La victoire sur Bakounine et l’anarchisme renouvelé ayant suivi le proudhonisme a largement profité d’un événement fondamentalement marquant : la Commune de Paris, en 1871.
Ce soulèvement avait comme caractère ce que Karl Marx considérait comme étant la dictature du prolétariat ; il témoignait par conséquent de la nécessaire constitution du prolétariat comme parti politique défendant ses intérêts et les imposant.
La valeur historique de l’Association Internationale des Travailleurs se réalisait pleinement et, à ce titre, devait forcément aboutir à son propre dépassement.
Cela est d’autant plus vrai que l’AIT s’était largement développée en France, ayant donné naissance à la mi-novembre 1869 à une Fédération parisienne des sociétés ouvrières, qui rassemblera très rapidement 40 000 membres dans 56 sociétés parant aux interdictions anti-ouvrières d’alors.
Au moment de la Commune de Paris, l’AIT dispose d’une base d’autour de 100 000 personnes membres ou sympathisant en France environ, et même deux élus aux élections législatives de février 1871. L’un passera rejoindra le soulèvement, le second trahissant rejoignait les Versaillais : il s’agit de Henri Tolain, du manifeste des soixante, qui deviendra par la suite sénateur le reste de sa vie.
Dans la Commune de Paris, les membres de l’AIT furent une minorité dans la direction, celle-ci restant sous hégémonie des activistes dans l’esprit de 1848. Mais l’AIT comprit tout de suite que l’événement allait dans son sens.
Au nom de l’AIT, Karl Marx rédigea deux adresses à la Commune de Paris, puis ensuite un bilan intitulé La guerre civile en France. Ce dernier ouvrage fut immédiatement traduit dans toute l’Europe, montrant la convergence historique parfaite entre la Commune de Paris et l’AIT.
L’œuvre se conclut de la manière suivante :
« L’entendement bourgeois, tout imprégné d’esprit policier, se figure naturellement l’Association internationale des travailleurs comme une sorte de conjuration secrète, dont l’autorité centrale commande, de temps à autre, des explosions en différents pays.
Notre Association n’est, en fait, rien d’autre que le lien international qui unit les ouvriers les plus avancés des divers pays du monde civilisé.
En quel que lieu, sous quelque forme, et dans quelques conditions ne la lutte de classe prenne consistance, il est bien naturel que les membres de notre Association se trouvent au premier rang. Le sol sur lequel elle pousse est la société moderne même.
Elle ne peut en être extirpée, fût-ce au prix de la plus énorme effusion de sang. Pour l’extirper, les gouvernements auraient à extirper le despotisme du capital sur le travail, condition même de leur propre existence parasitaire.
Le Paris ouvrier, avec sa Commune, sera célébré à jamais comme le glorieux fourrier d’une société nouvelle. Le souvenir de ses martyrs est conservé pieusement dans le grand cœur de la classe ouvrière.
Ses exterminateurs, l’histoire les a déjà cloués à un pilori éternel, et toutes les prières de leurs prêtres n’arriveront pas à les en libérer. »
Les bourgeoisies des différents pays se mirent naturellement à exercer une pression encore plus grande sur l’AIT, qui fit passer son siège à New York en remplacement de Londres.
Le centre de gravité avait d’ailleurs changé non pas tant de Grande-Bretagne aux États-Unis, qu’en Allemagne avec l’émergence historique d’une puissante social-démocratie.
L’AIT, qui centralisait des initiatives éparses et se posait comme catalyseur, cessa en pratique ses activités en 1873, même si formellement son acte de dissolution fut prononcé au congrès de Philadelphie le 15 juillet 1876.
C’est Friedrich Engels, après la mort de Karl Marx en 1883, qui prendra le relais et qui œuvra à la fondation, en juillet 1889, de la seconde Internationale, l’Internationale Ouvrière, cette fois composée de partis politiques formant la social-démocratie internationale.
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