Septembre 1937
En 1933 déjà, le Parti communiste chinois avait publié un manifeste annonçant qu’il était prêt à conclure avec n’importe quelle unité des forces armées du Kuomintang un accord pour la résistance au Japon, sous trois conditions: cesser les attaques contre l’Armée rouge, accorder aux masses populaires les libertés démocratiques et armer les masses populaires.
La raison en était que la tâche primordiale du peuple chinois, après l’Incident du 18 Septembre 1931, était désormais la lutte contre l’attaque de l’impérialisme japonais. Cependant, notre but ne fut pas atteint.
En août 1935, le Parti communiste chinois et l’Armée rouge chinoise appelèrent tous les partis et groupements politiques et tous nos compatriotes à organiser une armée coalisée antijaponaise et un gouvernement de défense nationale en vue d’une lutte commune contre les impérialistes japonais1. En décembre de la même année, le Parti communiste chinois adopta une résolution sur la formation d’un front uni national antijaponais avec la bourgeoisie nationale.
En mai 1936, l’Armée rouge publia un télégramme demandant au gouvernement de Nankin de mettre fin à la guerre civile en vue d’une résistance commune contre le Japon.
En août, le Comité central du Parti communiste chinois adressa au Comité exécutif central du Kuomintang une lettre par laquelle il lui demandait l’arrêt de la guerre civile et la constitution d’un front uni des deux partis pour une lutte commune contre l’impérialisme japonais.
En septembre, le Parti communiste adopta une résolution sur la création d’une république démocratique unifiée en Chine. Outre le manifeste, le télégramme, la lettre et les résolutions, nous envoyâmes des délégués mener à plusieurs reprises des pourparlers avec le Kuomintang; mais aucun résultat ne put être obtenu.
C’est seulement à la fin de 1936, lors de l’Incident de Sian, que le représentant plénipotentiaire du Parti communiste chinois put parvenir à un accord avec le principal responsable du Kuomintang sur une question politique d’importance majeure pour l’époque — la cessation de la guerre civile entre les deux partis —, ce qui permit un règlement pacifique de l’Incident de Sian.
Ce fut un grand événement dans l’histoire de la Chine: une condition préalable était ainsi réalisée pour une nouvelle coopération entre les deux partis.
A la veille de la troisième session plénière du Comité exécutif central du Kuomintang, le 10 février dernier, le Comité central du Parti communiste chinois adressa à cette session un télégramme6 dans lequel il exposait de façon systématique ses propositions pour une coopération concrète entre les deux partis.
Il demandait au Kuomintang de prendre envers le Parti communiste les cinq engagements suivants: cessation de la guerre civile, réalisation des libertés démocratiques, convocation d’une assemblée nationale, préparation accélérée en vue de la résistance au Japon et amélioration des conditions de vie du peuple.
De son côté, le Parti communiste prenait vis-à-vis du Kuomintang les quatre engagements suivants: fin de l’hostilité entre les deux pouvoirs politiques, changement de la dénomination de l’Armée rouge et, dans les bases révolutionnaires, instauration d’un régime démocratique nouveau et arrêt de la confiscation des terres des propriétaires fonciers.
Ce fut là une démarche politique importante sans laquelle la coopération entre les deux partis se serait certainement trouvée retardée, ce qui aurait été tout à fait préjudiciable à la préparation accélérée de la résistance au Japon.
Dès lors, les deux partis se rapprochèrent quelque peu dans leurs négociations. Le Parti communiste formula des propositions encore plus concrètes concernant notamment la promulgation d’un programme politique commun aux deux partis, la levée de l’interdit sur les mouvements populaires, la libération des détenus politiques et le changement de dénomination de l’Armée rouge.
Bien que la promulgation d’un programme commun, la levée de l’interdit sur les mouvements populaires et la reconnaissance du nouveau régime dans les bases révolutionnaires n’aient pas encore eu lieu, l’ordre a déjà été donné, environ un mois après la chute de Peiping et de Tientsin, de changer le nom de l’Armée rouge en celui de VIIIe Armée de Route de l’Armée révolutionnaire nationale (appelée encore XVIIIe Groupe d’Armées suivant l’ordre de bataille sur le front antijaponais).
Le manifeste du Comité central du Parti communiste chinois sur l’établissement de la coopération entre les deux partis, transmis au Kuomintang dès le 15 juillet, et la déclaration de M. Tchiang Kaï-chek sur la reconnaissance de l’existence légale du Parti communiste chinois, qui devaient être publiés simultanément comme convenu, ont été, malgré un très grand retard que nous déplorons, rendus publics les 22 et 23 septembre par l’Agence centrale d’information du Kuomintang, au moment où la situation sur le front devenait critique.
Les deux documents annoncent l’établissement de la coopération entre les deux partis et posent les fondements indispensables à la grande cause de leur alliance pour le salut de la patrie.
Le manifeste du Parti communiste ne constituera pas seulement le principe pour l’union des deux partis, mais également le principe fondamental pour la grande union de tout le peuple. M. Tchiang Kaï-chek a bien fait de reconnaître dans sa déclaration l’existence légale du Parti communiste dans tout le pays et de souligner la nécessité de s’unir pour sauver la patrie; néanmoins il n’a pas renoncé à cette arrogance propre au Kuomintang ni fait l’autocritique indispensable; nous ne pouvons donc nous estimer satisfaits.
Quoi qu’il en soit, le front uni des deux partis est déjà proclamé, ce qui inaugure une ère nouvelle dans l’histoire de la révolution chinoise. Cet événement exercera une large et profonde influence sur le cours de la révolution chinoise et jouera un rôle décisif dans la défaite de l’impérialisme japonais.
Depuis 1924, les relations entre le Kuomintang et le Parti communiste ont été déterminantes pour la révolution chinoise. C’est grâce à la coopération des deux partis, sur la base d’un programme défini, que fut déclenchée la révolution de 1924-1927.
Au bout de deux ou trois ans déjà, des succès considérables furent remportés dans la révolution nationale, à laquelle le Dr Sun Yat-sen avait donné quarante années de sa vie et qu’il n’avait pu, cependant, mener à son terme. Ces succès se sont traduits par la création de la base révolutionnaire du Kouangtong et par la victoire de l’Expédition du Nord.
Tel fut le résultat de la constitution du front uni des deux partis. Mais certains ne s’en sont pas tenus aux principes révolutionnaires, et, au moment même où la révolution allait triompher, ils ont disloqué le front uni des deux partis, ce qui a entraîné la défaite de la révolution et ouvert la porte à l’agression étrangère. Tel fut le résultat de la rupture du front uni des deux partis.
Le front uni qui vient d’être reconstitué marque le début d’une nouvelle période de la révolution chinoise. Certaines gens ne comprennent pas encore le rôle historique et les grandes perspectives de ce front uni et continuent de penser que sa création n’est qu’une mesure provisoire, adoptée pour la forme sous la pression des circonstances; cependant, grâce à lui, la roue de l’histoire fera avancer la révolution chinoise vers une étape toute nouvelle.
La Chine pourra-t-elle sortir de sa crise nationale et sociale, si grave à l’heure actuelle?
Cela dépend de la manière dont se développera ce front uni. Déjà des preuves récentes montrent que les perspectives sont favorables.
La première de ces preuves, c’est qu’à peine proposée par le Parti communiste chinois cette politique de front uni a reçu l’approbation de toute la nation. Cela reflète bien les aspirations du peuple.
La deuxième de ces preuves, c’est que le règlement pacifique de l’Incident de Sian et la cessation de la guerre civile entre les deux partis ont aussitôt fait naître dans le pays une union sans précédent de tous les partis et groupements politiques, de tous les milieux et de toutes les forces armées.
Cette union, cependant, est loin de pouvoir répondre aux besoins de la Résistance, d’autant plus que la question de l’union du gouvernement et du peuple n’est pratiquement pas résolue.
La troisième et la plus éclatante de ces preuves, c’est le déclenchement à l’échelle nationale de la Guerre de Résistance contre le Japon.
Cependant, nous ne pouvons être satisfaits du déroulement actuel de la guerre, car, bien qu’elle soit de caractère national, seuls le gouvernement et l’armée y sont engagés. Comme nous l’avons déjà indiqué, il sera impossible de vaincre l’impérialisme japonais si la guerre est conduite de cette façon.
Néanmoins, pour la première fois depuis cent ans, la Chine oppose effectivement à l’agression étrangère une résistance d’ampleur nationale; cela n’aurait pu se produire sans la paix intérieure et la coopération des deux partis.
Si l’envahisseur japonais a pu occuper sans coup férir les quatre provinces du Nord-Est lors de la rupture du front uni des deux partis, à présent que celui-ci est reconstitué, il ne lui sera possible d’occuper de nouveaux territoires qu’au prix de combats sanglants. La quatrième de ces preuves, ce sont les répercussions à l’étranger. Les masses ouvrières et paysannes et les partis communistes du monde entier soutiennent la politique de front uni antijaponais préconisée par le Parti communiste chinois.
Avec l’établissement de la coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste, les peuples du monde entier, et l’Union soviétique plus particulièrement, apporteront à notre pays un soutien encore plus actif.
Déjà, la Chine et l’U.R.S.S. ont conclu un traité de non-agression [conclu le 21 août 1937], et il est à prévoir que les relations entre les deux pays continueront à s’améliorer.
Nous pouvons déduire de toutes ces preuves que le développement du front uni conduira la Chine vers de belles et brillantes perspectives: la défaite de l’impérialisme japonais et la création d’une république démocratique unifiée.
Mais le front uni ne pourra accomplir cette grande tâche s’il demeure dans son état actuel. Celui qui vient d’être créé entre les deux partis doit être développé, car il n’est pas encore large et solide.
Le front uni national antijaponais doit-il se limiter au Kuomintang et au Parti communiste?
Non.
Il doit être le front uni de toute la nation, et les deux partis n’en constituent qu’une fraction. Il doit être le front uni de tous les partis et groupements politiques, de tous les milieux et de toutes les forces armées, le front uni de tous les patriotes: ouvriers, paysans, soldats, intellectuels et commerçants.
Mais pour l’instant, il se limite en fait aux deux partis seulement, et les larges masses d’ouvriers, de paysans, de soldats, de la petite bourgeoisie urbaine et beaucoup d’autres patriotes n’ont pas encore été soulevés ni mis en mouvement, ne se sont pas encore organisés ni armés.
C’est le problème le plus grave du moment, car il empêche de remporter des victoires sur le front. Il n’est maintenant plus possible et il serait d’ailleurs inutile de dissimuler la gravité de la situation sur le front de la Chine du Nord et même sur celui des provinces du Kiangsou et du Tchékiang. La question est de savoir comment sauver la situation.
Le seul moyen est de mettre en pratique le testament du Dr Sun Yat-sen, c’est-à-dire d’« éveiller les masses populaires ».
Dans ce testament fait sur son lit de mort, il dit que, fort d’une expérience de quarante ans, il est parvenu à la profonde conviction que l’on ne peut atteindre les buts de la révolution que par ce moyen.
ur quoi donc se fondent ceux qui se refusent obstinément à exécuter ce testament ? Pour quelles raisons, en un moment aussi critique où le sort de la nation est en jeu, ne se décident- ils pas à faire passer ce testament dans la réalité?
Personne n’ignore que le despotisme et la répression vont à l’encontre du principe: « éveiller les masses populaires ».
La victoire sur l’impérialisme japonais est impossible si la Résistance est menée uniquement par le gouvernement et l’armée. Déjà en mai dernier, nous avons lancé au Kuomintang, parti au pouvoir, un solennel avertissement: si les masses populaires ne se lèvent pas pour la Résistance, nous subirons le sort de l’Abyssinie. Cela a été souligné non seulement par les communistes chinois, mais également par beaucoup de compatriotes progressistes des différentes régions et par de nombreux membres clairvoyants du Kuomintang.
Pourtant, la politique despotique est restée inchangée.La conséquence, c’est que le gouvernement est coupé du peuple, l’armée de la population, et, dans l’armée, les commandants des combattants. Si les masses populaires ne viennent pas renforcer le front uni, la situation critique existant sur les divers fronts de la guerre, loin de s’atténuer, ira inévitablement en s’aggravant.
Actuellement, le front uni antijaponais manque encore d’un pro- gramme politique reconnu par les deux partis et officiellement publié pour remplacer la politique despotique du Kuomintang.
Celui-ci continue d’employer à l’égard des masses populaires les mêmes procédés dont il use depuis dix ans.
L’appareil gouvernemental, le système en vigueur dans l’armée, la politique envers les masses populaires et dans les domaines des finances, de l’économie et de l’éducation nationale demeurent pratiquement ce qu’ils ont été ces dix dernières années; aucun changement n’y a été apporté.
Certes, il y a eu des changements, et de très importants; ce sont la cessation de la guerre civile et l’unité dans la Résistance.
La guerre civile qui opposait les deux partis a cessé et la Guerre de Résistance à l’échelle nationale a commencé, ce qui signifie que depuis l’Incident de Sian d’immenses changements se sont produits dans la situation politique de la Chine.
Cependant, les méthodes anciennes n’ont pas été modifiées, et ce qui demeure inchangé s’accorde mal avec ce qui a changé.
Les méthodes anciennes ne convenaient qu’à une politique extérieure de compromis et à une politique intérieure de répression de la révolution. Utilisées aujourd’hui pour faire face à l’attaque de l’impérialisme japonais, elles se révèlent partout inadéquates et montrent tous leurs points faibles.
Ce serait évidemment différent si l’on ne voulait pas résister au Japon, mais du moment qu’on le veut, que la Résistance a d’ailleurs commencé et que l’on se trouve en présence d’une situation critique, on s’expose aux pires dangers si l’on persiste à ne pas changer de procédés. La résistance au Japon exige un large front uni, soit la mobilisation de tout le peuple en vue de sa participation à ce front.
Elle exige un front uni solide et, par conséquent, un programme commun.
Celui-ci guidera l’action du front uni et constituera en même temps une sorte de lien qui engagera fortement toutes les organisations et toutes les personnes des différents partis et groupements politiques, des différents milieux et des différentes armées qui participeront à ce front. C’est alors seulement qu’il sera possible de parler d’une union solide.
Nous sommes contre les liens anciens, parce qu’ils ne conviennent pas à une guerre révolutionnaire nationale. Nous souhaitons l’établissement de liens nouveaux qui prennent la place des anciens, c’est-à-dire la promulgation d’un programme commun et l’instauration d’un ordre révolutionnaire. C’est là le seul moyen de s’adapter à la Guerre de Résistance.
Qu’est-ce que le programme commun? Ce sont les trois principes du peuple du Dr Sun Yat-sen et le Programme en dix points pour la résistance au Japon et le salut de la patrie8, avancé par le Parti communiste le 25 août dernier.
Dans son manifeste annonçant la coopération avec le Kuomintang, le Parti communiste chinois affirme: « Les trois principes du peuple du Dr Sun Yat-sen étant aujourd’hui nécessaires à la Chine, notre Parti est prêt à lutter pour leur réalisation complète ».
Certains trouvent étrange que le Parti communiste soit disposé à mettre en pratique les trois principes du peuple qui sont les principes du Kuomintang. Par exemple, Tchou Tsing-lai [Tchou Tsing-lai fut l’un des chefs du Parti national-socialiste (groupuscule organisé par la réaction et représentant une fraction des propriétaires fonciers, des bureaucrates et de la grande bourgeoisie). Il devint par la suite membre du gouverne- ment de trahison nationale de Wang Tsing-wei], de Shanghai, a exprimé ses doutes à ce sujet dans les colonnes d’un périodique de cette ville. Ces gens pensent que le communisme et les trois principes du peuple sont incompatibles.
C’est là une façon formaliste d’aborder la question. Le communisme sera réalisé à une étape ultérieure du développement de la révolution; au stade actuel, les communistes ne se font aucune illusion sur la possibilité de le réaliser, et ce qu’ils veulent, c’est faire aboutir la révolution nationale et la révolution démocratique, selon l’exigence de l’histoire. Telles sont les raisons mêmes qui ont amené le Parti communiste chinois à proposer un front uni national antijaponais et une république démocratique unifiée.
En ce qui concerne les trois principes du peuple, l’application en a été décidée d’un commun accord par le Parti communiste et le Kuomintang il y a plus de dix ans déjà, au Ier Congrès national du Kuomintang, lors du premier front uni des deux partis.
Ainsi, de 1924 à 1927, ils ont été mis en pratique sur une grande partie du territoire de notre pays par chaque communiste loyal et chaque membre loyal du Kuomintang. Malheureusement, le front uni a été rompu en 1927 et au cours des dix dernières années le Kuomintang s’est toujours opposé à leur application.
Quant au Parti communiste, toute sa politique pendant cette période est restée foncièrement en accord avec l’esprit révolutionnaire des trois principes du peuple et des trois thèses politiques fondamentales du Dr Sun Yat-sen. Il ne s’est pas passé un seul jour que le Parti communiste n’ait combattu l’impérialisme, et c’est là une application conséquente du principe du nationalisme; de même, la dictature démocratique des ouvriers et des paysans n’est autre que l’application conséquente du principe de la démocratie; et la révolution agraire est l’application conséquente du principe du bien-être du peuple.
Pourquoi donc le Parti communiste annonce-t-il maintenant l’abolition de la dictature démocratique des ouvriers et des paysans et l’arrêt de la confiscation des terres des propriétaires fonciers ?
Comme nous l’avons déjà expliqué, ce n’est nullement parce que ce régime et cette mesure seraient à rejeter en tant que tels, mais parce que l’agression armée de l’impérialisme japonais a amené des changements dans les rapports de classes à l’intérieur du pays, ce qui a rendu nécessaire et possible l’union de toutes les couches de la nation dans la lutte contre l’impérialisme japonais. La nécessité et la possibilité de créer un front uni pour une lutte commune contre le fascisme ne sont pas apparues en Chine seulement, mais dans le monde entier.
C’est pourquoi nous avons préconisé la création en Chine d’un front uni national démocratique.
C’est sur cette base que nous avons proposé une république démocratique fondée sur l’alliance de toutes les couches de la population au lieu de la dictature démocratique des ouvriers et des paysans.
L’accomplissement de la révolution agraire suivant le principe « la terre à ceux qui la travaillent » est précisément la politique que préconisait le Dr Sun Yat-sen.
Et si nous cessons aujourd’hui de l’appliquer, c’est pour unir des gens en plus grand nombre dans la lutte contre l’impérialisme japonais, et non parce que la Chine n’a plus besoin de résoudre la question agraire. Nous nous sommes expliqués sans aucune équivoque sur les raisons objectives et l’opportunité de ce changement de notre politique.
Le Parti communiste chinois, se fondant sur les principes du marxisme, a toujours maintenu, tout en le développant, le programme commun du premier front uni du Kuomintang et du Parti communiste, c’est-à-dire les trois principes du peuple révolutionnaires, et c’est précisément pour cela qu’au moment critique où notre pays était envahi par un ennemi puissant il a été en mesure de proposer, en temps utile, une politique de front uni national démocratique, seule capable de sauver le pays de l’asservissement, et qu’il a inlassablement œuvré pour son application.
La question qui se pose aujourd’hui n’est pas de savoir si le Parti communiste a confiance ou non dans les trois principes du peuple révolutionnaires, s’il les met ou non en pratique, mais plutôt de savoir si le Kuomintang a confiance ou non dans ces principes, s’il les met ou non en pratique.
La tâche actuelle est de faire revivre dans tout le pays l’esprit révolutionnaire des trois principes du peuple du Dr Sun Yat-sen, d’élaborer dans cet esprit le programme et les mesures politiques nécessaires et d’entreprendre leur réalisation en toute sincérité et sans arrière-pensée, effectivement et non pour la forme, vite et sans atermoiements.
C’est ce à quoi aspire ardemment le Parti communiste chinois.
Aussi a-t-il proposé, après l’Incident de Loukeoukiao, le Programme en dix points pour la résistance au Japon et le salut de la patrie, programme conforme au marxisme comme aux trois principes du peuple authentiquement révolutionnaires.
C’est un programme préliminaire, le programme de la révolution chinoise à l’étape actuelle qui est celle de la guerre révolutionnaire nationale contre l’envahisseur japonais; c’est seulement en le réalisant qu’on pourra sauver la Chine. Tout ce qui persiste à suivre un cours opposé sera condamné par l’Histoire.
Il est impossible d’appliquer ce Programme à l’échelle nationale sans l’accord du Kuomintang, car celui-ci est encore, à l’heure actuelle, le plus grand parti de Chine, le parti qui détient le pouvoir. Nous sommes convaincus que le jour viendra où les membres clairvoyants du Kuomintang approuveront notre programme.
Sans cela, les trois principes du peuple seront à jamais vides de sens, on ne pourra faire revivre l’esprit révolutionnaire du Dr Sun Yat-sen ni remporter la victoire sur l’impérialisme japonais, et le peuple chinois n’échappera pas à l’asservissement.
C’est ce que les membres vraiment avisés du Kuomintang ne souhaitent certainement pas, et notre peuple ne se résignera jamais à devenir un peuple d’esclaves coloniaux. D’ailleurs, M. Tchiang Kaï-chek a dit dans sa déclaration du 23 septembre:
J’estime que nous devons, nous qui sommes pour la révolution, laisser de côté toute rancœur et tout préjugé personnels et œuvrer pour la mise en pratique des trois principes du peuple. En ce moment critique où le sort de la nation est en jeu, il ne sied pas de revenir sur le passé, mais il faut, avec tout le peuple, prendre un nouveau départ et travailler énergiquement à l’unité pour sauver la vie, l’existence même du pays.
Cela est fort juste. La tâche qui s’impose dans l’immédiat, c’est de lutter pour l’application des trois principes du peuple, de renoncer aux préjugés personnels et aux préjugés de petits groupes, d’abandonner les procédés anciens, de mettre immédiatement à exécution un programme révolutionnaire conforme aux trois principes du peuple et de prendre un nouveau départ avec le concours du peuple. Telle est, aujourd’hui, la seule voie possible. Si l’on continue à faire traîner les choses, le moment viendra où il sera trop tard pour se repentir.
Mais l’application des trois principes du peuple et du Programme en dix points nécessite des instruments appropriés, ce qui pose la question de la réorganisation du gouvernement et de l’armée. Le gouvernement actuel est toujours celui de la dictature d’un seul parti, le Kuomintang, et non celui du front uni national démocratique.
L’application des trois principes du peuple et du Programme en dix points est impossible sans un gouvernement de front uni national démocratique. Dans l’armée du Kuomintang demeure en vigueur le système ancien. Or, avec une armée dotée d’un tel système, il est impossible de vaincre l’impérialisme japonais.
Actuellement, les troupes sont engagées dans la Guerre de Résistance et nous éprouvons beaucoup d’admiration et de respect pour elles, en particulier pour celles qui combattent sur le front.
Cependant, l’expérience de trois mois de guerre de résistance a montré qu’il est indispensable de changer le système en vigueur dans l’armée du Kuomintang, car il ne permet pas d’assurer la victoire définitive sur l’envahisseur japonais ni de mener à bien l’application des trois principes du peuple et du programme révolutionnaire. Pour un tel changement, il faut prendre comme base les principes de l’union des officiers et des soldats, et de l’union de l’armée et du peuple.
Le système actuellement en vigueur dans l’armée du Kuomintang est foncièrement contraire à ces deux principes. Il empêche la masse des officiers et des soldats de donner le meilleur d’eux-mêmes en dépit de leur loyauté et de leur courage; il faut donc en entreprendre la réorganisation au plus tôt.
Il n’est pas question de suspendre les opérations militaires en attendant que le système soit réformé. On peut le changer tout en poursuivant la guerre. La tâche centrale est de provoquer un changement dans l’esprit politique de l’armée, dans le travail politique mené en son sein.
L’Armée révolutionnaire nationale de l’époque de l’Expédition du Nord nous fournit un magnifique exemple; en effet, elle a su, en général, réaliser l’union des officiers et des soldats ainsi que l’union de l’armée et du peuple. Il est indispensable de faire revivre l’esprit de cette époque.
La Chine doit s’inspirer de l’expérience de la guerre d’Espagne, où l’armée républicaine s’est constituée dans des circonstances extrêmement difficiles.
La Chine se trouve dans de meilleures conditions que l’Espagne, mais il lui manque un front uni large et solide, un gouvernement de front uni capable d’appliquer intégrale- ment le programme révolutionnaire et des forces armées nombreuses constituées d’après un système nouveau. Elle doit combler toutes ces lacunes.
Dans la Guerre de Résistance, l’Armée rouge dirigée par le Parti communiste chinois ne peut jouer aujourd’hui qu’un rôle d’avant-garde, elle n’est pas encore en mesure de jouer un rôle décisif à l’échelle nationale.
Mais ses qualités politiques, militaires et son organisation méritent d’être prises en exemple, dans tout le pays, par les armées amies. D’ailleurs, au début, cette armée n’était pas ce qu’elle est maintenant; elle a subi maintes réformes, dont la principale a été l’élimination des pratiques féodales et l’application des principes de l’union des officiers et des soldats, de l’union de l’armée et du peuple. Cette expérience peut servir d’enseignement aux armées amies dans tout le pays.
Camarades partisans de la résistance antijaponaise, membres du Kuomintang, aujourd’hui au pouvoir !
Nous partageons avec vous la responsabilité du salut et de l’existence de la nation. Vous avez déjà constitué avec nous un front uni antijaponais. C’est très bien.
Vous avez commencé la guerre contre l’envahisseur japonais, c’est également très bien. Mais nous ne sommes pas d’accord que, pour tout le reste, vous suiviez l’ancienne politique. Il faut développer et élargir le front uni, en y faisant entrer les masses populaires.
Il faut le consolider en mettant à exécution un programme commun et se décider à réformer le régime politique du pays et le système en vigueur dans l’armée. Il est absolument nécessaire de former un gouvernement nouveau, seul capable de réaliser un programme révolutionnaire et d’entreprendre la réforme de l’armée à l’échelle nationale.
Notre proposition traduit une exigence de notre époque. Il ne manque pas de gens dans votre Parti qui s’en rendent compte, et le moment est venu de satisfaire à cette exigence.
Le Dr Sun Yat-sen s’est résolu en son temps à changer le régime politique du pays et le système appliqué dans l’armée, jetant ainsi les bases de la révolution de 1924-1927. C’est à vous qu’incombe aujourd’hui la responsabilité d’effectuer une réforme analogue. Nous pensons qu’aucun membre loyal et patriote du Kuomintang ne considérera notre proposition comme inadaptée aux circonstances. Nous sommes fermement convaincus qu’elle répond à une nécessité objective.
Notre nation est en péril. Puissent le Kuomintang et le Parti communiste s’unir étroitement! Compatriotes qui vous refusez à devenir esclaves, unissez-vous étroitement sur la base de l’union du Kuomintang et du Parti communiste !
Réaliser les réformes indispensables pour surmonter toutes les difficultés, telle est aujourd’hui la tâche pressante de la révolution chinoise. Cette tâche accomplie, nous parviendrons à vaincre l’impérialisme japonais.
Déployons donc tous nos efforts, un avenir lumineux s’ouvre devant nous.