Les modes de production sont dépassés, mais le processus est toujours inégal en lui-même, et à l’échelle planétaire chaque mode de production n’est pas dépassé en même temps. Cela fait qu’il y a encore des chasseurs-cueilleurs au début du 21e siècle, sans contact avec le reste de l’humanité, même si extrêmement peu nombreux et de manière localisée.
C’est pour cela que même si l’époque de l’esclavage a dépassé celle des sacrifices, on trouve tout de même des sacrifices par la suite, pourquoi l’esclavage lui-même est réactivé après son dépassement par les conquérants arabes, puis par les pays européens coloniaux pourtant capitalistes.
Il y a ici un enchevêtrement des modes de production, aucun ne pouvant exister de manière « pure ».
L’un des phénomènes les plus marquants est ici le maintien d’une misanthropie destructrice à prétention sacrificielle : l’antisémitisme.
Il ne s’agit pas seulement d’une haine ethnique ou religieuse, mais bien d’une volonté de destruction reposant sur l’idée de « purifier » le monde. C’est littéralement du cannibalisme.
En janvier 1931, Staline répondit ainsi de manière admirable à une question par télégraphe de l’Agence juive d’Amérique quant à l’antisémitisme :
« Le chauvinisme national et racial est une survivance des mœurs misanthropiques propres à la période du cannibalisme.
L’antisémitisme, comme forme extrême du chauvinisme racial, est la survivance la plus dangereuse du cannibalisme.
L’antisémitisme profite aux exploiteurs, comme paratonnerre afin que le capitalisme échappe aux coups des travailleurs.
L’antisémitisme est un danger pour les travailleurs, car c’est une fausse route qui les égare hors du droit chemin et les conduit dans la jungle.
Aussi les communistes, en tant qu’internationalistes conséquents, ne peuvent être que les ennemis jurés et intransigeants de l’antisémitisme.
En URSS, la loi punit avec la plus grande sévérité l’antisémitisme comme phénomène opposé au régime soviétique.
Selon les lois de l’URSS, les antisémites actifs sont condamnés à la peine de mort. »
En fait, tout chauvinisme national, communautaire, racial, etc. relève du passé, d’une démarche misanthrope où il faut exterminer l’autre, l’anéantir de manière fanatique pour se purifier.
La paranoïa turque contre les Arméniens au début du 20e siècle, le fanatisme racial meurtrier des partisans de Pol Pot au Cambodge dans les années 1970, le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 ou le nationalisme ukrainien anti-russe sont des exemples de tels ressorts sans limites, où la purification équivaut à la destruction totale de l’ennemi présentée comme une menace fantasmée dans la paranoïa la plus totale.
La forme relève toujours d’un culte, jamais d’un simple préjugé. Il y a immédiatement un moteur interne, une précipitation dans la quête de destruction.
C’est en ce sens que l’antisémitisme a une forme religieuse et que, pour des raisons historiques, l’antisémitisme a pris la forme la plus extrême, la plus dangereuse, car la plus prétentieuse – avec pas moins qu’une prétention « universelle » – dans la volonté de « purifier ».
Enfin, il faut voir que même si on sort ici du cadre du chauvinisme en tant que tel, on ne peut pas expliquer les massacres barbares sans saisir la logique misanthropique à l’œuvre.
Si on regarde la contradiction entre l’élevage et l’agriculture, on peut voir le triomphe du premier ramène l’autre vers le mode de production esclavagiste, sous la forme d’une « restauration » purificatrice apocalyptique, comme l’ont été les invasions des peuples germano-hunnique en Europe, ou turco-mongols au Proche-Orient par exemple.
Inversement, le triomphe du premier sur le second permet d’élancer la dynamique vers le mode de production féodal et l’accumulation primitive du capital en stabilisant les activités artisanales et commerciales dans le cadre des villes notamment.
Malheureusement, tout retour en arrière implique des tendances misanthropiques, tant que l’humanité n’est pas arrivée au Communisme. Il y a là une leçon essentielle, et inquiétante.
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