(Article paru dans la revue Front Social dans les années 1990.]
1972-1976: les antécédents
A la fin des années 60 c’est la Gauche Prolétarienne (GP), dont le journal est la Cause du Peuple (CDP), qui arrive à rassembler les éléments les plus révolutionnaires de l’après 68. La situation est comprise comme un » nouveau fascisme « , et l’on va vers la » guerre civile « .
Une » nouvelle résistance » se développe à partir du mouvement anti-autoritaire de la jeunesse et des luttes ouvrières.
La GP, dont certains de ses militants sont tués par la police ou les vigiles des usines, organise un groupe armé illégal, » la Nouvelle Résistance Populaire » (NRP).
Celle-ci tente d’enlever un député, séquestre un responsable de Renault mais s’autodissout au bout de quelques temps, refusant le passage à la lutte armée et espérant beaucoup des mouvements sociaux comme l’autogestion de l’usine de montres LIP ou l’occupation par la population des terrains militaires du Larzac.
Ce n’est néanmoins pas la fin de la lutte armée en France. En mai 1974 se forment les Groupes d’Action Révolutionnaire Internationaliste (GARI). Les GARI entendaient soutenir financièrement, matériellement et militairement la lutte contre le franquisme en Espagne, et notamment l’ex-MIL (Mouvement Ibérique de Libération). Le MIL avait de 1971 à 1973 mené des expropriations, édité des textes révolutionnaires…
L’un de ses militants les plus connus est Salavador Puig-Antich, garotté le 2 mars 1974.
Les GARI entendent » lutter par l’action directe contre la dictature franquiste, contre le capital, contre l’Etat, pour la libération de l’Espagne, de l’Europe et du monde « .
Les GARI enlèveront le 3 mai 1974 le directeur de la banque de Bilbao à Paris, méneront 25 attentats et 5 hold-ups à Paris, dans le Midi de la France et en Belgique. Les GARI seront démantelé au-bout de quelques mois.
Apparaissent alors les Brigades Internationales (BI). Les BI forment » une organisation politico-militaire, anti-impérialiste, d’inspiration maoïste, et composée de militants révolutionnaires français » (Libération du 30 juin 1976).
Créée à la suite du putsch au Chili en 1973, en conséquence de » l’incapacité des organisations révolutionnaires à proposer une riposte conséquente « , les BI mèneront pendant trois ans des actions très dures et ne seront jamais détrites par la police.
Le 9.12.74 la BI Raul Sendi (nom du fondateur des Tupamaros) exécute le colonel Trabal, attaché militaire uruguayen. Le 8.10.75 la BI Juan Manot (militant basque fusillé le 27.9.75) tente d’exécuter l’attaché militaire espagnol Garcia.
Le 10 mai 1976 la BI Che Guevara exécute l’ambassadeur bolivien à Paris.
Le 2 novembre 1976 la BI Reza Rezay (militant iranien tué le 16 juin 1973) tente d’exécuter l’attaché culturel iranien.
Le 7 juillet 1977 la BI El Ouali Sayed tente d’exécuter l’ambassadeur de Mauritanie.
C’est alors la formation des Noyaux Armés Pour l’Autonomie Populaire (NAPAP). Le 24 mars 1977 c’est l’exécution de Jean-Antoine Tramoni, vigile de chez Renault ayant tué un militant de la GP, Pierre Overney.
Le 27 mars les NAPAP créent un incendie sur l’aire de stationnement des usines Renault-Flins; le 3 avril a lieu un attentat contre la CFT; le 6 juin un attentat et des coups de feu contre Chrysler-France; le 8 octobre attentat contre le domicile du garde des Sceaux, le 14 octobre contre le palais de justice et le ministère de la justice; finalement un attentat contre le hall d’exposition de la société Mercedes.
Qui sont les NAPAP?
» Nous n’avons plus rien à voir avec l’étiquette ‘maoïste’ que la presse nous a collée. S’il est vrai que d’anciens maos appartiennent aux NAPAP, ce n’est pas seulement à partir du bilan de la liquidation de la gauche prolétarienne…
Il est clair que nous ne sommes ni le parti combattant de quoi que ce soit, encore moins une nouvelle ‘bande à Baader’.
Nous avons tiré le bilan des pratiques politico-militaires étrangères qui mènent des combattants ‘spécialistes’ à une lutte solidaire et suicidaire face à l’appareil d’Etat moderne. Notre pratique s’inscrit dans l’édification de l’autonomie ouvrière organisée au sein du mouvement populaire.Notre but n’est pas d’appeler à la formation de A, 10, 100 NAPAP régis par une direction centrale style état-major de la violence populaire potentielle.
Nous abordons une autre étape qui consiste à nous fondre dans la dynamique du mouvement et non pas à chercher à en prendre la tête d’une façon officielle ou magouillarde « .
1977-78: la préparation
En France c’est la formation de l’autonomie offensive, c’est-à-dire du mouvement autonome, à partir de groupes qui se sont notamment affrontés à la police à Malville lors de la grande manifestation anti-nucléaire.
» Malville a recomposé brutalement tous ceux qui étaient partis à la dérive depuis 1972 » (revue autonome » Camarades » n°6).
Le mouvement autonome ne rejette pas la lutte armée, comme le montrent les slogans ( » lutte armée et autonomie ouvrière « , » autonomie et offensive « , » autonomie offensive, lutte armée, pour le communisme! « ), car » l’émergence de la violence est un fait du mouvement » ( » Camarades » 4-5).
Mais, et à ce titre, la violence ne peut pas être simplement le fruit d’une organisation, elle dépend du mouvement.
» Le Mouvement est prêt et capable, sans attendre la permission des gôchistes, de défendre ses besoins en assumant massivement un haut niveau d’affrontement avec l’Etat… de façon que dans son ensemble il puisse se reconnaître dans chaque action violente menée par de petits groupes » ( » Camarades » n°6).
Les militants d’Action Directe, qui n’existe pas encore en tant que tel, mènent des opérations de sabotage et d’actions illégales.
A ainsi lieu une nuit bleu contre la construction de la centrale de Malville (23 attentats revendiqués par CARLOS – coordination autonome radicalement en lutte ouverte contre la société).
Une nuit bleu a lieu contre l’extradition de l’avocat des prisonnierEs de la RAF Klaus Croissant, des actions à l’annonce de la mort par » suicide » des prisonnierEs de la RAF; à Toulouse la CACT (coordination autonome contre le travail) attaque des ANPE et des agences d’intérim.
En été 1978 c’est l’arrestation de militantEs des MATRA (Mouvements armés terroristes révolutionnaires anarchistes), accuséEs de 35 attentats contre des ANPE, des bâtiments EDF, des agences d’intérim, des gendarmeries, le palais de justice, etc.
1979: les débuts
1er mai: l’organisation » Action Directe » apparaît en revendiquant le mitraillage du bâtiment du CNPF (conseil national du patronat français) à Paris.
15 septembre: attentats contre le ministère du travail et le ministère de la santé.
16 septembre: destruction du siège de la SONACOTRA (société mixte de gestion des foyers de travailleurs immigrés) après les expulsions massives et policières de foyers suivant une grève des loyers de plusieurs mois. Mitraillage des locaux du secrétariat aux travailleurs immigrés (dans le bâtiment même du ministère du travail)
27 septembre: attentat contre les locaux du patronat chargé de la gestion de l’emploi pour la région parisienne.
1980: la propagande armée
3 et 5 février: attentats contre la direction de l’inspection du travail
10 février: attentat contre l’UCPI, société immobilière impliquée dans des expropriations de logements dans les quartiers populaires de Paris.
12 mars: attentat contre une autre société immobilière impliquée.
14 mars: attentat contre les locaux de la section de la D.S.T. (direction de la surveillance du territoire) chargée de la surveillance des organisations politiques et syndicales des étrangers. Attentat contre le siège de l’Organisation Internationale de Coopération des Polices.
16 mars: un commando pénètre dans le Ministère de la Coopération, le Ministre Galley échappe de peu aux tirs.
27-28 mars: 32 militantEs autonomes proches ou militants d’Action Directe sont arrêtéEs; celle-ci mène des actions en réponse contre le Fort de Maison-Alfort (caserne des unités du GIGN) et contre un commissariat de Toulouse.
15 avril: attentat contre le ministère des transports, tirs de roquettes contre le même ministère et la direction de la sécurité routière.
4 juillet: pillage par un groupe armé de la mairie du XIVème arrondissement de Paris.
28 août: affrontement armée à Paris lors d’un attaque contre une banque entre policiers et membres d’AD.
13 septembre: arrestation d’une douzaine de militantEs après une fusillade.
17 septembre: mitraillage du poste de garde de l’Ecole de Guerre.
1981: fin de la 1ère partie
Action Directe suspend ses action pour la campagne présidentielle.
15 avril: fusillade lors d’une attaque contre une banque de la place des Ternes à Paris; un policier est tué.
Après l’élection de Mitterrand deux grèves de la faim en 6 mois et un grand soutien politique à l’extérieur (autour du journal » Rebelles « ) permet la libération de tous/toutes les prisonnierEs politiques communistes et anarchistes.
Scission dans Action Directe en 4 tendances, dont deux (dites » mouvementistes « ) cessent la lutte armée et une passe dans l’antisémitisme militant (c’est la soi-disante » branche lyonnaise « ).
Action Directe participe en novembre et en décembre à l’occupation de nombreux ateliers clandestins dans le Sentier et d’immeubles à Barbès.
22 décembre: Laouri » Farid » Benchelal, militant d’AD, est tabassé à mort au commissariat d’Helsinki quelques heures après son arrestation.
24/25 décembre: 7 attentats contre des magasins de luxe, dont Rolls-Royce à Paris et en province.
1982: la reprise…
13 février: AD exécute Gabriel Chahine, réfugié libanais qui a indiqué à la police les planques de militantEs.
19 février: attentat contre le local des organisations fascistes turques à Paris.
30 mars: mitraillage de l’antenne du Ministère de la Défense israélien à Paris par un commando composé de membres d’AD et de révolutionnaires turcs.
Avril: publication du texte » Pour un projet communiste « . On peut en gros définir la ligne d’AD comme » communiste libertaire « , ou plus exactement d’anarchiste marxisant. Aucune référence à Lénine ou Mao, AD se dit anarchiste mais veut une » société communiste « .
Le mois est marqué par des arrestations, des rafles dans les squatts de Barbès, le siège de l’organisation est détruit quelques heures après le passage de la police.
Juin: contre le sommet du G7 à Versailles, AD organise notamment un grand attentat contre le siège européen du F.M.I. et de la Banque mondiale (Unité Combattante Benchellal). Parution du texte » Sur l’impérialisme « , où les USA et l’URSS sont mis dos à dos.
Août: Massacres par les phalanges libanaises sous l’oeil de l’armée israélienne des réfugiés palestiniens des camps de Sabra et Chatila . AD (UC Marcel Rayman, composé de personnes d’origine juive) mène des actions armées contre des sociétés israéliennes et US, notamment contre la Chase Manhattan Bank, et se réclame pour la première fois du » front anti-impérialiste « .
19 août: l’Etat dissout Action Directe, dont tout sympathisant peut être accusé de » reconstitution de ligue dissoute « . Attentat contre le journal Minute.
1983: …et la course en avant
31 mai: fusillade rue Trudaine à Paris entre un commando d’AD et la police. 2 policiers sont tués et un autre grièvement blessé. Grand émoi dans la police, qui manifeste sous les fenêtres du ministère de la justice, dont certains en uniformes.
30 juillet: tentative d’expropriation de la bijouterie Aldebert, place de la Madeleine.
26 septembre: attentat contre la Marine Nationale.
29 septembre: attentat contre le Cercle militaire inter-allié.
14 octobre: fusillade dans le 17ème arrondissement de Paris, Ciro Rizzato, militant italien des COLP (communistes organisés pour la libération prolétarienne) est tué, deux policiers blessés. Des procès ont eu lieu contre des Italiens et des Français quant à cette fusillade.
Automne: apparition du mensuel » L’Internationale « , qui diffuse exclusivement les textes quant à la lutte armée en Europe de l’Ouest et aux USA (ou encore, plus rarement, dans le 1/3 monde).
1984: vers le Front
29 janvier: attentat contre Panhard.
Février: arrestation d’une dizaine de militantEs en France et en Italie.
13 mars: des militantEs d’AD échappent à un piège tendu par la police à Bruxelles en Belgique. Arrestation quelques jours plus tard de nombreux militantEs.
Printemps: AD et des militantEs révolutionnaires de Belgique exproprient des banques, pillent l’armurerie de la caserne de Vielsam, récupère près d’une tonne d’explosif dans les casernes d’Ecaussines.
11 juillet: AD débute l’offensive » unité des révolutionnaires en Europe de l’Ouest » avec un attentat contre l’Institut atlantique. » De la capacité à s’organiser des éléments avancés du prolétariat des métropoles dépend la réalisation ou l’échec des projets de l’impérialisme: surexploitation, guerre, anéantissement… « .
12 juillet: attentat contre l’institut des affaires atlantiques (UC Ciro Rizzato).
13 juillet: attentat contre les services informatiques du bureau de recherche et de programmation du ministère de la défense et les locaux du SIAR (surveillance industrielle de l’armement) (UC Benchellal).
14 juillet: attentat contre les annexes du ministère de l’industrie. » En s’en prenant à l’un des piliers de l’OTAN et en attaquant frontalement l’impérialisme français, l’organisation Action Directe démontre une fois de plus la capacité de la classe ouvrière à frapper l’impérialisme au moment opportun et sa volonté de désarticuler la phase de transfert sur le terrain militaire du projet politique de restructuration globale de la production par la guerre impérialiste.
En portant l’attaque au ministère de l’industrie, l’organisation Action Directe manifeste sa détermination à s’opposer aux licenciements de masse dans l’automobile et la sidérurgie, à l’exploitation toujours plus grande de millions de prolétaires » (Régis Schleicher, militant d’AD alors arrêté, déclaration de juillet 1984).
2 août: attentat contre le siège de l’ESA (european space agency).
23 août: une voiture piégée est garée sous les fenêtres de l’hémicycle de l’Assemblée de l’Union de l’Europe Occidentale.
28 août: attentat contre le siège du PS et contre le ministère de la défense.
Septembre: début d’une grève de la faim de 38 jours des prisonnierEs politiques d’AD contre l’isolement carcéral et pour le regroupement. D’autres prisonnierEs politiques et des prisonnierEs sociaux les rejoignent.
20/21 Octobre: attentats contre les entreprises d’armement Hispano-Suza et Dassault.
18 décembre: les explosifs de l’action de la RAF contre l’Ecole d’officier de l’OTAN d’Oberamärgau dans le Sud de l’Allemagne proviennent du stock exproprié à Ecaussine.
Décembre: le collectif de rédaction de l’Internationale est arrêté. Condamnés à de lourdes peines pour » association de malfaiteurs « , certains sont relaxés en appel après 4 ans de préventive!
De fait, » l’Internationale » est court-circuité sans être confronté à une répression visant directement la presse. Il faut dire que n’importe quelLE abrutiE en lisant l’Internationale pouvait comprendre les liens avec Action Directe…
31 décembre: des militantEs d’AD échappent aux arrestations; en R.F.A. à Bonn attentat contre la mission technique de l’armement de l’ambassade française.
1985: le Front
15 janvier: déclaration commune RAF-AD (publié dans Front Social n°5 – voir l’historique de la RAF). La RAF et AD décident de mener la lutte dans un seul front contre les projets impérialistes.
25 janvier: le général Audran, responsable des affaires internationales du ministère de la défense (rapport avec l’OTAN, vente d’armes, etc.) est exécuté par le commando Elisabeth Van Dyck d’Action Directe (Van Dyck est une membre de la RAF assassinée lors de son arrestation).
13 avril: attentat contre la banque Leumi et l’ONI, le 14 contre Minute (UC Sara Meidli).
24 avril: un révolutionnaire turc est arrêté à la frontière franco-belge avec deux Kg de dynamites provenant d’Ecausssines. Il était fiché comme proche d’AD et avait vécu dans les squatts de Barbès.
27 avril: attentat contre le siège européen du F.M.I., le 30 contre les entreprises d’armement TRT et SAT (UC Benchellal).
26 juin: l’attentat contre le Général Blandin, contrôleur général des armées, qui échoue, est revendiqué par le Commando Antonio Lo Muscio (militant italien des Noyaux Armés Prolétariens tué lors de son arrestation).
Juillet-Août: découvertes de caches et de planques d’Action Directe et du FRAP, front révolutionnaire armé prolétarien .
8 août: un commando commun RAF-AD (nommé Georges Jackson du nom d’un militant Black Panther assassiné) attaque la base aérienne US de Francfort (l’air base), 3 soldats US sont tués.
5 septembre: attentat contre ATIC, Péchiney, Renault, Spie-Batignolles (tour Winthertur).
Octobre: attentats contre Radio-France, Antenne 2, la Haute Autorité de l’audiovisuel.
1986: la continuation du Front
Février: interview au journal anti-impérialiste clandestin allemand » zusammen kämpfen » (lutter ensemble).
15 avril: le commando Christos Kassimis revendique l’attentat contre le vice-président du CNPF, Guy Brana, notamment PDG de la branche armement de la multinationale Thomson.
16 mai: le commando Kepa Crespo-Gallende pénètre à l’intérieur du siège d’Interpol, mitraille les différents bureaux et dépose plusieurs dizaines de Kg d’explosifs.
21 juillet: l’unité combattante Ciro Rizzato revendique l’attentat contre le siège de l’OCDE.
9 septembre: l’Etat français adopte les lois d’exception concernant le terrorisme: peine de 30 ans, section spéciale du Parquet, constitution d’un jury spécial professionnel, prolongement de la garde à vue…
17 novembre; le commando Pierre Overney (d’un militant mao tué par un vigile aux usines Renault) exécute Georges Besse, PDG de Renault.
1987: l’échec militaire
21 février: arrestation de Nathalie Ménigon, Joëlle Aubron, Jean-Marc Rouillan et Georges Cipriani.
=>Retour au dossier PCMLF, PCR(ml), VLR, UCF-ML,
Nouvelle Cause du Peuple, NAPAP, Action Directe