La nature de la Sécession viennois naissant à la fin du XIXe siècle se lit parfaitement quand on connaît l’évolution des forces ayant soutenu ce mouvement, dont le symbole est le « ring ».
Terme signifiant anneau en allemand, il désigne ici une avenue circulaire entourant le centre-ville, à l’emplacement des anciennes fortifications, sur pratiquement cinq kilomètres de long, pour une largeur d’un peu moins de 60 mètres.
A ces fortifications s’ajoutait un périmètre maintenu par l’armée comme « glacis », notamment après la révolte démocratique de 1848 ; à partir de 1849, toutefois, l’empereur avait décidé de faire de Vienne non plus une résidence royale, mais la capitale de l’empire.
Le ring devint alors, à partir de son ouverture en mai 1865, un lieu de prestige, tant pour la monarchie tendant à être absolue que pour la bourgeoisie.
Ainsi, au palais monarchique de la Hofburg, au siège de la police, au ministère de la guerre et au palais de justice répondent le parlement, la bourse, l’opéra, le théâtre impérial, quatre lieux essentiels à la vie idéologique de la bourgeoisie.
On y trouve également, côte à côte, les musées d’histoire naturelle et d’histoire de l’art, ainsi que l’académie des Beaux-Arts, le musée des arts appliqués et l’université, symboles de l’alliance de la tradition monarchique, avec un esprit « monumental », et des sciences assumées par la bourgeoisie.
On y trouve également la nouvelle mairie, mais une seule église, et encore la Votivkirche avait été construit en l’honneur de l’empereur ayant échappé à un assassinat.
La dimension bourgeoise et monarchique de l’endroit, à l’opposé du cléricalisme, est encore renforcée par des lieux de civilités : on y trouve quatre parcs (Stadtpark, Burggarten, Volksgarten, Rathauspark) et de vastes places (Heldenplatz, Schwarzenbergplatz, Schillerplatz, Maria-Theresien-Platz).
On comprend alors pourquoi la haute bourgeoisie et la haute aristocratie se sont construit des hôtels particuliers sur le ring, leurs « palais » rivalisant de magnificence.
On y trouvait notamment la famille aristocratique Colloredo-Mansfeld, celle du prince Ferdinand Georg August von Sachsen-Coburg-Saalfeld-Koháry, un archiduc d’Autriche, la famille de l’industriel Rudolf Auspitz, celle de la famille de financiers juifs Ephrussi (également présente à Paris alors) ainsi que celle du banquier juif Gustav von Epstein, celle du banquier Jonas von Königswarter, celle du banquier Friedrich Schey von Koromla, etc.
Cette opulence était bien sûr à comparer avec la situation du reste de la population, 83% des logements viennois consistant en au maximum une pièce et une cuisine, sans eau ni sanitaires.
Il faut également souligner l’unité d’esprit architectural, orienté néo-classique – allusion à la démocratie athénienne -, néo-renaissance – allusion au renouveau des arts, seule la mairie étant de style néo-gothique, ce qui était une référence aux libertés des villes au moyen-âge.
On trouve ici comme figures centrales les architectes Theophil Hansen (Académie des Beaux-Arts, bourse, parlement, Palais Ephrussi, Epstein et Hansen), Gottfried Semper et Carl Hasenauer (palais impérial Neue Burg, musées d’histoire naturelle et d’histoire de l’art se tenant face à face, théâtre Burgtheater), Heinrich Ferstel (musée des arts appliqués, université, église Votivkirche, Palais Wertheim et Ludwig Viktor).
Couronnement symbolique absolu du ring, on y trouve un bâtiment de la Sécession, réalisé par Joseph Maria Olbrich, financé par l’industriel Karl Wittgenstein et destiné aux expositions.
Initialement prévu pour ne durer que dix ans, le petit bâtiment se présente avec un dôme décoré de feuilles dorées de lauriers, avec deux ailes en forme de cube, « ver sacrum » y étant inscrit, ainsi que « Der Zeit ihre Kunst, der Kunst ihre Freiheit » (« Au temps son art, à l’art sa liberté »).
En son sein, on trouve également la frise Beethoven du principal peintre de la Sécession : Gustav Klimt.