Le KKE et Nikos Béloyannis

De manière officielle pour la période de la guerre civile, l’État grec réactionnaire avait perdu 55 528 soldats, alors que 38 839 soldats de la DSE avaient été tués ou blessés.

Mais la cessation de la lutte armée ne signifiait nullement la fin de la lutte des classes ; il restait d’ailleurs différentes unités et les deux derniers partisans de la DSE, Giorgos Tzompanakis et Spiros Blazakis en Crète, descendirent par exemple de la montagne en 1975 seulement, après l’effondrement de la dictature des colonels le 24 février.

C’est le général Aléxandros Papágos, le dirigeant des armées réactionnaires soutenues par les États-Unis d’Amérique, qui reçut la charge de réorganiser le pays.

Il fut nommé maréchal et avec l’appui américain fonda un rassemblement hellénique en s’appuyant sur le Parti Populaire, dont l’objectif était de prendre le contrôle du pays.

Aléxandros Papágos

La première tentative échoua, avec l’obtention de 36,53 % des voix aux élections de septembre 1951, le parti populaire maintenu obtenant 6,66 %, les deux partis libéraux 44 % à eux deux et la gauche démocratique unifiée (EDA) 10,57 %.

Ce dernier chiffre était significatif, car l’EDA , rassemblait socialistes, anciens de l’EAM et de l’ELAS, paysans pro-KKE, personnalités liées au KKE, avec de nombreux candidats encore emprisonnés dans des camps sur des îles.

Il y avait à ce moment encore 20 000 prisonniers, ainsi que 6 000 personnes soit condamnés à mort, soit condamnés à perpétuité.

Parmi les députés élus de l’EDA, on retrouve Gavrildis, membre d’un parti paysan membre du gouvernement populaire en 1944, qui dirige par ailleurs l’EDA, ainsi que Saraphis qui fut commandant en chef de l’ELAS.

Toutefois, peu après les élections, Gavrildis est de nouveau condamné en janvier 1952 et part en camp, où il meurt en septembre.

En mars 1952 fut également fusillé Nikos Béloyannis, membre du Comité Central du KKE. Celui-ci avait quitté la Grèce en 1949, pour revenir quelques mois plus tard en mission de réorganisation ; il passa en procès deux fois, la seconde avec l’accusation de trahison afin de faire passer la peine de mort.

Nikos Béloyannis
Nikos Béloyannis

Sa condamnation fut très connue de par le monde et amena de larges mouvement de soutien ; un symbole connu fut le tableau de Picasso, L’homme à l’oeillet, en référence à l’œillet rouge porté par Nikos Béloyannis à son procès.

Meeting de cheminots en Roumanie en l’honneur de Nikos Béloyannis

Alors, en novembre 1952, les nouvelles élections permirent enfin aux forces conservatrices de former le gouvernement, le rassemblement héllénique obtenant 49,22% des suffrages, ce qui avec le système électoral lui accordait alors 247 députés sur 300 ; l’EDA, avec 9,5% des voix, n’avait aucun député.

Le maréchal Papagos devint alors premier ministre jusqu’à sa mort en 1955, permettant immédiatement l’installation de bases américaines, alors que Geórgios Papadópoulos est nommé intermédiaire entre la CIA et le service de renseignement de l’armée, ancien collaborateur des nazis dans les bataillons de sécurité, récupéré par les Britanniques puis les Américains.

Le régime est alors verrouillé, d’autant plus qu’il y a un certificat de civisme qui est exigé pour le secteur public et que peuvent demander tant les entreprises que les propriétaires d’appartements aux locataires.

Ce certificat, nécessaire également pour suivre des études, approcher les frontières, avoir une pension d’invalidité, travailler au port du Pirée, avoir un emploi dans les services considérés comme d’intérêt général tel que les hôpitaux, etc., relève de l’arbitraire le plus complet.

Il pouvait être motivé par le fait de ne pas fréquenter assez l’église, d’acheter le journal de l’EDA, d’avoir un parent exilé, de ne pas avoir voté aux élections de 1946, etc.

Pas moins d’un million de personnes vivaient sans ce certificat.

Ce contexte de contrôle social permit au régime de procéder à des dévaluations, qui bien entendu ne touchèrent pas les richesses placées à l’étranger par les classes dominantes ; les États-Unis dominaient alors le pays de par leurs « aides » et leurs investissements.

Jusqu’en 1955, il y eut 40 000 personnes emprisonnées, notamment au camp de l’île de Makronnissos marqué par la torture au service de la « rééducation ».

5 000 personnes furent exécutées, et pourtant dès 1958 la gauche démocratique formait déjà la principale opposition au régime, obtenant 24,4 % des voix pratiquement un million d’électeurs.

C’était la preuve de la vivacité permise par la position du KKE, qui connut toutefois d’importants et terribles changements.

=>Retour au dossier sur le KKE et la démocratie populaire

La trahison de la Grèce démocratique par la Yougoslavie de Tito

Les événements de l’année 1949 sont à la fois rapides, nombreux et extrêmement complexes, tout en étant relativement trompeurs. En effet, si d’un côté la DSE est défaite, le KKE considère que ce n’est un épisode particulièrement douloureux d’une vaste séquence dont il va sortir victorieux.

La situation est à considérer comme suit : les forces du progrès doivent chercher à éviter les campagnes d’encerclement et d’anéantissement des forces de la réaction. Jusque-là, la DSE avait montré ses capacités tout à fait excellentes à ce niveau.

De par les particularités de la guerre civile grecque, l’aspect négatif était que les forces réactionnaires avaient procédé à l’évacuation de 700 000 personnes, afin d’assécher le potentiel de recrutement et d’approvisionnement de la DSE.

La DSE reposaient par conséquent sur ce qui formait l’aspect positif de la situation : le fait que la Grèce avait des frontières avec trois pays étant des démocraties populaires. L’Albanie, la Yougoslavie, la Bulgarie permettaient aux troupes de la DSE de passer leurs frontières pour contourner l’ennemi, s’occupaient des blessés, fournissaient du matériel militaire et de la nourriture.

Un autre moyen de la DSE était également la récupération sur l’ennemi ; lorsque la DSE prit Karpenissi en janvier 1949, elle récupéra 27 lance-grenades et 4000 grenades, 12 mitraillettes lourdes, 6 canons anti-chars, 700 fusils et un million de munitions, 6 émetteurs-récepteurs, de très nombreuses caisses de grenades et 600 000 kilos de rations alimentaires.

A cela s’ajouta le recrutement de 1300 personnes.

La situation était ainsi délicate, la DSE ne pouvant que difficilement recruter, mais les forces réactionnaires ne parvenaient pas à détruire la DSE. Cette situation, comme le notait Níkos Zachariádis, était intenable à terme pour le régime, qui révélait de plus en plus sa position de laquais anglo-américain exerçant un régime terroriste sur les masses, avec le gouvernement démocratique de la Grèce libre proposant une alternative stratégique.

La catastrophe se produisit, cependant, avec la trahison yougoslave. Non seulement la Yougoslavie de Tito comptait s’approprier la Macédoine, mais elle cherchait ouvertement à transformer la Bulgarie entière en république yougoslave, tout comme par ailleurs l’Albanie avec encore davantage de pression.

Les activités de la Yougoslavie s’alliant avec les forces anglo-américaines, notamment dans l’espionnage, avaient été dénoncés par le Kominform et la Yougoslavie tomba le masque en soutenant les forces militaires du régime réactionnaire grec, leur permettant de franchir les frontières yougoslaves, désormais fermées à la DSE.

Níkos Zachariádis constate ainsi dans son article La clique de Tito poignarde dans le dos la Grèce démocratique populaire, publié en août 1949 dans Pour une Paix durable pour la Démocratie Populaire, l’organe du Kominform :

« Le régime monarcho-fasciste s’est trouvé dans une situation critique.

Dans leurs rapports, les généraux Papagos, Vendiris, Tsakalotos et autres ont reconnu franchement que le moral de l’armée avait fléchi. Des centaines de soldats et d’officiers ont été passés par les armes. Le roi Paul fut lui-même obligé de parler d’une crise morale dans l’armée.

La situation économique de la clique d’Athènes n’était pas meilleure et la crise politique sapait de plus en plus profondément les bases du monarcho-fascisme.

A l’étranger comme à l’intérieur du pays, des gens que l’on était loin de considérer comme nos amis, ont commencé à comprendre que la seule issue pour les réactionnaires était de résoudre pacifiquement les problèmes et de conclure un accord.

La trahison de la clique Tito est venue juste au moment où la crise du monarcho-fascisme atteignait son point culminant.

Elle a créé de nouvelles et sérieuses difficultés à notre mouvement démocratique populaire : en effet elle a renforcé les impérialistes anglo-américains dans leur décision de garder la Grèce à tout prix, justement pour tirer le plus grand Profit de la clique Tito et élargir leur place d’armes dans les Balkans.

En même temps, le passage de la clique Tito dans le camp de l’impérialisme a relevé le moral déprimé du monarcho-fascisme. »

A cela s’ajoutait un autre problème, très important : historiquement, les femmes constituaient plus de 30% des effectifs militaires de la DSE, ainsi que 70% du personnel médical et de soutien.

Mais un autre aspect était une proportion à peu près aussi importante de personnes d’origine slavo-macédoniennes, qui avaient à subir la contre-propagande yougoslave, les tentatives de déstabilisation, d’infiltration, etc.

Le KKE résumait ainsi, sur ce plan, dans La clique de Tito et le Parti Communiste de Grèce :

« Au temps de la double (allemande-italienne) et pour la Macédoine la triple (allemande-italienne-bulgare) occupation, les chauvinistes de Tito ont joué le jeu des occupants étrangers et de l’Intelligence Service, qui avaient comme but d’empêcher l’union des mouvements de résistance nationale, de disloquer l’unité de lutte du peuple grec et slavo-macédonien.

Leur campagne calomniatrice était en premier lieu dirigée contre le Parti Communiste de Grèce — tout comme la campagne des occupants et de l’Intelligence Service – et avait comme but (en exploitant les fautes et les faiblesses du Parti Communiste de Grèce) de voiler le fait irréfutable que le Parti Communiste de Grèce a toujours été un ennemi du nationalisme belliqueux dans les Balkans et a lutté contre les plans de subordination, et de partage de la Macédoine qu’avaient les monarchies balkaniques et les cliques capitalistes. »

Non seulement la Yougoslavie cessait le soutien pratique prévu par la DSE, mais elle bloquait la possibilité d’échapper aux campagnes d’encerclement, et elle empêchait en même temps de profiter de l’Albanie et de la Bulgarie, se situant respectivement à l’est et à l’ouest de ces pays, tout en séparant arbitrairement les forces de la DSE.

Cela ne pouvait que provoquer une désorganisation très profonde de la DSE.

Les forces réactionnaires surent en profiter. Devant l’impossibilité d’écraser la DSE, mais en ayant en tête la question yougoslave, il fut décidé de grimper le nombre d’hommes en armes à 263 000 combattants et de procéder à une campagne générale d’anéantissement, l’opération fusée.

Cette décision était faite au plus haut niveau de l’État grec, c’est-à-dire les impérialismes américain et britannique, de manière pratiquement officielle, puisque la direction militaire de l’État monarcho-fasciste grec revenait officiellement à un conseil de guerre auquel appartenait les principaux membres du gouvernement, le chef des armées, l’ambassadeur américain ainsi que le chef de la mission militaire britannique.

Couverture du Time magazine mettant en avant la figure militaire américaine gérant la guerre anti-DSE en Grèce

L’opération fusée visait à réussir cette fois la campagne d’encerclement et d’anéantissement, en sachant que les marges de manœuvre de la DSE étaient cette fois plus qu’amoindries. Elle visait à bloquer l’accès consiste en un plan de trois mois visant à nettoyer zone par zone, par ratissage, dans le centre du pays.

Elle fut ensuite prolongée par l’opération torche, visant simultanément les monts Gramos et Vitsi et appuyé par 42 avions Helldiver, à quoi s’ajouta la menace d’une invasion générale grecque, ainsi que yougoslave, de l’Albanie, qui appela alors l’URSS à la rescousse en catastrophe, son dirigeant Enver Hoxha critiquant de manière très offensive Níkos Zachariádis et le KKE.

Devant cette situation explosive, les principales forces de la DSE sont obligées de se replier en août 1949 en Albanie, qui procède au désarmement des troupes, dont les membres partent dans d’autres pays des démocraties populaires d’Europe de l’est.

Cette situation traumatisera l’Albanie d’Enver Hoxha, qui réduira à partir de là toujours plus sa ligne à une dénonciation permanente du titisme, avec la crainte d’une annexion en arrière-plan.

De son côté, le VIe plénum du VIIe congrès KKE tenu en Albanie annonça en octobre 1949 la cessation de la lutte armée, le VIIe plénum se tenant en mai 1950 en Bulgarie.

Toutefois, en décembre 1950, Níkos Zachariádis considère encore que si le chemin est sinueux, la victoire est au bout, malgré la défaite de la DSE. Il conclut de la manière suivante son article « Le peuple de Grèce achèvera la victoire », publié dans l’organe du Kominform, Pour une paix durable, pour une démocratie populaire :

« En écrasant l’opportunisme défaitiste et en purgeant ses rangs de tous les éléments capitulateurs et des agents ennemis, le Parti Communiste de Grèce, loyal au marxisme-léninisme, portera haut la bannière de la lutte contre les pillards américains et britanniques et conduira notre peuple à la victoire finale, quels que soient les difficultés et obstacles qui restent à surmonter. »

=>Retour au dossier sur le KKE et la démocratie populaire

Le KKE et la démocratie populaire: 1949, le tournant décisif

La venue de Paul Eluard coïncide avec un moment où le KKE est le fer de lance pour la bataille de la démocratie populaire, au point qu’il est considéré dans l’est européen que la Grèce allait bientôt rejoindre le camp démocratique. Voici comment le KKE voit les choses, au début de l’année 1949, dans une résolution.

Celle-ci est issue de la tenue du cinquième Plénum commun du Comité Central du KKE, qui s’est tenu les 30 et 31 janvier 1949 ; elle a comme titre La Grèce sur la voie de la victoire devant le tournant décisif. On remarquera que le rôle essentiel de la révolution chinoise est soulignée dès le début du document.

La campagne américaine et monarcho-fasciste de 1948 qui visait à exterminer l’Armée Démocratique de Grèce (D.S.E.), à noyer dans le sang le mouvement populaire démocratique du peuple et à transformer la Grèce à un sûr bastion militaire et guerrier des impérialistes, a été vouée à l’échec. Grammos et Vitsi se sont érigés en symboles immortels, en étendards de la résolution du peuple de lutter et de vaincre.

L’« aide » américaine a augmenté l’effusion du sang en Grèce, mais elle n’a pu faire sortir le monarcho-fascisme de sa crise.

Les conditions actuelles sont caractérisées par ce qui suit : Le camp mondial de la démocratie et du socialisme, avec la Grande Union Soviétique en tête, avance fermement et d’un rythme accéléré vers de nouveaux succès et conquêtes.

De l’autre côté, la crise générale du camp impérialiste s’approfondit continuellement, les difficultés grandissent, en raison justement du plan Marshall, et les peuples, tant dans les pays capitalistes que particulièrement dans les pays dépendants et les colonies, se soulèvent résolument contre l’asservissement impérialiste, ayant pour ayant-garde le peuple de Chine qui conquiert victorieusement sa liberté et son indépendance.

Dans ces conditions, le monarcho-fascisme s’égare toujours davantage au milieu des difficultés, de la crise et de l’impasse qu’il a lui-même provoquées.

La D.S.E. est sortie de l’épreuve de 1948 plus forte, plus grande et plus aguerrie.

Le mouvement de libération nationale s’est étendu à de nouvelles régions, en premier lieu au Péloponnèse. L’autorité du Gouvernement Démocratique Provisoire (G. D. P.) qui lutte inlassablement et avec conséquence pour la paix et pour l’entente démocratique honorable, s’est affermie et agrandie.

Les masses populaires des villes font plus énergiquement face à l’offensive ploutocratique et à la terreur meurtrière.

Les soldats, les. gardes nationaux et les officiers honnêtes non seulement comprennent que le sang coule en Grèce pour les intérêts seuls des impérialistes américains et anglais et des ploutocrates indigènes, niais ils commencent aussi à manifester ouvertement leur volonté de tranquillité et de paix.

Le monarcho-fascisme s’isole toujours davantage du peuple et il ne cherche à trouver une issue que dans le sang.

Maintenant, en 1949, les destinées du monarcho-fascisme et de l’américanocratie en Grèce dépendent exclusivement et seulement des réussites de la D.S.E. aux combats, du soulèvement du peuple dans les villes, de l’application résolue et, conséquente de notre politique de fraternisation, d’entente et de paix.

Les souffrances du peuple peuvent prendre fin en 1949 et la Grèce peut parvenir à la lumière et la liberté pourvu que tous les patriotes, hommes et femmes, accomplissent jusqu’au bout leur devoir envers le peuple et le pays.

Les communistes appelés à se mettre à la tète des masses avec une résolution encore plus grande, toujours les premiers aux combats et aux luttes, toujours le modèle et l’exemple pour tous.

Nous devons briser tout abattement, tout esprit de capitulation et de soumission, tout élément pris de panique et opportuniste dans nos propres rangs. C’est ainsi que plus forts, plus unis, plus robustes, nous conduirons le peuple à la victoire de la révolution populaire en Grèce.

I. LA SITUATION EN GRECE MONARCHO-FASCISTE

1. Durant 1948 la situation générale en Grèce occupée s’est empirée à l’extrême. Le contrôle sur toute la vie économique du pays est passé aux mains des américains.

Mais les dollars n’ont apporté aucun soulagement parce qu’ils étaient presque exclusivement dépensés pour la guerre et remplissaient les poches des yankees et de leurs laquais indigènes.

Le déficit du budget d’Etat dépasse les 1700 billions de drachmes. L’inflation s’accroît chaque jour et ne peut être arrêtée par les escamotages spéculatifs sur l’or.

L’industrie continue de rester stagnante, sur un niveau de production atteignant la moitié de celui d’avant guerre et le chômage tourmente et ruine la classe ouvrière. Le commerce est paralysé.

Le déficit de nos transactions avec l’étranger grandit, parce que les américains entravent nos exportations, celle du tabac en premier lieu. Le marasme de l’agriculture grandit.

Plus de 700.000 paysans ont été évacués de force de leurs villages et entassés misérables et affamés dans les villes.

Des prix extrêmement bas sont fixés pour les produits agricoles, tandis que les prix des articles de première nécessité montent, les salaires et les appointements baissent. La cherté de vie devient insupportable. Dans les villes, les masses populaires, ouvriers, fonctionnaires, artisans, boutiquiers, ne peuvent subsister.

La paupérisation du peuple avec toutes les conséquences qu’elle entraîne, menace aujourd’hui son existence physique même.

Et de l’autre côté les scandales et les concussions augmentent encore davantage le profit des ploutocrates et font preuve de la pourriture et de la décomposition, toujours croissantes, des classes dirigeantes. La guerre, qui dure depuis des années, a accru encore d’avantage l’insupportable malheur populaire.

Rien qu’en 1948 le monarcho-fascisme a sacrifié aux intérêts de l’américanocratie des dizaines de milliers d’enfants du peuple.

Partout on amoncelle des ruines et la seule « reconstruction » effectuée sont les aéroports, les routes militaires et les travaux entrepris aux ports dans des buts de guerre, que présagent encore plus de sang, de plus grands sacrifices, une longue guerre et l’implication dans des aventures extérieures de guerre, qui amènent et amèneront encore plus de ruines et de désastres.

Durant 1948, le monarcho-fascisme se débattait dans un labyrinthe économique. Ses perspectives pour 1949 sont plus mauvaises encore. La crise économique de la Grèce monarcho-fasciste deviendra encore plus profonde et plus étendue en 1949.

2. En 1948, le monarcho-fascisme a essuyé un échec général dans le domaine militaire et guerrier. Les américains et le monarcho-fascisme s’étaient complètement préparés en 1948 pour exterminer la D.S.E.

Ils avaient organisé des forces armées —armée, garde-nationale, gendarmerie, MAY (unités d’autodéfense à la campagne), MEA (unités de défense nationale) etc. — dont les effectifs dépassaient les 300.000 hommes.

Ces forces étaient munies de toutes les meilleures armes et moyens produits par la technique militaire-guerrière américaine. Ils ont éloigné de leurs foyers 700.000 paysans pour isoler la D.S.E..

Et ils ont essayé d’étouffer la résistance populaire dans les villes par une terreur meurtrière qui a dépassé les modèles internationaux de terreur les plus classiques. Ils ont, encore, déclenché une propagande idéologique bien organisée, ils ont réalisé la « mobilisation spirituelle » pour influencer et abaisser le moral du peuple.

Tous ces préparatifs ont été finalement résumés en le mot d’ordre : nous finirons en 1948. Ce mot d’ordre ils l’ont tous proclamé et diffusé : les américains, les anglais, les monarcho-fascistes, avec l’accompagnement de la réaction internationale.

Mais les résultats ont démenti les ennemis du peuple. Les monarcho-fasciste et les généraux américains et anglais, au point de vue stratégique ont subi un échec sur toute la ligne.

Nulle part ils n’ont réussi à clouer sur place et à exterminer la D.S.E.

Ils ont perdu, surtout à Grammos, de centaines de milliers de leurs hommes d’élite. Vers la fin de 1948 ils ont vu se disperser aux quatre vents leurs succès tactiques de toute l’année. Tsacalotos, bien qu’on lui ait donné deux corps d’armée et qu’il devint en réalité le général en chef de l’armée, se cassa les dents à Vitsi.

La D.S.E. occupe solidement le corps de Pinde. Elle a repris Grammos.

Au Péloponnèse fut créée une situation qui menace de renverser toute la perspective stratégique du monarcho-fascisme et toute la situation militaire et guerrière en Grèce.

Dans tout le pays, l’initiative est passé entre les mains de la D.S.E. chose qui apparaît clairement surtout aux opérations qui eurent lieu à Karditsa, Naoussa, Karpenissi.

Les soldats et gardes-nationaux présentent des signes manifestes de fatigue, de désagrégation et de réveil.

Les [illisible] sanglantes prises par le commandement militaire américain et monarcho-fasciste, les nombreuses centaines de soldats et d’officiers exécutés, aggravent cet état de choses.

Le commandement militaire monarcho-fasciste et Van Fleet ont échoué sur toute la ligne. Le monarcho-fascisme traverse actuellement une crise profonde militaire et guerrière, qui embrasse toute son armée et l’oblige à changer encore une fois sa direction militaire.

3. La crise économique et l’échec militaire et guerrier ont aggravé la crise politique permanente du monarcho-fascisme et ils ont ébranlé encore davantage le moral au camp de notre adversaire.

Toute l’année 1948 est caractérisée par une permanence de disputes et de contradictions parmi le monde politique adversaire. Il y a une crise gouvernementale latente et permanente et seulement l’attente d’un succès militaire sérieux l’empêche d’éclater ouvertement.

Lorsque cet espoir fut perdu, la crise a éclaté ouvertement.

Mais le monde politique monarcho-fasciste avec son faux-parlement se trouve dans l’impuissance de donner une solution à cette crise. Parce que cette crise ne peut trouver une solution parlementaire, étant donné que dans cette lutte c’est le peuple qui décide dans les batailles et les combats ouverts et en dehors du faux-parlement.

Sous la pression américaine le fabricant Sophoulis-Tsaldaris a essayé de se maintenir au pouvoir. Mais il s’est avéré incapable de faire face soit à un seul des problèmes qui ébranlent la réaction et son régime.

Maintenant Grady, en rentrant des États-Unis, a cuisiné de nouveau, en commun avec Noel Baker, un gouvernement « d’unité nationale ». Un gouvernement Sophoulis-Diomidis a été formulé avec la participation des quatre partis et avec Pagos comme général en chef.

Ce nouveau fabricant américano-anglais se trouve dès le premier jour devant des difficultés politiques, économiques et militaires insurmontables et sa banqueroute est inévitable.

Il en résulte que les milieux politiques et militaires les plus réactionnaires, encouragés par certains milieux américano-anglais, s’orientent toujours plus ouvertement vers une dictature militaire, ayant comme premier candidat-dictateur dé la liste Papagos, courtisan de la cour royale et banqueroutier de la guerre gréco-italienne, nouvellement nommé général en chef.

C’est là que la réaction croit pouvoir trouver une planche de salut, une possibilité dé relever le moral abattu dans ses rangs et mettre un frein à la vague populaire qui monte chaque jour et dont la revendication immédiate sont l’entente, la tranquillité et la paix, sans l’intervention impérialiste américaine qui tient la Grèce plongée dans le sang.

Mais l’instauration d’une dictature ouverte, sans pouvoir changer quoi que ce soit, surtout à la situation militaire, accentuera le rythme de la décomposition dans le camp ennemi et de la différenciation parmi les larges couches.

4. Le monarcho-fascisme entre en l’année 1949 en se débattant dans sa crise multiple — économique, militaire, politique et morale — crise qui se manifesté aujourd’hui avec plus d’intensité et d’acuité que jamais auparavant.

Jamais la réaction monarcho- fasciste, ploutocrate de notre pays n’avait été aussi isolée du peuplé qu’elle l’est aujourd’hui.

Plus que toute autre fois, le monarcho-fascisme se maintient aujourd’hui seulement grâce à l’aide multiforme et à l’appui que lui tendent les impérialistes américains et anglais. Grammos, Vitsi, le Péloponnèse, la Thessalie, les coups portés dans les villes ont engendrés en 1948 un fait nouveau pour le monarcho-fascisme : c’est la crise morale-politique dans ses rangs, l’abaissement du moral des soldats et des gardes-nationaux.

C’est l’ébranlement de leur conviction qu’ils pourront en finir par la force des armes et la certitude acquise au prix de beaucoup de sang qu’ils ne peuvent pas vaincre la D.S.E., que le sang coule en vain et seulement parce que les ploutocrates américains et indigènes le demandent, que la paix viendra seulement par la fraternisation et l’entente démocratique honorable avec la D.S.E., par la « plume » comme le disent les soldats et les gardes nationaux.

Ce fait nouveau créé par la résistance et les victoires de la D.S.E. constitue un des facteurs les plus décisifs de la victoire pour l’année 1949, pourvu que nous appliquions intégralement notre politique de réconciliation populaire, l’entente démocratique honorable et de fraternisation avec les soldats, les gardes nationaux et les officiers honnêtes.

II. LE CAMP POPULAIRE-DEMOCRATIQUE ET LA D.S.E.

En 1948, notre mouvement populaire démocratique, tout en faisant face à des difficultés énormes, présente un développement constant. Le G. D. P. avance dans son oeuvre avec des résultats positifs. Nos institutions populaires s’enracinent et conquièrent le peuple, exercent aussi leur influence sur les masses populaires des régions occupées.

Le peuple se rend compte et se persuade que le G. D. P. et notre régime populaire-démocratique, malgré nos fautes et plusieurs manifestations négatives, constituent une base pour sortir du chaos créé et alimenté par l’occupation étrangère et le monarcho-fascisme, pour que la Grèce puisse parvenir à la lumière de renaissance démocratique en acquérant la liberté, l’indépendance, la paix et une vie nouvelle.

Nous avons passé une année difficile, mais la formation du G. D. P. et son oeuvre ont été un facteur de stabilisation de notre mouvement. Notre influence a grandi à l’étranger. Nos amis sont devenus plus nombreux.

Nous trouvons un appui multilatéral auprès des démocraties populaires et sans cet appui, nous ne serions pas là où nous en sommes aujourd’hui.

Nous devons particulièrement souligner l’appui unanime que le G. D. P. et la D.S.E. ont trouvé auprès de la population macédonienne et grecque à Vitsi, ainsi que le développement de notre régime dans le Péloponnèse où fut créée la région libre la plus vaste jusqu’à ce jour.

L’arrivée en Grèce Libre du B. P. du C. C. du Parti Agraire de Grèce est une aide considérable pour le développement et la stabilisation ultérieurs du mouvement, et couronne la contribution immense et inestimable que la paysannerie offre à notre révolution populaire, par ses luttes et ses sacrifices, par sa participation en masse à la D.S.E.

Nous devons protéger comme la pupille de nos yeux la liaison étroite et indissoluble avec le peuple, car c’est là que se trouve la garantie pour la victoire.

6. En 1948, la D.S.E. a grandi, elle a atteint la maturité et a pu, fondamentalement, mener à bout. d’une manière juste, son effort de faire échouer les plans de l’ennemi.

En luttant contre les traditions et les survivances de la lutte des partisans et en neutralisant les conceptions opportunistes qui affirment qu’une armée populaire révolutionnaire régulière n’a pas sa place en Grèce et que nous devons nous borner à des détachements de partisans jusqu’à ce que la situation internationale devienne favorable à notre égard, la D.S.E. dans la guerre, à Grammos-Vitedi dans tout-le pays, est en voie de devenir d’une façon ferme une armée populaire révolutionnaire, une armée libérant le pays de l’occupation impérialiste étrangère et du joug ploutocratique monarcho-fasciste.

L’objectif stratégique fondamental de la D.S.E. en 1948 était d’user et d’épuiser l’armée monarcho-fasciste et sa campagne pour passer ensuite à la contre-offensive afin de repousser l’ennemi et le chasser d’une région importante du pays.

La D.S.E. réussit à faire échouer tous les plans de l’ennemi, mais elle n’a pas pu réaliser dans son ensemble son propre objectif stratégique, parce que notre Parti n’a pas pu concentrer les réserves indispensables prévues dans notre plan stratégique.

Objectivement, toutes les possibilités pour concentrer les réserves indispensables existaient, car plusieurs dizaines de milliers de patriotes grecs dans les villes et les régions occupées sont avec nous et désirent s’engager dans la D.S.E. mais par suite de notre faiblesse et de notre incapacité, nous n’avons pas réussi à surmonter les obstacles que l’ennemi a créés dans ce sens par les déportations, le blocus des villes, la terreur, et à recruter de nouvelles dizaines de milliers de combattants pour la D.S.E.

C’est là seulement, et exclusivement là, que se trouve la raison qui a fait que nous n’avons pas pu rassembler les réserves indispensables et atteindre complètement cotre objectif stratégique fondamental en 1948.

Mais malgré ce retard sérieux dans la réalisation totale de sa ligne stratégique, la D.S.E. a fermement progressé vers la réalisation de ses buts objectifs.

L’héroïque épopée de Smolikas-Grammos et ensuite la bataille victorieuse de Vitsi ainsi que l’activité de notre VIIIème division en Épire ont cloué sur place et usé pendant six, mois entier les principales unités de choc de l’ennemi et ont donné ainsi aux unités de la D.S.E., dans tout le pays et en premier lieu en Thessalie, au Péloponèse et en Macédoine Centrale, la possibilité de passer à la contre offensive, de porter des coups sérieux, d’user, de désagréger les forces considérables de l’adversaire, de le serrer, de lui saper encore davantage son moral, de consolider et d’élargir les régions libres, particulièrement dans le Péloponnèse.

En 1948, la D.S.E. a victorieusement affronté la campagne de l’ennemi que nous avons forcé à la mener là où nous le voulions.

Elle l’ a usé moralement et matériellement d’une manière efficace. Elle est devenue plus forte, ses cadres et ses combattants sont devenus plus expérimentés en l’art de guerre.

Elle détient partout l’initiative. Elle a fait avancer ses positions et se trouve prête pour de nouvelles batailles et victoires. Aujourd’hui, la D.S.E. attaque et s’empare, des villes occupées par l’ennemi, comme ce fut le cas de Karditsa, Haoussa, Karpenissi.

7. En 1948, on remarque le commencement d’un changement de la situation dans les villes. La politique américaine et monarcho-fasciste, qui rejette sur le peuple travailleur tout le fardeau économique et tout le sang de la guerre, renforce toujours davantage la résistance populaire dans les villes.

Et cette résistance ne peut être étouffée, ni par la terreur meurtrière, ni par les trahisons des réformistes-fascistes au sein des syndicats, ni par les impostures et la démagogie de la propagande menée par les américains, les anglais et les monarcho-fascistes.

Les masses laborieuses luttent. Le nombre des grèves se multiplie parmi les ouvriers, les fonctionnaires, les employés des banques et des entreprises privées, les boutiquiers.

Les coups armés deviennent plus forts à Salonique, Volos, Athènes et dans les autres villes.

La transformation de la paysannerie en une masse de réfugiés, mesure appliquée par la réaction sur une très grande échelle dans le but de nous isoler des masses paysannes se tourne aujourd’hui contre elle.

Car les masses paysannes amassées dans les villes vivent dans la misère, affamées et sans abri et deviennent un élément de mécontentement et d’effervescence.

Elles se rendent, de plus en plus clairement, compte que leur retour dans leurs village à et dans leurs foyers ne sera réalisé que si elles luttent aux côtés de la D.S.E.

Les échecs militaires continus des monarcho-fascistes, la crise profonde dans tous les domaines que traverse la réaction et l’américanocratie, ensemble avec la faim et la pauvreté inimaginables qu’elles entraînent, ainsi qu’avec les coups et les victoires de la D.S.E. désagrègent encore plus les lignes et le moral de l’adversaire, éliminent lentement mais fermement les hésitations, les indécisions. et l’attentisme, mettent en mouvement les masses qui veulent sortir de cette situation tragique et luttent pour leur pain, pour leur tranquillité, pour la liberté et la paix.

Les réserves du mouvement démocratique populaire dans les villes s’accroissent et elles doivent aligner le front de lutte de tout le peuple pour une vie supportable, pour l’indépendance et la paix par une solution démocratique honorable.

Là se trouve l’un des facteurs décisifs de la victoire.

8. En 1948, le Parti Communiste de Grèce (KKE) s’est fermement maintenu à son poste, en tant que dirigeant et organisateur de la lutte populaire dans tous les domaines, dans toutes les régions du pays.

Les communistes, hommes et femmes, en luttant avec le peuple à la tête de la D.S.E, ont toujours été les premiers à l’honneur, les premiers à la guerre, les premiers au sacrifice.

Quatre membres du C. C. du KKE les camarades Arabadzis, Vassiliadis, Mouzénidis et Tsitilos, ont donné leur vie dans les premières lignes de la lutte pour la liberté du peuple et pour l’indépendance de la Grèce.

En 1948, l’opportunisme a été l’ennemi et le danger fondamental dans les rangs du KKE.

A coté des théories de droite et opportunistes qui assurent que le monarcho-fascisme « a réussi à par-venir à un état de stabilisation politique et militaire relative », et que, par conséquent, notre lutte n’a pas de perspectives et que nous devons nous borner à une activité partisane jusqu’au moment où nous serons sauvés par « une aide année de l’étranger », théories qui font preuve d’abattement devant les difficultés et de capitulation devant l’ennemi, nous avons, de la part de quelques cadres supérieurs du Parti, des manifestations d’opportunisme dans l’action, des manifestations de fléchissement et de découragement devant les problèmes de la lutte armée.

Nous avons aussi constaté de la part d’autres cadres supérieurs, des efforts pour surmonter les difficultés par des méthodes arbitraires, par un caporalisme, chose qui nous place en opposition avec le peuple et qui devient un élément réduisant les efforts combatifs et le rendement de la D.S.E.

Simultanément, chez l’ancienne direction de l’organisation communiste de la ville d’Athènes et quelques membres de l’échelon du B. P. du C. C. du KKE, l’esprit de battre en retraite devant les difficultés et de nous soumettre à l’ennemi, a pris le dessus.

Toutes ces manifestations opportunistes montrent un manque de foi en la force du peuple et la justesse de sa cause, un manque de foi en la victoire.

Ces cadres dirigeants ont été influencés et se sont rendus à des influences étrangères petites-bourgeoises et réactionnaires, qui transplantent dans le Parti l’idéologie de la soumission à l’ennemi et mènent directement à la trahison. Le Parti a résolument combattu l’opportunisme capitulard en ses rangs. La lutte exterminatrice sans aucun compromis, contre les manifestations opportunistes prises de panique constitue un facteur décisif pour la victoire.

Le 4ème Plénum avait indiqué que la liaison étroite avec la base, la liquidation de l’éloignement de la base sont un facteur décisif et constant pour que nos cadres, qui ont fait fausse route retrouvent le juste chemin.

9. Le KKE, pour surmonter effectivement les manifestations opportunistes dans ses rangs, doit épurer son héritage idéologique de tout reste opportuniste.

Le KKE du temps de sa lutte contre les liquidateurs et le trotskisme eut à faire face à des théories opportunistes qui prétendaient que la révolution populaire en Grèce ne peut vaincre toute seule, sans avoir vaincu dans d’autres pays, sans une aide immédiate des autres Etats de dehors.

Cette théorie s’est consolidée en pratique dans la politique du Parti au temps de l’occupation hitlérienne, ainsi qu’au moment de l’intervention armée anglaise, en décembre 1944. Pendant l’occupation, le KKE perdait, au point de vue organisation, sa structure d’organisation nettement léniniste-staliniste et allait se dissoudre dans la large masse.

Politiquement, il perdait son orientation et sa perspective marxiste-léniniste bien claire, dans la lutte générale antifasciste, à l’échelle locale et internationale.

Il en résulta que le KKE n’a pas eu, aux moments critiques et décisifs, une perspective et une ligne politique marxiste-léniniste claire ; il n’a pas eu l’unité monolithique de politique et d’organisation indispensable à l’action.

Le résultat fut que la direction du KKE ne croyait pas que la Grèce pourrait, à la suite de la 2e guerre mondiale et de la lutte héroïque de son peuple, obtenir sa libération populaire-démocratique sans une aide militaire directe de l’extérieur surtout contre l’intervention étrangère impérialiste armée.

Ainsi, pas même I’ELAS n’a été organisé comme une armée populaire révolutionnaire qui pourrait, dans les conditions extrêmement favorables, créées, tant par la 2e guerre mondiale, par la victoire triomphale de l’U. R. S. S., que par la victoire de la démocratie populaire dans tous les pays voisins du nord, mener à bonne fin, même sans une aide étatique armée de l’étranger, la libération populaire démocratique du pays contre la réaction locale et les conquérants impérialistes étrangers.

Le résultat final c’est que nous avons gagné la bataille contre les allemands, mais nous l’avons perdue contre les anglais. La Grèce est restée asservie.

Et le peuple a été obligé de reprendre sa lutte armée pour l’indépendance et la démocratie populaire, avec la D.S.E. comme détachement armé de combat, lorsque l’occupation anglaise et le monarcho-fascisme lui rendirent la vie impossible.

Pour mener à une fin victorieuse la lutte armée actuelle du peuple, nous devons épurer cet héritage opportuniste du passé, héritage duquel puise des armes idéologiques l’opportunisme capitulard, qui maintenant relève la tête et proclame que notre lutte armée actuelle est condamnée, que nous ne pouvons pas former une armée populaire révolutionnaire régulière capable de libérer la Grèce et que nous devons nous borner à de petites attaques partisanes en attendant la libération par l’aide étatique armée de l’étranger.

Le KKE, et en particulier ses cadres dirigeants, doivent voir ouvertement leurs fautes opportunistes du passé.

Ils doivent voir que la bataille de décembre 1944 contre l’intervention armée anglaise a été perdue non pas à cause des obstacles objectifs insurmontables, mais à cause de nos propres fautes, à cause de notre politique erronée.

Quiconque soutient qu’en décembre 1944 nous ne pouvions pas vaincre les anglais, accède à la théorie opportuniste qui prétend que maintenant aussi nous ne pouvons pas vaincre l’intervention étrangère et le monarcho-fascisme, ne croit pas, au fond, en la force du peuple et ne voit pas que la D.S.E., malgré les difficultés énormes, avance fermement vers la victoire.

Le KKE ne pourra pas assurer l’unité monolithique marxiste-léniniste de son organisation et de sa politique, extirper les manifestations actuelles d’opportunisme dans ses rangs — manifestations qui mènent à la capitulation devant l’ennemi et à la trahison envers le peuple — et conquérir la victoire, la libération de la Grèce, sans un épurement décisif et conséquent de cet héritage opportuniste, sans une critique ouverte de ses fautes, sans une auto-critique léniniste-stalinienne.

Les communistes doivent comprendre que la particularité de la lutte actuelle, en comparaison avec la lutte contre le conquérant hitléro-fasciste consiste en ce que la mission de l’E. L. A. S., pendant la guerre anti-fasciste générale et pendant et avant l’intervention armée anglaise, était plus que secondaire, parce que la victoire contre le fascisme aurait été, en premier lieu, le résultat de son écrasement en Union Soviétique et par l’Armée Soviétique, tandis qu’aujourd’hui malgré l’aide multilatérale morale et matérielle nous donne l’humanité démocratique, l’écrasement armée du monarcho-fascisine et de ses soutiens et la libération de la Grèce qui en résultera ne peuvent être que l’oeuvre de la D.S.E.

Cette mission, la D.S.E. ne l’accomplira complètement que lorsqu’elle se sera constituée en une forte armée populaire-révolutionnaire régulière.

Sans cela, il n’y a pas de victoire, comme il n’y en a pas eu en décembre 1944 pour l’E. L. A. S. lorsque nous avons affronté seuls, la nouvelle situation, l’intervention armée anglaise, parce qu’elle n’avait pas été préparée au point de vue politique, organisation, et militaire guerrier pour une telle mission, pour une telle guerre.

L’oeuvre d’organisation de la D.S.E. en une forte armée populaire-révolutionnaire régulière est une tâche fondamentale du KKE.

Ce sont les communistes, organisateurs et dirigeants du peuple, avec tous les partis démocratiques du pays, les communistes qui, à Smolikas Grammos, dans tout le pays et maintenant au Péloponèse, à Naoussa, Karpenissi ont donné et donnent des exemples incomparables d’abnégation et d’héroïsme supérieur, d’art militaire et d’aptitude guerrière, ce sont les communistes qui, avec tous les autres compagnons de lutte démocrates, vont réaliser et compléter cette tâche et gagner la victoire quels que soient les sacrifices qu’ils seront appelés à faire.

10. Le triste héritage de la période d’occupation hitléro-fasciste, les manifestations opportunistes actuelles dans nos rangs, et la pression idéologique que le monarcho-fascisme et l’occupation américano-anglaise exercent sur notre mouvement, en se servant de l’épouvantail du danger slave, la soi-disant invincibilité de l’impérialisme américain, etc… nous obligent à lever encore plus haut l’étendard de la lutte idéologique pour la pureté de la ligne politique, pour la défense et l’application conséquente et intégrale, dans la vie, de la théorie marxiste-léniniste, stalinienne, pour la création, la conquête, l’assimilation et l’application créatrice et féconde de cette théorie dans nos propres conditions concrètes.

L’équipement théorique et la synchronisation des membres du Parti, constituent une tâche immédiate, importante et continuelle.

Chaque communiste et surtout chaque militant du parti doit sentir profondément le danger qui nous- menace par suite du niveau idéologique peu élevé des membres du Parti.

Dans notre travail politique, la première place doit revenir à l’assimilation de la science de guerre stalinienne ; c’est là, une condition fondamentale pour la juste direction de la lutte armée et pour la victoire finale.

III. – LE MOMENT ACTUEL ET NOS DEVOIRS

11. La situation actuelle en Grèce est caractérisée par un changement considérable du rapport des forces en faveur du camp populaire-démocratique et de la D.S.E. Au commencement de 1948 nous avions un équilibre relatif des forces ; durant 1948, au contraire, la D.S.E. a réduit jusqu’à l’épuisement l’effort de guerre de l’adversaire et a sérieusement affaibli sa force en faisant échouer toutes ses visées stratégiques.

Par suite de ces échecs, le monarcho-fascisme a subi un tel ébranlement moral désagrégeant, que nous pouvons maintenant avoir la perspective, qu’en ce qui concerne le moral de son armée en 1949, il ne sera pas en mesure de nous opposer une armée régulière pareille et égale à celle qu’il avait en 1948 bien qu’au point de vue du matériel et des engins de guerre, les américains l’équiperont mieux et plus abondamment que l’année dernière.

Dans le Pinde Septentrional (Smolikas-Gramirios-Vitsi), le rapport des forces était de 1 contre 10 et au point de vue matériel de guerre de 1 contre 50 en faveur de l’adversaire, pourtant la D.S.E. a vaincu grâce à sa supériorité morale et politique et à la supériorité de sa direction stratégique. Aujourd’hui, le monarcho-fascisme traverse une crise qui embrasse tous les domaines.

La vie a prouvé qu’il ne peut pas vaincre la D.S.E. Le soldat, le garde national, le peuple entier s’en rendent compte. La conviction devient chaque jour plus profonde en eux que la paix et la tranquillité ne peuvent être rétablies que par une solution démocratique honorable, sans les impérialistes étrangers et que la D.S.E. est le porteur de cette paix.

C’est ainsi que nous nous sommes rapprochés encore plus du tournant décisif de notre évolution intérieure, tournant que seule la lutte victorieuse de la D.S.E. peut nous apporter parce que cette lutte seule, peut obliger le monarcho-fascisme à se soumettre, à accepter la solution démocratique honorable, l’unique solution répondant aux intérêts du peuple et de la Grèce.

Les batailles et les combats au cours de 1948. ont prouvé que seule la D.S.E. peut vaincre ; que la Grèce ne peut jouir de la paix et de la tranquillité qu’avec la victoire de la politique du G. D. P. et de la D.S.E..

Les intérêts suprêmes et vitaux du pays et du peuple nous imposent d’arriver aussi vite que possible à cette victoire. Voilà pourquoi nous devons immédiatement et durant toute l’année 1949 concentrer toute notre attention dans le but de gagner le tournant décisif. Tout doit être soumis à ce but principal.

12. Dans le domaine du développement et de l’amélioration de la D.S.E. se posent devant nous les devoirs suivants :

a) Assurer dans chaque région, Division et Quartier Général les réserves prévues dans notre plan. tout retard dans la réalisation de ce devoir aura les mêmes conséquences qu’en 1948. La valeur de chaque dirigeant militaire et politique, la valeur de chaque cadre sera estimée à la façon dont il répondra .à cette tâche principale.

b) Nous devons sans cesse élever le niveau moral et politique de la D.S.E., en resserrant continuellement ses liens avec le peuple et en extirpant tout abus à ses dépens.

Nous devons combattre sans pitié tout acte de pillage qui déshonore le combattant qui s’y livre. Nous devons combattre toute tendance à mettre sur un même pied d’égalité les grands industriels et les artisans boutiquiers, quand nous procédons à des réquisitions dans les villes.

En aucun cas, il n’est permis de toucher aux biens de l’artisan et du boutiquier. De ces couches populaires, nous ne devons percevoir que la contribution nationale due. Dans les villes, nous devons éviter les destructions inutiles.

Ces devoirs incombent surtout aux commissaires politiques. L’institution des commissaires politiques a réussi, elle a été justifiée par la pratique et nous devons la consolider davantage.

c) Amélioration politique et militaire continue, systématique et persévérante de nos cadres. Acquisition de la science de guerre stalinienne. Synchronisation politique continuelle, orientation stratégique toujours juste de toute notre armée, des chefs des cadres, des combattants, hommes et femmes.

Amélioration décisive dans le domaine de la tactique où nous avons aujourd’hui nos faiblesses principales, comme nous l’avons vu aux opérations d’Edessa. Sofades, Hikovik.

Nous devons apprendre à assurer, là où nous en avons chaque fois besoin, la supériorité indispensable des forces et la concentration de l’armement et des munitions nécessaires pour atteindre nos objectifs.

Nous devons apprendre à nous emparer des places fortes de l’ennemi. Nous devons apprendre non seulement à prendre des villes mais aussi à les garder entre nos mains.

Les batailles de Naoussa et de Karpenissi ont montré clairement que ces buts sont réalisables pourvu que nous arrivions à surmonter décisivement les faiblesses que nous avons présentées au cours des batailles à Ardéa, Sofades, Edessa au point de vue organisation et conduite des opérations.

d) Assurer à la D.S.E. tout l’équipement nécessaire, son approvisionnement en tout article et matériel. Lui assurer la force de feu nécessaire.

e) Consolider la discipline. Assurer l’exécution absolue des ordres reçus. Empêcher toutes sortes d’actes arbitraires et violents des supérieurs envers les subordonnés. Consolider et développer la vie démocratique dans les rangs de la D.S.E. sur la base des assemblées démocratiques, où chaque combattant, homme et femme, pourra déployer la plus grande initiative pour le bien de la D.S.E., critiquer et corriger tout ce qui entrave son amélioration et son développement.

f) Préparer de tous points de vue, idéologique et organisation technique, les combattants et les cadres pour qu’ils deviennent capables d’effectuer les manoeuvres les plus difficiles et porter des coups décisifs contre les objectifs ennemis fixés chaque fois par le Quartier Général de la D.S.E.

13. En ce qui concerne l’effort militaire et guerrier, les tâches suivantes s’imposent :

a) Par des coups immédiats et incessants à travers tout le pays empêcher et paralyser au plus haut point les préparatifs de l’ennemi pour l’année 1949.

b) Consolider et étendre les régions libres au nord- ouest de la Grèce en occupant aussi des centres urbains.

c) La Théssalie et la Roumélie ont la mission d’obliger l’ennemi par leur activité militaire résolue, à mener sa campagne de 1949 sur leur territoire et lie l’épuiser autant que possible. Créer sur leur territoire une vaste région libre, tout autour du corps du Pinde Central.

d) Le Péloponèse doit briser la campagne de l’ennemi et développer ses forces et ses coups de façon à créer un véritable second front dans le dos de l’ennemi, un front qui renversera ses plans stratégiques et embrouillera sa perspective stratégique.

e) La VIème et la V IIème divisions ont comme mission principale de renforcer continuellement leurs coups contre l’ennemi, en augmentant progressive-ment et incessamment la pression contre la ville de Salonique. Cette activité planifiée et simultanée de la D.S.E. à travers tout le pays doit avoir comme résultat de gagner – nous – en 1949 le tournant de notre évolution interne.

14. En 1948, après dé nombreux échecs et fautes nous avons atteint le début d’une amélioration du travail militaire de guerre des détachements de la D.S.E. dans les villes et en premier lieu à. Salonique, Volos, Florina, Kosani. L’extension de l’institution des commissaires politiques dans les villes y a beaucoup aidé.

Nous devons insister résolument et absolument sur ce domaine. Dans les villes, nous devons en même temps faire un tournant décisif en ce qui concerne notre travail parmi le peuple dans toutes les organisations de masse. En partant des questions de moindre importance et des formes de lutte les plus simples nous devons faire participer les masses les plus larges, et les couches moyennes à la lutte pour le pain, les salaires, à la lutte contre la vie chère, contre les impôts.

En développant incessamment cette lutte de masses et en la combinant avec la lutte armée dans les villes et à l’arrière de l’ennemi, sur tous ses points sensibles et névralgiques nous devons développer ce front de lutte pour qu’il devienne un troisième front de guerre, un facteur décisif d’affaiblissement et de dislocation de l’ennemi, un facteur de la victoire.

L’application de l’institution des commissaires politiques dans la campagne occupée par l’ennemi a donné des résultats positifs et nous devons l’étendre, la renforcer, la développer davantage.

15. Dans le domaine politique et de propagande politique de masse nous devons porter une grande attention à ce qui suit :

a) Nous devons incessamment suivre de près le fonctionnement et le travail du gouvernement, compléter l’oeuvre gouvernementale, assurer l’application réelle dans la pratique des mesures et des résolutions prises par le gouvernement. Il est nécessaire de resserrer continuellement les liens entre le gouvernement et la base, le peuple. Notre régime populaire-démocratique doit prouver dans la pratique et l’action sa différence profonde avec l’esclavage monarcho-fasciste.

Le pouvoir populaire à la base, dans toutes ses manifestations doit être par le peuple lui-même et être l’expression de ses désirs. Nous tenons là une de nos armes les plus solides et nous devons faire valoir celle-ci à sa juste valeur.

La légalité populaire démocratique comme elle est exprimée par les lois du G. D. P. et les résolutions des organes du pouvoir populaire, doit être imposée et consolidée.

Nous y parviendrons en combattant résolument toute infraction à la loi et tout acte arbitraire quelles que soient leurs origines

b) En Grèce du Nord, le peuple macédonien (slavo-macédonien) a tout donné dans la lutte et combat avec un héroïsme total et une abnégation digne d’admiration. Il ne doit y avoir aucun doute quant au fait qu’après la victoire de la D.S.E. et de la révolution populaire, le peuple macédonien arrivera à son rétablissement national complet de la façon dont il le, désire lui-même, en donnant aujourd’hui son sang pour l’acquérir.

Les communistes macédoniens sont toujours à la tête de la lutte de leur peuple. Les communistes macédoniens doivent en même temps faire attention aux activités scissionnistes et liquidatrices, à l’instigation étrangère, que développent des éléments réactionnaires chauvinistes pour provoquer une scission de l’unité existant entre le peuple macédonien (slavo-macédonien) et le peuple grec, scission qui ne serait profitable qu’à l’ennemi commun, le monarcho-fascisme et l’impérialisme américano-anglais.

Le KKE, en même temps, doit radicalement écarter tous les obstacles, combattre toutes les manifestations chauvinistes pour une « grande Grèce » et les actes qui provoquent le mécontentement et la contrariété parmi le peuple macédonien et de la sorte aident l’activité traîtresse des scissionnistes renforcent l’oeuvre de la réaction. Les peuples slavo-macédonien et grec ne peuvent vaincre que s’ils sont unis.

Désunis, ils ne peuvent qu’essuyer des défaites. Voilà pourquoi l’unité des deux peuples doit être conservée avec autant de soin que la pupille de nos yeux, elle doit se renforcer et se fortifier chaque jour.

c) Nous devons, avec encore plus de persévérance et de conséquence développer le travail d’éclaircissement (agit-prop) dans l’armée monarcho-fasciste, Parmi les soldats, les gardes nationaux, les déportés de Makronissos, les officiers honnêtes. Nous devons éliminer toute survivance de cet esprit qui voit le soldat et le garde national comme membres des bataillons de sûreté (Rouradas).

Les soldats, les gardes nationaux et les officiers honnêtes doivent être persuadés par la vie, par nos actes, que nous les considérons comme nos frères, que nos intérêts sont les mêmes et que nous n’atteindrons que par des efforts communs, par des luttes communes, par la fraternisation le but commun : la paix, la démobilisation, la vie, le développement libre, sans impérialistes étrangers et sans parasites ploutocratiques.

Lorsque tous nos combattants — hommes et femmes tous nos cadres appliqueront cette ligne d’une façon juste et conséquente, nous nous assurerons un résultat décisif.

Nous devons tous croire en cela. Dans notre travail au sein de l’armée monarcho-fasciste nous devons aller plus loin en formant des organisations démocratiques dans ses rangs.

L’initiative pour la formation de ces organisations revient en premier lieu au soldats démocrates se trouvant dans l’armée monarcho-fasciste et, de notre côté, nous devons leur accorder toute aide et tout renfort. Mais nous devons de dehors aussi tâcher de former de telles organisations.

d) En 1948, nous avons une amélioration sérieuse dans notre travail parmi les femmes. La femme est devenue un élément constitutif fondamental et un facteur précieux dans la vie et l’activité de la D.S.E. Des milliers de femmes combattent aux côtés des hommes, aussi bien qu’eux et plusieurs fois mieux qu’eux.

La femme, dans la D.S.E. doit être entourée de l’affection, de l’estime et du respect indispensable qu’elle a d’ailleurs conquis avec sa lutte et sou sang ; nous devons la faire avancer conformément à ses aptitudes.

Nous devons aider l’Union Démocratique des Femmes de Grèce dans le travail important qu’elle accomplit et mobiliser toutes les réserves dont dispose le mouvement féminin dans notre lutte et pour la D.S.E. au sein de laquelle la femme combattante est devenue un facteur de force, d’émulation et de développement indispensable aujourd’hui à notre armée.

e) Contrairement à ce qui se passe au point de vue de notre travail parmi les femmes, nous avons un retard inadmissible dans l’Organisation Démocratique des Jeunes. Ici encore, nous devons dans le délai le plus court améliorer radicalement la situation en reconstituant l’EPON (Organisation Unifiée des Jeunes de Grèce), en donnant à la jeunesse et à ses organisations, dans toutes les manifestations de la vie politique, militaire, culturelle et d’état, la place qu’elle conquiert si vaillamment l’arme en main.

f) Dans le domaine de l’agit-prop, malgré l’amélioration obtenue, nous devons fournir un effort continuel pour maintenir ce travail A la hauteur des grandes exigences de notre lutte.

16. Voici les tâches fondamentales qui se posent aujourd’hui à notre mouvement.

Le KKE, fidèle à la ligne de l’E. A. M., en assumant la principale responsabilité et la charge la plus importante de notre lutte, doit, en collaboration étroite et fraternelle avec les autres organisations démocratiques populaires, et avant tout avec le Parti Agraire de Grèce, le N. O. F. (Organisation Nationale des Slavo-macédoniens), ainsi que les organisations appartenant à I’E. A. M., par une amélioration incessante de son travail et de sa vie interne et par le développement continuel de ses lignes, surtout avec les meilleurs combattants — hommes et femmes — intensifier à l’extrême tous ses efforts pour répondre dignement aux aspirations du peuple et aux grandes exigences de la lutte.

Les communistes, dans n’importe quelles conditions feront toujours intégralement leur devoir envers le peuple et la Patrie.

17. La révolution populaire en Grèce poursuit fermement son chemin difficile mais victorieux. Le monarcho-fascisme ne pourrait jamais se maintenir à lui tout seul.

Les difficultés de notre mouvement sont dues à l’intervention armée américano-anglaise. Les impérialistes étrangers, après avoir essuyé un échec avec la commission pseudo-balkanique et à l’Assemblée générale de l’O. N. U., où ils furent démasqués catégoriquement et attaqués surtout par la délégation de l’Union Soviétique, concentrent à présent de nouveau leur attention à l’intervention ouverte dans notre pays.

Des généraux de l’état-major américain et anglais, les Driper, Marshall, Noel, Baiker, Harriman pratiquent leur intervention impérialiste dans notre pays.

Des aviateurs américains prennent part à la lutte en assassinant des femmes et des enfants. Les impérialistes étrangers veulent à présent provoquer également une intervention turque armée dans nos affaires intérieures.

Grady et Norton ont fabriqué un gouvernement d’unité monarcho-fasciste et préparent une dictature militaire, croyant qu’elle pourra cacher la banqueroute parlementaire monarcho-fasciste et mieux les servir.

Dernièrement, la politique anglaise essaie de renforcer de nouveau ses positions ébranlées dans la Méditerranée, et intensifie son activité dans notre pays également. Les monarcho-fascistes font toujours plus désespérément appel à l’intervention militaire américaine dans notre pays, comme la seule planche de salut.

L’ambassadeur des États-Unis à Athènes, Grady, avec les chefs des missions militaires américaine et anglaise a été nommé membre permanent du conseil de guerre suprême monarcho-fasciste.

A Karpcnissi, nous avons abattu un avion qui était piloté par le lieutenant Colonel américain Sendel-Edner ; c’est une preuve qu’en Grèce, il y a déjà une intervention armée américaine, que dans notre pays, l’impérialisme américain a déjà commencé sa nouvelle guerre.

Tout ceci crée des difficultés supplémentaires à notre pays et à notre mouvement.

Mais le peuple se persuade chaque jour davantage, par sa propre expérience, que la Grèce ne pourra pas trouver de tranquillité et revoir la paix, s’adonner au travail créateur et à la reconstruction, si elle ne se délivre pas définitivement et complètement de toute intervention impérialiste dans nos affaires intérieures.

Toutes les forces démocratiques du monde sont à nos côtés et condamnent l’intervention étrangère dans notre pays ; leur solidarité pèse d’une façon décisive sur la balance et constitue une source intarissable d’aide morale et matérielle et de renfort pour notre lutte.

Dans la confrontation mondiale de la démocratie et de l’impérialisme, la Grèce de la Démocratie Populaire se tient ferme et inébranlable dans les premières lignes de la lutte pour le progrès, la paix, et le socialisme.

La Grèce ne deviendra jamais un bastion impérialiste militaire et guerrier contre l’Union Soviétique et la démocratie populaire dans les balkans et dans toute l’Europe.

Le KKE, fidèle à l’internationalisme prolétarien et à la théorie de Marx-Engels-Lénine-Staline, tient haut le drapeau de la démocratie populaire, de la paix, du socialisme et il accomplira jusqu’au bout soli devoir révolutionnaire.

Aujourd’hui, 25 ans après la mort, de Lénine, le KKE avance fermement sur le chemin du léninisme, en exterminant sans pitié toute capitulation opportuniste, toute tendance liquidatrice dans ses rangs, comme nous l’enseignent nos grands maîtres Lénine et Staline.

Le KKE offre lui aussi sa contribution au mouvement communiste international, en luttant pour assurer la victoire de la démocratie populaire en Grèce. Les plans du monarcho-fascisme et les visées impérialistes des américains et des anglais vont s’effondrer parce que telle est la volonté du peuple. Jusqu’à l’écrasement de l’ennemi, jusqu’à la victoire de la Démocratie Populaire, nos clairons continueront à sonner l’appel à tout le peuple :

TOUS AUX ARMES!  

TOUT POUR LA VICTOIRE !

=>Retour au dossier sur le KKE et la démocratie populaire

Paul Eluard en Grèce libre

L’ensemble du mouvement communiste international apporta son soutien à la DSE. Le quotidien du Parti Communiste français, L’Humanité, envoya Simone Téry comme reporter dans la Grèce libre, dans le nord du pays, en octobre 1947, ses reportages étant publiées dans une série intitulée Les hommes de cœur sont plus forts que les dollars, publiée dans le quotidien du 19 décembre 1947 au 14 janvier 1948. 

Par la suite, un événement marquant fut la venue en Grèce, en 1949, du poète et résistant français Paul Eluard.

Paul Eluard en Grèce

Il fut accompagné notamment de gens issus de la gauche socialiste se rapprochant du PCF par leur parcours dans la Résistance : le journaliste et homme politique Yves Farge, à l’origine de la dénonciation d’un grand scandale de corruption en 1946, l’ancien journaliste du journaliste socialiste Le Populaire Jean Maurice Herman, fondateur du Syndicat National des Journalistes CGT, ainsi que l’instituteur Henri Bassis.

Il eut un programme complet de discours et de conférences, notamment à plusieurs reprises à l’institut français, mais également avec le regroupement intellectuel « la solidarité nationale », à l’union franco-héllénique des jeunes, au cinéma-théâtre Attikon.

Il se déplaça également en Grèce libre, tenant à Grammos un discours répercuté par 200 hauts-parleurs, dirigé vers les armées ennemies.

« Fils de Grèce, je m’adresse à vous, paysans, ouvriers, intellectuels, embrigadés dans l’armée d’un gouvernement qui ne vous représente pas.

J’ai voulu avant tout être ici un témoin et je n’ai été animé que de l’unique souci de la vérité, que de ma passion pour la paix.

Une guerre fratricide comme la vôtre est la plus horrible des guerres et ceux qui vous y conduisent peuvent seuls en tirer profit. Ce que j’ai vu en Grèce libre, c’est l’invincible armée du peuple, où les officiers et les soldats sont fraternellement unis par l’amour de leur patrie et de la liberté.

Aucun étranger dans leurs rangs, leur dessein n’étant que l’indépendance et la grandeur de leur pays dans le bonheur et dans la paix.

Je les ai vu au grand jour de leur cœur innocent, de leurs yeux francs et de leur ciel serein, danser et chanter comme des enfants. J’ai vu aussi leur front s’assombrir à l’idée que ce sont leurs frères, leurs fils et leurs pères qu’ils ont en face d’eux dans le combat.

Mais trop de territoires sont encore à libérer, trop de ruines à relever, trop de champs à défricher et surtout trop de martyrs à délivrer. Je vous conjure de penser, vous qui vous trouvez du côté des geôliers et des bourreaux, à tous ces innocents qui, chaque jour, paient de leur sang votre propre avenir.

Je vous conjure de penser à l’horreur de Makronissos et de vos prisons où des milliers de patriotes, sûrs de leur victoire, attendent chaque jour les tortures et la mort.

J’ai vu partout d’ici, sur le front comme à l’intérieur, vos prisonniers traités avec le plus grand respect de la personne humaine et nourris comme les andartès [les rebelles], j’ai vu vos blessés soignés avec les mêmes attentions et la même bienveillance que ceux de l’armée démocratique.

Beaucoup choisissent cette dernière solution. C’est bien la première fois dans l’Histoire moderne qu’une armée se sent forte, assez sûre de la victoire pour pouvoir montrer pareille confiance en l’homme.

C’est aussi la première fois qu’une armée offre d’autant plus la paix qu’elle voit grandir ses forces. La seule victoire qu’elle souhaite est l’union de tout son peuple et la fin des misères d’une guerre imposée par les impérialistes anglo-saxons.

Dans le monde entier, les gens simples luttent pour la paix. Le bon peuple de Grèce, en se couvrant de gloire, est à leur avant-garde. »

A la suite de son voyage, Paul Eluard publia un recueil de poésie intitulé Grèce ma rose de raison, contenant des poèmes écrits pour l’occasion, mis en parallèle avec des poèmes de deux membres de la DSE condamnés à mort.

Voici le poème de Paul Eluard Le Mont Grammos, où le lyrisme sensible du poète qui s’est malheureusement surtout dispersé dans la confusion surréaliste, est mis au service de la réalité.

Le Mont Grammos

Le mont Grammos est un peu rude
Mais les hommes l’adoucissent

Les barbes nous les tuons
Nous abrégeons notre nuit

Plus bêtes que poudre à canon
Nos ennemis nous ignorent

Ils ne savent rien de l’homme
Ni de son pouvoir insigne

Notre cœur polit ma pierre

Voici un autre poème du recueil, intitulé Prière des veuves et des mères par Paul Eluard.

Prière des veuves et des mères

Nous avions accordé nos mains
Et nos yeux riaient sans raison

Par les armes et par le sang
délivrez-nous du fascisme

Nous bercions toute la lumière
Et nos seins se gonflaient de lait

Laissez-nous tenir un fusil
Pour tirer sur les fascistes

Nous étions la source et le fleuve
Nous rêvions d’être l’océan

Donnez-nous juste le moyen
de ne pas gracier les fascistes

Ils sont moins nombreux que nos morts
nos morts n’avaient tué personne

Nous nous aimions sans y penser
Sans rien comprendre que la vie

laissez-nous tenir un fusil
Et nous mourrons contre la mort.

Voici un Épigramme de F. Asteris, également dans le recueil.

aux 23 de la prison d’Averof.

Honneur à vous, aigles captif, étoiles enchaînées !
C’est à vous d’allumer, à la flamme de votre cœur,
Le flambeau immortel, le flambeau jeune et sans pareil
De la liberté, dans le ciel de l’homme.

C’est là votre destin glorieux.

Voici le poème d’Eluard intitulé Pour ne plus être seuls.

Pour ne plus être seuls

Comme un flot d’oiseaux noirs ils dansaient dans la nuit
Et leur cœur était pur on ne voyait plus bien
Quels étaient les garçons quelles étaient les filles

Tous avaient leur fusil au dos

Se tenant par la main ils dansaient ils chantaient
Un air ancien nouveau un air de liberté
L’ombre en était illuminée elle flambait

L’ennemi s’était endormi

Et l’écho répétait leur amour de la vie
Et leur jeunesse était comme une plage immense
Où la mer vient offrir tous les baisers du monde

Peu d’entre eux avaient vu la mer

Pourtant bien vivre est un voyage sans frontières
Ils vivaient bien vivant entre eux et pour leurs frères
Leurs frères de partout ils en rêvaient tout haut

Et la montagne allait vers la plaine et la plage
Reproduisant leur rêve et leur folle conquête
La main allant aux mains comme source à la mer.

Illustration pour Grèce ma rose de raison

Voici un Épigramme du résistant Alcibiade Yannopoulos, placé dans le recueil.

Épigramme

Quand nous avons été consumés par la flamme
Toutes nos peines se sont éteintes
Et c’est avec cette mort même
Que nous avons vaincu la mort.

Grèce ! l’aurore sur la terre
Déjà présage la lumière !
Que la nuit parte sans retour !
La Reine, ce sera le jour,
Le Roi, ce sera le soleil
De février, soleil vermeil.
Il a enlacé la jeunesse
Et la jeunesse l’enlaça.

Ils vont vers les monts de la Grèce.
Là-bas, l’on chante, l’on combat !
Là-bas, de jeunes ouvriers
Pactisent avec les chevreaux.
Là-bas, la danse déliée
Gronde et la foudre fait écho.

La Liberté est dans leurs rangs
Et ses yeux lancent des éclairs
Elle est là pour bénir leur sang
Elle est là pour gagner sa guerre.

Voici un autre poème de Yannopoulos, Le dernier chant.

Le dernier chant

C’est le matin, petit matin, premier message:
Voilà le coq vient de pousser son cri fatal!
Notre cœur s’éclaire et la nuit s’en va.
La lumière n’est pas encore à l’horizon, mais elle apparaîtra.
Nous, frères, ne verrons pas plus avant que l’aurore grise
Nous ne pourrons pas jouir de la lumière du soleil.

Écoute…Loin, très loin,comme s’il surgissait des entrailles de la lumière
Le clairon du matin retentit.
Il t’appelle à la lutte sur l’autel du sacrifice.
La vie éveille en toi des mondes magnifiques.
C’est l’ heure: mon esprit et mon cœurse lèvent,tout s’éveille en moi.
Je me sens farouche et léger, je flambe et je m’élance dans le feu,
Je communie avec la vie la plus profonde.

Pour la dernière fois nous avons bu le vin, le bon vin, le vin fort,
Comme les chevaux qui hument le sang dans les ruisseaux
Et qui se dressent superbement pour la bataille.
Des ailes poussent à nos cœurs et nous nous lançons en avant,
En poussant un grand cri, un cri terrible contre la mort,
Un cri pareil au mugissement de l’ouragan
Et qui embrasse notre terre.

En avant! En avant! Frères, joyeusement,
Entrez tous dans la danse.
Ce sont les filles de Zalongo
Qui, les premières, l’ont dansée.
Le temps a passé, mais j’entends leurs pas,
Tout en résonne encore.
Jeunesse, prends ton vol et porte-nous au ciel,
Car on n’a jamais vu sur terre un ciel si vaste.
Ah! Nous ne sommes plus les infirmes, les faibles!
Nul entre nous ne sent son cœur se contracter,
Nul de nous n’est courbé, nul n’est lâche.
Le front haut, nous toisons les bastions de la mort
Et, simplement, nous les démolissons.

Quand nous avons été consumés par la flamme
Toutes nos peines se sont éteintes.
Et c’est avec cette mort même
Que nous avons vaincu la mort.  

Voici Dans la montagne vierge de Paul Eluard :

Dans la montagne vierge

Les herbes et les fleurs, ne m’abandonne pas,
Leur odeur suit le vent

Les chevreaux jouent de leur jeunesse,
Un aigle fait le point dans le ciel sans secrets.

Le soleil est vivant, ses pieds sont sur la terre,
Ses couleurs font les joues rougissantes d’amour,
Et la lumière humaine se dilate d’aise.

L’homme en grandeur au cœur d’un monde impérissable
Inscrit son ombre au ciel et son feu sur la terre.

Voici, enfin, une poésie typique de Paul Eluard, avec une mélancolie très forte constatant l’absence de bienveillance du monde, avec un appel indirect à le changer en ce sens malgré toutes les difficultés. Cela reflète bien l’approche de ce poète et son intention à l’origine de la publication du recueil.

Des yeux qui ont vraiment trop souffert de voir

Plus beau visage ne peut pas se plaindre
Plus violemment des horreurs de la guerre

Plus beaux yeux noirs ne peuvent se couvrir
Plus doucement d’un voile mortuaire

Et tout vivants le chagrin les enterre.

=>Retour au dossier sur le KKE et la démocratie populaire

La DSE tient le cap

L’échec de l’opération Couronne fut un revers de taille pour l’impérialisme américain et les forces réactionnaires grecques.

Van Fleet décida alors de fasciser complètement l’armée grecque, dont le commandement revint en janvier 1949 à Aléxandros Papágos, dont l’une des premières mesures fut d’autoriser l’utilisation du napalm par les forces américaines.

Les officiers reçurent l’autorisation d’abattre ceux qui ne combattraient pas de manière assez décidée, les commandants eux-mêmes risquant la court martiale, les retraites n’étant autorisées que sur ordre exprès du quartier-général.

Combattants de la DSE

A cela s’ajouta toutefois un élément extrêmement positif pour l’impérialisme américain : la Yougoslavie de Tito était ouvertement passée dans son camp.

Déjà travaillée au corps par les impérialismes américain et britannique, servant de plate-forme à leurs opérations, la Yougoslavie titiste bascula entièrement dans le camp de la « neutralité », c’est-à-dire du côté impérialiste.

Le Kominform condamna par conséquent la Yougoslavie titiste en juin 1948, ce que le KKE approuva en juillet. Dans la foulée, en août, Márkos Vafiádis fut mis de côté alors qu’il eut une crise de nerfs, tout en commençant à assumer une ligne de convergence avec le titisme, expliquant par la suite qu’il était opposé à la ligne du Parti depuis 1947.

Au même moment, la DSE fut en mesure d’échapper à une opération d’encerclement dans les monts Gramos utilisant massivement l’aviation, et tuant 5 000 combattants et 3000 civils.

Malgré la défaite en termes de pertes, la capacité de la DSE à se maintenir provoqua une véritable onde de choc et la DSE officialisa même définitivement sa centralisation. Il n’y avait désormais plus de quartiers-généraux régionaux, mais des divisions dépendant d’un conseil militaire :

– la première division en Thessalie ;

– la seconde division en Roumélie, c’est-à-dire en Grèce centrale :

– le troisième division dans le Péloponnèse ;

– la sixième division en Macédoine centrale ;

– la septième division en Epire ;

– les divisions neuf, dix et onze dans les montagnes Vitsi.

Combattantes du KKE

Les trois premières divisions dépendirent à partir de mars 1948 du KGAN, un quartier général pour le sud de la Grèce. Il existait également deux unités autonomes :

– la 24e brigade dans la zone du quartier général ;

– une brigade de saboteurs.

Cette réorganisation frappa d’autant plus les esprits que, alors que les divisions neuf, dix et onze avaient tenu le choc face à la tentative d’encerclement et d’anéantissement, toutes les autres s’étaient renforcés pendant ce temps-là.

C’était une catastrophe pour l’État monarcho-fasciste, au point qu’il fut par conséquent obligé, en octobre 1948, de généraliser l’état d’urgence qui officiellement n’existait jusque-là que dans le nord du pays.

Le secrétaire d’État aux affaires étrangères américain, le fameux George Catlett Marshall, vint même en personne à Athènes à ce moment-là pour constater la situation.

Níkos Zachariádis ajusta également de son côté certains points de la DSE. Il effectua notamment une critique à la septième division qui n’avait pas assez profité de ses réussites pour élargir ses zones de contrôle et procéder au recrutement, ainsi qu’une remise en cause générale des responsables athéniens qui furent entièrement remplacés, eux-mêmes devant rejoindre les montagnes.

En septembre, Níkos Zachariádis se rendit à Moscou et il lui fut expliqué que, de par les nouvelles conditions, une aide plus soutenue serait déjà largement plus aidée à mettre en œuvre, avec la réception annoncée de 1 000 pièces d’artillerie et de 1000 canons anti-chars, ainsi que l’enrôlement de 8 000 Grecs vivant à l’étranger.

Le même mois, la DSE fut en mesure de faire se débander deux bataillons ennemis au nord de la ville de Kastoria.

A la mi-décembre, la première et la seconde divisions furent en mesure, avec 3 500 combattants, de prendre pour une journée de la ville de Karditsa en Thessalie, qui comptait 20 000 habitants ; à la mi-janvier 1949, c’est la ville de Náoussa qui est prise pendant trois jours, la ville de Karpenisi pendant plus de jours.

L’amiral Van Fleet (au centre) en mars 1949 lors d’un défilé
pour le 128e anniversaire de l’indépendance grecque

En avril 1949, des positions stratégiques furent également reprises dans les monts Gramos.

C’était une grande avancée et en arrière-plan, Níkos Zachariádis résolut également une question épineuse : celle de la minorité macédonienne.

Historiquement, la Macédoine historique a été peuplé de Slaves et, jusqu’à aujourd’hui, le nationalisme grec refuse catégoriquement que les populations y vivant emploient le terme de Macédoine, relevant selon lui exclusivement de l’identité grecque.

En France, le terme de Macédoine a donné le nom à une salade, en référence aux multiples ingrédients qui la composent, allusion aux multiples populations présentes en Macédoine, ce qui donne différentes couleurs sur une carte.

Au début du XXe siècle, la Bulgarie prétendait qu’il y avait en Macédoine une majorité de Bulgares, la Serbie de Serbes (y voyant une Serbie du Sud), la Grèce de Grecs. La guerre des Balkans qui s’ensuivit fut marqué par des atrocités et des déplacements de population, dans un cadre féodal, formant une poudrière qui joua un rôle effectif pour le déclenchement de la première guerre mondiale impérialiste.

Au moment de la seconde guerre mondiale, il y avait officiellement environ 80 000 « slavo-macédoniens » dans la partie grecque de la Macédoine, en réalité sans doute plus du double, et le KKE défendait ses droits, au sein de la Grèce, arguant que la sécession n’aurait pas de sens pour une partie du pays dont la quasi totalité était grecque.

Durant la seconde guerre mondiale, le KKE réussit à convaincre le Slavjano Makedonski Narodno Osloboditelen Front – Front de Libération Nationale slavo-macédonien – à participer à l’ELAS. Tito cependant poussait à une ligne indépendantiste, afin que la future Yougoslavie l’annexe.

Pour cette raison, la SNOF fut démantelée, 800 de ses membres rejoignant la Yougoslavie, alors que fut fondé en avril 1945 la NOF, Narodno Osloboditelen Front – Front de Libération Nationale, qui rejoignit ensuite la DSE.

Slogan macédonien présentant Níkos Zachariádis comme dirigeant

Tito retenta l’opération de scission avec la NOF, qui maintint néanmoins le cap et il est à noter qu’une partie significative des combattants de la DSE était d’origine slavo-macédonienne, autour de 30 %, la propagande anti-DSE faisant monter ce chiffre à 70 %.

Níkos Zachariádis avait en effet établi la ligne d’autonomie pour la minorité slavo-macédonienne, alors que la Bulgarie faisait un contre-poids démocratique essentiel à l’expansionnisme yougoslave concernant cette question.

=>Retour au dossier sur le KKE et la démocratie populaire

L’opération d’anéantissement de Van Fleet contre la DSE en Grèce

Níkos Zachariádis avait tout à fait compris que la question de la guerre civile était celui de l’affrontement entre la démocratie populaire et le fascisme. La DSE n’était pas une fin en soi, pas plus que l’EAM ; il ne s’agissait que d’éléments dans une séquence plus générale.

La force du mouvement de libération nationale avait ainsi résidé, selon Níkos Zachariádis, dans le fait que l’indépendance nationale avait été affirmée en rapport avec la bataille pour la démocratie, ce qui allait avec la question agraire ; la question nationale de l’indépendance était inséparable du rapport à la démocratie.

Les restes féodaux en Grèce devaient impérativement être anéanties pour qu’une victoire soit possible. C’était le sens de l’établissement du pouvoir populaire qui, pourtant, avait cessé d’exister avec les accords de Varkiza.

Un combattant de la DSE

L’existence de ceux-ci apparaissaient inévitables de par la puissance britannique : il eut fallu agir dès le départ des troupes allemandes, pour prendre les Britanniques de vitesse. Mais l’opportunisme avait été trop puissant à l’intérieur du KKE à ce moment-là pour qu’une telle initiative se dégage.

Avec le retour de Níkos Zachariádis, le KKE put de nouveau aller de l’avant et la formation de la DSE venait compenser l’échec de l’épisode des accords de Varkiza.

Inévitablement toutefois, une lutte entre deux lignes devrait se dérouler entre la position de Níkos Zachariádis et celle prolongeant les accords de Varkiza, voyant la DSE comme l’aspect principal pour rétablir les négociations et l’intégration du KKE aux institutions, et non la bataille pour la démocratie populaire.

La crise apparut avec l’échec de l’offensive de la fin de l’année 1947.

Intervention politique au sein de la DSE

A l’initial, la DSE s’appuyait sur deux fronts : les massifs à la frontière avec l’Albanie, à savoir les monts Gramos et le massif montagneux du Pinde. Ce bastion inexpugnable permettait d’agir dans tout le nord-ouest de la Grèce, à partir d’une centaine de villages.

La tentative de s’emparer de la ville de Konitsa à la fin de l’année 1947 fut cependant un échec, malgré la présence de 10 000 combattants appuyés par des canons de 105 mm situés en Albanie.

Cette ville devait servir de centre névralgique du gouvernement provisoire ; l’incapacité à la prendre fut un coup d’arrêt dans le développement et un succès politique pour le régime réactionnaire.

La DSE tint alors une conférence les 15, 16 et 17 janvier 1918 dans les monts Gramos.

Comment fallait-il expliquer le développement insuffisant de la DSE ?

Une base souterraine de la DSE

Níkos Zachariádis considéra que cela avait été une lourde erreur de la part du KKE de ne pas avoir été en mesure d’avoir une organisation plus solide dans les villes, tant pour renforcer la guérilla des campagnes que pour lancer des actions dans les villes.

Un autre souci, à ses yeux, fut l’esprit militaire bureaucratique issu des officiers issus de l’armée, qui empêchait la DSE d’avoir une nature authentiquement révolutionnaire, ce qui exigeait donc la systématisation de la présence des commissaires politiques à la direction militaire.

Il était nécessaire d’abandonner le principe de d’une guerre des partisans pour passer au niveau d’organisation d’une véritable armée populaire, même si bien entendu dans les zones où des bases n’étaient pas possibles, le mode d’opération de type partisan était l’approche principale.

Il devait y avoir une dialectique entre une DSE en tant qu’armée populaire dans les zones libérées et les unités partisanes opérant dans le reste du pays.

Une combattante de la DSE

Le dirigeant militaire de la DSE, Márkos Vafiádis, s’opposa à Níkos Zachariádis. Il considérait qu’il ne fallait pas former de base, mais maintenir une ligne d’opérations partisanes totalement décentralisées. Níkos Zachariádis fut obligé de réunir le Comité Central en session extraordinaire pour faire accepter sa ligne, qui le fut à l’unanimité.

La DSE connut alors des développements certains, mais il manquait à chaque fois une impulsion décisive, le régime s’en sortant systématiquement grâce à un appui américain gigantesque.

La DSE se développa cependant dans les îles Samos et Eubée, mais l’incursion qui eut lieu dans les faubourgs de Salonique fut un échec en raison du manque d’organisation des membres déjà présents dans la ville.

La tentative de 2200 personnes non armées mais accompagnées de fortes unités de la DSE de traverser des territoires ennemis en Grèce centrale pour rejoindre les monts Gramos se solda également par un fiasco, seulement 500 parvenant effectivement à le faire.

Une opération fut alors lancée dans le Péloponnèse, avec 2 500 partisans, agissant dans une zone suffisamment grande – 90 km de long sur 50 km de large – pour isoler pratiquement Athènes du reste du pays, mais la DSE ne fut malheureusement pas en mesure de s’y maintenir en raison, en avril 1948, de l’opération nouvelle aube des forces réactionnaires, qui visa à encercler la DSE.

Il y eut d’abord 4 500 arrestations, suivis d’offensives à l’est et à l’ouest ainsi qu’au nord, avec un blocus maritime du golfe de Corinthe au sud : il n’y en eut que 1 000 combattants de la DSE à parvenir à briser l’encerclement.

La tentative de la DSE de diviser les troupes ennemies à l’offensive en s’emparant de la ville de Karpenisi échoua, dans la mesure où la ville leur fut abandonnée pendant quinze jours.

Suivit alors la première vaste contre-offensive anti-DSE, l’opération Couronne menée par les forces réactionnaires, qui étaient dirigées par l’américain James Alward Van Fleet.

Une combattante de la DSE

Les réactionnaires grecs savaient que si cette fois ils avaient réussi à bloquer le développement de la DSE dans le Péloponnèse, il y aurait inévitablement d’autres tentatives tant que la DSE disposait de larges bases dans le nord-ouest du pays.

C’était une reconnaissance de la valeur essentielle de la formation par Níkos Zachariádis d’une base d’appui comme centre névralgique de la DSE.

Aussi l’opération Couronne visa à former un tampon entre l’Albanie et les monts Gramos où étaient basés 8 000 combattants de la DSE. Il s’agissait d’isoler la DSE de l’appui albanais, et de liquider la zone contrôlée par elle.

La DSE était tout à fait consciente du risque et forma alors de son côté une base de 3 000 combattants en Épire pour harceler les arrières des forces ennemies en cas d’attaque et briser tout ravitaillement.

Les forces réactionnaires s’appuyaient néanmoins sur 70 000 combattants lourdement armés, appuyés par 30 000 membres d’une garde nationale formée en 1947.

L’opération Couronne commença le 28 juin 1948 et au bout de 17 jours la ligne extérieure de défense était tombée, alors que la DSE fut même obligée de ramener 4 000 combattants pour tenir le coup.

Cela ne suffit pas et au bout de 29 jours la DSE fut obligée de quitter la zone, avec un repli réussi dans la région de Vitsi.

Des combattants de la DSE

L’affrontement de la DSE avec les forces réactionnaires grecques était devenu une bataille avec une force directement au service de l’impérialisme américain soutenant le régime de toutes ses forces : pas moins de 20 000 obus furent envoyés sur la crête durant l’opération.

Van Fleet lança tout de suite ses troupes à la poursuite des troupes de la DSE se repliant, afin de tenter d’empêcher une installation pour l’hiver.

S’ensuivirent des offensives et des contre-offensives, avec finalement la victoire de la DSE dans la mesure où ce fut le double échec pour les forces réactionnaires : leur offensive échoua et qui plus est la DSE se réinstalla dans les monts Gramos.

La DSE avait su aussi protéger en général les liaisons avec l’Albanie et la Yougoslavie, pays laissant également passer les troupes de la DSE et les aidant militairement.

De plus, la DSE avait renforcé ses activités dans la région de Tripoli-Sparte au sud du Péloponnèse, ainsi que dans la région montagneuse de Thessalie.

La DSE avait tenu le choc et résisté à l’opération d’anéantissement de Van Fleet.

=>Retour au dossier sur le KKE et la démocratie populaire

L’intervention américaine en Grèce

Si la DSE représentait la tendance démocratique, progressiste, se renforçant par rapport à une réaction déchaînée, mais s’épuisant, un nouveau facteur vint entièrement modifier la donne.

Les États-Unis considérèrent en effet qu’il était nécessaire qu’elles interviennent, afin d’empêcher la Grèce de devenir une démocratie populaire, étant donné que la Grande-Bretagne n’était plus en mesure de porter le régime grec.

L’Armée Démocratique de Grèce – DSE

L’hypothèse d’une victoire démocratique en Grèce apparaissait aux États-Unis comme une menace stratégique aux conséquences incalculables, surtout que la Turquie risquait d’être isolée.

Aussi, en mai 1947 le congrès américain accorda 300 millions de dollars d’aides économiques et militaires jusqu’en juin 1948. Le régime monarchiste grec changeait de tuteur, la Grande-Bretagne cédant la place aux États-Unis.

Il y eut d’ailleurs aussi bien entendu le plan Marshall, la Grèce recevant de nouveau pas moins de 649 millions de dollars, ce qui la rendait entièrement dépendante désormais des États-Unis, dans une optique de militarisme généralisé. Au total, les Etats-Unis fourniront 1,5 milliard de dollars au régime réactionnaire grec.

84,7 % de la somme totale de l’aide étrangère passait dans les dépenses militaires, la part de celles-ci dans le budget national grec étant d’ailleurs également de 42 %.

C’était en pratique désormais James Van Fleet, le responsable militaire américain envoyé spécialement pour gérer la Grèce (et qui « s’illustrera » ensuite dans la guerre de Corée), qui dirigeait le pays.

James Van Fleet

Un célèbre reporter américain, Homer Bigart, écrivit à ce moment dans le New York Herald Tribune que :

« Athènes est aujourd’hui un royaume d’intrigues, de haine, de méchanceté et de corruption défiant les mœurs du moyen-âge. »

Cela provoqua un nouveau saut répressif. Une conséquence immédiate fut l’arrestation, le 9 juin 1947, de 9 000 personnes dans les villes ; certaines estimations font monter ce chiffre à 20 000.

L’un des éléments essentiels qui vint s’ajouter fut également l’utilisation systématique par les réactionnaires de l’évacuation des villages, afin d’assécher les bases populaires aidant la DSE.

Le nombre de réfugiés fut alors croissant : 15 000 en septembre 1946, 200 000 en août 1947, 485 000 en février 1948, puis 700 000.

La DSE organisa, afin de protéger les enfants victimes des offensives de l’armée réactionnaire avec notamment les bombardements, des évacuations, avec l’appui de certains pays de l’Est européen, qui avait lancé l’initiative eux-même lors d’une conférence internationale de la jeunesse s’étant tenue à Belgrade. Plus de 10 000 enfants furent concernés.

Cela fut le prétexte pour une très vaste campagne, appelée « paidomazoma » (rassemblement des enfants), accusant la DSE de vouloir slaviser les enfants grecs, de les transformer en futurs soldats en les manipulant, etc., tout en organisant sous l’égide de la reine grecque Frederika de Hanovre des campagnes pour enlever des enfants des villages et les placer dans des camps avec une éducation idéologique réactionnaire forcenée.

Cette campagne de dénigrement de la DSE fut également largement soutenue par l’ONU.

L’armée fit également en sorte de contrôler les déplacements de la population, pour empêcher les communistes des bastions d’Athènes et de Thessalonique de rejoindre la guérilla.

La torture et le meurtre furent généralisés ; ce qui est également caractéristique du combat mené par le monarcho-fascisme contre la DSE, c’est la systématisation des démonstrations terroristes, avec les têtes coupées des membres tués de la DSE accrochées dans les villages.

James Van Fleet inspectant une position en Grèce,
devant des soldats tués de la DSE

Voici ce que raconte en juillet 1947 le journal de l’EAM Eleftheri Héllada :

« Les monarchistes ont suspendu la tête de l’andartès [du rebelle] Palos sur une hampe et l’ont arborée sur la place publique de Héraclion de l’île de Crète. Puis, ils se mirent à danser tout autour et à tirer des coups de feu.

Le préfet sortit alors sur le balcon et leur tint un discours ayant en face de lui la tête coupée. C’est au milieu de cette orgie de cannibales que le directeur de l’école commença aussi son discours. »

L’îlot de Makronissos fut l’un des principaux centres de torture, où passèrent au moins 50 000 personnes, brisés physiquement par la soif, la faim, la chaleur, le froid, les tortures.

Voici un extrait de ce que raconte en septembre 1947 une personne déportée à Youra, un îlot similaire :

« Les conditions de vie sont horribles. Dans un enclos entouré de fila barbelés sont placées les tentes-abris sous lesquelles nous vivons.

Durant la journée, le soleil brillant: durant la nuit, l’humidité, les scorpions et les serpents. Sur ce rocher anhydre, il n’y a pas une goutte d’eau. Un bateau de navette transporte chaque semaine 40 tonnes d’eau pour les milliers de détenus.

La nourriture est infecte, le pain est immangeable, tellement il est moisi. Celui qui ose protester est battu pendant dix jours. Nous n’avons aucune assistance médicale.

50 % des détenus souffrent de dysenterie. Le camp est dirigé par le commandant Papadimitriou et par Piastres, tous deux geôliers-chefs du camp de Pavlos Melas à Salonique. La terreur est indescriptible… »

En octobre 1947, la presse du KKE et de l’EAM furent interdits, en conséquence de quoi la réponse fut, le 24 décembre 1947, l’annonce de la formation d’un « gouvernement démocratique provisoire de la Grèce libre », avec en réaction l’interdiction du KKE et de l’EAM.

Il était clair que c’en était fini de l’option de marcher sur deux jambes et de tenter de parvenir à un compromis. La guerre civile s’était cristallisée, mais, de par l’intervention américaine, les réactionnaires avaient pris l’initiative et la tendance ne s’arrêtait pas.

=>Retour au dossier sur le KKE et la démocratie populaire

La DSE – Armée Démocratique de Grèce

La non-participation aux élections fut une erreur tactique, donnant le champ libre aux réactionnaires : le référendum sur le retour du Roi obtint 69 % de voix favorables à celui-ci, qui revint alors le 27 septembre 1946 à Athènes, accueilli triomphalement par ses partisans.

Le régime avait également auparavant annulé en mai 1946 la victoire (88%) aux élections syndicales de l’ERGAS (Ergatikos Antiphasistikos Synaspismos – Bloc ouvrier antifasciste), tout comme il avait en juin 1946 modifié la direction du syndicat GSEE, jusque-là communiste.

Jusqu’en 1947, le bilan de la répression s’élevait à 24 000 personnes assassinées, 105 exécutés par les cours martiales, 6 671 personnes grièvement blessées, 31 682 torturés, 84 931 détenus, 18 867 foyers saccagés, 577 bureaux et imprimeries mis à sac, 165 viols, 5 817 exils, 12 000 personnes envoyés en camp de concentration.

L’armée s’appuyait sur 200 000 hommes, la gendarmerie sur 25 000, la Garde nationale sur 50 000, à quoi il faut ajouter les troupes britanniques et les multiples structures armées d’extrême-droite.

Le sol se dérobait sous les pieds du KKE et la stratégie sur deux jambes de Níkos Zachariádis ne laissait plus comme perspective que le déclenchement de la lutte armée.

Les Partis Communistes de France et d’Italie considéraient que c’était une erreur, ceux d’URSS et de Bulgarie appelaient à la prudence et à la mesure dans ce processus, celui de Yougoslavie assurait son soutien.

De fait, il y avait déjà 4 650 membres de l’ELAS réfugiés en Yougoslavie, dans le village de Bulkes près de Belgrad, auparavant occupé par des immigrés allemands ayant fini par fuir en 1944.

La première action organisée fut l’attaque, par un commando partisan de 33 personnes, de la station de Litochoro, au pied du mont Olympe, qui avait connu de sévères et régulières agressions contre les activistes de gauche.

Environ mille personnes armées furent structurées, avec une montée en puissance très rapide, puisqu’en novembre il y avait déjà 5 000 membres d’une nouvelle structure militaire qui fut officiellement annoncée dans Rizopastis, l’organe du KKE, le 21 novembre 1946 : l’Armée Démocratique de Grèce (Δημοκρατικός Στρατός Ελλάδας – DSE).

Le symbole de la DSE

En février 1947, la DSE disposait déjà de 12 000 combattants et fut même en mesure de prendre la ville de Sparte, libérant 176 prisonniers enfermés dans cette ville. Quelques mois plus tard, la DSE disposera de 30 000 partisans.

Le prix politique fut cependant élevé, dans la mesure où la combinaison légale/illégale était pratiquement bricolée, le KKE ne reconnaissant pas officiellement les partisans comme étant son initiative.

Le résultat fut qu’au début de 1947, 50 % des cadres du Parti avaient été arrêtés, ainsi que 90 % des anciens officiers de l’ELAS.

Cependant, la ligne de Níkos Zachariádis était de gagner le plus de temps possible, afin de faire en sorte que l’axe politique de la DSE soit le plus large possible.

Voici justement le serment des membres la DSE, qui reflète tout à fait cette démarche de bataille pour la démocratie populaire, contre les réactionnaires, mais également avec la dimension de libération nationale face à la présence britannique :

« Moi, enfant du peuple de Grèce et combattant de l’Armée Démocratique de Grèce, je jure de me battre avec armes à la main, de donner mon sang et même ma vie pour chasser tout occupant étranger qui se trouve sur le sol de ma patrie.

Pour faire disparaître toute trace de fascisme. Pour faire disparaître et pour défendre l’indépendance nationale, l’intégrité territoriale de ma patrie. Pour garantir et défendre la démocratie, l’honneur, le travail, les biens et le progrès de notre peuple.

Je jure d’être bon, brave et soldat discipliné, d’obéir aux ordres de mes supérieurs hiérarchiques, et d’exécuter les dispositions du règlement et de garder les secrets de l’Armée démocratique de Grèce.

Je jure d’avoir une conduite exemplaire vers le peuple, promoteur et meneur de l’unité populaire et de conciliation et d’éviter chaque acte qui m’expose et me déshonore en tant qu’individu et combattant.Mon idéal est une Grèce Démocratique libre et forte et le progrès et la prospérité du peuple. Pour servir cet idéal je dispose mon arme et ma vie.

Si jamais je suis déloyal et je viole intentionnellement mon serment, que la patrie me sanctionne impitoyablement, que mon peuple me haïsse et méprise. »

Voici les propos du dirigeant de la DSE, Márkos Vafiádis, exprimés dans un discours au nom du quartier général de la DSE, définissant la nature de celle-ci :

« Il y a presque un an. les combattants du peuple qui se réfugièrent dans la montagne et qui se trouvaient isolés au début, se groupèrent en diverses unités séparées, afin d’échapper à la persécution exterminatrice de l’occupant étranger et du monarcho-fascisme. et commencèrent ainsi à former la DSE.

Le grand crime de ces combattants fut d’avoir trop aimé leur patrie et d’avoir donné, au temps de l’occupation hitléro-fasciste toutes leurs forces sans ménagement pour chasser l’occupant étranger, reconstruire leur pays, et former une nouvelle Grèce vraiment libre, indépendante ot démocratique, digne de son histoire et de son peuple.

Notre but était au début, de sauver notre vie, de protéger nos familles, nos maisons, nos biens et de combattre nos persécuteurs par les mêmes moyens qu’ils utilisaient pour notre extermination et notre ruine économique.

Nous avons toujours été convaincus et nous le sommes encore, que notre peuple dans sa majorité décisive veut la tranquillité, la réconciliation et la vie normale pour pouvoir, par sa sueur et son travail. assurer le pain quotidien de ses enfants et travailler au progrès de sa liberté.

Nous n’avons jamais rien désiré de plus que ce qui peut-être réalisé par la liberté, la démocratie, le redressement économique et la reconstruction, lorsque la paix et l’indépendance nationale sont assurées.

C’est cet idéal que nous avons proclamé dans notre Programme et c’est pour cet idéal que nous avons lutté et combattu dès le premier jour de notre existence. La réconciliation et l’apaisement furent dès le début, et continuent à l’être, notre aspiration fondamentale.

Mais le monarcho-fascisme et l’occupation étrangère répondent à tout cela par les assassinats, l’extermination générale, l’établissement d’un fascisme intégral et l’asservissement total de notre pays aux ploutocrates étrangers.

A toute proposition de réconciliation ils répondent par de nouvelles opérations de nettoyage, cherchant vainement à assurer leur domination fasciste absolue.

La Grèce, notre chère Patrie, est devenue aujourd’hui une jungle. où les cannibales du monarcho-fascime se livrent, sur les directives des étrangers, à des orgies effrénées et à des massacres sans précédent contre notre peuple.

Le dernier accord gréco-américain couronne le crime commis contre l’intégrité et l’indépendance de notre pays. contre l’honneur national.

Le mornarcho-fascisme s’est tellement avili et ses amis d’Ankara se sont enhardis à un tel point, que des unités entières de l’armée turque entrent librement et à toute heure dans le territoire grec de Thrace, préparant ainsi le terrain pour une occupation permanente de ces territoires avec la tolérance des monarcho-fascistes et la bénédiction de leurs patrons étrangers.

Ainsi, à l’état où le monarcho-fascisme nous a réduit au cours de ces dernières deux années et demie, une seule question se pose à nous et à tous les grecs.

Il ne s’agit plus d’une question individuelle, ni simplement EAM-ique ou démocratique. Il ne s’agit plus du combattant individuel qui s’est réfugié dans la montagne pour sauver sa vie.

Il s’agit maintenant de l’existence même de la Grèce. La question qui se pose aujourd’hui est la suivante: la Grèce va-t-elle exister ou non.

C’est ce dilemme qui est aujourd’hui posé par l’histoire et par la vie devant tous les grecs, devant tous ceux qui vivent dans notre pays.

Et devant chacun de nous s’ouvrent deux voies:

L’une s’appelle Honneur National. L’autre mène à la Trahison Nationale. »

=>Retour au dossier sur le KKE et la démocratie populaire

Le retour de Níkos Zachariádis en 1945

Le paradoxe du gigantesque succès du KKE avec l’EAM et l’ELAS, c’est que le théoricien de la ligne de libération nationale qui amena cela n’était plus présent depuis plusieurs années.

Arrêté en 1936 par la dictature de Ioánnis Metaxás, Níkos Zachariádis fut envoyé au camp de concentration de Dachau en 1941. Le KKE n’avait plus aucune nouvelle de lui depuis.

Grande figure historique cependant du KKE – à ce titre, Níkos Zachariádis était très connu des masses – la nouvelle de son retour, annoncée le 1er mai 1945 dans l’organe du Parti Rizospastis, provoqua une onde de choc.

Níkos Zachariádis était considéré comme le grand théoricien du KKE, celui qui avait développé la ligne juste, ce qui était systématiquement souligné dans les publications du Parti.

Avec l’échec de décembre 1944, l’espoir était d’autant plus grand. Níkos Zachariádis formula d’ailleurs tout de suite une nouvelle ligne.

Il expliqua que la Grèce était d’un côté un pays balkanique, de l’autre un pays méditerranéen. Cela signifiait, en pratique, qu’il y avait d’un côté une liaison avec des pays comme la Bulgarie et la Yougoslavie, passés dans le camp socialiste, et de l’autre une certaine dépendance envers l’impérialisme britannique qui considérait la zone comme sa chasse gardée.

Etait donc nécessaire, effectivement comme demandé par les communistes de Bulgarie avec Georgi Dimitrov au KKE, une ligne de mouvement politique de masses, c’est-à-dire une ligne adaptée au contexte d’entre-deux de la Grèce, avec la dimension balkanique et la tendance au communisme, de l’autre la présence massive de l’impérialisme britannique.

Ce dernier devait inévitablement chercher la stabilité et à moins de rayer le KKE de la carte, ce qu’il ne pouvait pas, il devait aller dans le sens de trouver un compromis. Le KKE devait donc assurer le maintien de la démocratie, que les masses voulaient, en tenant compte des limites historiques du moment.

D’ailleurs, pour lui la défaite de décembre 1944 apparaissait comme inévitable en raison de la situation de la Grèce, de par la présence britannique.

Níkos Zachariádis

Níkos Zachariádis formula cette conception dans Rizospastis le 5 juin 1945 et le jour même il rencontra l’ambassadeur anglais ; il l’affirma de nouveau à la réunion du Comité Central du KKE trois semaines plus tard.

Cependant, Níkos Zachariádis ajouta un aspect important. La réunion du Comité Central mentionna « certains cercles anglais à l’étranger » comme jouant un rôle particulièrement négatif et Níkos Zachariádis affirma même ouvertement le rôle négatif de la présence britannique, que le KKE n’avait jamais ouvertement dénoncé jusqu’à présent dans le contexte de la guerre mondiale :

« Nous pouvons dire sans exagération que les autorités militaires et politiques britanniques ne témoignent pas d’une attitude démocratique et n’amènent pas à la réalisation des traités de Varkiza et Yalta. »

De plus, la réunion du Comité Central appela à la formation généralisée de l’autodéfense autonome des masses (Μαζική Λαϊκή Αυτοάμυνα – MLA), avec des groupes organisés, des initiatives politiques, des grèves, jusqu’à la lutte armée en cas de danger.

Níkos Zachariádis tint d’ailleurs un discours à Thessalonique le 24 août 1945 où était exigé un développement normal de la politique intérieure, affirmant que la passivité devant les attaques des monarcho-fascistes finiraient par avoir une réponse armée. 

Juste auparavant, le 6 août, le KKE expliquait que dans la situation actuelle, aucune élection ne pouvait se tenir.

Il est ici significatif que l’acte constitutionnel 26, promulgué le 24 mars 1945, décidant de purger de l’administration ceux ayant collaboré avec l’occupant nazi, suive l’acte constitutionnel 25, promulgué le 22 mars 1945, décidant de purger les personnes liées à la « mutinerie du 3 décembre 1944 ».

L’acte 26 était de la poudre aux yeux pour prétendre rétablir l’ordre en général, alors que les persécutions se lançaient de manière généralisée contre les personnes liées de près ou de loin à l’EAM.

Trois mois après, en juin 1945, seulement 18 000 personnes étaient poursuivis pour faits de collaboration, 1 100 étant en prison attendant leur procès, tandis que 48 956 personnes étaient emprisonnées pour liens avec l’EAM, le chiffre doublant quelques mois plus tard.

Dans ce cadre, lors du VIIe congrès du KKE, début octobre 1945, Níkos Zachariádis critiqua de manière claire et nette les tendances considérant qu’une voie pacifique était possible, expliquant que depuis le traité de Varkiza il y avait eu une restauration de la monarcho-fascisme et que ce qui avait été possible auparavant ne l’est plus.

Impossible par conséquent de ne pas considérer que le mouvement politique de masses devait également porter en lui la question de la lutte armée si les blocages s’avéraient trop importants. Níkos Zachariádis mit en place à ce titre une Commission militaire panhéllénique.

Le lieu d’une bataille où des cadres de l’EPON résistèrent en 1944

Naturellement, la question des modalités des élections allait s’avérer primordiale. Lorsque le gouvernement annonça le 5 octobre 1945 que celles-ci se tiendraient dès le 20 janvier 1946, ce fut considéré comme inacceptable par les libéraux, les socialistes, le parti paysan et le parti progressiste, et bien entendu le KKE.

Il apparaissait pour toutes ces forces que les élections sous l’égide d’un gouvernement façonné par la Grande-Bretagne au moyen des partisans de la monarchie ne sauraient être libres.

La Grande-Bretagne lâcha du lest et permit la formation en novembre 1945 d’un gouvernement d’orientation libérale, accepté également par le KKE, tout en refusant systématiquement le remplacement des officiers monarchistes et fascistes dans l’armée et la gendarmerie par des républicains.

Devant le blocage de la situation et la continuation des actions terroristes d’extrême-droite soutenues par la Grande-Bretagne et l’appareil d’État grec, le KKE cessa en décembre son soutien au gouvernement, alors que Níkos Zachariádis fit réunir le Comité Central en janvier 1946, afin de préparer le tournant de la bataille pour l’indépendance nationale contre la Grande-Bretagne.

Níkos Zachariádis

La Commission militaire panhéllénique prépara alors des structures dans les montagnes pour des actions de partisans et l’EAM formula les points suivants pour accepter de participer aux élections : la formation d’un nouveau gouvernement avec une participation de l’EAM, le désarmement des groupes d’extrême-droite, l’amnistie pour les combattants de la résistance, une révision des listes électorales et enfin l’exclusion de l’armée, de la police et de l’administration des éléments ayant collaboré avec l’Allemagne nazie.

Devant le refus de ce compromis, le KKE boycotta les élections, ainsi que les socialistes et la gauche en général.

Sur 1 850 000 personnes pouvant voter, 743 000 s’abstinrent, le Parti Populaire et le Parti Libéral National, pro-monarchie, obtinrent 55 % des voix soit 206 sièges parlementaires, les fascistes issus de l’EDES du Parti National en eurent de leur côté 20, contre 68 pour les conservateurs de l’Union Politique Nationale et 48 pour les libéraux.

C’était un signe du retournement de situation : les pro-monarchistes du parti populaire, pro-monarchie, passaient en quelques mois d’une situation d’inexistence concrète à l’obtention de 609 000 voix.

Lors d’une réunion à Moscou en 1950, Staline critiqua la non-participation aux élections comme ayant été une erreur tactique, ce que Níkos Zachariádis reconnut.

=>Retour au dossier sur le KKE et la démocratie populaire

Les dekemvrianá et ses conséquences

Winston Churchill, le Premier ministre anglais, avait exigé lors de la conférence de Moscou en octobre 1944 un découpage en zones d’influence, suivant les modalités suivantes : Hongrie et Yougoslavie : 50%- 50%, Roumanie : 10% – 90%, Bulgarie: 25% – 75% et Grèce : 90 % – 10%.

Ces pourcentages n’ont aucune signification en soi, à part qu’ils signifiaient que l’impérialisme britannique ne tolérerait pas d’intervention ouverte de l’Armée rouge en Grèce.

Impossible pour l’URSS de ne pas accepter cela, de par la nécessité de l’alliance générale contre l’Allemagne nazie – le risque n’étant pas de ne pas battre celle-ci, mais que celle-ci réussisse un retournement d’alliance avec les États-Unis et la Grande-Bretagne dans une optique anti-soviétique.

Le KKE avait pris conscience de cet arrière-plan et à part le chef partisan Áris Velouchiótis, une tête brûlée à l’esprit aventurier qui sera exclu du KKE en 1945, il n’y avait pas l’idée d’un affrontement considéré comme impossible avec l’armée britannique.

Restait toutefois la question de l’ELAS, que le KKE refusait d’insérer dans l’armée nationale nouvelle si la même dissolution ne se produisait pas pour la 3e brigade de montagne grecque et le Bataillon sacré.

Le gouvernement d’union nationale procéda alors à l’exclusion du KKE et, en réponse, afin de faire une démonstration de force, le KKE appela à une vaste manifestation pour le 3 décembre 1944, avec une grève générale à partir du lendemain.

La réponse de l’impérialisme britannique et des forces réactionnaires fut claire et nette, avec la police qui tira sans prévenir sur les manifestants, devant les journalistes massés sur les balcons de l’hôtel Grande-Bretagne et alors que les tanks britanniques étaient aux côtés de la police.

Il y eut 28 morts et 140 blessés et même le quotidien conservateur The Times parla d’une « action fasciste ». Il apparaît que le signal fut donné par le chef de la police athénienne dans une action concertée, avec plusieurs groupes de tireurs, les tirs étant prévus pour quand la manifestation atteindrait la tombe du soldat inconnu.

En réponse, l’ELAS occupa des commissariats dans la périphérie d’Athènes et la grève du 4 décembre fut un triomphe.

Partant de quoi, le chef militaire britannique Ronald Scobie déclara l’état d’urgence, ce qui provoqua un affrontement armé, confiné à Athènes, entre l’ELAS et les forces britanniques faisant notamment venir la 4e division d’infanterie indienne d’Italie, utilisant les tanks et les avions de la Royal Air Force.

L’ELAS sous-estima l’importance de prendre l’offensive, ne prenant jamais l’initiative dans une posture uniquement défensive, en ne mobilisant pas assez ses troupes hors d’Athènes pour renforcer sa présence dans la capitale.

Aussi ce sont les forces britanniques qui prirent au fur et à mesure le dessus, alors qu’initialement, l’ELAS contrôlait les 9/10 d’Athènes.

Toutefois, l’impérialisme britannique, par ce coup de force et son refus de la démission du gouvernement, étaient allé trop loin, même aux yeux des masses britanniques. Pour cette raison, il fallut temporiser et le Premier ministre Winston Churchill vint même à Athènes pour participer à une conférence le 25 décembre.

Un cessez-le-feu fut alors mit en place ; cela revenait à une défaite de l’ELAS, qui de fait avait perdu 1/4 de ses effectifs, alors que les structures du KKE à Athènes et au Pirée, le bastion essentiel du Parti, avaient été démantelées.

L’ELAS disposait toutefois encore de six divisions avec 40 000 partisans disposant de six mois de munitions, contrôlant la moitié du territoire, un tiers de la population.

Aussi, les événements de décembre (Δεκεμβριανά, dekemvrianá), qui firent 7 000 morts, aboutirent alors au traité de Varkiza le 12 février 1945 : en échange du désarmement de l’ELAS, l’EAM pourrait librement participer aux élections et la première mettrait en place une constituante.

Une amnistie fut également prévu, mais la nature politique fut souvent éludée pour arrêter les membres de l’EAM, de l’ELAS, du KKE : sur 16 700 prisonniers en octobre 1945, 2 896 l’était pour collaboration avec l’occupant, 7 077 l’était pour des délits et des crimes, alors que 6 027 personnes étaient emprisonnées en raison des dekemvrianá.

Non seulement l’armée ne fut pas nettoyée de ses officiers liés à l’extrême-droite comme le prévoyait le traité de Varkiza, mais au contraire même elle s’ouvrit de manière résolue aux cadres monarchistes, fascistes, etc.

De plus, si l’ELAS avait remis notamment pratiquement 49 000 fusils et pistolets, une centaine de pièces d’artillerie, 713 armes automatiques, etc., tout en conservant cependant 20 000 armes de manière clandestine, toutes les forces réactionnaires furent toujours plus appuyées par les forces britanniques pour lancer une vaste opération de terreur blanche.

La gendarmerie et la garde nationale, les forces de sécurité gouvernementales, l’organisation X, les bataillons de sécurité ayant collaboré avec l’Allemagne nazie, etc., toutes ces forces s’unirent dans une grande opération d’arrestations, de torture, de meurtre, dans tout le pays.

Entre février 1945 et mars 1946, l’EAM dut subir la mort de 1289 activistes, alors que 6 671 autres avaient été blessés, 31 632 torturés, 8624 emprisonnés, 165 femmes violées. 677 bureaux de l’EAM avaient été fermés.

Voici par exemple ce qu’on lit dans une note adressée au Premier Ministre Voulgaris le 5 juin 1945, écrite par les les chefs politiques du Centre, à savoir les anciens présidents du Conseil Themistoklis Sofoulis, Georgios Kafandaris, Emmanuel Tsoudéros et Nikólaos Plastiras.

« La terreur instaurée après les événements de décembre par l’extrême droite, dans tout le pays, s’amplifie tous les jours. Elle a pris un développement et une étendue qui rendent impossible la vie des citoyens non-royalistes et excluent méme la pensée qu’on puisse procéder à un plébiscite libre ou à des élections.

Les organisations terroristes de l’extrême droite, dont les principales avaient été années en partie par les Allemands et avaient de toutes les manières collaboré avec eux, non seulement ne furent pas désarmées, non seulement ne sont pas poursuivies, mais encore collaborent ouvertement avec les agents de l’ordre en vue d’étouffer complètement toute pensée démocratique. »

Dans certains cas, les armes remises par l’ELAS aboutirent même dans leurs mains et à cela s’ajouta la justice du nouvel État soumis à l’impérialisme britannique : en 1945, ce sont officiellement 48 956 personnes qui furent poursuivis pénalement.

Dans ce climat, le KKE ne put rassembler que 40 000 personnes le premier mai 1945.

A cela s’ajoute un élément essentiel : si les socialistes avaient maintenu leur soutien à l’EAM lors des dekemvrianá, la situation leur apparaissait désormais comme intenable et ils prirent leur autonomie complète en avril 1945, en unifiant leurs différentes structures.

L’échec de décembre 1944 avait provoqué une année de 1945 catastrophique pour le KKE, alors que la victoire sur l’Allemagne nazie était scellée.

Le bilan était, par ailleurs terrible. L’occupation nazie avait amené la mort de 260 000 personnes en raison de la famine, 70 000 tués par l’occupant, 60 000 morts en déportation, 15 000 morts au front en 1940 et en 1941, 6 000 partisans étaient morts au combat alors que 70 000 autres étaient blessés, 300 000 personnes étant des réfugiés, 500 000 des sans abris.

70% des ponts étaient détruits, ainsi que 65% des véhicules motorisés ; la production agricole avait chuté de 50%, 95% des voies ferrés étaient endommagées.

=>Retour au dossier sur le KKE et la démocratie populaire

Le KKE, l’EAM et l’ELAS face à l’impérialisme britannique

Si le KKE avait l’initiative jusque-là, la présence britannique allait se révéler être un énorme un obstacle. Cette question allait être au cœur du positionnement du KKE et la source de la guerre civile.

Quelles sont les raisons à cela ? Déjà, parce que cela signifiait à court terme une reformation de l’EDES, qui put mener une dernière contre-offensive en janvier 1944, ce qui provoqua immédiatement une réponse acharnée de l’ELAS.

Ensuite, parce que l’impérialisme britannique s’était placé au centre des négociations entre l’ELAS, l’EKKA et l’EDES.

Enfin, parce qu’avec ce positionnement, l’impérialisme britannique appuyait tout azimut les initiatives anti-communistes, récupérant toutes les forces possibles, même celles ayant été auparavant des fervents soutiens de l’Allemagne nazie.

Affiche de l’EPON, l’organisation panhellénique
unifiée de la jeunesse, membre de l’EAM

C’est-à-dire que l’impérialisme britannique avait comme objectif de réinstaurer la monarchie et de s’appuyer sur les forces d’extrême-droite les plus agressives, ainsi que sur les partis bourgeois traditionnels, pour liquider le KKE présenté comme la menace la plus grande.

Et que, de l’autre côté, le KKE pensait se sortir de cette situation en assumant la position d’avant-garde républicaine, en s’appuyant sur le mouvement de masses, tout en sachant que la question militaire était essentielle.

Les deux camps allaient placer leurs pions pendant l’année 1944, jusqu’à un mois de décembre qui s’avérera décisif pour l’avenir.

Initialement, afin d’aller de l’avant, le KKE décida en mars 1944 de générer le PEEA (Πολιτική Επιτροπή Εθνικής Απελευθέρωσης – Comité politique de la libération nationale) comme gouvernement portant les exigences de l’EAM.

Le KKE ne disposait que d’un membre sur les 10 du gouvernement, néanmoins il s’agissait du ministre de l’intérieur et, en plus de cela, le ministre de la guerre, le général Manolis Mandakas, lui était lié.

Le PEEA fut un franc succès et en avril 1944 se tinrent des élections, ouvertes aux femmes, auxquelles participèrent un million de personnes, élisant 180 délégués se réunissant en mai 1944 en tant que parlement.

L’impact fut si grand que l’Armée britannique fut forcée de dissoudre par la force les deux brigades grecques présentes en exil en Égypte, internant 10 000 soldats et officiers, afin d’empêcher une jonction générale entre ces forces pro-EAM et le PEEA.

Cette dissolution jouera un rôle capital par la suite. Ces forces allaient manquer cruellement à l’EAM, alors ne subsistaient plus que deux forces intégralement dirigées par des officiers pro-royalistes et encadrées par les forces armées britanniques : la 3e brigade de montagne grecque qui participa notamment à la bataille de Rimini en Italie et le Bataillon sacré qui lutta notamment en Libye.

En plus de cela, il y avait l’organisation X, structure d’extrême-droite supervisée par les forces britanniques et récupérant du matériel militaire allemand, dans l’unique optique de combattre l’ELAS.

A cela s’ajoute aussi le soutien britannique à l’EKKA, qui mena une politique toujours plus provocatrice et agressive envers l’ELAS, ce qui aboutit à un affrontement et la liquidation militaire de l’EKKA par l’ELAS, notamment de sa principale unité le régiment 5/42, dont le dirigeant Dimitrios Psarros fut exécuté.

L’impérialisme britannique jeta alors toutes ses forces dans une grande conférence au Liban en mai 1944, rassemblant toutes les forces politiques grecques, où le KKE, l’EAM, l’ELAS et le PEEA se retrouvèrent pratiquement sur le banc des accusés.

La délégation du KKE ne voulut pas pour autant que les communistes soient considérés comme à l’origine de l’échec de la conférence et prirent par conséquent une ligne de compromis, qui fut toutefois considérée ensuite comme une ligne de compromission par la direction et la base du KKE.

En conséquence de quoi, le camp monarchiste lié à l’impérialisme britannique fut entièrement rejeté dans la propagande de l’EAM ; il fut choisi de liquider entièrement les derniers restes de l’EDES également remis en place par l’impérialisme britannique.

Celles se situaient, de fait, dans des zones contrôlées par l’Allemagne nazie dans une situation de coexistence pacifique. On lit ici parfaitement le double jeu des forces réactionnaires grecques, cessant aisément le combat anti-nazi selon les opportunités.

L’année 1944 fut également marqué, du côté du KKE, par un contact enfin pris avec l’URSS, qui commença toute une joute diplomatique avec l’impérialisme britannique, à qui elle finit par annoncer en août 1944 l’envoi d’une mission militaire en Grèce.

L’opération fut menée secrètement en juillet 1944, avec un avion partant pour un « exercice » depuis la base anglo-américaine de Bari en Italie pour aller chercher dix officiers soviétiques en Yougoslavie, deux sautant en parachute sur la Macédoine, les autres étant amenés en Thessalie.

L’intervention de l’URSS permit un compromis général, le KKE et l’EAM acceptant finalement les résultats de la conférence au Liban et entrant de manière minoritaire dans un gouvernement national.

Le KKE considérait que ce compromis lui permettait de se positionner positivement sur le plan politique, alors que de toutes façons il avait désormais au moins 250 000 membres, que l’EAM s’appuyait sur plus de 1,5 million de personnes, que l’ELAS disposait de 50 000 membres, plus 20 000 réservistes.

Tout alla cependant très vite, dans la mesure où les victoires de l’armée rouge en Roumanie et en Bulgarie forcèrent l’armée allemande à quitter la Grèce à partir de la fin août 1944.

Il fallait soit prendre le pouvoir directement – ce qui était militairement tout à fait possible à court terme, mais politiquement hautement risqué surtout avec l’image d’un affrontement avec l’armée britannique, membre des Alliés – soit passer cette opportunité historique et attendre les résultats de la participation au gouvernement d’union nationale.

Par conséquent, le PEEA procéda à sa dissolution en novembre 1944, ce qui amena au premier plan la question de la nature de la démilitarisation de l’ELAS.

=>Retour au dossier sur le KKE et la démocratie populaire

La formation de l’ELAS

L’opposition à l’occupation prit en Grèce rapidement un large aspect populaire, comme en témoigne la vague de grèves et de rassemblements à Athènes à la fin d’octobre 1941.

Affiche de l’EAM
contre l’invasion bulgare

L’EAM, bien que très faible dans certaines zones, organisait notamment des cuisines populaires pour faire face à la famine ; cela restait embryonnaire, mais une dynamique s’affirmait.

Cela aboutit notamment à la vaste grève à Athènes à l’été 1942, à laquelle participèrent les ouvriers d’une usine de caoutchouc pour l’Armée allemande, ceux du port, ceux des tramways et de la production d’électricité, des assurances, de quelques banques, des postes et télécommunications, etc.

Il y eut de nombreuses condamnations à mort, mais la vague athénienne était irrépressible : 40 000 personnes manifestèrent en décembre 1942, prenant d’assaut le ministère du travail ; en février 1943, 100 000 personnes protestèrent contre la famine, le 3 mars 200 000 contre les déportations de travailleurs vers l’Allemagne, le 25 mars 300 000 pour saluer le jour de l’indépendance nationale.

Une grève générale fut menée en juin 1943 en réponse à l’exécution d’otages par l’Armée allemande ; les cadres de l’EAM prenaient la parole en apparaissant subitement dans les cinémas, au théâtre, les magasins, en tenant des petits meetings improvisés, disparaissant rapidement, couverts par les gens présents.

Le KKE savait que la lutte armée était inévitable s’il assumait sa stratégie et il entama un processus devant aboutir à une vaste formation de guérilla afin d’accompagner la progression de l’EAM.

Celle-ci, une fois réorganisée à l’initiative du KKE, de manière plus centralisée, fut en mesure de généraliser les comités locaux, jusque dans les campagnes; à la fin de 1943, chaque localité avait pratiquement son comité local.

Des expériences armées négatives purent être évaluées : la section de Macédoine, opérant de manière autonome, organisa des brigades de partisans à Nigrita et Kilkis, puis établit une organisation armée, Ελευθερία (Liberté), avec des officiers républicains, mais l’armée allemande fut rapidement en mesure d’écraser cette tentative, tout comme l’armée bulgare à Drama en Macédoine orientale.

Le KKE organisa ainsi tout d’abord un centre militaire de la résistance, pour appeler en février 1942 à la formation de l’ELAS (Ελληνικός Λαϊκός Απελευθερωτικός Στρατός – Armée Grecque de Libération Populaire), qui commença effectivement ses opérations en juin 1942.

Il existait différentes formations proches du principe de lutte armée, mais n’osant pas passer le pas de manière autonome. Il y avait ainsi des officiers républicains à Athènes organisés dans l’EDES (Εθνικός Δημοκρατικός Ελληνικός – Ligue Nationale Démocratique Grecque), ainsi qu’une structure similaire, l’EKKA (Εθνική και Κοινωνική Απελευθέρωσις – Libération Nationale et Sociale).

L’EDES ne commença ses opérations qu’à l’été 1942 avec ses OEOA (Εθνικές Ομάδες Ελλήνων Ανταρτών – Groupes Nationaux des Partisans Grecs) et l’EKKA lors de l’hiver 1942, et encore cela fut-il fait sous la pression de l’impérialisme anglais, et en pratique en réponse aux initiatives de l’ELAS.

De ce fait, il y eut véritablement une seule opération commune de l’ELAS et de l’EDES, soutenue par des saboteurs anglais, amenant la destruction du vaste viaduc de chemin de fer sur la rivière Gorgopotamos.

Et encore cette opération fut menée alors que les Anglais ne voulaient en aucun cas travailler avec l’ELAS : ils n’eurent pas le choix, en raison de la faiblesse de l’EDES. A l’opération elle-même participèrent 52 membres de l’EDES et 86 de l’ELAS, dans un terrain d’opération de l’ELAS.

La radio britannique, à l’annonce de l’opération, passa sous silence le rôle de l’ELAS ; fut même établie en Grèce une mission militaire britannique, cherchant à phagocyter la résistance. L’ironie de l’histoire que son dirigeant échappa à son arrestation grâce à l’EAM pourtant.

Très rapidement, l’impérialisme anglais appuya donc l’EDES et l’EKKA contre l’ELAS, alors que celle-ci progressait sans commune mesure. Les campagnes de la zone italienne étaient pratiquement sous contrôle en 1943, et déjà des villes furent en mesure d’être temporairement libérées.

Seule l’ELAS étaient présente dans tout le pays, alors que l’EDES n’agissait qu’en Epire, l’EKKA dans le Parnasse seulement, et désormais le PAO (Organisation pangrecque de libération) en Macédoine.

L’ELAS passa également en 1943 d’une structure décentralisée d’unités de partisans à une hiérarchie régulière, avec des brigades, compagnies, régiments, divisions, avec un quartier-général dans le petit village montagnard de Pertouli.

La sub-division de la direction du quartier-général fut reproduite à tous les échelles, avec à chaque fois un responsable militaire, un responsable politique de l’EAM, un responsable de l’approvisionnement et de la formation de la base.

A l’automne 1943, l’ELAS est composée de 35 000 membres armés, plus une réserve de 30 000 personnes en attente en raison du manque de matériel.

Dans toute une série de villages, un nouveau pouvoir est organisé, sur une base populaire, sur le modèle de l’expérience faite dans la région de l’Eurytanie, avec toute une codification juridique s’approfondissant toujours plus au moyen de commissions juridiques, à Athènes de l’EAM et issue d’Eurytanie, visant à renforcer l’organisation de la justice populaire.

Même l’EDES et l’EKKA furent obligés de céder devant cette tendance, uniquement verbalement pour la première formation toutefois.

Ce qui est frappant dans tout ce processus, c’est que le KKE n’a, à ce stade, toujours pas établi de lien avec l’URSS : il défend la même ligne, mais l’a établie seul et sait défendre son autonomie face à la mission militaire britannique tentant d’en prendre le contrôle, arrachant à celle-ci un accord militaire, ainsi qu’une réunion à la centrale générale anglaise au Proche-Orient, au Caire.

Néanmoins, l’appui américain à l’impérialisme britannique fit échouer toute tentative de conciliation : pour ces deux forces, il s’agissait de rétablir la monarchie et de gagner du temps pour briser l’EAM et l’ELAS.

L’ELAS dut affronter par ailleurs deux nouvelles forces à partir de 1943 : d’un côté, les bataillons de sécurité (Τάγματα Ασφαλείας) composés de 22 000 collaborateurs grecs servant l’Allemagne nazie qui enrôla ces forces pour faire face à l’abandon de la part de l’Italie, mais également des unités militaires royalistes tolérées par les forces d’occupation et attaquant exclusivement l’ELAS.

De plus, l’EDES – qui initialement avait été porté par des sections socialistes, même si opposées au KKE – était rejointe massivement par des monarchistes à la même période, qui parvinrent même à contrôler la direction athénienne et établirent des rapports avec l’occupant nazi.

La conséquence en fut des affrontements EDES/ELAS et la décision, de la part de l’ELAS, de liquider l’EDES. L’ELAS profita du départ des troupes italiennes, présentes notamment dans les territoires où elle était active, pour récupérer du matériel et redisposer ses forces.

L’offensive anti-ELAS commença le 9 octobre 1943, interrompue à la fin du mois par une contre-offensive allemande de trois semaines. Toutefois, début décembre l’EDES avait été pratiquement anéantie, et le 14 décembre 1943, l’EAM appela à la formation d’un gouvernement d’union nationale.

=>Retour au dossier sur le KKE et la démocratie populaire

La formation de l’EAM – Front de Libération Nationale de la Grèce

Le coup d’État d’août 1936 porta un coup terrible au KKE : 1 000 membres furent arrêtés, les archives du bureau politique furent découvertes par les services secrets et l’organisation clandestine démantelée, alors que 150 membres furent encore arrêtés en 1938.

A la fin novembre 1939, l’ensemble du Comité Central de 1935 était en prison. Le régime pratiqua l’isolement et la torture, encourageant à des formes ouvertes de repentir, avec publications dans la presse, etc. Il mit même en place une fausse organisation du KKE se posant comme « direction provisoire » afin de saboter la reconstitution organisationnelle illégale du KKE.

Ce dernier resta donc faible, avec environ 200 activistes en 1940, alors qu’au même moment il avait 2000 de ses membres dans les prisons ou placés en exil dans des îles par le régime.

L’offensive italienne contre la Grèce changea entièrement la donne.

L’offensive italienne immédiatement suivie d’une contre-attaque grecque réussie, de fin octobre à mi-novembre 1940
La contre-offensive grecque
de fin novembre 1940 jusqu’à avril 1941

L’indépendance de la Grèce même étant menacée, il y avait une marge de manœuvre et Níkos Zachariádis en profita, avec une lettre ouverte au peuple grec, le 31 octobre 1940, qui fut publiée par la presse quotidienne d’Athènes le 2 novembre.

L’aspect principal était l’agression de l’Italie fasciste, il fallait par conséquent l’unité nationale. Voici le contenu de la lettre :

« Le fascisme de Mussolini a de manière meurtrière et impudente planté un couteau dans le dos de la Grèce afin de la soumettre et de la mettre en esclavage.

Aujourd’hui, tous les Grecs luttent pour la liberté, pour l’honneur, pour notre indépendance nationale.

La lutte va être très difficile et très dure. Mais une nation qui veut vivre doit combattre, méprisant les dangers et les sacrifices.

Le peuple de Grèce mène aujourd’hui une guerre de libération nationale contre le fascisme de Mussolini.

Aux côtés du front, chaque pierre, chaque ravin, chaque village, maison villageoise par maison villageoise, chaque ville, doit devenir une forteresse de la lutte de libération nationale.

Chaque agent du fascisme doit être détruit sans pitié. Nous devons donner toute notre force, sans réserve, dans cette guerre dirigée par le gouvernement Metaxás.

La récompense et le couronnement pour le peuple travailleur dans la guerre présente devra être et sera une nouvelle Grèce du travail, de la liberté, libérée de toute dépendance impérialiste étrangère. Avec une véritable culture populaire.

Tout pour la lutte, chacun à sa place et la victoire sera la victoire de la Grèce et de son peuple. Les ouvriers du monde entier sont à nos côtés.

Athènes, le 31 octobre 1940

Níkos Zachariádis, secrétaire du Comité Central du KKE »

Ce positionnement tablait sur le fait que le mouvement d’opposition à l’invasion portait en lui, nécessairement, un aspect démocratique qui pourrait triompher et qui était incontournable. La situation permettait de faire reculer Ioánnis Metaxás, obligé de reconnaître le KKE au moins partiellement par l’acceptation de la parution de la lettre ouverte au peuple grec, ainsi que de relancer le processus révolutionnaire.

C’était un coup de maître, incompris par une partie de la base du KKE, qui fut alors paralysée pour un temps. Mais le plan stratégique était posé : Níkos Zachariádis avait bien synthétisé la situation et sa pensée correspondait aux exigences de l’époque.

Níkos Zachariádis

Initialement, la Grèce fut en mesure de battre l’Italie en 1940, réduisant en poussière les prétentions de Benito Mussolini. L’armée grecque repoussa l’armée italienne qui avait attaqué par l’Albanie jusqu’à soixante kilomètres au-delà de la frontière ; pendant seize mois, 27 divisions italiennes bien mieux équipées furent mises en échec par 16 divisions grecques.

Toutefois, comme Níkos Zachariádis le constata dans deux autres lettres ouvertes qui ne furent pas publiées en raison de la censure, ainsi que dans une longue lettre au KKE, l’armée grecque avait un esprit offensif qui en réalité servait les intérêts anglais et était en décalage total avec les intérêts grecs.

La conséquence de cette situation trop périlleuse pour l’Italie fut d’ailleurs que les troupes allemandes vinrent à la rescousse en 1941 à partir du 6 avril 1941 ; le 27 avril, elles occupaient déjà Athènes. Le gouvernement royaliste s’enfuit en Crète, puis au Caire ; le pays fut découpé en morceaux par l’Italie fasciste, l’Allemagne nazie et son allié bulgare.

L’Allemagne nazie contrôlait Athènes, Thessalonique et tout l’arrière-pays, ainsi qu’une partie de la Crète et de nombreuses îles. La Bulgarie annexa la Macédoine et la Thrace occidentale, perdus lors de la guerre balkanique de 1913. Tout le reste du pays était occupé par l’Italie.

Pendant le court laps de temps où la confusion prédominait, une partie des prisonniers politiques put s’enfuir et le KKE se réorganisa, ce qui passa par la mise au pas de directions parallèles et la republication, clandestinement, de l’organe du Parti, Rizospastis (Ριζοσπάστης, Le Radical).

Quant à la ligne, elle fut immédiatement celle de Níkos Zachariádis, c’est-à-dire la guerre antifasciste de libération nationale. Ce fut toutefois Georgios Siantos qui devint le grand dirigeant du KKE, Níkos Zachariádis ayant été envoyé au camp de concentration de Dachau par l’Allemagne nazie.

L’une des premières étapes du succès fut, dès 1941, l’unification des forces syndicales au sein de l’EEAM (Εργατικό Εθνικό Απελευθερωτικό Μέτωπο, Front Ouvrier de Libération Nationale), dont le dirigeant fut un cadre du KKE.

L’EEAM se donnait comme tâches la défense des revendications économiques quotidiennes, des droits syndicaux, le soutien au mouvement de libération nationale et le rassemblement de toutes les forces de gauche dans la perspective de l’établissement d’un programme commun une fois la libération obtenue.

C’était là une ligne tout à fait conforme au principe de Front populaire, aboutissant à une démocratie populaire.

Dans la foulée, le KKE appela à la formation de l’EAM (Εθνικό Απελευθερωτικό Μέτωπο – Front de libération nationale), ce qui se réalisa le 27 septembre 1941 avec, aux côtés du KKE, le Parti Socialiste de Grèce, l’Union Socialiste pour la Démocratie populaire, le Parti Agraire.

=>Retour au dossier sur le KKE et la démocratie populaire

L’arrière-plan historique de la lutte du KKE

L’histoire politique de la Grèce est marquée par la tentative de réaliser la « Grande Idée » et son échec avec la « grande catastrophe », c’est-à-dire que l’opposition à la domination ottomane réalisée par l’instauration d’une monarchie en 1832 s’est prolongée en un nationalisme ouvertement expansionniste, qui se brisa toutefois face à la Turquie.

Au cours de ce processus, la Grèce put s’agrandir initialement, à la suite de la guerre balkanique de 1912-1913, sa population passant de 2,8 à 5 millions de personnes.

Mais la Première Guerre mondiale et ses conséquences, avec l’apparition de la Turquie, eut comme résultat une défaite militaire complète en 1922, l’échange de population, avec un million et demi de chrétiens quittant l’Anatolie et la Thrace orientale (et 388 000 Turcs la Macédoine), provoquant un procès en Grèce contre les prétendus responsables de la défaite (le « procès des six », avec la condamnation à mort de cinq ministres et du chef de l’armée en Asie mineure), puis même l’effondrement de la monarchie en mars 1924.

La grande figure historique du nationalisme libéral est alors Elefthérios Venizélos.

Elefthérios Venizélos (1864-1936)

Toutefois, le traumatisme de la perte de la présence grecque en Asie mineure, datant de 3000 ans, fut profond dans la société grecque ; à cela s’ajoute la perpétuelle agitation conservatrice, pro-monarchie.

Aussi, le climat fut délétère dès le départ pour la jeune république : de 1924 à 1928, le pays connut trois élections, neuf tentatives de coup d’État, deux dictatures militaires.

Une loi de 1929 interdit également l’appel à manifester et à faire grève, ainsi que toute critique ouverte du régime.

Une réforme agraire fut en mesure d’affaiblir les grands propriétaires terriens, mais elle se fit uniquement au profit des réfugiés d’Asie mineure et ne permit pas non plus aux petits paysans d’avoir un niveau de vie suffisant pour s’en sortir.

Les forces royalistes reprenant le dessus dans ce contexte et gagnant aux élections du 5 mars 1933, le général Nikólaos Plastíras tenta alors immédiatement un coup d’État pro-républicain, mais son échec amena la liquidation des cadres militaires républicains, avec le retour des officiers royalistes mis de côté en 1922.

Nikólaos Plastíras

Un autre coup d’État de ce type échoua en 1935, suivi d’un autre coup d’État pro-royaliste, la monarchie étant instaurée dès novembre 1935, avec un plébiscite officiel de 97 % des voix.

Le Parti Communiste de Grèce, le KKE, apparut au cours de ce processus, comme force antifasciste.

Son origine est la suivante : en novembre 1918 s’était fondé au Pirée un Parti Socialiste Ouvrier de Grèce (SEKE – Sosialistikó Ergatikó Kómma Elládas), se donnant comme objectif le renversement du régime. Au même moment s’était formée à Athènes une Confédération Générale des Travailleurs Grecs (GSEE), représentant 60 000 travailleurs.

Les débuts du mouvement communiste en Grèce

Le SEKE se rapprocha toujours davantage de l’Internationale Communiste, rejoignant en janvier 1920 ses sections bulgare et yougoslave dans une Union Communiste Balkanique, y adhérant officiellement en 1920 en tant que SEKE – communiste.

Au second congrès de la GSEE, en septembre 1920, le SEKE – communiste fut alors la force dominante et si elle n’avait que 2 000 membres, mais obtint également 100 000 voix aux élections de novembre 1920.

Il se bolchevisa et prit finalement le nom de Parti Communiste de Grèce – section grecque de l’Internationale Communiste (KKE/ETKD – Κομμουνιστικό Κόμμα Ελλάδας / Ελληνικό Τμήμα Κομμουνιστικής Διεθνούς).

Les débuts furent très difficiles : il ne fit que 1,48 % aux élections de 1928, n’étant en mesure que de rassembler que 150 personnes le premier mai 1931 à Athènes. Néanmoins, sous l’impulsion de l’Internationale Communiste, Níkos Zachariádis prit à partir de décembre 1931 la direction du KKE et l’amena sur une ligne révolutionnaire.

Le premier résultat fut un résultat d’un peu moins de respectivement 4,97 % et 4,64 % aux élections de septembre 1932 et de mars 1933, avec le Front Uni des Ouvriers, Paysans et Réfugiés.

Si la moitié du KKE était composée de paysans, comptant 1500 membres en 1931, 6000 en 1934, 17500 en 1936, il n’obtenait pas plus de 1 % électoralement dans les campagnes, alors qu’il faisait pratiquement 10 % à Athènes, plus de 8,5 % au Pirée, plus de 20 % à Volos, plus de 15 % à Larissa.

Le KKE ne fut pas en mesure d’établir un front d’unité antifasciste comme il le demanda en septembre 1934, cependant le 5 octobre 1934 un document antifasciste commun face à la menace de coup d’État fut signé par le KKE, le Parti socialiste, le Parti paysan, le Parti ouvrier social-démocrate, la Confédération Générale des Travailleurs Grecs (GSEE), le syndicat EGSEE lié au KKE comme scission syndicale de 1929, les syndicats ouvriers indépendants.

Un rassemblement populaire en 1934

Aucun progrès ne fut toutefois réalisé, les socialistes soutenant le coup d’État de mars 1935, le KKE s’y opposant. Aussi, le KKE mena à partir d’avril 1935 une intense propagande pour le Front populaire antifasciste, avec comme exigences notamment la séparation de l’Église et de l’État, l’abolition de l’état d’urgence, le droit de vote des femmes, la tenue d’élections libres aboutissant à une constituante, la journée de huit heures, l’assurance-chômage, la confiscation des grandes propriétés terriennes, ainsi que, par la suite, la lutte contre le danger de guerre.

Les résultats élecotraux furent de 9,8 % en juin 1935, puis, aux élections de janvier 1936, de 5,76 % des voix avec le Laiko Metopo, le Front populaire, soit 15 députés au parlement, tous communistes de par le peu d’ampleur organisationnel du front en question.

Le KKE apparut cependant comme force capable de faire basculer la victoire et le Parti libéral se tourna vers lui afin de soutenir la nomination de son premier ministre. Le KKE accepta, mais le roi refusa de nommer un premier ministre soutenu par les communistes.

Le KKE fut, durant cette période, en mesure d’organiser 334 grèves, auxquelles participèrent 190 000 travailleurs ; des combats de rue se déroulèrent même à Thessalonique.

L’armée à cheval, l’épée à la main contre les grévistes

Un candidat apolitique à ce poste mourant entre-temps, c’est finalement l’ultra-réactionnaire Ioánnis Metaxás qui devient premier ministre en 1936, dans une ambiance de coup d’État, qui se réalisa de fait le 4 août face à l’agitation sociale.

Ioánnis Metaxás mit en place un régime fasciste prétendant prendre Sparte comme modèle, alors que le théoricien du régime, Theologos Nikoloudis, expliquait qu’il y avait trois empires grecs : l’âge d’or avec Périclès, l’empire byzantin et désormais le nouveau régime.

Ioánnis Metaxás prend le pouvoir en Grèce

Le régime se maintiendra jusqu’en 1941 et l’effondrement sous la pression expansionniste de l’Italie fasciste alliée à l’Allemagne nazie, deux régimes servant pourtant pratiquement de modèle à Ioánnis Metaxás.

=>Retour au dossier sur le KKE et la démocratie populaire

Thèses pour la propagande parmi les femmes au troisième congrès de l’Internationale Communiste

Thèses pour la propagande parmi les femmes

PRINCIPES GÉNÉRAUX

1. Le 3° Congrès de l’Internationale Communiste, conjointement avec la 2° Conférence Internationale des Femmes Communistes, confirme l’opinion du 1° et du 2° Congrès relativement à la nécessité pour tous les partis communistes d’Occident et d’Orient de renforcer le travail parmi le prolétariat féminin, et en particulier l’éducation communiste des grandes masses des ouvrières qu’il faut entraîner dans la lutte pour le pouvoir des soviets ou pour l’organisation de la République Ouvrière Soviétique.

Pour la classe ouvrière du monde entier et par conséquent pour les ouvrières, la question de la dictature du prolétariat devient primordiale.

L’économie capitaliste se trouve dans une impasse. Les forces productives ne peuvent plus se développer dans le cadre du régime capitaliste. L’impuissance de la bourgeoisie à faire renaître l’industrie, la misère grandissante des masses laborieuses, le développement de la spéculation, la décomposition de la production, le chômage, l’instabilité des prix, la cherté de la vie disproportionnée aux salaires, provoquent une recrudescence de la lutte de classes dans tous les pays.

Dans cette lutte, Il est surtout question de savoir qui doit organiser la production d’une poignée de bourgeois et d’exploiteurs, sur les bases du capitalisme et de la propriété privée, ou de la classe des vrais producteurs, sur la base communiste.

La nouvelle classe montante, la classe des vrais producteurs, doit, conformément aux lois du développement économique, prendre en mains l’appareil de production et créer les nouvelles formes économiques. C’est ainsi seulement qu’on pourra donner leur développement maximum aux forces productrices que l’anarchie de la production capitaliste empêche de donner tout le rendement dont elles sont capables.

Tant que le pouvoir est entre les mains de la classe bourgeoise, le prolétariat est impuissant à rétablir la production.

Aucune réforme, aucune mesure, proposées par les gouvernements démocratiques ou socialistes des pays bourgeois ne seront capables de sauver la situation et d’alléger les souffrances insurmontables des ouvriers, car ces souffrances sont un effet naturel de la ruine du système économique capitaliste et persisteront tant que le pouvoir sera entre les mains de la bourgeoisie. Seule la conquête du pouvoir par le prolétariat permettra à la classe ouvrière de s’emparer des moyens de production et de s’assurer ainsi la possibilité de rétablir l’économie dans son propre intérêt.

Pour avancer l’heure de la rencontre décisive du prolétariat avec le monde bourgeois expirant, la classe ouvrière doit se conformer à la tactique ferme et intransigeante préconisée par là troisième Internationale. La réalisation de la dictature du prolétariat doit être à l’ordre du jour. C’est là le but qui doit définir les méthodes d’action et la ligne de conduite du prolétariat des deux sexes.

Partant du point de vue que la lutte pour la dictature du prolétariat est à l’ordre du jour du prolétariat de tous les Etats capitalistes et que la construction du communisme est la tâche actuelle dans les pays où la dictature est déjà entre les mains des ouvriers, le 3° Congrès de l’Internationale Communiste déclare que, aussi bien la conquête du pouvoir par le prolétariat que la réalisation du communisme dans les pays qui ont déjà renversé l’oppression bourgeoise ne sauraient être accomplies sans l’appui actif de la masse du prolétariat et du demi-prolétariat féminin.

D’autre part le Congrès attire une fois de plus l’attention des femmes sur le fait que sans l’appui des Partis Communistes, les initiatives ayant pour but la libération de la femme, la reconnaissance de son égalité personnelle complète et son affranchissement véritable ne sont pas réalisables.

2. L’intérêt de la classe ouvrière exige en ce moment avec une force particulière l’entrée des femmes dans les rangs organisés du prolétariat combattant pour le communisme ; il l’exige dans la mesure où la ruine économique mondiale devient de plus en plus intense et intolérable pour toute la population pauvre des villes et des campagnes et dans la mesure où, devant la classe ouvrière des pays bourgeois capitalistes, la révolution sociale s’impose inévitablement, tandis que devant le peuple laborieux de la Russie Soviétique se dresse la tâche de reconstruire l’économie nationale sur de nouvelles bases communistes. Ces deux tâches seront d’autant plus facilement réalisées que les femmes y prendront une part plus active, plus consciente et plus volontaire.

3. Partout où la question de la conquête du pouvoir surgit directement, les partis communistes doivent savoir apprécier le grand danger que présente dans la révolution les masses inertes des ouvrières non entraînées dans le mouvement des ménagères, des employées, des paysannes non affranchies des conceptions bourgeoises, de l’Eglise et des préjugés, et non rattachées par un lien quelconque au grand mouvement de libération qu’est le communisme.

Les masses féminines de l’Orient et de l’Occident non entraînées dans ce mouvement constituent inévitablement un appui pour la bourgeoisie, et un objet pour sa propagande contre-révolutionnaire. L’expérience de la révolution hongroise, au cours de laquelle l’inconscience des masses féminines a joué un si triste rôle, doit servir d’avertissement au prolétariat des pays arriérés entrant dans la voie de la révolution sociale.

La pratique de la République Soviétique a montré à l’œuvre combien est essentielle la participation de l’ouvrière et de la paysanne tant à la défense de la République pendant la guerre civile que dans tous les domaines de l’organisation soviétique. On sait l’importance du rôle que les ouvrières et les paysannes ont déjà joué dans la République Soviétique, dans l’organisation de la défense, dans le renforcement de l’arrière, dans la lutte contre la désertion et contre toutes les formes de la contre-révolution, du sabotage. etc.

L’expérience de la République Ouvrière doit être apprise et utilisée dans les autres pays.

De tout ce que nous venons de dire résulte la tâche immédiate des Partis Communistes : étendre l’influence du Parti et du communisme aux vastes couches de la population féminine de leur pays, au moyen d’un organe spécial fonctionnant à l’intérieur du Parti et de méthodes particulières permettant d’aborder plus facilement les femmes pour les soustraire à l’influence des conceptions bourgeoises et à l’action des partis coalitionnistes, pour en faire de véritables combattantes pour l’affranchissement total de la femme.

4. En imposant aux Partis Communistes d’Occident et d’Orient la tâche immédiate de renforcer le travail du Parti parmi le prolétariat féminin, le 3° Congrès de l’Internationale Communiste montre en même temps aux ouvriers du monde entier que leur affranchissement de l’injustice séculaire, de l’esclavage et de l’inégalité, n’est réalisable que par la victoire du communisme.

Ce que le communisme donnera à la femme, en aucun cas, le mouvement féminin bourgeois ne saurait le lui donner. Aussi longtemps qu’existera la domination du capital et de la propriété privée, l’affranchissement de la femme n’est pas possible.

Le droit électoral ne supprime pas la cause première de l’asservissement de la femme dans la famille et dans la société et ne lui donne pas la solution du problème des rapports entre les deux sexes.

L’égalité non formelle, mais réelle de la femme n’est possible que sous un régime où la femme de la classe ouvrière sera la maîtresse de ses instruments de production et de répartition, prenant part à leur administration et portant l’obligation du travail dans les mêmes conditions que tous les membres de la Société travailleuse ; en d’autres termes, cette égalité n’est réalisable qu’après le renversement du système capitaliste et son remplacement par les formes économiques communistes.

Seul, le communisme créera un état de choses dans lequel la fonction naturelle de la femme, la maternité, ne sera plus en conflit avec les obligations sociales et n’empêchera plus son travail productif au profit de la collectivité. Mais le communisme est en même temps le but final de tout le prolétariat. Par conséquent la lutte de l’ouvrière et de l’ouvrier pour ce but commun doit, dans l’intérêt de tous les deux, être menée en commun et inséparablement.

5. Le 3° Congrès de l’Internationale Communiste confirme les principes fondamentaux du marxisme révolutionnaire suivant lesquels il n’y a point de questions « spécialement féminines » ; tout rapport de l’ouvrière avec le féminisme bourgeois, de même que tout appui apporté par elle à la tactique de demi-mesures et de franche trahison des social-coalitionnistes et des opportunistes ne fait qu’affaiblir les forces du prolétariat et, en retardant la révolution sociale, empêche en même temps la réalisation du communisme, c’est-à-dire l’affranchissement de la femme.

Nous n’atteindrons au communisme que par l’union dans la lutte de tous les exploités et non par l’union des forces féminines des deux classes opposées.

Les masses prolétariennes féminines doivent dans leur propre intérêt soutenir la tactique révolutionnaire du Parti Communiste et prendre la part la plus active et la plus directe aux actions des masses et à la guerre civile sous toutes ses formes et sous tous ses aspects, tant dans le cadre national qu’à l’échelle internationale.

6. La lutte de la femme contre sa double oppression : le capitalisme et la dépendance familiale et ménagère doit prendre, dans la phase prochaine de son développement, un caractère international se transformant en lutte du prolétariat des deux sexes pour la dictature et le régime soviétique sous le drapeau de la III° Internationale.

7. En dissuadant les ouvrières de tous les pays de toute espèce de collaboration et de coalition avec les féministes bourgeoises, le 3° Congrès de l’Internationale Communiste les prévient en même temps que tout appui fourni par elles à la II° Internationale ou aux éléments opportunistes qui s’en rapprochent ne peut que faire le plus grand mal à leur mouvement. Les femmes doivent toujours se rappeler que leur esclavage a toutes ses racines dans le régime bourgeois. Pour en finir avec cet esclavage, il faut passer à un ordre social nouveau.

En soutenant les Internationales II et 2 1/2 et les groupes analogues, on paralyse le développement de la révolution, on empêche par conséquent la transformation sociale en éloignant l’heure de l’affranchissement de la femme.

Plus les masses féminines s’éloigneront avec décision et sans retour de la II° Internationale et de l’Internationale 2 1/2, plus la victoire de la révolution sociale sera assurée. Le devoir des femmes communistes est de condamner tous ceux qui craignent la tactique révolutionnaire de l’Internationale Communiste et de s’appliquer fermement à les faire exclure des rangs serrés de l’Internationale Communiste.

Les femmes doivent encore se rappeler que la II° Internationale n’a même pas essayé de créer un organisme destiné à la lutte pour l’affranchissement total de la femme. L’union internationale des femmes socialistes, dans la mesure où elle existe, a été établie en dehors du cadre de la II° Internationale, sur la propre initiative des ouvrières.

La III° Internationale a formulé clairement, dès son premier congrès en 1919, son attitude sur la question de la participation des femmes à la lutte pour la dictature du prolétariat.

C’est sur son initiative et avec sa participation que fut convoquée la première conférence des femmes communistes et qu’en 1920 fut fondé le secrétariat international pour la propagande parmi les femmes, avec représentation permanente au Comité Exécutif de l’Internationale Communiste. Le devoir des ouvrières conscientes de tous les pays est de rompre avec la II° Internationale et avec l’Internationale 2 1/2 et de soutenir fermement la politique révolutionnaire de l’Internationale Communiste.

8. L’appui que donneront à l’Internationale Communiste les ouvrières et les employées doit se manifester tout d’abord par leur entrée dans les rangs des Partis Communistes de leurs pays.

Dans les pays et dans les Partis où la lutte entre la II° et la III° Internationale n’est pas encore terminée, le devoir des ouvrières est de soutenir de toutes leurs forces le parti ou le groupe qui suit la politique de l’Internationale Communiste et de lutter impitoyablement contre tous les éléments hésitants ou ouvertement traîtres, sans tenir compte d’aucune autorité. Les femmes prolétaires conscientes luttant pour leur affranchissement ne doivent pas rester dans un parti non affilié à l’Internationale Communiste.

Tout adversaire de la III° Internationale est un ennemi de l’affranchissement de la femme.

Chaque ouvrière consciente d’Occident et d’Orient doit se ranger sous le drapeau révolutionnaire de l’Internationale Communiste. Toute hésitation des femmes du prolétariat à briser avec les groupements opportunistes ou avec les autorités reconnues, retarde les conquêtes du prolétariat sur le champ de bataille de la guerre civile, qui prend le caractère d’une guerre civile mondiale.

MÉTHODES D’ACTION PARMI LES FEMMES

Partant des principes ci-dessus indiqués, le 3° Congrès de l’Internationale Communiste établit que le travail parmi le prolétariat féminin doit être mené par les Partis Communistes de tous les pays sur les bases suivantes :

1. Admettre les femmes à titre de membres égaux en droits et en devoirs à tous les autres dans le Parti et dans toutes les organisations prolétariennes (syndicats, coopératives, conseils des anciens des usines, etc.)

2. Se rendre compte de l’importance qu’il y a à faire participer activement les femmes à toutes les branches de la lutte du prolétariat (y compris sa défense militaire), de l’édification des nouvelles bases sociales, de l’organisation de la production et de l’existence selon les principes communistes.

3. Reconnaître la maternité comme une fonction sociale, prendre et appliquer toutes mesures nécessaires à la défense de la femme dans sa qualité de mère.

Tout en se déclarant énergiquement contre toute espèce d’organisation séparée de femmes au sein du Parti, des syndicats ou des autres associations ouvrières, le 3° Congrès de l’Internationale Communiste reconnaît la nécessité pour le Parti Communiste d’employer des méthodes particulières de travail parmi les femmes et estime utile de former dans tous les Partis Communistes des organes spéciaux chargés de ce travail.

En cela le Congrès est guidé par les considérations suivantes :

 l’asservissement familial de la femme non seulement dans les pays bourgeois capitalistes, mais même dans les pays où existe déjà le régime soviétique, dans la phase de transition du capitalisme au communisme.

 la grande passivité et l’état politique arriéré des masses féminines, défauts expliqués par l’éloignement séculaire de la femme de la vie sociale et par son esclavage dans la famille.

 les fonctions spéciales imposées à la femme par la nature elle-même, c’est-à-dire la maternité et les particularités qui en découlent pour la femme, avec le besoin d’une plus grande protection de ses forces et de sa santé dans l’intérêt de toute la société.

Ces organes pour le travail parmi les femmes doivent être des sections ou des commissions fonctionnant auprès de tous les Comités du Parti, à commencer par le Comité Central et jusqu’aux comités de quartier ou de district. Cette décision est obligatoire pour tous les Partis adhérant à l’Internationale Communiste.

Le 3° Congrès de l’Internationale Communiste indique comme tâches des Partis Communistes à accomplir par l’intermédiaire des sections pour le travail parmi les femmes :

1. Eduquer les grandes masses féminines dans l’esprit du communisme et les attirer dans les rangs du Parti.

2. Combattre les préjugés relatifs aux femmes dans les masses du prolétariat masculin, en renforçant dans l’esprit des ouvriers et des ouvrières l’idée de la solidarité des intérêts des prolétaires des deux sexes.

3. Affermir la volonté de l’ouvrière en l’utilisant dans la guerre civile sous toutes ses formes et aspects, éveiller son activité en la faisant participer aux actions de masses, à la lutte contre l’exploitation capitaliste dans les pays bourgeois (contre la cherté de la vie, la crise du logement et le chômage), à l’organisation de l’économie communiste et de l’existence en général dans les républiques soviétiques.

4. Mettre à l’ordre du jour du Parti et des institutions législatives les questions relatives à l’égalité de la femme et à sa défense comme mère.

5. Lutter systématiquement contre l’influence de la tradition, des mœurs bourgeoises et de la religion, afin de préparer la voie à des rapports plus sains et plus harmonieux entre les sexes et à l’assainissement moral et physique de l’humanité travailleuse.

Tout le travail des sections féminines devra être fait sous la direction immédiate et sous la responsabilité des comités du Parti.

Parmi les membres de la commission ou de la direction des sections devront figurer aussi, dans la mesure du possible, des camarades communistes hommes.

Toutes les mesures et toutes les tâches qui s’imposent aux commissions et aux sections des ouvrières devront être réalisées par elles, d’une manière indépendante, mais dans les pays des Soviets par l’intermédiaire des organes économiques ou politiques respectifs (sections des Soviets, Commissariats, Commissions, Syndicats, etc.) et dans les pays capitalistes avec l’aide des organes correspondants du prolétariat (syndicats conseils, etc.).

Partout où des Partis Communistes ont une existence légale ou semi-légale, ils doivent former un appareil illégal pour le travail parmi les femmes. Cet appareil doit être subordonné et adapté à l’appareil illégal du parti dans son ensemble. Là, comme dans l’appareil légal, chaque Comité doit comprendre une camarade, chargée de diriger la propagande illégale parmi les femmes.

Dans la période actuelle, les syndicats professionnels et de production doivent être pour les Partis Communistes le terrain fondamental du travail parmi les femmes, tant pour les pays où la lutte pour le renversement du joug capitaliste n’est pas encore terminée que dans les républiques ouvrières soviétiques.

Le travail parmi les femme doit être mené dans l’esprit suivant : unité dans la ligne politique et dans la structure du parti, libre initiative des commissions et des sections dans tout ce qui tend à procurer à la femme sa complète libération et égalité, ce qui ne saurait être pleinement obtenu que par le Parti, en entier. Il ne s’agit pas de créer un parallélisme, mais de compléter les efforts du Parti par l’activité et l’initiative créatrices de la femme.

LE TRAVAIL POLITIQUE DU PARTI PARMI LES FEMMES DANS LES PAYS DE RÉGIME SOVIÉTIQUE

Le rôle des sections dans les républiques soviétiques consiste à éduquer les masses féminines dans l’esprit du communisme en les entraînant dans les rangs du Parti Communiste ; il consiste encore à développer l’activité, l’initiative de la femme en l’attirant dans le travail de construction du communisme et en en faisant un ferme défenseur de l’Internationale Communiste.

Les sections doivent par tous les moyens faire participer la femme à toutes les branches de l’organisation soviétique, depuis la défense militaire de la République jusqu’aux plans économiques les plus compliqués.

Dans la République Soviétique, les sections doivent veiller à l’application des décisions du 3° Congrès des Soviets concernant la participation des ouvrières et des paysannes à l’organisation et à la construction de l’économie nationale, ainsi qu’à tous les organes dirigeants et administratif, contrôlant et organisant la production.

Par l’intermédiaire de leurs représentants et par les organes du Parti, les sections doivent collaborer à l’élaboration de nouvelles lois et à la modification de celles qui doivent être transformées en vue de l’affranchissement réel de la femme. Les sections doivent faire preuve d’initiative particulière pour le développement de la législation protégeant le travail de la femme et des mineurs.

Les sections doivent entraîner le plus grand nombre possible d’ouvrières et de paysannes dans les campagnes pour l’élection des Soviets et veiller à ce que parmi les membres de ceux-ci et des Comités Exécutifs soient aussi élues des ouvrières et des paysannes.

Les sections doivent favoriser le succès de toutes les campagnes politiques et économiques menées par le Parti.

C’est encore le rôle des sections de veiller au perfectionnement et à la spécialisation du travail féminin par l’expansion de l’enseignement professionnel, en facilitant aux ouvrières et aux paysannes l’accès des établissements correspondants.

Les sections veilleront à l’entrée des ouvrières dans les commissions pour la protection du travail fonctionnant dans les entreprises et au renforcement de l’activité des commissions de secours et de protection de la maternité et de l’enfance.

Les sections faciliteront le développement de tout le réseau d’établissements publics comme orphelinats. blanchisseries, ateliers de réparations, institutions d’existence sur les nouvelles bases communistes, allégeront pour les femmes le fardeau de l’époque de transition, amèneront leur indépendance matérielle et feront de l’esclave domestique et familial la libre collaboratrice du créateur des nouvelles formes de vie.

Les sections devront faciliter l’éducation des femmes membres des syndicats dans l’esprit du communisme par l’intermédiaire des organisations pour le travail parmi les femmes, constituées par les fractions communistes des syndicats.

Les sections veilleront à ce que les ouvrières assistent régulièrement aux réunions des déléguées d’usines et de fabriques.

Les sections répartiront systématiquement les déléguées du Parti comme stagiaires dans les différentes branches de travail : soviets, économie nationale, syndicats.

DANS LES PAYS CAPITALISTES

Les tâches immédiates des commissions pour le travail parmi les femmes sont déterminées par les conditions objectives. D’une part : la ruine de l’économie mondiale, l’aggravation prodigieuse du chômage, ayant pour conséquences particulières la diminution de la demande de main-d’œuvre féminine et l’augmentation de la prostitution, de la cherté de la vie, de la crise du logement, de la menace de nouvelles guerres impérialistes ; d’autre part : les incessantes grèves économiques dans tous les pays, les tentatives renouvelées de soulèvement armé du prolétariat, l’atmosphère de plus en plus étouffante de la guerre civile s’étendant sur le monde entier, tout cela apparaît comme le prologue de l’inévitable révolution sociale mondiale.

Les commissions féminines doivent mettre en avant les tâches de combat du prolétariat, mener la lutte pour les revendications du Parti Communiste, faire participer la femme à toutes les manifestations révolutionnaires des communistes contre la bourgeoisie et les socialistes coalitionnistes.

Les commissions veilleront, non seulement à ce que les femmes soient admises avec les mêmes droits et les mêmes devoirs que les hommes dans le Parti, dans les syndicats et dans les autres organisations ouvrières de lutte de classes, en combattant toute séparation et toute particularisation de l’ouvrière, mais encore à ce que les ouvrières soient élues à l’égal des ouvriers dans les organes dirigeants des syndicats et des coopératives.

Les commissions aideront les grandes masses du prolétariat féminin et des paysannes à exercer leurs droits électoraux aux élections parlementaires et autres en faveur du Parti Communiste, tout en faisant ressortir le peu de valeur de ces droits tant pour l’affaiblissement de l’exploitation capitaliste que pour l’affranchissement de la femme, et en opposant au parlementarisme le régime soviétique.

Les commissions devront aussi veiller à ce que les ouvrières, les employées et les paysannes prennent une part active et consciente aux élections des soviets révolutionnaires, économiques et politiques de délégués ouvriers. Elles s’efforceront d’éveiller l’activité politique chez les ménagères et de propager l’idée des Soviets particulièrement parmi les paysannes.

Les commissions consacreront la plus grande attention à l’application du principe « à travail égal, salaire égal ».

Les commissions devront entraîner les ouvrières dans cette campagne par des cours gratuits et accessibles à tous et de nature à relever la valeur de la femme.

Les commissions doivent veiller à ce que les femmes communistes collaborent à toutes les institutions législatives, municipales, pour préconiser dans ces organes la politique révolutionnaire de leur parti.

Mais tout en participant aux institutions législatives, municipales et aux autres organes de l’Etat bourgeois, les femmes communistes doivent suivre strictement les principes et la tactique du Parti.

Elles doivent se préoccuper non pas d’obtenir des réformes sous le régime capitaliste, mais de tâcher de transformer toutes revendications des femmes laborieuses en mots d’ordre de nature à éveiller l’activité des masses et à diriger ces revendications sur la route de la lutte révolutionnaire et de la dictature du prolétariat.

Les commissions doivent dans les Parlements et dans les municipalités rester en contact étroit dans les fractions communistes et délibérer en commun sur tous les projets relatifs aux femmes.

Les commissions devront expliquer aux femmes le caractère arriéré et non économique du système des ménages isolés, le défaut de l’éducation bourgeoise donnée aux enfants, en groupant les forces des ouvrières sur les questions de l’amélioration réelle de l’existence de la classe ouvrière, questions soulevées par le Parti.

Les commissions devront favoriser l’entraînement dans le Parti Communiste des ouvrières, membres des syndicats, et les fractions communistes de ces derniers devront détacher dans ce but des organisateurs pour le travail parmi les femmes agissant sous la direction du Parti et les sections locales.

Les commissions d’agitation parmi les femmes devront diriger leur propagande de telle sorte qu’elles obtiennent que les femmes prolétaires répandent dans les coopératives l’idée du communisme et, en pénétrant dans la direction de ces coopératives, arrivent à les influencer et à les gagner, étant donné que ces organisations auront une très grande importance comme organes de répartition pendant et après la révolution. Tout le travail des commissions doit tendre vers ce but unique : le développement de l’activité révolutionnaire des masses afin de hâter la révolution sociale.

DANS LES PAYS ÉCONOMIQUEMENT ARRIÉRÉS (L’ORIENT)

Le Parti Communiste de concert avec les sections doit obtenir dans les pays à faible développement industriel la reconnaissance de l’égalité en droits et en devoirs de la femme dans le Parti, dans les syndicats et dans les autres organisations de la classe ouvrière.

Les sections et les commissions doivent lutter contre les préjugés, les mœurs et les habitudes religieuses pesant sur la femme et mener la propagande parmi les hommes aussi.

Le Parti Communiste et ses sections ou commissions doivent appliquer les principes de l’égalité des droits de la femme dans l’éducation des enfants, dans les rapports familiaux et dans la vie publique.

Les sections chercheront appui pour leur travail avant tout dans la masse des ouvrières travaillant à domicile (petite industrie), des travailleuses des plantations de riz, de coton et autres, en favorisant la formation partout où elle est possible (et en premier lieu parmi les peuples de l’Orient vivant dans les confins de la Russie Soviétique), d’ateliers corporatifs, de coopératives de petite industrie, et en facilitant ainsi partout l’entrée des ouvrières des plantations dans les syndicats.

Le relèvement du niveau général de culture de la masse est un des meilleurs moyens de lutte contre la routine et les préjugés religieux répandus dans le pays. Les commissions doivent donc favoriser le développement des écoles pour adultes et pour enfants et en rendre l’accès facile aux femmes. Dans les pays bourgeois, les commissions doivent mener une agitation directe contre l’influence bourgeoise dans les écoles.

Partout où il est possible de le faire, les sections et les commissions doivent mener la propagande à domicile, elles doivent organiser des clubs d’ouvrières et y attirer celle-ci, et en général les éléments féminins les plus arriérés. Les clubs doivent être des foyers de culture et d’instruction et des organisations modèles montrant ce que peut faire la femme pour son propre affranchissement et son indépendance (organisation de crèches, de jardins d’enfants, d’écoles primaires pour adultes, etc.).

Chez les peuples menant une vie nomade il faudra organiser des clubs ambulants.

Les sections doivent, de concert avec les Partis, dans les pays de régime soviétique, contribuer à faciliter la transition de la forme économique capitaliste à la forme de production communiste, en plaçant l’ouvrière devant cette réalité évidente que l’économie domestique et la famille, telles qu’elles étaient jusqu’à présent, ne peuvent que l’asservir tandis que le travail collectif la libérera.

Parmi les peuples orientaux vivant en Russie Soviétique, les sections doivent veiller à ce que soit appliquée la législation soviétique égalisant la femme dans ses droits par rapport à l’homme et défendant ses intérêts. Dans ce but, les sections doivent faciliter aux femmes l’accès aux fonctions de jurés dans les tribunaux populaires.

Les sections doivent également faire participer la femme aux élections aux Soviets, et veiller à ce que les ouvrières et les paysannes entrent dans les Soviets et les Comités Exécutifs. Le travail parmi le prolétariat féminin de l’Orient doit être mené sur la plate-forme de la lutte de classes. Les sections révéleront l’impuissance des féministes à trouver une solution aux différentes questions de l’affranchissement de la femme ; elles utiliseront les forces intellectuelles féminines (par ex. les institutrices) pour répandre l’instruction dans les pays soviétiques de l’Orient. Tout en évitant les attaques grossières et sans tact aux croyances religieuses et aux traditions nationales, les sections et les commissions travaillant parmi les femmes de l’Orient, devront nettement lutter contre l’influence du nationalisme et de la religion sur les esprits.

Toute l’organisation des ouvrières doit être basée, en Orient tout comme en Occident, non pas sur la défense des intérêts nationaux, mais sur le plan de l’union du prolétariat international des deux sexes dans les tâches communes de classe.

La question du travail parmi les femmes d’Orient, étant de grande importance et en même temps présentant un nouveau problème pour les partis communistes, doit être détaillée par une instruction spéciale sur les méthodes de travail parmi les femmes de l’Orient, appropriées aux conditions des pays orientaux. L’instruction sera adjointe aux thèses.

MÉTHODES D’AGITATION ET DE PROPAGANDE

Pour accomplir la mission fondamentale des sections, c’est-à-dire l’éducation communiste des grandes masses féminines du prolétariat et le renforcement des cadres des champions du communisme, il est indispensable que tous les Partis Communistes d’Orient et d’Occident s’assimilent le principe fondamental du travail parmi les femmes, qui est celui-ci : « Agitation et propagande par le fait ».

Agitation par le fait veut dire avant tout : action pour éveiller l’initiative de l’ouvrière, détruire son manque de confiance en ses propres forces et, en l’entraînant au travail pratique dans le domaine de l’organisation et de la lutte, pour lui apprendre à comprendre par la réalité que toute conquête du Parti Communiste, toute action contre l’exploitation capitaliste, est un progrès soulageant la situation de la femme. « De la pratique à l’action, à la reconnaissance de l’idéal du communisme et de ses principes théoriques », telle est la méthode avec laquelle les Partis Communistes et leurs sections féminines devront aborder les ouvrières.

Pour être réellement des organes d’action et pas seulement de propagande orale, les sections féminines doivent s’appuyer sur les noyaux communistes des entreprises et des ateliers et charger, dans chaque noyau communiste, un organisateur spécial du travail parmi les femmes de l’entreprise ou de l’atelier.

Avec les syndicats, les sections devront entrer en rapports par l’intermédiaire de leurs représentants ou de leurs organisateurs, désignés par la fraction communiste du syndicat et menant leur travail sous la direction des sections.

La propagande de l’idée communiste par le fait consiste, dans la Russie des Soviets, à faire entrer l’ouvrière, la paysanne, la ménagère et l’employée dans toutes les organisations soviétiques, en commençant par l’armée et la milice et en finissant par toutes les institutions visant à l’affranchissement de la femme : alimentation publique, éducation sociale, protection de la maternité, etc. Une tâche particulièrement importante, c’est la restauration économique sous toutes ses formes, à laquelle il faut entraîner l’ouvrière.

La propagande par le fait dans les pays capitalistes tendra avant tout à entraîner l’ouvrière dans les grèves, dans les manifestations et dans l’insurrection sous toutes ses formes, qui trempent et élèvent la volonté et la conscience révolutionnaires, dans toutes les formes du travail politique, dans le travail illégal (particulièrement dans les services de liaison) dans l’organisation des samedis et des dimanches communistes, par lesquels les ouvrières sympathisantes, les employées apprendront à se rendre utiles au Parti, par le travail volontaire.

Le principe de la participation des femmes à toutes les campagnes politiques, économiques ou morales entreprises par le Parti Communiste sert également le but de la propagande par le fait. Les organes de propagande parmi les femmes auprès des Partis communistes doivent étendre leur activité dans des catégories de plus en plus nombreuses de femmes socialement exploitées et enchaînées dans les pays capitalistes et, parmi les femmes des Etats soviétiques affranchir leur esprit enchaîné par des superstitions et des survivances du vieil ordre social. Ils devront s’attacher à tous les besoins et à toutes les souffrances, à tous les intérêts et à toutes les revendications par lesquelles les femmes se rendront compte que le capitalisme devra être écrasé comme leur ennemi mortel et que les voies doivent être frayées au communisme, leur libérateur.

Les sections doivent mener méthodiquement leur agitation et leur propagande par la parole, en organisant des réunions dans les ateliers et des réunions publiques soit pour les ouvrières et employées de différentes branches d’industrie, soit pour les ménagères et pour les travailleuses de toutes branches, par quartiers, rayons de la ville, etc.

Les sections doivent veiller à ce que les fractions communistes des syndicats, des associations ouvrières, des coopératives élisent des organisateurs et agitateurs spéciaux pour faire le travail communiste dans les masses féminines des syndicats, coopératives, associations. Les sections doivent veiller à ce que dans les Etats Soviétiques, les ouvrières soient élues aux conseils d’industrie et à tous les organes chargés de l’administration, du contrôle et de la direction de la production.

Bref, les ouvrières doivent être élues à toutes les organisations qui, dans les pays capitalistes, servent aux masses exploitées et opprimées dans leur lutte pour la conquête de pouvoir politique ou, dans les Etats Soviétiques, servent à la défense de la dictature du prolétariat et à la réalisation du communisme.

Les sections doivent déléguer des femmes communistes éprouvées dans les industries, les plaçant comme ouvrières ou comme employées là où un grand nombre de femmes travaillent, comme cela est pratiqué en Russie Soviétique ; on installe aussi ces camarades dans de grandes circonscriptions et centres prolétariens.

Suivant l’exemple du Parti Communiste de la Russie Soviétique, qui organise des réunions de délégués et des conférences de déléguées sans parti, lesquelles ont toujours un succès considérable, les sections féminines des pays capitalistes doivent organiser des réunions publiques d’ouvrières, de travailleuses de toutes sortes, paysannes, ménagères, réunions qui s’occupent des besoins, des revendications des femmes laborieuses et qui doivent élire des comités ad-hoc, approfondir les questions soulevées en contact permanent avec leurs mandataires et les sections féminines du parti. Les sections doivent envoyer leurs orateurs prendre part aux discussions dans les réunions des partis hostiles au communisme.

La propagande et l’agitation au moyen des réunions et d’autres institutions semblables doivent être complétées par une agitation méthodique et prolongée poursuivie dans les foyers. Toute communiste chargée de cette besogne devra visiter tout au plus dix femmes à domicile, mais elle devra le faire régulièrement, au moins une fois par semaine et à chaque action importante des Partis Communistes et des masses prolétariennes.

Les sections doivent créer et répandre une littérature simple, convenable, de brochures et feuilles volantes de nature à exhorter et à grouper les forces féminines.

Les sections doivent veiller à ce que les femmes communistes utilisent de la manière la plus active toutes les institutions et moyens d’instruction du Parti. Afin d’approfondir la conscience et de tremper la volonté des communistes encore retardataires et des femmes laborieuses s’éveillant à l’activité, les sections doivent les inviter aux cours et discussions du Parti. Des cours séparés, des soirées de lecture et de discussion pour les ouvrières seules, peuvent être organisés seulement en cas d’exception.

Afin de développer l’esprit de camaraderie entre ouvrières et ouvriers, il est désirable de ne point créer de cours et d’écoles spéciales pour les femmes communistes ; dans chaque école du Parti, il doit obligatoirement y avoir un cours sur les méthodes du travail parmi les femmes. Les sections ont le droit de déléguer un certain nombre de leurs représentantes aux cours généraux du Parti.

STRUCTURE DES SECTIONS

Des commissions pour le travail parmi les femmes seront organisées auprès des comités régionaux et de district et enfin auprès du Comité Central du Parti.

Chaque pays décide lui-même des membres de la section. C’est de même au parti des différents pays qu’est donnée la liberté de fixer selon les circonstances le nombre des membres de la section appointés par le Parti.

La directrice de la section devra être en même temps membre du Comité local du Parti. Au cas où ce cumul ne se rencontrerait pas, elle devra assister à toutes les séances du Comité avec voix délibérative sur les questions concernant la section des femmes, et voix consultative sur toutes les autres questions.

Outre les tâches générales énumérées ci-dessous, incombant aux sections et aux commissions locales, elles seront chargées des fonctions suivantes : maintien de la liaison entre les différentes sections de la région et avec la section centrale, réunions d’information sur l’activité des sections et des commissions de la région, échange d’informations entre les différentes sections de la région et avec la section centrale, réunions d’information sur l’activité des sections et des commissions de la région, échange d’informations entre les différentes sections, fourniture de littérature à la région ou province ; distribution des forces d’agitation, mobilisation des forces du Parti pour le travail parmi les femmes ; convocation au moins deux fois par an de conférences régionales des femmes communistes, des représentantes des sections à raison de une à deux par section, enfin organisation de conférence d’ouvrières et de paysannes sans-parti.

Les sections régionales (de province) se composent de cinq à sept membres, les membres du Bureau sont nommés par le Comité correspondant du Parti sur présentation de la directrice de la section ; celle-ci est élue de même que les autres membres du comité de district ou de province à la conférence correspondante du Parti.

Les membres des sections ou des commissions sont élues à la conférence générale de la ville, du district ou de la province, ou encore sont nommées par les sections respectives en contact avec le Comité du Parti. La commission Centrale pour le travail parmi les femmes se compose de 2 à 5 membres dont une au moins est payée par le Parti.

Outre toutes les fonctions énumérées plus haut pour les sections régionales, la Commission centrale aura encore les tâches suivantes : instructions à donner aux localités et à leurs militantes ; contrôle du travail des sections, répartition, en contact avec les organes correspondants du Parti, des forces menant le travail parmi les femmes, contrôle par l’intermédiaire de leur représentant ou de leur chargé de pouvoir des conditions et du développement du travail féminin sur la base des transformations juridiques ou économiques nécessaires dans la situation de la femme ; participation des représentants, des chargés de pouvoir, aux commissions spéciales étudiant l’amélioration de l’existence de la classe ouvrière, de la protection du travail, de l’enfance, etc. ; publication d’une « feuille » centrale et rédaction de journaux périodiques pour les ouvrières ; convocation au moins une fois par an des représentantes de toutes les sections provinciales, organisation d’excursions de propagande à travers tout le pays, envoi d’instructeurs du travail parmi les femmes ; entraînement des ouvrières a participer dans toutes les sections à toutes les campagnes politiques et économiques du Parti ; liaison permanente avec le secrétariat international des femmes communistes et célébration annuelle de la journée internationale de l’ouvrière.

Si la directrice de la section des femmes auprès du Comité Central n’est pas membre de ce Comité, elle a le droit d’assister à toutes les séances avec voix délibérative sur les questions concernant la section, avec voix consultative sur toutes les autres. Elle est ou bien nommée par le Comité Central du Parti ou bien élue au congrès général de ce dernier. Les décisions et les arrêts de toutes les commissions doivent être confirmés par le Comité respectif du Parti.

LE TRAVAIL À L’ÉCHELLE INTERNATIONALE

La direction du travail des Partis Communistes de tous les pays, la réunion des forces ouvrières, la solution des tâches imposées par l’Internationale Communiste et l’entraînement des femmes de tous les pays et de tous les peuples dans la lutte révolutionnaire pour le Pouvoir des Soviets et la dictature de la classe ouvrière à l’échelle mondiale, incombent au secrétariat international féminin auprès de l’Internationale Communiste.

Le nombre des membres de la Commission Centrale et le nombre des membres avec voix délibérative sont fixés par le Comité Central du Parti.

Résolution concernant les relations internationales des femmes communistes et le secrétariat féminin de l’Internationale Communiste

(adoptée dans la séance du 12 juin, après le rapport de la camarade Kollontaï et après l’amendement de la camarade Zetkin.)

La 2° Conférence Internationale des Femmes Communistes propose aux partis communistes de tous les pays d’Occident et d’Orient de faire élire par leur Section Centrale Féminine, suivant les directives de la III° Internationale, des correspondantes internationales. Le rôle de la correspondante de chaque parti communiste est, comme les « directives » l’indiquent, d’entretenir des rapports réguliers avec les correspondantes internationales des autres pays ainsi qu’avec le Secrétariat International Féminin de Moscou qui est l’organe de travail de l’Exécutif de la III° Internationale.

Les Partis Communistes doivent fournir aux correspondantes internationales tous les moyens techniques et toutes les possibilités de communiquer entre elles, et avec le secrétariat de Moscou. Les correspondantes internationales se réunissent une fois tous les six mois pour délibérer et échanger des vues avec les représentants du Secrétariat Féminin International. Cependant, en cas de nécessité, ce dernier peut réunir cette conférence en tout temps.

Le Secrétariat International Féminin accomplit, d’accord avec l’Exécutif, et en contact étroit avec les correspondantes internationales des différents pays, les tâches fixées par les « directives ».

Ce qu’il doit surtout faire, c’est hâter, dans chaque pays, par le conseil et l’action, le développement du mouvement féminin communiste – encore faible – et donner une direction unique au mouvement féminin de tous les pays d’Occident et d’Orient, provoquer et orienter sous la direction et avec l’appui énergique des communistes, des actions nationales et internationales de nature à intensifier et à étendre sous la poussée des femmes la lutte révolutionnaire du prolétariat. Le Secrétariat Féminin International de Moscou devra s’adjoindre en Occident un organe auxiliaire afin de s’assurer une liaison plus étroite et plus régulière avec les mouvements communistes féminins de tous les pays.

Cet organe aura à faire les travaux préparatoires et supplémentaires pour le Secrétariat International, c’est-à-dire qu’il sera purement exécutif, et n’aura pas le droit de décider quoi que ce soit. Il est lié par les décisions et les indications du Secrétariat Général de Moscou et de l’Exécutif de la III° Internationale. Avec l’organe auxiliaire de l’Europe Occidentale, doit collaborer au moins une représentante du Secrétariat Général.

Pour autant que la constitution et le champ d’activité du Secrétariat ne sont pas fixés par les « directives », ces questions seront réglées par l’Exécutif de la III° Internationale d’accord avec le Secrétariat Féminin International, de même que la composition, la forme et le fonctionnement de l’organe auxiliaire.

Résolution concernant les formes et les méthodes du travail communiste parmi les femmes

(adoptée dans la séance du 13 juin, après le rapport de la camarade Kollontaï.)

La 2° Conférence Internationale des Femmes Communistes tenue à Moscou déclare :

L’écroulement de l’économie capitaliste et de l’ordre bourgeois reposant sur cette économie, de même que le progrès de la révolution mondiale font de la lutte révolutionnaire pour la conquête du pouvoir politique et pour l’établissement de la dictature une nécessité de plus en plus vitale et impérieuse, pour le prolétariat de tous les pays où ce régime règne encore, un devoir qui ne pourra s’accomplir que lorsque les femmes laborieuses prendront part à cette lutte d’une manière consciente résolue et dévouée.

Dans les pays où le prolétariat a déjà conquis le pouvoir d’Etat et établi sa dictature sous la forme des soviets, comme en Russie et en Ukraine, il ne sera pas à même de maintenir son pouvoir contre la contre-révolution nationale et internationale et de commencer l’édification du régime communiste libérateur, aussi longtemps que les masses ouvrières féminines n’auront pas acquis la conscience nette et inébranlable que la défense et l’édification de l’Etat doivent être aussi leur œuvre.

La 2° Conférence Internationale des Femmes Communistes propose par conséquent aux partis de tous les pays conformément aux principes et aux décisions de la III° Internationale de se mettre à l’œuvre avec la plus grande énergie afin de réveiller les masses féminines, de les rassembler, de les instruire dans l’esprit du communisme, de les entraîner dans les rangs des Partis Communistes, et de renforcer constamment et résolument leur volonté d’action et de lutte.

Pour que ce but soit atteint, tous les partis adhérant à la III° Internationale doivent former dans tous leurs organes et institutions, à commencer par les plus inférieurs, jusqu’aux plus élevés, des sections féminines présidées par un membre de la direction du parti, dont le but sera le travail d’agitation, d’organisation et d’instruction parmi les masses ouvrières féminines, et qui auront leurs représentants dans toutes les formations administratives et directrices des partis.

Ces sections féminines ne forment pas des organisations séparées ; elles ne sont que des organes de travail chargées de mobiliser et instruire les ouvrières en vue de la lutte pour la conquête du pouvoir politique, et aussi en vue de l’édification du communisme.

Elles agissent dans tous les domaines et en tout temps sous la direction du parti, mais possèdent aussi la liberté de mouvement nécessaire pour appliquer les méthodes et formes de travail et pour créer les institutions qui sont réclamées par les caractères spéciaux de la femme et sa position particulière toujours subsistante dans la société et dans la famille.

Les organes féminins des partis communistes doivent toujours avoir conscience, dans leur activité, du but de leur double tâche :

1. Entraîner des masses féminines toujours plus nombreuses, plus conscientes et plus fermement décidées dans la lutte de classe révolutionnaire de tous les opprimés et exploités contre le capitalisme et pour le communisme.

2. En faire après la victoire de la révolution prolétarienne, les collaboratrices conscientes et héroïques de l’édification communiste. Les organes féminins du parti communiste doivent dans leur activité se rendre compte que les moyens d’agitation et d’instruction ne sont pas les discours et les écrits, mais qu’il faut également apprécier et utiliser comme les moyens les plus importants : la collaboration des femmes communistes organisées dans tous les domaines de l’activité – lutte et édification – des partis communistes ; la participation active des femmes ouvrières à toutes les actions et luttes du prolétariat révolutionnaire, aux grèves, aux insurrections générales, aux démonstrations de rue et révoltes à main armée.

=>Retour au dossier sur le troisième congrès
de l’Internationale Communiste