naturelles, au développement de l’infrastructure nécessaire à ce genre d’activités, ainsi qu’à la mise en place d’appareils administratifs de répression au sein des colonies. 

Durant la phase de “domination indirecte”, par contre, c’est l’industrie manufacturière qui, dans le tiers-monde, a attiré le plus les investissements des transnationales. La composition par grands secteurs du stock des IDE pour certains pays entre 1975 et 1988 est présentée dans le Tableau 1.

Tableau 1. Secteur
 PrimaireSecondaireTertiaire
France197522,138,239,7
198815,036,648,3
Allemagne19764,548,347,2
19882,843,453,7
Pays-Bas197546,838,614,6
198736,424,738,8
Royaume-Uni198726,934,438,6
Etats-Unis197526,445,028,6
198916,740,942,3
Tableau 2.
Stock des IDEFlux (moyenne annuelle)
198019881980-841985-89
CEE (1)milliards de $1533311539
% total mondial33344137
Etats-Unismilliards de $2203451418
% total mondial46353117
Japanmilliards de $20111424
% total mondial4111023
Le monde entier (2) milliards de $47497444105
1 Les chiffres de la CEE n’incluent pas l’Irlande, la Grèce et le Luxembourg. I

ls excluent également les IDE à l’intérieur de la CEE. 

Si l’on porte en compte ces derniers, on obtient un stock extérieur de 203 milliards de dollars en 1988 (44%), et cela porte les transferts à 22 milliards (47%) pour la période 1980-84 et à 59 milliards (47% également) pour la période 1985-89.
2 Les chiffres n’incluent pas les IDE à l’intérieur de la CEE.
Sources : UNCTC, Directory of Transnational Corporations, New York, UNCTC, 1991.

Il n’y a qu’à comparer les montants d’IDE au début de l’ère impérialiste avec ceux de la phase actuelle pour constater la progression phénoménale. Par exemple, le stock allemand d’IDE en 1914 était de 2,6 milliards de dollars (aux prix actuels), alors qu’en 1990, il atteignait la somme sidérante de 129,1 milliards de dollars – soit cinquante fois plus! Entre 1985 et 1990 seulement, les investissements allemands ont été multipliés par 2,5.

La crise des années 1970 s’est accompagnée d’un développement extraordinaire des IDE de la part des Etats-Unis, de la CEE et du Japon, comme on peut le voir dans les chiffres pour 1980 et 1988, que voici:

Les flux totaux vers l’extérieur de l’OCDE étaient deux fois plus élevés dans les années 1980 que dans les années 70.

Le développement des IDE a été encore plus spectaculaire après 1988. Le stock des IDE a atteint le total de 2.000 milliards de dollars en 1992. Au début des années 1990, on estimait qu’il y avait dans le monde 37.000 transnationales – dont 24.000 situées dans les 14 pays les plus industrialisés -, avec plus de 170.000 filiales à l’étranger englobant pratiquement tous les secteurs de l’économie mondiale. 

C’est une progression impressionnante, car, en 1969, il n’y avait que 7.300 transnationales disposant de 27.300 filiales. 

Durant les deux dernières décennies, se manifeste donc une nouvelle phase de l’internationalisation de la production.

Entre 1983 et 1992, les IDE se sont développés plus de quatre fois plus vite que la production mondiale et trois fois plus vite que le commerce mondial. 

La majeure partie du développement des IDE provient des 200 entreprises les plus importantes du globe.

Tableau 3. Le top-200: Profil de la puissance mondiale
19821992
PaysNombre firmesVentes milliards de $% de 200 firmesNombre firmesVentes milliards de $% de 200 firmes
Etats-Unis801.302,542,8601.720,129,3
Japon35657,321,5542.095,435,7
France16182,66,023530,29,0
Allemagne17207,56,821563,09,6
Royaume-Uni18264,78,714310,05,3
Suisse220,40,78152,42,6
Pays-Bas486,42,85214,13,6
Italie584,52,85126,82,2
Corée du Sud18,00,3344,30,8
Brésuk227,40,9229,80,5
Suède112,00,4228,10,5
Espagne221,60,7118,60,3
Canada755,11,8117,20,3
Belgique19,20,3112,20,2
Autres8106,43,5
Total2003.045,7100,02005.862,1 
PIB monde12.600,021.900,0
Top 200 (en % PIB)24,226,8
Source: Calculs des auteurs à partir de chiffres d’affaires, de rapports d’entreprises et de statistiques nationales.

Ce top-200 des firmes les plus importantes a doublé ses revenus cumulés en l’espace de dix années seulement – passant de 3.000 milliards de dollars en 1982 à 5.900 milliards en 1992 – un chiffre record encore jamais rencontré dans l’histoire de l’humanité. 

La part de ces 200 entreprises dans le PIB (Produit intérieur brut) de la planète pour l’année 1992 était de 26,8%. 

Pas moins de 172 de ces sociétés, soit 86%, appartenaient à cinq pays impérialistes seulement – les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France. 

Mais alors que l’on assiste à un certain tassement dans la croissance mondiale, les avoirs de ces 200 compagnies, par contre, ne cessent d’augmenter à une vitesse phénoménale.

Plus révélateur encore est le fait que parmi les profits cumulés de 73,4 milliards de dollars pour l’ensemble du top-200, près de 47%, soit 34,8 milliards, ont été engrangés par 5% seulement de ces firmes, soit une dizaine d’entre elles.

Un autre secteur qui a connu une vague de concentration au cours des cinq décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, c’est le commerce. 

Aujourd’hui, le volume de la quasi-totalité des marchandises est commercialisé par une poignée de sociétés commerciales géantes. 

80% des exportations de matières premières de trois breuvages (café, thé et cacao) sont contrôlées par trois à six firmes. Au Japon, neuf “sogo shoshas” (grandes sociétés de commerce) s’approprient plus d’un tiers du PNB du pays et contrôlent 52% des parts dans les exportations du pays, ainsi que 63% des importations. 

Les ventes de ces neuf “sogo shoshas” ont dépassé 386 milliards de dollars en 1985 – c’est-à-dire 2,5 fois les chiffres de 1975.

Une autre caractéristique nouvelle des années 1970 et 1980 est la montée des “conglomérats”, regroupant des filiales s’occupant de finances, de services, d’agriculture et d’industrie. 

Au Japon, six de ces conglomérats sont apparus, comportant chacun une banque, un ou plusieurs “sogo shoshas” et des douzaines de filiales industrielles. 

Au total, la concentration et la centralisation du capital de toutes les filiales de ces six conglomérats japonais représentent les quatre cinquièmes du PNB du pays.

Après l’effondrement de l’Union soviétique, le retour de l’Europe de l’Est à des régimes à capitalisme bureaucratique et le glissement vers un capitalisme à part entière en Chine, à Cuba et au Vietnam, les transnationales, et tout spécialement celles du top-200, ont pour la première fois accès à la totalité du marché mondial. Pour les transnationales, la Chine est apparue comme le centre d’intérêt principal, attirant plus de 16.000 filiales. 

En Tchéquie, la firme allemande VW a repris la principale compagnie automobile, Skoda. 

En Pologne, Pepsi Company’s Food International a fait main basse sur le plus gros chocolatier du pays, Wedel, en 1991, tandis que Nestlé, l’an dernier, faisait de même avec le second chocolatier polonais. 

Le top-200 des transnationales soutient activement les mouvements de privatisation de ces pays, et ceci afin d’absorber leurs marchés et d’étendre leurs propres filiales de production à ces pays à bas salaires possédant des infrastructures hautement développées. 

Et ce sont ces mêmes transnationales qui ont réclamé à grands cris la déréglementation, la libéralisation, la privatisation et toute une série d’autres mesures dans les pays du tiers monde, afin de faciliter leur propre entrée dans les secteurs jusqu’alors “protégés”. 

Ce sont encore ces mêmes transnationales qui exigent la suppression de toutes les restrictions à l’entrée sur les marchés du tiers-monde au nom d’un équilibre des chances. 

En utilisant le pouvoir de leurs gouvernements représentés par les tout-puissants G-7, ou plus largement, par l’OCDE et ses 24 membres, ces transnationales ont forcé les pays du tiers-monde à autoriser l’accès complet de leurs économies aux marchandises, services et technologies en provenance de l’étranger: depuis 1980, environ 80 de ces pays se sont donc vu imposer des Programmes Structurels d’Ajustement (PSA). 

Avec les gouvernements impérialistes, le FMI, la Banque mondiale, le GATT et plusieurs autres institutions multilatérales servent à accélérer les exportations de capitaux afin d’établir des unités de production des transnationales dans le monde entier. 

Afin de stopper la baisse du taux de profit dans l’industrie, les transnationales ont hâté la relocalisation de leurs unités de production ou d’une partie de leurs opérations dans des zones où l’on trouve en abondance une main-d’oeuvre à bon marché, des matières premières peu coûteuses, des possibilités de transport à faible coût et d’autres infrastructures, ainsi que des marchés prometteurs. 

Alors que la mise en place d’industries légères, en plus des industries minières et de raffinage du pétrole, caractérisait les activités des transnationales dans le tiers-monde jusqu’au début des années 1970, le déclenchement de la crise économique mondiale à partir de 1973 et le déclin consécutif de la demande de biens d’équipement dans les pays impérialistes ont fait que ces mêmes biens d’équipement ont commencé à être exportés en énormes quantités vers le tiers monde. 

A la fin des années 1970, on estime que 38% des ventes de la General Electric américaine consistaient en complexes industriels et en usines fournies clés en main aux pays du tiers-monde, et 42% de ses profits étaient à mettre au crédit de ces transactions avec l’étranger. 

Le nombre d’usines pétrochimiques dans le monde s’est accru de moitié pour la seule période 1973-1978, alors qu’au cours de la même époque, la surcapacité en Europe conduisait à la fermeture d’un certain nombre d’entreprises du même secteur. 

Plusieurs firmes chimiques ont été installées par les transnationales en Europe de l’Est et dans les pays de la région Asie-Pacifique entre les années 1970 et 1980. 

Des usines sidérurgiques ont été construites au Brésil, au Mexique, à Taiwan, en Corée du Sud, au Venezuela, aux Philippines et en Chine. 

Etant donné que les coûts de production sont inférieurs dans les pays du tiers-monde, une quantité croissante des marchandises demandées par les pays impérialistes et le marché mondial est manufacturée par les transnationales implantées dans ces pays, ce qui fait qu’il a été nécessaire d’y introduire une stratégie orientée en premier lieu sur l’exportation. 

Les transnationales des Etats-Unis ont transféré une partie de leur production au Mexique et en Amérique latine; celles du Japon ont relocalisé une partie importante de leurs industries de transformation à Taiwan, en Corée du Sud, en Thaïlande, en Malaisie, en Indonésie et dans d’autres pays de l’Asie de l’Est, les transnationales allemandes se sont étendues à l’Europe de l’Est et dans les pays baltes en même temps que dans certains pays du tiers monde comme le Brésil. 

Les salaires réels dans ces pays peuvent être jusqu’à 40 fois inférieurs à ceux pratiqués aux Etats-Unis, dans la CEE ou au Japon. 

Les prétendus excédents commerciaux provoqués par certains des pays du tiers-monde, et plus particulièrement par les Economies d’industrialisation récente (EIR) comme la Chine et certains pays de la région Asie-Pacifique, ne sont pas dus à l’exportation des marchandises produites par les industries autochtones, mais aux exportations réalisées par les filiales américaines, japonaises et autres installées dans ces pays, ainsi qu’aux relations intra-entreprises (c’est-à-dire entre les différentes filiales d’une même transnationale).

Le caractère international de la production est devenu possible du fait de la division internationale du travail dans le secteur des industries de transformation. 

En fonction de cela, ce genre d’industrie est (a) de plus en plus sous-divisé en un certain nombre de segments (b) localisés dans différents sites de production selon (c) la combinaison la plus profitable entre le travail, les capitaux, les subsides gouvernementaux et les coûts de transport et (d) soumis à une coordination centralisée de façon stratégique des quartiers généraux, qui, eux, ont su tirer un maximum de profit des progrès et des innovations spectaculaires réalisés dans la technologie de l’information et dans les communications par satellites.

Ceci est très bien illustré par le professeur de Harvard, Robert Reich, dans le cas d’un modèle de voiture de la General Motors: si la valeur totale d’une Pontiac Le Mans s’élève à 20.000 dollars, 6.000 dollars sont produits en Corée du Sud (assemblage), 3.500 dollars au Japon (moteur et essieux), 1.500 dollars en Allemagne (design et style), 800 dollars par des fournisseurs d’accessoires à Taiwan et à Singapour, et 600 dollars encore en Grande-Bretagne, en Irlande et dans les Barbades (divers services).

C’est pourquoi l’on ne peut prétendre que la voiture a été manufacturée aux Etats-Unis ou dans aucun autre pays en particulier. 

Ce n’est qu’en vertu du fait que la General Motors est une transnationale américaine que la voiture sera déclarée avoir été “made in USA”. 

Un nombre croissant de marchandises sont aujourd’hui étiquetées comme étant “de fabrication allemande” ou “de fabrication japonaise”, au lieu de “made in Germany” ou “made in Japan”, pour la simple raison que ces marchandises sont produites par des filiales à l’étranger de transnationales allemandes ou japonaises.

C’est uniquement dans ce contexte que l’on peut comprendre les appels des transnationales en faveur d’un monde sans frontières ainsi que de la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et du travail entre les différents pays en vue d’en arriver à la création d’un “village mondial”.

3. La nouvelle division internationale du travail (DIT)

La vieille division internationale du travail a divisé le monde en nations industrielles avancées et en pays arriérés producteurs de matières premières. C’étaient les transactions entre ces groupes de pays qui dominaient le commerce mondial. 

Quant aux firmes internationales, si elles avaient un département production, elles étaient impliquées dans l’extraction des matières premières dans ces pays arriérés. 

Avec l’évolution de la firme transnationale, cette simple dichotomie allait disparaître progressivement. 

Au début, le changement de production et d’investissement s’est produit entre le centre et la périphérie, à l’intérieur des pays industrialisés ou vers leurs voisins géographiques. Les entreprises américaines ont investi en Europe et au Mexique. 

Des sociétés basées en Europe occidentale ont investi chez leurs voisins du sud et en Irlande, et plus récemment, des sociétés japonaises ont fait de même en Corée du Sud et à Taiwan.

Mais la longue période de boom qui s’est étendue sur le quart de siècle qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, c’est-à-dire jusqu’au début des années 1970, a vu croître dans les vieux pays industrialisés, le pouvoir et le militantisme de la classe ouvrière, ce qui s’est traduit, du point de vue capitaliste, par une augmentation proportionnelle des salaires et par une baisse tout aussi proportionnelle de la productivité. 

Au cours de cette période, il y a également eu une migration massive de main-d’oeuvre en provenance des pays du tiers-monde vers les nations industrielles avancées.

Mais, comme on l’a déjà mentionné plus haut, la tendance à partir du début des années 1970 a consisté à transférer un nombre de plus en plus élevé d’industries des pays impérialistes vers le tiers-monde, tout en réduisant la main-d’oeuvre dans toutes les entreprises industrielles majeures. 

Et comme elles considèrent le monde comme un seul et même territoire quand il s’agit d’y effectuer leurs opérations, les départements différents de chaque industrie se sont subdivisés et ont été répartis sur différents sites, dans différents pays et dans différents centres, de façon à pouvoir réaliser d’énormes profits en utilisant au mieux les avantages offerts par une telle chaîne de production mondiale. 

La révolution récente dans la technologie de l’information et le développement accru des systèmes de communication et de transport a accéléré ce processus. 

La diffusion rapide d’une structure organisationnelle à divisions multiples parmi les firmes géantes du monde capitaliste a fourni un environnement idéal à la flexibilité des capitaux dans le monde. 

Cette innovation organisationnelle ou la méthode qui consiste à confier à des sous-traitants un nombre de plus en plus élevé d’opérations, et ce même dans les entreprises les plus modernes, est de plus en plus fréquemment utilisée à la fois pour acquérir de la main-d’oeuvre à très bas prix et briser les reins aux forces organisées du travail. 

Par exemple, un géant mondial de l’automobile tel que la Toyota Motor Corporation ne développe lui-même que le moteur hautement automatisé et ne possède que des usines excessivement modernes d’assemblage final. Le reste des tâches est confié à des sous-traitants.

Selon une estimation proposée par le MITI (ministère du Commerce international et de l’Industrie au Japon), le système de production du fabricant d’automobiles moyen au Japon comprend 171 sous-traitants au premier échelon, 4.000 au second et 31.600 au troisième. 

En 1978, parmi les 13.430 fabricants japonais de pièces automobiles, 80% employaient moins de 20 ouvriers, et parmi ceux-ci, un tiers utilisaient de un à trois ouvriers.

Par conséquent, la chaîne japonaise de production automobile relie le moteur le plus hautement automatisé et les usines d’assemblage les plus sophistiquées au monde avec convoyeurs aux petits ateliers surpeuplés situés dans des arrière-cours, où des familles pauvres matricent de petites pièces sur des presses à pied, et ce, dix heures par jour tout au long de l’année.

C’est ce modèle que l’on est occupé à imposer au tiers-monde, en tirant parti de la main-d’oeuvre à bon marché et des autres ressources locales propres à chaque pays.

La tendance à pratiquer la sous-traitance avec des firmes plus petites ou avec des familles (comme on le voit dans le cas du textile et du software en informatique) se manifeste tant à l’intérieur du pays qu’entre les pays. 

Cette tendance se rencontre simultanément avec celle qui consiste à déplacer des unités complètes de production d’une partie du pays vers une autre ou d’un pays à l’autre.

De plus en plus, les entreprises les plus importantes sont appelées à devenir des centres de coordination pour un grand nombre d’unités de production, chacune fournissant des services à l’organisation dominante à des taux compétitifs et offrant des salaires concurrentiels. 

Ceci représente une extension de la notion de sociétés multidivisionnelles, avec la centralisation des décisions stratégiques et de l’allocation des capitaux, d’une part, et de la décentralisation des décisions opérationnelles de production, d’autre part. 

Aujourd’hui, le marketing stratégique et les décisions concernant la production sont attribuées au quartier général, alors que les petites unités ont des relations de satellite avec l’entreprise dominante, souvent dans le cadre de contrats à long terme. 

Le rôle fondamental de la firme dominante est alors d’assurer une allocation de la production, sur le plan interne et externe, en fonction de la minimisation des coûts, tout en maintenant ou en améliorant le contrôle du marché. Les exemples suivants soulignent l’importance croissante du marché international du travail aux yeux des transnationales.

A la fin des années 1980, le nombre d’employés des transnationales suédoises opérant hors de la Suède approchait le demi-million, c’est-à-dire le quart de tous les employés des firmes commerciales et industrielles originaires de la Suède. 

Les vingt transnationales suédoises les plus importantes emploient plus de main-d’oeuvre à l’étranger qu’en Suède et leur production à l’étranger a augmenté, passant de 28% en 1968 à 47% en 1986. 

A la fin des années 1970, les transnationales hollandaises employaient trois fois plus de main-d’oeuvre à l’étranger que chez elles. 

Les principales compagnies chimiques allemandes – BASF, Bayer et Hoechst – non seulement vendent, mais encore produisent davantage à l’étranger qu’en Allemagne. 

Même les firmes chimiques allemandes de moyen format, comme Henkel, Schering, Beiersdorf et autres, ont expatrié leur production à la fois en raison des mesures sévères imposées en Allemagne contre la pollution et en faveur de la sécurité, et également des coûts élevés de la main-d’oeuvre allemande. 

En 1990, les deux tiers de la main-d’oeuvre de Beiersdorf étaient employés hors d’Allemagne. 

Bosch et Siemens dans l’industrie électrique, ainsi que les géants de l’automobile que sont Volkswagen, Mercedes-Benz, BMW, MAN (constructeur de camions), etc., ont également installé certaines de leurs usines à l’étranger au cours des deux dernières décennies. 

En 1990, la firme mondiale Siemens possédait quelque 210 usines en dehors de l’Allemagne. 

Le cas de la Suisse est encore plus saisissant. En 1980, le top-50 des transnationales suisses produisait 2,1 fois plus à l’étranger qu’à domicile. 

Alors qu’elles employaient une main-d’oeuvre d’environ 550.000 personnes à l’étranger, elles n’en employaient que 250.000 en Suisse même. 

Si le personnel total de toutes les compagnies suisses est pris en compte, la main-d’oeuvre employée à l’étranger était passée de 16% du total en 1980 à 36% en 1989. 

Deux des plus importantes transnationales suisses – Nestlé et ABB – disposent d’une majorité écrasante de main-d’oeuvre dans leurs usines opérant hors du territoire national.

La nouvelle division internationale du travail place la planification, la gestion, la recherche et développement (R&D) et les brevets du processus de production dans les mains de la compagnie mère, tandis que la production et l’assemblage seront exécutés par de la main-d’oeuvre non qualifiée et semi-qualifiée des pays du tiers-monde. 

Au point de vue R&D, les transnationales mettent l’accent sur le développement d’une technologie qui disqualifie (au sens propre du terme) toutes les opérations. 

Alors que les secteurs du processus de production requérant une main-d’oeuvre qualifiée tendent à se concentrer dans les pays industrialisés, les activités non qualifiées se répandent à chaque coin du globe. 

Par conséquent, les pays impérialistes retiennent les cerveaux alors que le travail manuel est accompli par la main-d’oeuvre du tiers-monde. 

Non seulement une telle division du travail place le contrôle effectif de l’industrie entre les mains de la maison mère de la transnationale, malgré le fait que les usines où s’effectue la fabrication réelle sont situées dans les pays du tiers-monde, mais en plus elle donne la possibilité aux firmes mondiales de transférer leurs unités de production dans d’autres lieux (pays) du grand village mondial. 

L’abondante disponibilité de main-d’oeuvre non qualifiée et semi-qualifiée partout dans le monde rend ceci possible et certaines des transnationales ont transféré leurs opérations d’un pays à l’autre chaque fois qu’il y a eu une hausse des salaires ou une menace de nationalisation. 

Certaines des entreprises japonaises qui avaient installé des usines d’assemblage d’articles électroniques de consommation courante à Singapour, à Hong Kong, en Corée du Sud et à Taiwan, au cours des années 1970, ont transféré leurs opérations en Malaisie, en Indonésie, aux Philippines, au Vietnam, en Chine, en Thaïlande ou ailleurs, cette dernière décennie, à cause de la hausse des salaires dans les pays précités.

Les transnationales dépensent des millions de dollars chaque année en R&D afin de subdiviser encore plus le processus de production et de le réduire à des opérations de plus en plus simples requérant le moins de qualification possible et, de cette façon, de tirer partout avantage de la chaîne globale de production. 

L’usine mobile ne représente que l’une des innovations mises au point par la firme mondiale à ce stade ultime du capitalisme.

Une compagnie japonaise, Ishikawajima-Harima Heavy Industries a construit des usines de pâte à papier et d’énergie sur des barges maritimes. 

L’idée est de faire accoster ces usines mobiles dans un pays du tiers-monde à bas salaires et, ensuite, si les salaires augmentent trop rapidement, de remorquer ces usines jusqu’à des zones où les salaires sont moins élevés. 

Techniquement, c’est possible pour de nombreuses industries au sein desquelles l’interruption du processus de production en est arrivée au point où les ouvriers peuvent être formés à la plupart de ces emplois non qualifiés en un seul jour ou tout au plus en une semaine.

Ces innovations sont encensées par les économistes bourgeois, depuis le monétariste de Chicago Milton Friedman jusqu’à Manmohan Singh, de Delhi, qui justifient les DIT au nom de la loi éculée de l’avantage comparatif telle que la formulait la vieille école classique. Cette théorie, développée en 1817 par l’agent de change et millionnaire David Ricardo, affirme que chaque pays devrait se spécialiser dans les domaines de production dans lesquels il jouit d’un avantage relatif par rapport aux autres nations et que même un pays pauvre peut tirer un certain avantage d’une production de marchandises dans laquelle il est relativement efficace. 

Etant donné que les pays du tiers-monde, comme l’Inde, par exemple, présentent l’avantage relatif sur l’Europe, les Etats-Unis ou le Japon, de fournir la main-d’oeuvre la moins chère sur le marché mondial du travail, ils devraient donc être à même d’en tirer un avantage.

Le travail, le seul apport industriel que le tiers-monde est à même de fournir en abondance, est exploité à fond afin de sauver le capitalisme de sa crise finale.

La mondialisation du capital et de la production a donc également débouché sur la mondialisation de la main-d’oeuvre à bon marché. 

La disponibilité des ressources illimitées en ce domaine dans les pays du tiers-monde ainsi qu’en Chine, en Europe de l’Est, dans les pays baltes, la CEI (ex-URSS) et d’autres anciens pays socialistes qui ont été pleinement intégrés à l’économie mondiale à la fin des années 1980, a entraîné un déclin marqué des salaires réels même dans les pays capitalistes les plus avancés – les Etats-Unis, le Japon et la CEE. 

Les politiques structurelles d’ajustement, impulsées par le FMI, la Banque mondiale, ont détruit massivement l’industrie locale dans les pays du tiers-monde, ainsi que les formes pré-capitalistes de production. 

Cela a permis de créer un vaste réservoir mondial de main-d’oeuvre à bon marché. D’où la baisse de pouvoir de négociation de l’ouvrier qui mène à la réduction des salaires dans les pays impérialistes à un niveau misérable, en rapport avec les théories de la liberté de marché prônée par Milton Friedman et les autres nouveaux disciples d’Adam Smith. 

Les menaces de fermetures et de licenciements dans les industries (provenant d’une surproduction et d’une surcapacité sans précédent à l’échelle mondiale) et les nouvelles tactiques mises au point par la bourgeoisie et consistant à travailler avec des sous-traitants et à déménager dans des zones à bas salaires, tout cela a provoqué un degré élevé d’insécurité sociale parmi les travailleurs du monde entier.

La nouvelle division internationale du travail des transnationales est également utilisée en tant qu’arme destinée à dominer les travailleurs en les divisant (“diviser pour régner”) et à réduire la capacité des travailleurs à s’investir dans des grèves radicales.

Un rapport de l’Organisation internationale du Travail (OIT) présente la chose très crûment:

«Les transnationales utilisent leurs usines disposées à travers le monde comme une menace destinée à contrer les exigences et le pouvoir des syndicats. 

Si le syndicat ne veut pas céder, la compagnie peut ou va même jusqu’à menacer de transférer sa production vers un autre pays, ou elle peut utiliser les unités dont elle dispose déjà dans un autre pays pour pénaliser le syndicat “revendicatif”, ou la compagnie peut même menacer de mettre un terme à ses investissements futurs dans le pays où le syndicat exprime des exigences “déraisonnables” (c’est-à-dire déraisonnables aux yeux de la compagnie, naturellement). 

Le syndicat range toutes ces tactiques dans la catégorie générale des menaces de transfert de production et elles font partie des tactiques des entreprises multinationales à propos du travail.»

Les cinq cents firmes les plus importantes de la planète ont licencié plus de 400.000 travailleurs par an au cours de la dernière décennie (ce qui fait un total de 4 millions), pour des raisons d’automatisation, de rationalisation et de restructuration. 

Les prolétaires du monde entier doivent faire face aux mesures d’austérité, aux réductions ou gel des salaires, aux restrictions dans les programmes sociaux, aux plans d’épargne-pension obligatoires, aux départs anticipés à la retraite, à la création d’un secteur informel et à d’autres formes d’exploitation. 

C’est de cette façon que les conditions objectives pour mener une lutte unie à un niveau mondial se sont multipliées comme jamais auparavant.

  4. Internationalisation du capital financier

L’apparition de l’impérialisme est liée à l’apparition du capital financier. Comme Lénine l’a fait remarquer: «Ainsi, le 20ème siècle marque le tournant où l’ancien capitalisme fait place au nouveau, où la domination du capital financier se substitue à la domination du capital en général.» 1

Plus loin, Lénine fait encore remarquer: «Le propre du capitalisme est, en règle générale, de séparer la propriété du capital de son application à la production; de séparer le capital-argent du capital industriel ou productif; de séparer le rentier, qui ne vit que du revenu qu’il tire du capital-argent, de l’industriel, ainsi que de tous ceux qui participent directement à la gestion des capitaux. 

L’impérialisme, ou la domination du capital financier, est ce stade suprême du capitalisme où cette séparation atteint de vastes proportions. La suprématie du capital financier sur toutes les autres formes du capital signifie l’hégémonie du rentier et de l’oligarchie financière; elle signifie une situation privilégiée pour un petit nombre d’Etats financièrement “puissants”, par rapport à tous les autres.»2

A l’époque de Lénine, les marchés financiers internationaux en étaient toujours à leurs premiers balbutiements, en dépit du degré élevé d’internationalisation qui caractérisait les marchés financiers mondiaux entre le dernier quart du XIXe siècle et la Première Guerre mondiale.

Historiquement, le capital-argent a été une expression nominale de la quantité de marchandises et de services produite par une économie donnée. 

Mais au cours des années 80, la finance a fini par se dissocier de la production et par assumer un rôle indépendant, autocratique, sur l’économie réelle. 

Pour reprendre les mots du “gourou” du management bourgeois, Peter Drucker: «Dans l’économie mondiale d’aujourd’hui, l’économie “réelle” des marchandises et des services, et l’économie “symbolique” de l’argent, du crédit et du capital ne sont plus étroitement liées l’une à l’autre; bien au contraire, elles poursuivent même des voies de plus en plus distinctes.»3

Depuis 1973, la crise économique mondiale croissante s’est caractérisée par une baisse du taux moyen du profit industriel et par une surcapacité et une surproduction au niveau mondial. 

Cela a dissuadé les capitalistes d’investir encore dans l’industrie. 

Ils ont commencé à placer leur argent davantage dans la spéculation, dans le but de réaliser des bénéfices financiers immédiats.

Les manipulateurs financiers de Wall Street ont fait leur apparition en tant que personnages clés de l’économie mondiale des années 1980. 

Même une entreprise importante comme la General Motors a dû licencier 74.000 travailleurs dans 21 de ses usines en 1991-92, afin d’infléchir le cours de ses obligations, qui aurait provoqué une hausse des charges de la dette si elle avait dû emprunter.

Pour reprendre les termes de The Economist de Londres, la nouvelle phase de la finance mondiale qui est apparue dans les années 1980 grâce aux nouvelles technologies en électronique et en communication, se caractérise par «les marchés financiers les plus librement fluctuants et les plus sophistiqués (c’est-à-dire compliqués) que le monde ait jamais connus – devises, marchandises, obligations du gouvernements et privées : tout est maintenant publié, coté, acheté, vendu à toute heure du jour et partout dans le monde.»4

Une caractéristique importante de la mondialisation de la finance est le nouveau rôle des prêts bancaires à l’étranger. 

Traditionnellement, le rôle des opérations bancaires internationales est de faciliter le commerce mondial. 

A une date aussi tardive que le milieu des années 1960, le volume des activités bancaires internationales se montait à environ dix pour-cent du volume du commerce mondial des économies de marché. 

Mais, au cours des deux dernières décennies, le développement de ces opérations bancaires s’est amplifié avec l’expansion du commerce international. 

Au milieu des années 1980, le volume des émissions bancaires internationales a dépassé en fait les chiffres combinés du commerce mondial et de toutes les économies de marché. 

Aujourd’hui, ces opérations bancaires globales n’ont plus la moindre relation avec le commerce international. 

Sur septante dollars qui changent de mains sur le marché des devises, un seul sert en fait à payer un échange commercial de marchandises ou de services!

Sur le marché mondial des devises, plus de 900 milliards de dollars sont échangés chaque jour dans le monde.

Alors que le commerce des devises constitue l’aspect le plus versatile des marchés financiers internationaux, les prêts transnationaux et l’échange de titres se sont également développés de façon spectaculaire. 

En 1980, les prêts bancaires internationaux correspondaient à quatre pour-cent de la valeur de toutes les marchandises et de tous les services produits dans les pays industrialisés. 

En 1991, ces crédits bancaires équivalaient à 44% du PIB officiel des nations industrialisées. 

La valeur nette des prêts bancaires internationaux est passée de 530 milliards de dollars en 1978 à 3.610 milliards de dollars en 1991. 

La même année, les obligations internationales en cours représentaient une valeur de 1.651 milliards de dollars.

On peut juger de la simple ampleur de la superstructure financière en expansion en lisant ces lignes de Peter Drucker:

Aujourd’hui, «le commerce mondial de marchandises et de services se chiffre à environ 2.500 à 3.000 milliards de dollars l’année. 

Mais le marché londonien de l’Eurodollar, dans lequel les institutions financières mondiales s’empruntent et se prêtent les unes aux autres, tourne autour de 300 milliards de dollars par jour ouvrable, soit environ 75.000 milliards de dollars l’année, un volume au moins 25 fois supérieur à celui du commerce mondial.»

«S’ajoutent à cela les transactions d’échanges avec l’étranger dans les principaux centres monétaires mondiaux, et dans lesquels on échange une monnaie contre une autre. 

Elles tournent autour de 150 milliards de dollars par jour ouvrable, soit environ 38.000 milliards de dollars l’année, ce qui correspond à 12 fois la valeur du commerce mondial de biens et de services».5

Au cours des années 1970 et 1980, de nouveaux instruments financiers ont été introduits, élargissant la base du système de crédit et, en même temps, ouvrant les portes à une spéculation effrénée. 

L’un de ces instruments n’est autre que les marchés financiers des opérations à terme, où l’on engage des paris sur les taux d’intérêt qui seront en application à une certaine date dans le futur. 

Cette pratique s’est répandue des Etats-Unis à Londres, Tokyo, Sydney, Paris et Francfort. 

La valeur des actifs – biens immobiliers, stocks, instruments financiers et objets d’art – a grimpé à une vitesse vertigineuse au cours des années 1980. 

La prédominance du capital financier sur l’économie réelle a détruit les emplois et le capital productif. Les parts de Xerox ont grimpé de 9% lorsqu’on y a proclamé le licenciement de 10.000 travailleurs. Comme un analyste du Washington Post l’explique:

«Wall Street ne s’en fait guère à longue échéance. Ce qui la préoccupe, c’est le prix que vaudra le stock demain, et ses valeurs sont aujourd’hui adoptées par l’Amérique des Entreprises. L’on ne vénère que ce qui est solide. C’est devenu un univers de cupidité masquée, mais non seulement la puanteur de cette cupidité passe-t-elle inaperçue et échappe-t-elle aux critiques à Washington, où les démocrates ont rejoint les républicains par fidélité envers ceux qui paient les factures de leurs campagnes, en plus, il faut encore qu’on l’applaudisse!»

Après que l’on ait introduit les taux d’échange flottants en mars 1973, la spéculation effrénée est devenue la caractéristique principale des marchés des devises. L’expansion de la superstructure financière a été rendue possible par un approvisionnement continu en dollars américains sans aucun rapport avec l’économie réelle. 

Entre 1969 et 1977, le nombre de dollars détenu en dehors des Etats-Unis a été multiplié par 4,5 et ce nombre n’a cessé de croître depuis lors.

Le réseau de la finance internationale a tout d’une chaîne de maisons de jeux ou de casinos où des milliers de milliards de dollars changent de mains tout au long de l’année. 

Le monde se rapproche d’une “économie de casino”, et c’est exactement ce qu’avait prédit Keynes.

Même des Etats nationaux puissants sont demeurés des spectateurs impuissants face à cette partie de jeu internationale jouée par les grandes banques internationales et les spéculateurs financiers. 

Il n’existe aucun mécanisme international à même de régler les mouvements financiers au delà des frontières nationales. 

Les spéculateurs en devises, les courtiers en titres, les détenteurs d’obligations internationales, les manipulateurs de biens immobiliers et autres escrocs de la finance ont le pouvoir de conduire une nation même puissante au bord de la ruine et de la banqueroute. 

Par exemple, si le stock de dollars est liquidé durant la nuit en échange de yens ou de deutsche marks (DM), l’économie américaine pourrait s’effondrer, ou l’inverse. 

De la même manière, la vente soudaine de titres gouvernementaux et de bons du trésor sur le marché pourrait conduire le gouvernement en question à la faillite financière. 

Les détenteurs d’obligations internationales sont libres à tout moment de vendre pour des millions de dollars de titres américains à long terme littéralement en quelques secondes. 

Ils détiennent, par conséquent, un pouvoir énorme sur les décisions économiques de n’importe quel président américain, qu’il soit républicain ou démocrate.

A quel point la vitesse et la fréquence des transactions rendent toute forme de réglementation extrêmement difficile, c’est ce que nous révèle le directeur exécutif de la banque de Montréal, Bill Mulholland:

«En un clin d’oeil, je pourrais mettre de côté l’argent provenant de toutes ces meutes de fous furieux branchés sur l’affaire et j’aurais tellement d’avance sur eux qu’il n’y aurait jamais le moindre espoir pour eux de trouver une piste. 

Avec la technologie électronique, on peut faire transiter l’argent par Winnipeg, Toronto, New York, Miami, les îles Caïmans, les Bahamas, jusqu’en Suisse, et je défie quiconque d’en suivre la trace.»

Des entreprises peuvent être achetées ou liquidées, les prix de certaines propriétés immobilières peuvent être gonflés ou baissés artificiellement, comme on l’a vu lors de la frénésie d’achats et de ventes qui s’est emparée des Etats-Unis au cours des années 1980 ou du Japon au début des années 1990. 

Le retrait de la livre anglaise ou de la lire italienne du mécanisme des taux monétaires de l’Union européenne en 1993 était dû à la fiévreuse partie de vente enclenchée par les spéculations sur les devises.

La crise financière qui a frappé le Mexique le 20 décembre 1994 et au cours de laquelle le peso a perdu 40% de sa valeur illustre les perspectives que l’on réserve aux pays du tiers-monde. 

En onze jours exactement, le marché financier mexicain (la Bolsa) a perdu 50% de sa valeur. 

Cela est dû à la désaffection du capital financier vis-à-vis du commerce et de la production, étant donné que l’on dépense des milliards de dollars dans la spéculation.

Aujourd’hui, le système financier international est devenu plus fragile que jamais. 

Les activités industrielles sont devenues une bulle d’air dans le tourbillon de la spéculation. 

C’est pourquoi l’effondrement du système monétaire international entraînerait aujourd’hui des conséquences beaucoup plus néfastes que celles du krach de 1929.

5. Accroissement de l’interdépendance internationale

Aujourd’hui, l’interdépendance entre les diverses économies nationales a atteint un niveau sans précédent. L’interdépendance a commencé à l’époque du capitalisme mercantile des XVIIe et XVIIIe siècles. 

Elle était fondée sur le commerce des esclaves en Afrique, l’économie des plantations reposant sur la main-d’oeuvre des esclaves dans les Amériques, et la production industrielle en Europe occidentale. 

Cela a conduit à une vaste accumulation de capital au XVIIIe siècle et à un marché mondial unique dans la seconde moitié du XIXe siècle. Jusqu’au milieu du XXe siècle, les pays impérialistes reposaient sur les colonies, les semi-colonies et les pays dépendants pour s’approvisionner à bon marché en matières premières, pour élargir leurs marchés et pour constituer des zones d’investissement pour leurs capitaux. 

Les colonies, quant à elles, devaient dépendre, quoique dans une moindre mesure, des pays impérialistes pour les produits manufacturés. Des pays comme les Pays-Bas, la Suède, la Suisse, la Belgique, l’Italie et l’Allemagne liaient leur prospérité, pour une part importante, au commerce international étant donné l’exiguïté de leurs propres marchés. 

Bien que les années de l’entre-deux-guerres aient perturbé le commerce international et la circulation des capitaux financiers, les deux dernières décennies ont permis d’assister à un accroissement sans précédent de l’interdépendance. 

Aujourd’hui, il y a une seule économie mondiale au sens macro-économique du terme. 

Les différents paramètres économiques variables, comme le revenu, l’inflation, le chômage, etc., ne sont pas des entités nationales indépendantes. 

Ils ne peuvent être bien saisis qu’au niveau planétaire. 

L’Etat-nation ne dispose que d’une très petite marge de manoeuvre économique et son pouvoir macro-économique est très restreint. 

Il est devenu dépendant de politiques macro-économiques édictées à l’étranger. Une crise dans un pays conduit à une autre ailleurs, comme l’a illustré la récente crise mexicaine. 

Un effondrement des cours des titres à Wall Street, Tokyo, Londres ou Francfort pourrait déboucher sur un krach dans tous les centres financiers de la planète – Paris, Sydney, Singapour, Hongkong, voire peut-être Bombay. 

Pour le dire plus crûment, si Wall Street éternue, Tokyo attrape froid et vice versa. 

Et si Walt Street attrape froid, le tiers-monde quant à lui mourra de pneumonie.

Par conséquent, avec l’interconnexion et l’intégration des économies nationales dans un seul et même système, la santé d’un seul est considérée comme dépendante de celle des autres. 

150 milliards ont été dépensés par les banques centrales en vue de stabiliser le dollar après les Accords du Louvre en 1987. 

Une fois de plus, la glissade dangereuse du dollar face aux principales devises internationales, en 1994 et début 1995, a provoqué une frénésie d’achat de dollars par le Japon, l’Allemagne et d’autres pays impérialistes, afin de soutenir la monnaie américaine. 

Car la sévère baisse de valeur du dollar pourrait avoir un impact dévastateur sur les ventes de marchandises japonaises dont les prix sont de plus en plus élevés sur le marché international.

Comme nous l’avons déjà vu, de nos jours, les marchés des capitaux et les marchés financiers, le marché des marchandises et des services, ainsi que celui du travail, deviennent de plus en plus intégrés. 

Les obstacles à la fluidité des échanges entre les pays sont démantelés. 

En 1980, les tarifs douaniers dans les pays industriels s’élevaient en moyenne à moins de 10% (ce qui constitue une énorme diminution par rapport à 1950, où ils tournaient encore aux alentours de 25%). 

En 1990, ils avaient encore été ramenés à 5% environ. Mais le protectionnisme universel pour les marchandises agricoles et les “barrières non douanières” sont toujours en vigueur (nous y reviendrons un peu plus loin).

Une proportion croissante de la production est destinée aux marchés internationaux. Dans les quatre économies européennes les plus importantes, à savoir l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et l’Italie, les importations de marchandises manufacturées s’élevaient à 30% de la consommation intérieure vers le milieu des années 1980. 

Le commerce international et les investissements se sont développés plus rapidement que la production, et ce, au cours de chaque année qui a suivi la Seconde Guerre mondiale.

En se répandant à toute la surface de la terre, la mondialisation de la production et les activités des transnationales ont provoqué une interdépendance accrue des différentes économies. 

Le commerce intra-groupe (entre une maison mère et ses filiales à l’étranger) constitue lui-même jusqu’à 40% du commerce mondial, et le top-200 des transnationales à lui seul a monopolisé les trois quarts de ces 40%.

Dans les pays du tiers-monde, les programmes d’ajustement structurel visent à ouvrir la totalité de l’économie de ces pays aux marchandises, services et investissements de capitaux en provenance de l’étranger. 

Cela facilite les opérations sauvages des transnationales et des conglomérats de services et met l’accent sur les stratégies orientées vers l’exportation. Ces programmes ont rendu les pays du tiers-monde encore plus dépendants du marché mondial.

6. Les limites de la mondialisation

Le processus de mondialisation en cours est en proie aux mêmes contradictions que celles qui caractérisaient la première phase rapide d’internationalisation. La saturation des marchés domestiques, le passage rapide à l’internationalisation du capital et les accroissements massifs des exportations de marchandises et du capital financier ont débouché sur une intensification des rivalités entre les impérialistes. 

Elle s’est concrétisée dans les guerres commerciales, les batailles de devises et l’accroissement du protectionnisme. 

On court à une confrontation militaire. 

De même, la concentration et la centralisation accrue du capital et de la production, l’apparition de trusts, d’unions, de cartels et de sociétés holding au niveau international n’avaient conduit qu’à une ruée folle sur les sources de matières premières et sur les marchés. 

Elles avaient intensifié la compétition impitoyable entre les groupes monopolistes rivaux et débouché en fin de compte sur la Première Guerre mondiale. Des contradictions similaires et même plus profondes ont fait leur apparition au sein du système capitaliste mondial en cette fin de XXe siècle.

D’une certaine façon, la situation mondiale actuelle ressemble à la situation particulièrement instable, rongée par la crise et les conflits, qui existait entre la Grande Dépression et la Seconde Guerre mondiale. L’accroissement d’intensité du conflit entre diverses transnationales, les entreprises financières et les pays impérialistes, d’une part, et le déclin drastique de la demande générale, l’endettement croissant des pays du tiers-monde et l’expansion du chômage, d’autre part, indiquent les limites de la mondialisation.

Le chaos et l’absence d’harmonie, la rupture du système international de façon à dissocier les relations commerciales et les blocs de devises, ainsi que le déclin du rôle prédominant des Etats-Unis, caractérisent de plus en plus la scène mondiale actuelle en même temps que l’interdépendance croissante des diverses économies nationales. 

Une polarisation est occupée à se produire entre les trois devises clés – le dollar américain, le deutsch mark et le yen japonais. 

L’interdépendance et l’intégration au niveau régional augmente de pair avec l’intégration au niveau mondial. 

Les blocs commerciaux régionaux et les zones de libre-échange servent en fait de bases et de tremplins à chacune des puissances impérialistes majeures afin d’asseoir leur domination mondiale.

L’Union européenne, constituée de quinze membres (anciennement Communauté européenne), a émergé comme le bloc commercial le plus puissant. On assiste maintenant à une libre circulation des marchandises, des services, du capital et de la main-d’oeuvre entre les quinze pays de l’Union européenne, au sein de laquelle la plupart des contrôles frontaliers ont été supprimés ces dernières années. 

Les Etats-Unis, eux aussi, ont contracté des accords de partenariat avec des pays de l’Europe de l’Est, les Etats baltes et les pays de l’ex-URSS.

Depuis 1985, les membres de l’Union européenne ont été les investisseurs les plus importants en Yougoslavie, en Tchéquie et en Slovaquie, en Hongrie, en Russie, dans certaines parties du Moyen-Orient et en Afrique du Nord, voire même au Brésil. 

Le stock mondial des investissements de l’Union européenne a atteint le même niveau que celui des Etats-Unis à la fin des années 1980. Dans plusieurs pays d’Amérique latine, on assiste à une rivalité économique croissante entre les Etats-Unis, le Japon et l’Union européenne.

C’était en fait l’expansion économique agressive des firmes américaines depuis les années 1950 qui avait indiqué la voie à cette nouvelle phase de mondialisation. 

Après la Seconde Guerre mondiale, pendant près de trois décennies, l’impérialisme américain a chaudement défendu les quatre libertés expansionnistes – liberté d’entreprise, de concurrence, d’accès et d’échange. 

La suprématie industrielle et le rôle prédominant des Etats-Unis, les importantes ressources de crédit à la disposition du gouvernement et des entreprises, l’apparition du dollar en tant que nouvelle devise internationale de réserve ont été les instruments de cette phase. 

Mais au cours des années 1980, ce sont ces mêmes transnationales américaines qui ont commencé à mener campagne pour protéger le marché américain contre l’invasion des automobiles et appareils électroniques japonais et les marchandises européennes. 

Le libre-échange a donc ouvert la voie aux barrières douanières et non douanières au moment même où la compétitivité des firmes américaines et la productivité de la main-d’oeuvre américaine amorçaient un déclin comparable à celui du Japon et de l’Allemagne au début des années 1980. 

La part américaine dans la somme mondiale des avoirs directs à l’étranger a baissé de 47% en 1960 à 28% en 1989. 

Les Etats-Unis, qui détenaient la première position dans le développement de la plupart des technologies de pointe, ont maintenant cédé cette position au Japon en ce qui concerne les microprocesseurs, les équipements de fabrication des semi-conducteurs, la robotique, les machines-outils à contrôle numérique, l’optoélectronique et les autres secteurs stratégiques. 

La créativité américaine dans le cadre de la recherche et développement s’est de plus en plus confinée à l’industrie de défense, à la production d’armes de destruction massive de plus en plus sophistiquées.

Le volume des exportations allemandes de marchandises a atteint aujourd’hui le même niveau que celui des Etats-Unis entre 1982 et 1991, le déficit cumulé de l’Amérique par rapport au Japon a été multiplié par 5,5, et par rapport à l’Allemagne, par 7.

Afin de combler sa perte de compétitivité commerciale par rapport au Japon et à l’Union européenne et pour compenser sa perte de marchés et ses moindres investissements dans une grande partie de l’Europe, au Moyen-Orient et dans la région Asie-Pacifique, les Etats-Unis ont dû resserrer leur emprise sur les économies latino-américaines.

La formation de l’ALENA (NAFTA en anglais) a converti l’Amérique du Nord en zone de libre-échange et la plupart des contrôles frontaliers entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique ont été supprimés. 

Il existe également des projets de constituer un bloc commercial encore plus important qui couvrira l’Amérique du Nord, centrale et du Sud dans ce qu’on appellera “l’Initiative pour les Amériques”.

Le Japon est devenu aujourd’hui le principal partenaire commercial de la Corée du Sud, de Singapour, de la Malaisie et de l’Indonésie. C’est également le principal investisseur étranger à Taiwan, en Corée du Sud, en Indonésie, en Thaïlande, à Hongkong et aux Philippines. 

A la fin des années 1980, le stock mondial total des investissements japonais a atteint environ le tiers de celui des Etats-Unis ou de l’Union européenne, et il s’est accru beaucoup plus rapidement depuis du fait de la hausse du yen. 

Le Japon essaie actuellement de former un bloc séparé indépendant dans la région Asie-Pacifique.

Les guerres commerciales entre ces blocs économiques augmentent. 

Les barrières non douanières telles que les restrictions volontaires à l’exportation qui limitent les exportations japonaises en Europe et aux Etats-Unis ont gagné en importance. 

Ces contradictions croissantes entre les impérialistes vont déboucher sur une augmentation des mesures protectionnistes qui vont saper le processus de mondialisation.

Mais il y a d’autres entraves sévères au processus de mondialisation comme le déclin de la demande mondiale de biens et de services ou l’endettement non seulement du tiers-monde mais également des pays impérialistes, le chômage qui monte en flèche, l’inflation et l’appauvrissement des masses.

En fait, tous les ingrédients du processus de mondialisation, la privatisation, la suppression des règlements, la dévaluation des monnaies, la libéralisation des échanges et autres politiques en faveur du “marché libre” – c’est-à-dire en gros tout ce que préconisent vigoureusement à travers le monde les firmes et les banques transnationales et les sociétés géantes de commerce – sont devenus des obstacles sérieux à la poursuite de la mondialisation. 

En effet, cela diminue le pouvoir d’achat de l’immense majorité des habitants de la planète et provoque un déclin important de la demande mondiale en biens et services. 

Les industries domestiques ont été détruites, incapables de résister à l’assaut des transnationales et des importations à bon marché. 

Le monde paysan s’est appauvri, voire paupérisé, du fait de sa dépendance vis-à-vis d’un marché mondial où les prix des marchandises agricoles sont contrôlés par un petit nombre de firmes spécialisées dans l’agro-alimentaire. 

Les travailleurs sont exclus du marché de l’emploi suite aux privatisations, à l’automatisation et aux restructurations. 

La majorité de la population s’est appauvrie suite à la cherté croissante de la vie et aux restrictions draconiennes pratiquées par les gouvernements dans les dépenses sociales.

La dette extérieure totale des pays du tiers-monde a doublé entre 1982 et 1993, passant de 819 milliards à 1.712 milliards de dollars. 

Ces mêmes pays du tiers-monde sont forcés de transférer annuellement vers les pays impérialistes 50 milliards de dollars pour les charges de la dette. 

Et, afin de rembourser cette dette, ce sont encore les masses appauvries qui sont mises à contribution par le biais de taxes indirectes et de coupes sombres dans les salaires. 

En outre, la dépendance excessive du tiers-monde vis-à-vis du marché mondial, et ce au nom de la mondialisation, conduit à la marginalisation de ces économies et à la paupérisation des masses. 

Par conséquent, tant les gouvernements du tiers-monde que les gens, accablés par le fardeau de la dette, achètent de moins en moins de marchandises en provenance des transnationales. 

La fuite des capitaux du tiers-monde a atteint des proportions alarmantes. 

Entre 1982 et le premier trimestre de 1994, environ 206 milliards de dollars ont été transférés d’Amérique latine vers les Etats-Unis.

Même aux Etats-Unis, en Europe et au Japon, la demande de marchandises a baissé, à cause du déclin des salaires réels, de la montée du chômage et d’une détérioration générale des niveaux de vie. 

Même les gouvernements ont fini par s’endetter lourdement et sont forcés de dépenser moins dans le secteur social. 

L’Amérique fournit l’exemple extrême d’une économie rongée par la dette.

Entre 1980 et 1991, la dette fédérale globale a augmenté de 13,3%; la dette des ménages et celle des entreprises respectivement de 9,3 et de 7,8%. 

La dette combinée représente la somme colossale de 10.500 milliards de dollars, et elle s’accroît à un taux annuel de 10%. 

Sur base d’un intérêt annuel modéré de 7% sur cette dette, les remboursements des intérêts par les Etats-Unis tourneraient autour de 733 milliards de dollars par an. 

La dette fédérale américaine, qui représentait environ 900 milliards de dollars en 1981, a quadruplé pour se chiffrer à 3.600 milliards de dollars en 1992. 

Par conséquent, le gouvernement américain, qui jusqu’alors avait consommé une part appréciable des marchandises produites, n’est plus capable d’absorber de nouveaux achats du fait du lourd fardeau de la dette. La dette des ménages aussi s’est développée rapidement, passant de 1.800 milliards de dollars en 1980 à 4.800 milliards en 1991. 

Ce qui explique que la demande de marchandises de la part des consommateurs américains ait baissé de façon drastique. Excepté l’achat de nouvelles marchandises, les consommateurs américains sont maintenant forcés de rembourser les prêts qu’ils ont reçus auprès des banques.

L’endettement international, c’est-à-dire les dettes totales de tous les gouvernements, entreprises et ménages réunis, a dépassé les 30.000 milliards de dollars et il croît à un taux annuel de 8 à 10%. La dette conduit de plus en plus à une dépression de la demande mondiale.

Le chômage s’est accru pour atteindre dans le monde capitaliste des niveaux records rappelant la crise des années 1930. 

Le nombre total officiel de chômeurs aujourd’hui dans les pays de l’OCDE tourne autour des 38 millions. 

Il y en a encore beaucoup plus qui sont sous-employés.

Selon l’Organisation internationale du Travail (OIT), quelque 30% de la main-d’oeuvre mondiale est au chômage ou sous-employée. 120 millions de personnes sont recensées comme étant sans travail et 700 millions sont sous-employées, ce qui signifie clairement que 820 millions de personnes sont réellement exclues, entièrement ou partiellement, d’une économie mondiale aujourd’hui presque totalement dominée par le capitalisme. 

Un tel chômage massif est une aubaine pour les transnationales qui peuvent ainsi obtenir de la main-d’oeuvre à bon marché et réaliser des profits extraordinaires.

Mais les conditions de vie de la majorité écrasante des peuples du monde se détériorent, et elles sont donc appelées à provoquer une sérieuse instabilité sociale et politique en même temps qu’un développement accru de mouvements populaires.

La mondialisation de l’économie mondiale conduit, par conséquent, à une sévère crise économique, sociale et politique qui, à son tour, devient inévitablement un obstacle à une mondialisation ultérieure.

7. L’impact de la mondialisation sur le prolétariat mondial et les opprimés

Nous avons déjà vu l’effet de la mondialisation sur les diverses classes sociales et sur la classe ouvrière en particulier.

La crise économique mondiale qui a commencé au début des années 1970 a vu le démantèlement des prétendus Etats-providence qui ont été créés après la grande crise des années 1930, et plus particulièrement après la Seconde Guerre mondiale.

Depuis la fin des années 1970, pratiquement tous les gouvernements, qu’il s’agisse de ceux des républicains Reagan et Bush ou du démocrate Clinton, de ceux de la conservatrice Thatcher ou du “socialiste” Mitterrand, ou encore de ceux du “communiste” Deng Xiao Ping ou d’un quelconque comprador du tiers-monde, ont remplacé la politique keynésienne préconisant la réglementation étatique de l’économie par le marché libre tel que le défendent les conservateurs néo-libéraux du type Hayek et Milton Friedman. 

Aux yeux des transnationales et des spéculateurs financiers du monde, les politiques keynésiennes, qui les avaient aidés à accumuler d’énormes surplus au cours de la période du boom des années 1950 et 1960, étaient devenues, avec le début de la crise des années 1970, des obstacles à une plus ample accumulation. 

La libéralisation, la privatisation et la suppression des règlements étaient devenues les nouveaux chevaux de bataille des transnationales et des financiers internationaux de la planète, pour lesquels toute forme de structure régulatrice prend des allures d’étouffoir et d’entrave à leurs opérations à l’échelle mondiale. En outre, si l’on s’en tenait à la politique keynésienne consistant à fournir du plein-emploi (quelles que soient ses limitations), il devenait plus difficile au capital de trouver de la main-d’oeuvre à bon marché. Les politiques préconisant le marché libre s’avéraient donc nécessaires afin de créer une espèce d’immense armée de réserve composée de sans-emploi, et ce, dans l’intention de briser le pouvoir de négociation des travailleurs et d’obtenir par-là même une main-d’oeuvre à meilleur marché.

Les politiques prônant la liberté de marché et les programmes d’ajustement structurel imposés par le FMI et la Banque mondiale ont entraîné pour la grande majorité des habitants de la planète une pauvreté de plus en plus généralisée, ainsi que dénuement, misère et maladie.

Les travailleurs des pays impérialistes sont forcés de mener des batailles plus dures contre les réductions salariales, les hausses de cadences, les plans d’austérité, la réduction des dépenses sociales et pour toute une série d’autres droits. 

Même la promesse solennelle des mesures Medicare et Medicaid annoncés par Clinton au cours de sa campagne électorale (la réforme des soins de santé a constitué le seul facteur prépondérant dans sa victoire en 1992) a été laissée en suspens du fait des pressions des transnationales et de la rareté des fonds publics. 

La plupart des Etats des Etats-Unis connaissent d’énormes déficits budgétaires et ils ont donc rogné fortement sur les dépenses sociales. 

De ce fait, les Noirs et les gens de couleur sont devenus un problème particulièrement épineux. 

Les ghettos à l’intérieur des villes se multiplient. 

Les conditions d’existence, même parmi la classe moyenne, dégénèrent de façon alarmante. De nos jours, le travail contractuel et les boulots à temps partiel sont devenus une caractéristique générale de tous les pays industrialisés.

Toutes ces situations incitent la classe ouvrière, même dans les pays impérialistes, à déclencher des luttes radicales. 

Le processus de mondialisation met donc également en exergue la nécessite d’organiser les luttes de la classe ouvrière à une échelle mondiale. 

Il renforce aussi le fondement objectif de l’unité des deux courants dans le monde de la révolution socialiste: les mouvements ouvriers dans les pays impérialistes et les révolutions démocratiques nationales anti-impérialistes dans les pays du tiers-monde. 

La tâche du prolétariat mondial consiste à utiliser la situation révolutionnaire favorable qu’a provoquée la mondialisation de l’économie mondiale.

Notes

1 Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, Oeuvres complètes, Edition du Progrès, Moscou, Tome 2, p.244-245.
2 Lénine, op. cit., p.258.
3 The Changed World Economy, Foreign Affairs, Spring, 1986.
4 The Economist, 27 avril 1991.
5 Peter Drucker, The Changed World Economy, cité dans “Globalisation – to what end? , Harry Magdoff.

=>Retour au dossier sur Charu Mazumdar
et le PC d’Inde (marxiste-léniniste)

PCI (ML) – Guerre Populaire : Expériences de la lutte armée en Inde

Parti Communiste d’Inde Marxiste-Léniniste / Guerre populaire 

Expériences de la lutte armée en Inde 

Avril 1996
 

« La prise du pouvoir étatique par la force armée, le règlement de ce problème par la guerre, est la forme la plus importante et la plus noble de la révolution. 

Mais alors que le principe reste le même (pour tous les pays), son application par le Parti du prolétariat trouve son expression de diverses façons selon les conditions variables qui peuvent se présenter. » 

Voilà, la conception de Mao Zedong.
L’application de ce principe aux conditions concrètes de l’Inde est l’une des caractéristiques majeures qui dans notre pays permet de distinguer les partis révolutionnaires des partis révisionnistes. 

Ces derniers, qui représentent toutes les tendances, ont rejeté la lutte armée en refusant la voie de la guerre populaire prolongée. 

Certains partis qui avaient accepté cette voie en théorie n’ont pas réussi à déclencher ni même à préparer la lutte armée, invoquant l’excuse que pour l’instant le pays n’offre pas de situation favorable à la révolution.

Dans un pays semi-féodal et semi-colonial comme l’Inde, caractérisé par un développement économique, social et politique inégal, il est impossible d’organiser une révolution à travers tout le pays au même moment. 

Le Parti Communiste d’Inde (marxiste-léniniste) (People’s War) (Guerre du Peuple), en abrégé le pci(ml)(pw) adhère fermement au point de vue maoïste. 

Selon ce principe il est possible et nécessaire de déclencher la lutte armée dans des régions attardées et soigneusement choisies au préalable, puis de l’étendre progressivement à d’autres régions, pour en fin de compte s’emparer des villes afin d’achever la victoire à l’échelle du pays tout entier.

Après avoir analysé les caractéristiques spécifiques et les données spéciales de l’Inde, notre Parti a choisi des régions arriérées, stratégiquement importantes pour pouvoir mener une guerre de guérilla et construire des zones de guérilla ainsi que des zones d’implantation. 

C’est dans cette perspective que notre Parti a mené la lutte armée ces seize dernières années, depuis sa formation le 22 avril 1980.

Notre Parti a subi une sévère répression de la part des forces ennemies et a fait progresser la lutte dans le Nord Telengana et le Dandakaranya au point de réussir la constitution de zones de guérilla de premier niveau. 

Il a également été à même de déclencher et de faire progresser la lutte armée dans certaines autres régions du pays et il a réussi à l’associer à d’autres formes de lutte.

Aperçu historique

L’Inde est un vaste pays agraire avec une population de 945 millions d’habitants. C’est un pays à plusieurs nationalités et divisé en différents Etats, donc chacun a plus ou moins la taille d’un pays européen. L’impact de la Révolution russe de 1917 a été considérable sur les mouvements asiatiques qui luttaient pour leur indépendance en affrontant la domination coloniale. 

En conséquence, au cours des années 20, des partis communistes apparaissent dans de nombreux pays d’Asie. Le Parti Communiste de l’Inde (pci) est fondé en 1925. 

Mais bien qu’il ait joué un rôle actif au cours des luttes contre les Britanniques, il n’a pas réussi à donner la priorité au mouvement anti-impérialiste. 

En outre, il agissait comme s’il était une aile du Parti du Congrès (le principal représentant de la grande bourgeoisie compradore, et des classes des grands propriétaires terriens), qui avait réussi à détourner le peuple indien de la lutte de libération nationale proprement dite et est finalement parvenu à prendre le pouvoir en collusion avec l’impérialisme britannique.

Le pci, cependant, a mené quelques combats glorieux, comme l’insurrection armée du Telengana de 1946 à 1951 et la révolte de Tebhaga, au Bengale. 

Bien que le Telengana ait montré la voie de la révolution indienne, la direction du pci ne témoignait pas d’une compréhension très nette de la voie, des perspectives, de la stratégie et des tactiques de la révolution indienne. 

Et de fait, le parti abandonne la lutte armée en 1951 et emprunte la voie parlementaire. 

La mort du camarade Staline et la montée du révisionnisme khrouchtchévien catalysent internationalement sa transformation en un parti totalement révisionniste. 

Le Grand Débat de la fin des années 50 et des années 60 entre le pcc (Chine) et le pcus (Union soviétique) a exercé un profond impact sur le mouvement communiste indien. 

Combiné à d’autres facteurs, cela a amené entre autres la formation du pci(m). 

Mais le pci(m) refusait également de marquer une rupture complète avec la politique révisionniste. Le mécontentement des révolutionnaires communistes purs à l’intérieur du pci(m), en même temps que l’impact de la Grande Révolution Culturelle et Prolétarienne, débouche finalement sur l’insurrection de Naxalbari, en 1967.

Le tournant historique

En 1966, la politique des classes dirigeantes indiennes s’est exacerbée par une crise politique et économique. 

Au cours de ces années, ceux qui tiraient gloire de leur qualité de dirigeants du mouvement communiste de l’Inde, se chargent d’enjoliver les lignes de conduite de la classe dirigeante et de garder le peuple soumis à toutes sortes de moyens idéologiques trompeurs. 

Leur opportunisme profondément ancré, leur longue période de suivisme vis-à-vis du Parti du Congrès, leur loyauté à Nehru et à sa famille plutôt qu’au marxisme-léninisme et au peuple, leur attachement à la voie de la paix, etc. déçoivent profondément les rangs communistes; où ils sont reconnus comme des agents étrangers à l’intérieur du mouvement communiste. 

Les événements qui se déroulent à l’époque sur le front international – les luttes historiques des marxistes-léninistes conduits par Mao Zedong contre le révisionnisme moderne dirigé par les leaders soviétiques, la marche victorieuse des luttes de libération nationale au Viet-Nam et partout ailleurs, l’insurrection des jeunes en Europe et en Amérique et la Grande Révolution Culturelle et Prolétarienne en Chine – activent grandement le ferment idéologico-politique présent en Inde.

Naxalbari a permis aux communistes d’établir clairement la différence entre le communisme révolutionnaire et l’opportunisme. Un tournant de l’histoire a été franchi.

Dans ce petit village du Bengale occidental, des paysans avaient pris les armes contre les propriétaires terriens et l’Etat. 

Guidé par la pensée de Mao Zedong, le camarade Charu Mazumdar avait assuré la direction des cadres et des paysans de Naxalbari. 

Les dirigeants indiens, avec la collaboration indéfectible, des partis révisionnistes, ont maté sans la moindre pitié, cette révolte paysanne. 

Mais depuis Naxalbari, le mouvement communiste indien et la politique indienne n’ont plus jamais été les mêmes. 

Cette révolte a servi d’introduction à la politique de la lutte armée et a provoqué une rupture complète avec la politique révisionniste. L’appel de Naxalbari n’avait pas été lancé uniquement dans l’intention de confisquer des terres, mais aussi dans le but de s’emparer du pouvoir. 

Il analysait correctement le caractère de classe de la société indienne en la définissant comme étant semi-féodale et semi-coloniale; la révolution était de type néo-démocratique et la voie à choisir était celle de la guerre populaire prolongée. 

Sur cette base, et en optant pour l’idéologie marxiste-léniniste-maoïste de Mao Zedong, un nouveau parti, le Parti Communiste de l’Inde (marxiste-léniniste) est fondé le 22 avril 1969. 

En mai 1970, a lieu le 8e Congrès – pour suivre la numérotation du pci et du pci(m) – et un programme, des statuts et un rapport politique et organisationnel sont adoptés. 

Mais, à cause de certaines erreurs tactiques « gauchistes », le Parti n’est pas capable de faire face à la brutale répression lancée par l’ennemi contre le mouvement révolutionnaire. 

Pendant deux longues années, des milliers de révolutionnaires sont massacrés, des milliers d’autres emprisonnés et brutalement torturés, et la direction du parti décimée. 

Après 1972, avec le martyre du camarade Charu Mazumdar, le mouvement connaît une période de désarroi; il se scinde en un certain nombre de petits groupes dont le fonctionnement est local.

Processus vers la réunification

Après 1972, de petits groupes font des tentatives répétées en faveur de la réunification. 

Trois tendances principales se dégagent: ceux qui continuent à soutenir l’ancienne ligne ultra-gauchiste prônant l’annihilation; d’autres qui se laissent glisser vers la ligne opposée de l’opportunisme de droite et qui en viennent à compter essentiellement sur la participation aux élections; d’autres encore, qui cherchent à rectifier les erreurs gauchistes tout en poursuivant la voie de la guerre populaire prolongée. 

C’est au sein de cette troisième tendance que le pci(ml)(pw) est fondé en 1980. Le rétablissement de ce centre est effectué sur base d’une révision autocritique des dix dernières années, d’une ligne tactique, et du développement d’un vaste mouvement révolutionnaire dans l’Andhra Pradesh, adoptant la révolution agraire armée comme tâche principale.

L’autocritique analysait les aspects positifs et négatifs de la ligne formulée à partir de Naxalbari et sa pratique. 

De cette analyse, le Parti a pu tirer certaines leçons et développer une ligne tactique.

Les principales caractéristiques positives de Naxalbari et du pci(ml) étaient les suivantes:

  1. Son analyse de la société indienne, semi-féodale et semi-coloniale, était correcte.
  2. Il soulignait à juste titre que la voie de la révolution était la révolution agraire armée et, avec tout autant de clairvoyance, il rejetait la voie parlementaire.
  3. Il établissait une démarcation très nette entre le marxisme et le révisionnisme, et il dénonçait clairement l’URSS en tant que puissance social-impérialiste.
  4. Il faisait une analyse pertinente de l’Inde en tant que pays à plusieurs nationalités et il soutenait ouvertement les luttes menées par les diverses nationalités pour obtenir leur autodétermination.
  5. Il défendait correctement la Chine socialiste de l’époque et exposait les desseins expansionnistes des classes dirigeantes indiennes à l’égard de leurs voisins.
  6. Il diffusait largement la pensée de Mao Zedong et bâtissait le Parti selon les principes léninistes.
  7. Il ne limitait pas l’appel à la révolution armée à de simples résolutions. Des milliers de jeunes et d’étudiants furent amenés à se rendre dans les zones rurales, à s’intégrer à la paysannerie et à l’éveiller à la révolution.

Les imperfections étaient:

  1. Il avait fait une mauvaise estimation de l’époque et une évaluation erronée de la situation nationale et internationale – fondamentalement il surestimait les conditions objectives qui avaient conduit à des erreurs gauchistes dans le choix de ses tactiques.
  2. Il évaluait de façon tout aussi erronée les forces subjectives: il existait une tendance à se lancer sans arrêt dans des actions sans préparation suffisante de la force subjective.
  3. Il lançait des appels et des slogans impossibles à appliquer.
  4. Il niait le besoin de construire des organisations de masse et le besoin d’adopter des formes variées de lutte.
  5. Il adoptait des tactiques aventureuses dans les villes.
  6. Il adoptait des méthodes bureaucratiques dans le fonctionnement du Parti.

Compte tenu de cette analyse historique concrète, et se basant sur la force de leur vaste mouvement dans l’Andhra Pradesh, les camarades de l’Andhra ont pris des initiatives destinées à réorganiser le centre pour les groupes disséminés de révolutionnaires.

Le 22 avril 1980, se basant sur cette analyse et sur une nouvelle ligne tactique, le pci(ml)(pw) est constitué. 

Il tire son nom de son organe clandestin, People’s War (Guerre Populaire). 

Le nouveau Comité central est constitué au cours de la lutte simultanée contre des déviations de gauche et de droite dans les mouvements révolutionnaires.

Répression et résistance

Fin des années 70: vers une nouvelle vague de luttes populaires

Tout au long des années soixante et compte tenu des éléments mentionnés ci-dessus, d’importantes sections de jeunes de l’Andhra Pradesh vont s’inspirer de la politique révolutionnaire. 

Des branches de l’Union Radicale des Etudiants (rsu, Radical Students Union) s’établissent un peu partout dans les collèges d’Etat et même dans de nombreuses écoles. 

La Ligue Radicale des Jeunes (ryl, Radical Youth League) s’établit plus tard dans les villages, les villes, les bidonvilles, etc. 

Les ailes culturelles, le rwa (Revolutionary Writers Association – Association des Ecrivains Révolutionnaires) et le jnm (Jana Natya Mandali – le Groupe de Théâtre Populaire) jouent désormais un rôle important dans l’éveil des masses. 

Le rwa, avec ses poèmes, ses nouvelles et ses romans, crée un climat favorable à la révolution parmi les gens instruits et influence même l’intelligentsia; tandis que la jnm, avec ses chants, ses danses et ses ballades légendaires, conduit des milliers de gens à accepter la politique révolutionnaire.

Comme le Parti prend une certaine ampleur, il est possible d’envoyer des cadres à la campagne pour s’intégrer à la paysannerie, propager la politique révolutionnaire et organiser les luttes antiféodales. Au cours des vacances d’été, des milliers d’étudiants, par groupes de sept à dix, se rendent dans les villages dans le cadre des campagnes « Allez au village! », afin de propager la politique révolutionnaire, et de construire les unités des ryl. 

En 1978, les efforts aboutissent à un grand rassemblement paysan dans le district de Karimnagar, dont le point culminant est une énorme procession de 30.000 personnes dans le Jagityala Taluka Centre. Le mouvement paysan se répand rapidement dans les districts de Adilabad, Warangal et Nizamabad. 

Des luttes menées par des étudiants et des jeunes se propagent également à travers l’Andhra Pradesh au cours des années 1978-80.

1980: un pas vers la forêt

Vu l’importance croissante du mouvement, la répression s’intensifie. Arrestations en masse, tortures brutales et destruction des biens du peuple deviennent monnaie courante. 

Le Jagityala et les talukas voisines de Siricilla sont déclarés « zones de troubles » par l’Etat, qui installe de cette manière une autorité fasciste sur la région. A ce stade, le Comité de l’Etat d’Andhra Pradesh prend la décision d’intensifier ces luttes en projetant d’établir une zone de guérilla dans les districts de Karimnagar, Adilabad, Warangal et Khammam. 

Le document Notre ligne tactique avait déjà expliqué qu’une zone de guérilla est « une zone intermédiaire où les deux camps en même temps, le régime réactionnaire et les forces révolutionnaires, sont en lutte pour s’assurer le contrôle total; alors qu’aucun des deux camps n’est capable d’établir un régime stable. »

Le Projet de Zone de Guérilla expliquait la nécessité d’envoyer des pelotons dans les forêts. En accord avec cette ligne, en 1980, le Parti prend la décision d’envoyer un tiers des cadres dans les forêts. 

En 1980-81, un total de sept pelotons pénètre dans les forêts du Dandakaranya (la vaste ceinture forestière de l’Inde centrale qui comprend des parties de l’Andhra Pradesh du Maharashtra, du Madhya Pradesh et de l’Orissa). 

Durant la période de 1980-84, guidées par notre Parti, les luttes paysannes dans le Nord Telengana et le Dandakaranya prennent une tournure militante. 

L’organisation s’étend progressivement à de nouvelles zones et la conscientisation des masses atteint de hauts niveaux. 

On constitue différentes organisations de masses parmi les tribus, telles les dakms (Organisation tribale des paysans et des travailleurs de Dandakaranya) et, plus tard, les kams (Organisation tribale des femmes révolutionnaires). 

La structure organisationnelle de ces organisations de masse et du Parti se développe et se consolide. 

Parallèlement aux luttes paysannes, les escarmouches avec les propriétaires terriens se multiplient. En dépit de la répression organisée par l’Etat, le mouvement s’étend à de nouvelles zones. 

Des modifications indispensables sont apportées à la structure du Parti et des pelotons au fur et à mesure que le mouvement gagne en importance.

1985-87: la première vague de répression

En 1985, le gouvernement central et celui de l’Etat déclenchent une guerre non déclarée contre le mouvement. 

Pour contrer cette attaque, le Parti formule ses tactiques de la guerre d’autodéfense en mai 1985. 1985-1987 représente une période sombre où le mouvement subit de nombreuses pertes et où l’ennemi prend le dessus. 

Cependant, le Parti est à même de résister aux attaques de l’ennemi en comptant avant tout sur le peuple opprimé, en consolidant les pelotons et en organisant des représailles armées contre l’offensive ennemie. 

A la mi-août 1988, la fortune commence à tourner. 

Fin 1989, le mouvement de résistance armée finit par prendre le dessus. 

Durant cette période, la lutte armée est toujours aussi intense et la « guerre non déclarée » du gouvernement est battue en brèche et repoussée. Le mouvement peut donc se retrancher dans des positions solides.

1990: un bref répit

En 1990, à cause de contradictions au sein des classes dirigeantes et de pression croissante du mouvement populaire, le nouveau gouvernement du Congrès en Andhra Pradesh ralentit la répression pendant un moment. 

Le Parti en tire avantage en se concentrant sur la consolidation de ses propres unités, sur les organisations de masse au niveau des villages, sur les pelotons de défense des villages, et sur les pelotons armés réguliers; il étend le mouvement à de nouvelles zones, et dirige les luttes du peuple contre de nombreux problèmes. 

Une foule de rassemblements, de démonstrations et d’actions de masse militantes ont lieu, bloquant les chemins de fer, ou perturbant le trafic routier. 

Les paysans durcissent leurs exigences afin d’obtenir de l’électricité pour l’irrigation; la fourniture appropriée d’engrais et de pesticides non dilués; l’octroi de prix de base raisonnables pour la canne à sucre, le tabac, le coton, etc.; l’annulation de la dette des paysans; l’octroi assuré de crédits auprès des coopératives et des banques. 

La force des rassemblements au niveau de la taluka se situe entre 10.000 à 40.000 personnes, tandis qu’au niveau du district ce nombre dépasse bien souvent les 100.000 personnes.

Finalement, ce mouvement de masse connaît son apogée lors de la réunion de la Conférence du Tiers Etat de la Ryatu Coolie Sangam (rcs: organisation des paysans) de Warangal les 5 et 6 mai 1992: plus d’un million de personnes sont présentes.

Jusqu’à cette époque, les partis révisionnistes proclamaient à qui voulait l’entendre que nous n’étions qu’une équipe de terroristes sans soutien parmi la masse. 

Le groupe Vinod Mishra du pci(ml) (maintenant dans le camp du pci-pci(m) ) prétendait également la même chose. 

Mais ces rassemblements gigantesques et ces luttes de masse ont fait taire la campagne de désinformation des révisionnistes.

Or, pendant cette période, le Parti se concentre surtout sur la lutte pour les terres: on entreprend sur une grande échelle l’occupation des fiefs des grands propriétaires par la paysannerie pauvre et sans terre. 

Les propriétaires terriens qui sont restés dans le Nord Telengana fuient les villages, où l’autorité féodale a été quasiment réduite à néant.

1991: seconde vague de répression

En 1991, la répression gouvernementale s’acharne plus violemment encore sur le mouvement. Jusqu’en 1991, les opérations de police étaient organisées séparément par les gouvernements respectifs des Etats. 

Mais cette fois, le gouvernement central met sur pied une « Cellule centrale » qui dépend directement du ministère de l’Intérieur. 

En outre, un Commandement commun des opérations est instauré pour organiser la guerre d’élimination. En décembre 1991, il envoie précipitamment des bataillons de la bsf (Border Security Force – Force de sécurité des frontières) et de l’itbp (Indo-Tibetan Border Police – Police frontalière indo-tibétaine) au Telengana pour renforcer les effectifs importants qui s’y trouvent déjà et qui appartiennent aux crpf (Central Reserve Police Force), cisf et apsp. 

En mai 1992, le gouvernement de l’Andhra Pradesh décrète l’interdiction du pci(ml)(pw) et de sept organisations révolutionnaires de masse qui représentent les fers de lance du mouvement (comprenant le rsu, le ryl, le rcs, le jnm et le sikasa: les organisations de masse des étudiants, de la jeunesse, de la paysannerie, du secteur culturel, des artistes et des travailleurs. 

De ce fait, ce qui constitue au début une guerre non déclarée se transforme désormais en une opération de contre-insurrection à grande échelle. 

Des horreurs massives, des meurtres dûs à de « faux rendez-vous » et des « redditions » forcées deviennent les caractéristiques dominantes de la campagne de suppression. 

En dix mois environ, quelque 160 « faux rendez-vous » sont programmés, tuant près de 200 personnes. 

Des milliers d’autres sont arrêtées et torturées, des maisons sont saccagées, des récoltes et des propriétés, pour une valeur de plusieurs milliards de roupies, sont détruites au cours de raids particulièrement violents effectués par les forces armées de l’Etat.

Au vu de ces nouvelles conditions de répression, les grands rassemblements de l’année précédente ne sont plus possibles, mais la paysannerie commence à résister aux forces gouvernementales en adoptant de nouvelles méthodes. 

En dépit du soutien actif de l’Etat, les propriétaires terriens sont incapables de réoccuper leurs terres. 

Même si les moissons sont récoltées par les propriétaires, les paysans pauvres s’en emparent. 

Les luttes concernant la cueillette des feuilles de tendu et pour l’obtention de salaires plus élevés continuent elles aussi. 

Les organisations de masse se reforment elles-mêmes en comités clandestins plus efficaces. 

Alors que, dans le passé, la paysannerie manifestait souvent sa réprobation et sa douleur en se contentant d’attaquer les propriétés du gouvernement, dorénavant elle à fait graduellement appel à la résistance armée de masse. 

Sous la direction des pelotons locaux de défense villageoise (Gram Rakshak Dals ou grd), des détachements assez importants, comptant entre 50 et 100 personnes, voire plus, organisent la défense collective et harcèlent les troupes ennemies. 

Les pelotons de la guérilla armée rendent coup pour coup à l’offensive ennemie grâce à des embuscades dressées contre les véhicules ennemis, des attaques contre certains commissariats de police ou contre des avant-postes isolés à l’intérieur des régions, et en éliminant purement et simplement certains fonctionnaires de la police qui se sont conduits de façon particulièrement cruelle. 

Le peuple soutient avec enthousiasme les pelotons de la guérilla armée et leur fournit des abris, de la nourriture et un passage sûr au milieu des raids de la police et des opérations de ratissage et de patrouille. 

La résistance armée du peuple reçoit le support actif des combattants de la guérilla, qui l’orientent vers la constitution et le développement d’une milice populaire forte.

Les leçons de notre expérience

Lorsqu’il fut décidé en 1980 de développer le Nord Telengana en zone de guérilla, nous ne disposions pas encore de pelotons armés de guérilleros. 

Ce fut seulement à cette époque qu’apparut une première forme élémentaire de structure militaire, populairement connue sous le nom de Système 1 + 2 (chaque organisateur était accompagné par deux membres du peloton). 

En 1985, tous les centres du Nord Telengana avaient adopté le Système 1 + 2. Ce schéma continua à être utilisé au Nord Telengana jusqu’en 1987. 

Entre 1987 et 1989, vu que la répression gagnait en intensité, ces Sections 1 + 2 se développèrent pour constituer des pelotons comptant entre cinq et sept membres. Aujourd’hui, selon le terrain, des pelotons de sept, neuf ou onze membres fonctionnent dans la zone. 

Au Dandakaranya, les pelotons forestiers ont débuté avec cinq membres et aujourd’hui, ils fonctionnent avec onze membres.

La compétence militaire des pelotons a augmenté de façon significative, alors qu’elle était absolument nulle au début. 

Entre 1980 et 1984, les organisateurs et les pelotons étaient capables d’isoler et de mettre à genoux les ennemis locaux. Au cours de cette période, les rencontres avec la police étaient rares. 

Mais vu que les autorités féodales se faisaient régulièrement écraser, les forces de l’Etat commencèrent à adopter une attitude de plus en plus agressive. 

Depuis 1985, dans le cadre de notre guerre défensive, des pelotons de guérilla entreprennent des actions contre des officiers de police ayant fait preuve de cruauté. 

Depuis 1987, nous dressons des embuscades contre les troupes en patrouille. 

Nos pelotons résistent à la police et aux troupes de l’Etat grâce à des raids et à des embuscades mis sur pied avec la coopération des masses. 

Aujourd’hui, les pelotons se déplacent en formation militaire.

Comme Mao l’avait dit, c’est en faisant la guerre que nous apprenons la guerre et que nous développons notre connaissance de la science de la guerre. Les normes de recrutement ont été rehaussées. 

La discipline dans les pelotons a été renforcée en les soumettant à des règlements. En outre, parallèlement à l’intensification de la résistance armée et à l’augmentation du nombre de pelotons, le niveau des masses a augmenté lui aussi. 

Selon ce processus, pour la mi-1985, les premiers pelotons de guérilla au Dandakaranya se sont développés en pelotons relativement mieux entraînés et mieux armés, avec une plus haute conscience révolutionnaire. 

C’est pour défendre les masses contre les ennemis locaux, pour harceler les forces gouvernementales au niveau local, et pour opérer en tant qu’unités d’assistance armée aux pelotons de guérilla, que les pelotons de défense des villages ont été organisés.

Presque 900 personnes, parmi lesquelles des dirigeants du Parti à différents niveaux, des membres des pelotons, des responsables d’organisations des masses, et des sympathisants, sont devenus des martyrs au cours de ces 16 dernières années en Andhra Pradesh et au Dandakaranya. 

Dans tout processus de changement, c’est la phase initiale qui requiert le plus de temps; c’est un fait que beaucoup de sang a été versé, aussi bien en raison du manque d’expérience que de la supériorité écrasante des forces ennemies. 

Tactiquement parlant, l’ennemi est très puissant, il possède une armée moderne bien équipée, dispose de systèmes perfectionnés de transports et de communications.

Par conséquent, nous avons opté pour une guerre de type prolongé et nous connaîtrons sans doute plusieurs revers avant de remporter la victoire finale. 

L’expérience de ces seize dernières années nous a appris qu’il est possible de mener la guerre contre l’Etat indien, quelle que soit sa puissance sur le plan tactique, et d’établir le pouvoir du peuple en choisissant des zones sous-développées, en mobilisant les masses autour d’une ligne de masse révolutionnaire et en frappant l’ennemi au cours d’une guerre de guérilla autodéfensive.

Aujourd’hui, notre Parti est en meilleure position politiquement et organisationnellement que lorsqu’il avait produit son document sur La zone de guérilla. A cette époque, le mouvement était confiné à quelques poches. Aujourd’hui, il y a deux comités de zones de guérilla qui fonctionnent directement sous l’autorité du comité central: le comité du Dandakaranya compte environ 8 millions d’habitants et une superficie de 84.116 km2 et le comité de Nord Telengana 12,2 millions d’habitants pour une superficie de 76.478 km2.

En dehors des deux zones de guérilla ci-dessus, il existe trois autres régions en phase préparatoire de zone de guérilla:

  • La zone orientale, qui couvre les 4 districts de Nord Andhra ainsi que deux districts d’Orissa, avec une population globale d’environ 18,3 millions d’habitants pour une superficie de 73.841 km2.
  • La région du Sud Telengana qui couvre quatre districts pour une population combinée de 10,9 millions d’habitants et une superficie de 49.864 km2.
  • La région forestière de Nallamala, qui comprend des parties de huit districts et compte une population d’environ 12 millions d’habitants.

Le Parti s’est attelé à la tâche de renforcer les pelotons réguliers de guérilla et les pelotons de défense des villages dans ces régions, consolidant les unités de parti et les organisation de masse, formant des comités de village consistant en forces populaires révolutionnaires antiféodales et anti-impérialistes. 

Le Parti a également mobilisé les masses en constituant des mouvements militants sur une grande échelle afin de contrer les offensives ennemies. 

Nous croyons fermement que ces trois régions vont bientôt être transformées en zones de guérilla de plein développement.

Le Parti a commis certaines erreurs dans le passé en ne réussissant pas à appliquer à fond le slogan tactique « Tout le pouvoir aux comités de village! » dans le Nord Telengana et le Dankanaranya, lorsque les conditions pour le faire étaient favorables, c’est-à-dire à la fin des années 80. 

Aujourd’hui, cette erreur a été rectifiée et des comités de villages ont été constitués partout où il y a un membre du Parti pour les diriger. 

Différents comités se sont formés sous la direction du comité de village: comité de développement, comité légal… 

C’est la forme embryonnaire du nouveau pouvoir politique populaire.

Le Parti a commis quelques erreurs dans le passé: il a omis d’avancer le mot d’ordre tactique: « Tout le pouvoir aux comités de village » dans le Nord Telengana et Dandakaranya quand les conditions mûrissaient, à la fin des années 80. 

Maintenant nous avons rectifié cela et partout où il y a un militant du Parti pour les diriger, se forment des comités de villages. D’autres comités encore ressortent sous l’autorité du comité de village: comité de développement, comité légal, etc. 

Ces comités constituent la forme embryonnaire du nouveau pouvoir politique du peuple.

Après avoir établi une forte base rurale pour étayer le mouvement, le Parti cherche maintenant à établir sa présence à un niveau regroupant l’ensemble de l’Inde. 

Après avoir mené à bien une énorme somme de travail de base sur les plans idéologique, politique et organisationnel, le Comité central organisateur a mis sur pied en novembre 1985 la première Conférence panindienne, succédant au 8e Congrès de 1970. 

Des délégués de l’Andhra Pradesh, du Dandakaranya et du Nord Telengana, du Tamildanu, du Karnataka, du Maharashtra, du Haryana et du Bengale occidental ont assisté à la conférence. 

Cette conférence spéciale a adopté une résolution politique tenant compte des changements qui avaient eu lieu sur la scène nationale et internationale. 

Elle a accepté également un rapport organisationnel politique qui analysait les principaux défauts de notre ligne politique et de notre travail d’organisation depuis 1980. 

La Conférence a par ailleurs affiné le programme originel et les statuts de 1970 et a élu un Comité central.

Organisations de masse, luttes de masse et travail politique de masse

C’est le peuple qui fait la révolution, et pas simplement le Parti ou les pelotons. 

Le Parti dirige le peuple vers la victoire tandis que l’armée populaire est la principale organisation qui mène la guerre contre l’ennemi. 

Mais sans le support enthousiaste des masses, la victoire est inconcevable. 

En Inde, la pensée révisionniste qui règne dans certains cercles est si profondément enracinée que seuls ceux qui participent aux élections et qui mettent l’accent sur les luttes légales sont considérés comme effectuant du travail de masse; tandis que toute organisation agissant en dehors du cadre légal installé par les gens au pouvoir est considérée comme une équipe de « terroristes ». 

Selon la ligne de pensée révisionniste, les processions passives, les grèves annoncées de travailleurs, les grèves de la faim, les rassemblements de routine devant le Parlement, etc., même s’ils se sont révélés être une forme inefficace de combat, sont les seules formes concevables du travail de masse. 

Et pour eux, la participation aux élections est la seule forme de mobilisation politique du peuple. 

En fait, au niveau villageois, les masses doivent être continuellement mobilisées politiquement afin qu’elles puissent asseoir leur autorité par le biais du comité de village. La mobilisation du peuple pour la prise du pouvoir est l’aspect le plus important de la mobilisation politique. 

Sans aucun doute, en période électorale, une vaste mobilisation en faveur du boycott peut aider à éduquer considérablement les masses sur le caractère des différents partis politiques, sur le caractère de classe de l’Etat et sur la nécessité qu’il y a d’écraser ce dernier. 

La propagande politique et la mobilisation ont constitué une importante tâche pour notre Parti depuis son apparition. 

En fait, depuis 1978, chaque fois que des opportunités de légalité se sont présentées, l’Union Radicale des Etudiants de l’Andhra Pradesh a adhéré à la campagne « Aller au village ». 

Pendant les vacances scolaires du collège, des centaines d’étudiants constituaient entre eux de petits groupes et allaient en campagne dans les villages, prêchant la politique de la révolution armée contre l’impérialisme, le féodalisme et leurs agents. 

D’importantes processions ont été organisées afin de soutenir la commission Mandal en faveur des réserves destinées aux obc (castes déshéritées), et de lutter contre les forces fascistes hindouistes, en arrachant la suppression de l’acte antiterrorisme (tada), contre le fmi et le projet Dunkel et même contre l’agression américaine en Irak. 

Une lutte originale a été celle menée par 120 camarades de la prison de Warangal qui se sont privés d’un repas par jour pendant dix jours et ont fait don du montant ainsi épargné, soit 4174 roupies, aux victimes du tremblement de terre qui avait frappé le Maharashtra.

Aussi, durant ces six dernières années, le Parti a organisé des « Journées de travail », au cours desquelles tous les villageois étaient censés travailler pendant toute une journée pour le Parti. 

Des milliers de villageois ont participé à ces « Journées de travail » et ont fait don en gros de 2 millions de roupies au Parti chaque année. D’abord, ces journées avaient été mises sur pied comme s’il s’agissait d’un festival des masses. Ensuite, lorsque la police a interdit sans rémission les programmes de ces « Journées de Travail », on a décidé par la suite de les organiser en secret.

Depuis 1980, les gens des tribus ont cessé le paiement de tout un assortiment de taxes et ont commencé à défricher les forêts et à cultiver les terres ainsi gagnées. 

Des centaines de milliers d’arpents de terres forestières ont été occupés. On a également réoccupé des terres qui avaient appartenu à des commerçants ou à des fonctionnaires des forêts. 

En 1989, lorsque la répression contre le mouvement s’est quelque peu ralentie, un grand mouvement paysan s’est constitué afin d’occuper les terres des grands propriétaires, se basant sur le principe de « la terre à qui la travaille ».

Des milliers de paysans ont mené activement cette lutte, plantant des drapeaux rouges et occupant les terres des grands propriétaires. 

A partir de 1991, le gouvernement a répliqué par une répression redoublée, mais il a été incapable de restaurer l’autorité des propriétaires. 

Au cours de la dernière décennie, sous la direction du Parti, environ cent mille hectares de terres forestières et d’autres types de terres du gouvernement, parallèlement avec vingt-cinq mille hectares supplémentaires de terres reprises aux propriétaires, ont été saisies et occupées par la paysannerie.

Dans les zones reculées du Dandakaranya, la famine sévit de façon endémique en raison des absences fréquentes de pluie et, partant, de récoltes. 

Dans ces zones, les villageois sont mobilisés dans des raids de famine contre les grands propriétaires, les usuriers et les commerçants. 

Les récoltes confisquées sont distribuées parmi les villageois. 

Des suppléments de récoltes, d’argent et de marchandises sont également distribués.

Dans ces mêmes districts, les dakms ont mené plusieurs luttes en faveur de l’augmentation des prix de vente des produits forestiers et ils ont combattu les fraudes des commerçants. Les dakms ont réussi à augmenter le prix de vente du coton, du tabac, des mahuas, des balais, des noix forestières, des gommes, etc.

En outre, les deux luttes les plus importantes à l’intérieur de la zone forestière se sont exercées sur l’augmentation des taux salariaux pour la cueillette des feuilles de tendu et pour la récolte du bambou. 

Ces luttes ont été les plus militantes et ce sont aussi celles qui ont connu le plus grand succès; elles ont mis à genoux le gouvernement et les entrepreneurs et elles ont modifié considérablement le cours des existences frappées par la pauvreté des gens de ces tribus. 

Au moment où les pelotons sont entrés dans les forêts en 1980-81, le tarif appliqué à la cueillette de la feuille de tendu n’était encore que de 3 paise (0,03 roupie) par bouquet. L’année dernière, les cueilleurs recevaient 120 paise (1,20 roupie) le bouquet. Pour la cueillette du bambou, les tarifs sont passés de 25 paise par bouquet en 1982 à plus de 120 paise l’année dernière.

Plusieurs luttes ont également eu lieu dans les diverses prisons de l’Andhra Pradesh, la plus longue et la plus suivie étant celle a été livrée entre décembre 1994 et janvier 1995. Un millier de prisonniers environ ont déclenché une grève simultanée dans les cinq prisons centrales et trois prisons de district en Andhra Pradesh. 

Les exigences politiques comprenaient: la levée de l’interdiction frappant le pci(ml)(pw) et ses organisations de masse; l’annulation du tada (Acte antiterrorisme) et le retrait de tous les cas tada; le retrait de la Central Reserve Police Force et de la Border Security Force de Telengana; une enquête judiciaire sur tous les meurtres sur « faux rendez-vous »; le retrait de l’Inde de l’Organisation du Commerce Mondial; etc. 

Il y eut quarante-trois autres exigences relatives aux conditions de vie dans les prisons. 

La lutte dans les prisons est significative en ceci qu’elle a suscité de larges manifestations de soutien de la part du monde extérieur.

Lutte des mineurs houillers du Singareni

Le 1er avril 1995, cent dix mille mineurs appartenant aux houillères de l’Andhra Pradesh ont déclenché une grève de vingt jours, exigeant la fixation du cinquième barème salarial qui avait été suspendu au cours des 45 mois précédents. 

La grève avait été déclenchée en réponse à un appel lancé par la sajac (Singareni Associations’ Joint Action Committee – Comité d’Action Uni des Associations du Singareni) et par le syndicat clandestin sikasa (Singareni Karmika Samakhya). Bien que l’appel à la grève ait été rejeté par tous les syndicats nationaux et qu’onait dû faire face à l’usage intensif de la violence par la police, plus de 90% des travailleurs ont quand même arrêté le travail, et la production a été stoppée dans les 57 puits.

Le sikasa organisait les travailleurs depuis 1980. 

En 1981, les travailleurs avaient mené avec succès une grève de 56 jours contre le cut off eight muster system (système d’astreinte des huit jours, un système qui prétendait déduire huit journées de salaire pour chaque jour de grève) et avait forcé la direction à suspendre son application même. 

C’est ainsi qu’en 1989 également le sikasa a mené une grève marathon de 40 jours au cours de laquelle plus de 70.000 mineurs ont participé à la mise en application du quatrième barème salarial. 

En outre, le sikasa a également livré avec succès de nombreuses batailles en faveur du logement, des facilités d’éducation, des commodités de l’existence, en faveur de meilleures mesures de sécurité sur les lieux de travail, et aussi contre les lignes de conduite économiques dictées par le fmi.

Dans cette lutte, tous les dirigeants du sajac ont été arrêtés le 15 avril. 

Le 16, le Singareni a observé un arrêt total de travail exigeant la libération des gens arrêtés.

Comme la grève se poursuivait, les livraisons de charbon vers tout le Sud de l’Inde ont cessé, immobilisant d’importantes centrales de production d’énergie ainsi que des usines chimiques et de fabrication d’engrais. 

Les gens de l’Andhra Pradesh sont descendus dans la rue pour offrir leur soutien total aux mineurs en grève. 

La pression publique a forcé le gouvernement de l’Etat à relaxer les mineurs arrêtés. 

En fin de compte, vu l’ampleur de cette pression, le gouvernement central a bien été obligé de se soumettre aux exigences des travailleurs et de signer le cinquième accord sur les barèmes salariaux du charbon le 28 avril. Mais, comme en octobre, l’accord n’avait toujours pas été mis en application, les mineurs se sont à nouveau mis en grève du 16 octobre au 14 novembre 1995.

Les travailleurs du Singareni ont montré la voie de la lutte non seulement aux mineurs du pays entier, mais à la classe ouvrière indienne dans son ensemble. 

Les luttes du Singareni ont indiqué clairement la banqueroute des syndicats révisionnistes et jeté la lumière sur leur rôle en tant qu’agents de la direction et de la classe dirigeante au sein du mouvement de la classe ouvrière.

Vers un front uni révolutionnaire

Afin de renverser l’ennemi et d’établir une démocratie populaire, il est absolument nécessaire de construire un front révolutionnaire uni sous direction prolétarienne en unifiant toutes les forces démocratiques qui peuvent l’être, et en rassemblant toutes les classes et toutes les couches de la population, tous les partis, groupes et individus qui s’opposent aux trois ennemis du peuple indien. C’est l’alliance du prolétariat et de la paysannerie qui forme la base de ce front.

Tout en donnant de l’importance à la construction de front rassemblant des individus et des groupes à l’échelle des villages, notre Parti a mis sur pied des forums unis et a entrepris des programmes associés d’action au niveau des districts et de l’Etat là où nous sommes forts. 

Il a aussi pris l’initiative de former des fronts d’étudiants, d’écrivains et d’artistes culturels à travers toute l’Inde. 

Mais c’est le front uni au niveau des villages qui fournit les forces vives réelles du front sur le plan national.

En Inde, un aspect important du front uni sera de se joindre à toutes les diverses nationalités qui mènent la lutte armée pour leur autodétermination. 

Bien que notre Parti ait soutenu toutes les luttes nationalistes dès le départ, aucun front uni entre les divers mouvements nationalistes et les mouvements révolutionnaires n’a encore pris forme. 

Ce n’est que lorsqu’un tel front uni sera mis sur pied que les deux mouvements pourront vaincre leur ennemi commun par une action combinée. 

Des tactiques peuvent également être mises sur pied pour faire face au gouvernement central de façon plus homogène.

Il faut qu’on se montre extrêmement prudent, à la fois contre les déviations de gauche et de droite, lorsqu’on construit le front révolutionnaire uni. 

En Inde, l’expérience sur ce plan a été de cesser la lutte armée au nom de la construction d’un front uni à base large en collaboration avec d’autres forces démocratiques ou en refusant de prendre la moindre initiative pour former un front uni avec d’autres forces combattantes, en prétextant du fait qu’elles sont sous contrôle non-prolétarien. 

C’est le point de vue de notre Parti: il convient que la tâche de faire progresser la lutte armée et celle de constituer un front uni soient inséparablement associées l’une à l’autre. 

Notre Parti est actuellement en train de tenter d’unifier toutes les forces menant la lutte armée contre l’Etat indien.

A partir de l’expérience décrite plus haut avec les luttes de masse, nous pouvons voir que ces luttes ont connu du succès lorsqu’elles ont été associées à la lutte armée et que les mobilisations maximales de masse se sont produites dans les zones où la lutte armée a été très intense. 

Dans des pays comme l’Inde, la principale forme de lutte est la lutte armée; mais d’autres formes de luttes des masses et d’organisations de masse sont indispensables. 

Les organisations de masse et les luttes de masse sont la préparation à la lutte armée avant que celle-ci soit déclenchée, et elles la serviront ensuite, directement ou indirectement.

La question du boycott des élections

Il est prouvé depuis longtemps que le Parlement et les assemblées en Inde sont des organisations artificielles qui sabordent les aspirations démocratiques du peuple. 

Il ne s’agit pas que de cela, comme les enseignants marxistes l’ont montré, mais la question d’utiliser les organisations parlementaires comme arme tactique dans toute organisation surgit seulement lorsqu’il n’existe pas de situation révolutionnaire, c’est-à-dire au stade où nous sommes précisément en train de préparer la révolution. 

Mais, en Inde, la situation révolutionnaire est excellente, et dans la voie de la guerre du peuple prolongée, la lutte armée figure au programme depuis le commencement. 

Par conséquent, aujourd’hui, nous ne pouvons croire que l’utilisation des organisations parlementaires est nécessaire ou utile pour faire progresser la lutte révolutionnaire en Inde.

En outre, dans l’Inde d’aujourd’hui, le Parlement est considéré comme une supercherie et une fraude même selon les standards bourgeois. Tout un éventail de tromperies au nom des réformes électorales est utilisé par l’Etat pour enjoliver le Parlement et les assemblées de façon qu’ils entretiennent la confiance du peuple à leur égard. 

Les formes traditionnelles, pacifiques et légales de mobilisation ont tellement fait la preuve de leur impuissance et de leur inutilité, que les masses opprimées se sont systématiquement détournées des révisionnistes pour se diriger vers les alternatives révolutionnaires, les alternatives de lutte des nationalités, les alternatives de caste ou même l’alternative fasciste qui se donne des allures militantes.

Dans une telle situation, utiliser l’alternative parlementaire signifie susciter des illusions parmi le peuple sur l’utilité des organisations parlementaires et revient par conséquent à détourner le peuple de la voie de la lutte révolutionnaire.

Un bon exemple en est le prétendu pci(ml) de Vinod Mishra. 

Après avoir construit une large base de masse pour le parti parmi la paysannerie de Bhojpur, le mouvement aurait pu aller de l’avant afin d’établir l’autorité de la paysannerie dans le village, et la région aurait pu progresser vers l’établissement d’une zone de guérilla. Mais ce parti a conduit le peuple de Bhojpur dans la direction de la porcherie parlementaire. D’autres groupes, comme le pci(ml)(Janashakti) et le pci(ml)(Pranibagchi), qui ont participé à chacune des élections en invoquant la tactique qui prétend qu’il n’y a pas de situation révolutionnaire dans le pays, ont également abandonné la tâche consistant à intensifier la lutte de classe et à combattre l’Etat indien. 

Bien qu’ils ne soient pas devenus des révisionnistes complets comme le groupe de Vinod Mishra, leur ligne est cependant celle de l’opportunisme de droite.

En résumé, la participation aux élections ou leur boycott est une question de tactique. 

En Inde, le boycott des élections sera la tactique la plus efficace si l’on désire faire progresser la lutte de classe. 

Dans le dernier quart de siècle d’expérience acquise depuis Naxalbari, tous les groupes marxistes-léninistes qui se sont tournés vers la participation aux élections se sont révélés incapables de combattre les forces armées de l’Etat, et s’enlisent aujourd’hui dans les processus des luttes légales. 

La plupart de ces groupes stagnent, s’enfonçant de plus en plus dans le bourbier de l’opportunisme de droite. 

Mais ces partis qui ont fait progresser la lutte de classe en boycottant les élections ont réussi à développer de puissants mouvements révolutionnaires.

Faire progresser la révolution indienne en tant que composante de la révolution mondiale

La présente révolution indienne est une part importante d’un mouvement anti-impérialiste de portée mondiale qui cherche à établir un nouvel ordre socialiste. 

L’Inde est un pays très vaste avec une très forte population. 

Une cassure dans la chaîne impérialiste dans un pays comme l’Inde va se répercuter dans tout le système impérialiste. Mais ceci ne sera pas possible sans la solidarité du mouvement international de la classe ouvrière.

L’unité des deux courants de la révolution mondiale, à savoir les révolutions néo-démocratiques dans les pays arriérés et les révolutions socialistes dans les pays capitalistes développés, jettera les bases de la destruction complète de l’impérialisme.

Avec cette perspective à l’esprit, notre Parti est déterminé à travailler pour l’unité du mouvement révolutionnaire en Inde avec les mouvements anti-impérialistes existant aujourd’hui dans d’autres parties du monde.

Aujourd’hui, l’impérialisme est empêtré dans la plus sévère crise générale de son histoire d’après-guerre. 

L’effondrement de l’Union soviétique en tant que superpuissance et l’affaiblissement de la superpuissance américaine ont montré que même les superpuissances impérialistes ne sont que des tigres de papier en face de la résistance.

Des centaines de milliers de personnes à travers le monde ont perdu la vie en manifestant leur opposition à l’exploitation et à l’oppression impérialistes. 

Le pci(ml)(pw) salue les martyrs héroïques du Pérou, des Philippines, du Kampuchéa, de la Colombie, du Mexique, du Kurdistan et d’autres pays d’Asie, en Afrique et en Amérique latine, qui sont tombés au cours de la lutte pour la libération du joug des l’impérialisme et du féodalisme. 

Nous saluons les martyrs qui sont tombés au sein des mouvements révolutionnaires en Europe, en Amérique du Nord et au Japon.

Nous nous engageons à mettre tout en oeuvre pour accomplir les rêves et les aspirations de tous ces martyrs.

5 avril 1996

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et le PC d’Inde (marxiste-léniniste)

PCI (ML) – Guerre Populaire : Document de 1997

La structure socio-économique de l’Inde, la voie de la révolution, les contradictions principales…

Notre pays est un pays semi-féodal et semi-colonial, ayant une structure socio-économique liée à l’impérialisme. Notre pays est exploité par l’impérialisme, le féodalisme et la bourgeoisie compradore. 

Notre pays connaît encore beaucoup de problèmes concernant l’auto-détermination de certains peuples se trouvant encore sous le joug de l’impérialisme. L’étape de notre révolution correspond à celle de la révolution de nouvelle démocratie. 

Les contradictions principales de notre société sont:

A.le féodalisme et les masses populaires,
B.L’impérialisme et le peuple indien,
C.Le travail et le capital,
D.Les contradictions au sein des classes dominantes.

La contradiction la plus importante est celle entre le féodalisme et les masses populaires. Puis vient celle entre l’impérialisme et le peuple indien. 

La résolution de ces contradictions sera possible avec la révolution de nouvelle démocratie.

Notre stratégie politique…

Notre parti suit la lignée des leaders historiques du prolétariat international que sont Marx, Engels, Lénine, Staline et le président Mao. 

Notre ligne est le marxisme-léninisme pensée Mao-Tsé- Toung. La révolution de nouvelle démocratie en Inde atteint ses objectifs en analysant les classes ennemies et amies; les cibles principales de la révolution sont l’impérialisme, le féodalisme et la bureaucratie capitaliste compradore. 

Les classes ennemies ciblées par notre révolution sont:

A.Les propriétaires terriens,

B.la bourgeoisie (bureaucrate) compradore.

Les forces amis sont:

A.Le prolétariat et son avant-garde politique et idéologique,

B.Les agriculteurs et les paysans pauvres,

C.la paysannerie moyenne, 

D.La paysannerie riche (non partie-prenante dans la révolution terrienne et faisant partie des forces paysannes anti-impérialistes),

E.La petite-bourgeoisie,

F.La bourgeoisie nationale,

G.Le semi-prolétariat (commerçants et artisans,)

H.Le lumpenproletariat.

Notre stratégie militaire…

C’est une guerre adaptée à la réalité de l’Inde, c’est-à-dire la guerre populaire. Cette réalité s’applique aux régions où l’ennemi est faible, c’està-dire les régions où les campagnes et les paysans sont nombreux. 

En créant des bases révolutionnaires dans ces régions nous pourrons encercler les villes par la campagne.

La différence entre nous et les autres pai révolutionnaires ou progressistes…

Certaines organisations considèrent qu’il est trop tôt pour entamer la lutte armée. Selon elles il faut d’abord lutter économiquement, ensuite la guérilla pourra rentrer en jeu. Selon nous c’est une déviation droitière et nous condamnons cette idée.

Les organisations soutenant cette ligne ont toujours pris part aux élections. D’autres organisations comme  » drapeau rouge  » n’y participent pas mais ont la même ligne.

Les partis croyant vraiment en la guerre populaire sont le PCI (ML)-Guerre populaire, le PCI(ML) Centre maoïste communiste et le PCI(ML)-parti central.

Nous essayons en ce qui nous concerne de nous unir avec ces partis qui croient en la lutte armée et qui ont une ligne marxiste-léniniste pensée Mao-Tsé-Toung. 

Les deux autres partis combattent dans le Bihar, région du nord-est de l’Inde à côté du Népal. 

Nous avons d’importantes relations avec ces deux partis, et la possibilité d’union entre nous trois est très grande.

La conférence de 1995 concernant toute l’Inde rassemblait des représentants des trois partis. Nous essayons également d’avoir des relations avec le PCI(ML)-Janashkati, nous menons des actions communes pour nous rapprocher. Cependant nous n’en sommes pas encore à nous unir.

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et le PC d’Inde (marxiste-léniniste)

PCI (ML) – Guerre Populaire : Crise générale du capitalisme

Parti Communiste d’Inde Marxiste-Léniniste / Guerre populaire 

Crise générale du capitalisme 
 

Qu’entend-on par “crise générale du capitalisme”? En quoi diffère-t-elle de la crise périodique du XIXe siècle?

La crise générale du capitalisme (CGC) n’est autre que la crise permanente et universelle du capitalisme à l’ère de l’impérialisme et de la révolution prolétarienne. 

On utilise les termes de “crise générale du capitalisme” pour décrire le processus de désintégration du système capitaliste mondial lorsqu’il englobe tous les domaines de l’ordre bourgeois: économie, politique et idéologie. 

Dans son ouvrage intitulé Problèmes économiques du socialisme en URSS, le camarade Staline a décrit la CGC de la façon suivante: “La crise générale du capitalisme mondial est-elle uniquement une crise politique ou n’est-elle qu’une crise économique? 

Ni l’une ni l’autre. C’est une crise générale, c’est-à-dire totale, du système capitaliste mondial, recouvrant à la fois les domaines économique et politique. 

Et il est clair qu’à la base de cette crise l’on trouve le déclin de plus en plus marqué du système économique du capitalisme mondial, d’une part, et la puissance économique croissante des pays qui se sont libérés du capitalisme – l’URSS, la Chine et les autres démocraties populaires – d’autre part.”1

Pour mieux comprendre la CGC, il convient de dégager les origines et de retracer le développement de la crise capitaliste.

Il est bien connu que les crises économiques ont été une caractéristique inhérente du système capitaliste dès les tout premiers temps de son apparition. 

Ceci découle de la contradiction fondamentale du capitalisme – le caractère social de la production et l’appropriation privée du produit. 

Les efforts du capitaliste industriel vers l’optimalisation de son profit, par rapport au faible pouvoir d’achat des travailleurs, sont la cause d’une production chaotique, débouchant sur une surproduction et sur des crises économiques périodiques.

Engels avait analysé ceci dans son brillant ouvrage intitulé La condition de la classe ouvrière en Angleterre: “Les conditions anarchiques de la production et de la répartition modernes des denrées, les conditions de production qui sont régies par le profit au lieu de l’être par le souci de satisfaire aux besoins, les conditions sous lesquelles tout un chacun vaque à ses propres affaires en essayant de s’enrichir – de telles conditions ne peuvent manquer de déboucher sur de fréquentes périodes de stagnation. 

Aux premiers temps de l’ère du développement industriel, la stagnation se limitait à l’un ou l’autre secteur de l’industrie par rapport à un marché, mais depuis la centralisation des activités des concurrents, les ouvriers, privés de travail dans un secteur particulier de l’industrie, envahissent un autre secteur, et ils en choisissent de préférence un auquel il est aisé de s’initier. C’est ainsi que les marchandises qui ne trouvent pas d’acheteur sur un marché se fraient un chemin dans un autre, et ainsi de suite. En se combinant progressivement, ces petites crises finissent immanquablement par déboucher sur des crises à grande échelle.”2

Dans ses Principes du communisme, Engels a également décrit comment, à l’ère de la concurrence libre, des crises périodiques sont amenées à se produire après chaque période de cinq à sept ans. 

Il explique aussi quelles sont les raisons de ce genre de crises: “Grâce à la machine à vapeur et à diverses autres inventions mécaniques, l’industrie à grande échelle s’est offert le moyen, en un court laps de temps et à peu de frais, d’augmenter la production à un degré quasi illimité. 

La libre concurrence, qui est la contrepartie essentielle de la production à grande échelle, a revêtu un aspect extrêmement agressif, et ceci du fait de la facilité avec laquelle on produisait les marchandises.

Un certain nombre de capitalistes se sont rués sur les activités industrielles et très vite, on a fini par produire plus de marchandises qu’on ne pouvait en utiliser. Par conséquent, les marchandises fabriquées à la machine ne pouvaient être vendues, et il s’en est suivi une crise commerciale. 

Des usines ont fermé leurs portes, des propriétaires d’usines ont fait faillite, et les travailleurs se sont retrouvés sans pain. Les souffrances ont sévi. 

Au bout d’un certain temps, les produits excédentaires ont été vendus, les roues des usines se sont remises à tourner, les salaires ont augmenté, et progressivement, les affaires sont redevenues plus animées que jamais. 

Mais cette prospérité n’a guère duré. Une fois de plus, on a produit trop de marchandises, une autre crise en a découlé qui a suivi le même cours que la précédente. 

Tout au long de ce siècle, la vie industrielle a fluctué entre des périodes de prospérité et des périodes de crise, des crises similaires se sont produites par intervalles de cinq à sept ans, amenant avec elles la misère intolérable des ouvriers, une effervescence révolutionnaire générale, et exposant aux pires dangers l’ordre tout entier de la société.”

Chaque fois que le capital est confronté à une crise de conversion, c’est-à-dire à une crise de surproduction et à une chute des taux de profit, on assiste à des tentatives de surmonter temporairement la crise en réduisant les coûts de production et en évinçant les capitaux rivaux.

A cette fin, chaque capitaliste individuel augmente la production de marchandises par le biais d’une amélioration des moyens de production, et par une exploitation plus intense de la main-d’oeuvre, de façon à pouvoir atteindre une rentabilité du travail plus élevée que celle de ses concurrents. 

Il s’ensuit que le capital et la production atteignent des niveaux de concentration et de centralisation toujours plus élevés, ce qui donne donc naissance à un capital monopoliste bâti sur la ruine des petits capitalistes et de ceux qui ne sont pas viables. 

Dans un même temps, le capital cherche à étendre le marché en supprimant les rapports de production précapitalistes et en transformant toute la société en une gigantesque place de marché. 

Mais les marchés nationaux deviennent trop limités et étriqués pour le capital monopoliste du fait des opportunités offertes à l’expansion illimitée de la production par les progrès énormes réalisés dans les domaines scientifique et technologique. 

Ce qui fait que le capital national, devenu capital monopoliste à cause des niveaux élevés de concentration et de centralisation, tend à s’emparer du marché mondial. 

Dans le même temps, afin de compenser la tendance à la chute du taux de profit imputable à la composition organique élevée du capital, le capital monopoliste vise à intensifier davantage son exploitation des colonies en même temps que celle de ses propres nationaux. 

Cependant, le développement inégal du capitalisme dans les différents pays fait ressortir les contradictions entre les impérialistes et demeure la principale cause de la guerre impérialiste. 

Du fait du développement du stade impérialiste du capitalisme et de la surenchère des efforts en vue de réaliser des profits maximaux, toutes les contradictions et les antagonismes se sont inévitablement intensifiés. 

Ils produisent à intervalles réguliers des explosions sociales majeures telles que des guerres mondiales, des crises économiques mondiales dévastatrices, l’apparition du fascisme et la rupture des institutions démocratiques bourgeoises, ainsi que des révolutions socialistes et nationales-démocratiques.

La CGC est apparue au début de la période de stagnation en 1907, lorsque toutes les contradictions fondamentales ont commencé à prendre des proportions plus qu’inquiétantes. Grâce à une étude scientifique des conditions existant avant la guerre, le camarade Lénine, déjà en 1907, avait mis le doigt sur le danger d’une guerre mondiale et avait appelé les prolétaires des pays capitalistes à mettre à profit la crise révolutionnaire qui allait résulter de la guerre, pour qu’ils dirigent la révolution prolétarienne.

Le Septième Congrès de la Seconde Internationale, qui eut lieu à Stuttgart en 1907, s’était longuement penché sur le danger d’une guerre mondiale. 

La fameuse Résolution de Stuttgart, formulée par Lénine et Rosa Luxemburg, envisageait que, confronté à une guerre impérialiste, le prolétariat devrait assumer les tâches suivantes: “S’il apparaît une menace de guerre, il est du devoir de la classe ouvrière et de ses représentants parlementaires du pays impliqué, soutenus par les activités de renforcement du Bureau de l’Internationaliste Socialiste, de concentrer tous leurs efforts afin d’empêcher qu’éclate la guerre, et ce par tous les moyens qu’ils jugeront les plus efficaces et qui, naturellement, varient selon le degré atteint par la lutte de classes et le poids de la situation politique générale.”

“Si la guerre devait quand même éclater, il est de leur devoir d’intervenir en faveur de son dénouement rapide et de mettre tout en oeuvre afin de tirer parti de la crise économique et politique provoquée par la guerre pour soulever les peuples et par là-même hâter l’abolition de la classe capitaliste dominante.”3

Le Huitième Congrès de la Seconde Internationale, tenu à Copenhague en 1910, avait repris le même thème.

La Conférence extraordinaire organisée à Bâle en novembre 1912 dans le contexte de l’imminence d’une guerre mondiale, avait recommandé aux travailleurs du monde entier d’adopter une position révolutionnaire contre la guerre et de mettre à profit la situation afin de faire progresser la révolution.

Bien que la première phase de la CGC ait débuté avec la Première Guerre mondiale, nous pouvons conclure sans hésiter que déjà en 1907, le capitalisme est entré dans sa période de crise générale, au moment où la fameuse Résolution de Stuttgart était formulée dans le contexte du durcissement des tentatives interimpérialistes en vue de s’assurer l’hégémonie mondiale.Ce durcissement aggrava la stagnation de l’économie mondiale, et du développement des mouvements ouvriers et populaires dans les pays impérialistes comme dans les nations réduites en esclavage.

C’est au cours de cette période qu’est apparu, au sein du Parti bolchevique, un processus destiné à débarrasser le Parti de ses éléments non-prolétariens hésitants, de tous ces liquidateurs, centristes et opportunistes de tout poil, et qu’un Parti d’un type nouveau fut créé en 1912 afin de faire face aux nouvelles possibilités révolutionnaires offertes par l’imminence de la guerre. 

Les partis qui furent incapables de comprendre la CGC à l’époque de l’impérialisme et qui traiterènt la crise de la même manière que tout autre crise périodique des années précédentes – les Bernstein, Kautski, Otto Bauer, Adler et Cie -, qui croyaient que le capitalisme pouvait sortir de la crise comme il l’avait fait dans le passé et qui émettaient même la théorie selon laquelle le capitalisme pouvait résoudre sa crise par des moyens pacifiques, ces partis finirent par devenir les larbins de l’impérialisme lorsque la Seconde Guerre mondiale devint effectivement une réalité, et c’est ainsi, qu’en fin de compte, ils trahirent la révolution.

La CGC signifie que le capitalisme entre dans une période d’explosions violentes, telles les deux guerres mondiales, les dizaines de guerres locales et les divers soulèvements populaires à travers le monde que l’on a connus au XXe siècle. La CGC signifie que le capitalisme entre dans une période de crise chronique différente de la crise qui éclatait périodiquement tous les dix ans au cours de l’ère pré-impérialiste.

Auparavant, c’est-à-dire au cours de la période précédant la CGC, les crises cycliques ont servi à résoudre les contradictions et à rétablir l’équilibre au sein du système en ayant recours à des moyens violents et destructeurs. 

Selon Marx, ce n’étaient jamais “que des solutions momentanées et énergiques aux contradictions existantes, des éruptions violentes, destinées à rétablir pendant quelque temps l’équilibre perturbé”.4

Ces crises éliminaient les firmes plus petites et moins efficaces, elles détruisaient une portion du capital afin de sauver ce qu’il en restait: elles conduisaient à une concentration accrue du capital et on les provoquait (ces crises) afin d’ouvrir de nouveaux marchés. 

Elles menaient donc inévitablement à la reprise de la production capitaliste à un niveau plus élevé. 

Ces crises cycliques suivaient un cours prévisible – crise, dépression, reprise, prospérité, dans cet ordre – se répétant tous les dix ans environ. 

La période de prospérité des anciennes crises cycliques menait à l’absorption des sans-emploi et à une pleine utilisation de la capacité industrielle.

Sous de telles conditions de CGC, cependant, les anciennes crises cycliques ont subi des modifications et elles éclatent avec une intensité nouvelle. Les phases de crise et de dépression sont plus longues et ne sont pas nécessairement suivies d’une reprise et d’une vague de prospérité. 

Si c’est néanmoins le cas, ces dernières, lorsqu’elles se produisent, sont de courte durée et sont davantage provoquées par certains stimuli externes tels que la guerre. 

En bref, les crises deviennent plus ou moins chroniques, chacune emboîtant le pas à la précédente. 

Les mouvements à la hausse au sein de la crise générale, c’est-à-dire les reprises et les périodes de prospérité, se font de plus en plus courts; la dépression devient la caractéristique normale, interrompue par de brefs mouvements de hausse et de violentes explosions sociales et politiques.

Par exemple, la stagnation qui s’est produite entre 1907 et 1914 n’a donné naissance à aucune vague de prospérité, mais à une guerre mondiale violente et sanglante. 

La crise qui a succédé à la Première Guerre mondiale s’est poursuivie pendant deux décennies jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, avec un bref mouvement de hausse au cours des années de stabilisation temporaire entre 1924 et 1929. La Grande Dépression n’a été suivie d’aucune vague de prospérité ni d’aucune reprise réelle, mais n’a pu se terminer que par une nouvelle guerre mondiale.

Comme l’a fait remarquer le camarade Staline: “La crise économique qui a éclaté dans les pays capitalistes au cours du second semestre de 1929 a duré jusqu’à la fin de 1933. 

Après cette date, la crise a connu une phase de dépression, et a été suivie ensuite d’une certaine reprise, d’une certaine tendance à la hausse de l’industrie. 

Mais cette tendance à la hausse de l’industrie ne s’est pas transformée en vague de prospérité, comme c’est généralement le cas lors d’une période de reprise. 

Au contraire, au cours du second semestre de 1937, une nouvelle crise économique a débuté, s’emparant tout d’abord des Etats-Unis et ensuite de l’Angleterre, de la France et d’un certain nombre d’autres pays.”

“Les pays capitalistes se sont donc trouvés confrontés à une nouvelle crise économique avant même de s’être relevés des ravages de la dernière.”5

Plus révélatrice encore, l’observation d’un économiste bourgeois, John Kenneth Galbraith: “La Grande Dépression des années trente n’a jamais connu de fin. Elle a tout simplement disparu dans la grande mobilisation des années quarante.”6

Engels lui-même a insisté sur la nature changeante de la crise dans sa lettre à Bebel en 1886: “Nous sommes entrés dans une période beaucoup plus dangereuse pour l’ancienne société que celle des cycles de dix ans” et plus loin, “les crises deviennent chroniques.”

Une autre différence importante entre les anciennes crises cycliques et la CGC, c’est que cette dernière se caractérise par le chômage massif chronique et la sous-utilisation structurelle de la capacité industrielle, et ce, en dépit du développement massif de la puissance de production.

En fait, les forces productives se sont développées à un point tel, à la veille de la Première Guerre mondiale, que, selon une estimation de l’époque, il était possible de procurer les besoins vitaux à tous les citoyens si chacun ne travaillait qu’une seule heure par semaine. 

Inutile de dire, aujourd’hui, que seules quelques minutes de travail suffiraient à fournir ces besoins vitaux à chaque personne de la planète.

Mais, ironiquement, c’est ce développement particulièrement gigantesque de la capacité de production qui a donné naissance à la crise mondiale, au chômage généralisé permanent, à l’appauvrissement massif, à la baisse des niveaux de vie et aux guerres mondiales. Les forces productives sont systématiquement détruites par le biais des fermetures d’usines, de la sous-utilisation permanente de la capacité, de la mise hors service de millions d’hectares de terres fertiles, de la destruction de matières premières, de céréales, de cheptels entiers et de marchandises manufacturées, pendant que l’on maintient en permanence des millions de gens à l’inaction et que l’on recourt inévitablement à la “solution finale” à la crise, c’est-à-dire aux guerres impérialistes.

Depuis le début de la CGC jusqu’à ce jour, ces caractéristiques se sont maintenues, bien qu’à des degrés variables selon les époques.

“Même au plus fort de la stabilisation temporaire du capitalisme entre 1924 et 1929, la capacité de production a été constamment sous-utilisée. 

En 1928, l’année culminante de la prospérité, le taux d’utilisation de la capacité aux Etats-Unis était de 82%. Et en 1932, ce même taux d’utilisation de la capacité était retombé à 42% à peine.”7

Une autre caractéristique étrange de la CGC, c’est que le développement de la production industrielle s’accompagne d’une chute de l’emploi dans l’industrie. Par exemple, entre 1919 et 1927, la production dans les usines américaines avait augmenté de 147 à 170 (sur base 100 en 1914), alors que l’index de l’emploi passait de 129 à 115 (toujours sur la même base). 

Tandis que la production industrielle augmentait de 20% au cours de la période de 1924 à 1929, le nombre total de travailleurs salariés diminuait de 2,6%. 

Le nombre de travailleurs salariés dans l’industrie avait chuté de 9.039.000 à 8.742.000 aux Etats-Unis entre 1919 et 1929, même si l’index de la production industrielle, lui, avait grimpé de 84 à 119.

En Grande-Bretagne, entre 1923 et 1928, le nombre d’ouvriers au travail dans l’industrie avait chuté de 8.368.000 à 7.898.000, alors que l’index de la production avait grimpé de 88,7 à 96,3. 

De sorte que pendant que la production augmentait de 8,5%, l’emploi, lui, baissait de 5,6%.

Au cours de la Grande Dépression de 1929 à 1932, la productivité de la main-d’oeuvre (production par homme-heure) s’est accrue de 12% aux Etats-Unis, et ce, par le biais de la rationalisation, de la hausse des cadences, etc., tandis que douze millions de personnes restaient au chômage. 

Dans le monde capitaliste dans son ensemble, le nombre total de chômeurs avait atteint le point culminant de 30 millions en 1933. 

Par conséquent, des millions de travailleurs sont devenus superflus du fait que leur capacité de production était devenue trop élevée.

La crise sans précédent qui a commencé avec le krach de Wall Street en octobre 1929 et la dépression qui s’est terminée par la Seconde Guerre mondiale ont vu la destruction massive de forces productives équivalentes aux pertes endurées au cours de la Première Guerre mondiale. 

En quatre années seulement, entre 1929 et 1933, 200 milliards d’hommes-heures ont été perdus, ce qui signifie une perte de 100 millions d’hommes-années, c’est-à-dire l’équivalent de ce que 10 millions d’hommes peuvent produire en 10 années. 

Jusqu’à la fin de 1933, pas moins de 22 millions de sacs de café ont été brûlés ou jetés à la mer. 

Le gouvernement américain a dépensé entre 7 et 20 dollars de subsides par acre8 chez les planteurs de coton et ils ont procédé à la destruction de 11 millions d’arpents (soit 44.000 kilomètres carrés de coton ou une fois et demie la superficie totale de la Belgique!). 

En décembre 1931, la production de cuivre a été limitée à 26% de la capacité des mines.

Au Danemark, on a abattu et brûlé du bétail à raison de 5.000 têtes par semaine. En vue de cette opération, le gouvernement a décidé la création d’un fonds spécial de destruction.9

Aux Etats-Unis, environ 160 milliards de dollars en papier monnaie ont disparu dans l’atmosphère au cours des trois années de 1929 à 1932. Selon le Bureau américain des Statistiques du travail, les salaires totaux aux Etats-Unis ont baissé de 17,2 milliards de dollars en 1921 à 6,8 milliards de dollars en 1932.

En 1934, désireux d’expliquer la nature de la crise, le camarade Staline disait ceci dans son rapport au XVIIe Congrès du Parti: “La crise économique actuelle, dans les pays capitalistes, se distingue de toutes les crises analogues, entre autres, par le fait qu’elle est la plus prolongée, qu’elle traîne en longueur. 

Si, auparavant, les crises se terminaient au bout d’une ou deux années, la crise actuelle entre déjà dans sa cinquième année, en faisant d’année en année des ravages dans l’économie capitaliste dont elle absorbe la graisse amassée au cours des années précédentes. Rien d’étonnant que cette crise soit la plus pénible de toutes”10

Donnant les différentes raisons du caractère exceptionnellement prolongé de la crise, le camarade Staline observait encore: “… la crise industrielle s’est déchaînée dans le cadre de la crise générale du capitalisme, au moment où celui-ci n’a déjà plus et ne peut plus avoir, ni dans les principaux Etats, ni dans les colonies et pays dépendants, la force et la solidité qu’il avait avant la guerre et avant la Révolution d’Octobre; où l’industrie des pays capitalistes a hérité de la guerre impérialiste la sous-production chronique des entreprises, ainsi que des armées de millions de chômeurs, dont elle ne peut plus se défaire.”11

Il expliquait également pourquoi la crise cyclique ne peut opérer de l’ancienne façon: “Est-ce à dire que nous ayons affaire à une période de transition, que la crise passe à la dépression ordinaire, qui entraînera un nouvel essor, un nouvel épanouissement de l’industrie? 

Non. 

En tout cas, à l’heure présente, il n’y a pas de données directes et indirectes qui attestent une reprise imminente de l’industrie dans les pays capitalistes. 

Bien plus: tout porte à croire que de telles données ne peuvent pas même exister, du moins dans un proche avenir. 

Elles ne peuvent exister, parce que toutes les conditions défavorables qui empêchent l’industrie des pays capitalistes de se relever un peu sérieusement continuent d’agir. Il s’agit de la crise générale du capitalisme qui se prolonge et au milieu de laquelle se déroule la crise économique. 

Il s’agit de la sous-production chronique des entreprises, d’un chômage massif chronique, de l’interpénétration de la crise industrielle et de la crise agricole, de l’absence de cette tendance vers un renouvellement quelque peu sérieux du capital fixe qui annonce habituellement le début d’un essor, etc.”12

Notre rapport de parti (du PCI-ML) de 1992 résumait comme suit ces caractéristiques de la CGC: “La principale caractéristique de la crise générale du capitalisme est que le capitalisme dans son ensemble est enlisé dans une crise permanente de surproduction, de sous-utilisation de sa capacité, de chômage permanent de masse et d’inflation. 

Cela veut dire que la survie même du capitalisme dépend de la destruction massive continuelle des forces productives.

Ceci est réalisé par les guerres mondiales et les guerres régionales, également par la sous-utilisation des capacités de production. 

Cela rend la vaste majorité de la main-d’oeuvre redondante. 

Cela détruit les excédents de marchandises alors que la majorité des gens dépérissent d’indigence. Dans certains cas les techniques de pointe sont détruites et on en revient même à des méthodes de production arriérées afin de réaliser des profits plus substantiels.”

“Par conséquent, le déclenchement de la crise générale du capitalisme en 1914 a développé davantage encore la condition objective pour une révolution sociale qui, en fait, était apparue avec le commencement de l’époque impérialiste même. 

Elle a porté toutes les contradictions de la société vers un point de rupture; que ce soit la contradiction entre le capital et le travail, celle entre l’impérialisme et les nations opprimées, ou celle entre les diverses puissances impérialistes. 

Le conflit entre les forces productives et les rapports de production existants a donc pris une forme explosive, menant dès 1914 déjà au fascisme, aux guerres mondiales et aux révolutions sociales qui continueront jusqu’à la victoire finale de la Révolution socialiste mondiale.” (p 8-9)

Le problème du chômage chronique et de la sous-utilisation de la capacité dans le monde capitaliste pouvait être résolu temporairement grâce à la Seconde Guerre mondiale, comme on l’a expliqué plus haut. 

La guerre, qui a vu l’implication de presque tous les pays impérialistes ainsi que la majeure partie du monde colonial, a détruit les forces productives à un degré inégalé dans les annales de l’humanité. 50 millions de personnes ont été tuées, et 50 millions d’autres ont été blessées. 

Des biens représentant des milliards de dollars ont été détruits. Des cités entières, même, comme Nagasaki et Hiroshima, ont été détruites. 

Ce n’est que par le biais de telles destructions massives des forces productives, par l’incorporation à grande échelle des chômeurs dans les armées et la conversion de l’industrie civile en industrie destinée à la défense que l’on a essayé de résoudre la crise des années 1930.

Et pourtant, la guerre a donné naissance à une intense crise révolutionnaire à l’échelle mondiale et elle a affaibli l’impérialisme dans des proportions importantes. 

La crise révolutionnaire a continué pendant presque une décennie après la guerre. 

La totalité de l’Europe de l’Est, la Corée du Nord, le Nord-Vietnam et la Chine ont rompu avec le marché du monde capitaliste, aggravant de ce fait davantage encore la CGC. 

Le système colonial de pouvoir direct par l’impérialisme a commencé à se démanteler très rapidement au cours de la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale.

Aggravation de la crise générale du capitalisme après la Seconde Guerre mondiale

A son tour, la Seconde Guerre mondiale, qui était une expression de la CGC, a profondément aggravé cette crise. 

Elle a intensifié toutes les contradictions fondamentales qui minaient inlassablement la force et la stabilité du capitalisme dans tous les pays. 

Après la guerre, l’aggravation de la CGC s’est manifestée à travers les développements suivants:

  1. Terrible affaiblissement de l’impérialisme. Les grands empires capitalistes d’autrefois – la Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Japon, la France, l’Italie, etc. – étaient dans un état d’épuisement, de ruine et de dévastation dû à la guerre, confinant presque à la paralysie totale, pendant un certain temps. 

    Les Etats-Unis sont devenus les seuls bénéficiaires de la guerre et, en fait, ils en sont sortis renforcés. L’hégémonie américaine, même, était un produit de la CGC. Elle pouvait prendre forme, même chancelante, à cause du profond état de crise auquel étaient confrontés tous les autres pays capitalistes.
  2. La désintégration du marché capitaliste mondial et une diminution de sa sphère d’opération du fait de la formation d’un marché socialiste. Ceci a été décrit par le camarade Staline comme étant la séquelle économique la plus importante de la Seconde Guerre mondiale.
  3. La dépendance croissante des pays capitalistes, particulièrement les Etats-Unis, vis-à-vis de la production d’armements et de matériel militaire de façon à absorber les excédents, à résoudre le problème des restrictions du marché et à augmenter la capacité de production. 

    Les Etats-Unis, qui étaient la seule nation à s’être relevée plus forte des cendres de la Seconde Guerre mondiale, comptabilisaient plus de 60% de toute la production industrielle du monde capitaliste. 

    Afin d’avoir une forte emprise sur les marchés et sur les sources de matières premières, la domination stratégique militaire sur le monde était indispensable. 

    Une économie permanente basée sur les armes, c’est-à-dire une économie de guerre, était donc absolument essentielle pour les Etats-Unis. D’énormes surplus étaient extraits du reste du monde par l’exportation de capitaux et de marchandises.

    La gigantesque capacité de production dont ils disposaient grâce à ces surplus devait être orientée vers la production de munitions, d’où le but de lancer des guerres d’agression. 

    La guerre de Corée, la guerre en Indochine et les dizaines de guerres régionales qu’ils provoquèrent partout dans le monde étaient la conséquence des impératifs économiques décrits plus haut, en dehors de l’objectif politique, de détruire l’influence du camp socialiste. Sans ces guerres, sans la permanence de l’économie de guerre de l’impérialisme américain, ces dernier se seraient écroulés sous le poids de leurs propres contradictions internes.

    Par exemple, le chômage aurait même surpassé les points culminants des années 30. Selon des estimations du Département américain du Commerce, si en 1946 le pays était retourné au niveau de production en vigueur en 1940, l’armée des chômeurs aurait compté, non pas un million de personnes comme en 1940, mais 19 millions de personnes.
  4. L’effondrement de l’ancien système colonial, marqué par l’éclatement de luttes de libération nationale dans de nombreuses parties du monde colonial et semi-colonial, comme en Inde, en Indochine, en Birmanie, en Corée, en Indonésie, en Malaisie, aux Philippines et dans diverses régions d’Afrique.
  5. Le durcissement de la lutte des pays capitalistes pour le contrôle des marchés capitalistes mondiaux devenant de plus en plus étriqués. L’hégémonie de l’impérialisme américain sur le monde capitaliste a commencé par être sapée à cause du déséquilibre dans le développement des pays capitalistes. 

    Vers le milieu des années 1950, on a fait des tentatives pour former un seul marché européen, et six pays d’Europe se sont réunis pour former la CEE en 1957. 

    A partir du milieu des années 1960, le Japon aussi a commencé à rogner sur les parts américaines dans le marché mondial. 

    Tout ceci a miné vers le début des années 1970 l’hégémonie économique américaine par rapport aux autres grandes puissances impérialistes.
  6. Le grand développement d’après-guerre des forces démocratiques et socialistes du monde, qui affaiblissent fondamentalement la domination capitaliste et le système capitaliste dans son ensemble. 

    Le prestige économique et politique de l’URSS, de par son rôle prépondérant dans la défaite de l’Allemagne de Hitler et son relèvement rapide des effets de la guerre; l’établissement de démocraties populaires révolutionnaires en Allemagne de l’Est, en Tchécoslovaquie, en Pologne, en Yougoslavie, en Roumanie, en Hongrie, en Bulgarie et en Albanie; le développement de mouvements puissants de libération nationale en Chine, en Inde, en Indochine, en Birmanie, en Corée, en Indonésie, en Malaisie, aux Philippines et dans diverses régions d’Afrique, atteignant leur point culminant dans la grande révolution chinoise et le développement d’une classe ouvrière et d’autres mouvements populaires partout dans le monde, tout cela a porté de lourds coups aux fondations mêmes du capitalisme et a miné la légitimité propre du système capitaliste.

En résumé, la scène mondiale de l’immédiat après-guerre a été marquée par trois grandes forces dynamiques: le déclin croissant du capitalisme mondial, le développement rapide du socialisme mondial et les efforts de l’impérialisme américain pour maîtriser le monde, efforts intensifiant les contradictions interimpérialistes, mais, de ce fait affaiblissant l’impérialisme dans son ensemble.

C’est en gardant à l’esprit les développements ci-dessus que le camarade Staline a conclu que le capitalisme ne pourrait jamais retrouver une stabilité, même temporaire, comme il le fit durant la période de 1924 à 1929.

Quels étaient alors les facteurs qui ont conduit à la reconstruction du capitalisme, les facteurs qui ont sauvé le capitalisme? La survie du capitalisme durant les cinq décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale réfute-t-elle la théorie de la CGC?

Chaque phénomène doit être étudié, analysé et compris historiquement. 

Pour comprendre les raisons pour lesquelles une prédiction particulière ne s’est pas transformée en réalité, on doit examiner de près les circonstances historiques concrètes qui sont apparues. 

Sur le passé, nous pouvons affirmer avec certitude que la déclaration du camarade Staline au sujet des conditions en vigueur en 1951 sont historiquement correctes. 

Car, comme on l’a mentionné plus haut, lorsque le camarade Staline a écrit les lignes ci-dessus, les luttes de libération nationale faisaient rage et évoluaient avec une rapidité surprenante.

Le camp socialiste continuait à se renforcer davantage et la crise au sein des pays impérialistes sévissait au plus haut degré. 

Les principaux pays impérialistes ne s’étaient pas encore rétablis de la destruction qu’ils avaient subie au cours de la Seconde Guerre mondiale.

La production industrielle dans la plupart des pays n’avait pas encore rattrapé les niveaux d’avant-guerre. 

La désintégration de l’impérialisme et l’avance du socialisme et de la démocratie nationale étaient clairement à l’ordre du jour. 

C’est à ce stade critique de l’histoire du monde qu’une combinaison de facteurs a contribué une fois de plus à stabiliser le capitalisme, quelque partielle et temporaire que cette stabilisation ait pu être.

Ces facteurs sont: la restauration du capitalisme en Union soviétique et en Europe de l’Est après la mort du camarade Staline et particulièrement à partir du XXe Congrès du PCUS en 1956; la poursuite de la domination coloniale via des méthodes néo-coloniales indirectes avec l’aide des bourgeoisies compradores et des marionnettes politiques dans les pays du tiers-monde, conséquences de la trahison de la plupart des dirigeants des mouvements de libération nationale; les nouvelles méthodes adoptées par l’impérialisme pour sortir de la crise, telles que l’économie de guerre permanente et la militarisation massive; l’intervention de l’Etat dans l’économie et la transformation du capitalisme monopoliste en capitalisme monopoliste d’Etat dans tous les pays impérialistes; des séries de guerres locales et de guerres d’agression menées par les forces combinées de l’impérialisme; l’importance croissante de la dette publique, suite à l’application de politiques keynésiennes.

Ces factuers ont contribué à accorder un répit temporaire à l’économie capitaliste mondiale. 

Ils ont permis de reculer l’échéance de la CGC. 

Cependant, le keynésianisme, qui servait d’idéologie économique officielle du monde capitaliste au lendemain direct de la Seconde Guerre mondiale, a échoué lamentablement dans sa tentative d’empêcher l’aggravation de la CGC.

Après 18 années de prospérité économique, la plus longue période de prospérité de l’histoire du capitalisme, ce dernier retomba une fois de plus dans une stagnation prolongée, et ce dès 1973. 

La prospérité, elle-même, avait un caractère illusoire, car elle était basée sur des guerres, sur un appareil militaire, sur le financement et la réglementation par l’Etat. 

Elle se prolongeait grâce au gonflement de la dette et à l’accroissement de la spéculation. 

Le chômage et la sous-utilisation de la capacité de production ont d’ailleurs continué à exercer leurs effets tout au long de cette période de “prospérité économique”.

Tous les facteurs qui ont donné naissance à la CGC avant la Première Guerre mondiale continuent à agir jusqu’à ce jour, conduisant à une aggravation des contradictions fondamentales dans le monde. 

Malgré l’effondrement de toutes les bases socialistes établies, les peuples et nations opprimés du monde, ainsi que le prolétariat mondial, continuent à porter des coups à l’impérialisme et à progresser vers le socialisme. 

Les contradictions parmi les diverses puissances impérialistes prennent graduellement un caractère antagoniste et mettent de plus en plus le doigt sur le danger de la fascisation et du déclenchement de guerres interimpérialistes.

La bourgeoisie a déclenché une offensive contre les prolétariats des pays impérialistes en jetant de plus en plus de travailleurs à la rue, en supprimant tous les programmes sociaux et en provoquant un situation d’insécurité sociale parmi les populations. 

Le nombre de chômeurs aujourd’hui dépasse de beaucoup celui des années 30. 

Le taux de chômage, à la mi-95, était de 12% en France et en Italie, de 15% en Grande-Bretagne, de 13% en Belgique, de 9% en Allemagne, de 6% aux Etats-Unis et de 23% en Espagne. 

A la fin de 1994, il y avait 36 millions de personnes sans travail dans les pays capitalistes, ce qui représente 6 millions de plus que les chiffres en vigueur au cours des pires moments de la Grande Dépression des années 1930. 

Plus alarmant encore est le fait que le capital pousse de plus en plus de gens à la rue, à cause de l’automatisation, de l’informatisation et du transfert d’industries dans les pays du tiers-monde répondant à une quête de main-d’oeuvre bon marché, et ce, afin d’élever la productivité et d’augmenter la compétitivité dans un monde de concurrence à couteaux tirés.

En outre, du fait de l’exploitation sévère des ressources mondiales par les compagnies multinationales et transnationales, la crise environnementale a atteint des proportions alarmantes et a donné libre cours à des mouvements de protestation à l’échelle mondiale.

L’appauvrissement de la masse, le déclin des niveaux de vie, l’insécurité sociale, l’augmentation drastique du taux de criminalité, etc., sont devenues des réalités quotidiennes dans le monde capitaliste. C’est ce que nous avons déclaré dans notre rapport de parti de 1992:

“La crise économique mondiale prolongée qui sévit depuis 1973 n’a vu aucun ralentissement dans développement progressif et elle a même engendré des taux négatifs de croissance, un chômage de masse, une inflation (ou plutôt ‘stagflation’, pour reprendre l’appellation de ce nouveau phénomène historique de l’après-guerre) ainsi qu’un excès de la capacité industrielle…”

“La crise actuelle dans le système capitaliste mondial, qui sévit depuis le début des années 1970, est comparable à celle de la Grande Dépression des années 1930.

Mais elle est plus généralisé et de plus longue durée. Les courts soubresauts intermédiaires, que l’on a appelés à tort des reprises, n’ont amené aucune amélioration du chômage massif, ni des taux réels de croissance ni n’ont remédié à l’inflation. L’accroissement de la dépendance vis-à-vis de la dette est aujourd’hui la caractéristique de chaque économie dans un monde où la crise n’a fait que s’étendre dans l’espace et dans le temps.”

“La différence la plus importante entre la crise économique mondiale actuelle et celle des années 1930 réside dans le fait que les gouvernements, au niveau mondial, ont essayé d’appliquer toutes les mesures possibles contre cette crise et qu’ils ont lamentablement échoué. 

En outre, ils sont plongés jusqu’au cou dans les dettes, ce qui n’était pas le cas dans les années 1930.”

“L’intervention massive des gouvernements pour sortir de la crise par le biais d’énormes emprunts et du financement des déficits s’avère futile. 

Par exemple, en 1982, l’Etat a fourni 30% des besoins totaux dans l’économie des Etats-Unis et du Japon. 

En Allemagne et en France, l’Etat a fourni 46% des exigences et, en Hollande, 60%. 

Ils ont épuisé toutes les théories de l’arsenal du capitalisme, qu’elles soient keynésiennes, ‘socialistes’, néo-keynésiennes, ou qu’elles préconisent le marché libre. 

Par conséquent, le scénario qui s’en dégage serait encore plus horrible que celui des années 1930. Ceci montre également à quel point étaient fragiles, instables et illusoires les fondements de la ‘longue période de 18 années de prospérité’ qu’avaient provoquée la guerre, l’intervention de l’Etat et le développement de la dette jusqu’en 1973.”

La CGC affecte tous les secteurs de la vie – l’économie, la politique, l’environnement et l’idéologie, et depuis 1973, elle accentue toutes les contradictions fondamentales du monde.

Le rapport du parti de 1992 a résumé les développements des deux dernières décennies dans le contexte de la CGC: “C’est dans le contexte de cette évolution si pénible de la crise générale du capitalisme que l’on doit analyser les changements profonds qui se produisent au sein de la politique mondiale, et tout spécialement dans l’effondrement du statut de super-Etat de l’Union soviétique et de sa désintégration politique; les développements en Europe de l’Est et en Chine; l’affaiblissement de la superpuissance américaine; la naissance d’autres puissances impérialistes; l’agression impérialiste croissante contre les pays du tiers-monde; le danger d’une guerre mondiale et la situation révolutionnaire qui gagne en intensité dans le monde d’aujourd’hui.”

Les différentes phases de la crise générale du capitalisme

Les phases de la CGC ont été mentionnées par le camarade Staline en avril 1952. 

On a dit que la première phase avait commencé avec la Première Guerre mondiale et la seconde phase avec la Seconde Guerre mondiale.

“La crise générale du système capitaliste mondial a commencé lors de la Première Guerre mondiale, en particulier avec la séparation de l’Union soviétique vis-à-vis du système capitaliste. 

Cela a constitué un premier stade dans la crise générale. Une seconde phase dans la crise générale s’est développée lors de la Seconde Guerre mondiale, spécialement après que les démocraties populaires de l’Europe et de l’Asie se furent retirées du système capitaliste. 

La première crise, au cours de la période de la Première Guerre mondiale, et la seconde crise, au cours de la période de la Seconde Guerre mondiale, ne doivent pas être considérées comme des crises séparées et indépendantes, mais comme des stades successifs du développement de la crise du système capitaliste mondial.”13

La première phase de la CGC a duré jusqu’en 1923, lorsque la première fournée de révolutions mondiales a été réprimée et que le capitalisme a été en mesure de se stabiliser temporairement.

Cela a été correctement signalé dans notre rapport du parti de 1984.

“Après 1917, une vague révolutionnaire s’est poursuivie durant cinq ou six années environ. 

Ensuite, l’impérialisme a eu les coudées plus franches et a commencé à supprimer les mouvements révolutionnaires dans les pays capitalistes ainsi que la vague de soulèvements dans les colonies.”

“Par conséquent, une fois que l’impérialisme s’était retrouvé empêtré dans une crise générale (permanente) et impliqué dans une guerre mondiale, suite au développement accru de ses contradictions générales, et au moment où était apparue la première fournée de vagues révolutionnaires dans différents pays, la première phase de crise permanente de l’impérialisme était passée.” (p.12)

Après les six années de stabilisation qui se sont écoulées entre la fin de 1923 et octobre 1929, le monde a été plongé dans une nouvelle crise grave qui a débouché en une décennie exactement sur la Seconde Guerre mondiale. C’est donc ainsi qu’a commencé la seconde phase de la CGC. 

Au cours de la période de quinze ans séparant les deux phases, la CGC a continué à sévir et à s’intensifier, aiguisant par là toutes les contradictions inhérentes du capitalisme.

Au vu de la durée de la seconde phase, on rencontre différentes opinions parmi les marxistes-léninistes.

La conception générale des marxistes-léninistes au cours des années qui ont immédiatement suivi la Seconde Guerre mondiale était que la seconde phase allait continuer jusqu’à l’effondrement total de l’impérialisme. 

Comme nous l’avons vu plus tôt, toute stabilisation du capitalisme, quelque partielle, relative et temporaire qu’elle puisse être, a été réfutée par le camarade Staline. C’est ce qui a provoqué une grande vague de confusion quant à la durée de la seconde phase et au commencement de la troisième phase de la CGC.

Dans notre rapport du parti pour l’année 1984, nous avons mentionné que le second stade s’était terminé en 1975 et qu’un troisième stade de la CGC lui avait succédé immédiatement.

“En pratique, une vague révolutionnaire s’est répandue à travers le monde jusqu’en 1975. 

Au lieu d’une seule zone révolutionnaire, un système socialiste composé de plusieurs zones est apparu. 

Par conséquent, la seconde phase de la CGC, et consécutive à celle-ci, la phase de la seconde vague de révolutions qui s’était répandue travers le monde, était terminée.” (p.30)

“Même lorsque l’offensive de la seconde vague de révolution mondiale a temporairement marqué le pas à partir de 1975, on n’a même pas assisté à une stabilisation relative du système capitaliste; en fait, parce que la situation a continué à s’aggraver tout au long de la troisième phase de la crise générale, et qu’on a assisté à un mûrissement de la situation révolutionnaire, la vague future de cette troisième fournée de révolutions est en train de bouillonner profondément partout, et la situation ressemble tout à fait au calme qui précède la tempête.” (p.64)

Notre conclusion selon laquelle la troisième phase de la CGC avait commencé en 1975 était basée sur la certitude qu’une troisième Guerre mondiale était imminente et qu’une telle guerre allait invariablement donner naissance à une troisième fournée de révolutions.

“Avec l’impérialisme enfoncé jusqu’au cou dans la troisième phase de la crise générale, et l’arrivée imminente d’une troisième guerre mondiale désastreuse, nous devons nous efforcer de transformer la défaite temporaire subie par la révolution socialiste mondiale en victoire et en marche vers l’avant. 

A cette fin, les peuples opprimés de la terre entière devraient être mobilisés et préparés sous la direction de la classe ouvrière. 

C’est la principale tâche à laquelle chaque parti communiste est confronté de nos jours. 

Si nous pouvons consciemment préparer le parti et le peuple à épauler cette tâche, alors, au cours de la troisième phase de la crise générale, qui est amenée à provoquer une troisième fournée toujours plus intense de vague révolutionnaire, plus aiguë encore que les deux précédentes, nous pourrons obtenir de grandes victoires correspondant à la grande vague du futur.”(p.73-74)

En anticipant sur la guerre mondiale, nous avons établi les tactiques à adopter à la fois en cas de présence et en cas d’absence de bases socialistes capables de tenir compte des expériences des deux guerres mondiales.

Nous avons considéré la fin de la guerre en Indochine et la retraite de l’impérialisme américain comme l’achèvement de la seconde phase de la CGC. 

Strictement parlant, le Komintern a utilisé le mot phase pour décrire une crise révolutionnaire à l’échelle du monde, et plus spécialement une crise révolutionnaire englobant une partie significative du camp impérialiste. 

C’est pourquoi, lors de la défaite en 1923 des révolutions qui avaient éclaté en Europe, on a dit que la première phase de la CGC avait été réalisée, en dépit du fait que la situation révolutionnaire ainsi que la crise allaient s’intensifiant dans la plupart des colonies et des semi-colonies, et ce, même pendant et après la stabilisation temporaire du capitalisme. 

Dans ce sens, on peut estimer que la seconde phase de la CGC s’est terminée vers le milieu des années 1950, lorsque les pays impérialistes les plus importants se sont en gros rétablis des ravages de la Seconde Guerre mondiale et lorsque la crise révolutionnaire dans ces pays s’est tassée. 

Ceci a été souligné dans le rapport du parti de 1992:

“Au milieu des années 1950, toutes les puissances impérialistes importantes ont surmonté le problème des pénuries et se sont stabilisées avec l’aide des impérialistes américains. 

Après avoir rattrapé les niveaux d’avant-guerre vers le milieu des années 1950, leurs économies ont commencé à se développer rapidement pendant la décennie et demie qui a suivi, pour en fin de compte plonger dans une crise économique mondiale prolongée et ce, à partir des années 1970. 

Les facteurs qui ont conduit à l’expansion économique durant 18 longues années, ont été épuisés vers le début des années 1970, donnant naissance à une intensification de la CGC et la rendant encore plus sévère qu’elle ne l’avait jamais été dans le passé. 

L’apparition de l’Union soviétique et de l’Europe de l’Est en tant que rivaux impérialistes forts du marché mondial a aussi contribué à l’intensification de la crise générale.” (p.10)

Dans la plupart des pays du tiers-monde, naturellement, la crise révolutionnaire s’est poursuivie, étant donné qu’ils étaient opprimés par l’impérialisme, que ce soit par une domination directe ou indirecte par le biais des méthodes néo-coloniales. 

L’existence d’une situation révolutionnaire dans le tiers-monde – un trait qui l’a caractérisé tout au long de l’ère impérialiste – est en soi insuffisante pour déterminer une nouvelle phase de la CGC. 

Les luttes dans les pays du tiers-monde sont amenées à affaiblir l’impérialisme et à déboucher sur une intensification de la CGC, comme cela s’est produit au début des années 1970.

La crise économique mondiale dispose de toutes les potentialités pour se transformer en troisième phase de la CGC, c’est-à-dire en une crise révolutionnaire intense dans une partie considérable du camp impérialiste.

Comme l’expliquait le rapport du parti en 1992: “La crise économique qui, depuis 1973, se produit en tant que composante de la crise générale du capitalisme apparue en 1914, est la plus longue de l’histoire mondiale. 

En fait, la crise économique actuelle avait commencé à la fin des années 1960 en Amérique et, en 1973, elle s’était étendue au reste du monde. 

Comme elle a éclaté sous les conditions de la crise générale du capitalisme, lorsqu’il s’est avéré impossible pour le capitalisme de regagner la force et la stabilité qu’il avait avant la Première Guerre mondiale et la Révolution d’Octobre, la crise actuelle n’est pas simplement limitée dans les secteurs de la production et du commerce. 

Elle a aussi affecté le système financier, le secteur des services, les accords sur la dette, les échanges avec l’étranger, etc. Elle a également intensifié les contradictions régnant dans les sphères sociales et politiques.” (p.8)

Il est vrai que les deux stades de la CGC étaient en rapport avec les guerres mondiales et, en particulier, avec la rupture de certains pays avec le système capitaliste mondial. 

Mais il serait faux de déduire de ceci que les stades de la CGC devraient invariablement être associés aux guerres mondiales ou avec la rupture de certains pays avec le système capitaliste mondial. 

Sans aucun doute, une guerre mondiale fournira inévitablement des ouvertures révolutionnaires pour la prise du pouvoir par le prolétariat en créant une crise révolutionnaire intense dans les pays impérialistes importants. 

Cela conduira, par conséquent, à une aggravation de la CGC et précipitera l’effondrement du capitalisme. 

Le succès des révolutions ne dépend pas simplement de la précipitation d’une crise révolutionnaire, mais de la question de savoir si oui ou non les partis révolutionnaires (les forces subjectives) ont été suffisamment entraînées et nourries de la théorie et des tactiques marxistes-léninistes pour tirer parti avec succès de la crise révolutionnaire qui se développe dans le sillage de la guerre.

Les deux stades décrits par Staline ont été des périodes d’intense crise révolutionnaire et si les forces subjectives avaient été suffisamment entraînées et préparées, la révolution socialiste mondiale aurait pu aboutir. 

Le point essentiel lorsqu’on définit un stade de la CGC est donc l’apparition d’une crise révolutionnaire à l’échelle mondiale. 

La rupture d’un ou de plusieurs pays avec le système capitaliste mondial, comme cela s’est produit durant les deux stades au cours des deux guerres mondiales, est une conséquence, et non une cause, de l’aggravation de la CGC. 

Alors qu’un tel développement mène à une aggravation de la CGC, il est également possible que la défaite des révolutions dans la plupart des parties du monde, à cause de plusieurs facteurs historiques (les plus importants étant la faiblesse des forces subjectives et la force des opportunistes dans les rangs du prolétariat) puisse donner naissance à un équilibre temporaire dans la balance à l’échelle mondiale des forces de classes, et à une stabilisation temporaire du capitalisme.

Une crise révolutionnaire de niveau mondial peut se produire non seulement à partir d’une guerre mondiale, mais aussi d’une grande crise économique et de l’effondrement et de la ruine, sur le plan financier, de quelques économies capitalistes majeures. 

Quelle que soit la cause, le critère important pour déterminer si une nouvelle phase de la CGC a commencé ou pas est de définir si oui ou non une crise révolutionnaire intense à l’échelle mondiale est apparue et si oui ou non il y a un affaiblissement objectif des mécanismes de l’Etat dans les pays impérialistes majeurs.

Depuis la fin des années 1980, une crise révolutionnaire a régné dans les anciens pays du bloc soviétique où le pouvoir d’Etat s’est affaibli considérablement. 

Mais la crise révolutionnaire est principalement confinée à ces pays et n’a pas acquis le caractère d’une crise révolutionnaire à l’échelle mondiale. 

Si la crise révolutionnaire s’étend à une partie considérable du reste du monde capitaliste, nous pouvons dire qu’un troisième et nouveau stade de la CGC a commencé. 

A en juger par la cadence à laquelle la crise économique se déroule à présent, nous pouvons certainement dire que nous sommes à la veille d’un nouveau stade de la CGC, à la veille d’un troisième cycle de révolutions. 

Que cette situation dure une autre période de cinq ans ou de dix ans, voilà qui est bien malaisé à prédire.

La stabilisation relative du capitalisme et son impact sur les luttes révolutionnaires du peuple

Comme nous l’avons vu dans ce qui précède, la première phase de la CGC, qui a commencé avec la Première Guerre mondiale, a donné naissance à une crise révolutionnaire de dimension mondiale. 

Le monde capitaliste entier a été secoué par des soulèvements sociaux violents. 

En 1917, la Russie s’est scindée du camp impérialiste et est séparée le premier pays socialiste. 

Au cours de la guerre mondiale, la crise révolutionnaire était si aiguë dans les pays capitalistes qu’une action révolutionnaire décisive menée par le prolétariat aurait mené à bien les révolutions dans plusieurs pays d’Europe qui, à leur tour, se seraient également étendues à d’autres parties du monde. 

C’était de la faute de la trahison des partis social-démocrates dans des pays comme l’Allemagne, l’Italie, la Hongrie, l’Autriche, la France, la Grande-Bretagne, etc., à travers leur slogan de “défense de la patrie”, que les travailleurs ont été désarmés et n’ont pas été à même de saisir le pouvoir de l’Etat.

La crise révolutionnaire s’est poursuivie même après la guerre mondiale. En Europe centrale et de l’Est, il y a eu de sévères pénuries de nourriture et de matières premières, au cours de l’immédiat après-guerre. 

En Allemagne, l’ancien régime avait été renversé en novembre 1918. L’effondrement de la machine d’Etat suite à la défaite de l’Allemagne dans la guerre porta le pouvoir aux mains du prolétariat.

En Italie, les usines avaient été occupées par les travailleurs en septembre 1920. C’était le point culminant de la vague de luttes partielles et de manifestations qui avaient eu lieu en 1919-1920.

En Autriche, l’ordre bourgeois avait été maintenu et la révolution des travailleurs anéantie par le parti social-démocrate sous Otto Bauer qui avait formé un gouvernement de coalition avec les partis bourgeois entre 1918 et 1920.

En Hongrie, une république soviétique fut établie en 1919: elle dura 7 mois.

En Pologne et en Bulgarie aussi, le mouvement révolutionnaire battait son plein.

Ce fut la défaite des révolutions prolétariennes en Europe, défaite due principalement à l’attitude traîtresse de la social-démocratie, qui permit la stabilisation temporaire du capitalisme.

La stabilisation temporaire du capitalisme dans la foulée de la Première Guerre mondiale a pu s’opérer grâce aux quatre facteurs suivants:

  1. Le premier a été la guerre civile ouverte et la guerre contre-révolutionnaire menée contre la Russie, la Terreur Blanche en Hongrie, en Pologne, etc. 

    La défaite des révolutions en dehors de la Russie a contribué directement à la stabilisation du capitalisme.
  2. Le second facteur a été la social-démocratie et l’accord de concessions temporaires aux travailleurs. 

    La social-démocratie a été utilisée comme principale arme par le capitalisme pour sa propre reconstruction après la Seconde Guerre mondiale. 

    Confrontée à la menace des révolutions prolétariennes, auxquelles la bourgeoisie avait été incapable de s’opposer en un conflit direct, cette même bourgeoisie a conspiré pour distraire l’attention des travailleurs en faisant semblant de leur rendre les sièges du pouvoir par la formation de gouvernements de coalition avec les partis sociaux-démocrates et en accordant un certain nombre de concessions telles que des augmentations salariales, des diminutions de la journée de travail, des promesses de nationalisation et de socialisation, etc. 

    Toutes ces mesures, naturellement, ont été supprimées au moment où la bourgeoisie a du la consolider sa mainmise sur l’Etat.
  3. Le troisième facteur qui a contribué à la reconstruction du capitalisme a été l’utilisation des colossales réserves du capitalisme américain. Les prêts et crédits américains versés en Europe pour redresser et reconstruire l’édifice ébranlé du capitalisme européen. 

    C’est sur cette base qu’a eu lieu la restauration de l’or en tant qu’étalon.
  4. Le quatrième facteur dans la réalisation de la stabilisation partielle du capitalisme a été l’exploitation encore plus intensive des colonies.

Expliquant le sens de “stabilisation”, le camarade Staline disait: “La stabilisation est la consolidation d’une position donnée et son développement ultérieur. Le capitalisme mondial non seulement ne s’est pas conforté lui-même dans sa position actuelle, il continue à se développer et se développe encore, étendant sa sphère d’influence et accroissant sa richesse. 

Il est erroné de dire que le capitalisme ne peut se développer, que la théorie du déclin du capitalisme avancée par Lénine dans son Impérialisme exclut le développement du capitalisme. 

Lénine a complètement prouvé dans son pamphlet L’impérialisme que la croissance du capitalisme ne supprime pas, mais qu’elle présuppose et prépare le déclin progressif du capitalisme.”14

Plus loin, Staline faisait encore remarquer: “Les nouvelles caractéristiques qui se sont révélées dernièrement, et qui ont marqué de leur empreinte la situation internationale, sont que la révolution en Europe a commencé à refluer, qu’une certaine accalmie s’est installée, que nous pouvons appeler la stabilisation temporaire du capitalisme, alors que, dans le même temps, le développement économique et la puissance politique de l’Union soviétique connaissent un accroissement.”

“Le fait que la révolution en Europe ait commencé à refluer signifie-t-il que la thèse de Lénine concernant une nouvelle époque, l’époque de la révolution mondiale, ne s’avère plus valable? Cela signifie-t-il que la révolution prolétarienne en Occident ait été reportée?”

“Pas du tout. L’époque de la révolution mondiale est un nouveau stade de la révolution, c’est toute une période stratégique, qui dure depuis un certain nombre d’années, peut-être même un certain nombre de décennies. Au cours de cette période, il peut y avoir et il y a certainement des flux et reflux de la révolution.”15

La stabilisation opérée par le capitalisme n’était cependant que relative, partielle et temporaire. Elle a servi de base à l’éclatement d’une crise plus aiguë.

Faisant remarquer la nature temporaire de la stabilisation capitaliste et comment elle conduira inévitablement au durcissement de toutes les contradictions fondamentales, le camarade Staline écrivait:

“La stabilisation sous le capitalisme, tout en renforçant temporairement le capital, conduit en même temps inévitablement à une aggravation des contradictions du capitalisme: a) entre les groupes impérialistes des divers pays; b) entre les travailleurs et les capitalistes de chaque pays; c) entre l’impérialisme et les peuples de tous les pays coloniaux.”16

“Le VIe Congrès du Komintern en 1928 a également expliqué ceci en ces termes: L’intensification de tous les antagonismes internationaux (…) va inévitablement conduire – via les développements ultérieurs des contradictions de la stabilisation capitaliste – à une précarité accrue de la stabilisation capitaliste et à la sévère intensification de la crise générale du capitalisme.”17

C’est en mars 1925 que le Komintern a formulé pour la première fois l’affirmation selon laquelle le capitalisme était en phase de “stabilisation partielle, relative et temporaire”. 

A cette époque, les Etats-Unis entraient dans une période de prospérité industrielle et on assistait à une reprise considérable en France et en Grande-Bretagne. 

En Allemagne, la clé de la situation européenne, l’industrie reprenait et la situation financière s’améliorait, surtout grâce au plan américain de Dawes, avec ses subsides se chiffrant à quelque 800 millions de marks-or.

Dans l’analyse du Komintern, la reprise du capitalisme n’était que partielle et ne pouvait pas durer. 

Elle concluait que l’Europe traversait une période d’accalmie située entre deux vagues révolutionnaires et qu’il ne pouvait y avoir de reprise permanente du capitalisme dans la période de crise générale et de révolution prolétarienne.

L’économiste marxiste-léniniste russe Varga, dans son rapport au Ve Congrès du Komintern en 1925, expliquait comment la CGC était en train de faire éclater le système. 

A l’époque, les Etats-Unis se trouvaient au point culminant de leur prospérité.

Varga avait scientifiquement prédit que la vague de prospérité allait immanquablement faire place à une crise économique plus profonde. 

La prévision s’était avérée exacte moins de 5 ans plus tard avec le krach de Wall Street en 1929.

Le Ve Congrès faisait également ressortir que les capitalistes pratiquaient à la fois une politique de terrorisme et de distribution parcimonieuse de concessions de moindre importance, du fait de leur état de faiblesse et de leur incapacité de gouverner comme par le passé.

Les social-démocrates, les opportunistes et autres réactionnaires dans le monde entier tendirent en vain à interpréter la formulation ci-dessus comme un aveu du Komintern selon lequel la révolution était morte. 

Ils affirmaient que le système capitaliste s’était remis de la crise de l’après-guerre et que le vague de prospérité économique allait durer pour toujours.

Même à l’intérieur du Komintern, il n’existait pas un accord unanime quant à la formulation de la “stabilisation”. 

Certains comme Zinoviev pensaient que la stabilisation du capitalisme écartait la possibilité d’une révolution immédiate et que les partis communistes ne pouvaient adopter des tactiques révolutionnaires.

Réfutant cela, le camarade Staline dit dans son discours au Plénum commun du comité central et de la commission centrale de contrôle du PCUS, en août 1927: “Zinoviev pense qu’une fois qu’il y a stabilisation, la cause de la révolution est perdue. 

Il ne comprend pas que la crise du capitalisme et la préparation de son sort se développent comme une résultante de la stabilisation. 

N’est-ce pas un fait que le capitalisme a récemment perfectionné et nationalisé sa technique et qu’il a produit une masse considérable de marchandises qui n’arrivent pas à être vendues? 

N’est-ce pas un fait que les gouvernements capitalistes adoptent de plus en plus des caractéristiques fascistes, attaquent la classe ouvrière et renforcent temporairement leurs propres positions? 

Ces fait impliquent-ils que la stabilisation soit devenue durable? 

Bien sûr que non! Au contraire, ce sont des faits qui tendent à aggraver la crise présente du capitalisme mondial, crise considérablement plus profonde que la crise qui a précédé la dernière guerre impérialiste.”

“Le fait même que les gouvernements capitalistes sont en train d’adopter des caractéristiques fascistes tend à aggraver la situation interne dans les pays capitalistes et donne naissance à l’action révolutionnaire par les travailleurs (Vienne, Grande-Bretagne).”

“Le fait même que le capitalisme rationalise sa technique et qu’il produit une quantité considérable de marchandises que le marché ne peut absorber, ce fait même tend à intensifier à l’intérieur même du camp capitaliste la lutte pour les marchés et pour les domaines propices à l’exportation de capitaux et conduit à la création des conditions favorables à une nouvelle guerre, à une nouvelle redistribution du monde.”18

Cette remarquable prédiction du camarade Staline s’est confirmée avec un effet dévastateur deux années plus tard seulement, lorsque le monde entier a été plongé dans la crise économique la plus catastrophique, celle qui éclata en 1929, qui conduisit à une crise révolutionnaire dans le monde entier.

Prévoyant une telle crise, le camarade Staline avait encouragé les révolutionnaires communistes en Europe et dans d’autres pays capitalistes pour qu’ils réorganisent leurs partis et qu’ils les bolchevisent en préparation de la crise. 

Au cours de la période de stabilisation partielle et relative, la tâche des partis communistes dans les pays impérialistes ne consistait pas à s’endormir dans l’inaction et dans un glissement rétrograde vers les tactiques prérévolutionnaires, mais de se préparer eux-mêmes à la nouvelle crise révolutionnaire qui menaçait: “La nouvelle caractéristique spécifique de la position actuelle des partis communistes des pays capitalistes est que la période du flux de la marée révolutionnaire a fait place à une période de reflux, une période d’accalmie. 

La tâche consiste à tirer parti de la période d’accalmie que nous subissons pour renforcer les partis communistes, les bolcheviser, les transformer en véritables partis de masse en s’appuyant sur les syndicats, pour rallier les éléments travaillistes au sein des classes non prolétariennes, avant tout parmi la paysannerie, autour du prolétariat, et enfin, pour éduquer les prolétaires dans l’esprit de la révolution et de la dictature du prolétariat.”19

En ce qui concerne les pays coloniaux, Staline concluait en mai 1925 qu’ils étaient au seuil de leur 1905 et qu’une relative stabilisation du capitalisme n’avait abouti qu’à une augmentation en nombre et en force du prolétariat dans ces pays, et que la crise révolutionnaire se développait: “… du fait de l’augmentation des exportations de capitaux des pays développés vers les pays arriérés, augmentation encouragée par la stabilisation du capitalisme, le capitalisme dans les pays coloniaux se développe et continuera à se développer à un taux rapide, en démantelant les anciennes conditions politiques et sociales et en en installant de nouvelles;”

“… le prolétariat dans ces pays se développe et va continuer à le faire dans des proportions rapides;”

“… le mouvement ouvrier révolutionnaire et la crise révolutionnaire dans les colonies se développent et continueront à se développer.”20

En ce qui concerne les tâches immédiates des partis communistes dans les colonies et semi-colonies au cours de la période de stabilisation partielle, il faisait remarquer: “Par conséquent, la tâche des éléments communistes dans les pays coloniaux est de s’associer avec les éléments révolutionnaires de la bourgeoisie et par-dessus tout avec la paysannerie, contre le bloc de l’impérialisme et les éléments compromettants de ‘leur propre’ bourgeoisie, afin de mener, sous la direction du prolétariat, une lutte essentiellement révolutionnaire pour la libération du joug de l’impérialisme.”

“Il s’ensuit une seule conclusion: un certain nombre de pays coloniaux sont actuellement en vue de leur 1905.”

“La tâche est d’unir les éléments progressistes des travailleurs dans les pays coloniaux en un seul parti communiste qui sera capable de diriger la révolution occupée à se développer.”21

En fait, au cours de la période de stabilisation partielle, il n’y a pas eu reflux du mouvement révolutionnaire dans les colonies et semi-colonies, et cela contraste avec ce qui s’est passé dans les pays capitalistes occidentaux. 

Car la stabilisation elle-même s’opéra en grande partie par le biais d’une exploitation plus intense des colonies et des semi-colonies. 

Les peuples oppressés résistèrent, naturellement.

En Chine, sous la direction du PCC, plusieurs soulèvements populaires ont eu lieu durant la période même de stabilisation relative du capitalisme. 

En Inde, en Egypte, en Indonésie, en Indochine et partout ailleurs, l’on a assisté à une poussée des mouvements populaires, le plus remarquable parmi ceux-ci étant l’insurrection indonésienne de 1926.

Dans la toute première année de stabilisation relative, un mouvement massif de grève balaya l’Egypte et la Tunisie. 

La révolte du Rif au Maroc s’était poursuivie jusqu’en 1926, et des poches isolées de résistance armée contre les colonialistes français et espagnols tinrent bon jusqu’au début des années 1930. En Libye, la guerre de libération contre les colonialistes ltaliens, commencée en 1911, s’était poursuivie avec de brèves interruptions jusqu’en 1932. 

On a également assisté à des insurrections en Somalie italienne, au Tchad, au Moyen-Congo, au Cameroun français et en Angola, ainsi qu’à des grèves en Sierra Leone, au Mozambique et à Madagascar, pour ne mentionner que quelques-uns des événements révolutionaires qui eurent lieu en Afrique tropicale durant la stabilisation relative du capitalisme.

La stabilisation relative et temporaire du capitalisme est donc à mettre en parallèle avec l’équilibre relatif et temporaire des rapports de force de classe et, par conséquent, avec une baisse de régime temporaire du mouvement révolutionnaire dans les pays capitalistes. 

En aucune façon, elle n’implique une accalmie du mouvement révolutionnaire dans les colonies et les semi-colonies.

Lors de son Sixième Congrès en 1928, lorsque le capitalisme était à l’apogée de sa prospérité, le Komintern expliquait les raisons qui pouvaient détruire le système impérialiste mondial: “Le système impérialiste mondial, et avec celui-ci la stabilisation partielle du capitalisme, se corrode pour diverses raisons: tout d’abord, les antagonismes entre les Etats impérialistes; deuxièmement, la lutte croissante d’importantes masses dans les pays coloniaux; troisièmement, l’action du prolétariat révolutionnaire dans les patries de l’impérialisme; et enfin, l’hégémonie exercée sur tout le mouvement révolutionnaire mondial par la dictature du prolétariat en URSS.

La révolution internationale est occupée à se développer. Contre cette révolution, l’impérialisme rassemble ses forces. Des expéditions contre les colonies, une nouvelle guerre mondiale ou une campagne contre l’URSS, sont des problèmes qui figurent maintenant à l’avant-plan dans la politique de l’impérialisme. Ceci doit déboucher sur la mise en action de toutes les forces de la révolution internationale et doit concourir à la faillite inévitable du capitalisme.”22

La brillante analyse marxiste réalisée par le Sixième Congrès (avec à sa base le camarade Staline), qui prévoyait un accroissement des crises économiques, de grandes luttes de classe, des guerres impérialistes et des révolutions, a été confirmée de façon dévastatrice avec le développement de la grande crise économique de 1929, la victoire du fascisme hitlérien en 1933, l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale en 1939 et la série de révolutions prolétariennes qui se sont produites dans le sillage de la guerre mondiale.

De grands changements historiques se sont produits dans la situation mondiale et dans l’équilibre des forces au niveau des classes dans la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. La désintégration de l’unique marché mondial qui recouvrait tous les secteurs et l’apparition d’un nouveau marché mondial socialiste parallèle; la fin de l’ancien système colonial de domination impérialiste directe; la ruine et la dévastation, conduisant à une paralysie virtuelle, des économies de toutes les puissances impérialistes hostiles à l’URSS, etc., ont été des changements momentanés qui ont donné naissance à une nouvelle situation mondiale. 

La sphère d’exploitation des ressources mondiales par les pays impérialistes principaux s’est rétrécie au cours des années qui ont immédiatement suivi la Seconde Guerre mondiale. 

Ces développements avaient conduit Staline à la conclusion qu’il ne pouvait à nouveau y avoir de stabilité relative du capitalisme au cours du déroulement de la CGC. 

Il faisait remarquer dans ses Problèmes économiques du socialisme en URSS en février 1952 ce qui suit: “Le résultat économique le plus important de la Seconde Guerre mondiale, avec ses répercussions sur l’économie, a été la désagrégation du marché mondial, unique, universel. 

Ce qui a déterminé l’aggravation ultérieure de la crise générale du système capitaliste mondial.”

“Mais il s’ensuit que la sphère d’exploitation des ressources mondiales par les principaux pays capitalistes (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France) n’ira pas en s’élargissant mais en se rétrécissant, que les conditions de débouché sur le marché mondial s’aggraveront pour ces pays et que la sous-production des entreprises y augmentera. 

C’est en cela que consiste précisément l’aggravation de la crise générale du système capitaliste mondial, à la suite de la désagrégation du marché mondial.”

“C’est ce que constatent les capitalistes, car il est difficile pour eux de ne pas ressentir la perte de marchés tels que l’URSS et la Chine. 

Ils s’attachent à remédier à ces difficultés par le ‘plan Marshall’, par la guerre en Corée, par la course aux armements, par la militarisation de l’industrie. 

Mais cela ressemble fort au noyé qui s’accroche à un brin de paille.”

“Devant cette situation, deux problèmes se posent aux économistes:

  1. Peut-on affirmer que la thèse bien connue de Staline sur la stabilité relative des marchés en période de crise générale du capitalisme, thèse formulée à la veille de la Seconde Guerre mondiale, soit toujours valable?
  2. Peut-on affirmer que la thèse bien connue, formulée par Lénine au printemps 1916, selon laquelle, malgré sa putréfaction, dans l’ensemble le capitalisme se développe infiniment plus vite qu’auparavant, soit toujours valable?”

“Je pense qu’on ne saurait l’affirmer. Etant donné les nouvelles conditions dues à la Seconde Guerre mondiale, il faut considérer les deux thèses comme n’étant plus valables.”23

Ces lignes du camarade Staline ont engendré beaucoup de controverses et ont servi de sujet à de nombreuses discussions parmi les marxistes-léninistes. Certains ont considéré ces lignes comme étant littéralement la synthèse finale de la situation au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. 

Une vue dogmatique a prévalu et prévaut toujours parmi certains partis marxistes-léninistes selon laquelle la production dans le monde capitaliste dans l’ensemble n’atteindra jamais son point culminant d’avant la guerre à cause du rétrécissement de la sphère d’exploitation des ressources mondiales par les pays capitalistes les plus importants, rétrécissement résultant de la perte, dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale, de vastes marchés de premier plan comme la Chine et l’Europe de l’Est. 

De là provient le fait qu’ils ne reconnaissent même pas une stabilisation partielle et temporaire du capitalisme après la Seconde Guerre mondiale et qu’ils pensent qu’il ne peut y avoir de développement du capitalisme dans sa phase de déclin consécutive à la Seconde Guerre mondiale. 

Ils refusent de voir les changements qui ont pris place après le décès du camarade Staline: les importantes augmentations de la production qui ont eu lieu dans virtuellement chaque pays capitaliste; le rôle de l’hégémonie américaine, quelque branlante qu’elle puisse avoir été, en fournissant une stabilité temporaire au monde capitaliste dans son ensemble jusqu’au début des années 1970; un marché entre les diverses puissances impérialistes sous l’hégémonie des Etats-Unis – une trève temporaire – afin de combattre et de contenir la progression du “spectre” du communisme; le recours aux guerres régionales qui n’en finissent pas; la course aux armements, les guerres d’agression contre la Corée, le Vienam, le Laos, le Cambodge, etc., et la guerre froide contre les Etats capitalistes bureaucratiques dégénérés de l’URSS et de l’Europe de l’Est; tout cela, en créant une demande constante de moyens de consommation et, plus grave, de moyens de destruction, a aidé le capitalisme à surmonter partiellement et temporairement sa crise (on estime que les pertes en forces productives dues aux guerres régionales après la Seconde Guerre mondiale excèdent de loin les pertes encourues durant la Seconde Guerre elle-même); le rôle de l’Etat en créant une demande effective dans quasiment chaque pays du monde au lendemain de la Seconde Guerre mondiale; le rôle de la dette auprès des consommateurs individuels, des entreprises et de chaque gouvernement pour gonfler artificiellement la production en créant une demande pour les produits; le développement de la spéculation, des services et des secteurs non productifs pour résoudre les problèmes d’excédents de fabrication; l’échec du prolétariat de n’avoir pu réaliser la Nouvelle Révolution Démocratique dans les colonies et les semi-colonies et, par conséquent, l’apparition et la consolidation de régimes fantoches ou compradores dans presque tous les pays du tiers-monde, en conséquence de quoi l’impérialisme continue de sucer le sang des peuples du tiers-monde via des méthodes néo-coloniales, et, finalement, la dégénérescence du camp socialiste lui-même après le décès du camarade Staline et sa réintégration graduelle dans un marché mondial unique. 

Chacun de ces facteurs joua un rôle dans la mise sur pied d’une stabilisation partielle, temporaire et relative du capitalisme à partir du milieu des années 1950 jusqu’en 1973.

Durant cette période, il y a eu une accalmie générale des mouvements révolutionnaires dans les pays capitalistes (hormis une vague de révoltes estudiantines à la fin des années 1960). 

Mais, dans les colonies et les semi-colonies, les mouvements révolutionnaires ont continué à subir des coups durs durant cette période, exactement comme durant la période de la stabilisation partielle de 1924 à 1929. 

La guerre d’agression des Etats-Unis contre l’Indochine, et spécialement la guerre du Vietnam, a connu une défaite ignominieuse des mains du peuple héroïque. Le peuple cubain a rejeté le joug de l’impérialisme en 1959.

En 1968, l’impérialisme a été forcé de mettre fin à une domination coloniale directe dans environ quarante pays d’Afrique.

Résumons: alors que la stabilisation relative du capitalisme a des implications directes sur les luttes dans les pays impérialistes, débouchant sur une accalmie temporaire dans le mouvement révolutionnaire, elle n’exerce pas le même impact sur les luttes des pays du tiers-monde. 

On ne devrait cependant pas perdre de vue qu’une intensification de la CGC, un durcissement de la contradiction inter-impérialiste et la contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie dans les pays impérialistes joueront un rôle en tant que facteur favorable aux révolutions dans les pays du tiers-monde.

L’intensification des contradictions entre les diverses puissances impérialistes et particulièrement la rivalité aiguë et la contestation entre les deux superpuissances pour l’hégémonie mondiale, combinées avec le début d’une longue période de crise économique mondiale qui a commencé au début des années 1970, ont créé des conditions favorables pour les mouvements révolutionnaires, non seulement dans les pays du tiers-monde, mais également dans les pays capitalistes eux-mêmes. 

La fin de la guerre froide et l’effondrement de la superpuissance soviétique a encore accentué les contradictions inter-impérialistes dans les années 1990. 

La crise actuelle dans l’économie mondiale qui a lieu sous les conditions de la CGC ne permet pas au capitalisme de se stabiliser dans un futur immédiat. Au contraire, elle est amenée à durcir davantage encore les contradictions fondamentales au sein du monde actuel. 

Mais nous devrions garder à l’esprit l’observation du camarade Lénine selon laquelle il n’existe pas pour le capitalisme quelque chose qui ressemble à une situation absolument désespérée.

Situation révolutionnaire et crise révolutionnaire

Dans la littérature marxiste, nous découvrons souvent que ces deux expressions – situation révolutionnaire et crise révolutionnaire – sont parfois utilisées l’une pour l’autre. 

Comme cela peut provoquer certaines confusions, il vaut mieux opérer une distinction entre les deux.

Lénine a défini l’impérialisme comme la veille de la révolution socialiste. Cela signifie qu’avec l’avènement de l’impérialisme, les conditions objectives pour le socialisme ont mûri et qu’il était du devoir du prolétariat de former et de développer des partis communistes partout, de se lier avec les larges masses du peuple et de préparer le peuple à une prise révolutionnaire du pouvoir au cours des périodes de crise révolutionnaire. 

Une situation révolutionnaire est apparue dans le monde avec l’avènement de l’impérialisme et le début de la CGC. 

Alors que, dans les colonies et semi-colonies et les pays dépendants, la situation peut être utilisée pour mener une lutte armée prolongée contre l’impérialisme et ses collaborateurs indigènes, dans les pays impérialistes, il est du devoir des partis communistes d’étendre leur base parmi les masses laborieuses et de préparer eux-mêmes, politiquement, idéologiquement et sur le plan organisationnel, le prolétariat et le peuple d’une façon révolutionnaire dans le but de s’emparer du pouvoir politique lorsque les conditions objectives transforment la situation révolutionnaire en une crise révolutionnaire, soit à la suite d’une guerre mondiale, soit d’une grande crise économique, soit encore à la suite d’une crise provoquée par les coups sévères infligés à l’impérialisme par les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine.

Une crise révolutionnaire signifie non seulement que le peuple est dans un état de fermentation générale et de mécontentement et qu’il refuse de vivre de l’ancienne façon, mais elle présuppose également un extrême affaiblissement de la machine étatique. 

Dans de telles circonstances de crises économiques, politiques et sociales, d’affaiblissement général du pouvoir étatique de la bourgeoisie et d’une perte de leur légitimité aux yeux du peuple, le parti, s’il est suffisamment organisé et entraîné selon une ligne révolutionnaire, peut prendre le pouvoir. Une telle crise révolutionnaire existait en Russie, en Allemagne, en Autriche, en Hongrie, en Italie, en Pologne, en Bulgarie et dans d’autres pays au cours de la première phase de la CGC pendant et après la Première Guerre mondiale jusqu’en 1923. 

Une telle crise révolutionnaire existait dans les pays d’Europe dans la seconde phase de la CGC pendant et immédiatement après la Seconde Guerre mondiale et s’est poursuivie jusqu’au milieu des années 1950. Une telle crise existe aujourd’hui en Russie et dans les diverses républiques de l’ancienne Union soviétique et les pays de l’Europe de l’Est.

Mais l’existence de la crise révolutionnaire est une condition nécessaire, mais pas suffisante, pour la victoire de la révolution. 

L’existence d’un parti révolutionnaire de masse du prolétariat qui soit bien entraîné et capable d’utiliser avec savoir-faire la crise révolutionnaire grâce à une tactique révolutionnaire correcte est une condition impérative pour la progression victorieuse de la révolution. 

Comme Lénine l’avait fait remarquer lors du Second Congrès du Komintern en 1920, il n’y a pas de situation absolument désespérée pour la bourgeoisie. La bourgeoisie trouve toujours un manière de se sortir de chaque crise si le prolétariat n’agit pas de façon décisive pour s’emparer du pouvoir via des moyens révolutionnaires, quelque excellente que puisse être la crise révolutionnaire.

“Il n’existe pas de situation absolument sans issue. La bourgeoisie se conduit comme un forban sans vergogne qui a perdu la tête; elle commet bêtise sur bêtise, aggravant la situation et hâtant sa propre perte. 

C’est un fait. 

Mais il n’est pas possible de prouver qu’il n’y a absolument aucune chance qu’elle endorme une minorité d’exploités à l’aide de petites concessions, qu’elle réprime un mouvement ou une insurrection d’une partie des opprimés et des exploités. 

Tenter d’en prouver à l’avance l’impossibilité absolue serait pur pédantisme, verbiage ou jeu d’esprit. 

Dans cette question et dans des questions analogues, seule la pratique peut fournir la preuve réelle. 

Le régime bourgeois traverse dans le monde entier une profonde crise révolutionnaire. 

Il faut démontrer maintenant, par l’action pratique des partis révolutionnaires, qu’ils possèdent suffisamment de conscience, d’organisation, de liens avec les masses exploitées, d’esprit de décision et de savoir-faire pour exploiter cette crise au profit d’une révolution victorieuse.”24

Que l’existence d’une crise révolutionnaire en elle-même ne garantisse pas la victoire de la révolution a été brillamment mis en évidence par la camarade Staline dans son rapport au XVIIe Congrès en 1934: “Certains camarades pensent que, dès l’instant où il y a crise révolutionnaire, la bourgeoisie doit se trouver inévitablement dans une situation sans issue; que sa fin est par conséquent prédéterminée, que la victoire de la révolution est, par cela même, assurée, et qu’il ne leur reste donc qu’à attendre la chute de la bourgeoisie et à rédiger des résolutions triomphales. 

C’est là une grave erreur. La victoire de la révolution ne vient jamais d’elle-même. 

Il faut la préparer et la conquérir. Or, seul peut la préparer et la conquérir un fort parti prolétarien révolutionnaire. 

Il est des moments où la situation est révolutionnaire, où le pouvoir de la bourgeoisie est ébranlé jusque dans ses fondements, mais où pourtant la victoire de la révolution n’arrive pas, parce qu’il n’y a pas de parti révolutionnaire du prolétariat, de parti ayant assez de force et d’autorité pour entraîner à sa suite les masses et prendre le pouvoir. 

Il serait déraisonnable de croire que des cas pareils ne puissent se produire.”25

Il est également nécessaire de reprendre une fois de plus les mots les plus souvent cités de Lénine dans lesquels il décrit une situation révolutionnaire et les conditions nécessaires au succès de la révolution: “Pour un marxiste, il est hors de doute que la révolution est impossible sans une situation révolutionnaire, mais toute situation révolutionnaire n’aboutit pas à la révolution. 

Quels sont, d’une façon générale, les indices d’une situation révolutionnaire? 

Nous sommes certains de ne pas nous tromper en indiquant les trois principaux indices que voici: 

1. Impossibilité pour les classes dominantes de maintenir leur domination sous une forme inchangée; crise du sommet, crise de la politique de la classe dominante, et qui crée une fissure par laquelle le mécontentement et l’indignation des classes opprimées se fraient un chemin. 

Pour que la révolution éclate, il ne suffit pas, habituellement, que la base ne veuille plus vivre comme auparavant, mais il importe encore que le sommet ne le puisse plus. 

2. Aggravation, plus qu’à l’ordinaire, de la misère et de la détresse des classes opprimées. 

3. Accentuation marquée, pour les raisons indiquées plus haut, de l’activité des masses qui se laissent tranquillement piller dans les périodes pacifiques, mais qui, en période orageuse, sont poussées, tant par la crise dans son ensemble que par le sommet lui-même, vers une action historique indépendante.”

“Sans ces changements objectifs, indépendants de la volonté non seulement de tels ou tels groupes et partis, mais encore de telles ou telles classes, la révolution est, en règle générale, impossible. 

C’est l’ensemble de ces changements objectifs qui constitue une situation révolutionnaire. 

On a connu cette situation en 1905 en Russie et à toutes les époques de révolutions en Occident; mais elle a existé aussi dans les années 60 du siècle dernier en Allemagne, de même qu’en 1859-1861 et 1879-1880 en Russie, bien qu’il n’y ait pas eu de révolutions à ces moments-là. 

Pourquoi? 

Parce que la révolution ne surgit pas de toute situation révolutionnaire, mais seulement dans le cas où, à tous les changements objectifs ci-dessus énumérés, vient s’ajouter un changement subjectif, à savoir: la capacité, en ce qui concerne la classe révolutionnaire, de mener des actions révolutionnaires de masse assez vigoureuses pour briser complètement (ou partiellement) l’ancien gouvernement, qui ne tombera jamais, même à l’époque des crises, si on ne le fait choir.”26

Dans la citation qui précède, les mots “situation révolutionnaire” impliquent en fait une crise révolutionnaire. 

La crise révolutionaire qui prévalait en Russie en 1905 se développa à partir de la situation révolutionnaire qui commençait à mûrir à partir de 1901 et éclata avec les manifestations d’étudiants. Comme la situation se transformait en crise en 1905, la prolétariat russe fit une tentative décisive de coup d’Etat par insurrection armée. L’échec de l’insurrection conduisit à une décennie de régression et d’accalmie relative dans le mouvement révolutionnaire. 

La Première Guerre mondiale une fois de plus provoqua une crise révolutionnaire en Russie et plus tard dans le reste de l’Europe. Le processus de transformation d’une situation révolutionnaire en crise révolutionnaire peut être compris à partir des lignes suivantes écrites pendant la guerre, en 1915, par le camarade Lénine: “Il ne fait pas l’ombre d’un doute que l’Europe de 1915 connaît une situation révolutionnaire, de même que la Russie en 1901. 

Nous ne pouvons savoir si la première bataille décisive du prolétariat contre la bourgeoisie se produira dans quatre ans, dans deux ans ou dans dix ans ou plus, et si une seconde bataille décisive ne se produira encore dix ans plus tard. 

Mais nous savons fermement et affirmons en toute certitude que, maintenant, notre devoir impérieux et immédiat est de soutenir l’effervescence naissante et les manifestations qui ont déjà commencé. 

En Allemagne, la foule a sifflé Scheidemann; dans beaucoup de pays, la foule a manifesté contre la cherté de la vie.”

“Nous sommes, sans aucun doute, à la veille de la révolution socialiste. (…) Pas plus que nous ne savions en 1901 que la veille de la première révolution russe durerait encore quatre ans, nous ne sommes pas plus renseignés aujourd’hui. 

La révolution peut consister, et consistera probablement, en des luttes qui s’étendront sur de longues années et qui comprendront plusieurs périodes d’assauts, entrecoupés de convulsions contre-révolutionnaires du régime bourgeois. 

Dans la situation politique actuelle, le tout est de savoir s’il faut utiliser la situation révolutionnaire existante pour soutenir et développer les mouvements révolutionnaires.

Oui ou non. 

C’est sur cette question que se divisent aujourd’hui, politiquement, les social-chauvins et les internationalistes révolutionnaires.”27

Nous trouvons donc que dans l’Europe de 1915 la situation révolutionnaire se développait rapidement en une crise révolutionnaire. 

C’était le devoir du prolétariat de s’engager dans des actions militantes et de se lancer dans les préparatifs d’une insurrection armée de façon à frapper au moment opportun. 

Il n’y avait qu’en Russie que le prolétariat pouvait s’emparer du pouvoir en utilisant la crise révolutionnaire qui se développait à partir de la guerre. Dans le reste de l’Europe, la trahison de la social-démocratie conduisit à la défaite des révolutions.

Alors que tel était le cas dans les pays capitalistes, dans les pays du tiers-monde par contre, une situation révolutionnaire a existé dès les tout premiers moments où ils se sont retrouvés sous l’oppression de l’impérialisme. 

A cause des caractéristiques spécifiques en vigueur dans la plupart de ces pays du tiers-monde, il est possible de mener la lutte armée ou la guerre populaire prolongée dès les tout premiers moments et de s’emparer du pouvoir à l’échelle régionale. 

La crise révolutionnaire dans ces pays va hâter l’établissement de zones libérées et la conquête de villes si le prolétariat est bien préparé. 

Une crise révolutionnaire dans les pays du tiers-monde peut apparaître à la fois par le biais d’une intensification des crises économique, sociale et politique dues aux modifications encourues par les conditions objectives dans les pays concernés telles que l’implication dans des guerres extérieures, des guerres civiles parmi les factions des classes dirigeantes, un effondrement financier, etc., ou à cause d’un changement de l’équilibre général des forces au niveau des classes amené par une intensification de la lutte de classe, par l’établissement de plusieurs zones de guérilla et de régions libérées. 

Les forces révolutionnaires dans les pays du tiers-monde peuvent donc créer une crise révolutionnaire en approfondissant en permanence et en élargissant les zones de lutte armée.

Cet article paru sous le titre « On general crisis of capitalism » dans le numéro de juillet-décembre 1995 de People’s War (p.39-72).People’s War est la revue théorique du Parti Communiste de l’Inde (marxiste-léniniste), une des organisations communistes indiennes.

Notes

1 Staline Joseph, Selected Writings, Vol.II, p.330.
2 Engels Friedrich, La condition de la classe ouvrière en Angleterre, p.143-144.
3 Foster William Z., History of Three Internationals, Vol.I, p.223.
4 Marx Karl, Capital, Vol.III, p.292.
5 Staline Joseph, Selected Writings, Vol.II, p.2.
6 Galbraith, J.K., Le capitalisme américain, p.69.
7 Baran Paul A., Sweezy Paul M., Monopoly Capital, p.242.
8 1 acre = 40 ares = 0,4 ha.
9 Dutt, R.P., Fascism and Social Revolution.
10 Staline Joseph, Rapport présenté au XVIIe congrès du parti sur l’activité du comité central du parti communiste (bolchevik) de l’URSS, 26 janvier 1934, repris dans Les questions du léninisme, Editions de Pékin, 1977, p.685.
11 Staline Joseph, Ibid, p.686.
12 Staline Joseph, Ibid, p.691.
13 Staline Joseph, Selected Writings, Vol.II, p.329-330.
14 Staline Joseph, On the Opposition, p.192-193.
15 Staline Joseph, Ibid., p.189-190.
16 Staline Joseph, Ibid., p.194.
17 Foster William Z., History of Three Internationals, p.89.
18 Staline Joseph, On the Opposition, p.808-809.
19 Staline Joseph, Ibid., p.199.
20 Staline Joseph, Ibid., p.204.
21 Staline Joseph, Ibid., p.205.
22 Foster William Z., op. cit., p.85-86.
23 Staline Joseph, Les problèmes économiques du socialisme en URSS, Editions de Pékin, 1971, p. 30 et 32-33.
24 Lénine, Rapport sur la situation internationale et les tâches fondamentales de l’Internationale communiste, 19 juillet 1920, dans Oeuvres complètes, Tome XXXI, p.233-234.
25 Staline Joseph, Rapport présenté au XVIIe congrès du parti sur l’activité du comité central du parti communiste (bolchevik) de l’URSS, 26 janvier 1934, repris dans Les questions du léninisme, Editions de Pékin, 1977, p.699.
26 Lénine, La faillite de la IIe Internationale, dans Oeuvres complètes, Tome XXI, p.216-217.
27 Lénine, Des internationalistes authentiques: Kautsky, Axelrod, Martov, dans Oeuvres complètes, Tome XXI, p.413-414.

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et le PC d’Inde (marxiste-léniniste)

PCI (ML) – Guerre Populaire : A propos du néo-colonialisme

A PROPOS DU NEOCOLONIALISME (1994)

PC d’INDE (MARXISTE-LENINISTE) – GUERRE POPULAIRE

Le texte que nous avons reproduit ci-dessus représente des commentaires de la direction du Parti Communiste d’Inde (People’s War) sur la résolution politique adoptée par leur Congrès en 1992. Le texte a paru pour la première fois dans la revue People’s War de septembre-décembre 1994.   

1. Néocolonialisme et colonialisme 

Qu’est-ce que le néocolonialisme ? En quoi diffère-t-il de l’ancien type de colonialisme ? 

Le colonialisme et le néocolonialisme sont deux formes, deux méthodes, deux lignes politiques adoptées par l’impérialisme en vue de l’asservissement, de la domination et de l’exploitation des pays et nations opprimés. 

Alors que le colonialisme a été la forme prédominante jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, le néocolonialisme a prédominé après cette même Seconde Guerre mondiale. 

Quant à leur contenu, il n’y a pas de différence fondamentale entre les deux. 

La principale différence entre le néocolonialisme et l’ancien type de colonialisme consiste dans une réorientation des méthodes d’asservissement, de domination et d’exploitation des pays arriérés : d’ouvertes et directes, ces méthodes sont devenues dissimulées. 

Le Parti Communiste de Chine (PCC), dans La polémique autour de la ligne générale du mouvement communiste international, qui a eu lieu au cours de la Grande controverse de 1963, expliquait le phénomène du néocolonialisme de la façon suivante : «Après la Seconde Guerre mondiale, les impérialistes n’ont certainement pas renoncé au colonialisme, mais ils en ont simplement adopté une nouvelle forme, le néocolonialisme. 

Une caractéristique importante de ce néocolonialisme est que les impérialistes ont été forcés de modifier leur ancien style de domination coloniale directe dans certaines régions et d’adopter un nouveau style de domination et d’exploitation coloniale en s’appuyant sur les agents qu’ils ont sélectionnés et formés. 

Les impérialistes, avec à leur tête les Etats-Unis, asservissent ou contrôlent les pays coloniaux et les pays qui ont déjà proclamé leur indépendance, en organisant des blocs militaires, en installant des bases militaires, en établissant des ‘fédérations’ ou des ‘communautés’ et en favorisant des régimes fantoches. 

Par le biais d’une ‘aide’ économique ou par d’autres formes, ils s’approprient ces pays en tant que marchés pour leurs marchandises, en tant que sources de matières premières et débouchés pour leurs exportations de capitaux, ils pillent les richesses et sucent le sang des habitants de ces pays. 

Qui plus est, ils se servent des Nations Unies comme d’un outil important pour intervenir dans les affaires internes de ces pays et les soumettre à des agressions militaires, économiques et culturelles. Lorsqu’ils sont incapables de poursuivre la domination sur ces pays par des moyens ‘pacifiques’, ils orchestrent des coups d’Etat militaires, se livrent à la subversion ou même, recourent à l’intervention armée et à l’agression directe.» 

Les Etats-Unis sont des plus énergiques et habiles dans leur promotion du néocolonialisme. 

Avec cette arme, les impérialistes américains essaient de s’emparer des colonies et des sphères d’influence des autres impérialistes et d’établir leur domination mondiale. (…) 

Ce néocolonialisme est une forme plus pernicieuse et plus sinistre de colonialisme. (…) Le néocolonialisme n’est pas simplement un phénomène postérieur à la Seconde Guerre mondiale, bien qu’il soit devenu le phénomène dominant de l’après-guerre. 

Lénine en personne pointait du doigt cette forme cachée de colonialisme lorsqu’il soulignait « la nécessité d’expliquer et de dénoncer inlassablement aux larges masses laborieuses de tous les pays – et plus particulièrement à celles de tous les pays arriérés – la duperie pratiquée systématiquement par les puissances impérialistes qui, sous le couvert de la création d’Etats politiquement indépendants, créent en fait des Etats entièrement sous leur dépendance dans les domaines économique, financier et militaire. » 

Il faisait également remarquer : « Le capital financier est un facteur si puissant, si décisif, pourrait-on dire, dans toutes les relations économiques et internationales, qu’il est capable de subordonner et subordonne effectivement même des Etats jouissant d’une complète indépendance politique. » 

Il expliquait également comment le capital financier donne naissance à un certain nombre de formes transitoires de dépendance étatique : « Dès l’instant qu’il est question de politique coloniale à l’époque de l’impérialisme capitaliste, il faut noter que le capital financier et la politique internationale qui lui est conforme et se réduit à la lutte des grandes puissances pour le partage économique et politique du monde, créent pour les Etats diverses formes transitoires de dépendance. 

Cette époque n’est pas seulement caractérisée par les deux groupes principaux de pays : possesseurs de colonies et pays coloniaux, mais encore par des formes variées de pays dépendants qui, nominalement, jouissent de l’indépendance politique, mais qui, en réalité, sont pris dans les filets d’une dépendance financière et diplomatique. 

Nous avons déjà indiqué une de ces formes : les semi-colonies. 

L’Argentine est un exemple d’une autre forme de dépendance. » 

L’ensemble de l’Amérique latine et certaines parties du Moyen-Orient ont été soumises à l’exploitation et à la domination néocoloniale des diverses puissances impérialistes dès avant la Seconde Guerre mondiale. 

L’Egypte a été déclarée indépendante en 1922, l’Irak en 1927 ; l’Iran n’a jamais été réduit à un véritable statut colonial, mais tous ces pays ont fait partie de la ‘sphère d’influence’ britannique. 

Bien qu’ils aient joui du statut constitutionnel d’Etats indépendants, ils ont été sous la domination économique, militaire et politique de la Grande-Bretagne. 

De même, la Chine sous Tchang Kaï-chek n’était indépendante que de nom et ce, jusqu’au moment de sa libération en 1949, puisqu’elle était une semi-colonie de plusieurs puissances impérialistes : la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, la France, l’Allemagne, l’Italie et le Japon y avaient des investissements. 

Toutes ces puissances bénéficiaient de ‘règlements internationaux’ dans chaque port, qui leur permettaient d’y avoir leurs propres lois, police et forces armées, leurs usines, banques et cinémas et, tout autour, leurs canonnières. Les diverses puissances impérialistes recouraient à des formes tant coloniales que néocoloniales pour se livrer au pillage de la Chine semi-coloniale. 

Ce fut cependant en Amérique latine que la forme néocoloniale fut la plus fréquente avant la Seconde Guerre mondiale. 

Depuis la fin de la domination coloniale espagnole qui s’étendit sur presque trois siècles, depuis les années 1520 jusqu’aux années 1820, sur l’ensemble de l’Amérique latine, hormis le Brésil qui était sous domination portugaise, les pays de l’Amérique latine ont été officiellement indépendants mais, en réalité, se sont trouvés sous la domination de l’impérialisme américain. 

La politique américaine à l’égard de l’Amérique latine débute avec la doctrine de Monroe, énoncée en 1823, qui déclare que « les continents américains (…) par conséquent, ne doivent pas être considérés comme objets de colonisation future par quelque puissance européenne que ce soit (…) nous devons à une certaine naïveté (…) de déclarer que nous considérerions toute tentative de leur part d’étendre leur système à quelque portion que ce soit de cet hémisphère comme dangereuse pour notre paix et notre sécurité. » 

Les Etats-Unis, naturellement, ont ravi le Texas et la Californie au Mexique (quasiment la moitié de son territoire) au cours des années 1840. 

Ils ont fomenté une ‘révolution séparatiste’ panaméenne, ont ravi Panama à la Colombie et en ont fait un régime fantoche. 

Seuls les impérialistes britanniques, qui étaient les alliés des Américains, ont été autorisés à prendre les îles Falkland à l’Argentine et Belize au Honduras. 

Par conséquent, partout, les pays de l’Amérique latine ont été des Etats officiellement indépendants depuis plus d’un siècle et demi, mais ils ont été soumis à la domination économique, politique, militaire et idéologique de l’impérialisme et, tout particulièrement, de l’impérialisme américain. 

Partout où ses intérêts stratégiques en Amérique latine ont été en danger, l’impérialisme américain est intervenu directement, comme on l’a vu dans le cas du bombardement par l’US Navy et de la prise de Veracruz au Mexique, en 1914, et lors de l’intrusion de l’armée américaine au Mexique, en 1916, afin de capturer le dirigeant rebelle Pancho Villa – bien qu’elle eût échoué dans sa mission. 

Du fait qu’il avait débarqué tardivement dans la lutte pour l’appropriation des colonies, la ligne néocolonialiste convenait aux intérêts de l’impérialisme américain. 

En installant leurs régimes fantoches dans la quasi-totalité des vingt pays latino-américains, les impérialistes américains, conformément à la doctrine de Monroe, empêchèrent les autres puissances impérialistes de s’emparer des pays de l’Amérique latine. On retrouve la même politique dans la phase consécutive à la Seconde Guerre mondiale, lorsque les impérialistes américains envisagèrent de s’approprier le monde entier via les institutions issues de Bretton Woods, comme la Banque mondiale, le FMI et le GATT. 

Via ce genre de politique néocolonialiste, l’impérialisme américain n’a pas seulement tenu ses rivaux en dehors de l’Amérique latine, mais il a également créé l’illusion que ces pays étaient indépendants. 

Car, en apparence, c’étaient les Mexicains qui gouvernaient le Mexique, les Vénézuéliens qui gouvernaient le Venezuela, les Boliviens qui gouvernaient la Bolivie, les Cubains qui gouvernaient Cuba, et ainsi de suite. Porfirio Diaz, le dictateur tant détesté du Mexique, était mexicain ; Juan Vicente Gómez, le boucher du Venezuela, était vénézuélien ; Batista, le despote de Cuba, était cubain ; ou, pour considérer des cas plus récents, Pinochet, le dictateur du Chili, était chilien et Fujimori était péruvien. 

Constitutionnellement, tous ces pays étaient indépendants mais le véritable pouvoir était enraciné à Wall Street et Washington. 

Une description de la manière dont fut établie la domination américaine sur ces territoires nous a été fournie par le général major Smedley, en 1935 : 

 « J’ai passé trente-trois ans et quatre mois en service actif comme membre de la force militaire la plus performante de notre pays, le corps des marines. J’ai occupé tous les grades d’officiers, depuis second lieutenant jusqu’à général major. 

Et, au cours de cette période, j’ai passé la majeure partie de mon temps à jouer au Monsieur Muscle de haut niveau pour le compte de la Grosse Galette, pour Wall Street, et pour les banquiers. En bref, je rackettais pour le capitalisme…  

Ainsi donc, en 1914, j’ai aidé à garantir les intérêts pétroliers américains au Mexique et, plus particulièrement, à Tampico. 

J’ai aidé à transformer Haïti et Cuba en des endroits décents afin que la National City Bank puisse y engranger des revenus (…) 

En 1909-1912, j’ai aidé à purifier le Nicaragua au profit de la société internationale de banque des frères Brown. 

En 1916, j’ai mis de l’ordre dans la République dominicaine pour le compte des intérêts sucriers américains. 

En 1903, j’ai aidé à remettre le Honduras ‘d’aplomb’ au profit des compagnies fruitières américaines… » 

1.1. Le néocolonialisme après la Seconde Guerre mondiale 

Bien que les méthodes dissimulées du colonialisme ne soient pas une forme tout à fait inédite de domination coloniale, ce qui est neuf, dans le phénomène du néocolonialisme d’après la Seconde Guerre mondiale, c’est qu’il est devenu la forme dominante et non plus une exception. 

C’est la désintégration du système de la domination coloniale directe, due aux insurrections anti-impérialistes des nations opprimées dans les colonies et à l’apparition d’un puissant camp socialiste, qui a forcé l’impérialisme à adopter la stratégie nouvelle du néocolonialisme. 

Bien que l’apparition du néocolonialisme ne constitue pas une phase nouvelle, elle signifie néanmoins l’affaiblissement de l’impérialisme dans sa nouvelle phase, celle de l’après-Seconde Guerre mondiale.  

L’impact des mouvements de libération nationale, dans l’histoire du monde, a été si profond en Asie, en Afrique et en Amérique latine que les puissances impérialistes, telles les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, la Belgique, les Pays-Bas et le Portugal, furent forcées de rendre le pouvoir d’Etat à leurs anciennes colonies. 

Les coups sévères assénés par les peuples du monde ont forcé l’impérialisme à revêtir la couverture d’une nouvelle forme, dissimulée, de colonialisme. 

Pour l’impérialisme, une telle politique ne relevait pas d’un choix, mais d’une nécessité désespérée. 

Pour résumer tout ceci en une seule phrase, le néocolonialisme est la forme typique de politique coloniale adoptée par l’impérialisme dans sa phase de retraite stratégique et de déclin. On pourrait évaluer l’importance de la faiblesse de l’impérialisme sur le fait suivant. Alors qu’en 1919, plus de 1,2 milliard de personnes sur une population mondiale de 1,8 milliard (pas loin de 70%) vivaient dans les colonies et semi-colonies, en 1966, la domination coloniale directe avait disparu dans la quasi-totalité de l’Asie, de l’Afrique et des Caraïbes. 

C’est la combinaison des trois principaux facteurs politiques suivants sur la scène internationale qui a scellé le sort du système de domination coloniale directe : 

1. l’apparition d’un puissant camp socialiste qui a apporté son soutien maximal aux luttes de libération nationale; 

2. l’acharnement des mouvements anti-impérialistes de libération nationale eux-mêmes, 

3. et les mouvements ouvriers et les mouvements pour la restauration de la démocratie et de la paix dans les pays impérialistes. 

La Seconde Guerre mondiale a contribué au renforcement des facteurs politiques ci-dessus en même temps qu’elle affaiblissait l’impérialisme dans son ensemble, le forçant ainsi à battre en retraite. 

Après des siècles de domination coloniale directe, la plupart des nations soumises réussissaient à se débarrasser de la domination impérialiste directe, et ce au cours des deux décennies qui allaient suivre la Seconde Guerre mondiale. 

Ainsi, la quasi-totalité de l’Asie, moins de dix ans après la fin de la guerre, alors que, durant la seconde décennie de l’après-guerre, on assistait à la fin de la domination coloniale directe en Afrique. 

Pourtant, en 1955, seuls cinq Etats pour l’ensemble de l’Afrique avaient proclamé leur indépendance, même si celle-ci n’était que purement formelle. 

C’étaient l’Egypte, le Liberia, l’Ethiopie, la Libye et l’Union sud-africaine où un régime blanc, minoritaire et raciste était au pouvoir. 

Au milieu de l’année 1968, le nombre de pays sortis de la domination coloniale directe s’élevait à quarante. 

L’année 1960 a été appelée ‘l’année de l’Afrique’ : 17 pays accédèrent à l’ ‘indépendance’. 

Ce développement énorme de la conscience nationale, les diverses puissances impérialistes furent obligées d’en tenir compte lorsqu’elles élaborèrent leurs stratégies à venir visant à poursuivre leur pillage et leur exploitation de ces pays. 

La reconnaissance de ces réalités nouvelles et la nécessité de mettre sur pied une nouvelle approche fut exprimée sans équivoque par le général de Gaulle, le chef d’Etat français, dans le discours qu’il adressa aux officiers de l’armée française en décembre 1960. 

Il tenta de convaincre ses officiers de se rendre compte de ce qui se passait dans le monde, de comprendre que les vieilles méthodes d’oppression et de domination par la force des armes, ainsi que l’exercice direct du pouvoir d’Etat, devenaient impossibles et qu’il fallait trouver une nouvelle façon de « poursuivre l’oeuvre de la France en Algérie ». 

Pour « poursuivre leur oeuvre » dans leurs anciennes colonies, les impérialistes ont  et élaboré leurs méthodes d’exploitation et de domination. De nouveaux organismes et instruments, comme les Nations Unies, la Banque mondiale, le FMI, le GATT, l’USAID, etc. furent mis en service, on embaucha du nouveau personnel et on se servit de nouvelles armes – l’ensemble constituant le système du néocolonialisme. 

1.2. Des tentatives avortées de perpétuer la domination directe 

Les diverses puissances impérialistes, naturellement, n’allaient pas abandonner si facilement leur bonne vieille méthode de domination coloniale directe. 

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1945, les puissances impérialistes occidentales utilisèrent tous les moyens à leur disposition pour reconquérir tous les territoires asiatiques qu’ils avaient perdus au profit des fascistes japonais durant la guerre. 

Le camp socialiste n’était pas encore entièrement consolidé (la Chine était toujours en pleine guerre de libération) et les mouvements de libération nationale n’avaient pas encore atteint leur pleine maturité. 

Par conséquent, tirant parti de cette situation, les puissances impérialistes occidentales essayèrent de rétablir promptement leur domination coloniale dans de vastes portions de l’Asie en écrasant les mouvements de libération avec une extrême férocité. 

Pendant la guerre, toutes les puissances impérialistes occidentales ont été chassées de la région Asie-Pacifique par les impérialistes japonais: les Britanniques de la Birmanie et de la Malaisie, les Français de l’Indochine, les Hollandais de l’Indonésie et même les Américains des Philippines. 

Ces puissances n’allaient jamais défendre les peuples contre le fascisme ni fournir des armes aux peuples pour qu’ils se défendent eux-mêmes. 

Les peuples, évidemment, entrèrent en résistance contre le fascisme japonais et, avec la défaite du Japon en 1945, il y eut des insurrections populaires partout. 

La République démocratique du Vietnam fut établie dans l’ensemble du Vietnam, tant le Nord que le Sud, en 1945. 

En Indonésie, le peuple reprit le pouvoir de l’Etat des mains des Japonais et installèrent leur propre république en août 1945. 

Le même mois, en guise de point culminant à la résistance héroïque opposée durant toute la guerre par l’Armée du Peuple malais contre le Japon, l’Union du Peuple malais contre le Japon établit son contrôle sur l’ensemble de la Malaisie. En Corée du Sud, la République populaire fut proclamée par le Congrès national réuni à Séoul en septembre 1945. 

Aux Philippines, l’Armée du Peuple philippin contre le Japon, connue sous le nom de Hukbalahap, qui avait une force armée réelle de 10.000 hommes et une réserve de 40.000 autres en septembre 1944, libéra son pays des Japonais et, à la fin de la guerre, elle avait établi son contrôle sur la totalité du pays. 

En Chine, dirigée par le Parti communiste chinois sous le commandement de Mao, la guerre en vue de la libération complète vis-à-vis du féodalisme et de l’impérialisme passa au stade d’offensive stratégique après l’effondrement du Japon. 

En Inde, la mutinerie navale de 1946, les révoltes de Tebhaga et de Telangaga ainsi que les nouvelles insurrections de l’après-guerre parmi diverses sections de la population ébranlèrent les fondements même de la domination impérialiste britannique. 

Confrontées à de telles difficultés, toutes les puissances impérialistes, y compris les Japonais, vaincus, combinèrent leurs forces pour renverser les gouvernements populaires et piétiner les flammes de la renaissance du militantisme national. 

Au Vietnam, les troupes britanniques, françaises et japonaises attaquèrent en même temps le nouveau gouvernement, licencièrent les milices populaires et la milice, instaurèrent la loi martiale, s’emparèrent de tous les organes clés du pouvoir de l’Etat et rétablirent la domination française dans le pays. 

Les événements de 1945 au Vietnam furent résumés par un auteur : « Par la grâce des Britanniques, et avec l’aide des Japonais, les Français avaient repris pied en Indochine. » Mais les Français furent battus lors de l’historique bataille de Diên Biên Phu, en 1954, et furent obligés de retirer leurs forces du Vietnam. 

La tâche fut reprise plus tard par les impérialistes américains qui, eux aussi, durent subir une humiliante défaite, en 1973, des mains du peuple vietnamien. 

En Indonésie, au cours d’une manoeuvre similaire, les impérialistes hollandais, avec l’aide des forces armées britanniques et des 80.000 Japonais libérés et armés par les Britanniques, reprirent toutes les villes clés, y compris Jakarta, et tentèrent de rasseoir leur domination sur leur ancienne colonie. 

Mais l’intransigeante lutte armée du peuple indonésien, durant les trois ans et demi qui suivirent, chassa les impérialistes hollandais et l’Indonésie devint une république en 1948. Les tentatives en vue de rétablir la domination impérialiste en Indonésie se poursuivirent même plus tard et, en octobre 1965, à la faveur d’un coup d’Etat militaire, des centaines de milliers de communistes et d’autres patriotes et démocrates furent massacrés. 

En Malaisie, les troupes britanniques débarquèrent moins d’un mois après la prise de pouvoir par l’Union du Peuple malais contre le Japon, refusèrent de reconnaître les nouvelles autorités gouvernementales et lancèrent une offensive générale d’une grande brutalité contre les syndicats et autres organisations démocratiques. Des milliers de personnes furent tuées ou arrêtées. 

La lutte armée se poursuivit contre les Britanniques mais fut brutalement réprimée par le déploiement d’une armée britannique de 130.000 hommes. 

Ce n’est qu’après que les forces révolutionnaires en Malaisie eurent subi de sérieux revers et que les Britanniques furent en mesure de transférer le pouvoir aux classes indigènes féodales et compradores que la Malaisie put enfin accéder à son indépendance constitutionnelle en 1957. 

En Birmanie, la Grande-Bretagne fut obligée d’accorder l’indépendance en janvier 1948, mais seulement après avoir assassiné Aunug San et la plupart des dirigeants anti-impérialistes de premier plan. 

Les troupes américaines qui arrivèrent en Corée du Sud un mois après la reddition du Japon en septembre 1945 supprimèrent le gouvernement démocratiquement élu de la République populaire de Corée, assassinèrent le dirigeant libéral Lyuh Woonhgung et ce fut un gouvernement droitier de marionnettes à la solde des Américains qui fut installé avec, à sa tête, le dictateur Syngman Rhee et ce, contre la volonté du peuple coréen. 

Avant de déclarer l’indépendance des Philippines en juillet 1946, sur la base du Philippine Independence Act promulgué par le Congrès américain en 1934, les impérialistes américains prirent toutes les mesures utiles pour écraser les forces révolutionnaires et pour garder le contrôle économique et politique du pays. 

Les Philippins furent obligés de donner leur accord à la liberté de commerce avec les Etats-Unis et d’autoriser l’installation de 22 bases militaires américaines dans l’archipel en vertu d’un bail de 99 ans libre de loyer. 

L’Union nationale des Paysans, le Hukbalahap et le Parti communiste furent bannis et la marionnette américaine, le président Manuel Rojas, soutenu par 90.000 soldats américains, déclencha une guerre sanglante en vue de supprimer la paysannerie et les diverses forces révolutionnaires. 

En Inde aussi, confrontés à la perspective d’une révolution et afin de sauvegarder leurs intérêts économiques dans le pays, les Britanniques n’eurent d’autre choix que de transférer le pouvoir aux classes de la grande bourgeoisie, des gros propriétaires et des compradores. 

En Chine, les impérialistes américains injectèrent massivement 5 milliards de dollars entre 1945 et 1948 pour sauver le régime décadent de Tchang Kaï-chek, mais ne purent empêcher la victoire de la révolution chinoise. 

En Afrique, durant toute la décennie qui suivit la Seconde Guerre mondiale, les luttes populaires furent matées par la force. 

En 1947, à Madagascar, des milliers de personnes furent massacrées par les troupes françaises. Au Ghana, au Nigeria, au Cameroun et au Kenya, au Congo, en Algérie, en Tunisie et au Maroc, des milliers de personnes durent prendre les armes pour combattre la sauvage répression déclenchée par les diverses puissances impérialistes. 

Ainsi donc, pendant plus d’une décennie après la Seconde Guerre mondiale, les diverses puissances impérialistes luttèrent désespérément et sans la moindre pitié pour rétablir l’ancien modèle de domination coloniale directe en Asie et en Afrique, mais elles furent forcées de le remplacer par le modèle néocolonial, en raison de la puissance croissante des mouvements de libération nationale et du camp socialiste. Dans un même temps, comme nous l’avons déjà vu, le modèle néocolonial n’a été instauré qu’après avoir écrasé les forces anti-impérialistes et révolutionnaires. Par conséquent, la contre-révolution est un élément essentiel du néocolonialisme. 

Le but des puissances impérialistes était d’empêcher à tout prix l’apparition de gouvernements indépendants représentant les forces anti-impérialistes les plus consistantes. 

Donc, avant de concéder l’indépendance formelle, les impérialistes se sont assurés que ce seraient les forces les plus conservatrices et de droite qui viendraient au pouvoir dans ces pays. 

En Guyane, la question d’accorder l’indépendance fut tenue en suspens pendant plus d’une décennie afin de s’assurer que leur propres compradores viendraient au pouvoir. 

A partir de 1953, lorsque le Parti populaire progressiste (PPP), dirigé par le Dr Cheddi Jagan, remporta les élections et constitua le gouvernement sous un système d’autonomie interne limitée, les impérialistes britanniques et américains ourdirent d’abord d’innombrables intrigues visant à liquider le PPP avant d’accorder l’indépendance à la Guyane. 

Le PPP remporta les élections à trois reprises, entre 1953 et 1964, mais, en 1964, le pouvoir fut transféré à une coalition de partis compradores avant qu’on n’accorde l’ ‘indépendance’. 

Les principales motivations sous-tendant les manoeuvres impérialistes visant à refuser l’indépendance à la Guyane furent mises en évidence par un auteur dans The Guardian : « La haine à l’égard de Jagan, la crainte de la moindre touche de socialisme et, économiquement, la sauvegarde de l’hémisphère au profit de Standard Oil, International Telephone, la United Fruit Company et d’autres encore (…). » 

Au Basutoland (aujourd’hui, le Lesotho), lors des élections de 1965, juste avant l’ ‘indépendance’, le Parti du Congrès du Basutoland et le Parti Moremaflou de la Liberté récoltèrent la majorité des suffrages. Mais le gouvernement britannique passa le pouvoir à Chef Leabua et à son ‘Parti national’ qui était ouvertement soutenu par l’Afrique du Sud et l’Allemagne de l’Ouest. 

En Amérique latine aussi, on poursuivit la même politique contre-révolutionnaire après 1945. Le Parti communiste brésilien, avec ses 800.000 voix aux élections de 1946, fut banni en 1947. 

Au Venezuela, le gouvernement libéral de Gallegos fut renversé par un coup d’Etat en 1948, le parti communiste avait été banni en 1947 et on déclencha une sanglante campagne de répression. 

 Les coups d’Etat militaires contre des gouvernements libéraux, les assassinats de dirigeants de la classe ouvrière, les arrestations massives, les attaques contre les Partis communistes et la suppression générale des droits démocratiques constituèrent les éléments essentiels de la politique américaine en Amérique latine. 

C’est pourquoi la Seconde Déclaration de La Havane proclama: « L’Amérique latine d’aujourd’hui subit un impérialisme plus féroce, plus puissant et plus impitoyable que sous l’empire colonial espagnol. » 

A l’époque de l’impérialisme, il existe une règle générale : les révolutions démocratiques nationales, dans quelque colonie ou semi-colonie que ce soit, ne peuvent être menées à bien que par le prolétariat. 

Il n’y eut donc qu’en Chine, en Corée du Nord, au Nord-Vietnam et à Cuba que l’impérialisme et le féodalisme purent être totalement renversés grâce au fait que la révolution démocratique nationale était dirigée par le prolétariat. 

La bourgeoisie nationale, dans un pays colonial ou semi-colonial, comme l’a fait remarquer le camarade Mao et comme l’a prouvé l’expérience historique, est « extrêmement peu rigoureuse sur les plans économique et politique» et elle a une « propension à la conciliation avec les ennemis de la révolution ». 

Citant le cas de la Turquie, où la bourgeoisie nationale, qui avait instauré une république indépendante en 1922, fut bientôt réduite à une position de soumission à l’impérialisme, le camarade Mao expliquait : 

« Même si l’insignifiante dictature kémaliste de la bourgeoisie a émergé en Turquie après la première guerre impérialiste mondiale et après la révolution d’Octobre, suite à certaines conditions spécifiques (le succès de la bourgeoisie lorsque l’agression grecque fut repoussée et la faiblesse du prolétariat), il ne pourrait y avoir de seconde Turquie, et encore moins une ‘Turquie’ de 450 millions d’habitants, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et de l’accomplissement de la construction du socialisme en Union soviétique. 

Dans les conditions propres à la Chine (le manque de rigueur de la bourgeoisie et sa propension à la conciliation et la force du prolétariat, avec sa profonde conscience révolutionnaire), les choses ne se déroulent jamais aussi facilement qu’en Turquie. Certains membres de la bourgeoisie chinoise ne se sont-ils pas réclamés du kémalisme après que la première Grande Révolution eut échoué en 1927 ? 

Mais où est le Kemal de la Chine? Et où sont la dictature bourgeoise et la société capitaliste de la Chine ? 

En outre, même la Turquie kémaliste dut se jeter elle-même dans les bras de l’impérialisme anglo-français, se muant de plus en plus en semi-colonie et en partie constituante du monde impérialiste réactionnaire. 

Au vu de l’actuelle situation internationale, de deux choses l’une: les ‘héros’ dans les colonies et les semi-colonies s’alignent sur le front impérialiste et deviennent partie constituante des forces de la contre-révolution mondiale, ou ils s’alignent sur le front anti-impérialiste et deviennent partie constituante des forces de la révolution mondiale. Ils doivent faire l’un ou l’autre, car il n’y a pas de troisième choix. » 

Par conséquent, dans chaque pays colonial qui est arrivé à décrocher son ‘indépendance’, soit les forces les plus conservatrices des compradores et des grands propriétaires sont venues au pouvoir en s’alliant avec l’impérialisme, comme en Inde, soit, là où la bourgeoisie nationale a pu accéder au pouvoir grâce à une puissante insurrection populaire comme en Algérie, au Congo, en Zambie etc., elle s’est soumise à l’impérialisme en permettant à ce dernier de poursuivre son exploitation et sa domination par le biais de méthodes indirectes. 

A Zanzibar, par exemple, le pouvoir fut transféré aux forces pro-britanniques en 1963, mais 33 jours à peine après le transfert de pouvoir, le régime pro-britannique fut renversé par une insurrection armée soutenue par le peuple. 

Mais, en l’absence d’une direction prolétarienne, le pays retomba une fois de plus dans le piège du néocolonialisme. 

Partout, donc, les colonies de type ancien se transformèrent soit en semi-colonies, soit en néocolonies. 

Le Parti communiste chinois, s’opposant au point de vue révisionniste soviétique prétendant que le colonialisme a presque disparu de la surface du globe et qu’il ne constitue donc aucune menace, expliquait comment le tigre néocolonialiste est entré par la porte de derrière : 

« Les dirigeants du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS) ont fréquemment émis l’opinion que le colonialisme avait disparu ou était occupé à disparaître du monde d’aujourd’hui. 

Ils insistent sur le fait ‘que cinquante millions de personnes sur terre gémissent toujours sous la domination coloniale’, qu’on ne peut trouver les vestiges du colonialisme que dans quelques endroits comme les colonies portugaises d’Afrique, l’Angola, le Mozambique, et que l’abolition de la domination coloniale est presque entrée dans sa ‘phase terminale’. 

Quels sont les faits? 

Considérez, pour commencer, la situation en Asie et en Afrique. 

Tout un groupe de pays y ont proclamé leur indépendance. 

Mais un grand nombre de ces pays ne se sont pas complètement débarrassés du contrôle et de l’asservissement impérialiste et colonial et demeurent les objets du pillage et de l’agression impérialiste en même temps que des arènes de rivalités entre les anciens et les nouveaux colonialistes. 

Dans certains de ces pays, les anciens colonialistes se sont mués en néocolonialistes et maintiennent leur domination coloniale par l’intermédiaire des agents qu’ils ont formés à cet effet. 

Dans d’autres de ces pays, le loup est sorti par la porte de devant mais le tigre est rentré par celle de derrière, l’ancien colonialisme a donc été remplacé par le nouveau colonialisme américain, plus puissant et plus dangereux. 

Les peuples d’Asie et d’Afrique sont gravement menacés par les tentacules du néocolonialisme, représenté par l’impérialisme américain. » 

La déclaration de 1960 des 81 Partis insistait elle aussi sur le fait que «les impérialistes, avec à leur tête les Etats-Unis, font des efforts désespérés pour préserver l’exploitation coloniale des peuples des anciennes colonies par de nouvelles méthodes et de nouvelles formes» et qu’ils « essaient de maintenir leur emprise sur les leviers du contrôle économique et de l’influence politique dans les pays asiatiques, africains et latino-américains ». Là où le pouvoir du capital financier ne peut mettre certain régime du tiers monde à genoux, les impérialistes tendent par d’autres moyens tels blocus économique, complots en vue d’assassinats et coups d’Etats, y compris intervention militaire directe, à subordonner le régime audacieux comme au Vietnam, en Corée, au Nicaragua, au Salvador et, récemment, en Irak, en Libye et à Haïti. 

Par conséquent, le néocolonialisme ne s’arrête pas simplement à la question de garder et d’étendre le contrôle économique de l’impérialisme mais il englobe toutes les sphères de l’existence. 

La troisième Conférence des Peuples panafricains, lors de son réunion du Caire en 1961, insistait sur le fait que : « Le néocolonialisme, qui est la survivance du système colonial, en dépit de la reconnaissance formelle de l’indépendance politique de pays émergeants qui deviennent les victimes d’une forme indirecte et subtile de domination par des moyens politiques, économiques, sociaux, militaires ou techniques, est la pire des menaces pour les pays africains qui ont nouvellement acquis leur indépendance ou pour ceux qui sont proches de ce statut. » 

Une résolution similaire sur ‘le colonialisme et le néocolonialisme’ adoptée lors de la Première Conférence de Solidarité des Peuples africains, asiatiques et latino-américains, tenue à La Havane en janvier 1966, insistait sur le caractère universel du néocolonialisme : « Pour garantir sa domination, l’impérialisme essaie de détruire les valeurs nationales, culturelles et spirituelles de chaque pays et constitue un appareil de domination qui inclut des forces armées nationales dociles vis-à-vis de leur ligne politique, la mise en place de bases militaires, la création d’organes de répression, avec des conseillers techniques en provenance des pays impérialistes, la signature de pactes militaires secrets, la formation d’alliances régionales et internationales fomenteuses de guerres. 

Il encourage et mène des coups d’Etat et des assassinats politiques afin de mettre en place des gouvernements de marionnettes ; dans un même temps, dans le domaine économique, il recourt à des formules trompeuses, comme la prétendue Alliance pour le Progrès, Food for Peace et d’autres trucs du même genre, tout en utilisant des institutions comme le Fonds monétaire international et la Banque internationale de reconstruction et de développement pour renforcer sa domination économique. » 

Naturellement, la haine a été grandissante à l’égard des méthodes néocolonialistes adoptées par l’impérialisme après la Seconde Guerre mondiale. 

La puissance économique et militaire croissante du bloc socialiste au cours des années 1950 a également encouragé certaines classes dirigeantes du tiers monde à adopter, à certaines époques, une position anti-impérialiste. 

On a craint de plus en plus, dans les pays impérialistes, que certains pays du tiers monde, dont la résistance du peuple était forte, n’aillent se lancer sur la voie du socialisme ou rejoindre le bloc anti-impérialiste. 

La contradiction existant entre le camp impérialiste dirigé par l’impérialisme américain d’un côté, et le camp socialiste de l’autre, au cours des années 1950 et celle existant entre le camp impérialiste et le camp social-impérialiste durant les années 1960 et 1970, ont fourni de l’espace à certaines classes dirigeantes du tiers monde pour manoeuvrer et gagner quelques concessions de la part des impérialistes.  

Lors de la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), à Genève en 1965, 85 des 121 pays présents ont voté pour la proposition demandant instamment que des « mesures supplémentaires soient prises pour corriger la chute des prix des produits de base afin de protéger les producteurs de ces produits de base contre des pertes de revenus ». Seuls treize pays votèrent contre, parmi lesquels les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. 

La Conférence de Bandoung des dirigeants afro-asiatiques en 1955, les revendications émises par des dirigeants comme Nasser, d’Egypte, et, par-dessus tout, la libération de Cuba en 1959, après le renversement de la marionnette des Américains, Batista, ainsi que la menace de véritables révolutions dans certains pays du tiers monde, tout cela poussa les impérialistes à affiner leur stratégie. Ils reconnurent que la contre-insurrection armée devait être accompagnée par un certain degré de stabilité économique, pour ne pas dire de prospérité.  

L’essence de la nouvelle stratégie libérale de l’endiguement avait été résumée en 1964 par le secrétaire d’Etat de Kennedy, Robert McNamara, lorsqu’il avait déclaré que « le programme d’aide alimentaire est la meilleure arme dont nous disposons pour nous garantir que nos propres hommes en uniforme ne seront pas obligés d’aller se battre » et que « les pauvres peuvent gagner une meilleure part de la prospérité nationale sans soulèvements politiques et sociaux ou sans priver gravement les élites locales ». Il est évident qu’à long terme, il s’agit d’une stratégie impossible car elle signifie courir avec le lièvre et chasser avec le chien, c’est-à-dire préserver le statu quo tout en réservant une part plus grande de la richesse nationale aux pauvres. 

Puisqu’on s’était arrangé pour appliquer cette stratégie via l’injection massive de capitaux étrangers dans les pays du tiers monde, elle finit par capoter à la fin des années 1970, avec l’apparition de la crise de la dette. 

Mais, dans son premier quart de siècle d’existence, la Banque mondiale s’était appuyée sur un modèle ‘néokeynésien’ qui insistait sur la planification gouvernementale et les dépenses en vue de créer de l’emploi tout en encourageant l’entreprise privée. Cette stratégie libérale de l’endiguement n’empêcha naturellement pas les impérialistes américains de se lancer dans une guerre à grande échelle au Vietnam mais, ce qui est important surtout, c’était qu’ils avaient également injecté au Sud-Vietnam des sommes colossales en vue de promouvoir le développement capitaliste et ce, de façon à détourner le peuple du socialisme. 

Il vaut la peine de citer la fameuse Alliance pour le Progrès (appelée aussi l’Alianza), en fait une Alliance pour le Pillage (néocolonialiste), car il s’agissait d’un plan grandiose, promettant en Amérique latine un développement accompagné de réformes sociales limitées. 

Lancée par John F. Kennedy en 1961, l’Alianza n’est autre qu’un programme de développement coopératif en dix ans, destiné à l’Amérique latine et prévoyant 100 milliards de dollars de dépenses, 80 milliards provenant de l’Amérique latine même, alors que 20 milliards étaient financés par les Etats-Unis. 

On peut juger du caractère colossal du plan en songeant que même le plan Marshall, qui prépara la voie à la reconstruction de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale, n’avait coûté qu’environ 17 milliards de dollars. 

Les Etats-Unis, via l’USAID, la Banque interaméricaine de Développement, la Banque mondiale et le FMI, injectèrent en Amérique latine 2 milliards de dollars par an durant dix ans afin de contenir le ‘danger’ du communisme. 

Cette stratégie transforma la totalité de l’Amérique latine en jardin de l’impérialisme américain. Bien qu’en apparence, on assista à une croissance rapide des économies, reposant sur les dettes extérieures, ce développement ne créa qu’une classe de nouveaux riches parmi les classes moyennes alors que la grande majorité de la population continua à mener une existence précaire dans l’indigence et la misère. 

Vers la fin des années 1970, l’Alianza, le Peace Corps, les prétendus Programmes d’Aide entrepris par les institutions néolibérales comme le FMI, la Banque mondiale, l’IDA, l’ADB et autres institutions impérialistes n’ont fait que renforcer l’emprise déjà très forte des transnationales, des banques multinationales et des pays impérialistes sur les économies du tiers monde, tout particulièrement en Amérique latine. 

Au Brésil, à la fin des années 1970, les transnationales prenaient à leur compte la moitié du total des ventes de produits manufacturés, alors qu’au Mexique, elles couvraient 30% de la production manufacturée. 

La société transnationale s’est révélée comme le véhicule le plus important de l’exploitation néocoloniale du tiers monde. 

En 1984, les 200 premières transnationales du monde avaient un chiffre d’affaires total de plus de 3.000 milliards de dollars, soit presque 30% du PIB mondial. 

Du fait que les transnationales géantes commençaient à dominer chaque sphère de la vie, les violations à l’égard des droits de l’homme dans le tiers monde, et particulièrement en Amérique latine, ne connurent plus de limites. 

En fait, en Amérique latine, les sociétés basées aux Etats-Unis, aidées par la CIA et la machine étatique américaine, orchestrèrent 60 coups d’Etat militaires dans les 15 premières années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale. 

La situation empira encore au cours des années 1970 et 1980. 

La Bolivie, sous le général Hugo Banzer, entre 1971 et 1978, le Chili sous Pinochet, qui reprit le pouvoir après l’assassinat de Salvador Allende en septembre 1973, le Nicaragua sous Somoza, le Guatemala sous le général et boucher Lucas Garcia, Haïti sous ‘Papa Doc’ et ‘Baby Doc’ Duvalier jusqu’en 1986, sans parler du Salvador, de la Colombie, du Honduras, du Pérou, du Brésil et des autres pays de l’Amérique latine et des Caraïbes qui ont vu disparaître des milliers de personnes – dirigeants syndicaux, militants paysans, intellectuels de gauche, étudiants et militants des droits civiques, etc. 

Au Guatemala, au moins 25.000 civils furent tués par les troupes gouvernementales durant le règne de terreur déclenché par le général Luca Garcia entre 1978 et 1982. 

On entreprit une militarisation massive dans chaque pays de l’Amérique latine en vue de supprimer toute forme de dissension et d’opposition au pillage des transnationales et aux lignes politiques pro-impérialistes (principalement pro-américaines) des classes dirigeantes. 

Il vaut la peine de citer quelques extraits du discours prononcé par Salvador Allende devant les Nations unies et dans lequel il mettait le monde en garde contre la menace posée par les transnationales : 

« Nous assistons à une confrontation directe entre les grandes sociétés transnationales et les Etats. Les sociétés font de l’ingérence dans les décisions fondamentales, tant politiques et économiques que militaires, des Etats. 

Les sociétés sont des organisations mondiales qui ne dépendent d’aucun Etat, dont les activités ne sont pas contrôlées et qui n’ont de comptes à rendre devant aucun parlement ni aucune autre institution représentative de l’intérêt collectif. 

En bref, toute la structure politique mondiale est en train d’être sapée. » 

Il appréhendait également le danger que représentaient ces transnationales prédatrices pour la souveraineté de son pays : 

 « Non seulement nous endurons un blocus financier, mais nous sommes également les victimes d’une agression évidente. 

Deux firmes faisant partie du noyau central des grosses sociétés transnationales qui ont enfoncé leurs griffes dans mon pays, à savoir l’International Telegraph and Telephone et la Kennecott Copper Corporation, ont tenté de gérer notre vie politique… 

Dès l’instant où le mouvement populaire a été victorieux lors des élections de septembre 1970, ITT, une gigantesque société dont le capital est plus important que le budget de plusieurs pays de l’Amérique latine mis ensemble, voire plus important que celui de certains pays industrialisés, a entamé une action des plus sinistres afin de me tenir éloigné de la présidence. » 

En septembre 1973, soit moins de neuf mois après son discours aux Nations unies, Allende était assassiné par la CIA afin qu’ITT puisse disposer en toute quiétude du Chili. 

Les tentatives d’Allende visant à combattre l’impérialisme en comptant sur la bonne vieille machine de l’Etat, qui avait été jusque-là entraînée et nourrie par l’impérialisme américain, ne pouvaient que mener à un tel désastre. 

La situation n’était guère différente aux Philippines, en Corée du Sud, à Singapour, à Taiwan, en Indonésie et dans la plupart des pays d’Afrique et du Moyen-Orient. 

Nous ne citerons que quelques exemples des tactiques impérialistes de subversion et d’ingérence ouverte dans les affaires de ces pays : en Indonésie, jusqu’à un million de communistes et d’autres patriotes furent massacrés au milieu des années 60 ; au Congo, Patrice Lumumba, dirigeant du mouvement national de libération du Congo, fut assassiné ; au Ghana, Kwame Nkrumah fut renversé ; en Irak, la victoire du peuple en 1958 fut sapée par un coup d’Etat qui laissa des milliers de morts (la dernière en date des agressions contre l’Irak par les armées coalisées dirigées par les Etats-Unis s’est soldée par le massacre de centaines de milliers d’Irakiens) ; les atrocités les plus barbares ont été commises par les impérialistes américains en Indochine lors de leur guerre d’agression qui allait durer toute une décennie; en 1986, les Etats-Unis ont bombardé le palais présidentiel libyen dans une tentative d’éliminer Muammar al-Kadhafi ; ils ont envahi Grenade, une petite île pourtant nation souveraine ; ils ont enlevé Noriega au Panama et ont persécuté pour ainsi dire les communistes et les forces anti-impérialistes dans quasiment chaque pays de la planète. 

En ce qui concerne l’exploitation économique, les dimensions du vol et du pillage des pays du tiers monde par les impérialistes de la phase néocoloniale dépassent de loin celles de l’époque coloniale. 

Parmi les innombrables méthodes employées par les impérialistes pour arnaquer le tiers monde de son agriculture, de ses richesses et ressources, voici les principales: 1. via des investissements directs à l’étranger; 2. via des échanges inégaux de marchandises; 3. via des taux élevés d’intérêt sur les prêts. 

Par exemple, les flux de capitaux totaux en investissements directs, nets, en provenance des Etats-Unis furent de 13,7 milliards de dollars entre 1950 et 1961, alors que le revenu total de ces investissements, pour la même période, fut de 23,2 milliards de dollars, c’est-à-dire un profit de 9,5 milliards de dollars. 

Entre 1950 et 1960, rien qu’en Amérique latine, les investissements directs à l’étranger furent de 6,2 milliards de dollars, alors que les bénéfices transférés à l’étranger furent de 11 milliards de dollars, c’est-à-dire une perte sèche, pour l’Amérique latine, de 5 milliards de dollars. 

Dans son discours de décembre 1972 aux Nations Unies, quelques mois avant son assassinat, le président chilien Salvador Allende parlait du pillage sans retenue de son pays par les corporations américaines comme l’Anaconda Company et la Kennecott Copper Corporation. 

Il s’agissait dans ce cas du cuivre :  

« Les mêmes firmes qui ont exploité le cuivre chilien durant de nombreuses années ont réalisé plus de 4 milliards de dollars de bénéfices au cours des 42 dernières années, alors que leurs investissements initiaux avaient été inférieurs à 30 millions de dollars. Un exemple simple et pénible, un contraste flagrant: dans mon pays, il y a 600.000 enfants qui ne pourront jamais profiter de la vie dans des conditions humaines normales parce que, durant les huit premiers mois de leur existence, ils ont été privés de la quantité indispensable de protéines. 

Mon pays, le Chili, aurait été totalement transformé, avec ces 4 milliards de dollars. 

Seule une infime partie de ce montant assurerait une fois pour toutes des protéines à tous les enfants de mon pays. » 

Alors que la crise de l’économie mondiale s’aggravait, les pays impérialistes se mirent à accroître de façon massive leurs investissements directs dans les pays du tiers monde, et ce, dès les années 1970. 

Comme les pays du tiers monde fournissaient de la main-d’oeuvre bon marché (par exemple, le revenu moyen d’un travailleur américain était de 1.220 dollars en 1972, alors que le travailleur taiwanais ne recevait qu’un salaire moyen de 45 dollars, le Sud-coréen 68 dollars, le travailleur de Singapour 60 dollars et le travailleur de Hong Kong 82 dollars), les gigantesques sociétés transnationales déplacèrent de plus en plus leurs opérations en direction des zones à bas salaires afin de contrebalancer la chute du taux de profit industriel résultant de l’augmentation massive de la composition organique du capital. 

Entre 1965 et 1980, les investissements privés à l’étranger furent multipliés par quatre, passant de 50 milliards de dollars à 214 milliards, et le stock global d’actions des IDE (investissements directs à l’étranger) atteignit 500 milliards de dollars en 1980. 

Au cours des années 1980 et 1990, du fait qu’un nombre sans cesse croissant de pays du tiers monde furent forcés d’ouvrir la totalité de leur propre marché, y compris le secteur des services, au capital, à la technologie et aux marchandises des impérialistes, on lança des mesures spécifiques telles le swapping, c’est-à-dire une opération d’échange couvrant – largement – le montant de la dette ainsi que des programmes de privatisation. Les flux des IDE en direction du tiers monde atteignirent des proportions effarantes. 

 Entre 1986 et 1990, les afflux d’IDE en direction du tiers monde crûrent à une moyenne annuelle de 21% en dollars actuels. 

Le stock global d’actions des IDE fit plus que tripler, passant d’environ 500 milliards de dollars en 1980 à 1.700 milliards en 1990. 

Bien que la plupart de ces transactions aient eu lieu entre les pays impérialistes eux-mêmes, il y eut toutefois un accroissement de flux des IDE en direction du tiers monde après que la Banque mondiale eut lancé son premier programme d’ajustement structurel en 1980. 

En 1991, les afflux d’IDE vers le tiers monde passèrent à 36 milliards de dollars et à 40 milliards de dollars en 1992. 

La part du tiers monde dans les IDE mondiaux a augmenté de 25% en 1991. 

Il sera intéressant de comparer ceci avec les chiffres des exportations de capitaux durant la période coloniale. 

En 30 années environ (de 1880 à 1913) d’exportation rapide vers les pays de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique latine, de capitaux provenant des anciens pays impérialistes comme la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne, les investissements totaux à l’étranger dans ces pays ne furent que de 19 milliards de dollars, en prix de 1970. 

Avec un tel flux massif d’IDE en direction du tiers monde, l’industrie, la banque et autres services locaux sont invariablement confrontés à la fermeture, ils sont incapables de résister à la concurrence des puissantes sociétés et banques transnationales. 

Par conséquent, les peuples du tiers monde sont exploités par les sociétés transnationales en tant que travailleurs (qui vendent leur main-d’oeuvre bon marché aux monopoles étrangers), en tant que producteurs paysans (dont les produits agricoles sont vendus à des prix extrêmement bas) et en tant que consommateurs (qui achètent des produits sur le marché, mais à des prix très élevés). 

Une autre méthode pour amasser les richesses des pays du tiers monde consiste à leur concéder des prêts à des taux d’intérêt exorbitants. 

En 1956, la dette extérieure totale des pays de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique latine s’élevait à 9,7 milliards de dollars, sur lesquels les pays payaient un intérêt, service compris, équivalant à 3% de leurs gains annuels sur les exportations. 

Au début de la crise de la dette en 1982, le fardeau de la dette du tiers monde s’élevait à 785 milliards de dollars et, en 1993, il atteignait la somme faramineuse de 1.500 milliards de dollars, soit le double par rapport à dix ans plus tôt et 150 fois plus qu’en 1956. 

Les transferts nets de ressources financières en provenance du tiers monde vers les banques commerciales s’élevaient à 178 milliards, entre les années 1984 et 1990. 

La dette totale extérieure des 47 pays africains représente actuellement 110% de leur PNB combiné. Les opérations de remboursement des dettes des pays du tiers monde ont plus que quintuplé en 12 ans – passant de 7 milliards de dollars en 1980 à plus de 36 milliards de dollars en 1992. 

Depuis que la crise de la dette a éclaté en 1982, il y a eu, dans l’autre sens, un afflux excédentaire de ressources en provenance du tiers monde vers les pays impérialistes de l’ordre moyen de 30 milliards de dollars chaque année, c’est-à-dire que, chaque année, les pays du tiers monde paient à leurs créanciers impérialistes 30 milliards de dollars de plus que ce qu’ils ont reçu sous forme de nouveaux prêts. 

Cette ponction massive des richesses du tiers monde s’est traduite pour ces pays par un accroissement sans précédent du nombre de pauvres, de sans-abri et de sans-emploi. 

En Afrique, 200 millions d’habitants, sur une population totale de 690 millions, vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. En Amérique latine, dont la population est à peu près la moitié de celle de l’Inde (environ 1 milliard d’habitants en 2001), près de 180 millions d’habitants vivaient dans la pauvreté au seuil des années 1990. 

La relation entre dette extérieure et pauvreté a été clairement résumée par l’archevêque de Sao Paulo, au Brésil, mais la même chose vaut aujourd’hui pour tout autre pays du tiers monde. 

« L’énorme effort des deux dernières années s’est traduit dans un excédent des exportations d’un milliard de dollars par mois. 

Pourtant, cet argent n’a servi qu’à payer les intérêts de la dette. 

Il est impossible de continuer dans cette voie. 

Nous avons déjà pris tout ce que les habitants avaient à manger, même si les deux tiers d’entre eux crèvent déjà de faim. 

Lorsque nous avons emprunté, les taux d’intérêt étaient de quatre pour-cent ; aujourd’hui, ils sont de huit pour-cent et, à certain moment, ils ont même été de vingt et un pour-cent. Pire encore, ces emprunts ont été contractés par les militaires et à des fins généralement militaires – 40 milliards de dollars ont été engloutis par six centrales nucléaires dont aucune ne fonctionne aujourd’hui. On attend aujourd’hui des gens qu’ils remboursent ces dettes moyennant de bas salaires et la famine. 

Mais nous avons déjà remboursé cette dette une ou deux fois de trop, si l’on considère les intérêts payés. Nous devons cesser de donner le sang de notre peuple et sa misère pour rembourser le premier monde. » 

Dans l’ensemble du tiers monde, le nombre de personnes vivant dans une extrême indigence atteint presque les 700 millions. 

La majeure partie de l’Afrique est devenue une région chroniquement exposée à la famine et des centaines de milliers de personnes meurent comme des mouches chaque année. 

Même si la grande majorité des habitants du tiers monde meurent de faim et de maladie, la faim des maîtres néocoloniaux, elle, devient de plus en plus insatiable. Les avoirs des sociétés dans les pays débiteurs passent aux mains des énormes monopoles via certains schémas tels le swapping, c’est-à-dire des échanges correspondant au montant de la dette. 

L’inégalité des échanges constitue toutefois une autre méthode de vol utilisée par les impérialistes commerçant avec le tiers monde. 

La plupart des pays du tiers monde dépendent de leurs exportations de produits de base et de l’importation de marchandises industrielles et de technologie de l’Occident. 

Alors que les prix des produits de base sur les marchés internationaux baissent chaque année, en raison surtout des manigances des sociétés de l’agrobusiness et autres monopoles, les prix des produits industriels, eux, grimpent sans cesse. 

Par exemple, entre 1955 et 1959, les prix à l’exportation ont baissé de 15%, entraînant une perte, pour l’Afrique tropicale, de 600 millions de dollars, soit le double du montant de l’aide extérieure. 

Une simple comparaison entre les prix à l’exportation et à l’importation donne une image graphique du vol perpétré par les prédateurs néocoloniaux via cette inégalité des échanges:

 
 
Pour acheter
une tonne d’acier importé
En 1951En 1961Augmentation
Le Ghana devait exporter
un poids de cacao de
90 kg255 kg283 %
Le Brésil devait exporter
un poids de café de
70 kg169 kg241 %
La Malaisie devait exporter
un poids de caoutchouc de
58 kg196 kg332 %



En 1952, à l’époque où le Ghana était sous domination coloniale directe, il recevait 467 £ par tonne (1.016,05 kg) de cacao exporté. A l’époque de l’ ‘indépendance’, en 1957, il ne percevait plus que 200 £ la tonne. En 1968, le prix descendit dramatiquement à 85 £ la tonne. 

Le cacao étant le produit le plus important dont dépendait la vie économique du Ghana, une telle dégringolade dans les prix de son marché se traduisit par un mécontentement des masses puis, par un coup d’Etat contre le président Nkrumah. 

Même aujourd’hui, l’Afrique dépend uniquement des exportations de ses richesses naturelles, comme les diamants, le cuivre, les denrées alimentaires, les boissons, etc. 

Entre 90 et 95% des échanges de la Zambie avec l’étranger proviennent d’un seul métal, le cuivre. 

En 1985, le prix du cuivre chuta à un tiers de ce qu’il était en 1966, alors que les prix des denrées alimentaires, de l’essence et des marchandises industrielles essentielles fut multiplié plusieurs fois. Au cours du quart de siècle qui a suivi son ‘indépendance’, la Zambie s’est muée en pays gravement endetté et elle doit dépendre des impérialistes, même pour sa nourriture. 

En 1986, l’Argentine, un grand exportateur de denrées alimentaires, a subi une perte d’au moins 2 milliards de dollars due à une dégringolade des prix de ses exportations. 

Les exportations de froment richement subsidiées en provenance des Etats-Unis et de la CEE sont la cause de la chute des prix du froment sur le marché mondial. 

Les pays impérialistes et leurs organismes multilatéraux comme la Banque mondiale ont découragé les pays du tiers monde à produire des récoltes destinées à leur propre consommation alimentaire et les ont poussés à se tourner vers des récoltes destinées à la vente. 

Il s’en est suivi une faillite complète des économies de plusieurs pays du tiers monde en raison de la chute sévère des prix des récoltes destinées à la vente. 

En 1986, le prix du thé – l’une des principales exportations du Kenya – a été réduit de moitié par rapport à l’année précédente. 

En 1985, en Tanzanie, les gains des exportations sur les produits comme le coton se situaient 40% plus bas que ceux de 1980. En 1986, la situation empira encore. 

Pour reprendre les mots du président de l’époque, Julius Nyereree : 

« Les paysans de nos grandes régions cotonnières ont plus que doublé leur récolte de coton par rapport à celle de l’an dernier. 

Nous sommes désespérément à court d’échanges avec l’étranger qui nous permettraient de faire venir des importations essentielles, et le coton est l’une de nos principales exportations ; c’est pourquoi nous avons été enchantés par cette grosse augmentation de la production. Mais, en juillet de cette année, le prix du coton sur le marché mondial a chuté, passant de 68 cents la livre à 34 cents la livre en une seule journée. 

Le résultat pour notre économie – et pour les revenus des paysans – est semblable à celui d’une catastrophe naturelle : une moitié de notre récolte et, partant, une moitié de nos revenus, est perdue. Nos paysans – et notre nation – ont produit l’effort, mais le pays ne gagne pas un seul cent de plus dans ses échanges avec l’étranger. 

C’est du vol ! » 

Suite à sa dépendance vis-à-vis du marché mondial pour sa survie, la Tanzanie, elle aussi, est devenue gravement endettée et est désormais forcée de sacrifier 60 pour-cent de tous ses gains à l’exportation pour rembourser sa dette. 

Après que le Maroc eut obtenu son ‘indépendance’ vis-à-vis de la France, en 1956, la Banque mondiale lui conseilla de cultiver des variétés pour l’exportation, comme les citrons et les légumes frais. 

A cette fin, elle finança plusieurs barrages et avança des prêts. Résultat : le Maroc, jadis l’un des greniers de l’Afrique et fournisseur majeur de la France, importe aujourd’hui plus de 3 millions de tonnes de froment chaque année alors que ses oranges et ses tomates pourrissent dans ses champs en raison du manque de demande sur les marchés mondiaux. 

En outre, le pays a aujourd’hui une colossale dette extérieure de 16 milliards de dollars et il est forcé de verser 47% de son budget annuel rien que pour le remboursement de sa dette. 

Au cours du premier semestre de 1985, sur les conseils du FMI, la Thaïlande a accru ses exportations de caoutchouc de 31% par rapport à la même période de 1984. 

Mais ses revenus ont baissé de 8% en raison de la chute des prix du caoutchouc. 

Entre 1984 et 1985, les sociétés qui transforment les matières premières du tiers monde ont bénéficié d’une baisse de 10% dans le coût des matières premières agricoles et d’une baisse de 15% dans les prix des métaux, c’est-à-dire qu’en l’espace d’une seule année, il y a eu une ponction de 65 milliards de dollars dans le tiers monde en raison de la chute des prix des exportations de marchandises de base. 

Voilà le pillage massif auquel se livrent les impérialistes dans la phase néocoloniale. 

Dans la plupart des pays du tiers monde, les sources d’information elles aussi sont soit influencées soit contrôlées par les impérialistes. 

Via leur réseau mondial, les médias occidentaux, presse, radio, TV, éducation etc., tentent de mouler les opinions et idées des gens en faveur du modèle occidental du capitalisme et contre le socialisme, l’indépendance et la démocratie. 

En résumé, le néocolonialisme poursuit la même vieille ligne de soumission politique et d’exploitation économique des gens du tiers monde. 

Il continue à extraire du tiers monde de superprofits monopolistes, de trente-six façons différentes. 

Les années 1950 et 1960 (et même durant la période courant jusqu’au milieu des années 1970) ont permis d’assister à des insurrections massives contre le pillage et la domination coloniale et néocoloniale du tiers monde, insurrections qui ont même abouti à quelques succès significatifs dus à la force organisée des luttes populaires de libération, à la force et au soutien des pays socialistes (en dépit de la dégénérescence d’une partie du camp socialiste après l’accession au pouvoir de Khrouchtchev) et à la solidarité témoignée par la classe ouvrière et les peuples des pays impérialistes. 

Mais, à partir du milieu des années 1970, l’impérialisme répondait par une offensive de grande envergure. L’inextricable crise dans laquelle l’impérialisme s’était retrouvé lui-même depuis le début des années 1970 et la collusion et les querelles croissantes entre les diverses puissances impérialistes en vue d’une part plus importante du marché mondial allaient déboucher sur une intensification de l’offensive contre le tiers monde. 

L’une des caractéristiques importantes du néocolonialisme est qu’en plus de fournir de nouvelles opportunités d’exploitation à chaque puissance impérialiste, il rend également possible leur ‘exploitation conjointe’ du tiers monde, c’est-à-dire un colonialisme collectif tel qu’il s’exprime par le biais d’institutions collectives comme la Banque mondiale, le FMI, le GATT et d’autres. Ces tentatives de colonialisme collectif ne vérifient pas la thèse kautskiste de l’ultra-impérialisme, mais indiquent la faiblesse de l’impérialisme dans son ensemble. 

Sans aucun doute, la crise générale croissante et la chute des taux de profit donneront-elles lieu, avec le temps, à des rivalités plus féroces et à des confrontations violentes entre les diverses puissances impérialistes et leurs sociétés transnationales. 

Commençant par l’Amérique latine, l’offensive néocolonialiste se répandit dans le reste du tiers monde au cours des années 1980 et 1990. Dans cette offensive vigoureuse, lancée avec une brutalité et une férocité extrêmes, les acquis, de quelque importance qu’ils eussent été, des peuples du tiers monde furent réduits à néant. Par conséquent, il ne nous faut entretenir aucune illusion : le néocolonialisme n’est pas seulement un impérialisme en retraite, bien qu’il soit dans sa phase finale de déclin. 

En fait, l’impérialisme a trouvé une nouvelle base pour poursuivre ses activités prédatrices dans le tiers monde. 

2. L’impact du néocolonialisme sur les rapports féodaux et semi-féodaux en agriculture et sur le développement du capitalisme dans les pays arriérés 

Quel est l’impact du néocolonialisme sur les rapports féodaux et semi-féodaux en agriculture et sur le développement du capitalisme dans les pays arriérés ? 

On a avancé plusieurs théories, depuis la Seconde Guerre mondiale, à propos du rôle du néocolonialisme dans les pays du tiers monde. Alors que certains affirment que l’impérialisme, via ses lignes politiques néocolonialistes, a amené un changement qualitatif profond dans les rapports de production précapitalistes – et ce, par le biais d’un développement rapide des forces productives dans le tiers monde, en vue de créer un marché pour ses produits et des débouchés pour ses surplus de capitaux accumulés et d’exploiter la main-d’oeuvre bon marché, les terres et les ressources des pays du tiers monde – d’autres, toutefois, se refusent à voir le moindre changement qui soit dans les anciens rapports de production précapitaliste. 

La vérité, cependant, réside quelque part entre ces deux extrêmes. Avant de comprendre les changements engendrés par les formes néolibérales d’exploitation après la fin de la domination coloniale, dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale, il convient d’abord d’examiner les changements qui se sont produits durant la période coloniale. 

2.1. L’impact de la domination coloniale directe sur les structures et classes précapitalistes 

L’ancien système de domination coloniale consistait, en essence, en une alliance entre l’impérialisme extérieur et les forces précapitalistes locales – les seigneurs féodaux, les princes, les rajahs, les cheikhs, les chefs tribaux etc. – bien que dans certaines colonies développées comme l’Inde, des sections de la classe capitaliste locale coopérèrent aussi et se commirent avec l’impérialisme. 

Ceci était dû au fait que les rapports de production dans les colonies et les semi-colonies étaient à prédominance précapitaliste et, par conséquent, la bourgeoisie nationale était soit absente (comme dans la majeure partie de l’Afrique), soit très faible. 

Sous le colonialisme, un certain développement eut lieu, mais c’était un développement complètement déformé qui se traduisait par une économie totalement déséquilibrée et par un appauvrissement de la vaste majorité du peuple. 

L’impérialisme transforma les pays coloniaux en bases de production de matières premières ou de produits de base – des minerais et de la production agricole destinés à l’exportation. 

Souvent, toute l’économie d’un pays reposait sur la production et l’exportation d’une ou deux marchandises – le Ghana sur le cacao, la Gambie sur les arachides, Zanzibar sur les clous de girofle, le Tanganyika sur le sisal et le café, la Malaisie et l’Indonésie sur le caoutchouc et l’étain, Ceylan sur le thé et le caoutchouc, la Jamaïque sur le sucre et les bananes, etc. 

Toutes les mines et plantations étaient aux mains des gros monopoles des impérialistes qui employaient la main-d’oeuvre locale à des salaires extrêmement bas ou amenaient de la main-d’oeuvre bon marché de l’extérieur (comme les ouvriers agricoles chinois dans certaines parties de l’Asie du Sud-Est). 

Les monopoles commerciaux étrangers achetaient également les produits des producteurs paysans locaux à des prix très bas. 

Les rapports marchands furent développés en convertissant la terre en une marchandise, en collectant des taxes en espèces, en payant les salaires en cash dans les plantations et les mines européennes, en achetant chez les producteurs paysans locaux des matières premières telles le coton, le jute, les arachides, le sucre, etc. pour les firmes monopolistes et en vendant les marchandises impérialistes aux habitants des colonies. 

Les intérêts de l’ancien système colonialiste consistaient donc à empêcher l’industrialisation des colonies et à les préserver en tant qu’hinterlands pour la fourniture de matières premières à bon marché – des produits agricoles et miniers – aux industries des pays impérialistes. 

Le Sixième Congrès de la Troisième Internationale, dans sa Thèse sur le mouvement révolutionnaire dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, expliquait ce développement capitaliste déformé dans les termes suivants : 

« Dans la mesure où, toutefois, l’exploitation coloniale présuppose un certain encouragement du développement de la production dans les colonies, ce développement, grâce au monopole impérialiste, est dirigé selon les seules lignes de conduite et selon le seul degré qui correspondent aux intérêts de la métropole (les Etats impérialistes) et, en particulier, aux intérêts de la préservation de son monopole colonial. 

Ceci peut amener une partie de la paysannerie, par exemple, à passer de la culture céréalière à la production de coton, de sucre ou de caoutchouc (cultures destinées à l’exportation), mais ceci se fait de telle façon et selon de tels moyens que cela ne coïncide non seulement pas du tout avec les intérêts du développement économique indépendant du pays colonial, mais, au contraire, renforce toujours plus solidement la dépendance de ce dernier à l’égard de la métropole impérialiste. 

Dans le but d’élargir la base des matières premières au profit de l’impérialisme mondial, on a lancé de nouvelles cultures agricoles destinées à remplacer celles détruites par la ligne de conduite coloniale. 

Avec les mêmes objectifs à l’esprit, on construit de nouveaux systèmes d’irrigation en remplacement des anciens que l’on a détruits et, dans les mains des impérialistes, ils deviennent une arme permettant d’accroître l’exploitation de la paysannerie. 

Dans l’intention d’agrandir le marché interne, on y va de tentatives en vue d’adapter au mode capitaliste de production les relations agricoles qui ont été partiellement créées par la ligne de conduite coloniale elle-même. 

Des plantations de différentes sortes servent les intérêts du capital financier métropolitain (impérialiste). 

L’exploitation des richesses minérales des colonies s’effectue en fonction des besoins de l’industrie du pays impérialiste, et tout spécialement de ses besoins de mettre fin à sa dépendance vis-à-vis des sources de matières premières d’autres pays dans lesquels le monopole de cet impérialisme en particulier n’étend pas ses tentacules. 

Voilà les principales sphères de la production coloniale. En tout cas, les entreprises capitalistes créées par les impérialistes dans les colonies (à l’exception de quelques entreprises installées à des fins militaires) sont majoritairement, voire exclusivement, de caractère capitaliste agraire et elles se distinguent par une faible composition organique de leur capital. 

La véritable industrialisation du pays colonial, en particulier la construction d’une industrie mécanique florissante qui pourrait permettre le développement indépendant des forces productives du pays, n’est pas accélérée mais, au contraire, elle est freinée au maximum par les impérialistes. 

Telle est l’essence de sa fonction d’asservissement colonial : le pays colonial est forcé de sacrifier les intérêts de son développement indépendant et de jouer un rôle d’annexe économique (avec ses matières premières agricoles) du capitalisme étranger, ce qui, aux dépens des classes laborieuses du pays colonial, renforce la puissance économique et politique de la bourgeoisie impérialiste afin de perpétuer le monopole de cette dernière dans les colonies et d’accroître son expansion par rapport au reste du monde. » 

Pour comprendre plus clairement ce développement déformé des économies dans les colonies, illustrons-le au moyen du cas d’un seul pays, le Ghana.  

A l’époque de la conquête de son indépendance, en 1957, le pays exportait de la bauxite et importait des pots et des casseroles d’aluminium. Exportant de l’huile de palme, il importait du savon. Exportant du bois, il importait des meubles et du papier. 

Exportant des peaux, il importait bottes et chaussures. Le plus grand producteur mondial de cacao exportait du cacao brut et devait importer le moindre bâton de chocolat ou boîte de cacao dont il avait besoin. Il dépensait même des centaines de millions de livres par an pour importer les sacs de jute servant à emballer ses fèves de cacao brut pour l’exportation. 

Plus incroyable encore, si c’est possible : une firme britannique possédant des plantations de citrons au Ghana pressait le jus des fruits, acheminait le jus en vrac par bateau en direction de la Grande-Bretagne où on le mettait en bouteille ; le produit final était réexporté au Ghana où il était détaillé à haut prix dans les boutiques locales. 

Mais, afin de mener ce pillage à bien, les puissances coloniales devait inévitablement construire des routes et des lignes de chemin de fer, installer des ports et développer certaines infrastructures qui, inévitablement, menaient au développement de certains rapports capitalistes. 

L’exportation de capitaux, à partir de la dernière décennie du 19e siècle, a accéléré ce développement. Le camarade Lénine faisait remarquer que « l’exportation de capitaux influence et accélère grandement le développement du capitalisme dans ces pays vers lesquels ils sont exportés ». 

Mais, comme on l’a déjà dit plus tôt, ce développement capitaliste a été déformé et adapté uniquement aux besoins en matières premières des monopoles impérialistes. Les rares industries établies là-bas étaient contrôlées par les impérialistes ; les industries minières et d’extraction du pétrole, ainsi que les plantations étaient entièrement aux mains du capital impérialiste. 

Comme ce développement partial dans les colonies n’était pas destiné à satisfaire le marché interne mais à servir les métropoles impérialistes, il ne pouvait se développer au-delà de certaines limites. 

Et, pour la même raison, les rapports précapitalistes demeurèrent prédominants dans les colonies alors que les rapports capitalistes leur étaient juxtaposés artificiellement de l’extérieur, au contraire du développement du capitalisme dans la matrice des formations sociales précapitalistes existant en Europe et en Amérique où le marché interne assurait une base solide à la pleine maturation du capitalisme. 

Le capitalisme qui émergeait dans les pays occidentaux avait son propre dynamisme interne qui lui permit de prendre une expansion sans limite et de transformer les structures féodales, semi-féodales et autres structures précapitalistes qui se présentaient au travers de sa route, détruisant même par la force ces rapports précapitalistes de production. 

Tout acte de destruction de ce qui existait auparavant fut, en même temps, un acte de création de nouveaux rapports capitalistes. 

Le développement rapide des forces productives dans les pays capitalistes reposait sur les propres marchés internes, en dépit de l’exploitation et du pillage sans retenue des colonies et semi-colonies et du commerce barbare des esclaves qui fournit l’élan initial en fournissant une accumulation primitive de capitaux. 

Même au Japon où, du fait de la révolution démocratique inachevée, les rapports semi-féodaux se maintinrent dans l’agriculture jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, le capitalisme put se développer à un rythme rapide puisqu’il reposait entièrement sur le capital indigène, lequel avait un développement indépendant. 

En dépit de son extrême arriération jusqu’au dernier quart du 19e siècle et d’une grave pénurie de matières premières, le principal avantage du Japon était qu’il ne fut jamais une colonie ni même une semi-colonie. 

Comme le marché interne était très limité, avant la Seconde Guerre mondiale, en raison des rapports semi-féodaux qui agissaient comme une entrave, le capital japonais, aidé par une machine étatique hautement militarisée, s’empara des marchés et sources extérieurs de matières premières. 

Mais, par un contraste impressionnant, dans les colonies et les semi-colonies, l’ancien mode de production ne fut que partiellement détruit sans que l’on créât quelque chose de neuf pour le remplacer; des ‘enclaves’ capitalistes se développèrent côte à côte avec des structures et rapports précapitalistes. 

Les artisans ruinés ne purent être absorbés dans la sphère de production puisqu’il n’y avait que peu de nouvelles industries et, de ce fait, ils durent se tourner vers les campagnes, aggravant ainsi la crise agraire. 

Ce fut une véritable régression économique qui se répercuta par une autre dépression du marché interne dans les colonies et semi-colonies. 

En raison de l’extrême faiblesse des marchés internes des colonies et semi-colonies, les investissements étrangers dans ces pays furent réalisés presque exclusivement en fonction des marchés impérialistes. 

Par exemple, à la veille de la Première Guerre mondiale, la proportion des investissements étrangers dans les industries et visant le marché interne tournait autour de 15% des investissements étrangers totaux dans les pays coloniaux, semi-coloniaux et dépendants. 

Les exploitations minières, les plantations, le transport, les groupements commerciaux, les banques et les compagnies d’assurances etc., furent tous installés dans l’optique des exportations. 

Le secteur capitaliste dans le processus du développement fut donc totalement étranger à l’économie locale. 

Les rapports et structures précapitalistes furent adaptés aux besoins des dirigeants coloniaux mais ne subirent pas de transformations radicales en vue de créer un véritable mode capitaliste de production. 

De même, politiquement, les dirigeants coloniaux furent confrontés au besoin pressant de créer des appuis sociaux pour la minorité de leur personnel dirigeant. 

La bourgeoisie commerçante et prêteuse de fonds, quand elle était présente, s’allia au capital étranger et se mua donc en une bourgeoisie compradore. 

Les propriétaires terriens et les chefs tribaux devinrent les appuis sociaux des dirigeants coloniaux. 

Le camarade Mao, se référant à la Thèse sur le mouvement révolutionnaire dans les pays coloniaux et semi-coloniaux du 6e Congrès du Komintern, qui avait eu lieu en 1928, et à La révolution en Chine et les tâches du Komintern du camarade Staline, expliquait ce phénomène dans le contexte de la Chine : 

« Les puissances impérialistes ont fait de la classe des seigneurs féodaux, de même que de celle des compradores les principaux appuis sociaux de leur pouvoir en Chine. 

L’impérialisme commence d’abord par s’allier avec les couches dirigeantes de la précédente structure sociale, avec les seigneurs féodaux et la bourgeoisie commerçante et prêteuse de fonds contre la majorité du peuple. Partout, l’impérialisme tente de préserver et de perpétuer toutes ces formes précapitalistes d’exploitation (tout particulièrement dans les villages) qui servent de base à l’existence de ces alliés réactionnaires. 

L’impérialisme, avec tout son pouvoir financier et militaire, est la force, en Chine, qui soutient, inspire, favorise et préserve les survivances féodales, en même temps que la totalité de leur superstructure bureaucratico-militariste. » 

Plus loin, il faisait encore remarquer : 

« Toutefois, l’apparition et le développement du capitalisme n’est qu’un des aspects du changement qui s’est produit depuis la pénétration impérialiste en Chine. 

Il y a un autre aspect concomitant et obstructif, c’est la collusion de l’impérialisme avec les forces féodales chinoises afin d’arrêter le développement d’un capitalisme chinois. » 

Mais, en même temps que les classes sociales caractéristiques des formations précapitalistes, telles les seigneurs féodaux, la paysannerie asservie ou attachée à la glèbe, les hommes de métier et artisans des villages, les prêtres, les chefs, les cheikhs et les rajahs, de nouvelles classes de travailleurs salariés et de capitalistes apparut également durant la période coloniale. 

Une couche de personnel professionnel, technique et spécialisé dans les services, occupant des postes modestes dans l’administration coloniale, les forces armées, les services postaux, les hôpitaux, les écoles et collèges etc., apparurent également en tant que forces nouvelles. 

Le camarade Mao, dans A propos de la nouvelle démocratie, expliquait ces nouveaux changements survenus en Chine dans le sillage de l’apparition d’un secteur capitaliste dans l’économie chinoise : 

« La société chinoise a progressivement changé de caractère depuis l’apparition d’une économie capitaliste en Chine ; ce n’est plus une société entièrement féodale, mais semi-féodale, quoique l’économie féodale prédomine toujours. Comparée à l’économie féodale, cette économie capitaliste représente un type nouveau. 

Les forces politiques de la bourgeoisie, de la petite bourgeoisie et du prolétariat sont les nouvelles forces politiques qui ont surgi et se sont développées simultanément avec cette nouvelle économie capitaliste. Et la nouvelle culture reflète ces nouvelles forces économiques et politiques dans le domaine de l’idéologie et les sert. 

Sans l’économie capitaliste, sans la bourgeoisie, la petite bourgeoisie et le prolétariat, et sans les forces politiques de ces classes, la nouvelle idéologie ou nouvelle culture ne serait jamais apparue. »

Bien que le capitalisme se soit développé jusqu’à un certain point dans l’agriculture – le rythme du développement lui-même étant conditionné par l’importance des exportations de cultures destinées à la vente dont ont besoin les pays impérialistes – elle a survécu comme forme secondaire avec les rapports féodaux et semi-féodaux. 

C’est ce que mettait en évidence les fameuses Thèses du Komintern : 

« Le capitalisme, qui a incorporé le village colonial dans son système de taxation et son appareil commercial et qui a bouleversé les rapports précapitalistes (par exemple, la destruction de la communauté villageoise), ne libère pas, ce faisant, les paysans du joug des formes féodales de servitude et d’exploitation, mais donne à ces dernières une expression monétaire (les services et locations féodaux alors que le paiement des taxes en nature est remplacé par des taxes en espèces, et ainsi de suite) qui accroît encore davantage la souffrance de la paysannerie. 

Au ‘secours’ des paysans dans leur misérable condition vient l’usurier qui les dépouille et qui, dans certaines conditions (par exemple, dans certaines localités de la Chine et de l’Inde), crée même un esclavage héréditaire reposant sur leur endettement (…) 

En dépit de la grande variété des rapports agraires dans divers pays coloniaux, et même dans différentes parties d’un seul et même pays, la condition des masses paysannes frappées par la pauvreté est presque partout la même (…) 

La grosse propriété terrienne, ici, n’a pas grand-chose à voir que ce soit avec l’agriculture à grande échelle, mais sert uniquement de moyen d’extorquer des loyers aux paysans. On peut fréquemment trouver une hiérarchie à niveaux multiples, consistant en seigneurs, vassaux, chaînons parasitaires intermédiaires entre le cultivateur qui travaille son champ et le grand propriétaire (le zamindar) ou l’Etat. (…) 

Des masses importantes de la paysannerie sont exclues du processus de production; elles n’ont aucune chance de trouver du travail dans les villes et n’en trouvent guère non plus dans les villages, où elles se transforment en misérables coolies (…)  

Les tentatives dérisoires d’appliquer des réformes agraires sans porter préjudice au régime colonial sont voulues pour faciliter la conversion progressive de la propriété terrienne semi-féodale en propriété terrienne capitaliste; et, dans certains cas, pour établir une couche étroite de paysans de type koulak. 

En pratique, ceci ne conduit qu’à une paupérisation toujours croissante qui, à son tour, paralyse une fois de plus le développement des marchés internes!  » 

Faisant référence aux changements qui ont eu lieu dans l’économie chinoise avec l’avènement du capital étranger, le camarade Mao écrivait : 

« Les fondements de l’économie naturelle autosuffisante de l’époque féodale ont été détruits, mais l’exploitation de la paysannerie par la classe des propriétaires terriens, qui est la base du système de l’exploitation féodale, non seulement demeure intacte mais, liée comme elle est à l’exploitation par le capital compradore et usuraire, elle domine clairement la vie sociale et économique de la Chine. » 

« Le capitalisme national s’est développé jusqu’à un certain niveau et a joué un rôle considérable dans la vie politique et culturelle de la Chine, mais il n’est pas devenu le modèle principal de l’économie chinoise ; il manque de vigueur et il est généralement associé à l’impérialisme étranger et au féodalisme domestique à des degrés divers. » 

Finalement, il ne faudrait pas oublier que les effets de la domination coloniale n’ont pas été uniformes dans toutes les colonies. Ils dépendaient du degré de développement des économies locales à l’époque de la domination coloniale et de la force des classes sociales dans les colonies. 

Les développements en Amérique latine, qui se trouvait sous domination coloniale directe depuis plus de trois siècles, mais où le pouvoir s’est transféré aux grands propriétaires et à la bourgeoisie compradore dans le premier quart du 19e siècle – longtemps avant l’avènement de l’impérialisme moderne – sont absolument différents de ceux de l’Afrique subsaharienne qui n’a jamais eu ni gros propriétaires ni aucune bourgeoisie compradore ou nationale à la fin de la domination coloniale directe. 

Le capitalisme agraire du type latifundia s’appuyant sur des structures semi-féodales et les limitations imposées par une économie d’exportation empêchent son plein développement. 

En Inde, en Egypte etc., une bourgeoisie puissante existait à l’époque de la conquête coloniale même et, de là, elle se transforma rapidement en une bourgeoisie compradore. 

En Asie, sous la domination coloniale, le capitalisme ne pouvait se développer à un niveau important, bien que les rapports et structures féodaux se fussent progressivement transformés en rapports et structures semi-féodaux. Les plantations capitalistes modernes aux mains d’Unilever, de United Fruit, de Firestone etc., coexistaient avec l’agriculture de subsistance. 

Même dans le secteur capitaliste de l’agriculture, on recourait également à des formes féodales de servitude et d’exploitation afin d’extraire de la valeur excédentaire supérieure. 

L’Afrique, qui fut la dernière à être colonisée vers la fin du 19e siècle, en était toujours à un stade primitif de développement à l’époque de la conquête coloniale. 

En Afrique du Nord, l’installation de Blancs pauvres restreignit la formation de classes sociales similaires à celles de l’Asie. 

Tout le personnel administratif était recruté parmi les colonialistes étrangers, au contraire des autres colonies d’Asie et du Moyen-Orient. Dans ces derniers pays, le capitalisme commença d’abord à se développer dans les villes et la grande bourgeoisie urbaine, qui avait des liens étroits avec la classe des gros propriétaires terriens, était bien développée alors que la bourgeoisie rurale ou la classe des koulaks, était très faible. 

En Afrique, il n’y a pratiquement pas de développement urbain ni de bourgeoisie urbaine. La bourgeoisie rurale, par ailleurs, s’est progressivement développée au cours de la période coloniale en raison du passage de l’agriculture primitive à une économie reposant sur des plantations, laquelle économie visait l’exportation vers les pays impérialistes. 

C’est cette bourgeoisie rurale qui a lentement commencé à se muer en une bourgeoisie urbaine. 

Ces différents types de développement sous la domination coloniale ont une incidence directe sur la situation et le statut dans la phase néocoloniale de l’impérialisme après la Seconde Guerre mondiale. 

2.2. La relation entre néocolonialisme et classes sociales ainsi que les rapports de production dans le tiers-monde 

Les changements momentanés qui se sont produits après la Seconde Guerre mondiale (les plus importants étant l’apparition d’un camp socialiste puissant et l’affirmation croissante des nouvelles forces politiques et sociales qui étaient apparues dans les colonies en raison du processus de développement capitaliste, aussi limité et déformé qu’il ait pu être) avaient forcé l’impérialisme non seulement à passer aux méthodes de la domination indirecte (c’est-à-dire au néocolonialisme), mais également à trouver une nouvelle base sociale à la poursuite de son pillage et de son exploitation. 

Le ‘spectre du communisme’ hantait partout les impérialistes et leurs larbins et les anciennes couches précapitalistes – seigneurs féodaux, princes, rajahs, cheikhs et chefs qui agissaient en tant que principaux piliers de l’ancien type de colonialisme – avaient perdu tout crédit dans plusieurs pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine et les habitants ne leur faisaient plus confiance. 

Dans la plupart des colonies et des semi-colonies, les mouvements de libération nationale étaient dirigés non seulement contre l’impérialisme mais également contre les classes précapitalistes protégées et appuyées par les troupes impérialistes. 

Alors que les anciens dirigeants traditionnels ne demandaient pas mieux que de maintenir le même système économique et social que celui qui avait existé durant des décennies, les nouvelles forces sociales révélées par les mouvements nationaux représentaient des classes qui étaient intéressées par la création d’Etats modernes, de nouvelles industries, d’universités et d’institutions parlementaires. 

Les puissances coloniales comprirent qu’elles ne pouvaient contrôler les Etats nouvellement constitués qu’au travers de ces nouvelles forces sociales qui avaient acquis des positions de pouvoir dans certains pays – la bourgeoisie naissante, la petite bourgeoisie, l’intelligentsia, les élites bureaucratiques et techniques, les dirigeants militaires, etc. 

Partout où ce fut possible, l’impérialisme poursuivit ses relations avec les forces précapitalistes – avec les seigneurs féodaux et les chefs tribaux. 

Dans des pays comme le Nigeria, le Ghana, le Niger, la Malaisie, les Philippines, l’Indonésie, le Soudan et l’Inde, les nouveaux gouvernements furent constitués en tant que coalitions des forces précapitalistes et de la bourgeoisie en collusion avec l’impérialisme. 

Alors que dans des pays comme l’Inde, où une classe bourgeoise compradore s’était entièrement développée, le pouvoir fut directement transféré vers une alliance des forces féodales et de la grande bourgeoisie compradore, dans la plupart des pays de l’Afrique, où l’économie primitive et la domination des colons blancs entravaient l’émergence d’une classe capitaliste, les impérialistes commencèrent délibérément à entretenir une nouvelle classe moyenne servant les intérêts de l’impérialisme. Cette volonté de créer une nouvelle classe moyenne dans les pays africains, les institutions impérialistes la proclamèrent à l’occasion de plusieurs forums et rencontres. 

La bourgeoisie rurale africaine, n’ayant ni les moyens financiers ni les capacités techniques, trop disséminée, trop amorphe, est incapable de créer d’elle-même une industrie moderne. 

La seule option laissée à la génération plus jeune de la bourgeoisie rurale africaine est le service de l’Etat. 

La nouvelle bureaucratie est donc devenue une élite privilégiée et la principale force motrice au sein de la société africaine. 

Les fonctionnaires investissent l’argent de leurs proches et semblables des campagnes dans des secteurs tels la construction de routes, les taxis, les services, la construction de bâtiments et autres programmes de travaux publics qui ne requièrent pas des capitaux excessifs. Dans la majeure partie de l’Afrique, c’est à cette bureaucratie d’Etat et à la bourgeoisie rurale que l’impérialisme a commencé à s’allier, principalement au cours de la phase néocoloniale, plutôt qu’aux dirigeants traditionnels. 

Progressivement, cette bourgeoisie administrative s’est transformée en une bourgeoisie d’Etat soumise aux intérêts de l’impérialisme. 

Un objectif essentiel du néocolonialisme est d’empêcher, dans les pays du tiers monde, une transformation révolutionnaire qui aurait signifié un combat acharné mené contre l’impérialisme et le féodalisme par l’alliance entre la classe ouvrière et les paysans. 

Ainsi donc, dans certains pays d’Asie et d’Afrique, incapables de préserver les sociétés féodales ou semi-féodales comme piliers de leur influence, les impérialistes eux-mêmes ont initié des réformes agraires, comme à Taiwan, en Corée du Sud et au Sud-Vietnam, ils ont créé une nouvelle classe de koulaks composée de fermiers capitalistes ainsi qu’une classe capitaliste soumise à l’impérialisme. 

Certains des anciens propriétaires terriens et seigneurs, eux aussi, devinrent des fermiers capitalistes de gros calibre, comme en Egypte, à Taiwan ou dans certaines parties de l’Inde. 

Alors que la motivation politique d’amener certains changements dans les rapports capitalistes de production dans les pays du tiers monde provient de la concurrence à l’échelle mondiale entre le capitalisme et le socialisme et de la crainte d’un glissement possible de ces Etats vers le socialisme, la motivation économique, elle, est d’accroître les exportations de capitaux et le commerce des pays impérialistes. 

Une autre contrainte consiste à fournir une part du butin impérialiste aux nouvelles classes dirigeantes de ces pays et de combler, du moins partiellement, les attentes naissantes des gens, ce qui ne pourrait se faire en se basant uniquement sur l’ancien mode de production. Par conséquent, on a encouragé une certaine expansion des marchés du tiers monde en même temps qu’un certain développement technologique, dans des limites restreintes, toutefois. 

Ceci n’implique pas que les intérêts de classe de la bourgeoisie, qui a fini par acquérir une position dirigeante dans l’alliance de pouvoir dans les pays du tiers monde, soient opposés à ceux des forces sociales féodales et précapitalistes. 

En fait, partout il s’agit d’une alliance de seigneurs féodaux soucieux de maintenir ou de regagner leurs anciennes positions privilégiées au sein de la société, alliance des marchands et des spéculateurs qui craignent l’avènement du socialisme et qui veulent se maintenir comme intermédiaires des grands monopoles internationaux ; alliance de sections de la nouvelle élite qui s’engraissent de la corruption et des malversations du pouvoir officiel. 

Et tous les parasites du capitalisme, les nouveaux riches, les politiciens, les diplomates, les chefs de la police et de l’armée, tous ceux qui ne sont que trop heureux d’accepter les dividendes que leur refilait l’ancien pouvoir colonial alors que la majorité du peuple vit dans des conditions effroyables. 

L’un des objectifs essentiels du néocolonialisme est d’alimenter et de constituer de telles classes parasitaires. 

C’est par le biais de ces forces que l’impérialisme contrôle toujours les affaires des pays du tiers monde. 

Par exemple, nous avons au Zaïre, aujourd’hui, une minorité ténue de 2.700 familles immensément riches à côté de 27 millions d’autres qui connaissent la pauvreté absolue et vivent dans des conditions de quasi-famine. 

Mobutu, tyran et marionnette de l’impérialisme, a volé 5 milliards de dollars des richesses du pays (soit un montant égal à la dette extérieure du Zaïre), il a construit des dizaines de villas en Europe, possède de nombreux bateaux, des avions à réaction et un empire sous forme de plantations qui produit un sixième des exportations agricoles du pays, sans parler de ses participations et de ses autres propriétés. 

Au Brésil, en 1978, d’après l’Institut brésilien d’Analyse sociale et économique, le revenu moyen de la classe la plus fortunée était de 225 fois supérieur à celui des classes les plus pauvres. 

Deux tiers des Brésiliens – 86 millions de personnes – souffrent de malnutrition, d’après des estimations de 1985. 

Alors que les 10% des personnes les plus riches du Brésil accaparaient la moitié du total des revenus ménagers, les 20% les plus pauvres touchaient un dérisoire 2% (selon les seuls chiffres disponibles, qui concernent 1972). 

En République dominicaine, 0,07% des propriétaires terriens monopolisent 45% de la terre arable et plus de la moitié de la population vit dans une extrême pauvreté. 

Aux Philippines, au moins 15% de la dette extérieure du pays qui s’élève à 26 milliards de dollars, se sont retrouvés dans les poches du dictateur Marcos lorsqu’il s’est enfui du pays en 1986. 

D’après une estimation du président de la Banque interaméricaine de Développement, les fuites de capitaux pour le seul Mexique, entre 1979 et 1983, s’élevaient à 90 milliards de dollars. 

Pour toute l’Amérique latine, quelque 130 milliards de dollars ont été expédiés à l’étranger par les familles fortunées appartenant à la classe dirigeante. 

Dans chaque pays du tiers monde, l’impérialisme a donc transmis le pouvoir soit à la grande bourgeoisie compradore (qui elle-même était alliée avec la classe des grands propriétaires terriens), là où elle était assez forte pour assumer le pouvoir ou a favorisé un certain développement du capitalisme afin de créer une nouvelle classe compradore, subordonnée à l’impérialisme. 

Comme l’expliquait Amilcar Cabral, dirigeant du peuple de la Guinée ‘portugaise’, l’un des objectifs essentiels du néocolonialisme «est de créer une fausse bourgeoisie afin de freiner la révolution et d’élargir les possibilités de la petite bourgeoisie de neutraliser la révolution ». 

Il est important pour nous de reconnaître que les possibilités de développement du capital national sont sévèrement restreintes dans les pays dominés par le capital étranger, comme en Amérique latine ou dans certains pays d’Asie et du Moyen-Orient comme l’Inde et l’Egypte. 

En Afrique, les conditions sont bien pires encore, puisqu’un niveau minimal d’accumulation primitive n’a pas été atteint et que, partant, il n’y avait pas de capital national à la fin de la domination coloniale directe. 

L’Afrique, en fait, a été intégrée dans le marché mondial à un stade primitif de développement social où même l’emploi de l’argent était marginal. 

Historiquement, le capital qui a été investi est sorti de l’exploitation des secteurs non capitalistes, c’est-à-dire via l’accumulation primitive de capital. 

Plus tard, les profits en provenance des capitaux investis ont été conservés afin d’être réinvestis, de manière à étendre la capacité de production – c’est un processus que l’on appelle la reproduction accrue. 

Sans accumulation primitive de capital et reproduction accrue, le développement capitaliste ne peut avoir lieu. 

Dans la plupart des pays du tiers monde, les niveaux d’accumulation primitive de capital par les classes dirigeantes locales sont très bas en raison du pillage auquel se livrent les impérialistes, c’est-à-dire en raison du transfert continu des surplus en direction des pays impérialistes. 

L’ampleur de la reproduction accrue par les capitalistes indigènes est limitée, elle aussi, en raison d’un faible marché intérieur et de l’extrême dépendance vis-à-vis du marché extérieur. 

Sous les conditions de l’impérialisme, la bourgeoisie locale ne peut se développer que dans les proportions permises par la ligne envisagée par le capital dominant. 

Ce qui fait que, sous le néocolonialisme, l’ampleur de l’accumulation primitive et de la reproduction accrue par le capital local est très limitée dans la plupart des pays du tiers monde, puisque les fonctions économiques importantes sont toujours contrôlées par le capital étranger. 

Par conséquent, l’Etat a joué un rôle très important dans la totalité du tiers monde en promouvant l’accumulation primitive du capital et en aidant le développement de la bourgeoisie privée. Dans quelques pays, en utilisant le soutien apporté par les pays socialistes ou en utilisant les contradictions régnant entre les diverses puissances impérialistes, le capitalisme d’Etat s’est développé plus rapidement et, à des degrés divers, a même nationalisé des capitaux étrangers, comme ce fut le cas en Egypte, au Congo, en Zambie et en Tunisie. 

En Inde, le secteur capitaliste d’Etat s’est développé de façon phénoménale dans les quatre décennies qui ont suivi la passation de pouvoir et ce, avec l’aide de l’impérialisme et du social-impérialisme, sans recourir à la nationalisation des capitaux étrangers. 

Dans l’ensemble, le secteur de l’Etat, dans le tiers-monde, revêt un caractère compradore. Il a créé un marché intérieur élargi et a amené certains changements dans les rapports de production féodaux et autres rapports précapitalistes concernant l’agriculture.   

A travers le monde, l’impérialisme a transformé et façonné le féodalisme et les autres rapports de production précapitalistes de façon adaptée à ses besoins sans cesse changeants. 

Alors qu’en phase néocoloniale, dans certains pays d’Afrique et d’Amérique latine et dans certaines régions des pays d’Asie, le capitalisme agraire, qui repose sur une économie de plantation moderne et qui est orienté vers l’exportation d’une ou de deux cultures destinées à la vente, s’est développé à un niveau significatif, nous constatons qu’il s’agit d’une croissance atrophiée puisque son développement même est tributaire non pas des besoins du marché local, mais des demandes et des exigences du marché impérialiste mondial. 

Chaque fois qu’il y a un effondrement dans les prix des cultures destinées à la vente sur le marché mondial, nous constatons qu’il y a une sévère crise agricole dans ces pays ainsi qu’une paupérisation accrue de la grande majorité de leur paysannerie. 

Nous découvrons également le phénomène étrange – pour des pays correctement définis comme agricoles vu le caractère de leur économie – qui consiste à devoir s’appuyer sur des importations de nourriture pour leur consommation quotidienne. 

Ainsi, par exemple, le Maroc a été un exportateur de céréales dans les années 1950 alors qu’aujourd’hui, il ne couvre plus qu’un cinquième de ses propres besoins. 

Les importations de nourriture ont augmenté de 17% par an en moyenne entre 1970 et 1983 – soit de 220%. 

A partir du milieu des années 1960, lorsque l’impérialisme américain commença à affronter une sévère crise de surproduction dans ses machines agricoles et son arsenal destiné aux cultures, il se mit à promouvoir la stratégie de la ‘révolution verte’ par le biais de la Banque mondiale. 

L »offre d’aide’ de l’impérialisme américain et, plus tard, des autres puissances impérialistes au tiers monde comprenait des fertilisants, des graines et semences à haut rendement, des herbicides, des pesticides, des tracteurs, des moissonneuses-batteuses et autres équipements agricoles. 

Au cours des années 1970 et 1980, le tiers monde connut un énorme accroissement de l’utilisation de tout ce matériel et équipement agricole. Par conséquent, afin de résoudre sa propre crise économique, l’impérialisme accéléra le rythme du développement capitaliste de l’agriculture dans le tiers monde au cours du dernier quart du 20e siècle. 

Cela déboucha sur l’apparition d’une nouvelle classe de koulaks, c’est-à-dire une classe de fermiers capitalistes. Mais, dans plusieurs pays, les structures semi-féodales n’en demeurèrent pas moins un obstacle à la transformation complète vers l’agriculture capitaliste. 

Tous ces changements qui se sont produits sous le néocolonialisme n’indiquent donc qu’une rupture partielle avec les formes précapitalistes d’économie. 

Une rupture complète avec les formes féodales et autres formes précapitalistes est impossible dans le système impérialiste mondial actuel sans une véritable révolution prolétarienne. 

En résumé, nous pouvons dire que, dans la phase néocoloniale, il y a eu un développement plus rapide du capitalisme à la fois dans l’agriculture et dans l’industrie des pays du tiers monde sans toutefois que ces économies mêmes deviennent capitalistes. 

Les structures semi-féodales et la domination des pays du tiers monde par le capital étranger, la technologie étrangère, les marchandises étrangères (et même, aujourd’hui, les services) opèrent comme des entraves au plein développement du capitalisme dans ces pays et les réduisent au statut de pays semi-féodaux, semi-coloniaux ou néocolonies. 

Ce n’est qu’en brisant ces entraves qu’un véritable développement industriel et agricole pourra avoir lieu dans ces pays. Ce n’est qu’en s’échappant de cette économie capitaliste mondiale qu’un pays du tiers monde pourra devenir un ensemble cohérent et développer une économie autosuffisante en se créant un vaste marché interne. 

2.3. Les tendances contemporaines dans l’économie capitaliste mondiale : la globalisation et son impact sur le tiers monde 

En tant que telle, la globalisation du capitalisme n’est pas un phénomène nouveau mais ce qui est nouveau dans la phase néocoloniale de l’impérialisme, c’est que la globalisation progresse à un rythme sans précédent et qu’elle revêt même de nouvelles formes afin d’assurer la survivance de l’impérialisme. 

Le capital a une tendance inhérente à l’expansion continue et à intégrer les divers types d’économie dans un seul marché mondial. Un marché mondial a déjà fait son apparition au cours de la seconde moitié du 19e siècle et Marx en personne a déjà insisté sur ce fait. 

Depuis lors, le capitalisme a essayé d’intégrer les activités économiques éparpillées à travers le monde et d’amener les diverses formes d’économie au sein d’un seul marché mondial unifié. 

Dans cette première phase, qui s’étend des années 1860 jusqu’au début du 20e siècle, la globalisation du capitalisme a revêtu la forme d’un commerce international de biens manufacturés. A ceci vint s’ajouter l’exportation de capital financier et ce, à partir de la fin du 19e siècle. 

Lénine, qui vivait à une époque où l’exportation de capital financier était devenue une caractéristique de premier plan de l’économie mondiale, fit remarquer que ceci allait conduire à « l’expansion et l’intensification du capitalisme à travers le monde ». 

Le camarade Staline en parlait également en 1925 :  

« En raison de l’accroissement des exportations de capitaux des pays avancés vers les pays arriérés, accroissement encouragé par la relative stabilisation du capitalisme, le capitalisme dans les pays coloniaux se développe et continuera à se développer à un taux rapide, démantelant les anciennes conditions sociales et politiques et en implantant de nouvelles. » 

La Seconde Guerre mondiale fut suivie d’une période de globalisation des investissements via des financements, des crédits et des aides. 

Après l’éclatement de la crise la plus longue de l’impérialisme, qui commença au début des années 1970, la globalisation de la production via les Investissements directs à l’Etranger (IDE) commença à assurer sa domination. 

Un principe fondamental bien connu dit que le seul objectif du capital est d’accumuler de plus en plus de capital. Tous les changements susmentionnés dans l’économie mondiale ne sont nécessités que par le besoin des monopoles impérialistes d’accumuler de plus en plus de capital. 

Le changement dans les rôles des économies de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique latine, ainsi que les changements qui se produisent au sein des économies de ces pays ne peuvent être compris que dans le contexte des changements qui se sont produits dans la totalité du processus de globalisation du capitalisme tel qu’on l’a décrit plus haut. 

Par conséquent, nous trouvons, dans cette première phase de la globalisation du capitalisme, des régions entières de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique latine qui sont converties en hinterlands destinés à fournir des matières premières agricoles et autres aux industries européennes. 

Au cours de cette période, le capital européen a été investi dans des plantations, des activités minières et dans les secteurs tertiaires liés au développement colonial, comme les chemins de fer, les installations portuaires, la banque, les assurances, le commerce et autres services. 

Alors que les pays impérialistes fournissaient les produits finis prêts à la consommation, les colonies, semi-colonies et pays dépendants fournissaient les matières premières, c’est-à-dire qu’ils jouaient le rôle d’entrepôts à matières premières pour les centres industriels de l’Occident. 

Au cours du quart de siècle qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, la caractéristique principale des pays de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique latine (dont la plupart se sont ‘débarrassés’ de la domination coloniale directe) a consisté en l’établissement de groupes d’industries légères. 

Cette ligne de conduite des ‘substitutions d’importations’ (en d’autres termes, des produits finis qui ont été importés précédemment), n’a pas été, comme le prétendent les révisionnistes, une politique visant à promouvoir l’autosuffisance, mais elle a été entièrement dictée par les besoins de l’impérialisme dans sa phase néocoloniale. 

La production de biens de consommation (industries légères), comme nous le savons, requiert des biens d’équipement, c’est-à-dire des moyens de production tels qu’un outillage moderne et du savoir-faire technique. 

Les pays impérialistes ont procédé à l »industrialisation’ du tiers monde durant la Seconde Guerre mondiale et tout de suite après et ce, pour deux raisons : la première, c’est qu’il y avait un amas sans précédent de biens d’équipement dans les pays impérialistes et, la seconde, les coûts de production étaient meilleur marché et le taux de profit plus élevé dans les pays du tiers monde. 

Par conséquent, les impérialistes faisaient d’une pierre deux coups, deux bénéfices en une seule opération : ils disposaient de biens d’équipement qui, autrement, auraient été envoyés au rebut au fil du temps (la fermeture des usines produisant les biens d’équipement aurait signifié un chômage à grande échelle et une crise sociale insupportable dans les pays impérialistes) et à des coûts très élevés, et en même temps, ils s’appropriaient, pour leur propre usage domestique, les biens de consommation manufacturés à meilleur marché dans les pays du tiers monde. 

En outre, dans plusieurs pays du tiers monde (et dans l’Afrique tout entière excepté l’Afrique du Sud, pays impérialiste), l’industrie légère elle aussi avait été établie directement par les sociétés transnationales et multinationales qui rapatriaient la plupart des profits à l’étranger puisqu’il n’y avait pas la moindre pression de la part des classes compradores dirigeantes qui eussent pu obliger ces monopoles étrangers à réinvestir leurs profits dans les pays concernés. 

Par ailleurs, les biens d’équipement vendus aux capitalistes indigènes étaient d’une qualité inférieure alors que les sociétés multinationales disposaient de la technologie la plus avancée, bloquant de ce fait la possibilité d’une réelle concurrence entre les secteurs locaux et étrangers dans la fabrication de biens de consommation. 

Afin d’être compétitives, n’importe quelle petite ou moyenne entreprise du tiers monde n’aurait était que trop disposée à vouloir collaborer d’une façon ou d’une autre avec les multinationales. 

Les prêts, l »aide’ etc. des impérialistes aux pays du tiers monde étaient liés à un certain nombre de conditions nuisant aux intérêts de ces derniers. 

Cette prétendue industrialisation du tiers monde via l’installation d’industries légères constituait, par conséquent, un développement déformé et dépendant, en permanence à la merci des impérialistes pour l’amélioration des technologies. Aussi, au cours de cette période, apparut une nouvelle division internationale du travail, par laquelle les pays impérialistes allaient fournir les biens d’équipement et les pays du tiers monde les biens de consommation manufacturés issus des industries légères, dominées par les multinationales de plusieurs pays. 

Durant les années 1950, 1960 et la première moitié des années 1970, la ligne de conduite des gouvernements des pays du tiers monde fut dictée par l’impérialisme afin de faciliter le processus décrit plus haut et consistant à déplacer une partie de l’industrie de consommation des pays impérialistes vers le tiers monde. 

Selon des plans de la Banque mondiale en vue d’une efficacité maximale de cette nouvelle division internationale du travail, on développa une vaste infrastructure industrielle, consistant entre autres en la construction de routes et de nouvelles lignes ferroviaires, l’installation de ports, de centrales d’énergie et de réseaux de télécommunication etc. 

Avec la crise sévère provoquée par la quasi-stagnation du marché mondial depuis le début des années 1970, la concurrence féroce entre les diverses transnationales et multinationales et la baisse constante des taux de profit industriel dans les pays impérialistes poussa les monopoles impérialistes à chercher, dès ces mêmes années 1970, de nouvelles voies de spécialisation internationale. 

C’est ainsi qu’apparut la globalisation de la production, c’est-à-dire la division et la subdivision des processus de production en plusieurs opérations, de façon à les répartir dans divers pays afin d’augmenter le taux général de profit. 

L’extraordinaire révolution scientifique et technique de notre époque a permis de décentraliser la production dans l’espace tout en centralisant son management. 

Les pays impérialistes gardent les industries ultramodernes, caractérisées par une composition organique élevée du travail et requérant une main-d’oeuvre hautement qualifiée, comme c’est le cas pour le nucléaire, les communications par satellite et autres activités aérospatiales, ou pour la production d’ordinateurs et autres techniques de l’électronique, de la robotique etc., alors que l’on demande aux pays du tiers monde de se spécialiser dans les lignes classiques de production, y compris les traditionnelles industries lourdes comme le fer et l’acier, la chimie, la construction mécanique et autres moyens de production qui requièrent une main-d’oeuvre principalement non qualifiée et semi-qualifiée. 

Par conséquent, à l’exception des formes automatisées de production requérant une main-d’oeuvre hautement qualifiée, toutes les autres branches de l’activité industrielle, y compris la production des moyens de production des industries traditionnelles sont généralement déplacées en direction des marchés du tiers monde où la main-d’oeuvre est très bon marché. 

Inversement, la main-d’oeuvre hautement qualifiée du tiers monde est déplacée vers les pays impérialistes au cours d’un processus surnommé ‘vol de cerveaux’. 

Les pays du tiers-monde sont encouragés à installer ces véritables bagnes qu’on appelle ‘zones de traitement pour l’exportation’, ‘zones de libre échange’ ou ‘parcs industriels’ où, dans des conditions épouvantables, on exploite une main-d’oeuvre non qualifiée et semi-qualifiée à des tâches d’assemblage ou à la fabrication de produits chimiques et ce, à des seules fins d’exportation. 

Ces ‘bagnes’ qui, particulièrement depuis les années 1970, exploitent une main-d’oeuvre extrêmement bon marché (jusqu’à 40 ou 80 fois meilleur marché que les salaires pratiqués dans leurs propres pays) et très peu organisée, répondent au besoin des multinationales de relocaliser les opérations requérant un travail intensif. 

Ces transformations – issues de la substitution des importations de l’industrialisation sous planification d’Etat avec l’aide de capitaux étrangers, durant les années 1950 et 1960, vers des industries centrées sur l’exportation, depuis les années 1970 – ne peuvent se comprendre que si l’on garde à l’esprit la globalisation de la production et l’apparition d »usines aux dimensions mondiales’, en raison des niveaux élevés de concentration et de spécialisation atteints par le capital transnational durant les deux décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale – c’est-à-dire au cours des années d’expansion rapide de l’économie mondiale – et de la baisse qu’ont subie ensuite les taux de profit industriel. 

Aussi longtemps que les taux de profit sont différents dans divers pays (c’est-à-dire tant qu’on n’a pas égalisé le taux de profit à l’échelle mondiale), la tendance inhérente du capital à l’expansion mondiale va inévitablement dans le sens d’une intégration accrue du marché mondial dans un réseau unifié de production et d’échanges capitalistes. 

C’est la seule voie qui reste au capital international dans sa sempiternelle soif d’accumulation à l’échelle mondiale. 

Les lignes de conduite des diverses institutions néocoloniales telles la Banque mondiale, le FMI, le GATT etc. visent, depuis les années 70, à réaliser l’intégration susmentionnée du marché mondial. 

C’est le principal facteur qui pousse tous les pays du tiers monde à passer, les uns après les autres, de la substitution des importations au syndrome ‘exporter ou mourir’. 

Un autre facteur consiste en la faiblesse des marchés internes des pays du tiers monde, faiblesse due à la prévalence de structures semi-féodales, voire primitives, qui gardent l’écrasante majorité des masses dans des conditions d’existence incroyablement misérables. 

Ces conditions extrêmement pénibles font qu’il leur est difficile de couvrir leurs besoins alimentaires croissants ainsi que les biens de consommations de première nécessité. 

En raison de l’extrême dépendance de ces industries vis-à-vis d’un marché mondial qui n’a pas le moindre espoir d’expansion rapide, en raison également de la concurrence grandissante entre les pays du tiers monde (avec, en outre, l’entrée en compétition de pays n’appartenant pas au tiers monde tels que la Chine, les pays de l’Est et les anciennes républiques soviétiques) qui veulent chacun solder aux impérialistes leur main-d’oeuvre bon marché disponible en abondance, la condition des masses ne cessera d’empirer jusqu’à l’apparition d’une dépression encore plus grave du marché interne et, par conséquent, d’une crise encore plus grave de l’économie mondiale. 

Seule une infime fraction de la population – les élites appartenant aux classes dirigeantes et les minces strates de la classe moyenne supérieure – en tirera profit, alors que la classe moyenne et même certaines sections de la bourgeoisie nationale en sortiront appauvries, sans parler de la majorité écrasante des masses laborieuses. 

Mais la poignée de capitalistes compradores (ainsi que les élites dirigeantes des pays du tiers monde qui, en collusion avec l’impérialisme, ont accumulé d’énormes richesses en exploitant les masses laborieuses et qui, au lieu des innombrables fils qui les lient aux structures semi-féodales, trouvent plus avantageux de maintenir leur alliance avec ces forces parasitaires et de bloquer ainsi le développement d’un marché interne) ne sont que trop impatients de passer à la globalisation et de se satisfaire des parts de marché que leur concèdent les impérialistes. 

Inutile de le dire : la globalisation de la production, en réduisant les industries du tiers monde au statut de simples composantes des usines aux dimensions mondiales des multinationales, conduit en droite ligne à une crise sans précédent dans les économies du tiers monde, au fur et à mesure que la crise de l’économie mondiale s’intensifiera. 

Plus un pays sera intégré dans le marché mondial, plus grand sera le désastre au moment d’une crise mondiale sévère. 

Les pays qu’on a appelés les ‘tigres asiatiques’, comme la Corée du Sud, Taiwan, Singapour et Hong Kong, ainsi que les ‘tigres’ en devenir de l’Asie du Sud-Est, qui dépendent tous du marché mondial pour assurer leur survie, seront les plus durement touchés. 

2.4. Le néocolonialisme et le cas de l’Inde 

Les changements qui se sont produits en Inde après le transfert du pouvoir (l’indépendance) peuvent se comprendre dans le vaste contexte des changements survenus dans l’économie mondiale que nous avons soulignés plus haut. 

Comme le savent les révolutionnaires communistes dirigeant la nouvelle révolution démocratique et menant une lutte armée contre le féodalisme et l’impérialisme, la société indienne a été transformée en société semi-féodale et semi-coloniale après la fin de la domination coloniale directe de l’impérialisme britannique. 

Nous allons brièvement résumer les changements qui se sont produits durant la longue période de la domination coloniale britannique. 

Avant cette domination, la société indienne était une société féodale avec une économie de biens de consommation développée, s’appuyant sur des villes florissantes et qui, de ce fait, portait en elle les germes du capitalisme. 

A l’époque de la conquête britannique, une masse considérable de richesse s’était déjà accumulée entre les mains de la classe des marchands indiens, tant par le commerce international qu’intérieur ainsi que par le biais de l’usure. 

Les artisans et les gens de métier témoignaient d’un savoir-faire considérable et ils avaient déjà mené de nombreuses luttes dans différentes parties du pays, comme ce fut le cas, par exemple, avec les mouvements bhakti. 

Plusieurs Etats-nations aussi auraient pu se constituer avec la poursuite du développement capitaliste et durant la lutte contre le féodalisme menée par la bourgeoisie naissante des diverses nationalités. 

Ainsi donc, s’il n’y avait eu l’occupation britannique, la société indienne, en renversant le féodalisme, se serait progressivement développée en une société capitaliste. 

Ce cours naturel dans l’évolution de la société indienne fut interrompu par la conquête coloniale qui eut lieu dans la seconde moitié du 18e siècle. 

La pénétration du capital étranger et l’intervention de l’Etat colonial conduisirent à la désintégration de l’économie naturelle autosuffisante de l’Inde, elles détruisirent les industries artisanales et réduisirent les grands centres urbains au statut de grands villages. 

La bourgeoisie commerçante et prêteuse de fonds s’allia au capital britannique, joua le rôle de classe compradore et, au fil du temps, se développa en une grande bourgeoisie compradore en investissant dans les industries modernes. 

Mais le développement du capitalisme fut stoppé à cause de la politique britannique consistant à s’allier aux dirigeants traditionnels et à créer une nouvelle classe de zamindars (grands propriétaires) dans les campagnes. 

L’impérialisme britannique fut heureux de recevoir les impôts de cette classe de zamindars qui lui fut utile en tant que pilier social de sa domination. Pourtant, suite à la politique britannique tendant à convertir la terre en propriété privée, ou à collecter des impôts en espèces chez les paysans et les zamindars, et en payant également en espèces les produits agricoles amenés par les commerçants britanniques, l’économie de biens de consommation se développa jusqu’à un certain point dans les campagnes. 

Comme ils le faisaient partout, les Britanniques créèrent également des plantations dans certains secteurs de production agricole et ils encouragèrent – ou plutôt forcèrent – les producteurs paysans à passer de la culture des céréales aux cultures destinées à l’exportation, comme le coton et le jute. Suite à ces mesures, le mode féodal de production dans l’agriculture commença à se désintégrer et se transforma en mode semi-féodal. 

Deux conditions sont nécessaires à l’apparition du mode capitaliste de production : la première est que la production de marchandises soit la forme généralisée de production et la seconde est l’existence d’une main-d’oeuvre salariée libre. 

Comme le faisait remarquer Lénine : « Le capitalisme, c’est la production de marchandises à son stade suprême de développement, lorsque la force de travail devient elle-même une marchandise. » 

Les autres caractéristiques du mode capitaliste de production, comme le paiement des salaires en espèces, la reproduction accrue – c’est-à-dire le réinvestissement des surplus pour extraire encore plus de surplus, ce qui débouche sur une accumulation toujours plus grande -, une polarisation constante et continue de la société en une classe de capitalistes et en salariés etc., dérivent toutes de la définition du capitalisme citée ci-dessus. 

Ce n’est que par la transformation radicale du mode féodal et des autres modes précapitalistes de production que le mode capitaliste de production peut acquérir une position dominante et pour autant qu’il remplisse les conditions mentionnées plus haut. 

Mais, en Inde, en raison de l’alliance de l’impérialisme britannique avec la bourgeoisie compradore et les forces féodales, et du fait que la révolution démocratique n’a pas été achevée, une telle transformation ne pouvait pas se produire. 

Les modes capitaliste et féodal de production ont coexisté avec un mode semi-féodal de production qui est devenu le mode dominant dans l’agriculture. 

Même à l’époque du transfert de pouvoir, seulement 35% – soit un petit peu plus d’un tiers – de la production agricole totale était produite pour le marché. 

Deux tiers des ventes représentaient des ventes de nécessité dans le village même. 

Par conséquent, la production de marchandises n’était pas le caractère dominant et déterminant de la production agricole. De plus, les ouvriers agricoles n’étaient pas libres non plus. 

Ils étaient soit endettés soit en position de servage ou de toute autre forme de servitude vis-à-vis des propriétaires terriens qui représentaient souvent une seule et même famille de propriétaires. 

A l’époque de la passation de pouvoir, l’Inde connaissait trois types de systèmes de possession des terres : le système zamindari (grosse propriété terrienne), qui représentait 57%, le ryotwari (fermage), 38% et le mahalwari (sous-fermage), 5%. 

Mais sous chacun des trois systèmes, les rapports agraires constituaient une variante des rapports de production semi-féodaux caractérisés par une répartition des terres très distordue, par la sous-inféodation, l’usure, le travail en servage, etc. Ces rapports de production semi-féodaux débouchèrent naturellement sur une stagnation de la production agricole et sur l’appauvrissement de la paysannerie rurale. 

Après la passation de pouvoir, lorsque la grande bourgeoisie compradore eut scellé une alliance avec le féodalisme et l’impérialisme, il n’y eut plus de transformation fondamentale dans les rapports de production semi-féodaux de l’agriculture. 

En tant que système, le capitalisme présente une contradiction inconciliable vis-à-vis du féodalisme car ce dernier opère comme une entrave à la poursuite du développement du capitalisme. 

Le féodalisme agit comme un frein à l’expansion du marché en tenant d’importantes sections des masses paysannes en servitude. 

C’est un obstacle au développement des forces productives. 

Par ailleurs, le capitalisme a une tendance à agrandir le marché en supprimant tous les rapports précapitalistes et en libérant le paysan de la servitude féodale et en le convertissant en ouvrier agricole salarié, ‘libre’ de vendre sa force de travail sur le marché selon les lois de l’offre et de la demande. 

Le capitalisme, par conséquent, accroît énormément les forces productives. 

L’Inde avait toujours disposé d’un abondant effectif de main-d’oeuvre à bon marché dans les villes – effectif plus que suffisant pour les faibles niveaux d’industrialisation du pays. 

Au début de la domination britannique, on assista même à un étrange phénomène de migration des sans-emploi des villes vers les zones rurales, ce qui accrût la pression sur l’agriculture. Avec de faibles niveaux d’industrialisation et une immense armée de réserve de sans-emploi, aucune contrainte économique ne force la grande bourgeoisie indienne à libérer la paysannerie du carcan des rapports semi-féodaux. 

De plus, politiquement, il serait dangereux pour la grande bourgeoisie de le faire, puisque les masses réveillées ne s’arrêteront pas avant d’avoir lancé une révolution sociale en l’absence d’une industrie qui pourrait absorber le plus gros de leurs effectifs. 

Comme il n’y a pas de perspective de poussée massive vers une industrialisation qui absorberait les excédents de la population agraire, du fait précisément que l’économie indienne est rivée aux roues du chariot de l’impérialisme, la grande bourgeoisie indienne et l’impérialisme estiment qu’il est plus sage de garder la majorité de la population agraire dans le carcan des rapports semi-féodaux. 

Toutefois, on assiste à plusieurs tentatives d’accroître la productivité de l’agriculture via l’introduction de machines modernes, de nouvelles technologies, de fertilisants, de pesticides, de semences à haut rendement, de l’irrigation et autres apports dans certains secteurs choisis. 

Ces efforts ont pour but d’augmenter la production agricole de façon à ce qu’elle satisfasse aux besoins toujours croissants de l’économie et de procurer un marché pour les produits des multinationales et des compagnies appartenant à la grande bourgeoisie. 

Par conséquent, au Pendjab, dans le Haryana, dans l’Uttar Pradesh occidental, dans le delta du Krishna et du Godavari situé dans l’Andhra Pradesh et dans certaines parties du Kerala, du Tamil Nadu, du Bengale Occidental, dans près d’un tiers des régions cultivées, une transformation capitaliste s’est produite. 

Cette transformation a donné naissance à une nouvelle classe de koulaks ou fermiers capitalistes qui ont déjà acquis pas mal d’autorité politique dans certains Etats. 

Certains grands propriétaires féodaux, eux aussi, se sont mués en propriétaires capitalistes. Mais même dans ces zones de capitalisme agraire, les formes féodales d’exploitation se combinent aux formes capitalistes. 

Dans l’ensemble, les rapports semi-féodaux de production prédominent toujours sur la scène rurale indienne d’aujourd’hui. 

Il y a une concentration élevée de terres aux mains de quelques propriétaires. 

Au début des années 1980, 4,29% des holdings de l’Andhra Pradesh détenaient 37,25% des terres. 

Au Bihar, 1,35% en détenaient 15,34% et, pour le Pendjab et le Haryana, 6,33% en détenaient 40,29%. 

Pour l’ensemble du pays, 1% des propriétaires les plus riches détenaient 14,35% des terres. 

On assiste également à un important affermage de terres. 

Des petites familles marginales, y compris des familles sans terre, ont loué 6.255.000 hectares. 

L’endettement rural continue à affecter gravement la paysannerie. Les dettes en provenance des sources traditionnelles – les prêteurs, les employeurs et les propriétaires, dans les villages – et à des taux d’intérêt exorbitants jouent toujours un rôle de premier plan dans la vie économique des familles rurales. 

Dans les plaines du Bihar, du Telangana, ainsi que dans d’autres parties du pays, le mode d’appropriation ou de valeur en surplus venant des producteurs directs est dominé par la location à bail et l’usure et une proportion importante d’ouvriers agricoles sont soumis à divers degrés d’asservissement et ne sont pas vraiment libres de vendre sur le marché leur force de travail en tant que marchandise. 

Le ‘jajmani’, c’est-à-dire le paiement annuel traditionnel fixé soit en nature, soit sous forme de terre à cultiver, voire les deux, à la classe des services et aux artisans, se rencontre toujours fréquemment dans les zones rurales du Bihar et d’ailleurs. 

La coercition extra-économique par les propriétaires, comme les procès en justice contre les paysans et leur incarcération sur de fausses accusations de vol et autres délits similaires, est une pratique commune dans les grandes zones rurales de l’Inde. 

Nous constatons également que la plupart des riches paysans et propriétaires ne réinvestissent pas dans la terre les surplus accumulés mais qu’à la place, ils tentent de pénétrer d’autres activités comme les moulins à riz ou à huile, les contrats routiers, les firmes de transports, etc. 

En conséquence, la composition organique du capital tend à être faible, ce qui se traduit par de faibles niveaux de productivité. 

Il n’y a pas non plus de polarisation de classe du genre de celle que la transformation capitaliste engendrerait inévitablement dans la plupart des zones rurales de l’Inde. 

De petites parcelles de terre aux mains de la paysannerie pauvre et moyenne, voilà toujours une caractéristique fréquente de la scène rurale dans de nombreuses régions de l’Inde. La polarisation en propriétaires capitalistes possédant les moyens de production et en prolétariat rural dépendant seulement de la vente de sa force de travail constitue toujours un phénomène marginal. 

Sur base d’indicateurs secondaires comme la production destinée au marché et le paiement des salaires en espèces, certains groupes marxistes-léninistes adoptent le point de vue selon lequel les rapports capitalistes de production, voire même le mode capitaliste de production, sont devenus prédominants dans l’agriculture et que l’impérialisme et la grande bourgeoisie indienne, dans leurs propres intérêts de classe, ont transformé le féodalisme en capitalisme agraire. 

En se basant sur une analyse superficielle, ils prétendent qu’aujourd’hui le féodalisme ne survit plus que dans la superstructure – les idées, les coutumes, la culture, les habitudes etc. 

Certains, comme les théoriciens de l’école latino-américaine, du type ‘périphérie centrale’ ou ‘satellite de la métropole’, André Gunder Frank, Emmanuel Arrighiri, Samir Amin (un Egyptien) et d’autres, affirment que le féodalisme a été transformé par l’impérialisme dans chaque pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine et que la tâche qui attend le prolétariat de ces pays consiste à entreprendre une révolution socialiste et non une révolution de démocratie nouvelle. 

Certains marxistes-léninistes prétendent que le stade de la révolution en Inde aujourd’hui est socialiste et non un nouveau stade de révolution démocratique. 

Même un paysan pauvre utilisant sa propre force de travail produira pour le marché s’il trouve que ça lui rapporte plus. Certaines de ces ventes sont des ventes à prix bradés. 

L’agriculture de subsistance, elle aussi, est présente à une échelle considérable, dans plusieurs parties de l’Inde. 

Mais de là à conclure que les rapports capitalistes de production ou le mode capitaliste de production sont devenus prédominants dans l’agriculture, ce serait à tout le moins ridicule. Le paiement des salaires en espèces est une condition nécessaire, quoique insuffisante, du capitalisme. 

Même les ouvriers agricoles asservis sont payés en espèces si cela s’avère avantageux pour le propriétaire. 

Dans les sociétés précapitalistes aussi, on rencontre la circulation de l’argent et le système de paiement des salaires. 

Alors que nous reconnaissons la primauté des rapports semi-féodaux dans l’agriculture indienne, nous devons nous garder d’une autre tendance extrême défendue par certains groupes marxistes-léninistes qui réfutent en bloc jusqu’à la transformation capitaliste limitée qui s’est produite dans l’agriculture indienne. 

En se référant à la prolifération du « communalisme » [« communautarisme »] et des atrocités de castes de ces derniers temps, ils prétendent même qu’un processus de ‘reféodalisation’ a lieu actuellement en Inde. 

Il s’agit d’une conclusion complètement antihistorique et antidialectique. En fait, les atrocités de castes sont une réponse des castes supérieures à l’expression croissante et à la conscience démocratique que l’on rencontre parmi les castes opprimées et qui émergent en raison du développement des rapports capitalistes. 

Et c’est l’impérialisme, fidèle à sa vieille devise ‘diviser pour régner’, qui a mis sur pied les émeutes communales [« communautaires »] en collusion avec les classes dirigeantes indiennes, en vue de détourner le peuple de la voie révolutionnaire. 

Ceux qui réfutent tout développement du capitalisme dans l’agriculture indienne et qui prétendent que l’impérialisme est incapable de faire apparaître quelque transformation que ce soit dans les rapports agraires ne sont pas moins dangereux pour les intérêts de la révolution indienne que ceux qui affirment que le féodalisme s’est désintégré et qu’il s’est complètement transformé en capitalisme. 

Alors que les seconds insistent sur l’abandon de la lutte antiféodale et de la révolution agraire armée, les premiers tendent à confiner la lutte révolutionnaire à de seules exigences antiféodales et empêchent ainsi le prolétariat de prendre l’initiative dans la direction des larges masses populaires contre les assauts croissants de l’impérialisme. 

Il nous faut donc rejeter ces deux tendances et, en lieu et place, nous concentrer sur la mise en place, contre les assauts de l’impérialisme, d’un mouvement populaire de résistance à l’échelle du pays, mouvement qui s’appuiera fermement sur la révolution agraire armée afin de supprimer le carcan des rapports semi-féodaux. 

En résumé, durant les quatre décennies et plus qui ont suivi la passation du pouvoir, une transformation capitaliste s’est produite dans certaines poches de l’agriculture indienne et une désintégration des formes extrêmes du féodalisme dans plusieurs parties du pays. 

Mais cette transformation était basée sur les besoins changeants de l’impérialisme et de la grande bourgeoisie compradore de l’Inde, comme nous l’avons souligné plus haut. 

Toutefois, dans l’ensemble, les rapports semi-féodaux de production continuent de prédominer sur la scène rurale, empêchant le développement des forces productives en Inde. 

Le désir de la grande bourgeoisie compradore de l’Inde de s’engager dans la voie de la ‘globalisation’ émane de son impuissance et de sa mauvaise volonté à briser ces chaînes féodales qui entravent l’expansion du marché intérieur. 

En même temps, nous devons reconnaître la portée politique et sociale de la transformation capitaliste qui s’est produite dans l’agriculture indienne, toute limitée qu’elle puisse être. 

Le développement le plus important qu’il convient de prendre en considération afin de réaliser avec succès la nouvelle révolution démocratique en Inde, c’est que la paysannerie indienne, et particulièrement la paysannerie moyenne et riche, avec sa dépendance vis-à-vis du marché pour la vente de ses produits et pour l’achat d’équipement et de matériel agricole, entre de plus en plus en contradiction avec l’impérialisme et avec la grande bourgeoisie compradore de l’Inde.  

Etant donné la toute dernière phase de globalisation entreprise par l’impérialisme et étant donné que la grande bourgeoisie compradore de l’Inde saute joyeusement dans le train en marche en signant le traité du GATT, la paysannerie moyenne et riche vont se trouver de plus en plus à la merci d’un marché mondial complètement contrôlé et dirigé par les monopoles impérialistes. 

Ces caractéristiques vont forcer la paysannerie à engager des luttes militantes contre la domination impérialiste. Par conséquent, afin de réaliser avec succès la nouvelle révolution démocratique en prenant comme axe la révolution agraire armée, les communistes révolutionnaires devrons non seulement mobiliser les paysans pauvres et sans terre et la paysannerie inférieure et moyenne dans des luttes antiféodales destinées à briser le carcan des rapports semi-féodaux de production, mais également mobiliser les autres sections de la paysannerie, qui constituent un élément à part entière des forces motrices de la révolution démocratique indienne, dans des luttes anti-impérialistes militantes. Ils réaliseront ainsi la double tâche consistant à chasser à la fois le féodalisme et l’impérialisme.   

3. Inde : semi-colonie ou néocolonie ? 

Est-il vrai que la plupart des pays du tiers monde ont été transformés en néocolonies de l’impérialisme? 

Quelle est la différence entre une colonie, une semi-colonie et une néocolonie? 

Etant donné la faiblesse de l’impérialisme dans son ensemble, est-il possible de réduire les pays du tiers monde au statut de néocolonies? 

Certains groupes marxistes-léninistes attribuent le statut de néocolonie à la quasi-totalité des pays du tiers monde. 

Ils ont également déclaré que l’Inde elle aussi est une néocolonie de l’impérialisme. 

Un tel point de vue peut surgir soit d’une confusion dans la compréhension des concepts de l’exploitation néocoloniale et de la néocolonie ou d’une conclusion erronée prétendant que la principale contradiction dans les pays du tiers monde est celle qui règne entre l’impérialisme et les peuples de ces pays. 

Au début, à l’époque de la mise sur pied du Parti communiste d’Inde (marxiste-léniniste), nous n’avions pas, nous non plus, une compréhension très claire de ce qu’était une néocolonie. 

Par exemple, dans la déclaration publiée par le Comité pan-indien de coordination des révolutionnaires communistes le 14 mai 1968, il était indiqué : 

« L’Inde, qui était encore une colonie de la Grande-Bretagne il y a vingt ans à peine, est devenue aujourd’hui une néocolonie de plusieurs puissances impérialistes, en premier lieu des Etats-Unis et de l’Union soviétique. Les impérialistes américains, qui sont les ennemis les plus agressifs de toute l’humanité, sont également les pires ennemis du peuple indien. 

Leur emprise néocoloniale sur l’Inde est aujourd’hui totale. » 

La même phrase décrivait également l’Inde comme une « néocolonie à la fois des Etats-Unis et de l’Union soviétique ». 

Cependant, le Comité pan-indien et notre Parti, tout au long de leur quart de siècle d’existence, ont correctement reconnu que la principale contradiction est celle qu’il y a entre le féodalisme et les masses populaires. 

Il n’y eut de confusion que durant la période initiale en ce qui concerne les concepts d’exploitation néocoloniale et de néocolonie. 

D’autre part, les groupes marxistes-léninistes comme le Red Flag, bien qu’ils reconnaissent superficiellement le Programme de 1970 du Parti, ont en fait avancé l’hypothèse selon laquelle l’impérialisme a transformé l’économie de l’Inde et que la principale contradiction en Inde réside entre l’impérialisme et le peuple indien. 

C’est sur cette base que repose leur conception de l’Inde en tant que néocolonie. 

Nous avons déjà vu en détail ce que signifie le mode néocolonialiste d’exploitation et de domination. 

C’est une forme, un nouveau style de tactique poursuivi par l’impérialisme après qu’il ait été forcé d’abandonner la domination coloniale. 

Une néocolonie, cela signifie un schéma d’exploitation basé sur la production de biens de consommation propre à un certain pays. 

L’ensemble de l’économie et le pouvoir d’Etat de ce pays passent sous le contrôle d’une puissance impérialiste particulière, bien que le pouvoir d’Etat soit exercé par le biais d’une marionnette de cette puissance impérialiste particulière. 

Par conséquent, une néocolonie signifie la domination indirecte par le biais d’une marionnette d’une certaine puissance impérialiste donnée. 

Dans une telle situation, la principale contradiction dans ce pays sera transformée en contradiction entre l’impérialisme (la puissance impérialiste particulière qui contrôle l’économie et le pouvoir d’Etat dans ce pays) et la nation tout entière ou le peuple de ce pays. 

La contradiction entre le féodalisme et les larges masses, qui était dominante avant la transformation de ce pays en néocolonie, sera temporairement reléguée au second plan. 

Ensuite, la classe ouvrière doit tendre à construire un large front uni comprenant même ces sections des classes dirigeantes alliées aux autres puissances impérialistes et qui annoncera même certaines concessions à ces classes en vue de vaincre la principale cible. Voilà l’acception marxiste-léniniste d’une néocolonie. 

Par ailleurs, décrire un pays en tant que néocolonie de l’impérialisme dans son ensemble revient à réfuter les contradictions et rivalités interimpérialistes qui caractériseront le système impérialiste aussi longtemps qu’il subsistera. 

En fait, cela insuffle un nouveau regain de vie à la thèse kautskiste de l’ultra-impérialisme, réfutée par le camarade Lénine il y a longtemps, et qui dit que l’impérialisme peut dominer et asservir le monde entier par des moyens pacifiques, par un partage mutuel via une compréhension collective. 

Il ne faudrait pas, naturellement, nier le fait que les divers puissances impérialistes et groupes monopolistes internationaux – comme les transnationales et les multinationales – peuvent entrer dans des alliances temporaires afin de procéder à une exploitation conjointe d’un pays particulier ou de plusieurs pays (via la Banque mondiale, le FMI, le GATT etc.) ou joindre leurs forces pour ‘donner une leçon’ à tel ou tel régime qui les défie (comme l’illustre le cas de l’Irak). 

Mais, en soi, une telle exploitation conjointe par les diverses puissances impérialistes ne réduit pas un pays particulier à un statut néocolonial. 

Dans chaque pays semi-colonial également, il y a rivalité et collusion entre les diverses puissances impérialistes. 

Dans une néocolonie, la rivalité devient la plus aiguë quand l’une ou l’autre puissance impérialiste contrôlant la vie économique et la politique d’une néocolonie empêche les autres puissances impérialistes de s’approprier une part des surplus extraits. 

En résumé, la différence entre une colonie et une néocolonie réside en ce que la première est dirigée directement par une puissance impérialiste, via la propre administration impérialiste et l’armée de cette dernière, tandis que, dans une néocolonie, la puissance impérialiste exerce le contrôle politique via ses agents ou ses marionnettes, c’est-à-dire par des moyens indirects. 

Dans les deux cas, toutefois, les autres puissances impérialistes sont empêchées d’avoir la moindre part dans le pouvoir d’Etat, ce qui donne naissance à de sévères contradictions entre les groupes féodaux compradores alliés à diverses puissances impérialistes. 

Une semi-colonie, par ailleurs, est une forme transitoire de dépendance étatique qui se caractérise par une domination indirecte exercée par plus d’une puissance impérialiste, lesquelles agissent via leurs compradores. 

Lorsque nous disons que la forme semi-coloniale est une forme transitoire de dépendance étatique, cela signifie que c’est un phénomène passager : la semi-colonie doit soit se libérer du carcan des diverses puissances impérialistes, ce qui n’est possible que par le biais d’une révolution, soit, au fil du temps, se transformer en néocolonie sous la domination d’une puissance impérialiste. 

C’était ce que le camarade Lénine voulait dire lorsqu’il décrivait une semi-colonie comme étant une forme transitoire de dépendance étatique. 

La caractéristique permettant de distinguer une semi-colonie est qu’elle n’est sous la domination directe ou indirecte d’aucun pays impérialiste mais qu’elle est dominée par plusieurs puissances impérialistes par le biais d’une pression économique, politique, diplomatique et même militaire. 

En guise d’explication, le camarade Mao disait :  

« Comme nous le savons tous, depuis environ une centaine d’années, la Chine est un pays semi-colonial communément dominé par plusieurs puissances impérialistes. 

En raison de la lutte du peuple chinois contre l’impérialisme et de conflits qui ont opposé les puissances impérialistes, la Chine a pu conserver un statut semi-indépendant. 

Pendant tout un temps, la Première Guerre mondiale a fourni à l’impérialisme japonais l’occasion de dominer la Chine exclusivement. 

Mais le traité rendant la Chine au Japon, les Vingt et une Exigences signées par Yuan Shikai, l’archi-traître de l’époque, fut inévitablement déclaré nul et vide de sens suite à la lutte du peuple chinois contre l’impérialisme japonais et à l’intervention d’autres puissances impérialistes. 

En 1922, lors de la Conférence des Neuf Puissances convoquée par les Etats-Unis, un traité fut signé qui, une fois de plus, plaçait la Chine sous la domination conjointe de plusieurs puissances impérialistes. 

Mais la situation ne tarda guère à changer une fois de plus. 

L’incident du 18 septembre 1931 initia le stade actuel de la colonisation de la Chine par le Japon. Du fait que l’agression japonaise s’est provisoirement limitée aux quatre provinces du Nord-Est, certaines personnes ont pensé que les impérialistes japonais n’avanceraient probablement pas plus loin. 

Aujourd’hui, les choses sont différentes. 

Les impérialistes japonais ont déjà montré leur intention de pénétrer au sud de la Grande Muraille et d’occuper toute la Chine. Désormais, ils veulent transformer l’ensemble de la Chine, de semi-colonie partagée par plusieurs puissances impérialistes qu’elle était, en colonie monopolisée par le Japon. » 

Considérant la principale contradiction dans un pays semi-colonial, le camarade Mao faisait remarquer :  

« Dans un pays semi-colonial comme la Chine, la relation entre la principale contradiction et les contradictions non principales présente un aspect compliqué.  

Lorsque l’impérialisme lance une guerre d’agression contre un tel pays, toutes ses différentes classes, à l’exception de quelques traîtres, peuvent s’unir temporairement dans une guerre nationale contre l’impérialisme. 

A ce moment précis, la contradiction entre l’impérialisme et le pays en question devient la contradiction principale, alors que toutes les contradictions existant entre les diverses classes du pays même (y compris celle qui était la principale contradiction, entre le système féodal et les larges masses du peuple) sont temporairement reléguées au second plan, dans une position subordonnée. 

Ce fut le cas en Chine durant la guerre de l’Opium de 1840, durant la guerre sino-japonaise de 1894 et la guerre de Yi Ho Tuan de 1900, et c’est encore le cas dans la présente guerre sino-japonaise.   

Mais dans une autre situation, les contradictions changent de position. Lorsque l’impérialisme exerce son oppression, non pas par la guerre, mais par des moyens plus doux – politiquement, économiquement et culturellement -, les classes dirigeantes des pays semi-coloniaux capitulent devant l’impérialisme, et les deux constituent une alliance visant à opprimer ensemble les masses du peuple. 

Dans une telle situation, les masses recourent souvent à la guerre civile contre l’alliance entre l’impérialisme et les classes féodales, alors que l’impérialisme préfère souvent recourir à des méthodes indirectes plutôt qu’à l’action directe, en aidant les réactionnaires des pays semi-coloniaux à opprimer le peuple et, ainsi donc, les contradictions internes deviennent particulièrement aiguës. C’est ce qui s’est produit en Chine au cours de la guerre révolutionnaire de 1911, de la guerre révolutionnaire de 1924-1927 et durant les dix années de la guerre révolutionnaire agraire, après 1927. Les guerres entre les divers groupes dirigeants réactionnaires dans les pays semi-coloniaux, et c’est le cas des guerres entre les seigneurs de guerre chinois, appartiennent à la même catégorie. » 

Après l’invasion de la Chine par le Japon (entre 1931 et 1945), le camarade Mao avait décrit le caractère de la société chinoise non pas comme semi-colonial et semi-féodal, mais comme colonial, semi-colonial et semi-féodal : 

« Depuis l’invasion du capitalisme étranger et le développement progressif d’éléments capitalistes au sein de la société chinoise, le pays s’est graduellement transformé en société coloniale, semi-coloniale et semi-féodale. 

Aujourd’hui, la Chine est coloniale dans les zones occupées par les Japonais et elle est fondamentalement semi-coloniale dans les zones du Kuomintang, et elle est à prédominance féodale ou semi-féodale dans les deux. Voilà donc le caractère de l’actuelle société chinoise et l’état de la situation dans notre pays. La politique et l’économie de cette société sont à prédominance coloniale, semi-coloniale et semi-féodale, et la culture prédominante, qui reflète la politique et l’économie, est également coloniale, semi-coloniale et semi-féodale. » 

L’Inde a été une semi-colonie de diverses puissances impérialistes après la passation de pouvoir de 1947. Mais une telle forme transitoire de dépendance étatique ne peut durer très longtemps. 

Au cours des 47 années d’existence semi-coloniale de l’Inde, plusieurs changements se sont produits dans son économie, sa politique et sa culture, comme on l’a expliqué plus haut. 

Les relations de l’Inde avec diverses puissances impérialistes ont changé, elles aussi, comme le montrent les relations élaborées dans la résolution politique d’août 1992. 

Au départ, l’impérialisme américain et, plus tard, au cours des années 1970 et de la première moitié des années 1980, l’impérialisme social soviétique, ont tenté désespérément, chacun de leur côté, de faire de l’Inde leur néocolonie. Mais aucune des deux superpuissances n’a pu atteindre ses objectifs en raison de la révolte croissante du peuple, partout dans le monde, contre leurs plans d’hégémonie mondiale. 

Les peuples de Corée, du Vietnam, du Laos, du Cambodge, du Pérou, des Philippines, de l’Afghanistan, de l’Erythrée, de la Somalie, du Nicaragua, du Salvador et de plusieurs autres pays ont opposé une résistance héroïque aux deux superpuissances et ont contribué à leur affaiblissement. 

Par conséquent, il est particulièrement malaisé pour les superpuissances de convertir un vaste pays comme l’Inde en leur néocolonie, bien qu’ils poursuivent leur politique néocoloniale d’exploitation en Inde aussi bien que dans le reste du tiers monde. 

La rivalité entre les diverses puissances impérialistes – les Etats-Unis, l’Allemagne, le Japon, la Russie, la Grande-Bretagne et la France – en vue d’établir leur contrôle sur l’Inde est appelée à s’intensifier dans le futur. 

Les classes dirigeantes d’un pays semi-colonial, tout en étant subordonnées à l’impérialisme dans l’ensemble, peuvent, à certain moment, obtenir quelques concessions de la part de l’impérialisme en se servant des contradictions aiguës régnant entre les diverses puissances impérialistes. 

Mais même la capacité de manoeuvre des classes dirigeantes dans le tiers monde a connu un déclin au cours de la dernière décennie, qui a vu chaque pays tenter d’évincer les autres en recherchant les connivences avec l’impérialisme et rivaliser avec les autres pour vendre à l’impérialisme sa main-d’oeuvre à bas prix, ses ressources et ses marchés, dans l’espoir de récolter les quelques miettes qui allaient tomber au cours de la phase de ‘globalisation’ lancée par l’impérialisme. 

Certains pays du tiers-monde, et tout particulièrement les plus petits, sont même sur le point de devenir des néocolonies de l’une ou l’autre puissance impérialiste. Bien que l’impérialisme s’affaiblisse de jour en jour, il serait naïf d’imaginer que les puissances impérialistes n’ont pas la capacité de convertir plusieurs pays du tiers monde en leurs colonies respectives. 

Tandis que l’impérialisme américain, s’appuyant sur le nouveau traité NAFTA placé sous son hégémonie, tente de s’assurer le contrôle absolu sur l’Amérique latine, le Japon, de son côté, échafaude des plans en vue de ressusciter son rêve perdu d’étendre la sphère de coprospérité de l’Est de l’Asie à l’ensemble de la région Asie-Pacifique. 

La Communauté économique européenne, et particulièrement l’Allemagne, tente de resserrer son emprise non seulement sur les pays de l’Europe de l’Est et sur certaines républiques dissidentes de l’ancienne Union soviétique, mais elle essaie également d’étendre son contrôle sur l’Afrique du Nord et sur d’autres régions. 

Ce n’est que par une révolution prolétarienne que les pays du tiers monde pourront venir à bout complètement de l’impérialisme. 

Dans les pays où le prolétariat et les forces anti-impérialistes sont faibles, il existe un danger de voir les classes dirigeantes compradores devenir les marionnettes de l’une ou l’autre puissance impérialiste et, de ce fait, de voir leur statut de pays se réduire à celui de néocolonies. 

Le terme de ‘recolonisation’, peut-on l’utiliser alors pour décrire la mainmise impérialiste croissante sur les pays du tiers monde ? 

L’usage de ce terme ne risque-t-il pas de donner l’impression que les pays du tiers monde ont joui d’une véritable indépendance dans le temps et que ce n’est que maintenant qu’ils se transforment en semi-colonies et néocolonies? 

Le terme a été utilisé puisqu’il a déjà été popularisé dans les médias pour décrire la toute dernière offensive de l’impérialisme dans les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine par le biais des programmes d’ajustements structurels et autres politiques néocolonialistes de la Banque mondiale, du FMI, du GATT, etc., avec lesquelles même l’indépendance nominale de ces pays se trouve menacée. 

Pris dans son sens littéral, le terme ‘recolonisation’ peut donner l’impression, effectivement, que les pays du tiers monde ont jusqu’à présent bénéficié d’une indépendance véritable bien qu’il n’y ait personne qui, après avoir lu entièrement notre point de vue, pourra encore avoir cette impression. Pourtant, en gardant en vue la confusion qui peut naître en raison de l’emploi de ce terme, il faut mieux supprimer ce mot et le remplacer par les termes de ‘mainmise croissante de l’impérialisme’.  

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et le PC d’Inde (marxiste-léniniste) 

Charu Mazumdar: Haïr, stigmatiser et écraser le centrisme!

(mai 1970)

La conjoncture actuelle dans le monde présente deux phénomènes importants.

D’un côté, il y l’agression par l’impérialisme US du Cambodge. Les impérialistes US ont laissé tomber tout faux-semblant et ont directement envahi le Cambodge.

C’est la logique de Hitler, la logique de tous les agresseurs.

Ils n’ont plus de temps à perdre, ils ne peuvent plus parler de paix.

Désormais, ils attaqueront un pays après l’autre. Ainsi s’ouvre la Troisième Guerre Mondiale.

D’un autre côté, le front uni révolutionnaire des peuples du Vietnam, du Cambodge et du Laos, sous la direction de la Chine, a été édifié pour combattre les agresseurs US.

L’unité des trois peuples indochinois a été gagnée. C’est un grand événement dans l’histoire mondiale, car cette unité n’existait pas quand les hordes hitlériennes marchèrent sur les Sudètes.

La Deuxième Guerre mondiale a été précédée par Munich, par une grande trahison.

Mais aujourd’hui, un front uni des peuples révolutionnaires sous la direction de la Chine est en train de prendre forme.

Cela inaugure le grand commencement de la défaite de l’impérialisme et le grand commencement de la victoire des peuples du monde.

Le même type de phénomène existe aussi en Inde. Les classes dominantes réactionnaires en Inde se préparent frénétiquement à jouer le rôle que la stratégie globale de l’impérialisme US et du social-impérialisme soviétique attend d’elles.

Elles ourdissent de vastes plans criminels contre la Chine. Mais l’émergence du PCI (ML) change la donne intérieure en Inde.

La lutte paysanne révolutionnaire armée dirigée par le PCI (ML) est devenue une force motrice de l’histoire.

Nous devons prendre en compte non seulement l’offensive des classes dominantes, mais aussi la contre-offensive du peuple révolutionnaire.

Nos tâches cardinales sont donc : édifier le Parti et le retrancher parmi les paysans pauvres et sans terres. Le processus d’édification du Parti correspond au développement de la lutte de classes armée.

Sans lutte de classes armée, le Parti ne peut pas se développer et ne peut pas se retrancher dans les masses.

La lutte entre deux ligne est là dans le Parti et elle continuera d’exister.

Nous devons nous opposer à la ligne incorrecte et la défaire. Nous devons être sur nos gardes vis-à-vis du centrisme.

Le centrisme est une forme de révisionnisme, la pire de ses formes.

Par le passé, le révisionnisme fut vaincu à de multiples reprises par les éléments révolutionnaires, mais le centrisme a toujours cueilli les fruits de la victoire et a mené le Parti sur la voie révisionniste. Nous devons haïr le centrisme.

Sur la question du boycott des élections, Naggi Reddy disait : « Oui, nous les acceptons, mais dans les limites de certaines zones et de certaines périodes. Nous participerons aux élections là où il n’y a pas de lutte [armée] »

Voilà la ligne de Reddy. C’est du centrisme. Nous avons lutté contre cette ligne et avons expulsé Naggy Reddy de notre organisation.

Au sujet du social-impérialisme soviétique, certains disent : « Les dirigeants soviétiques sont révisionnistes. Mais comment peuvent-ils être impérialistes ? Où est ce développement du capital monopoliste ? »

Ces gens sont des centristes. Nous les avons combattus et les avons expulsés de notre Parti.

Les centristes alors soulevèrent les questions des syndicats et d’un « Parti à base ouvrière », alors que les affrontements armés doivent être développés en nous fondant sur la paysannerie.

Nous avons combattu Asist Sen et compagnie sur ces questions et les avons expulsés du Parti.

Nous ne devons pas seulement distinguer la ligne correcte de la ligne incorrecte, mais aussi débusquer la position centriste et la faire voler en éclats.

Désormais, l’attaque centriste provient de l’intérieur du Parti.

Sur la question de l’utilisation des armes à feu, de la dépendance à l’égard des intellectuels petits-bourgeois et des batailles d’anéantissement, le Parti fait face à des attaques centristes.

Il doit être compris que la bataille d’anéantissement est à la fois la plus haute forme de la lutte des classes et le point de départ de la guerre de guérilla. Il y a deux déviations à ce sujet.

1. Certains camarades acceptent l’idée que l’anéantissement est le point de départ de la guerre de guérilla, mais pas que c’est la plus haute forme de la lutte des classes.

2. Il y a des camarades qui menaient la lutte des classes – la lutte pour la capture des terres des propriétaires terriens et de leur propriété – mais qui ne menèrent pas la bataille de l’anéantissement. Ces cadres ont alors dégénéré, ils étaient perdus pour la révolution. Ces camarades n’ont pas vu que l’anéantissement est le point de départ de la guerre de guérilla.

La lutte des classes résoudra tous les autres problèmes – le problème de la construction des zones libérées et le problème de la construction de l’armée révolutionnaire.

Nous avons tenté de développer l’armée dans certaines zones, mais sans lutte des classe, et nous avons échoué.

Sans lutte des classes, sans la bataille d’anéantissement, l’initiative des masses paysannes pauvres ne peut pas être libérée, la conscience politique des combattants ne peut pas être élevée, l’homme nouveau ne peut pas émerger, l’armée populaire ne peut pas être créée.

C’est uniquement en engageant la lutte de classe la bataille de l’anéantissement que le nouvel être humain sera créé ; le nouvel être humain qui défiera la mort et sera libéré de tout esprit d’égoïsme.

Et c’est avec cet esprit de défi à la mort qu’il ira à l’ennemi, prendra son arme, vengera les martyrs et que l’armée populaire se formera.

Aller à l’ennemi est nécessaire pour conquérir une conscience totale de soi-même et cela ne peut être obtenu qu’avec le sang des martyrs. Qui inspire et créé de nouveaux êtres humains issus des combattants, les emplissent de haine de classe et les fait aller à l’ennemi et prendre son arme les mains nues.

Nous avons versé beaucoup de notre sang au Srikakulam et avons versé également beaucoup de sang ennemi.

Mais l’ennemi de classe existe encore là-bas.

Sans expulser l’ennemi de classe d’un territoire, une nouvelle conscience, une nouvelle confiance ne peut pas naître.

Il devient alors impossible d’aller à l’ennemi et de lui arracher son arme.

C’est la lutte des classes qui seule peut résoudre ce problème de la construction de l’armée populaire.

L’anéantissement de l’ennemi de classe – cette arme entre nos mains – est le plus grand danger pour les réactionnaires et les révisionnistes du monde entier.

C’est pourquoi les dirigeants du révisionnisme mondial ont tenté de contacté divers groupes ayant rendu des hommages peu sincères au président Mao et au PCC pour qu’ils s’opposent à l’anéantissement de l’ennemi de classe.

Nous refusons de nous unir à ces groupes parce qu’ils sont opposés à l’anéantissement de l’ennemi de classe, à la lutte de classes et sont, par conséquent, ennemis du peuple.

Pourquoi est-ce que je suis contre l’utilisation des armes à feu dès maintenant ?

N’est-ce pas notre rêve que les paysans pauvres et sans terres prennent les fusils à l’épaule et marchent de l’avant ?

Cependant, l’usage des armes à feu en cette phase, loin de libérer l’initiative des masses paysannes pour anéantir l’ennemi de classe, la retient.

Si les combattants de la guérilla commencent la bataille avec leurs armes blanches, les paysans sans terre ordinaires viendront se joindre aux combats les mains nues et participeront à la bataille d’anéantissement.

Le paysan sans terres ordinaire, écrasé par des siècles d’oppression, verra la lumière et se vengera lui-même de l’ennemi de classe.

Son initiative sera libérée.

C’est de cette façon que les masses paysannes rejoindront les guerilleros, leur enthousiasme révolutionnaire ne connaîtra aucune limite et une puissante vague de soulèvements populaires balaiera le pays.

Une fois libérée l’initiative des masses paysannes, anéantissant l’ennemi de classe à mains nues ou avec des armes artisanales, et une fois le pouvoir révolutionnaire des paysans établi, les masses paysannes se saisiront du fusil et affronteront le monde.

Le paysan armé du fusil sera la garantie de la continuation du pouvoir révolutionnaire des paysans.

Camarades, le calvaire des paysans a atteint un point de non-retour.

Si nous savons leur montrer la voie, il n’y a aucun endroit en Inde où ils ne puissent passer à l’action.

Il y a la possibilité d’un formidable soulèvement en Inde si nous y travaillons consciencieusement.

La guerre de guérilla peut être menée sous forme de bataille d’anéantissement dans chaque village d’Inde.

Ainsi, commençons la lutte armée en autant d’endroits que possible.

Ne cherchons pas à la concentrer.

Étendons-la partout.

C’est un premier principe à suivre.

L’autre est le suivant : Menons la bataille d’anéantissement de l’ennemi de classe.

Tous les révisionnistes, tous les groupes parlant au nom du président Mao, nous attaquent sur ce point précis de la bataille d’anéantissement.

Par conséquent les camarades qui s’y opposent n’ont pas leur place chez nous.

Nous ne les laisserons pas en place dans le Parti.

On peut voir comment la lutte paysanne révolutionnaire armée soulève les autres classes.

Voyez Calcutta.

Les luttes révolutionnaires des jeunes de Calcutta émergent grâce à l’impact de la lutte armée paysanne.

La classe ouvrière de Calcutta se soulève elle aussi.

Et j’espère qu’il y aura des soulèvements révolutionnaires de la classe ouvrière, pas seulement à Calcutta, mais aussi dans d’autres villes d’Inde. Ceci doit nécessairement arriver. Dès lors, la situation dans les villes changera du tout au tout.

Camarades, que la lutte armée paysanne bat en tempête dans toute l’Inde après les victorieuses conclusions de notre Congrès.

Il y aura un soulèvement spontané de masses qui naîtra de la lutte de guérilla et s’abattra comme une avalanche, comme la foudre.

Il est certain que l’Armée Rouge peut être créée non seulement au Srikakulam mais aussi au Penjab, dans l’Uttar Pradesh, le Bihar et le Bengale Occidental.

Avec ces contingents de l’Armée de Libération, les paysans d’Inde marcheront de l’avant vers la libération complète.

Trois facteurs garantissent la victoire de la révolution.

Premièrement, la révolution a été ajournée depuis vingt ans et ne souffre plus aucun délai.

Deuxièmement, la révolution prend place à l’époque de l’effondrement complet de l’impérialisme et de la victoire mondiale du socialisme, l’époque de la pensée Mao tsé-toung.

Troisièmement, nous avons été en mesure de tenir ce Congrès malgré la sévère répression.

Camarades, allons de l’avant.

Les années 70 seront sûrement la décennie de la libération.

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et le PC d’Inde (marxiste-léniniste)

Charu Mazumdar: “Boycottons les élections”: la signification internationale de ce slogan (1968)

En 1937, les fascismes allemands, italiens et japonais, les trois détachements avancés de l’impérialisme mondial, conspiraient en vue de se repartager le monde ; les fascismes allemands et italiens firent irruption en Espagne pour soutenir activement le général Franco.

La classe ouvrière mondiale vint soutenir le gouvernement de front uni d’Espagne, et des brigades internationales furent formées, par des gens venant de différents pays.

Mais hélas Franco parvint à écraser la résistance appuyée par les brigades internationales et à imposer sa variété de fascisme en Espagne.

Exactement à la même époque, le Parti Communiste de Chine, mené par le président Mao, libéra un petit territoire, Yenan, qu’il souleva pour combattre le militarisme japonais.

Mais il fit plus encore.

Il écrasa les manoeuvres du militarisme japonais et se mit à créer zone libérée sur zone libérée en soulevant les paysans pauvres dans les régions occupées par les Japonais.

Ces zones libérées non seulement ont tenu bon face aux féroces attaques japonaises, mais assénèrent aussi de rudes coups à l’impérialisme japonais.

A cette époque, le PC de Chine mené par le président Mao dut combattre non seulement l’impérialisme japonais, mais aussi résister au gouvernement réactionnaire du Kuomintang de Tchang Kaïchek.

Survint ensuite la Deuxième Guerre mondiale. Les colonies des anciennes puissances impérialistes s’effondrèrent comme des châteaux de cartes.

Les peuples colonisés virent de leurs propres yeux à quel point les puissances impérialistes soit disant fortes s’échappaient devant l’agression japonaise comme des chiens battus et la queue entre les jambes.

Le fascisme allemand réduisit sous sa botte toutes les puissances impérialiste de toute l’Europe (sauf la Grande Bretagne) grâce à sa technique et sa force militaires supérieures.

Les vieilles puissances impérialistes se montrèrent incapables de faire face à l’assaut du fascisme.

Avec toutes les ressources et toute la richesse industrielle de l’Europe à leur disposition, les fascistes allemands ivres de pouvoir lancèrent une guerre d’agression contre l’Union Soviétique, le seul pays à l’époque où la classe ouvrière détenait le pouvoir.

Le Parti Communiste de l’Union Soviétique mené par le grand Staline se rétablit vite, une fois passé le choc initial de cette traîtresse attaque surprise, et mobilisa le peuple soviétique tout entier, en l’imprégnant de la volonté sacrée de défendre le pays et de pulvériser toutes les prétentions des hordes fascistes allemandes.

La défaite infligée au fascisme allemand lors de la bataille de Stalingrad assura le victoire de l’Union Soviétique sous la direction de Staline.

L’exemple du grand Parti Communiste de Chine inspira les peuples du monde partout où ils étaient opprimés par le fascisme, et ils se soulevèrent les armes à la main pour s’opposer au fascisme et mirent sur pied des bases rurales pour le combattre.

C’est ainsi que le fascisme fut vaincu à l’échelle mondiale.

Après la guerre, alors que les anciens impérialismes tentèrent d’établir à nouveau leur exploitation et leur domination, la colère des peuples du monde colonisé, qui s’était relevé et avait pris conscience de ses propres forces, a pris comme un feu sauvage et les flammes de la lutte armée se sont étendues au travers des colonies et semi-colonies.

A l’époque où le Parti Communiste de Chine dirigé par le président Mao avançait vers des victoires décisives, émergea en inde le mouvement dans le Telengana où, sous la direction des révolutionnaires communistes, une guérilla paysanne fut formée, des centaines de milliers de paysans se soulevèrent avec un esprit de résistance révolutionnaire, et des centaines de villages furent libérés.

La victoire de la grande révolution chinoise et l’établissement de la République Populaire de Chine en 1949 prouva avec une grande clarté la puissance infinie de la Guerre Populaire.

Le Parti Communiste de Chine, basé sur le marxisme-léninisme, pensée mao tsé-toung, établit l’alliance des ouvriers, paysans et autres couches laborieuses sur une base solide et mena le peuple chinois à la victoire le long du chemin de la lutte armée.

Cette victoire enflamma les peuples du monde colonial et la lutte armée commença à se développer fermement dans toutes les colonies de l’Asie du sud-est.

La victorieuse révolution chinoise montre clairement aux peuples des colonies et semi-colonies la voie à suivre pour gagner la victoire.

C’est là que commença l’ère de l’effondrement total de l’impérialisme mondial.

Comme celui-ci approchait de son effondrement final, les directions révisionnistes des Partis Communistes dans le monde commencèrent à trahir les luttes populaires.

A la mort de Staline, la clique renégate des révisionnistes soviétiques usurpa la direction du Parti Communiste de l’Union Soviétique et les cliques renégates du révisionnisme mondial se mirent à travailler de concert en vue de sauver l’impérialisme mondial de la destruction.

Les traîtres renégats d’Inde, masqués en communistes, étaient mortellement effrayés par la victoire de la révolution chinoise et abandonnèrent purement et simplement la lutte au Telengana pour prendre le chemin du parlementarisme.

Après le XXè Congrès du PCUS, la clique des renégats révisionnistes soviétiques, en collusion avec l’impérialisme US, sema la scission et la confusion parmi les peuples des colonies et semi-colonies partout où ils menaient la lutte armée.

Le président Mao avait dit que l’impérialisme mondial était semblable à une maison qui ne reposait que sur un seul pilier, l’impérialisme US, de sorte que la destruction de l’impérialisme US anéantirait l’impérialisme mondial.

C’est la raison pour laquelle la clique traîtresse de Krouchtchev tendit la main pour coopérer avec l’impérialisme US.

Et c’est aussi pourquoi le président Mao nous avertit en 1957 en déclarant que dans cette ère de luttes révolutionnaires en cours, le révisionnisme était le danger principal.

La lutte antirévisionniste à l’échelle mondiale, que le président Mao déclencha en 1962, provoqua une nouvelle vague d’enthousiasme parmi les révolutionnaires marxistes-léninistes du monde entier.

Les PC de chaque pays du monde se mirent à bouillonner de débuts de révolte contre les directions révisionnistes des différents partis, et les révolutionnaires marxistes-léninistes
commencèrent à resserrer leurs rangs.

La lutte anti-impérialiste entra dans une phase nouvelle et supérieure.

Prenant leur place à l’avant-garde de la lutte anti-impérialiste, les combattants héroïques du Vietnam portèrent des coups à l’impérialisme US, pilier solitaire de l’impérialisme mondial. Il devenait clair comme le jour que les jours étaient comptés pour l’impérialisme.

Toute hésitation, si petite soit-elle, à reconnaître la validité de la pensée mao tsé-toung comme marxisme-léninisme de notre époque, ne peut qu’affaiblir la lutte anti-impérialiste.

Parce que cela revient à émousser l’arme grâce à laquelle le révisionnisme doit être combattu.

Le président Mao nous enseigne que nous ne pouvons avancer d’un pouce dans notre attaque contre l’impérialisme si l’on ne frappe pas le révisionnisme.

A l’heure actuelle, alors que l’impérialisme va à l’effondrement final, la lutte révolutionnaire dans chaque pays a pris la forme de la lutte armée ; les révisionnisme soviétique, incapable de maintenir son masque socialiste, a été forcé d’adopter des tactiques impérialistes ; la révolution mondiale est entrée dans une nouvelle et plus haute phase, et le socialisme est en train de marcher inexorablement vers la victoire.

Dans une telle ère, suivre la voie parlementaire signifie un coup d’arrêt à cette marche en avant de la révolution mondiale.

Aujourd’hui, les marxistes-léninistes ne peuvent pas opter pour la voie parlementaire.

Ceci est vrai non seulement pour les pays coloniaux et semi-coloniaux, mais aussi pour les pays capitalistes.

Dans cette nouvelle ère de révolution mondiale où la victoire a été gagnée dans la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne en Chine, la tâche principale à mener à bien par les marxistes-léninistes du monde entier est d’établir des bases rurales et d’édifier, sur des bases fermes, l’unité des ouvriers, paysans et des autres couches laborieuses au travers de la lutte armée.

Ainsi, les slogans « Boycottons les élections » et « Etablissons des bases rurales et créons des zones de lutte armée », avancés par les révolutionnaires marxistes-léninistes, restent valables pour toute l’époque.

En adhérant à la voie parlementaire, les révolutionnaires du monde entier ont laissé s’accumuler au fur et à mesure une formidable dette de sang.

Le temps est venu de s’acquitter de cette dette de sang.

Des centaines de milliers de martyrs tombés adressent un cri aux révolutionnaires : « Frappez fort l’impérialisme agonisant et balayez-le de la surface de la terre »

Il est temps de reconstruire le monde d’une nouvelle façon !

Notre victoire dans ce combat est certaine !

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et le PC d’Inde (marxiste-léniniste)

Charu Mazumdar: Saisir cette opportunité (1966)

Au cours de ces deux dernières années, les luttes spontanées des jeunes et des étudiants petits-bourgeois ont fait du bruit d’un bout à l’autre de l’Inde. Bien qu’au début, la demande de nourriture fut la revendication principale, progressivement, la revendication de l’expulsion du gouvernement du Congrès est devenue la principale.

Le président Mao a dit : « Les étudiants et les jeunes petits-bourgeois sont un élément de la population et à la fin inéluctable de leur lutte, la lutte des ouvriers et des paysans atteindra un point culminant ». Donc, à peine la lutte des étudiants et des jeunes s’était-elle terminée, que la lutte paysanne a débuté au Bihar.

Des centaines de paysans récoltent et emmènent les produits agricoles. Ils s’emparent des stocks de produits agricoles des propriétaires fonciers mis en réserve. Cette lutte est forcée, dans les jours à venir, de se propager au Bengale occidental et dans d’autres états. Le gouvernement recourt à une violente répression pour réprimer les paysans échauffés. Le président Mao a dit : « Là où il y a de l’oppression, il y a forcément une résistance à son encontre ».

Par conséquent, nous assistons à une résistance spontanée dans les luttes des étudiants et des jeunes. Les paysans du Bihar mènent la résistance spontanément.

Les porte-paroles officiels déclarent sans cesse qu’ils auraient recours à des politiques davantage répressives pour préserver la paix et l’ordre. Donc, la responsabilité de la création consciente des luttes de résistance s’est présentée devant la classe ouvrière révolutionnaire et son parti.

Cette époque est l’époque du mouvement de résistance active. Le mouvement de résistance active déverrouillera le foyer de génie révolutionnaire des masses révolutionnaires. Il propagera la vague révolutionnaire partout en Inde.

Par conséquent, à cette époque, diriger un syndicat légal ou un mouvement d’association paysanne ne peut jamais être la tâche principale des cadres révolutionnaires. Le syndicat ou le mouvement d’association paysanne (Kisan Sabha) ne peuvent pas être la principale force complémentaire à l’époque actuelle de vague révolutionnaire. Il ne serait pas correct de tirer de ceci la conclusion que les syndicats ou les associations paysannes sont devenus démodés.

Car au fond, les syndicats et les Kisan Sabhas sont des organisations permettant d’augmenter l’unité entre les cadres marxistes-léninistes et la classe ouvrière et les masses paysannes. Cette unité ne sera consolidée que quand les cadres marxistes-léninistes avanceront dans le travail de la construction d’un parti révolutionnaire parmi la classe ouvrière et les masses paysannes avec pour tactique le mouvement de résistance révolutionnaire.

La classe ouvrière révolutionnaire et les cadres marxistes-léninistes devront aller de l’avant face aux luttes paysannes pour donner une direction active aux luttes paysannes grâce à la résistance ou aux luttes « de partisans ».

Le gouvernement réactionnaire de l’Inde a adopté la tactique de tuer les masses ; il les tue par inanition, avec des balles. Le président Mao a dit : « C’est leur nature de classe. Ils déclenchent des attaques contre les gens même au risque d’être battus ».

Il y a certains dirigeants qui, confrontés à ces meurtres systématiques, prennent peur et cherchent une protection. A leur sujet, Mao a dit : « Ils sont lâches et indignes du leadership révolutionnaire ».

Il existe un autre groupe de personnes qui font audacieusement face à la mort. Elles tentent de venger chaque meurtre elles seules sont révolutionnaires et ce sont elles qui peuvent montrer la voie aux masses.
Le gouvernement pourrait en apparence avoir l’air puissant parce qu’il a entre ses mains de la nourriture et des armes. Le peuple n’a pas de nourriture ; il est non armé. Mais c’est l’unité et l’esprit ferme de ces masses non armées qui écraseront toute l’arrogance de la réaction et feront de la révolution un succès. Donc le président Mao a dit : « La force réactionnaire est en fait un tigre de papier ».

A l’heure actuelle, notre tâche principale sera basée sur trois slogans principaux.

Premièrement, l’unité des ouvriers et des paysans. Cette unité ne signifie pas que les ouvriers et les masses petites-bourgeoises ne donneront qu’un soutien moral au mouvement paysan.

Ce slogan signifie que la prise de conscience que les paysans étant la force principale de la révolution dans un pays semi-colonial et semi-féodal tel que l’Inde, l’unité des paysans et des ouvriers ne peut s’accroître que sur base de la lutte de classe.

Donc, sur la question de la prise du pouvoir d’état, le président Mao a dit : « C’est la zone libérée dans les campagnes qui est l’application concrète de l’unité ouvriers-paysans ».

Donc, c’est aux ouvriers, et tout particulièrement aux masses petites-bourgeoises de s’occuper de développer le mouvement paysan pour construire des zones libérées.

Donc, au sujet du mouvement, le président Mao a dit aux étudiants et aux jeunes petits-bourgeois : « Qu’ils soient des révolutionnaires ne peut être déterminé que par à quel point ils se font participants au mouvement ». Ceux qui ne prendront pas part à ce mouvement risquent de devenir des réactionnaires.

Deuxièmement, le mouvement de résistance révolutionnaire, la lutte armée. Le gouvernement réactionnaire de l’Inde a déclaré la guerre à toutes les luttes de revendications démocratiques des masses.

A l’intérieur de l’Inde, il a créé un terrain de jeu pour l’exploitation féodale et impérialiste, et dans sa politique extérieure, il a transformé l’Inde en une base de la réaction en collaboration avec l’impérialisme et les révisionnistes modernes.

La population de l’Inde est devenue rebelle contre cette situation intolérable. Dans cette situation, le mouvement de résistance révolutionnaire ou la lutte de partisan armée du parti marxiste-léniniste révolutionnaire contre la réaction et le mouvement de résistance passive du parti révisionniste sont devenus aujourd’hui la part principale de la politique du parti.

Par conséquent, chaque membre du parti et chaque cadre révolutionnaire devra s’emparer de cette tactique de lutte.

Il faut qu’ils apprennent à l’appliquer et à tempérer l’esprit révolutionnaire des masses grâce à la propagande parmi les masses. Le succès de la lutte dépend de jusqu’où nous pouvons populariser la politique de la lutte armée par l’entremise de sa propagande parmi les masses.

Troisièmement, la construction d’un parti révolutionnaire. Dans la situation révolutionnaire en Inde aujourd’hui, notre organisation de parti n’est pas capable de fournir un leadership.

Sans être solide dans la théorie, clair dans la politique et sans une base de masse en ce qui concerne l’organisation, il est impossible de fournir un leadership dans l’époque révolutionnaire d’aujourd’hui.

1. Sur la question théorique : − Il ne faut pas oublier que la direction du parti du premier état socialiste du monde, l’Union Soviétique, a été capturée par une clique révisionniste. En conséquence, l’influence révisionniste s’est abattue sur les partis communistes de différents pays du monde. Dans notre pays aussi, on a senti la nécessité de constituer un parti séparé alors que cette influence révisionniste était ressentie. Et en conséquence de cela, un parti séparé fut formé au 7ème congrès.

La création d’un parti séparé ne veut pas dire que le combat contre le révisionnisme est terminé. Le révisionnisme parle de lutter contre l’impérialisme, le féodalisme et la force réactionnaire mais dans les actes, il élargit la voie de la collaboration avec ces forces. Le marxisme-léninisme s’oppose fermement à ces forces, venge la moindre de leur attaque et seule la mobilisation des masses par l’intermédiaire d’une lutte très longue détruit ces forces réactionnaires.


Les vieilles idées deviennent manifestes quand (I) on n’accepte pas le leadership du grand parti chinois contre les révisionnistes internationaux ; (II) on n’accepte pas les nouvelles forces en voie de développement ; (III) on ne fait pas réaliser à la classe ouvrière cette nouvelle prise de conscience ; (IV) on n’aide pas la lutte de la paysannerie, qui est l’alliée principale de la classe ouvrière.

2. Politique : − Il faut voir la Révolution Démocratique Populaire comme la tâche du moment. Le président Mao a dit : « Aucune force mourante n’abandonne son pouvoir facilement : la libération est au bout du fusil ».

Donc dans notre politique, l’élément principal sera la lutte armée pour la prise du pouvoir. Le peuple a déclenché cette lutte armée spontanément. Le but principal de notre politique sera de mettre cette lutte armée en place consciemment sur une base de masse.

Les trois points fondamentaux sont, (I) l’unité ouvrier-paysan sous la direction de la classe ouvrière, (II) mettre consciemment en place la lutte armée sur une base de masse, et (III) établir fermement le leadership du parti communiste.

Il est impératif de ne laisser de côté aucune de ces trois tâches. Cette politique devra être propagée abondamment parmi les masses.

3. Organisationnelle : − La base de masse du parti devra être élargie. Nous avons vu au cours de ces quelques dernières années des milliers de cadres militants venir pour se joindre au travail de l’organisation pendant différents mouvements et luttes, tenter de donner une direction aux luttes, mais aussitôt que le mouvement s’interrompt, ils deviennent de nouveau inactifs.

Aujourd’hui, à l’heure de la vague révolutionnaire, les habitants de nombreuses régions arriérées se présentent sur le chemin des luttes, et c’est à travers ces luttes que beaucoup de jeunes cadres militants se joignent au travail de l’organisation. Si nous pouvons former ces cadres à notre théorie et politique révolutionnaires, le parti peut acquérir sa base de masse.

Nous devons commencer à travailler avec assurance à rassembler ces cadres et à constituer des groupes secrets avec eux. Ces groupes-cadres dirigeront la propagande politique et serviront d’unités de la lutte armée.

La puissance de frappe du parti est dépendante du point jusqu’auquel nous sommes capables de constituer de plus en plus de ces groupes parmi les ouvriers et les paysans. Il faut assurément garder secret avec qui nous constituons les groupes et les détails organisationnels comme l’abri, les dépôts, etc. Mais nos théories, nos politiques et le slogan de la création du parti ne doivent jamais être cachés.

A l’heure de la lutte armée, toutes les unités de parti doivent être des participantes à la lutte armée et être des leaders autonomes.

Les élections générales arrivent. Durant ces élections, le peuple mécontent désire écouter et écoutera les politiques. Avant les élections, chaque parti essayera de propager sa politique parmi les masses.

Nous devons profiter de ces élections pour propager notre politique. Ne nous laissons pas embrouiller par le slogan mensonger d’un gouvernement démocratique non-congressiste.

Nous devons courageusement amener aux masses la politique de notre Révolution Démocratique Populaire c’est à dire la politique d’une unité ouvrier-paysan sous la direction de la classe ouvrière, d’une lutte armée et de l’instauration du leadership du parti.

Si nous profitons entièrement de ceci, il ne sera possible pour aucun dirigeant de gauche de s’opposer à nous. Nous devons profiter pleinement de cette opportunité.

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et le PC d’Inde (marxiste-léniniste)

Charu Mazumdar: Faire progresser la lutte paysanne en combattant le révisionnisme (1966)

Dans la période post-électorale, nos inquiétudes se révèlent justes par les actions de la direction du Parti elle-même. Le Politburo nous a ordonné de « poursuivre la lutte pour défendre les ministères non-congressistes contre la réaction ». Ceci laisse entendre que la tâche principale des marxistes n’est pas d’intensifier la lutte de classe, mais de plaider en faveur du cabinet.

Par conséquent, une convention de membres du parti fut réunie pour établir fermement l’économisme au sein de la classe ouvrière. Immédiatement après, un accord pour une trêve dans l’industrie fut signé à l’initiative du cabinet.

Il fut demandé aux ouvriers de ne pas recourir aux gheraos. Qu’est-ce qui pourrait être une manifestation plus flagrante de collaboration de classe ? Après avoir donné aux employeurs les pleins droits pour exploiter, on demande aux ouvriers de ne mener aucune lutte.

Immédiatement après que le Parti Communiste ait rejoint le gouvernement qui fut installé des suites d’un formidable mouvement de masse, la voie de la collaboration de classe fut choisie. Les dirigeants chinois ont prédit il y a longtemps que ceux qui étaient restés neutres dans le débat international prendraient très rapidement la voie de l’opportunisme.

Maintenant, les dirigeants chinois disent que ces avocats de la position neutre sont en fait révisionnistes et qu’ils devraient rapidement passer au camp réactionnaire.

Dans notre pays, nous faisons l’expérience de combien cette prédiction est exacte. Nous avons été témoins de la trahison de la classe ouvrière. A ceci, il faut ajouter l’annonce du dirigeant du Parti Communiste, Harekrishna Konar.

Au début, il a promis que toutes les terres acquises seraient distribuées parmi les paysans sans terre. Puis, la quantité de terre qui devait être distribuée fut radicalement réduite. En fin de compte, il a averti que l’arrangement existant ne serait pas appliqué cette année.

La remise du revenu foncier fut laissée à la merci des Junior Land Reforms Officers (JLRO). On a montré aux paysans comment soumettre des requêtes.

De plus, on leur a dit que la prise de la terre par la force ne serait pas autorisée. Harekrishna Babu n’est pas seulement membre du Comité central du Parti Communiste, il est également le secrétaire du Krishak Sabha au Bengale occidental.

C’est en réponse à l’appel du Krishak Sabha dont il est à la tête que les paysans avaient mené une lutte pour la récupération des terres acquises et benami en 1959.

[Terre benami : terres cultivées en prête-nom, occupée illégalement par son propriétaire en violation des lois des états établissant un plafond sur la superficie maximale autorisée par personne, ndlr]

Dans l’intérêt des propriétaires terriens, le gouvernement a recouru à la répression et a statué en faveur de l’expulsion, cependant, dans de nombreux cas, les paysans n’ont pas renoncé à la jouissance de la terre et sont restés sur la terre grâce à l’unité villageoise.

Le dirigeant du Krishak Sabha a-t-il soutenu leur mouvement après être devenu ministre ? Non. La signification de ce qu’il avait dit est que la terre acquise serait redistribuée. Qui la recevra ? Sur ce point, les JLRO devaient demander l’avis du Krishak Sabha. Mais un tel avis serait-il accepté ? Aucune assurance de cette sorte n’a été donnée par Harekrishna Babu.

Mais si les JLRO rejettent l’avis du Krishak Sabha, les paysans ne seraient en aucun cas autorisés à occuper la terre de force.
Harekrishna Babu n’a pas perdu de temps pour bien se faire comprendre sur ce point. Qu’est-ce ? N’est-ce pas se comporter comme un agent de recouvrement du gouvernement et des jotedars ?

[Le jotedar est un riche paysan qui loue ses terres à des métayers. Il s’agit d’un personnage qui incarne parfaitement le féodalisme. C’est donc un propriétaire terrien qui loue − principalement oralement et sans preuve écrite − la terre à un paysan qui la cultive sur base d’une répartition des récoltes. En plus d’une part des récoltes (souvent plus de 50%), les jotedars extorquaient d’autres paiements aux métayers, tels que notamment des intérêts exorbitants sur leur prêt qui était soumis à continuelle révision, ndlr].

Même les membres du Congrès n’auraient pas osé plaider en faveur des classes féodales si ouvertement. Par conséquent, obéir aux instructions des dirigeants du parti signifierait admettre aveuglément l’exploitation et l’autorité des classes féodales.

Donc, il est de la responsabilité des communistes de révéler le rôle anti-classe et réactionnaire de ces dirigeants aux membres du parti et au peuple, de se raccrocher au principe d’intensification de la lutte de classe et d’aller de l’avant.

Supposons que les paysans sans terre et les paysans pauvres acceptent la proposition de Harekrishna Babu et soumettent des requêtes. Que se passera-t-il ensuite ?

Certaines des terres acquises sont sans doute en jachère, mais la majeure partie sont des terres cultivables. Il y a des paysans qui sont en possession d’une telle terre. Aujourd’hui, ils jouissent de la terre en vertu de permis. Ou ils donnent une quote-part aux jotedars.

Lorsque cette terre sera redistribuée, cela occasionnera inévitablement des frictions parmi les paysans pauvres et les paysans sans terre.

Profitant de ceci, les paysans riches assoiront leur leadership sur le mouvement paysan tout entier parce qu’alors que le paysan riche a des possibilités de prospection, il est également partenaire de l’influence féodale.

Par conséquent, Harekrishna Babu ne tente pas seulement de renoncer à la voie de la lutte aujourd’hui, mais il prend également des mesures afin que la lutte paysanne ne puisse pas non plus devenir militante à l’avenir.

Toutefois, nous avons adopté le programme d’une révolution démocratique populaire et la tâche de cette révolution est de mettre en œuvre des réformes agraires dans l’intérêt des paysans. La réforme agraire dans l’intérêt des paysans ne sera possible que quand nous serons en mesure de mettre un terme à l’emprise des classes féodales sur les régions rurales.

Pour faire ceci, nous devons saisir la terre des classes féodales et la distribuer parmi les paysans sans terre et les paysans pauvres. Nous ne serons jamais capables de faire ceci si notre mouvement est enfermé dans les limites de l’économisme.

Dans toutes les régions où il y a eu un mouvement pour la terre acquise, d’après notre expérience, le paysan qui a obtenu une terre acquise et garanti le permis n’est plus actif dans le mouvement paysan. Quelle en est la raison ? C’est parce que la classe du paysan pauvre a changé en moins d’un an – il est devenu un paysan moyen.

Par conséquent, les revendications économiques des paysans pauvres et des paysans sans terre ne sont plus ses revendications. Donc, l’économisme occasionne une brèche dans l’unité des paysans combattants et rend les paysans pauvres et les paysans sans terre frustrés. Les défenseurs de l’économisme jugent chaque mouvement par la quantité de riz non décortiqué dans les maunds ou de terre dans les bighas qu’obtient le paysan.

[maunds : nom anglicisé d’une unité de masse datant de la domination britannique. Bighas : unité de mesure de la terre et standardisée par les Britanniques, correspondant à 5/8ème d’acre, c’est à dire 0,13 hectare. Principalement utilisée au Bengale occidental, ou du moins à ces valeurs, ndlr].

Que la conscience combative du paysan se soit renforcée ou pas n’est jamais leur critère de jugement. Donc, ils ne font aucun effort pour élever la conscience de classe du paysan. Pourtant, nous savons qu’aucune lutte ne peut être menée sans faire de sacrifices. Le président Mao nous a enseigné que là où il y a lutte, il y a sacrifice.

Au stade initial de la lutte, la force de la réaction doit être plus grande que la force des masses. Par conséquent, la lutte sera prolongée. Puisque les masses sont la force progressiste, leur force augmentera jour après jour, mais étant donné que les forces réactionnaires sont moribondes, leur force déclinera sans interruption.

Donc, aucune lutte révolutionnaire ne peut être victorieuse sans que les masses ne soient incitées à faire des sacrifices. D’après cette conception révolutionnaire fondamentale, l’économisme amène à l’impasse de la conception bourgeoise.

C’est ce que les dirigeants tentent d’accomplir par leurs activités. Un examen de toutes nos luttes paysannes passées indiquera que les dirigeants du parti ont imposé des compromis venus d’en haut aux paysans. Pourtant, il était de la responsabilité des dirigeants du parti d’asseoir le leadership combattant de la classe ouvrière sur le mouvement paysan. Ils ne l’ont pas fait avant, ils ne font pas même maintenant.

Maintenant, ils suggèrent d’avoir confiance en les lois et la bureaucratie. Lénine a dit que même si une loi progressiste est promulguée mais que la bureaucratie reçoit la responsabilité de l’appliquer, les paysans n’obtiendront rien. Par conséquent, nos dirigeants se sont très fort éloignés de la voie révolutionnaire.

La révolution agraire est la tâche du moment ; on ne peut pas ne pas accomplir cette tâche, et sans faire ceci, rien de bon ne peut être fait pour les paysans. Mais avant de procéder à la révolution agraire, la destruction du pouvoir d’état est requise.

Se battre pour la révolution agraire sans la destruction du pouvoir d’état équivaut à du pur révisionnisme. Donc, la destruction du pouvoir d’état est aujourd’hui la première et principale obligation du mouvement paysan.

Si ceci ne peut pas être effectué à l’échelon du pays, à l’échelon de l’état, les paysans attendront-ils en silence ? Non, le marxisme-léninisme pensée Mao Zedong nous a enseigné que si, dans une quelconque région, les paysans peuvent être stimulés d’un point de vue politique, alors il faut que nous mettions à exécution la tâche de la destruction du pouvoir d’état dans cette région.

C’est cela que l’on appelle une zone paysanne libérée. La lutte pour créer cette zone libérée est la tâche la plus urgente du mouvement paysan aujourd’hui, une tâche de l’instant présent.

Que devons-nous appeler zone libérée ?

Nous devons qualifier de zone libérée une zone de laquelle nous avons pu renverser les ennemis de classe. Pour créer cette zone libérée, nous avons besoin de la force armée des paysans. Lorsque nous parlons de cette force armée, nous avons en tête les armes fabriquées par les paysans. Donc, nous voulons aussi des fusils.

Que les paysans se soient présentés pour rassembler des armes ou pas est la base sur laquelle nous jugerons s’ils ont été soulevés politiquement. D’où les paysans obtiendront-ils des fusils ? Les ennemis de classe ont des fusils et ils vivent dans le village. Les fusils doivent leur être retirés de force. Ils ne nous cèderont pas leurs fusils volontairement. C’est pour cette raison que nous devrons nous emparer de leurs fusils par la force.

Pour ceci, il faudra apprendre toutes les tactiques aux paysans militants depuis la mise à feu des maisons des ennemis de classe. En outre, nous obtiendrons les fusils des forces armées du gouvernement en les attaquant subitement.

La région dans laquelle nous serons en mesure d’organiser cette campagne de collecte de fusils se transformera rapidement en zone libérée. Donc, pour s’acquitter de cette tâche, il est nécessaire de propager abondamment parmi les paysans la politique d’édification de la lutte armée.

De plus, il est nécessaire d’organiser de petits groupes militants secrets pour diriger la campagne de collecte de fusils.

En même temps que la propagation de la politique de la lutte armée, les membres de ces groupes tenteront de mettre en place avec succès un programme spécifique de collecte de fusils. La simple collecte de fusils ne transforme pas la nature de la lutte – les fusils rassemblés doivent être utilisés. Ce n’est qu’alors que la capacité créative des paysans se développera et que la lutte subira un changement qualitatif.

Ceci ne peut être effectué que par les paysans pauvres et les paysans sans terre, les grands alliés de la classe ouvrière. Le paysan moyen est aussi un allié, mais sa conscience combative n’est pas aussi intense que celle des paysans pauvres et des paysans sans terre.

Par conséquent, il ne peut pas prendre part à la lutte dès le début – il a besoin d’un certain temps. C’est la raison pour laquelle l’analyse de classe est une tâche fondamentale pour le Parti Communiste. C’est pour cette raison que le grand dirigeant de la Chine, le président Mao Zedong, s’était occupé de cette tâche d’abord et fut à même d’indiquer infailliblement la voie de la lutte révolutionnaire.

Donc, le premier but de notre travail organisationnel est d’instaurer le leadership des paysans pauvres et des paysans sans terre dans les mouvements paysans. Le leadership des paysans pauvres et des paysans sans terre s’établira au cours de l’organisation du mouvement paysan sur base de la politique de la lutte armée.

Parce que des classes paysannes, ce sont les plus révolutionnaires. Une organisation distincte des ouvriers agricoles ne servira pas cette tâche. Une organisation distincte des ouvriers agricoles encourage plutôt la tendance au mouvement syndical fondé sur l’économisme et intensifie les conflits entre les paysans.

L’unité des classes alliées n’est pas renforcée parce que, dans notre système agricole, l’exploitation des classes féodales est au premier plan. Une autre question qui se pose dans ce contexte est celle du compromis avec les petits propriétaires.

Quelle devra être l’attitude des communistes à cet égard ?

Pour ce qui concerne les compromis, nous devrons réfléchir à qui nous soutenons. Et dès lors, nous ne pourrons soutenir aucune autre classe contre eux. Dans le mouvement paysan (en Inde), les communistes ont toujours été contraints à renoncer aux intérêts des paysans pauvres et des paysans sans terre dans l’intérêt de la petite-bourgeoisie. Ceci mine la détermination combative des paysans pauvres et des paysans sans terre.

Quant aux paysans riches et aux paysans moyens, nous devrions aussi avoir une position différente. Si nous considérons les paysans riches de la même manière que les paysans moyens, les paysans pauvres et les paysans sans terre seront contrariés.

Là encore, si nous considérons les paysans moyens de la même manière que les paysans riches, l’enthousiasme combatif des paysans moyens diminuera. Par conséquent, il faut que les communistes apprennent à faire une analyse de classe des paysans dans chaque région suivant les enseignements du président Mao.

Maintes et maintes fois, l’agitation parmi les paysans de l’Inde a surgi. Ils ont à plusieurs reprises demandé conseil au Parti Communiste. Nous ne leur avons pas dit que la politique de la lutte armée et la compagne de collecte de fusils constituent la seule voie.

Cette voie est la voie de la classe ouvrière, la voie de la libération, la voie pour la création d’une société sans exploitation. Dans tous les états à travers l’Inde, les paysans sont aujourd’hui en état de troubles, il faut que les communistes leur montre la voie. Cette voie est celle de la politique de la lutte armée et de la campagne de collecte d’armes. Nous devons maintenir avec fermeté cette seule et unique voie vers la libération.

La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne de la Chine a déclaré la guerre à tous les types d’égoïsme, de mentalité de groupe, de révisionnisme, de suivisme de la bourgeoisie, d’éloge de l’idéologie bourgeoise − l’impact flamboyant de cette révolution a aussi atteint l’Inde.

L’appel de cette révolution est – « Préparez-vous à résolument faire toutes sortes de sacrifices, à écarter un par un les obstacles le long de la voie, la victoire sera nôtre ». Si atroce soit l’aspect de l’impérialisme, si vilain soit le piège posé par le révisionnisme, les jours des forces réactionnaires sont comptés, les rayons de soleil éclatants du marxisme-léninisme pensée Mao Zedong effaceront toute l’absurdité.

Donc naturellement, la question se pose : A cette époque, la lutte de masse paysanne sur base de revendications partielles est-elle inutile ? Le besoin existe assurément et existera également à l’avenir.

C’est parce que l’Inde est un vaste pays et aussi que les paysans sont divisés en un grand nombre de classes que la conscience politique ne peut pas être au même niveau dans toutes les régions et parmi toutes les classes. Par conséquent, il y aura toujours la perspective et la possibilité d’un mouvement de masse paysan basé sur des revendications partielles et les communistes devront toujours tirer pleinement parti de cette possibilité.

Quelle tactique devrons-nous adopter pour mener les mouvements basés sur des revendications partielles et quel devra être son objectif ?

L’objet de base de notre tactique dépend de si oui ou non la large classe paysanne s’est ralliée et notre objectif fondamental devra être la conscientisation de classe des paysans − qu’ils aient progressé le long de la voie de la lutte armée globale.

Les mouvements basés sur des revendications partielles intensifieront la lutte de classe. La conscience politique des larges masses devra être élevée. Les larges masses paysannes devront être incitées à faire des sacrifices, la lutte se propagera vers d’autres régions.

Les mouvements basés sur des revendications partielles pourraient prendre n’importe quelle forme mais les communistes devront toujours propager parmi les masses paysannes la nécessité de formes supérieures de lutte.

Les communistes ne devront en aucun cas admettre le type de lutte acceptable pour les paysans comme étant le meilleur type de lutte. En réalité, les communistes devront toujours poursuivre parmi les paysans la propagande en faveur des politiques révolutionnaires, c’est-à-dire la politique de la lutte armée et de la campagne de collecte de fusils.

En dépit de cette propagande, il est possible que les paysans décident de continuer les délégations de masse et nous devrons conduire ce mouvement. En des temps de terreur blanche, il ne faut vraiment pas sous-estimer l’efficacité d’une telle délégation de masse, parce que ces délégations de masse attireront de plus en plus les paysans dans la lutte. Il ne faut jamais condamner les mouvements basés sur des revendications partielles, mais c’est un crime de diriger ces mouvements à la manière de l’économisme.

En outre, c’est un crime de proclamer que les mouvements basés sur des revendications économiques prendront automatiquement la forme de la lutte armée car cela correspond à avoir le culte de la spontanéité.

De tels mouvements peuvent indiquer la voie aux masses, aider à développer la clarté de la position, motiver à faire des sacrifices. A

chaque stade de la lutte, il n’y a qu’une seule tâche. A moins que cette tâche ne soit effectuée, la lutte n’atteindra pas le stade supérieur. En cette période, cette tâche particulière est la politique de la lutte armée et de la campagne de collecte de fusils.

Quoi que nous fassions, sans effectuer cette tâche, la lutte ne sera pas élevée au stade supérieur. La lutte s’effondrera, l’organisation s’écroulera, l’organisation ne s’agrandira pas. De la même façon, il n’y a qu’une seule voie de la révolution en Inde, la voie indiquée par Lénine – bâtir les forces armées populaires et la république.

Lénine, en 1905, a dit que ces deux tâches devaient être exécutées partout où cela était possible, même si ceci n’était pas faisable pour la Russie entière. Le président Mao a enrichi cette voie indiquée par Lénine. Il a enseigné la tactique de la guerre populaire et, en suivant cette voie, la Chine est parvenue à la libération.

Aujourd’hui, cette voie est suivie au Vietnam, en Thaïlande, en Malaisie, aux Philippines, en Birmanie, en Indonésie, au Yemen, à Léopoldville au Congo, dans différents pays d’Afrique et d’Amérique Latine.

Cette voie a également été adoptée en Inde, la voie de la création des forces armées populaires et l’autorité du front de libération qui est suivi dans les régions Naga, Mizo et au Cachemire. Donc il faudra prier la classe ouvrière et lui dire qu’elle doit diriger la révolution démocratique de l’Inde. Et la classe ouvrière devra s’acquitter de cette tâche en procurant un leadership à la lutte de son plus ferme allié, la paysannerie.

Par conséquent, il est de la responsabilité de la classe ouvrière d’organiser le mouvement paysan et de l’élever au stade de la lutte armée. Il faudra que l’avant-garde de la classe ouvrière aille dans les villages pour prendre part à la lutte armée.

C’est la tâche principale de la classe ouvrière. « Amasser des armes et créer des bases de lutte armée dans les régions rurales » − cela s’appelle la politique de la classe ouvrière, la politique de la prise du pouvoir. Nous devrons stimuler la classe ouvrière sur base de cette politique.

Organiser tous les ouvriers dans des syndicats − ce slogan n’élève pas la conscience politique de la classe ouvrière. Ceci ne veut assurément pas dire que nous ne devrons plus organiser de syndicats. Cela signifie que nous ne devrons pas laisser les ouvriers révolutionnaires du parti s’embourber dans des activités syndicales − leur tâche serait de diriger la propagande politique parmi la classe ouvrière, c’est-à-dire de propager la politique de la lutte armée et de la campagne de collecte des fusils et de bâtir l’organisation du parti.

Parmi la petite-bourgeoisie aussi, notre tâche principale est la propagande politique et la propagande de l’importance de la lutte armée.

C’est-à-dire que sur chaque front, la responsabilité du parti est d’exposer l’importance de la lutte paysanne et d’appeler à la participation dans cette lutte.

Dans la mesure où nous exécutons cette tâche, nous atteindrons le stade de leadership conscient dans la révolution démocratique. L’opposition à cette voie marxiste-léniniste fondamentale du parti ne vient pas seulement des révisionnistes.

Les révisionnistes prennent la voie de la collaboration de classe sur le champ, donc il est facile de les démasquer. Mais il y a, à l’intérieur du parti, un autre type d’opposition : ils reconnaissent que la révolution ne peut qu’être effectuée par la lutte armée.

Mais ils imaginent que la voie de la lutte armée ne peut être prise qu’en propageant le mouvement de masse démocratique partout en Inde.

Avant cela, de petits ou même de gros affrontements ont lieu mais la prise du pouvoir n’est pas possible. Ils espèrent qu’en ce qui concerne la prise du pouvoir, l’Inde passera par une variante de la révolution d’octobre.

Pour l’Inde, ils appliquent mécaniquement leur savoir livresque sur la manière par laquelle la révolution d’octobre a réussi. Ils oublient qu’avant la révolution d’octobre, il y a eu la révolution de février ; les partis bourgeois avaient accédé au pouvoir et les soviets d’ouvriers, de paysans et de soldats avaient aussi du pouvoir entre les mains.

En raison de l’existence de cette double autorité, le leadership de la classe ouvrière est devenu effectif et ce n’est que quand les soviets des partis petits bourgeois ont cédé le pouvoir à la bourgeoisie qu’il est devenu possible pour la classe ouvrière d’accomplir la révolution d’octobre.

Ils ne font pas l’analyse des conditions objectives de l’Inde. Ils ne tirent pas de leçons des luttes qui sont menées en Inde. La raison principale du succès de la révolution russe fut l’application correcte de la tactique de front uni. La question du front uni est tout aussi importante en Inde.

Mais dans la forme, la tactique de la révolution démocratique de l’Inde sera différente. En Inde aussi, au Naga, au Mizo, au Cachemire et dans d’autres régions, les luttes sont menées sous une direction petite-bourgeoise.

C’est pour cette raison que dans la révolution démocratique, la classe ouvrière devra aller de l’avant en formant un front uni avec elle. Des luttes éclateront dans un grand nombre de nouvelles autres régions sous le leadership de partis bourgeois ou petits-bourgeois. La classe ouvrière s’alliera avec eux et la base principale de cette alliance sera la lutte anti-impérialiste et le droit à l’autodétermination. La classe ouvrière reconnait forcément ce droit, en même temps que le droit de sécession.

Bien que ceux qui rêvent de révolution en Inde le long de la voie de la révolution d’octobre soient des révolutionnaires, ils ne sont pas capables d’assurer un leadership vigoureux en raison de leur conception doctrinaire.

Ils ne se rendent pas compte de l’importance des luttes paysannes et deviennent ainsi inconsciemment des propagandistes de l’économisme au sein de la classe ouvrière. Ils sont incapables d’assimiler les expériences des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine.

Une partie d’entre eux devient des disciples de Che Guevara et échoue à souligner l’obligation d’organiser les paysans, force principale de la révolution démocratique de l’Inde. C’est pourquoi ils deviennent inévitablement victimes de déviation de gauche.

Nous devrons donc leur prêter une attention toute particulière et les aider à s’instruire eux-mêmes. Il ne faut en aucun cas que nous soyons intolérants à leur égard.

En outre, il y a parmi nous un groupe de camarades révolutionnaires qui acceptent le parti chinois et la pensée du grand Mao Zedong et qui accepte également cela comme l’unique voie. Mais ils considèrent le livre « Pour être un bon communiste » [publié par Liu Shaoqi, ndlr] comme l’unique chemin vers la culture de soi et sont par conséquent amenés à une grave déviation.

Le seul chemin marxiste vers la culture de soi enseigné par Lénine et le président Mao est la voie de la lutte armée. Ce n’est qu’en trempant dans le feu de la lutte de classe qu’un communiste peut devenir de l’or pur. La lutte de classe est la véritable école des communistes et la pratique de la lutte de classe doit être contrôlée à la lumière du marxisme-léninisme-pensée Mao Zedong et des leçons doivent être tirées.

Par conséquent, l’objet principal de l’éducation du parti est d’appliquer des enseignements du marxisme-léninisme dans la lutte de classe, d’atteindre des principes généraux sur base de cette expérience et de rapporter au peuple les principes résumés à partir de l’expérience.

C’est cela qu’on appelle « à partir du peuple vers le peuple ». Ceci est l’objet fondamental de l’éducation du parti. Ces camarades révolutionnaires sont incapables de comprendre cette vérité essentielle de l’éducation du parti.

En conséquence, ils commettent des déviations idéalistes en ce qui concerne l’éducation du parti. Le président Mao Zedong nous a enseigné qu’il ne peut y avoir aucune éducation en dehors de la pratique. Selon ses mots, « faire est apprendre ». La culture de soi n’est possible que dans le processus de changement des conditions existantes grâce à la pratique révolutionnaire.
Révolutionnaires du monde, unissez-vous !

Vive l’unité révolutionnaire des ouvriers et des paysans !
Vive le président Mao Zedong !

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et le PC d’Inde (marxiste-léniniste)

Charu Mazumdar: Quelles perspectives l’année 1965 indique-t-elle ?

1965

Il y a certains camarades qui s’effrayent à la mention des luttes armées, et qui continuent à y voir le spectre de l’aventurisme. Ils pensent que le travail de construction d’un parti révolutionnaire s’est clôturé avec l’adoption même du programme, en d’autres termes, avec l’adoption du programme consistant en les documents stratégiques du septième congrès du parti.

Ils sont simplement parvenus à la décision d’après certaines résolutions sur les mouvements adoptées au congrès du parti.

Comme si en plus du stade actuel de la révolution et de la composition de classe, la tactique de l’époque actuelle avait également été décidée au septième congrès. Selon leurs mots, il semble que le mouvement de masse pacifique soit la tactique principale de la lutte de l’époque actuelle.

Bien qu’ils n’affirment pas ouvertement la tactique de transition pacifique vers le socialisme de Khrouchtchev, ce qu’ils veulent dire revient presque à la même chose. Ils veulent dire qu’il n’y a aucune possibilité de révolution en Inde dans un avenir prochain.

Par conséquent, en ce moment, nous devons progresser selon la voie pacifique. A une époque de lutte mondiale contre le révisionnisme, ils ne peuvent pas formuler ouvertement de décisions révisionnistes. Mais ils injurient d’aventuristes et d’espions de la police tous ceux qui parlent de lutte armée.

Jusqu’à présent, même si nous excluons le mouvement de masse du Cachemire, le gouvernement a tué au moins 300 personnes au cours des huit derniers mois, le nombre de prisonniers a augmenté pour atteindre plusieurs milliers, et l’un après l’autre, les états ont été secoués par des mouvements de masse. Quels programmes dressons-nous devant ces agitateurs ? Rien !

D’autre part, nous rêvons que sous notre leadership se développeront des mouvements de masse pacifiques organisés. Ceci même est un exemple éhonté de révisionnisme. Nous sommes toujours incapables de nous rendre compte qu’à l’époque actuelle, nous ne pouvons pas bâtir de mouvements de masse pacifiques. Car la classe dirigeante ne nous donnera pas, et ne nous donne pas non plus, une telle occasion.

Nous aurions dû tirer cette leçon précise du mouvement de résistance aux tarifs du tram. Mais nous ne tirons pas cette leçon. Nous sommes devenus inquiets à l’idée d’organiser des mouvements satyagraha [mouvement non-violent de désobéissance civile, ndlr], nous ne réalisons pas qu’à l’époque actuelle, ce mouvement satyagraha est forcé d’échouer. Cela ne signifie pas que les mouvements satyagraha sont tout à fait démodés aujourd’hui.

Tous les genres de mouvements doivent être poursuivis en tout temps ; mais la forme du mouvement principal dépend de la classe dirigeante. La caractéristique actuelle de notre époque est que le gouvernement combat chaque mouvement par des attaques violentes. Donc pour le peuple, le mouvement de résistance armé est apparu comme l’impératif le plus important.

Par conséquent, dans l’intérêt des mouvements de masse, il faut lancer l’appel à la classe ouvrière, aux paysans combattants et à toutes les personnes combatives : (1) Prendre les armes ; (2) Créer des unités armées pour l’affrontement ; (3) Éduquer politiquement chaque unité armée. Ne pas lancer cet appel signifie pousser, sans aucune considération, les masses non armées vers la mort.

C’est ce que souhaite la classe dirigeante car de cette façon, elle peut briser la force d’esprit des masses combattantes. Les masses excitées attaquent aujourd’hui les gares, les commissariats, etc. D’innombrables agitations explosent contre des bâtiments gouvernementaux, ou des bus, trams et trains.

C’est comme ce mouvement des Luddites contre les machines. Les révolutionnaires devront donner une direction consciente ; protester contre les détestés bureaucrates, contre les employés de police, contre les officiers de l’armée ; il faut enseigner au peuple − la répression n’est pas exécutée par les commissariats, mais par les agents à la tête des commissariats ; les attaques ne sont pas ordonnées par les bâtiments gouvernementaux ni les transports, mais par les hommes de l’appareil répressif étatique, et c’est contre ces hommes que nos attaques sont dirigées.

Il faut apprendre à la classe ouvrière et aux masses révolutionnaires qu’elles ne doivent pas attaquer simplement pour le plaisir d’attaquer, mais qu’elles doivent achever la personne qu’elles attaquent.
Car si elles ne font qu’attaquer, l’appareil réactionnaire se vengera.

Mais si elles liquident, tous ceux de l’appareil répressif étatique seront pris de panique. Nous ne devons pas oublier l’enseignement de Mao Zedong : « L’arsenal de l’ennemi est notre arsenal ».

Pour bâtir cet arsenal, il faut que la classe ouvrière prenne l’initiative. Il faut qu’elle indique la voie aux paysans dans les villages, et à l’avenir, ces mêmes unités armées seront transformées en forces de guérilla.

Si ces unités armées sont également formées à l’éducation politique, elles peuvent elles-mêmes créer des zones de base pour les luttes dans les campagnes. Ce n’est que grâce à cette méthode que nous pouvons faire de la Révolution Démocratique Populaire un succès.

En constituant ces unités combattantes parmi la classe ouvrière et les classes révolutionnaires, nous serons en mesure de créer ce parti révolutionnaire, le parti qui peut reposer fermement sur le marxisme-léninisme et peut assumer la responsabilité de l’époque à venir.

Le gouvernement ne parvient pas à procurer de la nourriture à la population, donc la population commence à s’agiter. Par conséquent, c’est dans l’intérêt de la bourgeoisie réactionnaire de l’Inde que l’Inde a attaqué le Pakistan.

Le projet impérialiste américain de la guerre mondiale opère aussi derrière cette guerre. En attaquant le Pakistan, la classe dirigeante veut de nouveau créer une vague de nationalisme bourgeois. Mais cette fois, il est clair comme le jour que l’Inde est le seul agresseur. Donc, à la suite de la défaite de l’armée indienne, la lutte anti-gouvernement se cristallisera rapidement parmi les masses.

Donc aujourd’hui, les marxistes souhaitent que l’agressive armée indienne soit battue. Cette défaite suscitera de nouvelles agitations de masse. Davantage que simplement désireux qu’elle soit vaincue, il faut en même temps que les marxistes s’efforcent à rendre cette défaite imminente.

Il faut, dans chaque province de l’Inde, que soient créées des agitations selon les critères grâce auxquels l’agitation de masse au Cachemire progresse.

La classe dirigeante de l’Inde tente de résoudre sa crise par la tactique impérialiste. Pour résoudre la guerre impérialiste, nous devons avancer le long de la voie déterminée par Lénine.

« Transformer la guerre impérialiste en guerre civile » − il faut que nous comprenions la signification de ce slogan. Si nous pouvons nous rendre compte de la vérité, c’est-à-dire que la révolution indienne prendra invariablement la forme d’une guerre civile, la tactique de la prise du pouvoir à l’échelon régional ne peut être que la seule tactique. La tactique de la prise du pouvoir de la Chine est l’unique tactique.

La tactique qui fut adoptée par le grand dirigeant de la Chine, le camarade Mao Zedong − la même tactique doit être adoptée par les marxistes indiens.

D’après l’expérience de cette année, les paysans ont vu que le gouvernement n’a assumé aucune responsabilité pour procurer de la nourriture aux paysans pauvres, mais qu’au contraire, l’appareil répressif du gouvernement a été déclenché dès que les masses paysannes prenaient la voie d’un quelconque mouvement.

En plus de ceci, en attaquant le Pakistan, davantage de charges furent imposées aux paysans. Par conséquent, il faut que les paysans se préparent pour l’année prochaine. S’ils sont privés des récoltes dans les champs, ils devront mourir de faim l’année prochaine. Donc préparez-vous maintenant.

Comment la lutte pour conserver les récoltes peut-elle être menée ?

(1) Organiser des forces armées dans chaque village.

(2) Faire les préparatifs afin que ces forces puissent accumuler autant d’armes qu’elles le peuvent et décider de lieux secrets pour mettre les armes.

(3) Décider de lieux pour cacher les récoltes.

Par le passé, nous n’avons pris aucune disposition permanente pour cacher les récoltes. Par conséquent, la majeure partie des récoltes fut soit détruite soit est tombée dans les mains de l’ennemi. Donc, il faut prendre des dispositions permanentes pour garder les récoltes cachées. Où peuvent-elles être cachées ?

Dans tous les pays du monde, partout où les paysans luttent, les récoltes doivent être cachées. Pour le paysan, le seul endroit où il peut cacher les récoltes est sous la terre même. Dans chaque région, tous les paysans devront fabriquer un endroit pour cacher les récoltes sous terre. Sinon, les récoltes ne pourront nullement être protégées contre l’ennemi.

(4) En plus des unités armées, il faut former de petites troupes de paysans pour monter la garde, préserver les communications et d’autres besognes.

(5) Chaque unité devra recevoir une instruction politique et il faut assurément poursuivre la propagande politique.

Il ne faut pas oublier que seule la campagne de propagande politique peut davantage répandre cette lutte et renforcer l’esprit combattant des paysans. Il reste maintenant deux ou trois mois pour récolter. Dans ce délai, il faut que les unités du parti dans les régions des paysans poursuivent les préparatifs politiques et organisationnels pour continuer ce travail et qu’elles acquièrent de bonnes bases en tactique de travail clandestin.

[Après avoir écrit tout ceci, le camarade fut arrêté en vertu du Defence of India Rules. Lorsque cet article allait être terminé, un gros changement s’est emparé de la politique de gauche en Inde. En raison de ce changement, il a pensé à écrire les documents d’une manière différente. Mais il n’en a pas eu l’occasion. Mais voici ce qu’il a mentionné verbalement :

Tous ces soi-disant dirigeants marxistes et journaux (de gauche) qui ont directement élevé le slogan porté aux nues de la défense du pays ont trahi le marxisme.

Nous ne devons pas seulement continuer la lutte théorique contre eux, mais devons soulever une nouvelle confiance dans la lutte parmi les révolutionnaires dans différents coins de l’Inde grâce aux activités militantes (une description des activités militantes est donnée ci-dessus) et cette simple étincelle, même à ce seul endroit, produira un feu de prairie de révolution dans divers coins partout en Inde, la voie de la prise du pouvoir à l’échelon régional s’élargira, la Révolution Démocratique Populaire de l’Inde sera imminente.

Camarades, marchons vers l’avant avec fermeté pour donner une direction hardie à la lutte armée dans les jours à venir.]

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et le PC d’Inde (marxiste-léniniste)

Charu Mazumdar: Quelle est la source de l’éruption révolutionnaire spontanée en Inde? (avril 1965)

[3-9 avril 1965]

Camarades, deux événements se sont produits dans le monde au cours de la période qui a suivi la deuxième guerre mondiale. Alors que, d’une part, la forme nue de la défaite des soi-disant puissances fascistes fut révélée au peuple, d’autre part, de la même manière, le système d’état socialiste mondial sous la direction du camarade Staline a instauré la confiance dans les esprits de la population.

En conséquence, on a remarqué une explosion révolutionnaire spontanée partout dans le monde. Par-dessus tout, le succès de la révolution chinoise en 1949, en dehors de la guerre elle-même, a entrainé une nouvelle marée haute révolutionnaire au milieu de cette explosion spontanée à propos de laquelle le Parti Communiste d’Inde n’a jamais pu faire d’évaluation correcte. Résultat : nous ne nous sommes jamais aperçus du changement révolutionnaire occasionné par cette grande révolution dans toute l’Asie, l’Afrique et l’Amérique Latine.

Par conséquent, nous n’avons pas réussi à comprendre la portée de ce vigoureux slogan révolutionnaire, l’appel de clairon des 650 millions de révolutionnaires – « Regardez, nous nous sommes embarqués tout seuls sur la voie du socialisme. Non, même l’impérialisme américain n’est pas parvenu à enrayer le mouvement extraordinaire de notre irrésistible courant révolutionnaire ».

Mais le peuple combattant n’a pas fait l’erreur. Cette étincelle révolutionnaire s’est propagée au Vietnam, à Cuba, à chaque pays de toute l’Amérique Latine. Le peuple d’Inde a répondu à cet appel. Nous avons vu l’expression de ceci dans la révolution démocratique spontanée de 1949 que nous avons estompée en essayant de la confiner à l’intérieur des limites étroites de la révolution socialiste.

En plus de cela, il y eut une tentative pour nier l’importance de la révolution chinoise toute entière en critiquant ouvertement l’origine de ce mouvement spontané, la grande révolution chinoise et son dirigeant, le camarade Mao Zedong. Par-dessus tout, plus tard, c’est en conséquence de la dénégation de cette révolution chinoise qu’au sein du parti fut soulevé le slogan selon lequel la révolution ne serait pas accomplie grâce à la voie chinoise mais seulement grâce à une voie véritablement indienne.

Et c’est d’ici même qu’est né le révisionnisme d’aujourd’hui. C’est à cause de ce sectarisme de gauche à l’époque que nous avons été incapables de guider ce mouvement sur le bon chemin.

Mais non, camarades ! La vague de ce mouvement révolutionnaire de 1949 ne pouvait pas être épuisée parce qu’aucun impérialisme ne pourrait anéantir la révolution chinoise, le drapeau rouge d’espoir de la ville de Pékin.

Nous avons de nouveau vu ce mouvement refluant se transformer en une énorme vague durant la guerre de Corée. C’est un épanouissement total de celle-ci que nous avons vu dans les réunions et cortèges spontanés, dans l’accueil de la contre-attaque effectuée solidairement par la Chine et la Corée.

C’est la forme objective de cela dont nous avons été les témoins dans la grande victoire du Parti Communiste aux élections de 1951. Et c’est la forme combative de cela que nous avons vu dans le dressage de barricades par les masses combattantes en 1953-54.

Nous n’avons pas pu comprendre. Mais la bourgeoisie a pu comprendre, a pu reconnaître la forme des masses combattantes, a pu reconnaître sa trajectoire. Elle s’est rendu compte que cette grande révolution ne pouvait plus être ignorée, donc pour duper le peuple, elle s’est tournée vers l’état socialiste, vers la grande révolution chinoise. C’est la raison pour laquelle elle a pris part au Panchsheel à la conférence de Bandung.

L’impérialisme décadent s’est également rendu compte qu’il n’était pas possible de poursuivre avec l’ancienne méthode. Par conséquent, il a pris une forme nouvelle, a mis en place une nouvelle méthode d’exploitation en donnant des dollars comme cadeau.

Le néo-colonialisme a commencé. Lorsque l’impérialisme et tous les réactionnaires du monde se regroupaient pour trouver une solution pour se sauver, la politique révisionniste du traitre Khrouchtchev en 1956 est apparue devant eux comme la lumière d’un nouvel espoir.

Le gouvernement réactionnaire de l’Inde a trouvé un moyen de créer l’illusion à propos de la voie capitaliste indépendante de Khrouchtchev. Mais le gouvernement réactionnaire savait qu’elle était difficilement applicable et illusoire.

C’est la raison pour laquelle le gouvernement réactionnaire de la bourgeoisie de l’Inde a conclu un pacte secret avec l’impérialisme américain en 1958.

C’est la raison pour laquelle en 1959, alors qu’il déclenchait d’une part une attaque contre la démocratie en suspendant la constitution au Kerala, il a d’autre part également commencé à calomnier l’origine du mouvement spontané, la grande République Populaire de Chine. Il a fourni un abri à l’agent impérialiste du Tibet, le Dalai Lama.

Mais quand, en dépit de ceci, le peuple s’est engagé spontanément sur le chemin de la lutte, la bourgeoisie a sans aucun délai abattu 80 personnes.

La dernière possibilité de transition pacifique vers le socialisme s’est clôturée ainsi. Mais non, camarades, le peuple n’est malgré tout pas resté tranquille devant la puissance du gouvernement. La grève spontanée de 1960 s’est répandue dans toute l’Inde à très grande échelle, parce que la lumière de la révolution chinoise, le conteneur d’une force cent fois, mille fois plus puissante que cette force, lui montre le chemin. C’est la raison pour laquelle, camarades, même sans le Parti Communiste, le peuple s’est engagé sur le chemin de la lutte.

Lorsque les combattants de cette lutte spontanée, battus par les armes, pensaient à une lutte encore plus rude, le slogan du contre-gouvernement de 1962 ne pouvait pas susciter d’enthousiasme révolutionnaire dans leurs esprits.

Parce qu’ils voulaient une réponse à la question − Que se passera-t-il si l’épisode du Kerala est reproduit au Bengale ? Nous n’avons pas pu donner de réponse correcte à cette question. Nous n’avons pas pu, à ce moment-là, avancer ce slogan correct et audacieux -Au cas où l’épisode du Kerala se reproduisait au Bengale, la lutte armée serait l’unique façon de renverser le gouvernement.

Mais la bourgeoisie ne s’est pas trompée en remarquant l’image des masses militantes. C’est pourquoi en 1962, le gouvernement indien pris de panique a attaqué le foyer de la lutte des masses combattantes, il a attaqué la grande démocratie chinoise. Mais deux événements se sont produits en conséquence desquels la bourgeoisie a creusé sa propre tombe.

Premièrement, en raison de la défaite des forces armées de la bourgeoisie, la forme brute de la fragilité de ce gouvernement est apparue aussi claire que la lumière du jour devant les masses combattantes. Les masses combattantes ont découvert une nouvelle manière de considérer la lutte.

Deuxièmement, en raison du retrait des troupes chinoises des régions indiennes, l’influence pernicieuse du nationalisme pervers n’a pas pu toucher les paysans. La bourgeoisie s’est affolée ; elle a emprisonné les communistes.

Mais elle ne pouvait pas mettre fin à la lutte spontanée. Le travail s’est interrompu à Bombay. Le « Dum Dum Dawai » [attaque violente exercée par les masses contre les exploiteurs, ndlr] fut déclenché. Pour se sortir de cette situation terrible, la bourgeoisie a libéré les communistes et a essayé de tirer parti de leurs conflits internes. Mais la lettre notoire de Dange, le chien courant de l’impérialisme, a gâché leur espoir.

Un nouveau parti révolutionnaire fut formé, Khrouchtchev a perdu le pouvoir et le révisionnisme mondial a reçu un coup terrible. Le pilier, sur lequel la bourgeoisie s’était reposée pour déclencher les attaques contre la Chine, commençait à trembler au Vietnam. La bourgeoisie a vu le danger et s’est retrouvée acculée, dans l’impossibilité de battre en retraite.

Donc elle a attaqué et emprisonné 2000 communistes. Mais les masses combattantes ont donné leur verdict au Kerala, le gouvernement a vu l’explosion du mouvement spontané. Il a arraché le dernier masque de démocratie.

Mais non, ce mouvement spontané ne peut pas être empêché, même en emprisonnant des centaines et des milliers de communistes et en ayant recours à mille moyens de répression. Parce que la révolution chinoise ne peut pas être anéantie. Aucun vent orageux ne peut éteindre la lumière de cette révolution. La bourgeoisie délirante sait cela, donc elle a commencé à encenser ses propres points faibles. Elle tremble, s’imaginant la formation d’une organisation au sein de l’armée. Elle s’est mise à voir le fantôme du Telengana.

Oui camarades, aujourd’hui, nous devons courageusement dire franchement au peuple d’une voix hardie que c’est la prise de pouvoir à l’échelon régional qui est notre voie. Nous devons faire trembler la bourgeoisie en frappant au plus fort ses endroits les plus faibles.

Nous devons dire franchement au peuple d’une voix hardie − Regardez comment la Chine pauvre et arriérée a, en seize ans, avec l’aide de la structure socialiste, rendu son économie robuste et solide. D’autre part, nous devons dénoncer ce gouvernement perfide qui a, en moins de 17 ans, transformé l’Inde en un terrain de jeu pour l’exploitation impérialiste.

Il a converti la population indienne tout entière en une nation de mendiants aux étrangers.

Venez camarades, que toute la population laborieuse se prépare solidairement pour la lutte armée contre ce gouvernement sous la direction de la classe ouvrière, d’après le programme de la révolution agraire.

D’autre part, jetons les fondations de l’Inde de nouvelle démocratie populaire en formant des zones paysannes libérées grâce aux révoltes paysannes.

Ensemble, côte à côte, hurlons :

Vive l’unité des travailleurs, des paysans et des masses laborieuses !

Vive la lutte armée imminente de l’Inde !

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et le PC d’Inde (marxiste-léniniste)