Il ne faut jamais perdre de vue que la question de la nature de la crise n’exige pas simplement une « logique » adéquate ; c’est indéniablement avant tout une question politique.
C’est la lecture politique de la réalité qui va prédéterminer la manière de saisir la crise du capitalisme et ses modalités. Cette question a pour cette raison été celle des grands débats dans l’Internationale Communiste dans les années 1920.
Si Léon Trotsky se fait ainsi rejeter, c’est parce que sa thèse implique que le capitalisme a rencontré le mur, que les forces productives ne peuvent plus se développer. Cela signifie, de fait, que les trotskystes expliquent depuis des décennies que les forces productives ne se seraient plus développés depuis 1920…
Si Boukharine se fait pareillement rejeter, c’est parce qu’il affirme que dans chaque pays, les monopoles ont entièrement pris le pouvoir et qu’il n’y a plus de contradiction dans le capitalisme au niveau national.
On l’a compris, la question revenant inlassablement est celle du capitalisme organisé. Cette conception est d’ailleurs ouvertement assumée par les socialistes allemands après 1918. Ils considèrent que les communistes ont tort de penser que le capitalisme est à bout de souffle.
La thèse qui triompha à l’opposé au sein de l’Internationale Communiste est celle de la stabilité relative dans la crise générale du capitalisme : le capitalisme a rencontré le mur de ses limites, mais peut passer quelques paliers, difficilement, et dans tous les cas en s’orientant toujours plus vers la guerre.
Eugen Varga, qui a participé au premier chef à l’élaboration de ce concept, va toutefois le fétichiser, et considérer que le capitalisme maintenu va modifier sa nature, se rationaliser, s’intellectualiser pour trouver une solution.
Le marxisme ne considérant pas que le capital « pense », il alla chercher ce « cerveau » auprès de l’État. L’alliance de l’État et du capital aurait permis le maintien du capitalisme.
Dans les années 1960, Paul Boccara poursuivra directement le tir, en faisant du capitalisme monopoliste d’État une sorte de super-capitalisme s’auto-gérant.
Il y eut par ailleurs de nombreuses analyses du même type, faisant du capitalisme une forme sociale gérée par une bureaucratie par les cadres des entreprises (le « néo-capitalisme »), par une toute petite oligarchie organisée de manière complotiste (le « groupe Bilderberg », les « illuminatis », etc.), par les État-Unis d’Amérique, par le FMI et la banque mondiale, par les complexes militaro-industriels, par les multinationales, etc.
Toutes ces conceptions d’un capitalisme organisé sont directement reliés historiquement à la négation de la possibilité de la crise du capitalisme.
Karl Marx, au moyen de la troisième partie de son analyse de la baisse tendancielle du taux de profit, contredit pourtant cela.
Le long exposé intitulé « Excédent de capital accompagné d’une population excédentaire » donne une réponse très claire à la question de savoir ce qu’est la crise capitaliste.
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