Qui dit portrait dit, naturellement, représentation de scènes de la vie courante, dans ce qu’elle a de plus typique. La différence entre le portrait formel et le portrait authentique, c’est que ce dernier capte toute la complexité du réel.
Le portrait authentique synthétise en tenant bien compte de tous les aspects. En ce sens, la représentation de l’accouchement est ici d’une très grande valeur; elle est une véritable photographie d’un moment, non plus personnel, mais de dimension historique.
On est précipité dans un moment concret, avec toutes les caractéristiques d’une époque, en pleine reconnaissance de la réalité propre à chaque personne participant ici à l’accouchement ; les objets de l’environnement participent totalement à la représentation.
L’œuvre suivante présente la visite à l’accouchée, consistant en un moment à la fois convivial et sans prétention, et forcément pour autant chargé d’émotions. Ici, encore une fois, l’aspect dynamique, dialectique de la situation, est parfaitement représenté.
Qui dit accouchement dit, dans l’ordre naturel des choses, qu’il y a un couple. Voyons les admirables détails de la vie quotidienne tels qu’Abraham Bosse a su nous les représenter.
La scène suivante représente, de manière typique et également critique, la signature du contrat de mariage. On a ici d’un côté la dimension lourdement juridique, avec l’officier public appelée le tabellion qui rédige le contrat sous la supervision des parents. Est ici souligné la réalité pratique des mariages, où les parents organisent et décident en théorie de tout dans l’esprit du Moyen Âge, mais déjà avec une dimension moderne qui se révèle.
On a ici les deux personnes devant se marier qui sont présentes sur le côté, indifférentes en pratique à la signature, et formant un couple clairement amoureux. On peut ainsi lire dans le texte sous la gravure :
– Est-il bien possible, Sylvie,
Qu’aujourd’huy me donnant ta foi,
Tu brûles de la même envie
Que j’ai de n’aimer bien que toi ?
– Cher Damon, pour qui je soupire,
Je te jure qu’à l’avenir
Je veux vivre sous ton empire,
Et mourir dans ton souvenir.
Dans l’œuvre suivante, les nouveaux mariés sont accompagnés chez eux, et c’est l’heure où ils vont se retrouver seuls. L’importance accordée au mariage, avec la présence des amis, est ici parfaitement représentée, notamment dans l’aspect contradictoire intimité du couple / participation à la vie sociale.
La scène suivante nous place ici exactement au lendemain du mariage. L’œuvre représente une coutume, datant du Moyen Âge, consistant à apporter aux nouveaux mariés une soupe de vin sucré. On retrouve ici un caractère festif et populaire, tout en conservant une dimension intimiste, dans le paradoxe d’une venue amicale où deux amis sont de tout de même déguisés et faisant du boucan pour annoncer l’arrivée du petit cortège.
Ici, on a les cadeaux de mariage, consistant naturellement en des objets ayant une utilité pratique dans la vie quotidienne. On a un pot à lait, un vase de cuivre, une grande toile ; sous l’œuvre on peut lire une succession de paroles accompagnant les dons.
Cette toille, large d’une aulne,
Possible vous agre’era,
Et si vous la trouvez trop jaune,
La laissive la blanchira.
On a également:
Ma bonne sœur, soyez contente
De cet excellent pot à laict,
Et gardez-le bien, s’il vous plaist.
Puisqu’il vient de feu nostre tante.
On a enfin:
Recevez, ma chère voisine,
Ce beau pot de cuivre tout neuf.
On y ferait bien cuire un bœuf,
Tant il est bon pour la cuisine.
Concluons enfin sur une fête, où est présent un couple. L’ordre dans le désordre, la vie intime dans la vie sociale vivante, voilà encore un aspect dialectique où l’on voit qu’Abraham Bosse a parfaitement saisi la nature du moment, dans toute sa complexité.
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