Le Front populaire
Face au coup de force fasciste et face à la guerre, le PCF a proposé le Front populaire, qui a un énorme écho. Il n’est cependant pas capable de le porter comme tactique devant l’amener à un palier supérieur, il n’est pas en mesure de prendre l’initiative.
Aussi, ne se contentant plus d’une position tactique, le PCF en fait une véritable stratégie reliée à la question de « l’unité syndicale ». Pour cette raison, au début juin 1935, Maurice Thorez explique à la « délégation des gauches » rassemblant les délégations des parlementaires communiste, socialiste, radical-socialiste, néo-socialiste, que :
« Le Parti communiste, dont le programme fondamental comporte la socialisation des moyens de production et d’échange qui sera réalisée par le gouvernement ouvrier et paysan, croit qu’il est possible et nécessaire au moment actuel, d’appliquer une politique d’action positive, s’appuyant sur un large Front populaire.
Le Parti communiste, renouvelant ses déclarations antérieures concernant son attitude éventuelle à l’égard d’un gouvernement de gauche, rappelle qu’il est disposé à appuyer à la Chambre et dans le pays toutes mesures propres à assurer la sauvegarde du franc, la répression énergique de la spéculation, la protection des intérêts de la population laborieuse, la défense des libertés démocratiques, le désarmement et la dissolution des ligues fascistes et le maintien de la paix. »
Le PCF est prêt à soutenir un gouvernement, car à ses yeux cela irait dans le bon sens – c’est une vision pragmatique, qui raisonne en termes de positionnement, et s’éloigne de la compréhension du processus historique en termes de Parti Communiste devant diriger la société.
Une voie pragmatique-machiavélique
De fait, la seule voie que le PCF a trouvé pour le Front populaire, c’est la réalisation de l’unité syndicale. Cela ne veut pas dire que le Front populaire n’ait pas possédé une réelle base populaire ; ce qui compte simplement ici, c’est que pour Maurice Thorez, le Front populaire est devenu un outil au sens pragmatique-machiavélique.
Il explique de ce fait, dans « Où va la classe ouvrière ? » (juin 1935), de manière juste que le Front populaire a bloqué le fascisme, mais de manière erronée que cela suffit pour aller de l’avant :
« La classe ouvrière de France, instruite par les leçons de l’Allemagne et de l’Autriche, attentive aux conseils du Parti communiste, ne s’est pas laissée isoler.
Elle s’est placée à la tête d’un large mouvement populaire à la tête de la majorité du peuple de France, contre les « minorités agissantes » au service du Capital, contre le fascisme et les gouvernements de l’Union nationale qui font le lit du fascisme.
C’est le Front populaire animé et dirigé par la classe ouvrière qui a contribué récemment à précipiter la chute de deux gouvernements des pleins pouvoirs. C’est le Front populaire qui aura raison de Laval, l’homme de la réaction et des ligues, le saboteur de la politique de paix voulue par le peuple de France.
Le Front populaire est donc un mouvement progressiste qui renforce les positions de la classe ouvrière et affaiblit celles de la grande bourgeoisie.
La classe ouvrière, en organisant, en animant, en guidant le Front populaire va à la liquidation du danger fasciste ; et elle se rapproche du moment où elle établira son propre gouvernement. »
Le Front populaire n’est pas seulement perçu comme une phase tactique antifasciste (qui fait justement sa valeur et montre le caractère erroné des trotskystes), mais également comme une étape vers le socialisme. C’est un pas vers la liquidation du concept de dictature du prolétariat.