Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • Jean Racine : la question janséniste

    Le rapport de Racine au jansénisme, le mouvement de Port-Royal est très particulier, et a été prétexte à beaucoup de fantasmes associés par ailleurs à une lecture totalement erronée de ce courant religieux-mystique ultra, que l’Église elle-même dû supprimer.

    Né à la Ferté-Milon le 21 décembre 1639 et très tôt orphelin. Il faut ici souligner l’arrière-plan picard : Jean Racine a ainsi été baptisé dans l’église où Jean de la Fontaine s’est marié. La Ferté-Milon, ville natale de Jean Racine, fut également un bastion catholique au milieu de villes passées immédiatement au protestantisme : Compiègne, Château-Thierry, Meaux, Saint-Quentin.

    Elle résista également à l’offensive de la Fronde et un épisode fut terrible : les Souabes, formant l’arrière-garde avec des fourgons et des chariots, eurent peur d’être éventuellement pris en chasse par la cavalerie royale. Aussi, comme à leur départ les troupes de la Fronde avaient tué les prisonniers ainsi qu’une centaine de paysans, ils utilisèrent une technique de la guerre de trente ans pour créer la panique chez les chevaux : ils découpèrent les cadavres en morceaux et les semèrent sur la route.

    On notera un aspect religieux au sujet de la Picardie : les Mystères, représentations théâtrales devant les Églises de moments de le Bible, étant assez difficiles à prendre tels quels par les paysans, l’Église introduisit des farces encadrées de manière religieuse pour éviter les initiatives autonomes à ce sujet et que ce furent les Cinges Verts de Chauny, en Picardie, qui furent la source d’une importante production pour l’Église de tels intermèdes.

    Les Mystères furent par ailleurs interdits à Amiens et Arras en 1541, à Paris en 1550, mais la région du Valois échappa toutefois à cette impossibilité de les représenter, car elle était devenue le douaire de Catherine de Médicis. Celle-ci vint en 1554 assister à le Mystère de Sainte-Marguerite (sa fille s’appelant pareillement).

    Racine rejoint une partie de sa famille d’orientation janséniste et alla en 1651 ou en 1652 comme écolier à Beauvais, ville dont l’évêque (et comte) Nicolas Choart de Buzanval était un partisan du jansénisme. Son collège Pastour avait également eu comme anciens élèves Godefroy Hermant, proche du jansénisme, et surtout Walon de Beaupuis, directeur des Petites Ecoles de Port-Royal et Pierre Coustel, qui y était professeur.

    Le principal du collège venait d’être nommé quand Racine arriva : Nicolas Dessuslefour, originaire du diocèse d’Amiens, avait été ordonné prêtre par Nicolas Choart de Buzanval. Les trois années de Racine au collège furent marquées, en plus du jansénisme, par l’irruption du mouvement de la Fronde, avec les nobles en révolte contre le pouvoir central d’une monarchie absolue s’affirmant de plus en plus.

    Il quitta ensuite le collège en 1655 pour continuer ses études dans un cadre janséniste à Port-Royal, puis va en 1658 au collège d’Harcourt (qui deviendra le lycée Saint-Louis) y « faire sa logique ».

    Il y a ici deux possibilités : soit considérer que Racine a été façonné par l’esprit de Port-Royal, soit que son installation en plein Paris en 1658 est un tournant, avec une rupture complète avec le passé.

    La première thèse est dominante de manière écrasante ; elle ne correspond toutefois pas à la réalité. De fait, Racine fréquente l’abbé Le Vasseur, en réalité un libertin, ainsi qu’un oncle, Nicolas Vitard, intendant du duc, par ailleurs lié au jansénisme, de Luynes-Chevreuse, possédant l’hôtel de Luynes qui fut concrètement un lieu d’accueil de beaux esprits et d’aristocrates particulièrement cultivés.

    La rupture avec les jansénistes est de toute manière inévitable de par l’activité théâtrale de Racine, ce que sa tante Agnès de Sainte-Thède, dès début de sa carrière, dénonce dans un avertissement on ne peut plus clair :

    « J’ai appris avec douleur que vous fréquentiez plus que jamais des gens dont le nom est abominable à toutes les personnes qui ont tant soit peu de piété, et avec raison, puisqu’on leur interdit l’entrée de l’église et la communion des fidèles, même à la mort, à moins qu’ils ne se reconnaissent (…).

    Je vous conjure donc, mon cher neveu, d’avoir pitié de votre âme, et de rentrer dans votre cœur, pour y considérer sérieusement dans quel abîme vous vous êtes jeté.

    Je souhaite que ce qu’on m’a dit ne soit pas vrai ; mais si vous êtes assez malheureux pour n’avoir pas rompu un commerce qui vous déshonore devant Dieu et devant les hommes, vous ne devez pas penser à nous venir nous voir. »

    Pierre Nicole écrivit en défense du jansénisme des Lettres sur l’Hérésie imaginaire ; dans la huitième, lors d’une dénonciation de Jean Desmarets de Saint-Sorlin, auteur des Visionnaires, il écrit la chose suivante :

    « Chacun sait que sa première profession a été de faire des romans et des pièces de théâtre … Ces qualités, qui ne sont pas fort honorables au jugement des honnêtes gens, sont horribles étant considérées selon les principes de la religion chrétienne et les règles de l’Évangile. Un faiseur de romans et un poète de théâtre est un empoisonneur public, non des corps, mais des âmes des fidèles. »

    Racine le prit particulièrement et répondit sans signer mais tout le monde savait que c’était lui ; Port-Royal riposta par l’intermédiaire de Barbier d’Aucourt et de Du Bois, et la rupture fut dès lors totale, l’affaire se terminant avec la menace janséniste de révéler que Racine avait essayé d’intégrer le clergé pour avoir des rémunérations, ce qui n’allait guère avec son nouveau statut d’artiste.

    On notera d’ailleurs que lors de son séjour à Uzès pour ce faire, qui se soldat par un échec, il écrivit à son cousin Vitart une description enjouée :

    « Les plus beaux jours que vous donne le printemps ne valent pas ceux que l’hiver vous laisse, et jamais le mois de mai ne vous paraît si agréable que l’est ici le mois de janvier. »

    Suivent des vers, dont le dernier est un alexandrin admirable :

    « Et nous avons des nuits plus belles que vos jours. »

    Ce n’est que sa carrière passée que Racine recommença à s’intéresser à Port-Royal, renouant avec ses figures tutélaires et reniant son passé théâtral. Il est alors un homme important, puisque membre de l’Académie, historiographe, conseiller du roi, son commensal habituel, trésorier de France en la généralité de Moulins.

    Mais sa richesse vient de ses postes acquis et de son mariage, le 1er juin 1677, par l’entremise de « sages amis », avec Catherine de Romanet, fille d’un conseiller du roi, trésorier de France en la généralité d’Amiens ; ses œuvres ne lui ont pas apporté la fortune et il n’a pas non plus eu la reconnaissance générale de son époque.

    A la fin de sa vie, il demanda à être enterré à Port-Royal ; à la destruction des bâtiments en raison de l’ire du Vatican et du roi, son cercueil fut ramené à Paris en décembre 1711, pour être entreposé dans l’église Saint-Étienne-du-Mont de Paris, en face de Pascal.

    Cela relève de tout un dispositif de récupération du jansénisme, mais également de Racine, par l’Église catholique. Dans la première partie du 20e siècle, J. Calvet, doyen de la Faculté libre des lettres de Paris, une institution d’obédience religieuse malgré le nom trompeur, pouvait se demander benoîtement :

    « Comme je sais que Racine a écrit ses tragédies profanes entre la vingt-cinquième et la trente-huitième année, en treize ans, et que de trente-huit à soixante ans, pendant vingt-deux ans, il les a regrettées, désavouées, expiées, je me demande quel pouvait bien être son état d’âme au moment où il les composait. Parmi les énigmes de sa vie, c’est celle-là qui me sollicite le plus (…).

    Au moment où il s’abandonne à la vie des passions et à son art, qui consiste à les revivre pour les mettre en scène, que deviennent son amour de Dieu, son amour de la vertu et de la pureté, d’un mot, que devient sa foi ? (…)

    Dès qu’il eut mirs ordre à sa vie morale, la foi reprit naturellement son rôle d’ordonnatrice de l’âme ; le chrétien n’eut pas à la reconstruire pièce par pièce ; elle était intacte ; elle commandait ; et maintenant il entendait sa voix et obéissait.

    C’était très simple, trop simple au gré de ceux qui voudraient du drame dans toute conversion sincère et profonde ; aussi, ils jureraient volontiers Racine superficiel, sinon hypocrite. »

    Une partie des critiques littéraires et historiques voit en effet dans le retour à la religion de Racine un pur opportunisme, en phase avec le tournant religieux de la Cour, que somme toute Racine ne faisait qu’accompagner. Ce ne serait rien d’autre qu’un hypocrite.

    On doit en réalité le considérer comme quelqu’un d’établi, ayant perdu le fil progressiste d’une époque, la monarchie absolue n’ayant de toutes manière fait que passer son pic, pour basculer dans la réaction pure et simple.

    Racine retourne dans le giron qu’il a connu, parce qu’il y a une dimension mystique intérieure dans le jansénisme qu’il n’y a pas dans le catholicisme : il est bien obligé de répondre à la question de la vie intérieure, qu’il n’a jamais conceptualisé.

    Les catholiques ne jouant pas avec l’opportunisme de la réparation sont d’ailleurs très clairs : Racine est inacceptable.

    Charles Péguy, dans Victor-Marie, Compte Hugo, oppose à Racine à Corneille, comme tous les esprits tournés vers l’esprit aristocratique.

    « Corneille ne travaille jamais que dans le domaine de la grâce et (…) Racine ne travaille jamais que dans le domaine de la disgrâce.

    Corneille n’opère jamais que dans le royaume du salut, Racine n’opère jamais que dans le royaume de la perdition.

    Corneille n’a jamais pu faire des criminels et des pécheurs, (ses plus grands criminels et ses plus grands pécheurs) qui ne fussent éclairés de quelque reflet, de quelque lueur de la grâce, qui ne fussent nourris de quelque infiltration de la grâce ; abreuvés ; qui ne sauvassent en quelque point, en quelque sorte. De quelque manière.

    Et même les sacrés de Racine sont pétris de disgrâce. Ce n’est pas seulement Phèdre qui est une païenne, et une chrétienne, et une janséniste à qui la grâce a manqué. Non seulement toutes ses femmes et toutes ses victimes et tous ses hommes.

    Mais ses enfants mêmes, ce qui est infiniment pire, mais ses sacrés mêmes, ses exécrables prêtres, Joad, Eliacin, Josabeth ; Esther, Mardochée ; son prophète même, ou ses prophètes.

    Ils sont tous irrévocablement pétris de disgrâce (serait-ce donc de la disgrâce janséniste, qui, placée, comme un germe, comme un virus à l’origine même, au point d’origine de l’homme et de l’œuvre, se serait ensuite et lentement et patiemment diffusée jusqu’aux membres les plus éloignés, comme naturellement, par une diffusion naturelle, sans compter les contaminations auxiliaires d’une amitié seulement interrompue), (et peut-être seulement apparemment interrompue), ils sont tous quelqu’un à qui la grâce a manqué. »

    On voit ici comment, en ne comprenant pas la question de la vie personnelle, de la vie intérieure telle que le protestantisme l’a exposée, le catholicisme, voire la société française, a eu du mal à saisir l’approche de Racine. Il y a une très grande tendance au formalisme, à vouloir emballer la démarche de Racine dans une sorte de magma mêlant prédestination, tourment pour ses péchés, souffrance et fin digne d’un criminel.

    C’est là une démarche réduisant totalement sa dimension et en démolissant sa portée.

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  • Jean Racine : les représentations à la Cour et à la ville

    Il est nécessaire d’expliquer le cadre particulier de l’activité de Racine, ce qui éclaire également sa soumission personnelle, en tant qu’intellectuel, à la monarchie absolue.

    Racine est d’une certaine manière le premier écrivain à vivre de sa plume, si l’on met de côté Molière qui était également comédien. Mais il en vivait mal et sa marge de manœuvre financière était somme toute étroite. Cela a puissamment joué sur sa capacité à être corrompu.

    Il faut également voir que la monarchie absolue se repliant sur elle-même à la fin de la vie de Louis XIV, l’impact dévastateur de l’affirmation de la vie intérieure ne s’est pas déroulé à la surface de la société française.

    Il n’y a pas eu de drapeau racinien. Ce n’est que lorsque la nation français fut définitivement élancée, après la révolution française, que l’on s’est aperçut de sa teneur particulière. A son époque, Racine était un monument culturel, il n’était pas vu comme un moment de civilisation.

    Il peut être ici utile de se confronter au nombre de représentations à son époque. Il est à noter que, malheureusement, il n’y a eu de registre qu’à partir de 1680, soit après les premières représentations.

    Voici déjà les chiffres concernant les tragédies jouées à la Cour, ainsi que de la comédie des Plaideurs. Esther n’y figure pas, n’y ayant jamais été joué.

     Louis XIV(1680-1700)Louis XIV(1700-1715)Louis XVLouis XVI
    La Thébaïde11  
    Alexandre61  
    Andromaque149174
    Les Plaideurs148186
    Britannicus199254
    Bérénice6113
    Bajazet206235
    Mithridate187154
    Iphigénie78164
    Phèdre1812229
    Athalie00103

    Il est nécessaire de faire ici une précision : Britannicus ne fut pas un succès. Abandonné au bout de quelques jours, elle ne sera reprise que plusieurs années plus tard, alors que la vague racinienne s’était élancée ; c’est alors qu’elle fut appréciée. Il est ainsi dit que Britannicus est la « pièce des connaisseurs ».

    Le peu de représentations de Bérénice est intéressant à noter, car à sa sortie, ce fut un succès, puisque jouée alors trente fois de suite ; qui plus est elle vainquit dans l’opinion publique le Tite et Bérénice de Corneille, joué au Palais-Royal de Molière.

    Il est également à noter que si Iphigénie fut moins jouée, cette pièce fut à l’origine le point culminant des divertissements à Versailles, le 18 août 1674.

    Un autre aspect important qu’il faut noter est que Corneille eut le même nombre de pièces jouées à la Cour à l’époque, grosso modo. Ses pièces furent ensuite jouées un peu moins chacune en moyenne, mais elles étaient plus nombreuses. Les œuvres de référence de Corneille furent Cinna (15, 12, 22, 9 par rapport au tableau), Le Cid (11, 12, 13, 6), Horace (14, 8, 12, 2), Polyeucte (11, 6, 17, 2) et Rodogune (12, 9, 14, 6).

    Au total, à la Cour de Louis XIV, les œuvres de Corneille furent représentées 47 fois, celles de Racine 42 fois. Racine était donc considéré comme le successeur de Corneille, mais il n’a pas provoqué de révolution culturelle. Son importance n’a pas été saisi synthétiquement par la société de son époque.

    Il est évidemment également important de regarder le nombre de représentations à la ville.

     Louis XIV(1680-1700)Louis XIV(1700-1715)Louis XVLouis XVI
    La Thébaïde717 
    Alexandre223  
    Andromaque1118715829
    Les Plaideurs12816225574
    Britannicus816816543
    Bérénice5121449
    Bajazet642612222
    Mithridate917116222
    Iphigénie877121839
    Phèdre1149826348
    Esther  8 
    Athalie  14238

    Les classiques ici, ce sont surtout Phèdre, Iphigénie, Andromaque ; on remarque également l’effondrement très marqué de Bérénice. Corneille est quant à lui relativement moins joué à la ville. Dans tous les cas, il s’agit là de chiffres encore fondamentalement restreints, comme on le voit.

    Une anecdote au sujet de Phèdre est intéressante. Une cabale se lança contre la pièce au moment de sa sortie théâtrale, la duchesse de Bouillon commandant une autre Phèdre, exécutée en vitesse par Pradon, alors qu’elle achète en même temps des places pour les six premières représentations de celui de Racine, afin de les laisser vides.

    Cela tourna à la polémique générale et au moyen d’un sonnet insultant. Racine, aidé de Boileau, ne trouva rien d’autre de mieux à faire que de répondre sur le même ton, disant du duc de Nevers la chose suivante : « Il n’est ni courtisan, ni guerrier, ni chrétien » et rappelant une accusation d’inceste portée contre sa sœur.

    Cela risquait de tourner à la violence, le duc de Nevers annonçant à la fin d’un sonnet « des coups de bâton donnés en plein théâtre », mais le grand Condé fit parvenir un billet :

    « Si vous n’avez pas fait le sonnet, venez à l’hôtel de Condé, où Monsieur le Prince saura bien vous garantir de ces menaces, puisque vous êtes innocents, et si vous l’avez fait, venez aussi à l’hôtel de Condé, et Monsieur le Prince vous prendra de même sous sa protection, parce que le sonnet est très plaisant et plein d’esprit. »

    Boileau fut-il « bâtonné » tout de même après cela ? En tout cas tout cela cessa lorsque le grand Condé fit savoir au duc de Nevers « qu’il vengeroit comme faites à lui-même les insultes qu’on s’aviseroit de faire à deux hommes qu’il aimoit ».

    Un point important à noter est que ce fut Molière qui soutint Racine à l’origine. Âgé de 17 années de plus, Molière était déjà célèbre, avec déjà des succès comme L’école des femmes ; il disposait du théâtre du Palais-Royal. Il accepta la première pièce de Racine, La Thébaïde, en 1664, qui fut même jouée devant le Roi lui-même, à Villers-Cotteret et à Versailles.

    Racine avait une lecture cependant uniquement opportuniste et partira à la première occasion ; déjà pour La Thébaïde il aurait espéré monter sa pièce à l’hôtel de Bourgogne, avec les Comédiens royaux. Sa seconde tragédie, Alexandre, sera donc également joué par la troupe de Molière, mais avec le scandale qu’à la sixième représentation elle fut en même temps joué à l’Hôtel de Bourgogne, après une représentation privée chez la comtesse d’Armagnac, en présence du roi.

    Le comportement de Racine témoigne d’une incompréhension de la valeur de Molière, qui prit également et évidemment l’affaire très mal. Ce qui joua aussi, c’est le passage de Marquise-Thérèse de Gorla, connu comme Mademoiselle Du Parc (1633-1668), dont Molière était épris sans succès et qui appartint de 1653 à 1667 à sa troupe, à la troupe de l’Hôtel de Bourgogne, jouant dans Andromaque de Racine, alors que celui-ci devint également son amant.

    De manière intéressante également, Racine montra La Thébaïde à Corneille, qui le loua pour la grande qualité de ses vers, mais lui conseilla de ne pas s’orienter vers le théâtre !

    C’était là une erreur de saisie de la dimension de Racine et il est intéressant de voir ce que Saint-Évremond, exilé en Angleterre mais réputé pour son goût, dit au sujet d’Alexandre, dans une Dissertation sur l’Alexandre :

    « Depuis que j’ai lu le Grand Alexandre, la vieillesse de Corneille me donne bien moins d’alarmes, et je n’appréhende plus tant de voir finir avec lui la tragédie ; mais je voudrais qu’avant sa mort il adoptât l’auteur de cette pièce, pour former, avec la tendresse d’un père, son vrai successeur. »

    Saint-Évremond fait cependant un reproche à Racine, tout à fait dans l’esprit de Corneille :

    « Qu’on ne croye pas que le premier but de la tragédie soit d’exciter des tendresses dans nos cœurs. Aux sujets véritablement héroïques, la grandeur d’âme doit être ménagée devant toutes choses. »

    Corneille, dans une lettre de remerciement à Saint-Évremond, reprend cette idée :

    « Vous flattez agréablement mes sentiments, quand vous confirmez ce que j’ai avancé touchant la

    part que l’amour doit avoir dans les belles tragédies…

    J’ai cru jusqu’ici que l’amour était une passion trop chargée de faiblesse pour être la dominante dans une pièce héroïque ; j’aime qu’elle y serve d’ornement, et non pas de corps, et que les grandes âmes ne la laissent agir qu’autant qu’elle est compatible avec de plus nobles impressions.

    Nos doucereux et nos enjoués sont de contraire avis. »

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  • Jean Racine et l’effacement de l’écrivain

    Il est important que le parcours de Racine se soit confondu avec sa mise à la disposition au service du néo-stoïcisme. Il n’a pas choisi d’affirmer la vie intérieure, en prenant son autonomie. Il a au contraire choisi la soumission.

    Phèdre fut sa dernière tragédie, avant d’arrêter d’écrire. Il fera finalement deux tragédies, Esther et Athalie, mais d’inspiration religieuse et ne devant pas être joué devant un public ; elles étaient destinées au demoiselles de Saint-Cyr.

    Dans la préface de Phèdre, Racine présente le théâtre comme moyen de contribuer à la vertu, c’est-à-dire finalement à ce qui doit être considéré comme le néo-stoïcisme.

    « Au reste, je n’ose encore assurer que cette pièce soit en effet la meilleure de mes tragédies. Je laisse aux lecteurs et au temps à décider de son véritable prix. Ce que je puis assurer, c’est que je n’en ai point fait où la vertu soit plus mise en jour que dans celle−ci.

    Les moindres fautes y sont sévèrement punies ; la seule pensée du crime y est regardée avec autant d’horreur que le crime même ; les faiblesses de l’amour y passent pour de vraies faiblesses ; les passions n’y sont présentées aux yeux que pour montrer tout le désordre dont elles sont cause ; et le vice y est peint partout avec des couleurs qui en font connaître et haïr la difformité.

    C’est là proprement le dut que tout homme qui travaille pour le public doit se proposer, et c’est ce que les premiers poètes tragiques avaient en vue sur toute chose. Leur théâtre était une école où la vertu n’était pas moins bien enseignée que dans les écoles des philosophes.

    Aussi Aristote a bien voulu donner des règles du poème dramatique, et Socrate, le plus sage des philosophes, ne dédaignait pas de mettre la main aux tragédies d’Euripide. Il serait à souhaiter que nos ouvrages fussent aussi solides et aussi pleins d’utiles instructions que ceux de ces poètes.

    Ce serait peut−être un moyen de réconcilier la tragédie avec quantité de personnes célèbres par leur piété et par leur doctrine, qui l’ont condamnée dans ces derniers temps et qui en jugeraient sans doute plus favorablement, si les auteurs songeaient autant à instruire leurs spectateurs qu’à les divertir, et s’ils suivaient en cela la véritable intention de la tragédie. »

    Racine accompagne en fait le tournant réactionnaire de la monarchie absolue, à la fin du règne de Louis XIV. Il s’installe par ailleurs dans les institutions. Il est à partir de 1674 et ce grâce à Colbert trésorier en la généralité de Moulins. En 1677, il est avec Boileau nommé historiographe du roi, en 1690 il est gentilhomme ordinaire, en 1694 il est secrétaire du roi.

    Sa situation est privilégiée et il est omniprésent ; Racine était le seul avec Monsieur de Chamlay pouvant assister comme il l’entendait au lever du roi, etc.

    Certains historiens ont parlé d’une disgrâce sur la fin de sa vie, mais cela ne semble nullement réellement étayé et la situation se déroule de toutes manières dans une monarchie absolue qui n’est plus que l’ombre d’elle-même déjà.

    Racine était tout simplement devenu un parvenu ; parti d’une situation sociale faible, voire franchement pauvre, son art l’avait amené à rejoindre les plus hautes sphères. Il pratiquait la complaisance la plus totale qu’il considérait comme nécessaire.

    En 1678, en tant que directeur de l’Académie française, il concluait par exemple ainsi son discours :

    « Tous les mots de la langue, toutes les syllabes nous paroissent précieuses, parce que nous les regardons comme autant d’instruments qui doivent servir à la gloire de notre auguste protecteur. »

    On a là une soumission ne pouvant aller avec une productivité littéraire. Cela reflète l’effondrement d’une époque sur elle-même, la perte de tout repère. En 1685, il tint les propos suivants, qui firent réagir le roi lui-même :

    « Heureux ceux qui… ont l’honneur d’approcher de près ce grand prince… le plus sage et le plus parfait de tous les hommes. »

    Louis XIV lui expliqua à ce sujet :

    « Je suis très content ; je vous louerois davantage, si vous m’aviez moins loué. »

    Voici comment le décrit un missionné de Spanheim, l’électeur de Brandebourg :

    « M. de Racine a passé du théâtre à la cour, où il est devenu habile courtisan, dévot même. Le mérite de ses pièces dramatiques n’égale pas celui qu’il a eu l’esprit de se former en ce pays-là, où il fait toutes sortes de personnages.

    Ou il complimente avec la foule, ou il blâme et crie dans le tête-à-tête, ou il s’accommode à toutes les intrigues dont on veut le mettre ; mais celle de la dévotion domine chez lui ; il tâche toujours de tenir à ceux qui en sont le chef. »

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  • Jean Racine et la monarchie absolue comme annulation de la contradiction

    Il est tout à fait logique que l’on retrouve chez Racine le même souci que chez La Bruyère et La Rochefoucauld, ou encore La Fontaine, à savoir la tendance à l’annulation de la contradiction. La monarchie absolue fait du roi une sorte de zéro absolu, absorbant l’affrontement entre aristocratie et bourgeoisie.

    Le néo-stoïcisme exige au fond une chose simple : l’annulation de la contradiction, au lieu d’un système de valeurs supérieures. Les contradictions doivent s’effacer devant l’intérêt principal, celui de l’organe central, qui se présente comme unique afin de masquer l’existence même de ces contradictions.

    Il y a ainsi d’un côté centralité, de l’autre négativité affirmée par cette centralité. C’est le reflet direct du fait que l’appareil d’État de la monarchie absolue est issue de la féodalité, mais s’extrait de celle-ci suffisamment pour la contre-balancer par la bourgeoisie et le capitalisme s’élançant. Cela ne peut bien entendu être que temporaire, et relativement instable en tant que superstructure.

    La monarchie absolue affirme donc la bourgeoisie et l’aristocratie, et en même temps les nient. Le régime se veut l’annulation de la contradiction. L’honnête homme apparaît donc comme l’homme de cette annulation :

    – annulation de ses comportements féodaux, rétrogrades, indignes sur le plan de la civilisation ;

    – annulation de ce qui va dans le sens d’une expression du conflit aristocratie/bourgeoisie lui-même.

    Costume du XIXe siècle pour Hermione
    dans Andromaque

    L’aristocrate doit rester aristocrate, le bourgeois bourgeois, car c’est en maintenant leur identité qu’ils maintiennent l’ordre dominant s’appuyant sur leur neutralisation historique. C’est de cette neutralisation que va ressortir, de manière apparemment étrange ou surprenante, mais en fait dialectiquement inévitable, les Lumières, comme affirmation de la civilisation, mais sans l’aristocratie.

    Les Lumières posent la contradiction par l’affirmation de la science, de la raison, là où le néo-stoïcisme l’annulait en niant ce qui vient perturber, troubler. Le néo-stoïcisme est à ce titre une aberration historique, puisqu’il nie une contradiction inévitable ; cependant cette aberration correspond à un moment d’émergence du nouveau contre l’ancien, ce qui lui donne un sens historique.

    Et comme on l’a vu, Molière avec sa dimension sociale et Racine avec sa dimension psychique-psychologique portaient des éléments de dépassement de cette annulation.

    La monarchie absolue se pose en annulation de la contradiction aristocratie-bourgeoisie, mais partant de là elle la reconnaît. Son attitude négative correspond à une étape positive historique.

    La monarchie absolue est l’annulation de la contradiction, parce que, historiquement, elle est le vecteur de son affirmation.

    La scène d’exposition de Bérénice expose cela avec une clarté remarquable. Elle se déroule dans le cabinet qui se situe entre deux appartements : celui de Titus, celui de Bérénice. Ce sont les deux pôles de la contradictions, et c’est Antiochus qui se pose d’emblée comme annulation de la contradiction, en apparaissant au milieu des deux, lui l’ami de Titus, lui l’amoureux de Bérénice :

    Arrêtons un moment. La pompe de ces lieux,

    Je le vois bien, Arsace, est nouvelle à tes yeux.

    Souvent ce cabinet superbe et solitaire

    Des secrets de Titus est le dépositaire.

    C’est ici quelquefois qu’il se cache à sa cour,

    Lorsqu’il vient à la reine expliquer son amour.

    De son appartement cette porte est prochaine,

    Et cette autre conduit dans celui de la reine.

    Comme on est par ailleurs dans le néo-stoïcisme, Antiochus ne pourra pas bloquer la contradiction qu’il montre : il partira seul. La contradiction devra en effet être annulée, par le départ de Bérénice, alors que Titus devient roi de Rome. La contradiction s’annule, elle disparaît devant les priorités de l’ordre.

    Cela joue évidemment uniquement pour l’ordre social, pas pour l’ordre intérieur de la vie psychologique, sinon Racine ne serait qu’un simple néo-stoïcien sans envergure.

    Si l’on prend le début de Britannicus, qui se déroule dans une chambre du palais de Néron, on a également immédiatement le thème de l’annulation, du retour, de la remise en ordre :

    Quoi ? tandis que Néron s’abandonne au sommeil,

    Faut−il que vous veniez attendre son réveil ?

    Qu’errant dans le palais sans suite et sans escorte,

    La mère de César veille seule à sa porte ?

    Madame, retournez dans votre appartement.

    Le sommeil s’oppose au réveil, tout comme le fait de veiller s’oppose au retour dans son appartement, pour aller dormir. Le palais s’oppose à l’absence de suite et d’escorte, la mère au fait d’être seule.

    Si l’on prend le début d’Iphigénie, on a pareillement une annulation. On est dans la tente d’Agamemnon et voici les premiers mots :

    Agamemnon

    Oui, c’est Agamemnon, c’est ton roi qui t’éveille :

    Viens, reconnais la voix qui frappe ton oreille.

    Arcas

    C’est vous−même, Seigneur ! Quel important besoin

    Vous a fait devancer l’aurore de si loin ?

    A peine un faible jour vous éclaire et me guide.

    Vos yeux seuls et les miens sont ouverts dans l’Aulide.

    Les yeux de l’un s’opposent aux yeux de l’autre, Agamemnon s’oppose à lui-même en parlant de lui comme d’un autre, la nuit s’oppose au jour.

    Mais les yeux ouverts des deux s’opposent aux yeux de tous qui sont fermés, qui dorment, et ainsi annulent la contradiction entre Agamemnon et Arcas.

    Dans Phèdre, on a pareillement l’annulation, puisque les premiers mots sont ceux de Hippolyte, le séjour s’opposant au départ, l’agitation à l’oisiveté. Hippolyte veut annuler l’absence de Thésée, en partant à sa recherche.

    Le dessein en est pris : je pars, cher Théramène,

    Et quitte le séjour de l’aimable Trézène.

    Dans le doute mortel dont je suis agité,

    Je commence à rougir de mon oisiveté.

    La remise en ordre est exposée, car elle sous-tend l’ordre, et inversement la mise en valeur de l’ordre expose le non-ordre en tant qu’exposition de la vie intérieure, psychologique.

    C’est cette dynamique qui fait toute la force de l’écriture racinienne.

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  • Jean Racine : la tristesse majestueuse et le rapport à la tragédie

    Dans une tragédie, il s’agit d’inspirer au spectateur la pitié et la terreur. Cependant, ce principe de la tragédie grecque allait de paire avec une mise en scène sous forme de rituel, avec un amphithéâtre, des chœurs, un jeu marqué, une fonction sociale affirmée de manière unilatérale.

    Il faut s’imaginer tout un cadre à la fois sombre et glaçant, des scènes horribles étant montrés, les chœurs en soulignant la portée, etc., et cela il y a bien entendu à l’époque de l’antiquité.

    On n’a rien de tout cela dans la tragédie française. Celle-ci est une entreprise culturelle où on peut faire le choix de ne pas aller, le jeu est particulièrement restreint au profit d’une attention extrême au langage.

    Il y a des pauses, car il faut rallumer les chandelles ; les acteurs sont habillés en partie comme on s’imagine le passé, mais à moitié de manière contemporaine. Les acteurs sont connus, il a été parlé de la pièce, c’est une actualité de débat à la Cour, pour la vie parisienne, etc.

    A cela s’ajoute la dimension de la lecture, alors que l’imprimerie s’est développée, qu’il y a un public éduqué qui existe désormais. Dans la préface de Phèdre, Racine dit que ce sont, non pas les spectateurs, mais les lecteurs qui vont le juger :

    « Au reste, je n’ose encore assurer que cette pièce soit en effet la meilleure de mes tragédies. Je laisse aux lecteurs et au temps à décider de son véritable prix. »

    Et effectivement, dans ses préfaces, Racine parle parfois des spectateurs, parfois des lecteurs ; son œuvre s’adresse en fait inévitablement aux deux.

    On est donc dans une configuration totalement différente d’en Grèce antique.

    Pourtant, Racine prétend rester dans son cadre conceptuel. Il faut par conséquent lire à travers sa propre conception. Lui-même s’imagine être un écrivain puisant dans les sources antiques, en quelque sorte dans le prolongement de l’humanisme du siècle précédent. Il n’a pas du tout de vision de la vie intérieure qu’il expose.

    Voici par exemple ce que Racine note, dans la préface d’Iphigénie :

    « Euripide était extrêmement tragique, c’est−à−dire qu’il avait merveilleusement excité la compassion et la terreur, qui sont les véritables effets de la tragédie. »

    On est là dans une approche formelle ; Racine ne ferait que reprendre les codes de la tragédie classique.

    Dans la préface de Phèdre, il y souligne dans le même esprit qu’il a choisi cette figure littéraire parce qu’elle correspond à ce qu’Aristote exige pour une tragédie. Et pourtant, de la manière dont il en parle, on voit bien que ce qu’il vise, comme aspect principal, n’est pas du tout la catharsis, mais bien le dérèglement.

    « Je ne suis point étonné que ce caractère ait eu un succès si heureux du temps d’Euripide, et qu’il ait encore si bien réussi dans notre siècle, puisqu’il a toutes les qualités qu’Aristote demande dans le héros de la tragédie, et qui sont propres à exciter la compassion et la terreur. En effet, Phèdre n’est ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocente.

    Elle est engagée, par sa destinée et par la colère des dieux, dans une passion illégitime, dont elle a horreur toute la première. Elle fait tous ses efforts pour la surmonter. Elle aime mieux se laisser mourir que de la déclarer à personne, et lorsqu’elle est forcée de la découvrir, elle en parle avec une confusion qui fait bien voir que son crime est plutôt une punition des dieux qu’un mouvement de sa volonté. »

    C’est là une lecture pleine de raccourcis par rapport à la question de la vie intérieure et du véritable panorama qu’en propose Racine. Emile Faguet, dans La tragédie française au XVIIe siècle, constate avec justesse que :

    « Dans cette journée de vingt-quatre heures, de dix peut-être, l’auteur a si bien pris ses mesures que tout Néron passe devant nos yeux, depuis l’enfant vicieux et lâche qui tremble devant sa mère en s’excitant à la braver, depuis l’amoureux sensuel mêlé de despote méchant qui adore les pleurs qu’il fait couler, depuis le comédien fat qu’on décide au crime en humiliant son amour-propre d’artiste, jusqu’à l’assassin hypocrite et froid qui tue en souriant, jusqu’au parricide tranquille qui rêve le meurtre de sa mère en laissant tomber sur elle, nonchalamment, quelques mots d’ironie glacée. »

    Il y a ici un profond décalage entre ce que Racine croit faire et ce qu’il réalise vraiment, en raison de la période historique. Le théâtre de Racine est avant tout rationalisé, mais lui-même s’imagine réaliser une tragédie dans l’esprit grec, qui est tourné vers le bouleversement émotionnel, et non la rationalisation.

    Il faut se rappeler des exigences de la période classique ; La Bruyère, cette immense figure du 17e siècle, a bien résumé la conception de l’époque en disant

    « Un esprit médiocre croit écrire divinement ; un bon esprit croit écrire raisonnablement. »

    La tragédie de Racine s’inspire de la démarche grecque, mais la renverse dans le sens de la rationalisation ; il y a de l’émotion, mais l’ensemble n’est pas une sorte d’aventure métaphysique mystico-poétique.

    Sainte-Beuve parle d’ailleurs de « l’écueil poétique racinien », qui est banc de sable ou rocher, selon comment on l’aborde en fonction de sa propre orientation, et qui a comme source des vers « polis et travaillés », mais qui manqueraient de charge poétique. C’est avant tout la forme concise, la concentration qui l’emporte ; il n’y a pas d’emportement poétique.

    Cela est exact, mais c’est également justement ce qui est correct, nécessaire. Chez Racine, tout est formellement concentré, bien plus que compassé, tout à fait dans l’esprit français naissant alors, et il n’y a pas de place pour de l’exubérance relevant du subjectivisme.

    En liaison avec cette approche, et rien que cela suffirait d’ailleurs à montrer qu’on est nullement dans l’orientation grecque, il y a l’orientation néo-stoïcienne, qui est typique de l’esprit romain.

    Chez Racine, savoir prendre sur soi est l’ultime épreuve qu’exige la société : il faut savoir être à la hauteur. Le néo-stoïcisme est content de la satisfaction de son exigence d’ordre, l’affirmation de la vie intérieure est satisfaite de son exigence de richesse, présentée par le désordre.

    Racine synthétise cela admirablement bien dans la préface de Bérénice :

    « Ce n’est point une nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédie ; il suffit que l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie. »

    Avec Racine, on a la rencontre de la sensibilité intérieure avec la société encadrée culturellement ; c’est un très grand moment historique.

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  • Jean Racine et le dérèglement à travers le début comme la fin

    L’intérêt pour la tragédie est tout à fait logique à qui entreprend de mettre la vie intérieure ; de par sa parfaite fusion avec le néo-stoïcisme, Racine est devenu l’auteur national de la monarchie absolue, et donc de la France, puisque c’est sa période classique. Il faut, à ses côtés, bien entendu associer Molière.

    On retrouve chez tous deux par ailleurs l’approche générale du siècle visant à présenter des personnages déréglés. Il ne s’agit toutefois pas pour Racine de plaire et instruire comme chez Molière (et Jean de la Fontaine), mais de faire éprouver des émotions fortes, afin de « purger les passions ». En montrant des comportements déréglés, on apprend à les éviter, à chercher à ne pas tomber dans le même travers de la passion.

    En même temps, la passion plaît et révèle la richesse de la vie intérieure : là est l’ambiguïté du projet de Racine. Le dérèglement n’est jamais unilatéralement mauvais, il est en rapport avec des choses très concrètes. On a trop souvent attribué au destin les dérèglements, et affirmé que les personnages les exprimant étaient de toutes manières condamnés par avance. Cela n’est pas du tout le sens du propos.

    C’est la vie réelle qu’entend montrer Racine et pour cette raison, si certains son troublés plus que d’autres, tous le sont. Le dérèglement est même la norme. Elle est pour cette raison présente au début des œuvres, mais également à leur fin.

    Dans Phèdre, au-delà du personnage éponyme, on a Hippolyte qui dès le départ exprime son tourment, provoqué par la longue absence de son père et l’absence de nouvelles.

    Dans le doute mortel dont je suis agité

    Dans Britannicus, Agrippine connaît une vive agitation.

    L’impatient Néron cesse de se contraindre ;

    Las de se faire aimer, il veut se faire craindre.

    Dans Iphigénie, Agamemnon doute de sa situation existentielle.

    Tu vois mon trouble ; apprends ce qui le cause

    Dans Bérénice, Antiochus exprime son trouble sans ambages.

    Va chez elle : dis−lui qu’importun à regret

    J’ose lui demander un entretien secret.

    Tous ces troubles, se situant au début des œuvres, sont très marquants, car ils concernent des personnages qui ne sont pas censés être au cœur des tourments ! Cela brise totalement la thèse bourgeoise comme quoi Racine serait une sorte de janséniste fasciné par le destin et présentant un seul être troublé, afin de faire une leçon religieuse.

    En réalité, il dresse le tableau du caractère universel de la vie intérieure et de sa richesse.

    La fin des œuvres elle-même ne pose la fin des troubles. Titus et Bérénice portent le fardeau de s’être séparés malgré leur amour, Antiochus d’avoir tout raté dans l’histoire puisqu’il aurait pu partir avec Bérénice. Xipharès doit assumer la tête de l’État alors que Mithridate est décédé. La fin d’Iphigénie semble positive pour l’avenir, mais annonce en réalité les tueries de la guerre de Troie.

    A la fin de Bajazet, Zaïre annonce sa peine prolongée, voire sans fins.

    Ah ! Madame ! … Elle expire. O ciel ! en ce malheur

    Que ne puis−je avec elle expirer de douleur !

    A la fin de Phèdre, on annonce la mort de Phèdre à Thésée , qui annonce alors que son crime va rester dans les esprits malgré sa disparition, soulignant son deuil et celui de la fiancée de Hippolyte pour longtemps, au point qu’il l’adopte comme fille.

    D’une action si noire

    Que ne peut avec elle expirer la mémoire !

    Allons, de mon erreur, hélas ! trop éclaircis,

    Mêler nos pleurs au sang de mon malheureux fils !

    Allons de ce cher fils embrasser ce qui reste,

    Expier la fureur d’un voeu que je déteste.

    Rendons−lui les honneurs qu’il a trop mérités,

    Et pour mieux apaiser ses mânes irrités,

    Que malgré les complots d’une injuste famille

    Son amante aujourd’hui me tienne lieu de fille !

    A la fin d’Andromaque, Oreste devient littéralement fou, avec un passage fameux.

    Percé de tant de coups, comment t’es−tu sauvé ?

    Tiens, tiens, voilà le coup que je t’ai réservé.

    Mais que vois−je ? A mes yeux Hermione l’embrasse !

    Elle vient l’arracher au coup qui le menace ?

    Dieux ! quels affreux regards elle jette sur moi !

    Quels démons, quels serpents traîne−t−elle après soi ?

    Eh bien ! filles d’enfer, vos mains sont−elles prêtes ?

    Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?

    A la fin de Britannicus, Burrhus en parlant de Néron souhaite que ce soit la fin de ses tueries.

    Plût aux dieux que ce fût le dernier de ses crimes !

    Il va de soi qu’en réalité, cela annonce une suite ininterrompue de crimes de la part de Néron ! Il n’y a strictement aucune réalisation, comme le prétend le formalisme au sujet de la tragédie de Racine, mais bien une affirmation de la vie intérieure.

    Cela est flagrant et s’explique par le fait que, si auparavant, Montaigne était obligé de parler de lui pour exprimer des considérations de haut niveau, désormais la société est prête à être confronté ouvertement à l’expression d’une psychologie profonde.

    C’est pour cela que les tragédies de Racine présentent des figures extrêmement complexes sur le plan psychologique, en rupture totale avec la simplicité, la stupidité, la rudesse, le caractère étroit, la nature bornée, l’esprit limité des êtres humains de la période précédente.

    Il est intéressant de voir comment les commentateurs bourgeois entrevoient ce saut qualitatif historique, mais ont du mal à l’appréhender.

    Benjamin Constant a ainsi repris Walstein de l’allemand Schiller, et dans sa préface il aborde la question de la tragédie vue en France. Il considère qu’il faut estimer les choses de la manière suivante :

    « La Français, dans les personnages de leur tragédie, se passent d’individualité plus facilement que les Allemands et les Anglais…

    En ne peignant qu’une passion, au lieu d’embrasser tout un caractère individuel, on obtient des effets plus constamment tragiques, parce que les caractères individuels, toujours mélangés, nuisent à l’unité de l’impression, mais la vérité y perd peut-être…

    On se demande ce que seraient les héros qu’on voit, s’ils n’étaient dominés par la passion qui les agite, et l’on trouve qu’il ne resterait dans leur existence que peu de réalité.

    D’ailleurs, il y a bien moins de variété dans les passions propres à la tragédie, que dans les caractères individuels, tels que les crée la nature : les caractères sont innombrables ; les passions théâtrales sont en petit nombre.

    Sans doute l’admirable génie de Racine, qui triomphe de toutes les entraves, met de la diversité dans cette uniformité même : la jalousie de Phèdre n’est pas celle d’Hermione, et l’amour d’Hermione n’est pas celui de Roxane.

    Cependant la diversité me semble plutôt encore dans la passion que dans le caractère de l’individu. »

    Il y a ici une incompréhension du fait que pour qu’il y ait des individus, il faut déjà une époque posant leur reconnaissance personnelle. Ce n’était pas le cas en France au 17e siècle et le théâtre de Molière a donc le même « problème » que souligne Benjamin Constant.

    A l’inverse, l’Angleterre et l’Allemagne ont assumé en partie le protestantisme, d’où la notion de personnalité émergeant plus tôt et plus fortement. Racine remplit la tâche historique de poser ce qui aurait dû l’être par le protestantisme.

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  • Jean Racine et le lieu de pouvoir comme temps de la vie intérieure

    L’espace de la tragédie fut le lieu parfait pour se faire rencontrer la vie intérieure et le néo-stoïcisme, car il est chez Racine dialectique. La pièce se déroule dans un seul lieu, une seule pièce, tout comme l’ensemble se déroule purement et simplement par rapport au lieu de la vie psychique, qui s’exprime dans le temps par la parole.

    S’il y avait plusieurs lieux, les esprits auraient pu se disperser, alors que là ils sont bloqués, obnubilés, encadrés, façonnés par un lieu unique. Cela convient au néo-stoïcisme, car c’est un lieu de pouvoir ; cela convient à l’expression de la vie intérieure, comme moyen de poser une tension psychologique gigantesque.

    L’espace tragique est ainsi, pour satisfaire le néo-stoïcisme, choisi comme lieu du pouvoir. Pour La Thébaïde ou Les Frères ennemis, nous somme dans une salle du palais royal. Dans Alexandre le grand, nous sommes dans le camp militaire d’un roi. Pour Andromaque, nous sommes dans une salle du palais du roi Pyrrhus. Pour Britannicus, nous sommes dans une chambre du palais de l’empereur Néron, juste à côté de la sienne.

    Pour Bérénice, tout se déroule dans un cabinet qui est entre l’appartement du futur empereur Titus et celui de la reine Bérénice. Pour Bajazet, nous sommes dans le sérail du Grand−Seigneur à Constantinople. Pour Mithridate, nous sommes dans un port mais prétexte à la question de l’héritage du trône, ce qui est similaire pour Phèdre. Pour Iphigénie, nous sommes dans la tente du roi Agamemnon.

    Britannicus a été une œuvre formidablement marquante précisément de par sa dimension. Le passage est fameux où Néron explique à Junie qu’il va se cacher pour voir comment elle se comporte avec Britannicus.

    Néron

    Caché près de ces lieux, je vous verrai, Madame.

    Renfermez votre amour dans le fond de votre âme

    Vous n’aurez point pour moi de langages secrets :

    J’entendrai des regards que vous croirez muets,

    Et sa perte sera l’infaillible salaire

    D’un geste ou d’un soupir échappé pour lui plaire.

    Junie

    Hélas ! si j’ose encor former quelques souhaits,

    Seigneur, permettez−moi de ne le voir jamais !

    Narcisse

    Britannicus, Seigneur, demande la princesse :

    Il approche.

    Néron

    Qu’il vienne.

    Junie

    Ah Seigneur !

    Néron

    Je vous laisse.

    Sa fortune dépend de vous plus que de moi :

    Madame, en le voyant, songez que je vous vois.

    Suivent alors ces vers merveilleux, où Junie essaie à mots voilés d’expliquer la situation à Britannicus, afin que ses propos ne les trahissent pas. Il va de soi que les paroles de Junie sur la toute puissance de l’empereur, qui voit tout, sait tout, est partout, consiste en une résonance directe de la monarchie absolue de Louis XIV.

    Britannicus

    Vous ne me dites rien ? Quel accueil ! Quelle glace !

    Est−ce ainsi que vos yeux consolent ma disgrâce ?

    Parlez : nous sommes seuls. Notre ennemi trompé

    Tandis que je vous parle est ailleurs occupé.

    Ménageons les moments de cette heureuse absence.

    Junie

    Vous êtes en des lieux tout pleins de sa puissance.

    Ces murs mêmes, Seigneur, peuvent avoir des yeux,

    Et jamais l’empereur n’est absent de ces lieux.

    Britannicus

    Et depuis quand, Madame, êtes−vous si craintive ?

    Quoi ? déjà votre amour souffre qu’on le captive ?

    Il ne faut pas avoir une lecture formaliste et considérer que Racine ne choisit qu’un seul lieu, car cela est exigé par le principe de la tragédie. C’est le contraire qui est vrai : Racine a choisi la tragédie, parce que justement le lieu tel qu’il y existe est exactement ce qu’il fallait pour exprimer ce qu’il portait historiquement.

    Le fait qu’il y ait un seul lieu, qu’il soit lié toujours au pouvoir, était une exigence historique du néo-stoïcisme de la monarchie absolue, mais Racine l’a renversé en affirmation de la vie intérieure. Et ce renversement est si fort qu’il dépasse simplement les thèmes propres à la royauté, au pouvoir, à la puissance, etc.

    Cela ne veut pas dire que cela ne soit pas présent ; on a ici Burrhus, dans Britannicus, qui pose ses responsabilités avec un esprit correspondant aux exigences néo-stoïciennes.

    Mais vous avais−je fait serment de le trahir,

    D’en faire un empereur qui ne sût qu’obéir ?

    Non. Ce n’est plus à vous qu’il faut que j’en réponde,

    Ce n’est plus votre fils, c’est le maître du monde.

    J’en dois compte, Madame, à l’empire romain,

    Qui croit voir son salut ou sa perte en ma main.

    Britannicus présente même des conseils néo-stoïciens au roi lui-même, à travers la longue demande faite par Burrhus à Néron. Il est ici très intéressant que si la pièce ne fut pas un succès à l’initial, avec seulement huit représentations, son impact fut très important culturellement. La légende veut ainsi qu’après avoir vu Britannicus, Louis XIV cessa de participer aux ballets de la cour malgré son aptitude pour cela, pour ne pas ressembler à Néron se donnant en spectacle aux Romains.

    Burrhus

    Et ne suffit−il pas, Seigneur, à vos souhaits

    Que le bonheur public soit un de vos bienfaits ?

    C’est à vous à choisir, vous êtes encor maître.

    Vertueux jusqu’ici, vous pouvez toujours l’être :

    Le chemin est tracé, rien ne vous retient plus ;

    Vous n’avez qu’à marcher de vertus en vertus.

    Mais si de vos flatteurs vous suivez la maxime,

    Il vous faudra, Seigneur, courir de crime en crime,

    Soutenir vos rigueurs par d’autres cruautés,

    Et laver dans le sang vos bras ensanglantés.

    (…)

    Vous allumez un feu qui ne pourra s’éteindre.

    Craint de tout l’univers, il vous faudra tout craindre,

    Toujours punir, toujours trembler dans vos projets,

    Et pour vos ennemis compter tous vos sujets.

    (…)

    Non, ou vous me croirez, ou bien de ce malheur

    Ma mort m’épargnera la vue et la douleur :

    On ne me verra point survivre à votre gloire ;

    Si vous allez commettre une action si noire,

    (Il se jette à genoux.)

    Me voilà prêt, Seigneur : avant que de partir,

    Faites percer ce cœur qui n’y peut consentir ;

    Appelez les cruels qui vous l’ont inspirée,

    Qu’ils viennent essayer leur main mal assurée…

    Mais je vois que mes pleurs touchent mon empereur,

    Je vois que sa vertu frémit de leur fureur.

    Ne perdez point de temps, nommez−moi les perfides

    Qui vous osent donner ces conseils parricides ;

    Appelez votre frère, oubliez dans ses bras…

    Burrhus est par ailleurs la personnification du néo-stoïcisme.

    Pour moi, dût l’empereur punir ma hardiesse,

    D’une odieuse cour j’ai traversé la presse,

    Et j’allais, accablé de cet assassinat,

    Pleurer Britannicus, César et tout l’État.

    Cependant, si cela satisfait le néo-stoïcisme, il n’en reste pas moins que le lieu de pouvoir est toujours l’endroit où s’affirme le temps de la vie intérieure. C’est pour cela que le dérèglement est omniprésent.

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  • Jean Racine : néo-stoïcisme et compensation du protestantisme

    Le théâtre tragique de Racine s’inscrit dans une phase bien précise du mode de production féodale : la monarchie absolue, qui est son stade le plus élevé. Il correspond, pour en cadrer la situation historique particulière, au classicisme de la nation française s’étant formée au XVIe siècle.

    Comme il n’est pas d’œuvre significative culturellement sans époque marquée par un développement qualitatif, avec une société connaissant des progrès scientifiques, techniques, productifs, des êtres humains connaissant des facultés plus denses, intenses, approfondies, il s’agit de saisir le moment historique où apparaît Racine.

    Il faut pour cela voir comment l’être humain, tout en conservant sa base naturelle, voit celle-ci rentrer en mouvement dialectique avec la civilisation qui, lorsqu’elle progresse, amène des types d’existence.

    En ce sens, la monarchie absolue, phase la plus haute de la féodalité, a établi en France un nouveau profil d’être humain, tout à fait reconnaissable alors et défini comme « l’honnête homme ». Il ne s’agit pas ici cependant que des mœurs, de l’intégration de chaque individu cultivé dans un système de valeurs sociales réglées, où la correction est reine.

    Il s’agit également d’une mentalité bien particulière, où l’État apparaît comme le nœud central des rapports humains et des valeurs. Ce qui caractérise le XVIIe siècle français, c’est donc que les œuvres authentiques, propres à l’époque, sont traversées de part en part par le néo-stoïcisme qui représente, du point de vue du matérialisme historique, l’idéologie de la monarchie absolue.

    Ce néo-stoïcisme s’élabore dès la genèse de la monarchie absolue, avec François Ier comme démarreur d’un processus largement prolongé et renforcé par le camp des « politiques » au moment de Henri IV, dont Montaigne est bien entendu le plus éminent représentant.

    Mais si Montaigne fait de nombreuses références au stoïcisme dans ses Essais, s’il soutient le camp de l’État contre celui de la féodalité et de la religion, on n’est pas encore dans le néo-stoïcisme qui marque le triomphe de Louis XIV.

    Versailles ne représente nullement le Roi Soleil et rien n’est plus faux que de le voir comme un despote, ou même comme un tyran. Le roi, dans la monarchie absolue, est le grand translateur des valeurs et des luttes de classe dans la société, amenant un équilibre résolument nécessaire.

    C’est de là que viendra par la suite, comme produit indirect, l’idéologie monarchiste voyant en le roi le grand « neutralisateur ». Ici est la véritable genèse de l’idéologie de l’Action française, sans que jamais celle-ci n’en ait eu conscience.

    Le néo-stoïcisme ne dit pas qu’il faut se soumettre au roi, mais que l’ordre social correspond à l’État, et l’État à l’ordre social. Les comportements doivent donc non pas simplement être adéquats, mais qui plus est renforcer tant l’ordre social que l’État.

    Le théâtre de Racine présente cela de manière tout à fait lisible à l’époque.

    Dans Phèdre, par exemple, le personnage éponyme a une vie psychique intense, en liaison avec la question de la vie intérieure, féminine. Mais ce personnage est aussi en liaison avec les protagonistes que sont Thésée et Hippolyte, qui doivent, en tant que roi et en tant que « citoyen », agir de manière conforme malgré ce trouble.

    Il y a une combinaison de l’affirmation de la vie intérieure et de l’idéologie néo-stoïcienne.

    Il en va de même dans Bérénice. Bérénice est celle par qui le trouble arrive, et ceux qui comptent pour la dimension néo-stoïcienne dans la pièce sont Titus et Antiochius, le roi et le « citoyen », qui doivent se comporter de manière juste, et ce malgré Bérénice. Dans Iphigénie, c’est pareillement Iphigénie par qui le trouble arrive, perturbant Agamemnon, Achille, Ulysse, qui doivent assumer leur fonction juridico-politique, étatique.

    Pareillement, dans Mithridate, la question de Monime trouble (de manière très différente) Mithridate, Pharnace et Xipharès dans leur rapport avec leur devoir étatique.

    Comment comprendre cette cohabitation d’une affirmation de la vie intérieure, de la dimension psychique, avec le néo-stoïcisme ? Il s’agit tout simplement d’une nécessité historique. Les Français du 17e siècle sont déjà extrêmement différents de ceux du 16e siècle. En fait, ils étaient justement mûrs à ce moment-là pour le protestantisme, mais c’était trop tard, la monarchie absolue avait déjà happé les forces rationalisatrices à son service.

    De là vient le néo-stoïcisme, très sérieux, très structuré, d’une monarchie absolue pourtant parasitaire et formant une simple période pour la modernisation étatique dans un équilibre aristocratie – bourgeoisie basculant toujours davantage en faveur de cette dernière.

    Cependant, le protestantisme n’est pas qu’un rationalisme ; il est également la reconnaissance de l’existence personnelle. Cela, la monarchie absolue ne pouvait pas l’accepter, d’où sa perte, avec la révolution française.

    Il fallait toutefois bien en admettre certains traits, même déformés : c’est là qu’intervient le théâtre de Racine, et pourquoi il a été marquant à son époque. Il joue le rôle historique d’affirmation de la vie intérieure.

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  • Jean Racine et la dynamique dialectique de la vie psychique

    Racine avait comme manière de procéder, pour la rédaction de ses œuvres tragiques, de tout d’abord en formuler la trame générale et, une fois qu’il y était parvenu, d’écrire les vers. Il considérait paradoxalement que le plus difficile était de formuler le cadre général et sa dynamique, pas de former des vers en alexandrins.

    Cela nous semble étonnant, mais la raison en est que l’écriture de ces vers s’appuie sur la dynamique formulée par la trame générale. C’est par elle seulement que Racine trouve les moyens de fournir aux mots une liaison pleine d’énergie entre eux.

    Si l’on reprend le fameux passage de l’aveu de Phèdre à Oenone, on peut voir par exemple que l’ensemble des vers est construit de telle manière à représenter la pleine dimension du conflit interne de cette femme amoureuse de son beau-fils.

    Je le vis, je rougis, / je pâlis à sa vue ;

    Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;

    Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler,

    Je sentis tout mon corps et transir et brûler.

    La contradiction est ici dialectique : Phèdre rougit et pâlit en même temps, elle est morte de froid et brûle en même temps. Elle est à la fois troublée et totalement perdue, ce qui implique une activité vivace et une passivité totale. Elle voit sans voir, elle pense sans être en mesure de parler.

    Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,

    D’un sang qu’elle poursuit, tourments inévitables.

    Par des vœux assidus / je crus les détourner :

    Là encore, le conflit est total : c’est en étant assidu à déesse Vénus… qu’elle veut la détourner ! Vénus, déesse pourtant de l’amour, est également présentée comme redoutable ; elle poursuit, alors qu’en même temps sa victoire est inévitable : ce n’est pas là une incohérence, mais une présentation du trouble général, d’un trouble dialectique, où tout est à la fois vrai et faux.

    Ce rapport dialectique se retrouve dans toute l’œuvre, mais pas seulement dans les expressions des personnages pris en particulier. Le rapport des personnages entre eux a lui-même une dimension dialectique approfondie, permettant des sauts qualitatifs faisant avancer le propos.

    Leurs rapports s’affirment ou bien de manière antagonique, ou bien de manière non antagonique, mais toujours avec une énorme charge, amenant les éléments à s’attirer ou se repousser/fusionner.

    Dans Britannicus, Agrippine expose même directement ce rôle, ici par rapport à Néron.

    Surprenons, s’il se peut, les secrets de son âme.

    Voici comment Monime exprime sa détresse par rapport à la situation où elle se trouve, par l’intermédiaire des remarques de Phoedime.

    Ces remarques ne sont nullement d’une faible qualité, simple prétexte ; elles soulignent en effet ce que Monime exprime en se situant exactement dans la même tonalité.

    Il y a cela de fort que, de par l’entrelacement dialectique, les rapports entre les personnages chez Racine forment un tout. Ici Phoedime est Monime, Monime est Phoedime.

    Phoedime

    Ainsi vous retombez dans les mêmes alarmes

    Qui vous ont dans la Grèce arraché tant de larmes ?

    Et toujours Xipharès revient vous traverser ?

    Monime

    Mon malheur est plus grand que tu ne peux penser.

    Xipharès ne s’offrait alors à ma mémoire

    Que tout plein de vertus, que tout brillant de gloire,

    Et je ne savais pas que, pour moi plein de feux,

    Xipharès des mortels fût le plus amoureux.

    Phoedime

    Il vous aime, Madame ? Et ce héros aimable…

    Monime

    Est aussi malheureux que je suis misérable.

    Il m’adore, Phoedime ; et les mêmes douleurs

    Qui m’affligeaient ici le tourmentaient ailleurs.

    Il est également significatif que Racine, en de nombreuses occasions, parvienne à montrer de manière ouverte le caractère intérieur de la situation psychologique.

    Les personnages se parlent à eux-mêmes, comme Mithridate ou Titus, ce dernier passant même du je au tu puis au nous royal, révélant une vie psychique en train de s’effondrer, de céder sous la pression des multiples possibilités combinées à l’opposition entre la passion et le devoir.

    Le paradoxe est que cela donne des personnages passionnés, mais avec de grands moments de lucidité, présentant les faits de manière ouverte, témoignant qu’ils savent pertinemment quelle est leur situation et quelle est la nature de celle-ci.

    Dans Iphigénie, Agamemnon doit sacrifier sa fille, ainsi l’ont voulu les dieux ; il sait la dimension barbare de sa propre intention.

    Eurybate

    Seigneur.

    Agamemnon

    Que vais−je faire ?

    Puis−je leur prononcer cet ordre sanguinaire ?

    Cruel ! à quel combat faut−il te préparer ?

    Quel est cet ennemi que tu leur vas livrer ?

    Une mère m’attend, une mère intrépide,

    Qui défendra son sang contre un père homicide.

    Je verrai mes soldats, moins barbares que moi,

    Respecter dans ses bras la fille de leur roi.

    La qualité de la tragédie de Racine tient à cette capacité à représenter la dynamique dialectique de la vie psychique ; tout se joue dans une série de nœuds contradictoires.

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  • Jean Racine : les femmes à la place centrale

    L’élément déterminant dans le théâtre de Racine est l’omniprésence des femmes, la reconnaissance de leur richesse psychologique, la profondeur et l’ampleur de leurs attitudes, de leurs valeurs. Il y a ici une dimension absolument révolutionnaire, littéralement renversante et reflétant la grande affirmation des femmes des classes supérieures en France au 17e siècle.

    La signification des femmes dans le théâtre de Racine est évidemment systématiquement incomprise, voire même totalement oubliée des analyses pourtant nombreuses des intellectuels bourgeois. Cela n’est pas étonnant, puisque le thème de la vie intérieure échappe complètement à une bourgeoisie française ayant raté le protestantisme.

    Les femmes sont en effet, chez Racine, le vecteur de l’affirmation de la vie intérieure. Il est souvent affirmé, de manière erronée, que Racine est janséniste ; en réalité, le jansénisme est une catholicisme ultra visant à bloquer l’émergence du protestantisme, au moyen de la valorisation de « l’expérience intérieure ».

    Là où cette expérience est sociale, progressiste chez le protestantisme, elle est isolée et individualiste dans le jansénisme, c’est-à-dire fondamentalement réactionnaire. C’est parce que Racine s’arrache au jansénisme qu’il a connu durant sa jeunesse pour découvrir la culture parisienne qu’il a pu exprimer le besoin d’affirmation de la vie intérieure, que la bourgeoisie avait raté avec le protestantisme.

    Les femmes sont chez Racine le levier pour que s’exprime la richesse de la vie intérieure. On est ici dans l’exact opposé de l’affirmation patriarcale – aristocratique du théâtre de Corneille. Corneille représente le vieil esprit de la chevalerie et son espoir vain de revenir sur le devant de la scène ; Racine exprime la convergence historique (et momentanée) de la monarchie absolue et de la bourgeoisie.

    Cela va avec la reconnaissance des femmes ; cela va également avec la pleine reconnaissance de leur identité, de leur existence, à l’opposé d’une prétendue « simplicité ».

    Pour cette raison, si l’on omet la Thébaïde et Alexandre comme œuvres de jeunesse, alors sur neuf tragédies de Racine, six ont pour titre des nom de femmes ; encore faut-il noter la présence extrêmement décisive d’Agrippine dans Britannicus et de Roxane dans Bajazet, toutes deux étant des protagonistes de la plus haute importance.

    Dans Bajazet, Roxane qui relève du harem organise pas moins qu’un coup d’État, dont elle veut faire profiter Bajazet dont elle est amoureuse.

    Bajazet, il est vrai, m’a tout fait oublier.

    Malgré tous ses malheurs, plus heureux que son frère,

    Il m’a plu, sans peut−être aspirer à me plaire.

    Femmes, gardes, vizir, pour lui j’ai tout séduit ;

    En un mot, vous voyez jusqu’où je l’ai conduit.

    Grâces à mon amour, je me suis bien servie

    Du pouvoir qu’Amurat me donna sur sa vie.

    Les femmes ont des positions fermes ; elles possèdent une haute capacité de raisonnement et d’analyse critique, même autocritique. Elles ne sont jamais cantonnées dans une seule position sociale, puisqu’on a une veuve et une femme mariée, une fille et une mère, une fiancée et une femme qui tente de conquérir l’homme qu’elle aime par le charme, la conviction ou la force.

    Il serait tout à fait erroné de définir ici la place des femmes comme un prétexte à la tendresse, qu’on opposerait à l’héroïsme de Corneille. Les femmes ne sont pas un prétexte, ni simplement un lieu de passage pour des expressions sentimentales. Leur richesse intérieure est d’ailleurs telle que les femmes n’hésitent pas à aller jusqu’à l’ultra-violence. Rien qu’avec cela, Racine montre qu’il est un titan de la littérature, ayant bien vu que les femmes ne sont nullement des mineures ad vitam aeternam.

    On a ainsi Agrippine, nostalgique de quand elle tenait le pouvoir de manière indirecte. Voici ce qu’elle expose comme conception du pouvoir justement dans Britannicus :

    Lorsqu’il se reposait sur moi de tout l’État,

    Que mon ordre au palais assemblait le sénat,

    Et que derrière un voile, invisible et présente,

    J’étais de ce grand corps l’âme toute−puissante

    Et elle impose à Néron, son fils, un véritable agenda politique.

    Néron

    Eh bien donc ! prononcez. Que voulez−vous qu’on fasse ?

    Agrippine

    De mes accusateurs qu’on punisse l’audace ;

    Que de Britannicus on calme le courroux ;

    Que Junie à son choix puisse prendre un époux ;

    Qu’ils soient libres tous deux, et que Pallas demeure ;

    Que vous me permettiez de vous voir toute heure ;

    Que ce même Burrhus, qui nous vient écouter,

    A votre porte enfin n’ose plus m’arrêter.

    On a la reine Bérénice, amoureuse de Titus avec qui elle est censée se marier, qui voit son ami Antiochus déclarer sa flamme pour elle, qu’elle repousse avec cordialité, tendresse, presque ferveur.

    Seigneur, je n’ai pas cru que, dans une journée

    Qui doit avec César unir ma destinée,

    Il fût quelque mortel qui pût impunément

    Se venir à mes yeux déclarer mon amant.

    Mais de mon amitié mon silence est un gage :

    J’oublie en sa faveur un discours qui m’outrage.

    Je n’en ai point troublé le cours injurieux ;

    Je fais plus : à regret je reçois vos adieux.

    Bérénice s’efface d’ailleurs devant le devoir de Titus, qui doit régner à Rome et ne peut se marier avec une reine de Palestine. Atalide, dans Bajazet, exprime dans une même mise en perspective le capacité d’engagement féminin, appelant le ciel à la punir elle seule pour un amour pourtant commun, partagé.

    Eh bien ! Zaïre, allons. Et toi, si ta justice

    De deux jeunes amants veut punir l’artifice,

    O ciel, si notre amour est condamné de toi,

    Je suis la plus coupable : épuise tout sur moi !

    A l’opposé, dans Andromaque, Hermione fait preuve d’une capacité totale à vouloir répandre le sang, pour se venger de l’affront fait par l’homme qu’elle aime et qui la trahit. Obstacle à son mariage, Andromaque elle-même veut l’éviter et explique : « Allons, fuyons sa violence ».

    Hermione a une approche d’une très grande brutalité, exprimant la grande richesse de son activité psychique, à l’entrecroisée des sentiments et des réflexions, l’amenant à être en même temps torturée, à la fois agressive et pleine d’espérance. La femme est ici un être réel, tout à fait concret, de chair et de sang, de psychisme et de sensations.

    Elle est digne d’un homme, mais témoigne également de plus de profondeur. La portée de l’oeuvre de Racine sur la profondeur de la dimension psychique féminine est immense.

    C’est là une très grande affirmation progressiste et universelle, et on peut tout à fait penser qu’une telle complexité ne peut pas du tout être présenté par un homme, qu’il fallait les femmes et leur intensité dans le rapport à la vie pour cela, les hommes se cantonnant somme toute dans l’existence plus que la vie elle-même.

    Ce que Hermione explique à Cléone, puis à Oreste qui est amoureux d’elle et qu’elle utilise comme assassin, est ainsi d’une froideur toute particulière, c’est une véritable construction, fruit d’une riche vie intérieure, d’une mise en jeu de toute la vie elle-même.

    Tout s’appuie sur sa douleur, façonnant son identité.

    Si je le hais, Cléone ! Il y va de ma gloire,

    Après tant de bontés dont il perd la mémoire ;

    Lui qui me fut si cher, et qui m’a pu trahir,

    Ah ! je l’ai trop aimé pour ne le point haïr !

    Sa réaction n’est nullement passive, mais bien au contraire toujours dans le sens de l’activité. On a ici une femme pour qui la passivité n’existe pas et n’est même pas recevable comme manière de poser son existence.

    Vengez−moi, je crois tout.

    (…)

    Je veux qu’à mon départ toute l’Épire pleure.

    Mais si vous me vengez, vengez−moi dans une heure.

    Tous vos retardements sont pour moi des refus.

    Courez au temple. Il faut immoler… [Qui?] Pyrrhus.

    Et comme Oreste hésite, elle s’annonce prête à réaliser le crime elle-même.

    Hermione

    Parlez : mon ennemi ne vous peut échapper,

    Ou plutôt il ne faut que les laisser frapper.

    Conduisez ou suivez une fureur si belle ;

    Revenez tout couvert du sang de l’infidèle ;

    Allez : en cet état soyez sûr de mon cœur.

    Oreste

    Mais, Madame, songez…

    Hermione

    Ah ! c’en est trop, Seigneur.

    Tant de raisonnements offensent ma colère.

    J’ai voulu vous donner les moyens de me plaire,

    Rendre Oreste content ; mais enfin je vois bien

    Qu’il veut toujours se plaindre, et ne mériter rien.

    Partez : allez ailleurs vanter votre constance,

    Et me laissez ici le soin de ma vengeance.

    De mes lâches bontés mon courage est confus,

    Et c’est trop en un jour essuyer de refus.

    Je m’en vais seule au temple où leur hymen s’apprête,

    Où vous n’osez aller mériter ma conquête.

    Là, de mon ennemi je saurai m’approcher,

    Je percerai le cœur que je n’ai pu toucher,

    Et mes sanglantes mains, sur moi−même tournées,

    Aussitôt, malgré lui, joindront nos destinées

    Ce n’est pas tout : une fois le crime fait, la vie intérieure continue de s’exprimer, avec le désespoir d’avoir perdu l’être aimé qui se refusait et qu’elle a elle-même fait tuer par Oreste.

    Hermione

    Va faire chez tes Grecs admirer ta fureur,

    Va ; je la désavoue, et tu me fais horreur.

    Barbare, qu’as−tu fait ? Avec quelle furie

    As−tu tranché le cours d’une si belle vie ?

    Avez−vous pu, cruels, l’immoler aujourd’hui,

    Sans que tout votre sang se soulevât pour lui ?

    Mais parle : de son sort qui t’a rendu l’arbitre ?

    Pourquoi l’assassiner ? Qu’a−t−il fait ? A quel titre ?

    Qui te l’a dit ?

    Oreste

    O dieux ! Quoi ? ne m’avez−vous pas

    Vous−même, ici, tantôt, ordonné son trépas ?

    Hermione

    Ah ! fallait−il en croire une amante insensée ?

    Ne devais−tu pas lire au fond de ma pensée ?

    Et ne voyais−tu pas, dans mes emportements,

    Que mon cœur démentait ma bouche à tous moments ?

    Quand je l’aurais voulu, fallait−il y souscrire ?

    N’as−tu pas dû cent fois te le faire redire ?

    Toi−même avant le coup me venir consulter,

    Y revenir encore, ou plutôt m’éviter ?

    Que ne me laissais−tu le soin de ma vengeance ?

    Qui t’amène en des lieux où l’on fuit ta présence ?

    La démonstration de la richesse intérieure de la femme est ici un véritable saut de civilisation. Elle est véritablement propre à la France. Alors que Molière présente la libération sociale de la femme, concernant au moins son sentiment amoureux, Racine formule l’affirmation de sa vie intérieure, de sa richesse psychique, en pleine reconnaissance.

    Il faut à ce titre noter que Marie Desmares, dit Mademoiselle de Champmeslé, ou encore la Champleslé (1642-1698), fut la muse de Racine. Elle joua Athalie dans Bajazet, Monime dans Mithridate, Bérénice, Iphigénie et Phèdre dans les pièces du même nom.

    Elle avait une grâce et une voix en imposant véritablement au théâtre, ce qui joua dans le succès auprès du public alors ; Racine fut l’un de ses nombreux amants.

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  • Jean Racine, notre auteur national: la concision au service de la concentration

    L’élément prédominant de Racine, ce qui a marqué ses contemporains et en a fait celui qu’on doit considérer le grand écrivain national aux côtés de Molière, c’est la fluidité du propos, s’appuyant en même temps sur une profonde intensité grâce aux termes choisis, par ailleurs parfaitement imbriqués les uns dans les autres. Racine est celui qui donne son esprit à la langue française, qui s’affirme en tant que tel au XVIe siècle seulement avec la formation de la nation française grâce à François Ier.

    Le français est, depuis le grand siècle que fut le XVIIe siècle, une langue concise où l’on est toujours capable de formuler les choses dans l’à-propos. On sait quoi dire quand il faut le dire : le français est une langue d’avocat et de technicien, d’orateur politique et de chef militaire.

     Portrait de Jean Racine d’après Santerre,
    XVIIe siècle

    Le français n’est ainsi pas une langue de savante construction comme l’allemand, ni de fulgurantes lancées comme l’italien ; il n’a pas non plus la ligne mélodique de l’anglais ou l’affirmation étoffée de l’espagnol. Il est avant tout un art – au sens d’une technique – d’expression. En France, on doit savoir parler comme on met la table, on doit savoir écrire comme on sait se tenir.

    Et le vers en douze pieds, c’est-à-dire en douze sons délimités, est son rythme naturel, permettant de poser, telle une succession de vagues, les propos encastrés les uns dans les autres pour fournir une certaine cohérence musicale.

    Voici par exemple le tout début d’Andromaque ; les propos d’Oreste sont les premiers que le public entend et ils sont entièrement fluides, formant une vraie totalité :

    Oui, puisque je retrouve un ami si fidèle,

    Ma fortune va prendre une face nouvelle ;

    Et déjà son courroux semble s’être adouci

    Depuis qu’elle a pris soin de nous rejoindre ici.

    Rappelons qu’avec la césure à l’hémistiche, c’est-à-dire le découpage de l’alexandrin en deux (hémistiches séparés d’une césure, c’est-à-dire d’un mini temps d’attente), cela donne :

    Oui, puisque je retrouve / un ami si fidèle,

    Ma fortune va prendre / une face nouvelle ;

    Et déjà son courroux / semble s’être adouci

    Depuis qu’elle a pris soin / de nous rejoindre ici.

    La lettre E finale est toujours muette ; dans certains cas elle se lit, dans d’autres non, cela dépend car il faut toujours avoir six pieds d’un côté, de même de l’autre. Ainsi le second vers ici voit le E de fortune ne pas se prononcer, mais celui de face l’être quant à lui.

    Voici, pareillement, le tout début de Mithridate, avec Xipharès présentant la situation de manière limpide.

    On nous faisait, Arbate, un fidèle rapport :

    Rome en effet triomphe, et Mithridate est mort.

    Les Romains, vers l’Euphrate, ont attaqué mon père,

    Et trompé dans la nuit sa prudence ordinaire.

    Ce qui s’exprime de la manière suivante.

    On nous faisait, Arbate, / un fidèle rapport :

    Rome en effet triomphe, / et Mithridate est mort.

    Les Romains, vers l’Euphrate, / ont attaqué mon père,

    Et trompé dans la nuit / sa prudence ordinaire.

    Cependant, on aurait tort de croire que l’art de Racine n’est que concision. En effet, cette concision est au service d’une puissante concentration. L’art littéraire de Racine est la tragédie, et pour réaliser sa mise en perspective, il doit faire ressentir deux choses au spectateur : la pitié pour la personne frappée par le destin, mais également la terreur par rapport à ses actes.

    Cette dialectique pitié – terreur a été conceptualisée par le philosophe grec Aristote comme permettant une catharsis, c’est-à-dire une purgation des passions du spectateur, qui devient ainsi apaisé, et donc meilleur citoyen. Racine s’en sert comme levier pour l’affirmation de la vie intérieure, de la portée de la dimension psychique.

    Racine utilise donc la concision au service de moments propres à la tragédie, sous la forme d’intensité brève et psychologiquement très fortes. Voici l’un des passages les plus célèbres, tout à fait représentatif de cela. Il s’agit du moment où Phèdre fait son aveu : elle explique à sa servante qu’elle est amoureuse de son beau-fils.

    Je le vis, je rougis, / je pâlis à sa vue ;

    Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;

    Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler,

    Je sentis tout mon corps et transir et brûler.

    Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,

    D’un sang qu’elle poursuit, tourments inévitables.

    Par des vœux assidus / je crus les détourner :

    Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner ;

    De victimes moi−même à toute heure entourée,

    Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée.

    D’un incurable amour remèdes impuissants !

    En vain sur les autels ma main brûlait l’encens :

    Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,

    J’adorais Hippolyte, et le voyant sans cesse,

    Même au pied des autels que je faisais fumer,

    J’offrais tout à ce dieu que je n’osais nommer.

    Je l’évitais partout. O comble de misère !

    Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.

    Cette intensité psychique est toujours au service de moments qui sont de vrais tournants, car ils expriment la crise, ils la révèlent, ils l’exposent, aboutissant à des modifications dans les rapports entre les personnages mobilisés par leur passion et qui cherchent perpétuellement à évaluer la situation, à l’espérer en leur faveur.

    Voici un exemple tiré de Mithridate, lorsque le roi revient et que Monime va devoir se marier avec lui, alors qu’elle n’en veut pas, étant amoureuse d’un autre.

    Phoedime

    Croyez−moi, montrez−vous, venez à sa rencontre.

    Monime

    Regarde en quel état tu veux que je me montre :

    Vois ce visage en pleurs ; et loin de le chercher,

    Dis−moi plutôt, dis−moi que je m’aille cacher.

    Dans La vie dans la tragédie de Racine, Georges Le Bidois note avec justesse que :

    « Ils [les mots qui portent coup] sont si nombreux qu’on est en peine de les transcrire. Prenez une seule pièce, Andromaque : vous trouverez à chaque page de brèves paroles qui font une révolution dans l’âme d’un personnage ou produisent dans l’action une péripétie considérable.

    La conduite d’Andromaque ou d’Oreste, de Pylade ou de Pyrrhus, est perpétuellement suspendu à un mot. Et, de même, quelques mots de Narcisse auront plus de pouvoir sur Néron que les plus longs discours.

    Veut-on savoir jusqu’où va, chez Racine, l’effet dramatique d’un mot, qu’on relise seulement le dernier entretien de Roxane et de Bajazet, qu’on entende le Sortez ! qui lui sert de conclusion.

    Jamais l’économie de la parole n’eut au théâtre un effet plus saisissant. »

    On notera bien, par ailleurs, que cette affirmation du théâtre de Racine présuppose la négation de Victor Hugo, et vice-versa. Pour Victor Hugo, Racine et Molière ne comptent pas ; au sujet de Racine, il dit même :

    « Il fourmille d’images fausses et de fautes de français… Si vous voulez lire attentivement avec moi une de ses tragédies… Nous n’aurons pas fini de les relever ; mais elles échappent à une lecture rapide, parce qu’elles n’ont rien de très choquant, et qu’elles se dérobent habilement dans le tissu harmonieux du style. »

    Il y a là en réalité un affrontement idéologique majeur, entre Racine et Molière comme plus hautes expressions de la culture nationale, et Victor Hugo un artisan du divertissement grossier utilisant le grotesque et le sublime pour des œuvres divertissantes dans l’esprit démocrate-chrétien.

    Pareillement, selon Taine, Racine fait plaider, pour Sainte-Beuve, Racine est un discoureur au théâtre, etc.

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  • Le matérialisme dialectique et le communisme

    « Merci camarade Staline
    pour notre vie heureuse ! »

    « Nous avons un nom qui est devenu un symbole des victoires du socialisme. Ce nom est en même temps un symbole de l’unité morale et politique du peuple soviétique.
    Vous savez quel est ce nom – Staline !
    (V.M. Molotov) »

    Le communisme est le produit du mouvement de synthèse de la matière à travers des sauts, c’est-à-dire que la matière cesse de s’utiliser elle-même de manière partiellement improductive pour trouver une manière de former une totalité agissante.

    Par partiellement improductive, il faut comprendre que la matière ne peut utiliser que la matière pour se développer elle-même, ce qui implique qu’un aspect se développe aux dépens d’un autre, dans le cadre d’un développement inégal.

    Le déséquilibre provoqué se résout par un saut dialectique.

    Mao Zedong nous dit ici que :

    « Le déséquilibre est une loi générale et objective.

    Le cycle, qui est sans fin, passe du déséquilibre à l’équilibre et, à nouveau, de celui-ci à celui-là. Chaque cycle, cependant, correspond à un niveau supérieur de développement. Le déséquilibre est absolu, tandis que l’équilibre est temporaire et relatif.

    La rupture de l’équilibre, c’est un bond en avant. »

    Le mode de production capitaliste permet ainsi le développement des forces productives, mais cela aux dépens des prolétaires ; le socialisme en est la négation et le communisme qui le prolonge est alors l’humanité appliquant le principe De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins.

    Il n’y a cependant pas de négation de la négation et le socialisme organisé par l’humanité ne signifie nullement que c’est seulement elle qui va au communisme.

    En réalité, pour le matérialisme dialectique, l’univers entier va au Communisme. Dialectiquement, cela signifie que l’univers entier est également allé au communisme.

    La matière est éternelle et infinie ; elle est inépuisable. Par conséquent, elle a déjà connu une évolution dialectique, au moyen de transformations, puisque c’est sa nature même. Cela implique donc qu’elle a déjà connu et qu’en fait à chaque grande étape, chaque bond en avant, elle connaît un saut communiste.

    Ce communisme consiste en l’universalisation des moyens de production d’une forme matérielle, sa combinaison synthétique. Toute élévation de la complexité de la matière sur un certain plan correspond à une affirmation communiste.

    Les montagnes, les galaxies, les végétaux et les animaux sont des exemples de saut synthétique correspondant à une étape communiste. On a une affirmation d’un système complexe et organisé, une mise en commun de multiples aspects contradictoires de la matière. Ces systèmes complexes ont eux-mêmes un passé constitué d’étapes ayant établi les éléments qui allaient se synthétiser.

    Les éléments séparés se combinent ; ils forment une totalité harmonieuse et obéissant en même temps à une contradiction interne les impliquant dans un développement.

    Ce développement se fait lui-même de manière inégale et cela explique les différentes galaxies, les différentes montagnes, les différents végétaux, les différents animaux. La systématisation de la production d’un système complexe se fait lui-même de manière inégale.

    Il ne s’agit pas d’essais de la nature ou d’erreurs de la nature ; il s’agit d’une réalité propre à tout développement que d’être inégal.

    Tout processus profite d’un processus passé par définition inégal pour lui-même produire une forme plus complexe, par un développement également inégal.

    Ce passé est infini, tout autant que l’avenir. Le processus est sans fin, ses aspects infinis. La matière, s’appuyant sur les inégalités de développement de ses différents aspects, connaît un développement infini par l’affirmation de contradictions aboutissant à un saut communiste, produisant des formes nouvelles qui elles-mêmes apportent davantage de complexité dans le développement général.

    Tout saut ne correspond pas à une étape communiste. Mais chaque saut contient, en germe, la tendance au bond en avant vers la nature communiste du système.

    L’étape communiste se distingue des autres par une unification où la contradiction cesse d’être antagonique entre différents aspects pour permettre un développement harmonieux – ce qui correspond au développement de nouvelles contradictions, qui sont différentes des précédentes, qui se sont déplacées.

    Ce déplacement se fait en plaçant la nouvelle forme dans de nouveaux rapports avec le reste de la matière. Chaque montagne, chaque galaxie… est le fruit d’une contradiction interne, et sa réalisation en tant que forme complexe produit une contradiction nouvelle avec d’autres aspects de la matière, par exemple la galaxie avec une autre galaxie, la montagne avec un fleuve, etc.

    La contradiction interne initiale, permettant l’avènement d’une forme nouvelle, plus complexe, se déplace alors vers le rapport dialectique entre la chose nouvelle et une autre chose, formant une nouvelle contradiction interne.

    L’article « L’Univers est l’unité du fini et de l’infini », publié dans le Journal de la dialectique de la Nature au moment de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne en Chine, présente de la manière suivante le nouveau rapport qui s’établit :

    « La fin de toute chose concrète, le soleil, la Terre et l’humanité n’est pas la fin de l’Univers. La fin de la Terre apportera un corps cosmique nouveau et plus sophistiqué.

    À ce moment-là, les gens tiendront des réunions et célébreront la victoire de la dialectique et souhaiteront la bienvenue à la naissance de nouvelles planètes.

    La fin de l’humanité se traduira également par de nouvelles espèces qui hériteront de toutes nos réalisations. En ce sens… la mort de l’ancien est la condition de la naissance du nouveau. »

    Le communisme se généralise donc à des niveaux toujours plus complexes, car la matière se transforme et son interaction à un niveau complexe s’approfondit, se systématise. Il n’y a en ce sens pas de négation de négation, pas de fin de l’Histoire, ni d’ailleurs de début. Il y a le communisme pour le communisme, la matière pour la matière.

    L’univers est un système infini où la complexité se développe par sauts. Le physicien japonais Shoichi Sakata, dans Physique théorique et dialectique de la nature, en juin 1947, définit ainsi sa conception de l’Univers en oignon, saluée par Mao Zedong :

    « La science actuelle a trouvé que, dans la nature, il existe des « niveaux » qualitatifs différents : la forme du mouvement, par exemple une série de niveaux comme particules élémentaires-noyaux-atomes-molécules-masses-corps célestes-nébuleuses.

    Ces niveaux forment des points nodaux variés qui restreignent les différents modes qualitatifs de l’existence de la matière en général. Et ainsi ils ne sont pas simplement reliés de manière directe comme décrit ci-dessus.

    Les « niveaux » sont également connectés dans une direction comme molécules-colloïdes-cellules-organes-individus-sociétés. Même dans les masses semblables, il existe des « niveaux » d’états correspondant aux solides-liquides-gaz.

    Dit de manière métaphorique, ces circonstances peuvent être décrites comme ayant une sorte de structure multi-dimensionnelle du type d’un filet de pêche ou, plutôt serait-il mieux de dire, qu’ils ont une structure du type des oignons, en phases successives.

    Ces niveaux ne sont en rien isolés mutuellement et indépendants, mais sont connectés mutuellement, dépendants et constamment « transformés » les uns en les autres.

    Un atome, par exemple, est construit à partir des particules élémentaires et une molécule est construite à partir d’atomes et, inversement, peut être fait la décomposition d’une molécule en atomes, d’un atome en particules élémentaires.

    Ces types de transformation arrivent constamment, avec la création d’une nouvelle qualité et la destruction des autres, dans des changements incessants. »

    L’univers est un océan infini de contradictions élevant la matière à un niveau plus complexe, apportant des contradictions plus riches, permettant une combinaison toujours plus riche de la matière, plus sensible, plus complexe, et ce dans toutes les directions. C’est le sens du communisme.

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  • Mouvement Révolutionnaire Internationaliste: Sur la Situation Mondiale (1993)

    En 1984, la Déclaration du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste indiquait: «Le monde d’après la Deuxième Guerre mondiale est rapidement en train de se désagréger.

    Les rapports économiques et politiques au niveau international – le ‘partage du monde’ – qui avaient été établis au cours de la Deuxième Guerre Mondiale et dans les suites de cette guerre, ne se prêtent plus à ce que les différentes puissances impérialistes puissent continuer, ‘de façon pacifique’, à assurer l’expansion et l’extension nécessaires de leurs empires fondés à base de profit.

    Et si le monde d’après-guerre a déjà connu des transformations importantes à cause des conflits entre les impérialistes et à cause, surtout, des luttes révolutionnaires de cette période, on assiste aujourd’hui à une remise en cause générale de tout le réseau de rapports économiques, politiques et militaires dans son ensemble.

    La stabilité relative des grandes puissances impérialistes… se désagrège.

    On assiste à une recrudescence des luttes révolutionnaires des nations et des peuples opprimés, et ces luttes portent de nouveau atteinte à l’ordre impérialiste mondial…

    Aujourd’hui déjà, l’accentuation des contradictions entraîne tous les pays et toutes les régions du monde, ainsi que certains secteurs des masses qui étaient restées jusqu’ici assoupies et à l’écart de la vie politique, dans le tourbillon de l’histoire mondiale; et ce phénomène ne sera que plus marqué à l’avenir.

    Les communistes révolutionnaires doivent donc se préparer et préparer les ouvriers munis d’une conscience politique de classe ainsi que d’autres secteurs révolutionnaires du peuple et doivent intensifier les luttes révolutionnaires».

    L’analyse de la Déclaration sur le caractère temporaire de l’ordre mondial existant et son appel à des préparatifs urgents en vue de changements soudains et d’accélérations subites des développements ont été confirmés par les événements dans le monde, bien que le cours exact des événements – la désagrégation du camp social-impérialiste soviétique et l’atténuation de la rivalité aiguë entre les blocs impérialistes sous l’emprise des Etats-Unis et des Soviétiques qui avait amené le monde au bord de la guerre mondiale – ne pouvait être prévu.

    Dans le cadre de l’aggravation de la crise du système impérialiste, les traits principaux de la situation mondiale actuelle sont: la recrudescence des luttes des nations opprimées dans le monde, en particulier les succès glorieux de la Guerre Populaire au Pérou, le déclenchement de révoltes dans le ventre même des bêtes impérialistes immondes, la ré-émergence de l’impérialisme US en tant que seul gendarme en chef de l’ordre impérialiste, l’intervention et l’agression impérialistes contre les nations opprimées et une intensification de l’exploitation et des attaques à l’encontre des masses des nations opprimées et des pays capitalistes eux-mêmes et le réalignement des forces qui se produit dans les rangs des puissances impérialistes.

    Le rêve fumeux des impérialistes 
    d’un «Nouvel Ordre Mondial»

    A la suite de la désagrégation du camp impérialiste soviétique, ce qui n’a été en fait qu’une manifestation marquante de la crise sévère qui étreint le système impérialiste dans son ensemble, système dont l’Union soviétique constituait un des principaux piliers, les impérialistes US ont déclaré avec arrogance qu’ils imposaient un «Nouvel Ordre Mondial».

    Pour leurs propres adeptes chez eux et pour les oreilles très crédules, cet ordre nouveau a été maquillé superficiellement par des mots comme «respect de la loi internationale», «nouvelle ère de paix», «démocratie», «lutte contre la tyrannie et la dictature» et même «droits de l’homme».

    Les puissances impérialistes qui, la veille, se prenaient à la gorge faisaient mine de s’embrasser.

    Les Nations unies et les autres organisations impérialistes du même genre ont été présentées comme les gardiens de la «nouvelle ère de paix mondiale».

    Les impérialistes espéraient naïvement masquer la nature réelle de la débâcle du bloc social-impérialiste soviétique et comptaient utiliser celle-ci pour désaisir les masses opprimées de l’arme que constitue l’idéologie révolutionnaire communiste.

    Leurs idéologues, avec les réactionnaires et les révisionnistes de tout poil, ont lancé une offensive contre-révolutionnaire proclamant la fin de l’idée communiste d’un monde libéré de l’exploitation et même la «fin de l’histoire».

    L’impérialisme, la réaction et le révisionnisme se sont démenés à perdre haleine pour agiter le drapeau dépenaillé et décrépit de la « démocratie », symbole de la domination inhumaine et sanglante du capital, et pour le présenter comme la seule alternative.

    Il s’est vraiment agi d’une sinistre conspiration dont les conséquences sordides et sanguinaires ne sont que trop évidentes.

    L’acte inaugural de ce «nouvel» ordre mondial a été le viol brutal de l’Irak par les Etats-Unis secondés par d’autres puissances impérialistes et avec l’aide d’une légion étrangère d’un type nouveau constituée de soldats originaires des pays qu’ils dominent.

    Le but recherché était de délimiter les empires et de soumettre les opprimés par la terreur.

    Mais cela n’a servi qu’à leur arracher leurs masques de «paix» et qu’à souligner une fois de plus que les régimes compradors des nations opprimées ne peuvent jamais asséner des coups résolus et sans compromis à leurs maîtres impérialistes.

    Les impérialistes ont mis en scène leur propre désarmement mais la paix ne pouvait jamais sortir des salles de banquets de ces vampires.

    Après tous leurs pactes et traités, ils détiennent encore, en particulier les impérialistes des Etats-Unis et de la Russie actuelle, des arsenaux mortels capables de détruire le monde un nombre incalculable de fois.

    Les impérialistes ont parlé d’une «nouvelle ère de développement et de coopération» mais le seul résultat a été une intensification de l’exploitation des masses dans les nations opprimées et dans les pays capitalistes eux-mêmes – la paupérisation des producteurs réels.

    Dans les pays de l’ancien bloc soviétique, y compris la Russie, la domination ouverte du capital réduit progressivement à néant les illusions de prospérité et de croissance à l’abri des crises.

    Et les rêves des impérialistes occidentaux de surmonter leur crise se sont transformés en cauchemars: ils s’enlisent de plus en plus, ils créent des troubles et on leur riposte, et aujourd’hui ils ont à faire face à la colère des opprimés même dans leurs propres pays.

    Le cours des événements a été rapide, ce qui souligne une fois encore le caractère explosif de la situation mondiale.

    Le son des trompettes de la contre-offensive réactionnaire, qui faisait tant de bruit il n’y a encore que deux ans, tombe de plus en plus dans des oreilles de sourds.

    Des fractions de plus en plus nombreuses des masses dans bien des parties du monde continuent à s’éveiller à la résistance, à la révolte et à la révolution, plus profondément conscientes de la banqueroute des révisionnistes aux abois, acueillant avec chaleur la montée radieuse du pouvoir rouge dans les hautes montagnes du Pérou et cherchant des moyens plus efficaces pour asséner des coups à leurs propres oppresseurs.

    Le «Grand Désordre» est une bonne chose

    Mao Tsétoung, le grand dirigeant du prolétariat mondial, nous a enseigné que l’impérialisme soulève toujours une grosse pierre dans le but de la lancer contre les opprimés et finit par se la laisser tomber sur les pieds.

    Cela s’applique tout à fait à la situation mondiale actuelle. Le grand tapage au sujet de leur «nouvel» ordre mondial et le cours réel des événements a seulement servi à prouver sans le moindre doute que rien de bon ne peut résulter de ce système qui dévore les hommes.

    Leurs institutions, leurs laquais réactionnaires et leurs créatures révisionnistes sont de plus en plus démasqués.

    La Guerre Populaire au Pérou a conquis des zones libérées où notre classe a une nouvelle fois établi le pouvoir du peuple. Dans les nations opprimées du monde, la «zone des tempêtes» de la révolution mondiale, les luttes et la résistance des masses contre l’impérialisme et leurs laquais réactionnaires sont en plein essor, écartant les dirigeants corrompus d’hier, de nouvelles générations prennent en main les tâches qui feront avancer leurs luttes.

    Il y a de l’effervescence et de la révolte, à des degrés divers, dans chaque couche et dans toutes les couches d’opprimés, parmi les femmes, dans la jeunesse et dans les couches les plus profondes des masses enchaînées depuis des siècles par la réaction sous toutes ses formes montrueuses.

    L’ignoble brute US vient juste de recevoir un sérieux avertissement sur son propre territoire de la part des victimes de son oppression de classe et raciale.

    Et les tigres en papier impérialistes continuent à se dégonfler comme des baudruches sous les coups des lances acérées des masses opprimées dans tous les pays où ils osent commettre des aggressions.

    Une grande vague de «désordre révolutionnaire» grossit et c’est une bonne chose.

    Dans le cadre de l’aggravation de la crise du système impérialiste mondial, toutes les contradictions essentielles – la contradiction entre les nations opprimées et les puissances impérialistes, la contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie dans les pays capitalistes et impérialistes et la contradiction entre les puissances impérialistes elles-mêmes- connaissent un nouveau développement.

    Parmi ces contradictions, celle entre les nations opprimées et les puissances impérialistes et avec une ampleur notable, quoique secondaire, la contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie dans les pays impérialistes s’intensifient.

    La désagrégation du camp impérialiste soviétique a amené un relâchement de la contradiction inter-impérialiste par rapport à son niveau antérieur d’intensité.

    Mais la collusion des impérialistes repose sur la concurrence, ce qui se manifeste aujourd’hui dans le réalignement des forces et les nouvelles rivalités qui surgissent entre puissances impérialistes face à l’aggravation de leur crise et à la montée des luttes du peuple.

    Pour reprendre les mots de la Déclaration de 1984, dans cette période où des perspectives sans précédent pour la révolution se font jour: «Nous devons intensifier notre vigilance révolutionnaire et redoubler d’efforts afin d’être prêts, sur le plan politique et idéologique, en matière d’organisation et sur le plan militaire, pour pouvoir profiter de ces occasions de façon à favoriser au maximum les intérêts de notre classe et conquérir le plus possible d’avant-postes pour la révolution prolétarienne mondiale».

    L’existence du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste et des partis Maoïstes regroupés en son sein fournit une base puissante à l’accomplissement de cette tâche, et il faut la réaliser.

    En particulier, les communistes doivent remettre l’arme du Marxisme-Léninisme-Maoïsme entre les mains de la multitude des masses opprimées, persévérer dans la lutte implacable contre toutes les formes de révisionnisme, ancien ou moderne, créer des partis Maoïstes là où ils n’existent pas et renforcer ceux qui existent, de façon à préparer, lancer et conduire à la victoire des Guerres Populaires pour détruire à jamais l’impérialisme et la réaction et avancer vers l’avenir glorieux du communisme.

    26 décembre 1993

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  • Mouvement Révolutionnaire Internationaliste: Vive le maoïsme ! (1993)

    Introduction

    En 1984, le Mouvement Révolutionnaire Internationaliste (MRI) a été fondé, en regroupant le noyau des révolutionnaires Maoïstes dans le monde qui étaient déterminés à mener la lutte pour un monde sans exploitation et sans oppression, sans impérialisme, un monde dans lequel même la division de la société en classes serait abolie – le monde communiste du futur.

    Depuis la formation de notre Mouvement, nous avons continué de progresser et aujourd’hui, à l’occasion du centenaire de Mao Tsétoung, avec un sens profond de nos responsabilités, nous déclarons au prolétariat international et aux masses opprimées dans le monde que l’idéologie qui nous guide est le Marxisme-Léninisme-Maoïsme.

    Notre Mouvement a été fondé sur la base de la Déclaration du Mouvement Internationaliste adoptée lors de la Seconde Conférence des Partis et Organisations Marxistes-Léninistes en 1984.

    La Déclaration défend l’idéologie prolétarienne révolutionnaire et sur cette base elle envisage de façon correcte pour l’essentiel les tâches des communistes révolutionnaires dans différents pays et à l’échelle mondiale, l’histoire du mouvement communiste international et nombre d’autres questions vitales.

    Aujourd’hui nous réaffirmons que la Déclaration est le fondement solide de notre Mouvement à laquelle nous apportons une nouvelle clarification, une compréhension approfondie de notre idéologie et une unité plus profonde de notre Mouvement.

    La Déclaration insiste à juste titre sur les «apports d’ordre qualitatif de Mao Tsétoung à la science du Marxisme-Léninisme» et affirme qu’il l’a fait progresser à une « nouvelle étape ».

    Cependant, l’utilisation du terme de « Marxisme-Léninisme- Pensée Mao Tsétoung» dans notre Déclaration reflétait une compréhension encore incomplète de cette nouvelle étape.

    Au cours des neuf dernières années, notre Mouvement a été engagé dans une discussion et une lutte prolongées, riches et approfondies pour assimiler plus profondément les développements de Mao Tsétoung sur le Marxisme.

    Pendant la même période, les partis et les organisations de notre Mouvement et du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste dans leur ensemble ont été engagés dans la lutte révolutionnaire contre l’impérialisme et la réaction.

    Le plus important a été l’expérience avancée de la Guerre Populaire dirigée par le Parti Communiste du Pérou (PCP) qui a réussi à mobiliser les masses par millions, balayant le pouvoir d’Etat dans de nombreuses régions du pays et établissant le pouvoir des ouvriers et des paysans dans ces zones.

    Ces avancées, en théorie et en pratique, nous ont permis d’approfondir notre compréhension de l’idéologie prolétarienne et, sur cette base, de faire un pas essentiel, la reconnaissance du Marxisme-Léninisme-Maoïsme en tant que troisième étape nouvelle et supérieure du Marxisme.

    La troisième étape nouvelle
    et supérieure du Marxisme

    Mao Tsétoung a développé de nombreuses thèses sur toute une série de questions vitales de la révolution. Mais le Maoïsme n’est pas la simple somme des grandes contributions de Mao.

    Il est un développement du Marxisme-Léninisme en profondeur et sous tous ses aspects qu’il a porté à une étape nouvelle et supérieure.

    Le Marxisme-Léninisme-Maoïsme est un ensemble intégré; il représente l’idéologie du prolétariat, mise sous une forme synthétique et élevée à de nouveaux stades, du Marxisme au Marxisme-Léninisme puis au Marxisme-Léninisme-Maoïsme, par Karl Marx, V.I. Lénine et Mao Tsétoung, sur la base de l’expérience du prolétariat et de l’humanité dans la lutte de classe, la lutte pour la production et l’expérimentation scientifique.

    Il constitue l’arme invincible qui permet au prolétariat de comprendre le monde et de le changer par la révolution.

    Le Marxisme-Léninisme-Maoïsme est une idéologie vivante et scientifique qui peut être appliquée de façon universelle, qui se développe constamment et qui s’enrichit davantage par son application au processus révolutionnaire ainsi que par les progrès de la connaissance humaine en général.

    Le Marxisme-Léninisme-Maoïsme est l’ennemi de toutes les formes du révisionnisme et du dogmatisme. Toute sa puissance vient de ce qu’il est vrai.

    Karl Marx

    Karl Marx, le premier, a développé le communisme révolutionnaire il y a presque 150 ans.

    Avec l’aide de son proche compagnon d’armes Friedrich Engels, il a développé un système philosophique complet, le matérialisme dialectique, et a découvert les lois fondamentales qui gouvernent l’histoire humaine.

    Marx a développé une science de l’économie politique qui a révélé la nature de l’exploitation du prolétariat, l’anarchie inhérente et les contradictions du mode de production capitaliste.

    Karl Marx a développé sa théorie révolutionnaire en étroite relation avec et au service de la lutte de classe du prolétariat international.

    Il a construit la Première Internationale et a écrit, avec Engels, le Manifeste du Parti Communiste qui a retenti par son appel «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!».

    Marx a porté une grande attention et a tiré les leçons de la Commune de Paris de 1871, la première grande tentative du prolétariat pour se saisir du pouvoir d’Etat.

    Il a armé le prolétariat mondial de la compréhension de sa mission historique: prendre le pouvoir politique par la révolution et utiliser ce pouvoir – la dictature du prolétariat – pour transformer les conditions sociales jusqu’à ce que les bases mêmes de la division de la société en classes soient éliminées.

    Marx a mené la lutte contre les opportunistes dans le mouvement prolétarien qui cherchaient à restreindre la lutte des ouvriers à l’amélioration des conditions de l’esclavage salarié sans remettre en cause l’existence même de cet esclavage.

    Pris ensemble, la position, le point de vue et la méthode de Marx ont pris le nom de Marxisme, lequel représente le premier grand jalon du développement de l’idéologie du prolétariat.

    V.I. Lénine

    V.I. Lénine a porté le Marxisme à un tout nouveau stade de développement dans sa conduite du mouvement prolétarien révolutionnaire en Russie et de la lutte au sein du mouvement communiste international contre le révisionnisme.

    Entre autres contributions, Lénine a analysé le développement du capitalisme à son stade suprême et final, l’impérialisme.

    Il a montré que le monde était divisé entre une poignée de puissances impérialistes et la grande majorité, les nations et les peuples opprimés, et a montré que les puissances impérialistes seraient forcées de rentrer en guerre périodiquement pour repartager le monde entre elles.

    Lénine a décrit l’ère dans laquelle nous vivons comme l’époque de l’impérialisme et de la révolution prolétarienne. Lénine a développé le concept de parti politique de type nouveau, le Parti Communiste, comme l’outil indispensable pour mener les masses révolutionnaires à la prise du pouvoir.

    Le plus important est que Lénine a élevé la théorie et la pratique de la révolution prolétarienne à un niveau complètement nouveau pendant qu’il dirigeait le prolétariat, pour la première fois dans l’histoire, vers la prise et la consolidation de son pouvoir politique, sa dictature révolutionnaire, par la victoire de la révolution d’Octobre dans l’ancienne Russie tsariste en 1917.

    Lénine a mené une lutte à mort contre les révisionnistes de son temps au sein de la Deuxième Internationale qui avaient trahi la révolution prolétarienne et avaient appelé les ouvriers à défendre les intérêts de leurs maîtres impérialistes au cours de la Première Guerre mondiale.

    Les «échos des canons de la révolution d’Octobre» et la lutte de Lénine contre le révisionnisme se sont répandus plus largement dans le mouvement communiste dans le monde entier, établissant le lien entre les luttes des peuples opprimés et la révolution prolétarienne mondiale, et la Troisième Internationale (ou Internationale Communiste) a été formée.

    Le développement général et dans tous les domaines du Marxisme par Lénine représente le second grand bond de l’élaboration de l’idéologie prolétarienne.

    Après la mort de Lénine, Joseph Staline a défendu la dictature du prolétariat contre des ennemis intérieurs et contre les agresseurs impérialistes au cours de la Deuxième Guerre mondiale et il a poursuivi la construction et la transformation socialistes en Union Soviétique.

    Staline a lutté pour que le mouvement communiste international reconnaisse le Marxisme-Léninisme comme le second grand jalon du développement de l’idéologie prolétarienne.

    Mao Tsétoung

    Mao Tsétoung a porté le Marxisme-Léninisme à une étape nouvelle et supérieure au cours des décennies pendant lesquelles il a dirigé la Révolution Chinoise, la lutte internationale contre le révisionnisme moderne et, surtout, en découvrant en pratique et en théorie la méthode de la continuation de la révolution sous la dictature du prolétariat afin d’empêcher la restauration du capitalisme et de poursuivre la marche vers le communisme.

    Mao Tsétoung a magistralement développé les trois composantes du Marxisme – la philosophie, l’économie politique et le socialisme scientifique.

    Mao a dit: «Le pouvoir est au bout du fusil».

    Mao Tsétoung a largement développé la science militaire du prolétariat par sa théorie et sa pratique de la Guerre Populaire.

    Mao nous a enseigné que le peuple, et non les armes, est le facteur décisif dans la guerre.

    Il a mis en lumière que chaque classe a ses propres formes de guerre avec des caractères, des buts et des moyens spécifiques.

    Il a fait remarquer que toute la logique militaire peut se résumer au principe «Vous avez votre façon de vous battre, nous avons la nôtre» et que le prolétariat doit se forger une stratégie et une tactique militaires qui sachent tirer parti de ses avantage propres, en libérant et en s’appuyant sur l’initiative et l’enthousiasme des masses révolutionnaires.

    Mao a établi que la politique de conquérir des zones libérées et d’établir systématiquement le pouvoir politique était la clef de la mobilisation des masses et du développement de la force du peuple sur le plan militaire et de la progression par vagues de leur pouvoir politique.

    Il a insisté sur la nécessité de diriger les masses en réalisant des transformations révolutionnaires dans les zones libérées et de développer ces zones sur les plans politique, économique et culturel en les mettant au service du progrès de la guerre révolutionnaire.

    Mao a enseigné que le Parti doit contrôler les fusils et qu’il ne faut jamais permettre aux fusils de contrôler le Parti.

    Le Parti doit être construit comme le moyen permettant de lancer et de diriger la guerre révolutionnaire.

    Il a insisté sur le fait que la tâche centrale de la révolution est la prise du pouvoir par la violence révolutionnaire.

    La théorie de Mao Tsétoung sur la Guerre Populaire est applicable de façon universelle dans tous les pays, bien qu’elle doive être appliquée en fonction des conditions concrètes dans chaque pays et doive, en particulier, prendre en considération les deux grands types de pays – les pays impérialistes et les pays opprimés – qui existent dans le monde d’aujourd’hui.

    Mao a résolu le problème de la manière de faire la révolution dans un pays dominé par l’impérialisme.

    La voie fondamentale qu’il a tracée pour la révolution en Chine représente une contribution inestimable pour la théorie et la pratique de la révolution et représente le guide pour libérer les pays opprimés par l’impérialisme.

    Cela consiste en une Guerre Populaire prolongée, encerclant les villes par la campagne, reposant sur la lutte armée comme forme principale de lutte et sur l’armée dirigée par le Parti comme forme principale d’organisation des masses, en mobilisant la paysannerie, principalement la paysannerie pauvre, en menant la révolution agraire; cela consiste aussi en la construction d’un front uni sous la direction du Parti Communiste pour mener à bien la Révolution de Démocratie Nouvelle contre l’impérialisme, le féodalisme et le capitalisme bureaucratique et en l’établissement de la dictature conjointe des classes révolutionnaires sous la direction du prolétariat comme prélude nécessaire à la révolution socialiste qui doit faire immédiatement suite à la victoire de la première étape de la révolution.

    Mao a avancé la thèse des «trois armes magiques» – le Parti, l’Armée et le Front Uni – instruments indispensables pour faire la révolution dans chaque pays qu’il faut adapter aux conditions et à la voie spécifiques de la révolution.

    Mao Tsétoung a largement développé la philosophie prolétarienne, le matérialisme dialectique. En particulier, il a mis l’accent sur la loi de la contradiction, l’unité et la lutte des contraires, en tant que loi fondamentale régissant la nature et la société.

    Il a souligné que l’unité et l’identité de toute chose sont passagères et relatives, alors que la lutte des contraires est ininterrompue, absolue, et que cela est à l’origine des ruptures radicales et des bonds révolutionnaires.

    Il a magistralement appliqué sa compréhension de cette loi à l’analyse de la relation entre la théorie et la pratique, en insistant sur le fait que la pratique est à la fois la seule source et le critère ultime de la vérité et en mettant l’accent sur le bond entre la théorie et la pratique révolutionnaires.

    De cette façon, Mao a développé plus avant la théorie prolétarienne de la connaissance.

    Il a été en première ligne pour mettre à la disposition des masses les plus larges la philosophie en popularisant, par exemple, l’idée que «un se divise en deux» par opposition à la thèse révisionniste selon laquelle «deux fusionnent en un».

    Mao Tsétoung a développé plus avant la compréhension de l’idée que «le peuple et le peuple seul est la force motrice, le créateur de l’histoire universelle».

    Il a développé la compréhension de la ligne de masse «Recueillir les idées des masses (dispersées, non systématiques), les concentrer (en idées généralisées et systématisées, après étude), puis aller de nouveau dans les masses pour les diffuser et les expliquer, faire en sorte que les masses se les assimilent, y adhèrent fermement et les traduisent en action et vérifier dans l’action même des masses la justesse de ces idées».

    Mao a insisté sur la vérité profonde selon laquelle la matière peut se transformer en conscience et la conscience en matière, développant plus avant le rôle dynamique de la conscience des hommes dans tous les domaines de leur activité.

    Mao Tsétoung a dirigé la lutte internationale contre le révisionnisme moderne à la tête duquel se trouvaient les révisionnistes krouchtchéviens.

    Il a défendu la ligne idéologique et politique communiste contre les révisionnistes modernes et a appelé les révolutionnaires prolétariens authentiques à rompre avec eux et à créer des partis fondés sur les principes Marxistes-Léninistes-Maoïstes.

    Mao Tsétoung a entrepris une analyse pénétrante des leçons de la restauration du capitalisme en URSS et des insuffisances comme des succès de la construction du socialisme dans ce pays.

    Tout en défendant les grandes contributions de Staline, Mao a aussi fait le bilan des erreurs de Staline.

    Il a résumé l’expérience de la révolution socialiste en Chine et des luttes répétées entre les deux lignes contre les quartiers généraux du révisionnisme au sein du Parti Communiste Chinois.

    Il a magistralement appliqué la dialectique matérialiste à l’analyse des contradictions de la société socialiste.

    Mao a enseigné que le Parti doit jouer le rôle d’avant-garde – avant, pendant et après la prise du pouvoir – en dirigeant le prolétariat dans son combat historique pour le communisme.

    Il a fait progresser notre compréhension de la façon de préserver le caractère révolutionnaire du Parti en menant une lutte idéologique active contre les influences bourgeoises et petites-bourgeoises dans ses rangs, la transformation idéologique des membres du Parti, la critique et l’autocritique et l’application de la lutte entre les deux lignes contre les tendances opportunistes et révisionnistes dans le Parti.

    Mao a enseigné qu’une fois que le prolétariat a saisi le pouvoir et que le Parti est devenu la force dirigeante dans l’Etat socialiste, la contradiction entre le Parti et les masses devient une expression concentrée des contradictions qui font de la société socialiste une transition entre capitalisme et communisme.

    Mao a développé la compréhension du prolétariat de l’économie politique, du rôle contradictoire et dynamique de la production elle-même et de son interrelation avec la superstructure politique et idéologique de la société.

    Mao a enseigné que le système de propriété détermine de façon décisive les rapports de production mais que, sous le socialisme, il faut prendre garde à ce que la propriété publique soit socialiste dans son contenu comme dans sa forme.

    Il a insisté sur l’interaction entre le système de propriété socialiste et les deux autres aspects des rapports de production, les liens entre les rapports humains dans le travail et le système de distribution.

    Mao a développé la thèse léniniste selon laquelle la politique est l’expression concentrée de l’économie, en montrant que dans la société socialiste la justesse de la ligne idéologique et politique détermine si le prolétariat détient réellement les moyens de production.

    En outre, il a souligné que la montée du révisionnisme signifie la montée de la bourgeoisie, qu’étant donnée la nature contradictoire de la base économique du socialisme il serait facile aux responsables engagés dans la voie capitaliste de réinstaurer le système capitaliste s’ils revenaient au pouvoir.

    Il a fait une critique approfondie de la théorie révisionniste des forces productives et en a tiré la conclusion que la superstructure, la conscience, peuvent transformer l’infrastructure et, avec l’aide du pouvoir politique, développer les forces productives.

    Tout cela est exprimé dans le mot d’ordre de Mao: «Faire la Révolution, Promouvoir la Production».

    Mao Tsétoung a lancé et dirigé la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne qui a constitué un grand bond en avant dans l’expérience de l’exercice de la dictature du prolétariat.

    Des centaines de millions de gens se sont dressés pour renverser les responsables engagés dans la voie capitaliste qui avaient émergé au sein de la société socialiste et qui s’étaient particulièrement concentrés dans la direction du Parti lui- même (tels Liou Chao-chi, Lin Piao et Deng Xiao-ping).

    Mao a dirigé le prolétariat et les masses dans leur confrontation avec les responsables engagés dans la voie du capitalisme pour imposer les intérêts, le point de vue et la volonté de la grande majorité dans tous les domaines qui, même dans la société socialiste, étaient restés la chasse gardée des classes exploiteuses et de leur mode de pensée.

    Les grandes victoires remportées au cours de la Révolution Culturelle ont empêché la restauration du capitalisme en Chine pendant une décennie et ont conduit à de grandes transformations socialistes dans la base économique comme dans l’éducation, la littérature et l’art, la recherche scientifique et les autres domaines de la superstructure.

    Sous la direction de Mao, les masses ont retourné le vieil humus qui engendre le capitalisme -tels le droit bourgeois et les trois grandes différences entre ville et campagne, entre ouvriers et paysans et entre travail intellectuel et travail manuel.

    Au cours de cette lutte idéologique et politique implacable, des millions d’ouvriers et d’autres masses révolutionnaires ont fortement approfondi leur conscience de classe et leur maîtrise du Marxisme-Léninisme-Maoïsme et ont renforcé leur capacité à forger le pouvoir politique.

    La Révolution Culturelle a été menée comme une partie intégrante de la lutte internationale du prolétariat et a été une école de l’internationalisme prolétarien.

    Mao a saisi la relation dialectique entre le besoin d’une direction révolutionnaire et la nécessité de soulever les masses révolutionnaires et de s’appuyer sur elles pour mettre en oeuvre la dictature du prolétariat.

    En agissant ainsi, le renforcement de la dictature du prolétariat a été aussi l’exercice le plus étendu et le plus approfondi de la démocratie prolétarienne qui ait été réalisé dans le monde et des chefs révolutionnaires héroïques se sont révélés, tels Kiang Tsing et Tchang Tchouen-kiao, qui sont restés aux côtés des masses et les ont dirigées dans la bataille contre les révisionnistes et qui n’ont pas cessé de tenir haut levé le drapeau du Marxisme-Léninisme-Maoïsme face à une défaite amère.

    Lénine a dit: «Celui-là seul est un Marxiste qui étend la reconnaissance de la lutte de classe jusqu’à la reconnaissance de la dictature du prolétariat».

    A la lumière des leçons inestimables et des succès remportés par la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne dirigée par Mao Tsétoung, cette ligne de démarcation a été précisée davantage.

    Aujourd’hui on peut affirmer que seul est Marxiste celui qui étend la reconnaissance de la lutte des classes jusqu’à la reconnaissance de la dictature du prolétariat et jusqu’à la reconnaissance de l’existence objective des classes, de contradictions antagoniques de classe, de la bourgeoisie dans le Parti et de la continuation de la lutte des classes sous la dictature du prolétariat pendant toute la période du socialisme jusqu’au communisme.

    Comme Mao l’a exprimé avec tant de force: «Toute confusion à cet égard ménera au révisionnisme».

    La restauration du capitalisme après le coup d’Etat contre-révolutionnaire de 1976 dirigé par Houa Kuo-feng et Deng Xiao-ping ne remet en aucune façon en cause le Maoïsme ou les réalisations historiques universelles et les leçons magistrales de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne; plutôt, cette défaite confirme les thèses de Mao sur la nature de la société socialiste et la nécessité de poursuivre la révolution sous la dictature du prolétariat.

    A l’évidence, la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne représente une épopée de l’histoire mondiale de la révolution, un sommet victorieux pour les communistes et les révolutionnaires du monde, une réalisation impérissable.

    Bien qu’il nous reste un long chemin à parcourir, cette révolution nous a légué d’importantes leçons que nous appliquons déjà comme, par exemple, l’idée que la transformation idéologique est fondamentale pour que notre classe prenne le pouvoir.

    Le Marxisme-Léninisme-Maoïsme: le troisième grand jalon
    Au cours de la révolution chinoise, Mao avait développé le Marxisme-Léninisme dans de nombreux domaines.

    Mais ce fut l’épreuve de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne qui a fait faire un bond à notre idéologie et que le troisième grand jalon, le Marxisme-Léninisme-Maoïsme, a complètement pris forme.

    En se plaçant au niveau supérieur du Marxisme – Léninisme – Maoïsme les communistes révolutionnaires peuvent assimiler plus profondément les enseignements des grands dirigeants précédents et, véritablement, même les contributions antérieures de Mao Tsétoung prennent un sens plus profond.

    Aujourd’hui, sans le Maoïsme, il ne peut y avoir de Marxisme-Léninisme. A l’évidence, nier le Maoïsme revient à nier le Marxisme-Léninisme lui-même.

    Chaque jalon important dans le développement de l’idéologie révolutionnaire du prolétariat rencontre une résistance acharnée et n’est reconnu qu’à travers une lutte intense et que grâce à son application dans la pratique révolutionnaire.

    Aujourd’hui, le Mouvement Révolutionnaire Internationaliste déclare que le Marxisme-Léninisme-Maoïsme doit être le commandant en chef et le guide de la révolution mondiale.

    Par centaines de millions, les prolétaires et les masses opprimées dans le monde se trouvent propulsés dans la lutte contre le système impérialiste mondial et toute la réaction. Sur le champ de bataille contre l’ennemi, ils cherchent le drapeau qui est le leur.

    Les communistes révolutionnaires doivent forger notre idéologie universelle et la répandre dans les masses de façon à les mobiliser et organiser encore mieux leurs forces afin de prendre le pouvoir par la violence révolutionnaire.

    Pour accomplir cela, des partis Marxistes-Léninistes-Maoïstes, unis dans le Mouvement Révolutionnaire Internationaliste, doivent être créés là où ils n’existent pas et ceux qui existent doivent se renforcer pour préparer, lancer et mener jusqu’à la victoire la Guerre Populaire pour la prise du pouvoir au service du prolétariat et des peuples opprimés.

    Nous devons soutenir, défendre et surtout appliquer le Marxisme – Léninisme – Maoïsme.

    Nous devons accélérer notre lutte pour la formation d’une Internationale Communiste d’un type nouveau, fondée sur le Marxisme-Léninisme-Maoïsme. La révolution prolétarienne mondiale ne peut avancer vers la victoire sans forger une telle arme parce que, comme nous l’a enseigné Mao Tsétoung, ou bien nous marchons tous ensemble au communisme ou personne n’y va.

    Mao Tsétoung a dit: «Le Marxisme comprend des milliers de vérités, mais elles se résument toutes en une phrase: on a raison de se révolter».

    Le Mouvement Révolutionnaire Internationaliste prend la révolte des masses comme point de départ et appelle le prolétariat et les révolutionnaires du monde entier à se saisir du Marxisme-Léninisme-Maoïsme.

    Cette idéologie libératrice et partisane doit être mise entre les mains du prolétariat et de tous les opprimés parce qu’elle seule permettra à la révolte des masses de balayer des milliers d’années d’exploitation de classe et de donner naissance au monde nouveau du communisme.

    Tenons haut levée la grande bannière rouge du Marxisme-Léninisme-Maoïsme!

    26 décembre 1993

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  • Mouvement Révolutionnaire Internationaliste: Déclaration de 1984

    Mouvement Révolutionnaire Internationaliste: Déclaration (1984, réactualisée en 1993 [le document parlait initialement de Marxisme-Léninisme pensée Mao Zedong, pas de Maoïsme])

    «Aujourd’hui le monde se trouve au seuil d’événements d’une très grande importance.

    La crise du système impérialiste amène à un rythme rapide le danger qu’éclate une nouvelle guerre mondiale, la troisième, ainsi que de réelles perspectives pour la révolution dans des pays à travers le monde».

    L’évolution de la situation mondiale ces derniers temps non seulement témoigne de l’exactitude scientifique de ces mots tirés de l’Appel lancé par notre Première Conférence Internationale à l’automne 1980, mais révèle aussi à quel point cette situation s’est entretemps intensifiée et aggravée.

    Le mouvement marxiste-léniniste-maoïste se retrouve donc face à une responsabilité d’une gravité exceptionnelle, qui est de s’unifier davantage et de préparer ses rangs en vue des immenses épreuves et occasions à saisir, et des batailles décisives, qui se profilent à l’horizon.

    La mission historique du prolétariat appelle de façon de plus en plus pressante à ce que l’on se prépare sur tous les fronts à faire face à des bonds et désordres soudains dans la situation objective, particulièrement dans la conjoncture actuelle où l’évolution de la situation au niveau mondial influe plus profondément sur la situation au niveau d’un pays particulier, et où des perspectives de révolution sans précédent sont en cours de préparation.

    Nous devons intensifier notre vigilance révolutionnaire et redoubler d’efforts afin d’être prêts, sur le plan politique et idéologique, en matière d’organisation et sur le plan militaire, à pouvoir profiter de ces occasions de façon à favoriser au maximum les intérêts de notre classe et conquérir le plus possible d’avant-postes pour la révolution prolétarienne mondiale.

    Armés des enseignements scientifiques de Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao Tsétoung, nous avons pleinement conscience des tâches qui nous incombent dans la situation actuelle, et nous sommes fiers de pouvoir les assumer et agir conformément à cette responsabilité à portée historique.

    Le mouvement marxiste-léniniste-maoïste continue à s’affronter à une grave et profonde crise qui s’est précisée et qui a éclaté à la suite du coup d’Etat réactionnaire qui eut lieu en Chine au lendemain de la mort de Mao Tsétoung et de la perfide trahison commise par Enver Hoxha.

    Mais malgré ces revers, l’on trouve, sur tous les continents, d’authentiques marxistes-léninistes-maoïstes qui se sont refusés à abandonner la lutte pour le communisme.

    Le mouvement communiste international est en voie d’évolution grâce à un processus qui consiste à consolider davantage l’unité déjà réalisée et à avancer plus loin encore en accord avec les principes scientifiques du Marxisme-Léninisme-Maoïsme.

    Depuis 1980 nous avons pris des forces, et notre capacité à influencer et à guider l’évolution de certains événements s’est accrue.

    Notre Deuxième Conférence Internationale de Partis et Organisations Marxistes-Léninistes, qui s’est réunie en dépit de conditions difficiles et défavorables, a constitué un bond en avant d’ordre qualitatif du point de vue de l’unité et du degré de maturation de notre mouvement.

    Les tâches qui réclament depuis longtemps notre attention vont pouvoir être accomplies, et nous nous acquitterons de ces tâches en dressant une barricade invincible à l’encontre de l’idéologie révisionniste et de toute l’idéologie bourgeoise; en prenant place au premier rang des vagues d’assaut révolutionnaires qui s’apprêtent à déferler et en leur apportant une direction scientifique; en faisant consciemment application des principes du Marxisme-Léninisme-Maoïsme afin qu’ils puissent guider notre pratique et afin de pouvoir évaluer nos expériences dans le creuset de la lutte des classes révolutionnaire.

    C’est à travers un processus de discussions soutenues et de large envergure, et en débattant les questions de ligne avec intégrité et sur un plan élevé, que les délégués et observateurs participant à la Deuxième Conférence Internationale de Partis et Organisations Marxistes-Léninistes qui a formé le Mouvement Révolutionnaire Internationaliste ont réussi à forger la Déclaration dont le texte paraît dans les pages suivantes.

    La Situation Mondiale

    Aujourd’hui, toutes les contradictions essentielles du système impérialiste mondial s’accentuent à un rythme accéléré: la contradiction entre les différentes puissances impérialistes; la contradiction entre l’impérialisme et les nations et peuples opprimés; et la contradiction entre la bourgeoisie et le prolétariat dans les pays impérialistes.

    Toutes ces contradictions ont pour souche commune le mode de production capitaliste et la contradiction fondamentale du capitalisme.

    La rivalité des deux blocs impérialistes, dirigés respectivement par les Etats-Unis et l’URSS, va très certainement finir par déclencher une guerre mondiale à moins que la révolution ne puisse l’en empêcher, et cette rivalité exerce une très grande influence sur le déroulement des événements à l’échelle mondiale.

    Le monde d’après la Deuxième Guerre mondiale est rapidement en train de se désagréger. Les rapports économiques et politiques au niveau international -le «partage du monde», – qui avaient été établis au cours de la Deuxième Guerre mondiale et dans les suites de cette guerre, ne se prêtent plus à ce que les différentes puissances impérialistes puissent continuer, «de façon pacifique», à assurer l’expansion et l’extension nécessaires de leurs empires à base de profit.

    Et si le monde d’après-guerre a déjà connu des transformations importantes à cause des conflits entre les impérialistes et à cause, surtout, des luttes révolutionnaires de cette période, l’on assiste aujourd’hui à une remise en cause générale de tout le réseau de rapports économiques, politiques et militaires dans son ensemble.

    La stabilité relative des grandes puissances impérialistes et la prospérité relative d’un tout petit nombre de pays (réalisée grâce à leur exploitation de la majorité du peuple et des nations du monde et arrosée de sang et de misère) se désagrège.

    L’on assiste à une recrudescence des luttes révolutionnaires des nations et peuples opprimés, et ces luttes portent de nouveau atteinte à l’ordre impérialiste mondial.

    Dans ces circonstances l’on ressent d’autant plus clairement la vérité et nécessité urgente qu’exprime la formule de Mao Tsétoung: «ou c’est la guerre qui provoque la révolution, ou c’est la révolution qui conjure la guerre».

    La logique même du système impérialiste, et les luttes révolutionnaires, préparent le terrain d’une situation nouvelle.

    La contradiction entre les bandes rivales des impérialistes, la contradiction entre les impérialistes et les nations opprimées, et la contradiction entre la bourgeoisie et le prolétariat dans les pays impérialistes, vont toutes s’exprimer très probablement par la force des armes dans la période à venir et à une échelle sans précédent.

    Pour reprendre ce que disait Staline à propos de la Première Guerre mondiale:

    La guerre impérialiste qui s’est déchaînée il y a dix ans a, entre autres, cette signification qu’elle a rassemblé toutes ces contradictions en un seul noeud et les a jetées dans le plateau de la balance, accélérant et facilitant ainsi les batailles révolutionnaires du prolétariat.

    Aujourd’hui déjà, l’accentuation des contradictions entraîne tous les pays et toutes les régions du monde, ainsi que certains secteurs de masses qui étaient restées jusqu’ici assoupies et à l’écart de la vie politique, dans le tourbillon de l’histoire mondiale; et ce phénomène ne se fera que plus marqué à l’avenir.

    Les communistes révolutionnaires doivent donc se préparer et préparer les ouvriers munis d’une conscience politique de classe ainsi que d’autres secteurs révolutionnaires du peuple et doivent intensifier les luttes révolutionnaires.

    Les communistes sont adversaires résolus de la guerre impérialiste et ils doivent mobiliser et diriger les masses pour lutter contre les préparatifs d’une troisième guerre mondiale qui représenterait le plus grand crime de l’histoire de l’humanité.

    Mais les marxistes-léninistes-maoïstes ne cacheront jamais aux masses la vérité qui est qu’il n’y a que la révolution, que les guerres révolutionnaires que les marxistes-léninistes-maoïstes et forces révolutionnaires dirigent déjà ou qu’ils s’apprêtent à pouvoir diriger, qui puissent empêcher un tel crime.

    Les marxistes-léninistes-maoïstes doivent saisir les occasions de faire avancer la révolution qui sont rapidement en train de prendre forme, et ils doivent amener les masses à intensifier la lutte révolutionnaire sur tous les fronts -lancer la guerre révolutionnaire là où il est possible de le faire et redoubler d’effort pour s’y préparer là où les conditions ne sont pas encore suffisament mûres pour la guerre révolutionnaire.

    De telles initiatives feront avancer la lutte pour le communisme, et il est possible que, si le prolétariat et les peuples opprimés réussissent à sortir victorieux de certaines batailles décisives, les préparatifs de guerre mondiale que font aujourd’hui les impérialistes finissent par voler en éclats, que la classe ouvrière puisse saisir le pouvoir politique dans plusieurs pays et que la situation mondiale devienne globalement plus favorable à l’avancée de la lutte révolutionnaire.

    Par contre, si la lutte révolutionnaire ne réussit pas à empêcher une troisième guerre mondiale, les communistes et le prolétariat et les masses révolutionnaires doivent être prêts à mobiliser la fureur que susciteraient inévitablement une telle guerre et toutes les souffrances l’accompagnant, et à retourner cette fureur contre la source même de cette guerre -l’impérialisme – et doivent profiter de l’état affaibli de l’ennemi, afin d’arriver à transformer la guerre impérialiste réactionnaire en une guerre juste contre l’impérialisme et la réaction.

    L’impérialisme ayant réussi à intégrer le monde tout entier dans un seul et unique système global (et cette intégration continuant à prendre des proportions de plus en plus importantes), la situation mondiale influe de plus en plus sur le déroulement des événements dans chaque pays; les forces révolutionnaires partout dans le monde doivent donc développer leur activité à partir d’une analyse correcte de la situation mondiale dans son ensemble.

    Ceci n’entend pas nier le fait que les forces révolutionnaires ont pour tâche cruciale d’analyser les conditions particulières de chaque pays, de formuler une stratégie et une tactique qui soient en rapport avec ces particularités et de développer une pratique révolutionnaire.

    Mais si les marxistes-léninistes-maoïstes ne saisissent pas bien le rapport dialectique qui existe entre la situation mondiale dans son ensemble et les conditions concrètes particulières de chaque pays, ils ne pourront pas mettre à profit la situation mondiale extrêmement favorable pour faire avancer la révolution dans chaque pays.

    Il faut lutter contre la tendance dans le mouvement international à ne pas envisager la révolution dans un pays particulier en tant que partie intégrante de la lutte globale pour le communisme.

    Lénine dit que: «il n’est qu’un, et un seul, internationalisme véritable: il consiste à travailler avec abnégation au développement du mouvement révolutionnaire et de la lutte révolutionnaire dans son propre pays, à soutenir (par la propagande, la sympathie, une aide matérielle) cette même lutte, cette même ligne, et elle seule, dans tous les pays sans exception».

    Lénine a beaucoup insisté sur le fait qu’un révolutionnaire prolétarien ne doit pas aborder la question de son activité révolutionnaire du point de vue de «mon» pays mais «du point de vue de ma participation à la préparation, à la propagande, aux travaux d’approche de la révolution prolétarienne mondiale».

    Des Deux Composantes de
    la Révolution Prolétarienne Mondiale

    Lénine avait analysé, il y a déjà longtemps, le fait que le monde est divisé entre, d’une part, un tout petit nombre de pays capitalistes avancés et, d’autre part, un très grand nombre de nations opprimées qui regroupent la grande majorité des terres et des peuples du monde et que les impérialistes parasitiques pillent et obligent à rester dépendants et arriérés.

    C’est à partir de cette constatation de faits que se dégage la thèse léniniste, depuis confirmée par l’histoire, selon laquelle la révolution prolétarienne mondiale est essentiellement composée de deux courants: la révolution socialiste-prolétarienne accomplie par le prolétariat et ses alliés dans les métropoles impérialistes, et la révolution de libération nationale (ou révolution pour la démocratie nouvelle), accomplie par les peuples et nations qui sont sous le joug de l’impérialisme.

    La stratégie révolutionnaire à l’époque impérialiste repose fondamentalement (aujourd’hui encore) sur l’alliance de ces deux courants révolutionnaires.

    Depuis la Deuxième Guerre mondiale et jusqu’aujourd’hui, la lutte des nations et peuples opprimés a constitué la principale zone de tempêtes de la révolution mondiale.

    La prospérité, la stabilité et la «démocratie» dans plusieurs pays impérialistes ont été achetées au prix d’une intensification de l’exploitation et de la misère des masses dans les pays opprimés.

    L’entrée sur scène du néocolonialisme, loin d’éliminer la question nationale et coloniale, a en fait poussé encore plus loin la subjugation de nations et de peuples tout entiers en accord avec les exigences du capital international, et a provoqué toute une série de guerres révolutionnaires contre la domination impérialiste.

    Aujourd’hui, l’intensification des contradictions à l’échelle mondiale fait ressortir de nouvelles possibilités pour ces mouvements, mais cela les obligent aussi à affronter de nouveaux obstacles et de nouvelles tâches.

    En dépit du fait que les puissances impérialistes s’efforcent (et même avec quelque succès) de subvertir ou de pervertir les luttes révolutionnaires des masses opprimées qu’elles espèrent surtout transformer en instruments de rivalisation inter-impérialiste, ces luttes continuent néanmoins à assener de gros coups au système impérialiste et font accélérer le développement des perspectives de révolution dans le monde tout entier.

    Dans les pays impérialistes du bloc occidental, la période d’après la Deuxième Guerre mondial a été essentiellement caractérisée par une situation non-révolutionnaire, reflétant la stabilité relative des régimes impérialistes dans ces pays, laquelle est inextricablement liée à l’intense exploitation des peuples opprimés par ces puissances impérialistes.

    Néanmoins les conditions sont aujourd’hui plus propices à la révolution qu’à tout autre moment de mémoire récente. L’histoire démontre que les situations révolutionnaires sont rares dans ce genre de pays, et que leur apparition correspond généralement à une période d’intensification extrême des contradictions mondiales, comme ce qui caractérise la conjoncture mondiale qui prend forme aujourd’hui.

    Les luttes de masse révolutionnaires qui ont éclaté dans la plupart des pays impérialistes occidentaux, particulièrement au cours des années 1960, ont nettement démontré la possibilité de ce qu’il y ait des révolutions prolétariennes dans ces pays, même si, à l’époque, les conditions n’étaient pas encore propices à une prise du pouvoir, et même si ces mouvements ont régressé avec le reflux général du mouvement mondial.

    Aujourd’hui l’intensification croissante de la situation mondiale se reflète de plus en plus à l’intérieur même de ces pays, ce dont témoignent, par exemple, d’importantes révoltes des couches les plus déshéritées du prolétariat dans certains pays impérialistes, ainsi que l’évolution d’un puissant mouvement contre les préparatifs de guerre impérialiste qui recouvre plusieurs pays et qui comprend une fraction révolutionnaire.

    Dans les pays capitalistes et impérialistes du bloc de l’Est, d’importants clivages et fissures sont apparus dans l’édifice relativement stable des régimes de la bourgeoisie capitaliste-étatiste.

    En Pologne, le prolétariat et d’autres secteurs des masses se sont révoltés et ont frappé de grands coups contre l’ordre établi. Dans ces pays aussi, les perspectives de révolution prolétarienne se développent davantage et augmenteront plus encore avec l’évolution et l’intensification des contradictions mondiales.

    Il est important que les éléments révolutionnaires dans les deux types de pays soient éduqués de façon à comprendre la nature de l’alliance stratégique entre le mouvement révolutionnaire prolétarien dans les pays avancés et les révolutions nationales et démocratiques des nations opprimées.

    La position sociale-chauvine qui nié l’importance de la lutte révolutionnaire des peuples opprimés ou leur capacité, sous la direction du prolétariat et d’un authentique parti marxiste-léniniste-maoïste, à aller jusqu’à établir le socialisme, continue à représenter une déviation dangereuse qu’il faut continuer à combattre.

    On relève comme exemples de cette tendance pernicieuse: la position des révisionnistes modernes dirigés par l’URSS qui prétend qu’une lutte de libération nationale ne peut réussir que si elle bénéficie de «l’aide» que lui octroie son «allié naturel», impérialiste; et la position des trotskystes qui nient par principe la possibilité de la transformation de la révolution nationale et démocratique en une révolution socialiste.

    D’autre part on trouve une autre déviation qui a posé des problèmes importants ces derniers temps: celle qui consiste à ne pas reconnaître la possibilité qu’apparaissent des situations révolutionnaires dans les pays avancés ou à estimer que ces situations révolutionnaires ne peuvent apparaître qu’en tant que conséquence directe des avancées des luttes de libération nationale.

    Ces deux genres de déviation minent les forces du prolétariat révolutionnaire parce qu’ils ne tiennent pas compte de la conjoncture mondiale qui est en train de, prendre forme et des occasions que cela va présenter pour faire avancer la révolution dans les différents types de pays et à l’échelle mondiale.

    Quelques Questions Concernant l’Histoire du Mouvement Communiste International

    Dans les quelques plus de cent ans qui se sont écoulés depuis que la première édition du Manifeste Communiste lança l’appel «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!» le prolétariat international a pu accumuler une très vaste expérience.

    Cette expérience est celle du mouvement révolutionnaire dans différents types de pays et elle recouvre de merveilleux moments faits de triomphes décisifs et d’élan révolutionnaire et aussi de noires périodes de reflux et de réaction.

    A travers les flux et les reflux du mouvement, la science du Marxisme-Léninisme-Maoïsme a pu prendre forme et a évolué à travers une lutte incessante contre ceux qui auraient voulu en extirper le coeur révolutionnaire et/ou en faire un dogma stérile et privé de vie.

    Les grands tournants dans l’évolution de l’histoire du monde et de la lutte des classes ont toujours été accompagnés de combats acharnés sur le terrain idéologique entre le marxisme d’une part et le révisionnisme et le dogmatisme d’autre part.

    Il en fut ainsi à l’époque de la lutte de Lénine contre la Deuxième Internationale (qui a correspondu au déclenchement de la Première Guerre mondiale et à l’apparition d’une situation révolutionnaire en Russie et ailleurs) et à l’époque de la lutte de Mao Tsétoung contre les révisionnistes modernes soviétiques – un grandiose combat qui a reflété des événements à portée historique mondiale (la restauration du capitalisme en URSS; l’intensification de la lutte des classes en Chine socialiste; et la manifestation d’une poussée révolutionnaire mondiale dirigée particulièrement contre l’impérialisme des Etats-Unis).

    De même, la crise profonde que traverse aujourd’hui le mouvement communiste international est le reflet du fait que le pouvoir prolétarien a été renversé en Chine et que la Révolution culturelle a été sujette à un assaut général après la mort de Mao Tsétoung et le coup d’Etat de Teng Siao-ping et Houa Kouo-feng; et cette crise reflète aussi l’intensification générale des contradictions mondiales qui fait croître du même coup la menace de guerre mondiale et les perspectives de révolution.

    Aujourd’hui, tout comme à l’époque des grandes luttes antérieures, les forces qui se battent pour une ligne révolutionnaire ne constituent qu’une petite minorité encerclée et assaillie par les révisionnistes et par toutes sortes d’apologistes de la bourgeoisie.

    Néanmoins ces forces représentent l’avenir, et pour que le mouvement communiste international puisse continuer à avancer il faudra que ces forces se montrent capables d’élaborer une ligne politique qui définisse un chemin à suivre pour le prolétariat révolutionnaire dans la situation complexe d’aujourd’hui.

    En effet, si la ligne est correcte, même si l’on n’a pas de soldats, on aura des soldats, même si l’on n’a pas le pouvoir, on aura le pouvoir.

    La vérité de cette formule a été confirmée par l’expérience historique du mouvement communiste international depuis l’époque de Marx.

    Une analyse correcte de l’expérience historique de notre mouvement est un élément extrêmement important pour l’élaboration d’une telle ligne générale pour le mouvement communiste international.

    Ce serait tout ce qu’il y a de plus irresponsable et contraire aux principes de la théorie de la connaissance marxiste que de ne pas attacher une importance suffisante à l’expérience acquise et aux leçons apprises au cours des luttes de masse révolutionnaires de millions d’êtres humains, qui ont été achetées au prix d’innombrables martyrs.

    Aujourd’hui le Mouvement Révolutionnaire Internationaliste, ainsi que d’autres forces maoïstes, sont les héritiers de Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao, et ils doivent se fonder bien fermement sur cet héritage.

    Mais tout en prenant cet héritage comme fondement de leur pensée, ils doivent aussi oser en critiquer les insuffisances. Certaines expériences méritent d’être louées et d’autres sont affligeantes.

    Les communistes et les révolutionnaires de tous les pays doivent bien méditer et étudier ces expériences, ces succès et ces échecs, afin d’en tirer de justes conclusions et d’utiles enseignements.

    Faire le bilan de notre héritage est une responsabilité collective que doit assumer le mouvement communiste international dans son ensemble.

    Il faut qu’un tel bilan soit établi de manière rigoureusement scientifique; qu’il se fonde sur les principes du Marxisme-Léninisme-Maoïsme; qu’il tienne pleinement compte des conditions historiques concrètes des époques en question et des limites que ces conditions ont imposé à l’avant-garde prolétarienne; et, surtout, qu’il soit établi dans l’esprit d’utiliser le passé pour servir le présent, afin d’éviter de tomber dans l’erreur métaphysique qui consiste à prendre la mesure du passé avec les instruments du présent, sans tenir compte des circonstances historiques.

    L’établissement d’un bilan aussi complet prendra évidemment pas mal de temps, mais la pression des événements à l’échelle mondiale et l’apparition de certaines ouvertures pour des avancées révolutionnaires exigent que l’on dégage dès maintenant certaines leçons essentielles qui permettront aux forces d’ avant-garde du prolétariat de mieux s’acquitter de leurs responsabilités.

    L’évaluation de l’expérience historique a elle-même toujours constitué un terrain très contesté dans la lutte des classes.

    A partir de la défaite de la Commune de Paris, les opportunistes et les révisionnistes n’ont pas manqué de se jeter sur les échecs et insuffisances du prolétariat pour intervertir le bien et le mal, confrondre les questions secondaires avec les questions principales, et de finir par conclure que le prolétariat «n’aurait pas dû prendre les armes».

    L’apparition de conditions nouvelles a souvent servi de prétexte pour renier les principes fondamentaux du marxisme tout en prétendant y apporter des « innovations ».

    D’un autre côté, on aurait tout aussi tort, et il serait tout aussi nuisible, d’abandonner l’esprit critique du marxisme, de ne pas chercher à faire le bilan des insuffisances du prolétariat en même temps que celui de ses succès, et de penser qu’il suffit amplement de défendre ou de revendiquer des positions que l’on estimait être justes autrefois.

    Une telle méthode rendrait le Marxisme-Léninisme-Maoïsme sec et cassant, peu apte à résister aux assauts de l’ennemi, et incapable de guider de nouvelles avancées dans la lutte des classes – en fait, une telle méthode étoufferait l’essence révolutionnaire du Marxisme-Léninisme-Maoïsme.

    En fait l’histoire montre que les réelles innovations du marxisme (tout au contraire des distorsions révisionnistes) ont toujours été inextricablement liées à des combats acharnés pour défendre et soutenir les principes fondamentaux du Marxisme-Léninisme-Maoïsme.

    Relevons deux exemples qui témoignent de cette vérité historique: le double combat mené par Lénine, contre ceux qui étaient ouvertement révisionnistes, et contre ceux qui, comme Kautsky, s’opposaient à la révolution tout en prétendant se fonder sur une «orthodoxie marxiste»; et le grand combat livré par Mao Tsétoung contre les révisionnistes modernes et leur reniement de l’expérience de l’édification du socialisme en URSS du temps de Lénine et de Staline, combat qu’il a mené en même temps qu’il s’efforçait de faire une critique complète et scientifique des origines du révisionnisme.

    Aujourd’hui il nous faut aborder les questions et problèmes épineux que soulève l’histoire du mouvement communiste international avec une semblable méthode.

    Ceux qui, face aux revers subis depuis la mort de Mao Tsétoung, proclament l’échec total du marxisme-léninisme, ou qui prétendent que le Marxisme-Léninisme-Maoïsme est dépassé et que toute l’expérience acquise par le prolétariat doit faire l’objet d’une remise en cause, représentent un danger grave.

    Cette tendance cherche à renier l’expérience de la dictature du prolétariat en URSS, et à exclure Staline des rangs des dirigeants du prolétariat, et elle s’attaque en fait à la thèse fondamentale du léninisme sur la nature de la révolution prolétarienne, sur la nécessité d’un parti d’avant-garde et sur la dictature du prolétariat.

    Comme l’a si bien dit Mao: «A mon avis, il y a deux ‘épées’: l’une est Lénine et l’autre, Staline.» A partir du moment où on laisse tomber l’épée de Staline, «une fois cette porte grande ouverte, le léninisme est pratiquement rejeté».

    L’expérience du mouvement communiste international jusqu’à présent montre que cette observation faite par Mao Tsétoung en 1956 est toujours aussi valable.

    De même, aujourd’hui, les apports de Mao Tsétoung à la science de la révolution sont aussi assaillis ou rendus méconnaissables. Tout cela n’est en fait qu’une version «nouvelle», d’un révisionnisme et d’une sociale-démocratie qui sont tout ce qu’il y a de plus décrépits et stériles.

    Ce révisionnisme plus ou moins «ouvert», qu’il provienne des partis traditionnellement pro-Moscou, ou du courant «eurocommuniste», des usurpateurs révisionnistes en Chine, ou des trotskystes et critiques petits-bourgeois du léninisme, continue à constituer le plus grave danger pour le mouvement communiste international.

    En même temps, la forme dogmatique du révisionnisme continue à se poser en ennemi implacable du marxisme révolutionnaire. Ce courant, dont l’expression la plus flagrante est la ligne politique de Enver Hoxha et du Parti du Travail d’Albanie, s’attaque à le maoïsme, à la voie de la Révolution chinoise et, surtout, à l’expérience de la Grande Révolution culturelle prolétarienne.

    Prétendant faussement défendre Staline (alors qu’en fait bon nombre de leurs thèses relèvent du trotskysme), ces révisionnistes profanent l’authentique héritage révolutionnaire de Staline.

    Ces imposteurs utilisent des insuffisances et erreurs du mouvement communiste international, plutôt que ses succès, pour tenter d’étayer leur ligne trotskyste et révisionniste, et ils réclament que le mouvement communiste international en fasse autant, sous prétexte qu’il faudrait chercher à retrouver une espèce de «pureté doctrinale» mystique.

    Les nombreux éléments que la ligne hoxhaïste partage avec la forme classique du révisionnisme (y compris le fait que les révisionnistes soviétiques, tout comme les réactionnaires en général, savent promouvoir et/ou profiter de l’anti-léninisme ouvert des eurocommunistes tout autant que de l’anti-léninisme voilé de Hoxha) témoignent du fait que ces lignes sont toutes deux ancrées dans l’idéologie bourgeoise.

    Aujourd’hui la défense des apports d’ordre qualitatif de Mao Tsétoung à la science du marxisme-léninisme constitue une question particulièrement importante et pressante pour le mouvement international et pour les ouvriers munis d’une conscience politique de classe et pour toute autre personne à l’esprit révolutionnaire partout à travers le monde.

    Le principe en question n’est rien de moins que de savoir s’il faut ou non défendre les apports décisifs de Mao Tsétoung à la révolution prolétarienne et à la science du Marxisme-Léninisme, et avancer sur cette base.

    Il ne s’agit donc de rien moins que de savoir s’il faut ou non défendre le Marxisme-Léninisme proprement dit. Staline a dit que «Le léninisme est le marxisme de l’époque de l’impérialisme et de la révolution prolétarienne».

    C’est tout à fait vrai. Depuis la mort de Lénine le monde a certes subi de grandes transformations. Mais l’époque est restée la même. Les principes fondamentaux du léninisme ne sont pas dépassés et constituent aujourd’hui encore le fondement théorique qui guide notre pensée.

    Nous affirmons que le maoïsme constitue une nouvelle étape dans le développement du marxisme-léninisme. Sans défendre le Marxisme-Léninisme-Maoïsme et sans construire sur cette base, il n’est pas possible de vaincre le révisionnisme, l’impérialisme et la réaction en général.

    L’URSS et le Komintern

    La Révolution d’Octobre en Russie et l’établissement de la dictature du prolétariat dans ce pays ouvrent une nouvelle étape dans l’histoire du mouvement international de la classe ouvrière.

    La Révolution d’Octobre fut la preuve vivante de la justesse des apports essentiels de Lénine à la théorie marxiste de la révolution prolétarienne et de la dictature du prolétariat.

    Pour la première fois dans l’histoire du monde la classe ouvrière réussit à faire éclater l’ancien appareil d’Etat; à instaurer son propre gouvernement; à repousser les initiatives des exploiteurs qui, dès le début, ont cherché à étouffer le régime socialiste; à créer les conditions politiques nécessaires pour l’établissement d’un nouvel ordre économique socialiste.

    Et l’expérience a démontré l’importance cruciale du rôle qu’assume un parti politique d’avant-garde de type nouveau, le parti léniniste, tout au long de ce processus.

    La Révolution russe eut d’immenses répercussions sur le plan international surtout du fait qu’elle avait éclaté en plein dans une conjoncture mondiale marquée par la Première Guerre mondiale et par la poussée révolutionnaire qui a accompagné cette guerre.

    Dès le début les dirigeants révolutionnaires et les ouvriers munis d’une conscience politique de classe dans le nouveau pays socialiste ont considéré que le triomphe de la révolution dans ce pays ne devait pas constituer une fin en soi mais plutôt une première grande percée dans la lutte mondiale qui a pour objectif de vaincre l’impérialisme, de déraciner l’exploitation et d’instaurer le communisme partout à travers le monde.

    A la suite de la Révolution russe une nouvelle Internationale, une Internationale communiste, se constitua et se fixa comme objectif de faire assimilation des leçons vitales de la Révolution bolchevique et de faire rupture avec le réformisme et la social-démocratie qui avaient tant empoisonné, et fini par caractériser, l’écrasante majorité des partis socialistes de la Deuxième Internationale.

    En rapport avec les transformations dans les conditions objectives effectuées par la Première Guerre mondiale, la Révolution russe et le Komintern ont transformé la lutte pour le socialisme et le communisme d’un phénomène jusque-là essentiellement européen en un phénomène à dimensions réellement globales pour la première fois dans l’histoire du, monde.

    Lénine et Staline ont élaboré la ligne prolétarienne sur les questions nationales et coloniales, soulignant l’importance des révolutions dans les pays opprimés pour le processus de la révolution mondiale prolétarienne dans son ensemble, et contestant les thèses de ceux qui, comme Trotsky, estimaient que le succès de la révolution dans ces pays dépendait de la victoire du prolétariat dans les pays impérialistes et qui refusaient de reconnaître la possibilité que le prolétariat puisse effectuer une révolution socialiste du fait d’avoir réussi à diriger la première étape de la révolution (celle de la démocratie bourgeoise) dans ce genre de pays.

    La période qui suivit la Révolution russe fut une période marquée par une effervescence révolutionnaire partout à travers le monde et où l’on vit la classe ouvrière tenter une prise du pouvoir dans plusieurs pays.

    En dépit de l’aide fournie sans hésitation par le nouvel Etat soviétique, et en dépit du fait que Lénine se consacra aux problèmes du mouvement révolutionnaire mondial, le fait qu’il y eut, outre des insuffisances dans le mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière, une résolution provisoire de la crise qu’avait concentrée la Première Guerre mondiale, et le fait que les puissances impérialistes n’étaient pas encore à bout de forces, mena à ce que la révolution ne puisse triompher en dehors des frontières de l’URSS.

    Lénine et son successeur Staline se sont trouvés face à la nécessité de sauvegarder les acquis de la révolution en URSS et de mener à bien l’établissement d’un système économique socialiste dans l’Union soviétique seule.

    Après la mort de Lénine, Staline mena une lutte politique et idéologique importante contre les trotskystes et d’autres éléments qui prétendaient qu’il était impossible de construire le socialisme en URSS vu le niveau de développement peu élevé des forces productives, l’existence d’une immense paysannerie, et l’isolation de l’URSS sur le plan international. Cette façon érronée de voir les choses qui menait à la capitulation a été réfutée à la fois sur le plan de la théorie et, plus encore, sur le plan de la pratique, lorsque des dizaines de millions d’ouvriers et de paysans se sont engagés dans la lutte pour complètement démantibuler l’ancien système capitaliste, collectiviser l’agriculture, et créer un nouveau système économique qui ne soit pas fondé sur l’exploitation de l’homme par l’homme.

    Ces émouvantes campagnes et les victoires importantes qu’elles remportèrent firent beaucoup pour répandre plus largement encore l’influence du Marxisme-Léninisme à travers le monde, et le prestige de l’URSS en fut accru.

    Les ouvriers munis d’une conscience politique de classe et les peuples opprimés considéraient, très justement, que l’URSS socialiste leur appartenait et ils se sont félicités des succès de la classe ouvrière en URSS et se sont empressés de défendre l’URSS contre les menaces et attaques des impérialistes.

    Néanmoins, avec le recul du temps, on se rend compte que le processus de la révolution socialiste en URSS a comporté des points faibles et des insuffisances importantes, même à l’époque des grandes transformations socialistes des années 1920 et 1930.

    Certains de ces problèmes s’expliquent du fait du manque d’expérience historique préalable de la dictature du prolétariat (mis à part la Commune de Paris, qui n’a duré que très peu de temps) et du fait que les impérialistes se sont montrés très agressifs à l’égard de l’URSS et lui ont imposé un rigoureux blocus.

    Mais ces problèmes ont été aggravés et de nouveaux problèmes sont apparus à cause de certaines erreurs théoriques et politiques importantes.

    Mao Tsétoung, tout en défendant Staline contre les calomnies de Khrouchtchev, a fait une critique sérieuse et juste de ses erreurs.

    Mao expliquait le fondement idéologique des erreurs de Staline ainsi: «Il y a pas mai de métaphysique chez Staline et il a appris à beaucoup de gens à la pratiquer», «Staline ne voyait pas la liaison entre la lutte des contraires et leur unité.

    Certains Soviétiques ont une méthode de pensée métaphysique, leur pensée est tellement sclérosée qu’ils ne reconnaissent pas l’unité des contraires; pour eux, ou c’est comme ceci ou c’est comme cela.

    Par conséquent, ils ne manquent pas de commettre des erreurs d’ordre politique».

    L’erreur la plus fondamentale qu’ait commise Staline est de ne pas avoir su faire une stricte application de la dialectique dans tous les domaines; ceci l’à mené à tirer des conclusions tout à fait erronées à propos de la nature de la lutte de classes sous le socialisme et des moyens d’empêcher une restauration capitaliste.

    Tout en menant une lutte implacable contre les anciennes classes exploiteuses, Staline n’a pas reconnu sur le plan théorique qu’une nouvelle bourgeoisie était apparue à l’intérieur même de la société socialiste et que les révisionnistes au sein du parti communiste au pouvoir étaient à la fois le reflet et l’expression la plus concentrée de cette nouvelle bourgeoisie, d’où l’erreur de Staline lorsqu’il proclama que «les contradictions de classe antagoniques» n’existaient plus en URSS puisqu’un système de propriété socialiste avait été essentiellement instauré dans le domaine de l’industrie et de l’agriculture.

    De même, le fait de ne pas avoir rigoureusement appliqué la dialectique dans l’analyse de la société socialiste a conduit les dirigeants soviétiques à conclure que la contradiction entre les forces productives et les rapports de production avait aussi disparu avec l’avènement du socialisme, et à ne pas attacher une importance suffisante à la nécessité de poursuivre la révolution dans la superstructure et de continuer à révolutionnariser les rapports de production bien après qu’un système de propriété socialiste ait été essentiellement instauré.

    Cette interprétation erronée de la nature de la société socialiste a aussi contribué à ce que Staline ne puisse distinguer correctement les contradictions entre le peuple et l’ennemi et les contradictions au sein du peuple.

    Cela devait à son tour contribuer à une tendance marquée à avoir recours à des méthodes bureaucratiques pour régler ces contradictions, et cela a fourni des ouvertures à l’ennemi.

    Dans la période qui a suivi la mort de Lénine, Staline a dirigé l’Internationale communiste et celle-ci a continué à jouer un rôle important, aidant à faire avancer la révolution mondiale et à développer et à consolider des partis communistes récemment constitués.

    L’année 1935 voit la convocation d’un très important Congrès de l’Internationale Communiste, à un moment où: une crise économique mondiale battait son plein; une nouvelle guerre mondiale menaçait de plus en plus d’éclater et les impérialistes menaçaient de plus en plus d’attaquer l’URSS; le fascisme accédait au pouvoir en Allemagne et le Parti Communiste Allemand était écrasé; et le fascisme s’instaurait ou menaçait de s’instaurer dans plusieurs autres pays.

    Il était juste et nécessaire que l’Internationale Communiste s’efforce d’élaborer une ligne tactique qui recouvre toutes ces questions.

    Ce Septième Congrès du Komintern ayant exercé une influence énorme sur l’histoire du mouvement international, il est nécessaire de procéder à une évaluation sérieuse et scientifique du Rapport de ce Congrès, à la lumière des conditions historiques de l’époque.

    Il faut tout particulièrement faire une analyse de fond des facteurs qui ont provoqué la défaite du Parti communiste allemand.

    Mais nous pouvons dès maintenant dégager quelques conclusions par rapport à ces questions, et il faut faire cela vu les tâches que les marxistes-léninistes ont à entreprendre aujourd’hui; nous pouvons relever trois déviations qui sont très nettement apparentes.

    Premièrement, la façon dont on a traité la différence entre le fascisme et la démocratie bourgeoise dans les pays impérialistes: bien que cette différence ait certainement eu une signification réele et importante pour les partis communistes de l’époque, la façon dont a été traitée cette question revenait néanmoins à faire un absolu de la différence qui existe entre ces deux formes de dictature bourgeoise et à considérer que la lutte contre le fascisme représentait une étape stratégique de la révolution.

    Deuxièmement, le Congrès avança une thèse selon laquelle l’appauvrissement de plus en plus marqué du prolétariat dans les pays avancés allait constituer une base matérielle permettant de clore la scission dans la classe ouvrière et mettre fin à la résultante polarisation de cette classe que Lénine a si bien analysée dans ses écrits sur l’impérialisme et sur la faillite de la Deuxième Internationale.

    Bien qu’il soit tout à fait vrai que la sévérité de la crise eut pour effet de miner la base sociale de l’aristocratie ouvrière dans les pays capitalistes avancés et que cela donnait aux partis communistes l’occasion qu’il leur fallait prendre de chercher à s’unir à de larges secteurs des ouvriers qui avaient été jusque-là dans l’orbite de la social-démocratie, il était toutefois érroné de croire qu’on pourrait clore la scission dans la classe ouvrière dans un quelconque sens stratégique.

    Troisièmement, le fascisme a été défini en tant que régime politique de la fraction la plus réactionnaire de la bourgeoisie monopoliste des pays impérialistes; cela a ouvert la porte à de dangereuses tendances réformistes et pacifistes qui vont jusqu’à considérer qu’une fraction de la bourgeoisie monopoliste est de nature progressiste.

    Bien qu’il soit nécessaire de faire un bilan de ces erreurs et d’en tirer les leçons pertinents, il faut tout en même temps reconnaître que, même à cette époque, l’Internationale Communiste fait partie de l’héritage de la lutte révolutionnaire pour le communisme, et il faut riposter aux attaques des liquidateurs et des trotskystes qui profitent d’erreurs véritables pour établir des conclusions réactionnaires.

    Même pendant cette époque, l’Internationale communiste a su mobiliser des millions d’ouvriers pour lutter contre les ennemis de classe et elle a mené des combats héroïques contre la réaction, organisant, par exemple, les Brigades Internationales qui se sont battues contre le fascisme en Espagne; le sang qu’y ont versé un grand nombre des plus dignes fils et filles de la classe ouvrière est une preuve émouvante d’internationalisme.

    L’Internationale Communiste a aussi, très justement, attaché beaucoup d’importance à la défense de l’Union soviétique, terre du socialisme.

    Mais lorsque l’URSS dut en arriver à certains compromis avec divers pays impérialistes, la plupart du temps les dirigeants du Komintern n’ont pas su comprendre un aspect essentiel de cette question, que Mao devait formuler ainsi en 1946 (à l’époque où l’URSS faisait des compromis avec les Etats-Unis, la Grande Bretagne et la France): «De tels compromis n’exigent pas des peuples des différents pays du monde capitaliste qu’ils fassent en conséquence des compromis dans leur propre pays».

    Rajoutons à cela que ces compromis doivent aussi avant tout tenir compte de l’évolution générale du mouvement révolutionnaire mondial, dans laquelle la défense des pays socialistes occupe bien évidemment une place importante.

    Dans les circonstances où un ou plusieurs pays socialistes sont encerclés par les impérialistes, la défense de ces conquêtes révolutionnaires constitue une tâche très importante pour le prolétariat international.

    Les pays socialistes sont aussi obligés de lutter sur le terrain de la diplomatie et doivent parfois établir divers types d’accords avec différents pays impérialistes.

    Mais la défense des pays socialistes doit toujours être subordonnée à l’avancée générale de la révolution mondiale, et l’on ne doit jamais considérer que la défense des pays socialistes est l’équivalent de la lutte internationale du prolétariat, ou encore moins, qu’elle puisse s’y substituer.

    Dans certaines circonstances la défense d’un pays socialiste peut se poser en tant que question principale pour le mouvement international, mais c’est justement parce que cette défense est alors d’une importance décisive pour l’avancée de la révolution mondiale.

    Il est nécessaire de faire le bilan de l’expérience du mouvement communiste international à l’époque de la Deuxième Guerre mondiale à la lumière de ce qui précède.

    L’on ne peut pas considérer que la Deuxième Guerre mondiale ait été une simple répétition de la Première Guerre mondiale car, même si, dans les deux cas, la responsabilité de la guerre retombe sur la même logique meurtrière du système capitaliste, la Deuxième Guerre mondiale a rassemblé un mélange complexe de contradictions.

    Au tout début de la guerre, en 1939, il s’agissait, comme le dit alors Mao, d’une guerre «injuste, spoliatrice, impérialiste». Mais une transformation importante, à répercussions globales, eut lieu lorsque l’Allemagne hitlérienne lança ses troupes d’assaut contre l’URSS.

    La classe ouvrière et les peuples opprimés à travers le monde ont tiré beaucoup d’inspiration de la résistance héroïque de l’Armée Rouge et du peuple et de la classe ouvrière soviétiques et l’engagement de l’URSS dans cette guerre juste suscita sympathie et appui.

    Et là il ne s’agissait pas seulement d’une sympathie qu’on témoigne à la victime d’une agression, mais de l’expression d’une profonde conviction du fait que défendre l’URSS, c’était aussi défendre la base d’appui socialiste pour la révolution mondiale.

    La guerre du peuple chinois (sous la direction du Parti Communiste Chinois) contre les agressions du japon fut aussi indiscutablement une guerre juste et un élément à part entière de la révolution prolétarienne mondiale.

    Surtout après l’entrée en guerre de l’Union soviétique, le caractère de la Deuxième Guerre mondiale se complique. Cette guerre compte maintenant quatre composantes la guerre entre le socialisme et l’impérialisme; la guerre entre les blocs impérialistes; les guerres des peuples opprimés contre l’impérialisme; et la contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie, qui atteint dans certains pays le stade de la lutte armée.

    Ces différents aspects de la guerre ont conduit, d’une part, à une augmentation des forces socialistes, à la défaite des puissances impérialistes fascistes, à l’affaiblissement de l’impérialisme et à une accélération des luttes de libération nationale.

    D’autre part, cela a aussi mené à ce que la division du monde entre les impérialistes soit complètement refaite, et à ce que les Etats-Unis se placent à la tête des brigands impérialistes.

    Le déroulement de la Deuxième Guerre mondiale a été ponctué de grands succès révolutionnaires; mais il est impossible de ne pas reconnaître aussi que de graves erreurs furent commises, et il faut entamer le processus collectif d’une analyse de fond de ces erreurs afin d’être plus aptes à affronter les tempêtes qui se préparent.

    En particulier, nous devons prendre note de l’erreur qui consistait à combiner de façon éclectique les contradictions énumérées ci-dessus.

    Au niveau de la politique concrète, les activités des partis communistes du Komintern se sont confondues de plus en plus avec la lutte de l’URSS sur le plan diplomatique et avec les accords internationaux auxquels l’URSS participait.

    Ce problème contribua aussi au renforcement de la tendance qu’il y avait à donner l’impression que les puissances non-fascistes n’étaient pas ce qu’elles étaient en fait, c’est-à-dire des puissances impérialistes qu’il allait falloir renverser.

    Dans les pays européens qui étaient occupés par les troupes fascistes allemandes, les partis communistes n’avaient pas tort de profiter, au sens tactique, des sentiments nationaux suscités par cette occupation du point de vue de la mobilisation des masses; mais des erreurs ont été commises àcause de la transformation de telles mesures tactiques en questions d’ordre stratégique.

    Les luttes de libération dans les colonies dominées par les Alliés impérialistes ont aussi été entravées à cause de tels points de vue érronés.

    Sans perdre de vue à quel point nous sont précieuses les conquêtes et les luttes révolutionnaires monumentales de cette période cruciale et des premières années de l’après-guerre, et sans cesser de défendre ces acquis, les marxistes-léninistes-maoïstes doivent aujourd’hui chercher à approfondir leur compréhension des erreurs commises et de leur fondement.

    Le camp socialiste issu de la Deuxième Guerre mondiale n’a jamais été bien solide. Il y eut peu de transformations révolutionnaires dans la plupart des Démocraties populaires des pays de l’Europe de l’Est.

    Et en URSS même, de puissants éléments révisionnistes qui avaient pu prendre un certain essor dans les années de l’avant-guerre et pendant et juste après la Deuxième Guerre mondiale, se sont renforcés davantage et ont exercé une influence encore plus importante.

    En 1956, après la mort de Staline, ces forces révisionnistes dirigées par Khrouchtchev ont réussi à s’emparer du pouvoir politique, à s’attaquer au Marxisme-Léninisme dans tous les domaines et à restaurer le capitalisme en URSS.

    Il est maintenant évident que le coup d’Etat de Khrouchtchev et des révisionnistes en URSS a aussi constitué le coup de grâce pour le mouvement communiste tel qu’il avait jusque lors existé.

    Le cancer du révisionnisme s’était largement propagé et avait déjà fauché un grand nombre de partis (y compris certains des plus influents) qui avaient constitué le Komintern. Bien d’autres partis ne s’accrochaient plus qu’à quelques faibles prétentions révolutionnaires, et dégénéraient à toute vitesse vers les positions du révisionnisme moderne tandis que leurs éléments révolutionnaires périssaient étouffés.

    En URSS même, après la mort de Staline, le prolétariat et les authentiques marxistes-léninistes, épuisés par la guerre et désarmés du fait d’erreurs politiques et idéologiques importantes, n’ont pas été capables de monter une riposte vigoureuse contre les traîtres révisionnistes.

    Mao Tsétoung, la Révolution Culturelle, et le Mouvement Marxiste-Léniniste-Maoïste

    Immédiatement après le coup d’Etat monté par Khrouchtchev, Mao Tsétoung et les marxistes-léninistes du Parti Communiste Chinois se sont mis à analyser ce qui s’était passé en URSS et dans le mouvement communiste international et à lutter contre le révisionnisme moderne.

    L’année 1963 voit l’édition des Propositions concernant la ligne générale du mouvement communiste international (la Lettre en 25 points), qui condamne publiquement et intégralement le révisionnisme, et qui lance un appel aux authentiques marxistes-léninistes de tous les pays.

    Le mouvement marxiste-léniniste-maoïste contemporain doit ses origines à cet appel historique et aux polémiques qui l’ont accompagné.

    Dans la Lettre en 25 points et dans les polémiques l’accompagnant, Mao et le Parti Communiste Chinois ont très justement:

    – défendu la position léniniste sur la dictature du prolétariat, et réfuté la théorie révisionniste du soi-disant «Etat du peuple tout entier»;

    – défendu la nécessité de la révolution armée et rejeté la stratégie du soi-disant «passage pacifique au socialisme»;

    – appuyé et encouragé l’évolution des guerres de libération nationale des peuples opprimés; montré qu’il ne peut y avoir de véritable indépendance sous le «néo-colonialisme», et rejeté la position révisionniste qui prétend qu’il faut éviter qu’il y ait des guerres de libération nationale sous prétexte qu’elles risquent de rompre «la paix mondiale»;

    – tracé un bilan d’ensemble positif sur la question de Staline et de l’expérience de la construction du socialisme en URSS et rejeté les calomnies traitant Staline de «boucher» et de «tyran», tout en faisant quelques critiques importantes concernant des erreurs commises part Staline;

    – opposé les efforts faits par Khrouchtchev pour chercher à imposer une ligne révisionniste à d’autres partis, tout en critiquant Thorez, Togliatti, Tito et d’autres révisionnistes modernes;

    – présenté une première esquisse embryonnaire de la thèse à laquelle travaillait Mao Tsétoung sur la nature de classe de la société socialiste et sur la continuation de la révolution sous la dictature du prolétariat;

    – appelé à ce que l’on fasse une analyse de fond de l’expérience historique du mouvement communiste international et des origines du révisionnisme.

    Ces propositions, ainsi que d’autres aspects de la Lettre en 25 points et des polémiques, furent, et sont encore, d’une importance capitale pour pouvoir distinguer le marxisme-léninisme du révisionnisme.

    A travers ces polémiques Mao et le Parti Communiste Chinois ont encouragé les marxistes-léninistes à faire scission vis-à-vis des révisionnistes et à reconstituer de nouveaux partis prolétariens révolutionnaires.

    Ces polémiques représentaient une rupture fondamentale par rapport au révisionnisme moderne et elles ont constitué une base suffisante pour que les marxistes-léninistes puissent s’engager dans la lutte.

    Et pourtant, cette critique du révisionnisme n’est pas allée assez loin par rapport à plusieurs questions, et certains points de vue erronés ont été assimilés en même temps qu’on en critiquait d’autres.

    Et c’est précisément parce que Mao et le Parti Communiste Chinois et ces polémiques ont joué un rôle si important dans la mise au monde d’un nouveau mouvement marxiste-léniniste-maoïste qu’il est juste et indispensable de relever les aspects secondaires d’ordre négatif de ces polémiques et de la lutte du Parti Communiste Chinois dans le mouvement communiste international.

    En ce qui concerne les pays impérialistes, la Lettre en 25 points avance la thèse suivante:

    «Dans les pays capitalistes que les impérialistes américains contrôlent ou essaient de contrôler, la classe ouvrière et les masses populaires doivent diriger principalement leurs attaques contre l’impérialisme américain, et aussi contre le capital monopoliste et les autres forces de la réaction intérieure qui trahissent les intérêts de la nation».

    Cette façon de voir les choses, qui a beaucoup nui au développement du mouvement marxiste léniniste dans ce genre de pays, obscure le fait que les «intérêts de la nation» dans un pays impérialiste sont des intérêts impérialistes, et que ces intérêts ne sont pas trahis, mais tout au contraire défendus, par la classe capitaliste monopoliste au pouvoir; et il en est ainsi quelles que soient les alliances qu’elle puisse forger avec d’autres puissances impérialistes et en dépit du fait que ces alliances comportent inévitablement des inégalités.

    L’on a cependant encouragé le prolétariat de ces pays à s’efforcer de rivaliser avec la bourgeoisie impérialiste pour voir qui pourrait le mieux défendre les intérêts de cette dernière.

    Cette façon de voir les choses a toute une histoire dans le mouvement communiste international, et il est grand temps de s’en débarrasser.

    Bien que le Parti Communiste Chinois se soit sérieusement préoccupé de développer des partis marxistes-léninistes-maoïstes opposés aux révisionnistes, ils n’ont pas réussi à délimiter les formes et les méthodes nécessaires pour construire l’unité internationale des communistes.

    Malgré tout ce qu’ils ont apporté à l’unité idéologique et politique, ils n’ont pas fait d’efforts correspondants pour construire l’unité à l’échelle mondiale en matière d’organisation.

    Le PCC s’est trop centré sur les aspects négatifs du Komintern (tels surtout le problème de sa centralisation excessive) qui ont eu pour effet d’étouffer l’initiative et l’indépendance des partis communistes membres du Komintern.

    Bien que le PCC eut raison de critiquer la conception d’un «parti père» et son influence nocive dans le mouvement communiste international, et bien qu’il ait eu raison de mettre l’accent sur le principe de relations fraternelles entre partis, l’absence d’un forum organisé où l’on aurait pu débattre différents points de vue et en arriver à une perspective commune n’a pas contribué à résoudre ce problème, et l’a en fait exacerbé.

    Si la lutte contre le révisionnisme moderne au niveau théorique a joué un rôle capital dans le regroupement du mouvement marxiste-léniniste-maoïste, c’est surtout une forme de lutte nouvelle et sans précédent historique, la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (qui fut elle-même en bonne partie le fruit de cette lutte contre le révisionnisme moderne) qui allait engendrer toute une nouvelle génération de marxistes-léninistes-maoïstes.

    Les dizaines de millions d’ouvriers, de paysans et de jeunes révolutionnaires qui se sont lancés dans la lutte pour renverser les responsables engagés dans la voie capitaliste (retranchés à l’intérieur du parti et des appareils d’Etat) et pour pousser plus loin encore la révolutionnarisation de la société toute entière, ont touché au plus profond d’eux-mêmes des millions de gens à travers le monde qui étaient en train de se révolter et qui ont fait partie de la grande poussée révolutionnaire qui a balayé le monde au cours des années 1960 et du début des années 1970.

    La Révolution Culturelle représente le niveau le plus avancé auquel la dictature du prolétariat et la révolutionnarisation de la société sont jusqu’ici parvenues.

    Pour la toute première fois dans l’histoire de l’humanité, des ouvriers et d’autres éléments révolutionnaires se sont trouvés munis d’une bonne compréhension de la nature de la lutte de classes dans la société socialiste; du fait qu’il serait nécessaire de se soulever et de renverser les responsables engagés dans la voie capitaliste dont l’apparition en plein coeur de la société socialiste est inévitable et qui se révèlent être particulièrement concentrés au niveau de la direction du parti lui-même; et du fait qu’il faudrait lutter pour pousser plus loin encore les transformations socialistes et miner ainsi à la base les conditions matérielles qui engendrent ces éléments capitalistes.

    Les grandes conquêtes qui ont ponctué le cours de la Révolution Culturelle ont servi à empêcher une restauration révisionniste en Chine pendant une dizaine d’années, et ont mené à des transformations socialistes importantes dans le domaine de l’enseignement, de l’art et de la littérature, de la recherche scientifique et dans bien d’autres domaines de la superstructure.

    A travers les combats idéologiques et politiques acharnés de la Révolution culturelle, des millions d’ouvriers et d’autres révolutionnaires ont beaucoup approfondi leur conscience politique de classe et leur maîtrise du marxisme-léninisme et cela les a rendu plus aptes à exercer le pouvoir politique.

    La Révolution culturelle a été menée de façon à en faire une partie intégrante de la lutte internationale du prolétariat, et elle a servi de terrain d’instruction dans les principes de l’internationalisme prolétarien, ce dont témoigne non seulement l’appui prêté à des luttes révolutionnaires partout à travers le monde mais aussi les vrais sacrifices que le peuple chinois a dû faire pour prêter cet appui.

    La Révolution culturelle a produit des dirigeants révolutionnaires, tels que Kiang Tsing et Tchang Tchouen-kiao, qui se sont rangés aux côtés des masses, qui ont dirigé des assauts contre les révisionnistes, et qui ont continué à défendre le Marxisme-Léninisme-Maoïsme même face à une défaite cruelle.

    Lénine dit que «celui-là seul est un marxiste qui étend la reconnaissance de la lutte des classes jusqu’à la reconnaissance de la dictature du prolétariat ».

    Ce critère que proposa Lénine a été affiné davantage à la lumière des inestimables leçons et succès de la Grande Révolution culturelle prolétarienne dirigée par Mao Tsétoung.

    On peut maintenant dire que ceux-là seuls sont marxistes qui étendent la reconnaissance de la lutte des classes jusqu’à la reconnaissance de la dictature du prolétariat et aussi jusqu’à la reconnaissance de l’existence objective de classes, de contradictions de classe antagoniques et de la continuation de la lutte des classes sous la dictature du prolétariat durant toute la période socialiste et jusqu’à l’avènement du communisme.

    Comme l’a si bien dit Mao: «Toute confusion à cet égard mènera au révisionnisme».

    La Révolution culturelle fut la preuve vivante de la vitalité du marxisme-léninisme.

    Elle a démontré que la révolution prolétarienne se distingue de toutes les révolutions antérieures qui ne peuvent mener qu’à ce qu’un système d’exploiteurs en remplace un autre.

    Et elle a servi d’inspiration aux révolutionnaires de tous les pays.

    C’est pour toutes ces raisons que tous les réactionnaires et révisionnistes du monde n’ont pas arrêté de cracher sur la Révolution culturelle et sur Mao Tsétoung, et c’est aussi pourquoi la Révolution culturelle est un élément indispensable de l’héritage révolutionnaire du mouvement communiste international.

    En dépit des merveilleux succès de la Révolution culturelle, les révisionnistes à l’intérieur du parti et des appareils d’Etat chinois ont pu continuer à occuper des postes importants et à prôner des lignes et des mesures politiques qui ont beaucoup nui aux initiatives encore fragiles de ceux qui s’efforçaient de reconstruire un véritable mouvement communiste international.

    Les révisionnistes en Chine, qui contrôlaient une bonne part de la diplomatie et des rapports entre le Parti Communiste Chinois et les autres partis marxistes-léninistes-maoïstes, ont soit tourné le dos aux luttes révolutionnaires du prolétariat et des peuples opprimés, soit ont tenté de subordonner ces luttes aux intérêts de l’Etat chinois.

    C’est ainsi que de véritables despotes réactionnaires se sont vus attribuer de fausses étiquettes «anti-impérialistes», et que, de plus en plus sous prétexte qu’il fallait mener une lutte mondiale contre «l’hégémonisme», certaines puissances impérialistes du bloc occidental ont été représentées comme étant des forces intermédiaires ou même positives dans le contexte mondial.

    Déjà à l’époque, plusieurs partis marxistes-léninistes-maoïstes pro-chinois qui avaient bénéficié de l’appui des révisionnistes du PCC ont commencé à se mettre impudemment à la remorque de la bourgeoisie et même à défendre (ou tout du moins à ne pas s’opposer à) des interventions militaires des impérialistes ou leurs préparatifs de guerre dirigés contre l’URSS, pays qu’on caractérisait de plus en plus comme étant «l’ennemi principal» à l’échelle mondiale.

    Toutes ces tendances se sont pleinement épanouies à la suite du coup d’Etat en Chine et avec l’élaboration subséquente des révisionnistes de la «théorie des trois mondes», qu’ils ont essayé de faire avaler au mouvement communiste international.

    Les marxistes-léninistes-maoïstes ont très justement réfuté les calomnies révisionnistes qui prétendent que la «théorie des trois mondes» avait été prônée par Mao Tsétoung.

    Mais cela ne suffit pas. Il faut approfondir la critique de la «théorie des trois mondes», en critiquant les concepts qui la sous-tendent et en tentant de découvrir les origines de cette théorie.

    Et là il est important de noter le fait que les usurpateurs révisionnistes en Chine ont été obligés de condamner publiquement les plus proches compagnons d’armes de Mao Tsétoung en les accusant de s’être opposés à la «théorie des trois mondes».

    La contradiction entre les pays socialistes et les pays impérialistes est une des contradictions ou caractéristiques essentielles de l’époque de l’impérialisme et de la révolution prolétarienne.

    Bien qu’aujourd’hui cette contradiction ait momentanément disparu à cause de la transformation révisionniste des divers pays qui étaient autrefois socialistes, cela ne change rien au fait que de faire le bilan de l’expérience historique du mouvement communiste vis-à-vis de la façon dont a été traitée cette contradiction reste une tâche théorique importante: en effet, le prolétariat va inévitablement se retrouver un jour face à une situation où un (ou plusieurs) pays socialistes devront affronter l’existence d’ennemis prédateurs impérialistes.

    Au lendemain de la mort de Mao Tsétoung en 1976, les responsables engagés dans la voie capitaliste ont monté un perfide coup d’Etat grâce auquel ils ont pu révoquer les conclusions justes de la Révolution Culturelle, renverser les révolutionnaires dans la direction du PCC, mettre en oeuvre tout un programme révisionniste dans tous les domaines, et capituler à l’impérialisme.

    Les révolutionnaires du Parti Communiste Chinois ont opposé une résistance à ce coup d’Etat et ont continué à lutter pour que la direction prolétarienne puisse reprendre le dessus dans ce pays.

    Sur le plan international, des communistes révolutionnaires dans bon nombre de pays ne se sont pas faits prendre à la ligne révisionniste de Teng Siao-ping et Houa Kouo-feng et ont pris des initiatives pour démasquer et critiquer les responsables engagés sur la voie capitaliste en Chine.

    Cette résistance (en Chine et aussi sur le plan international) face au coup d’Etat, rend hommage à la direction pénétrante de Mao Tsétoung qui n’a jamais cessé de travailler inlassablement pour armer le prolétariat et les marxistes-léninistes-maoïstes d’une analyse de la lutte des classes sous la dictature du prolétariat et pour leur faire comprendre la possibilité d’une restauration capitaliste.

    Le travail théorique entrepris par l’ état-major prolétarien sous la direction de Mao Tsétoung a aussi fait beaucoup pour fournir aux marxistes-léninistes-maoïstes les éléments nécessaires pour qu’ils puissent interpréter correctement la nature des contradictions de la société socialiste, et leur travail a représenté une élaboration importante de le maoïsme.

    Ceci a permis au mouvement marxiste-léniniste-maoïste d’être mieux préparé idéologiquement à affronter les tragiques événements de 1976 qu’il ne l’était vingt ans auparavant, lors du coup d’Etat révisionniste en URSS, même s’il le fallait cette fois affronter le problème sans qu’il y ait de pays socialiste dans le monde.

    Néanmoins il était inévitable que la restauration du capitalisme dans un pays qui rassemblait entre ses frontières un quart de l’humanité et la main-mise des révisionnistes sur un parti marxiste-léniniste-maoïste qui avait été dans l’avant-garde du mouvement international aient de profondes répercussions sur la lutte révolutionnaire mondiale et sur le mouvement marxiste-léniniste-maoïste.

    De nombreux partis qui avaient jusque-là appartenu au mouvement communiste international ont acclamé les révisionnistes en Chine et adopté leur «théorie des trois mondes», et ils ont fini par abandonner complètement la lutte révolutionnaire.

    Cela a mené à ce que ces partis réussissent à propager une certaine démoralisation, en même temps qu’ils finissaient par perdre toute créance auprès des éléments révolutionnaires; ces partis ont donc fait l’expérience d’une crise profonde, ou bien se sont complètement effondrés.

    Même parmi d’autres forces marxistes-léninistes-maoïstes qui s’étaient refusées à suivre la direction des révisionnistes chinois, le revers subi en Chine a conduit à une certaine démoralisation et à une remise en cause du Marxisme-Léninisme-Maoïsme.

    Cette tendance s’est exacerbée davantage lorsque Enver Hoxha et le PTA ont ouvertement déclenché un véritable tir de barrage contre le maoïsme.

    Bien qu’on pouvait s’attendre à ce que le mouvement communiste international traverse une certaine crise après le coup d’Etat en Chine, la profondeur de cette crise et les grandes difficultés à en sortir démontrent que le révisionnisme sous toutes ses formes avait déjà bien planté ses crocs dans le mouvement marxiste-léniniste-maoïste même avant 1976.

    Les marxistes-léninistes-maoïstes doivent poursuivre leurs enquêtes et leurs études sur ces questions afin d’arriver à mieux comprendre les racines du révisionnisme, non seulement dans la période la plus récente mais aussi dans les périodes antérieures du mouvement international; et ils doivent poursuivre le combat contre l’influence que les révisionnistes continuent à exercer, tout en persistant à défendre et à avancer sur la base des principes fondamentaux qui ont été forgés au cours des avancées révolutionnaires du prolétariat international et du mouvement communiste tout au long de son histoire.

    Les Tâches des
    Communistes Révolutionnaires

    Les communistes révolutionnaires de tous les pays ont pour tâche d’accélérer le rythme de développement de la révolution mondiale: ils doivent faire en sorte que le prolétariat et les masses révolutionnaires puissent renverser l’impérialisme et la réaction; établir la dictature du prolétariat en conformité avec les étapes et alliances requises par la révolution dans différents pays; lutter pour éliminer tous les vestiges matériels et idéologiques de la société exploiteuse et parvenir de cette façon à une société sans classes, le communisme, à l’échelle mondiale.

    Avant tout et surtout, les communistes doivent éviter de perdre de vue leur propre raison d’être, et agir conformément à cette orientation, sinon ils ne pourront rien apporter à la révolution et, pis encore, finiront par dégénérer au point de constituer eux-mêmes des obstacles sur la voie de la révolution.

    L’expérience historique démontre qu’on ne peut parvenir à la révolution prolétarienne et assurer sa continuation que si l’on dispose d’un authentique parti prolétarien qui prend comme base la science du marxisme-léninisme-maoïsme, est organisé selon les normes léninistes, et est capable d’attirer et de former les meilleurs éléments révolutionnaires du prolétariat et des autres secteurs des masses.

    Aujourd’hui ce genre de parti n’existe pas dans la plupart des pays du monde, et même là où on eh trouve, ils ne sont généralement pas suffisamment forts du point de vue idéologique et en matière d’organisation pour affronter les exigences et les occasions à saisir dans la période à venir.

    C’est pour cela qu’une tâche essentielle du mouvement communiste international tout entier doit être de fonder et de consolider de vrais partis marxistes-léninistes-maoïstes.

    Dans les pays ou il n’y a pas encore de parti marxiste-léniniste-maoïste, les communistes révolutionnaires ont pour tâche immédiate de constituer un tel parti avec l’aide du mouvement communiste international.

    L’aspect clé dans la formation d’un parti c’est l’élaboration d’une ligne et d’un programme politiques qui soient corrects à la fois vis-à-vis des particularités d’un pays donné et aussi vis-à-vis de la situation mondiale dans son ensemble.

    Il faut que le travail d’édification du parti marxiste-léniniste-maoïste soit étroitement lié à une activité révolutionnaire parmi les masses et à la mise en oeuvre d’une ligne de masse révolutionnaire, et l’on doit particulièrement chercher à répondre aux questions politiques pressantes qu’il faut résoudre pour que le mouvement révolutionnaire puisse avancer.

    Si l’on ne procède pas de cette façon, la tâche d’édification d’un parti peut devenir une tâche stérile, se retrouver coupée de la pratique révolutionnaire et ne mener nulle part.

    D’un autre côté, on aurait tout aussi tort de considérer qu’on ne peut constituer le parti que si l’on a déjà rallié un nombre déterminé d’adhérents, ou d’insister qu’il faut absolument avoir atteint un certain niveau d’influence auprès des masses avant de pouvoir former un parti.

    La plupart du temps le parti ne comptera à sa fondation qu’un petit nombre d’adhérents; quoiqu’il en soit il faut constamment chercher à rallier les éléments révolutionnaires à létendard du parti et accroître linfluence du parti auprès du prolétariat et des masses.

    Le parti marxiste-léniniste-maoïste doit être construit et consolidé à travers une lutte idéologique active contre l’influence sur ses rangs de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie.

    Dans l’édification du parti d’avant-garde les marxistes-léninistes-maoïstes doivent mettre à profit les leçons de la Révolution culturelle à travers laquelle Mao s’est battu pour assurer le caractère prolétarien et le rôle d’avant-garde du parti.

    Mao a enrichi la conception de base du parti d’avant-garde élaborée par Lénine grâce à son analyse de la lutte entre deux lignes à l’intérieur du parti, à sa critique du concept érroné de «parti monolithique», et à son insistance sur la nécessité de la transformation idéologique des membres du parti.

    Il est important de créer une situation politique où règnent à la fois le centralisme et la démocratie, la discipline et une large initiative, l’unité de volonté et d’action, et un état d’esprit où chacun se sent à son aise et plein d’entrain.

    La pratique patauge dans le noir si elle n’est pas guidée par la théorie révolutionnaire.

    Les partis marxistes-léninistes-maoïstes et le mouvement communiste international dans son ensemble doivent parvenir à mieux maîtriser la théorie révolutionnaire en même temps qu’ils font une analyse concrète des conditions concrètes de la société et du monde tout entier.

    Les marxistes-léninistes-maoïstes ne doivent pas céder le terrain de l’analyse de nouveaux phénomènes à d’autres forces, et doivent développer une lutte théorique active qui s’adresse à tous les problèmes de fond et sujets de débat dans le mouvement révolutionnaire et dans la société dans son ensemble.

    L’édification et l’organisation du parti marxiste-léniniste-maoïste doivent être accomplies san perdre de vue l’objectif fondamental qui est de saisir le pouvoir politique; le parti doit préparer dans ce sens ses propres rangs, le prolétariat et les masses révolutionnaires, à la fois sur le plan de l’organisation et en matière de ligne politique et idéologique.

    Pour reprendre la formule de lAppel lancé à l’automne 1980: «En deux mots, les communistes sont partisans de la guerre révolutionnaire».

    Il faut faire en sorte que la guerre révolutionnaire et que les autres formes de lutte révolutionnaire puissent constituer un terrain particulièrement favorable à la formation des masses révolutionnaires, de façon à ce qu’elles puissent être capables d’exercer le pouvoir politique et de transformer la société.

    Même lorsque les conditions requises pour le déclenchement de la lutte armée des masses ne sont pas encore présentes, les communistes doivent entreprendre le travail de préparation nécessaire, en vue de l’apparition éventuelle de ces conditions.

    Ce principe entraîne toute une série d’implications pour les partis marxistes-léninistes-maoïstes (quelques soient les différences qui existent du point de vue des tâches et des étapes de la révolution dans les différents pays), y compris le fait que l’organisation des structures sous-jacentes du parti doit être clandestine, et que le parti doit être prêt à pouvoir encaisser les mesures répressives des réactionnaires qui ne tolèreront pas longtemps de façon pacifique un véritable parti révolutionnaire.

    En même temps qu’il s’engage dans la lutte armée pour la conquête du pouvoir ou qu’il se prépare à s’y engager, le parti marxiste-léniniste-maoïste doit aussi trouver divers moyens de développer une activité légale et/ou «ouverte».

    L’expérience historique démontre que, si ce genre d’activité est important et même absolument essentiel dans certaines périodes, il doit toujours être accompagné de révélations politiques qui servent à démasquer la nature de classe de la démocratie bourgeoise; et, quelques soient les circonstances, les communistes ne doivent jamais relâcher leur garde et doivent prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que le parti puisse continuer son activité révolutionnaire dans le cas où les diverses ouvertures légales auraient disparu.

    Il faut faire un bilan de l’expérience du passé à ce sujet et en tirer les leçons pertinentes afin de pouvoir régler correctement la question de la contradiction qui consiste à faire utilisation des ouvertures et possibilités de travail légales, sans pour cela tomber dans le légalisme ou crétinisme parlementaire.

    Afin de s’acquitter de ses tâches révolutionnaires et de préparer les masses à la prise du pouvoir, le parti marxiste-léniniste-maoïste doit s’armer d’un organe de presse communiste, qui paraisse régulièrement, même si cette presse va jouer un rôle différent dans les deux types de pays vis-à-vis des tâches qu’implique la voie de la révolution dans ces pays.

    La presse communiste doit éviter d’être mesquine ou à horizons limités, et éviter d’être stérile et dogmatique.

    Elle doit s’efforcer d’armer les prolétaires munis d’une conscience politique de classe, et d’autres éléments avec les moyens d’examiner sur toutes les coutures la société et le monde tout entier, ce qu’elle fait principalement par le biais d’analyses et de révélations politiques qui suivent de très près le déroulement des événements de l’actualité.

    Le parti marxiste-léniniste-maoïste se constitue dans chaque pays en tant que détachement du mouvement communiste international, et il doit développer son activité de façon à ce qu’elle fasse partie intégrante de la lutte mondiale pour le communisme, à laquelle elle doit être subordonnée.

    Le parti doit éduquer ses propres rangs, les ouvriers munis d’une conscience politique de classe et les masses révolutionnaires dans l’esprit de l’internationalisme prolétarien, en comprenant que l’internationalisme ne signifie pas seulement que le prolétariat d’un pays doit prêter son appui au prolétariat d’un autre pays; en effet l’internationalisme doit, plus fondamentalement, refléter le fait que le prolétariat appartient à une seule et même classe partout à travers le monde, qu’il n’a qu’un seul et même intérêt en tant que classe, qu’il s’affronte à un système impérialiste mondial, et qu’il a pour tâche l’émancipation de l’humanité toute entière.

    Ce genre d’éducation et de propagande internationaliste est indispensable si l’on veut préparer le parti et le prolétariat à pouvoir continuer la révolution même après la prise du pouvoir dans un pays donné.

    L’accession au pouvoir politique, ou même l’établissement d’un système socialiste qui ne soit pas fondé sur l’exploitation, ne doivent pas être considérés comme une fin en soi: ce sont là des premiers pas dans une longue période transitoire qui sera pleine de flux et de reflux et ponctuée d’inévitables revers comme de conquêtes. jusqu’à ce que soit réalisé l’objectif du communisme à l’échelle mondiale.

    Les Tâches dans les Pays Coloniaux 
    et Semi- (ou Néo-) Coloniaux

    Les pays coloniaux (ou néo-coloniaux) qui sont sous le joug de l’impérialisme ont été le théâtre principal de la lutte mondiale du prolétariat depuis la Deuxième Guerre mondiale et jusqu’aujourd’hui.

    Dans cette période nous avons pu accumuler une vaste expérience en matière de luttes révolutionnaires, y compris par rapport aux questions soulevées par la guerre révolutionnaire.

    L’impérialisme a subi de très graves défaites et le prolétariat a remporté des victoires imposantes, allant jusqu’à établir des pays socialistes.

    D’un autre côté, le mouvement communiste a aussi fait la pénible expérience de situations où les masses révolutionnaires de ces pays ont livré des combats héroïques, et même des guerres de libération nationale, sans que cela mène pour autant à ce que le prolétariat et ses alliés puissent prendre le pouvoir politique, mais où de nouveaux exploiteurs, généralement associés à une quelconque puissance impérialiste (ou à plusieurs de ces puissances), ont accaparé les fruits des victoires populaires.

    Tout cela démontre qu’une tâche très importante pour le mouvement communiste international est de faire le bilan des aspects positifs et négatifs des plusieurs dizaines d’années d’expérience révolutionnaire dans ce genre de pays.

    La théorie élaborée par Mao Tsétoung pendant les longues années de la guerre révolutionnaire en Chine continue à être la référence fondamentale pour l’élaboration de la stratégie et de la tactique révolutionnaires dans les pays coloniaux et semi- (ou néo-) coloniaux.

    Dans ces pays la révolution a pour cible l’impérialisme étranger et aussi la bourgeoisie bureaucratique et «compradore» et les féodaux, ces deux dernières classes étant des classes dépendantes et étroitement liées aux impérialistes.

    Dans ces pays la révolution traverse deux étapes: une première révolution, la révolution pour la démocratie nouvelle, qui mène ensuite directement à une deuxième révolution, la révolution socialiste.

    La nature, la cible, et les tâches de la première étape de la révolution sont telles que le prolétariat peut, et doit, former un large front uni qui rassemble toutes les classes et couches sociales qui peuvent être amenées à soutenir le programme de la démocratie nouvelle.

    Cependant le prolétariat entreprend de construire ce front uni en conformité avec le principe du développement et du renforcement de ses propres forces indépendantes; cela implique, par exemple, que le prolétariat doit pouvoir disposer de ses propres forces armées lorsque les conditions pour cela existent, et qu’il doit établir son rôle dirigeant vis-à-vis des secteurs des masses révolutionnaires, et en particulier vis-à-vis des paysans pauvres.

    Cette alliance prend comme axe fondamental l’alliance des ouvriers et des paysans, et la révolution agraire (c’est-à-dire la lutte contre l’exploitation semi-féodale à la campagne et/ou la réalisation du mot d’ordre «la terre à ceux qui la travaillent ») doit occuper une place centrale dans le programme de la démocratie nouvelle.

    Dans ces pays le prolétariat et les masses sont très sévèrement exploités, les abus dus à la domination impérialiste sont incessants, et les classes dirigeantes exercent généralement leur dictature de manière directe et brutale; même lorsque ces classes emploient une forme de régime démocratique bourgeois ou parlementaire, cette dictature est à peine voilée.

    Cette situation provoque fréquemment des luttes révolutionnaires de la part du prolétariat, des paysans, et d’autres secteurs des masses et ces luttes prennent souvent la forme de luttes armées.

    Pour toutes ces raisons (y compris aussi le fait que le développement déformé et complètement désiquilibré de ces pays crée de grandes difficultés pour les classes réactionnaires qui ont du mal à maintenir la stabilité de leurs régimes et à consolider leur pouvoir dans tous les coins et recoins du pays), il arrive souvent que la révolution prenne la forme d’une guerre révolutionnaire prolongée, à travers laquelle les forces révolutionnaires réussissent à établir une forme quelconque de base d’appui à la campagne, et à mettre en oeuvre la stratégie fondamentale qui consiste à encercler les villes à partir des campagnes.

    Pour accomplir une révolution pour la démocratie nouvelle, il est essentiel que le prolétariat maintienne son rôle indépendant et qu’il soit capable d’établir son rôle dirigeant dans la lutte révolutionnaire, ce qu’il fait à travers son parti marxiste-léniniste-maoïste.

    L’expérience historique a démontré et re-démontré que même lorsqu’une fraction de la bourgeoisie nationale s’associe au mouvement révolutionnaire, elle ne veut pas (et ne peut pas) diriger une révolution pour la démocratie nouvelle, et il n’est donc évidemment pas question qu’elle la mène à bon terme.

    De même, l’expérience historique démontre qu’un «front anti-impérialiste» (ou autre «front révolutionnaire» de ce genre) qui n’est pas dirigé par un parti marxiste-léniniste-maoïste ne mène nulle part, même lorsque ce front (ou certaines forces qui en font partiel adoptent une certaine couverture «marxiste», ou plutôt, pseudo-marxiste. Bien que de telles formations révolutionnaires aient parfois dirigé des combats héroïques et même frappé de grands coups contre les impérialistes, elles se sont montrées incapables, sur le plan idéologique et en matière d’organisation, de résister aux influences impérialistes et bourgeoises.

    Même là où ces éléments ont pu prendre le pouvoir, ils n’ont pas été capables d’assurer une transformation révolutionnaire intégrale de la société, et ils finissent tous, tôt ou tard, par se faire renverser par les impérialistes ou par se transformer eux-mêmes en un nouveau pouvoir réactionnaire, travaillant la main dans la main avec des impérialistes.

    Dans les situations où les classes dirigeantes exercent une dictature brutale ou fasciste, le parti communiste peut mettre à profit les contradictions que cela suscite de façon à favoriser la révolution pour la démocratie nouvelle, et peut établir des accords ou alliances provisoires avec des éléments d’autres classes.

    Cependant de telles initiatives ne peuvent réussir que si le parti continue à maintenir son rôle dirigeant et se sert de ces alliances dans le cadre défini par sa tâche globale et principale, qui est de mener à bien la révolution, sans faire de la lutte contre la dictature une étape stratégique de la révolution, puisque le contenu de la lutte anti-fasciste n’est autre que le contenu de la révolution pour la démocratie nouvelle.

    Le parti marxiste-léniniste-maoïste doit non seulement armer le prolétariat et les masses révolutionnaires des moyens de comprendre la nature de la tâche à accomplir dans l’immédiat (mener à bien la révolution pour la démocratie nouvelle) et le rôle et les intérêts contradictoires des représentants des différentes classes (amies ou ennemies), mais doit aussi leur faire comprendre la nécessité de préparer la transition à la révolution socialiste, et le fait que l’ultime objectif doit être de parvenir au communisme à l’échelle mondiale.

    Les marxistes-léninistes-maoïstes partent du principe que le parti doit diriger la guerre révolutionnaire de façon à ce qu’elle soit une véritable guerre des masses.

    Même dans les conditions difficiles qu’impose une guerre, les marxistes-léninistes-maoïstes doivent s’efforcer d’éduquer largement les masses et les aider à atteindre un niveau plus élevé en matière de théorie et d’idéologie.

    Pour cela il faut assurer l’édition et le développement d’une presse communiste à parution régulière, et faire en sorte que la révolution pénètre les domaines culturels.

    Dans les pays coloniaux et semi- (ou néo-) coloniaux, la principale déviation de cette dernière période a été (et est toujours) la tendance à ne pas reconnaître ou à renier cette orientation fondamentale pour le mouvement révolutionnaire dans ce genre de pays: la tendance à renier le rôle dirigeant du prolétariat et du parti marxiste-léniniste-maoïste; à rejeter, ou à pervertir de manière opportuniste la théorie de la guerre populaire; à abandonner l’édification d’un front uni, fondé sur l’alliance des ouvriers et des paysans et dirigé par le prolétariat.

    Cette déviation révisionniste s’est autrefois manifestée à la fois sous une forme de «gauche» et sous une forme ouvertement de droite.

    Les révisionnistes modernes ont beaucoup prêché le «passage pacifique au socialisme» (surtout jusqu’à ces derniers temps) et ont cherché à favoriser la direction bourgeoise dans les luttes de libération nationale.

    Ce révisionnisme de droite, qui ne cache pas sa politique de capitulation, a cependant toujours trouvé son écho dans une autre forme de révisionnisme avec laquelle elle s’entrecoupe aujourd’hui de plus en plus: une espèce de révisionnisme armé, de «gauche», que prône de temps en temps la direction cubaine, entre autres, qui mène à ce que les masses soient gardées à l’écart de la lutte armée, et qui avance l’idée qu’on peut combiner toutes les étapes de la révolution et ne faire qu’une seule révolution, une révolution soi-disant «socialiste»; cette politique en fait revient à essayer de rallier les ouvriers à une perspective tout ce qu’il y a de plus limitée et à renier le fait que la classe ouvrière doit diriger les paysans et d’autres forces et entreprendre ainsi d’éliminer complètement l’impérialisme et les rapports économiques et sociaux arriérés et déformés dont le capital étranger se nourrit, et qu’il s’efforce de consolider.

    Aujourd’hui cette forme du révisionnisme constitue un des principaux moyens utilisés par les sociaux-impérialistes pour s’insérer dans les luttes de libération nationale et pour les contrôler.

    Afin que l’évolution du mouvement révolutionnaire dans les pays coloniaux et semi-(ou néo-) coloniaux puisse se faire dans un sens correct, il faut que les marxistes-léninistes-maoïstes continuent à intensifier la lutte contre toutes les formes du révisionnisme et à défendre lSuvre de Mao Tsétoung en tant que fondement théorique indispensable à une analyse de fond des conditions concrètes et à l’élaboration d’une ligne politique appropriée dans les divers pays de ce type.

    Il faut en même temps prendre note de quelques autres déviations, secondaires celles-ci, qui se sont manifestées parmi les véritables forces révolutionnaires qui se sont efforcées de mettre en oeuvre une ligne révolutionnaire dans les pays coloniaux et dépendants.

    Il faut tout d’abord constater que les pays qui rassemblent les nations opprimées d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine ne constituent pas un seul et unique bloc monolithique et qu’ils comportent des différences importantes au niveau de leur composition de classe, de la forme de la domination impérialiste, et de leur position vis-à-vis de la situation mondiale dans son ensemble.

    Les tendances à ne pas faire une analyse de fond, une analyse scientifique, de ces questions; à copier mécaniquement l’expérience préalable du prolétariat international; ou à ne pas tenir compte des transformations qui ont eu lieu dans la situation internationale et dans des pays particuliers – ne peuvent que nuire à la cause de la révolution et affaiblir les forces marxistes-léninistes-maoïstes.

    Au cours des années 1960 et du début des années 1970, les forces marxistes-léninistes-maoïstes dans un grand nombre de pays (forces qui avaient été influencées par la Révolution culturelle en Chine et qui faisaient partie de la poussée révolutionnaire qui balayait le monde à l’époque) se sont joints à certains secteurs des masses pour engager la lutte armée révolutionnaire.

    Dans plusieurs pays, les forces marxistes-léninistes-maoïstes ont pu rallier une proportion considérable de la population au drapeau de la révolution, et assurer la sauvegarde du parti marxiste-léniniste-maoïste et des forces armées populaires en dépit d’une sanglante répression contre-révolutionnaire.

    Ces premières tentatives pour créer des nouveaux partis marxistes-léninistes-maoïstes et lancer la lutte armée allaient inévitablement être empreintes d’un certain caractère primitif et faire preuve de certaines insuffisances en matière d’idéologie et de politique; et il n’est évidemment pas surprenant que les impérialistes et révisionnistes se soient jetés sur ces erreurs et insuffisances pour condamner les révolutionnaires, les traitant de «gauchistes» ou pis.

    Il en reste néanmoins que ces initiatives méritent généralement d’être défendues en tant qu’éléments importants de l’héritage du mouvement marxiste-léniniste-maoïste qui ont aidé à jeter les bases pour des avancées subséquentes.

    En règle générale, les pays opprimés d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine se trouvent constamment à l’état de situation révolutionnaire.

    Mais il est important de bien comprendre ce que cela veut dire: une situation révolutionnaire ne suit pas un cours en fil droit, mais comprend des flux et des reflux.

    Les partis communistes ne doivent pas perdre de vue cet aspect de la question.

    Ils ne doivent pas se mettre à voir les choses de façon unilatérale et affirmer que le déclenchement de la guerre populaire et une victoire totale dans cette guerre ne dépendent, en tout et pour tout, que du facteur subjectif (c’est-à-dire des communistes), une façon de voir les choses qu’on associe souvent au «lin-piaoisme».

    Bien qu’à tous moments dans ce genre de pays, une forme quelconque de lutte armée soit généralement favorable et nécessaire à la réalisation des tâches de la lutte des classes, il peut y avoir des moments où la lutte armée est la forme principale de la lutte, et d’autres moments ou cela n’est pas le cas.

    Lorsqu’une situation révolutionnaire est en période de reflux, les partis communistes doivent trouver quelles sont les mesures tactiques à employer dans cette situation et ne pas se lancer dans des initiatives qui relèvent de précipitation et d’impatience.

    Dans ce genre de situation, il ne faut pas manquer d’effectuer les préparatifs requis (sur le plan politique et de l’organisation) pour une guerre populaire prolongée et, en attendant que les conditions soient propices à une nouvelle avancée, il faut trouver diverses formes de lutte et d’organisation qui correspondent aux conditions concrètes afin d’accélérer le rythme de développement de la révolution.

    Il est nécessaire de combattre tous les points de vue érronés qui cherchent à retarder le développement de la lutte armée (ou l’utilisation d’une forme quelconque de lutte armée) jusqu’à ce que les conditions soient favorables à la lutte armée révolutionnaire d’un bout à l’autre du pays.

    Cette façon de voir les choses nie le fait que la révolution et les situations révolutionnaires ne se développent pas de façon bien régulière dans ces pays, et est tout à l’opposé de l’orientation de Mao qu’exprime la formule: «Une étincelle peut mettre le feu à toute la plaine».

    Il est important aussi de prendre note du fait que la situation internationale dans son ensemble influe sur le processus de la révolution dans un pays particulier; le fait de ne pas en tenir compte mène à ce que les marxistes-léninistes-maoïstes ne soient pas prêts à saisir les occasions qui se présentent lorsque le déroulement des événements à léchelle mondial provoque une accélération du processus révolutionnaire.

    Aujourd’hui, l’acuité croissante de la menace d’une nouvelle guerre mondiale implique que les partis et organisations marxistes-léninistes-maoïstes dans les pays néo-coloniaux doivent aussi s’affronter à la tâche urgente qui est de se préoccuper de la lutte contre la guerre impérialiste.

    Les communistes doivent tenir compte du fait que bon nombre de ces pays pourraient être entraînés dans cette guerre entre les impérialistes, par rapport à la position qu’ils occupent vis-à-vis des différents blocs impérialistes.

    Les partis communistes doivent envisager les multiples situations concrètes que pourrait faire ressortir une telle guerre impérialiste, et ils doivent élaborer une réflexion qui tienne compte de toutes ces possibilités.

    Etant donné les conditions objectives dans ces pays, les masses ont généralement moins conscience du danger de guerre impérialiste et de ce que cela implique, et c’est aux marxistes-léninistes-maoïstes de les éduquer à ce sujet.

    En cas de guerre impérialiste, la tâche la plus importante pour les marxistes-léninistes-maoïstes est d’essayer de mettre à profit les occasions favorables qu’une telle guerre fera ressortir, de façon à intensifier la lutte révolutionnaire et à transformer la guerre impérialiste en une guerre révolutionnaire contre l’impérialisme et la réaction.

    L’Appel de l’automne 1980 a constaté que:

    Il y a une tendance indéniable à ce que l’impérialisme introduise des éléments importants de rapports capitalistes dans les pays qu’il domine.

    Dans certains pays dépendants ce développement capitaliste s’est fait à un tel point qu’il n’est pas correct de caractériser ces pays en tant que pays semi-féodaux; il vaudrait mieux les caractériser en tant que pays à prédominance capitaliste, bien que l’on puisse encore y trouver d’importants éléments ou vestiges des rapports de production semi-féodaux, et que ceux-ci soient reflétés dans la superstructure.

    Dans de tels pays il faut faire une analyse concrète de ces conditions et en tirer les conclusions appropriées en ce qui concerne la voie à suivre, les tâches, le caractère et l’alignement des forces de classes.

    Dans tous les cas, l’impérialisme étranger continue à être une cible de la révolution.

    Le mouvement international continue à avoir pour tâche importante de faire une analyse de ce qu’implique l’augmentation de rapports capitalistes dans les pays dominés par l’impérialisme, y compris dans le cas particulier des pays opprimés que l’on peut correctement désigner des pays «à prédominance capitaliste».

    L’on peut toutefois déjà dégager quelques conclusions importantes à ce sujet.

    L’idée que la combinaison de l’indépendance politique formelle et de l’introduction importante de rapports capitalistes a éliminé la nécessité d’une révolution pour la démocratie nouvelle dans la plupart (ou même dans un grand nombre) des pays qui étaient autrefois sous la tutelle directe des impérialistes, est un point de vue érroné et dangereux.

    Cette notion, qu’avancent divers trotskystes, sociaux-démocrates et critiques petits-bourgeois du marxisme révolutionnaire, revient à dire qu’il n’y a pas de distinction d’ordre qualitatif entre l’impérialisme et les nations opprimées par l’impérialisme, et réussit donc à effacer d’un seul coup une des caractéristiques les plus importantes de toute l’époque impérialiste.

    La réalité est que l’impérialisme continue à entraver les forces productives dans les pays qu’il exploite.

    Le certain niveau de «développement» capitaliste (plus ou moins important) que l’impérialisme introduit indéniablement dans ces pays ne mène pas à la formation d’un marché national bien articulé, ou à un système économique capitaliste de type «classique»: le développement de ces pays est complètement désiquilibré et dépendant vis-à-vis du capital étranger, et sert les intérêts de ce dernier.

    Même dans les pays opprimés à prédominance capitaliste, la première étape de la révolution doit continuer à prendre pour cible l’impérialisme étranger, en même temps que les éléments qui sont les appuis de cet impérialisme à l’intérieur du pays.

    Bien que la révolution dans ces pays suivra souvent un cours assez différent du cours de la révolution dans les pays où prédominent les rapports semi-féodaux, il faudra quand même, en règle générale, que la révolution passe par une étape anti-impérialiste et démocratique avant que l’on puisse commencer la révolution socialiste.

    L’accroissement du niveau de développement capitaliste dans certains pays opprimés soulève un problème extrêmement important du point de vue de l’importance relative des villes vis-à-vis de la campagne, à la fois sur le plan politique et sur le plan militaire.

    Dans quelques-uns de ces pays il est juste de déclencher la lutte armée en commençant par des insurrections dans les villes, et de ne pas suivre le schéma qui consiste à encercler les villes à partir des campagnes.

    De plus, même dans les pays où la voie de la révolution implique l’encerclement des villes à partir des campagnes, il se peut qu’il se présente des situations où des révoltes de masses conduisent à des soulèvements et à des insurrections dans les villes, et le parti doit être prêt à profiter de telles situations dans le cadre de sa stratégie globale.

    Mais dans les deux cas, le succès de la révolution dépend très largement de la capacité du parti à mobiliser les paysans et à les gagner à participer à cette révolution sous la direction du prolétariat.

    Etant donné le fait qu’un appareil d’Etat central a été établi dans ces pays même avant qu’ils puissent subir un développement capitaliste, la plupart des pays semi- (ou néo-) coloniaux regroupent des formations multinationales; souvent, l’appareil d’Etat a lui-même été créé par les impérialistes eux-mêmes.

    En plus le tracé des frontières de ces pays est le résultat des occupations et des machinations des impérialistes.

    Ainsi il y a généralement des nations opprimées, des inégalités nationales et une oppression nationale impitoyable à l’intérieur même des pays opprimés par l’impérialisme.

    A notre époque la question nationale ne se limite plus à un problème interne de pays particuliers et se trouve maintenant subordonnée à la question de la révolution prolétarienne mondiale: la résolution intégrale de ce problème dépend donc maintenant directement du succès de la lutte contre l’impérialisme.

    Dans ce contexte les marxistes-léninistes-maoïstes doivent prôner le droit à l’autodétermination des nations opprimées des pays semi-coloniaux multinationaux.

    Ainsi l’on peut dire que les marxistes-léninistes-maoïstes dans les pays coloniaux et néo-coloniaux ont une double tâche à remplir sur le front politique et idéologique: ils doivent d’une part continuer à défendre et à promouvoir les enseignements fondamentaux de Mao sur le caractère et la voie de la révolution dans ce type de pays, et doivent aussi défendre et tenter d’avancer sur les bases jetées par les initiatives révolutionnaires qui ont marqué les «années folles» (pour reprendre l’expression de Lénine) des années 1960; d’autre part, les communistes révolutionnaires doivent faire preuve de l’esprit critique marxiste pour analyser à la fois l’expérience du passé, la situation actuelle, et les changements qui peuvent porter sur le déroulement de la révolution dans ces pays.

    Les Pays Impérialistes

    Pour reprendre la formule de l’Appel de 1980: Dans les pays impérialistes, «la Révolution d’Octobre reste la référence fondamentale pour la stratégie et la tactique marxiste-léniniste».

    Ceci doit être réaffirmé et approfondi car les principes fondamentaux du léninisme concernant la préparation et la réalisation de la révolution prolétarienne dans les pays impérialistes sont longtemps restés ensevelis sous une avalanche de déformations révisionnistes.

    Lénine a très justement souligné l’importance de ce que les communistes développent parmi les ouvriers un mouvement politique de très grande envergure, qui soit capable, lorsque les conditions s’y prêteront, de diriger l’insurrection des forces sociales révolutionnaires contre le pouvoir d’Etat réactionnaire.

    Lénine a aussi très justement fait remarquer qu’un mouvement révolutionnaire de ce type ne pourrait pas surgir spontanément des luttes économiques des ouvriers pour leur survie quotidienne, et que ce genre de luttes ne constituent pas le terrain le plus important pour le développement d’une activité révolutionnaire.

    Lénine avança la thèse que les révolutionnaires doivent «faire dévier» le mouvement spontané des masses pour les faire sortir du chemin trop restreint des luttes qui se préoccupent des conditions de survie et de vente de la force du travail.

    Pour réussir à faire «dévier» ce mouvement spontané, il faut apporter aux ouvriers les éléments d’une conscience politique de classe qui proviennent «d’en dehors» l’orbite restreint de leurs expériences quotidiennes, grâce surtout à des révélations politiques et à des analyses de tous les événements importants dans tous les domaines de la société: dans le domaine politique, de la culture, des sciences, etc.

    Ce n’est qu’ainsi qu’un secteur du prolétariat muni d’une conscience politique de classe pourra prendre forme, rassemblant des prolétaires conscients de leurs tâches révolutionnaires et de la nature et du rôle de toutes les autres forces de classe dans la société.

    Lénine a aussi beaucoup insisté sur le fait que l’agitation et la propagande, pour aussi essentielles qu’elles soient, ne suffisent pas.

    Ce n’est qu’à travers la lutte de classes, particulièrement à travers la lutte politique et révolutionnaire, que les masses peuvent développer à fond leur conscience révolutionnaire et apprendre à se battre.

    De cette façon, et en combinaison avec une activité communiste de large envergure, les masses peuvent apprendre à partir de leurs propres expériences et être éduquées dans la fournaise de la lutte de classes.

    Loin de prêcher «l’unité monolithique de la classe ouvrière», Lénine démontra que l’impérialisme mène inévitablement à un «changement des rapports de classe», à une scission au sein de la classe ouvrière des pays impérialistes, entre, d’une part, le prolétariat opprimé et exploité et, d’autre part, une couche supérieure d’ouvriers qui partagent le butin de la bourgeoisie impérialiste et qui travaillent la main dans la main avec elle.

    Lénine s’est aussi vigoureusement opposé à tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, cherchaient à assimiler les intérêts du prolétariat aux intérêts de «leur propre» bourgeoisie impérialiste.

    Il s’est battu inlassablement pour une ligne de défaitisme révolutionnaire vis-à-vis des guerres impérialistes et n’a jamais cessé de porter haut l’étendard de l’internationalisme prolétarien en opposition au minable «drapeau national» de la bourgeoisie.

    Lénine a aussi montré comment les perspectives de révolution dans les pays capitalistes sont liées au développement de situations révolutionnaires qui sont rares dans ces pays, mais qui expriment d’une manière concentrée les contradictions fondamentales du capitalisme.

    Il a analysé le fait que la Deuxième Internationale avait commis une erreur en misant tout sur l’idée que l’influence socialiste allait s’accroître parmi les masses tout doucement et sans faire de remous et il affirma tout au contraire que, dans les périodes relativement «calmes», les communistes doivent se préparer en vue de l’apparition éventuelle de ces moments exceptionnels de l’histoire où il devient possible d’effectuer des transformations révolutionnaires dans ce genre de pays, et où les activités des révolutionnaires laissent une empreinte sur la société et sur le monde pour «des décennies à venir».

    Bien que Lénine se soit exprimé très clairement à ce sujet, et bien que ces questions occupent une place centrale dans l’ensemble de la théorie scientifique du socialisme, les léninistes ont bien souvent décidé de n’y prêter aucune attention.

    Des déviations économistes et des conceptions érronées de «partis de masse» dans les situations non-révolutionnaires se sont manifestées dans la politique de certains partis assez tôt dans l’histoire de la Troisième Internationale.

    Ces tendances se sont renforcées et ont fini par constituer de véritables articles de foi dans le mouvement communiste, en même temps que se sont manifestées d’autres tendances érronées et extrêmement dangereuses à s’empresser de défendre les intérêts nationaux de la bourgeoisie dans les pays impérialistes.

    Malheureusement, la rupture vis-à-vis du révisionnisme moderne dans les années 1960 a été nettement insuffisante, surtout par rapport à la question de la stratégie et de la tactique communistes dans les pays impérialistes.

    Bien que la thèse de la «voie pacifique» ait été critiquée et rejetée, et que l’analyse du fait que des soulèvements armés seraient événtuellement nécessaires ait été largement propagée, on s’est très peu efforcé de faire un bilan des origines historiques du révisionnisme dans le mouvement communiste des pays capitalistes et, en règle générale, les forces marxistes-léninistes ont axé leur activité plus sur les expériences négatives de certains partis communistes pendant les années 1930 que sur la «voie de la Révolution d’Octobre» qui avait été forgée sous la direction de Lénine.

    Dans la plupart des pays impérialistes pendant les années 1960, on a vu une fraction significative de toutes-nouvelles forces révolutionnaires virer à l’aventurisme ou au sectarisme de gauche.

    Mais, surtout à mesure que les années s’écoulaient, les nouveaux partis et organisations marxistes-léninistes-maoïstes ont généralement plutôt opté pour une ligne qui les conduisit à centrer leur travail sur les luttes des ouvriers pour leur survie quotidienne et à disputer aux révisionnistes et aux chefs de syndicats bourgeois la direction de ces luttes.

    Ce culte de «l’ouvrier moyen» et cette prédilection pour les luttes économiques n’ont pas réussi à faire grand-chose pour gagner réellement les ouvriers et pour les amener à prendre une position révolutionnaire et à entrer dans les partis marxistes-léninistes-maoïstes – mais cette politique a malheureusement eu un effet nocif sur les partis marxistes-léninistes-maoïstes eux-mêmes et sur leurs membres.

    La ligne économiste qui a prédominé dans le mouvement marxiste-léniniste-maoïste de ces pays s’est révélée être tout à l’opposé des principes révolutionnaires sur lesquels ce mouvement avait été fondé.

    Les jeunes militants, qui constituaient la grande majorité des membres de ces partis, y étaient entrés parce qu’ils voulaient apporter leur contribution au processus mondial de la révolution, parce qu’ils voulaient se battre pour le communisme.

    Leur désir d’élargir le mouvement révolutionnaire des années 1960 pour y rallier le prolétariat et de se mêler eux-mêmes aux ouvriers (qui avait certainement été inspiré en grande mesure par l’expérience des jeunes révolutionnaires de la Révolution culturelle) représentait un juste et puissant sentiment révolutionnaire, qui fut néanmoins étouffé et perverti sous l’influence de l’économisme.

    Lorsque la poussée révolutionnaire mondiale connut une période de reflux, les partis et organisations marxistes-léninistes-maoïstes ont eu tendance à filer de plus en plus vers la droite, dans l’espoir de trouver un plus large écho parmi les masses sur la base d’une ligne qui n’était pas révolutionnaire.

    Il y avait, pour les militants de ces organisations, de moins en moins de rapport entre les tâches qu’ils s’efforçaient de remplir, et la préparation d’une révolution. Cela a mené à toute sorte de déviation, à une démoralisation des militants et à un renforcement de l’opportunisme.

    Cette situation a été aggravée par la confusion dont ont fait preuve les marxistes-léninistes-maoïstes vis-à-vis de la question des «tâches nationales» (ou plus exactement, vis-à-vis de leur absence) dans les pays impérialistes.

    Nous avons déjà signalé que les polémiques du Parti Communiste Chinois comportaient des erreurs importantes par rapport à cette question, et que ces erreurs avaient été assimilées par le mouvement marxiste-léniniste-maoïste.

    Le désir, tout à fait juste et internationaliste, de se battre contre l’impérialisme des Etas-Unis (qui avait été correctement désigné le rempart principal de la réaction mondiale à l’époque) s’est mêlé de plus en plus à une politique qui menait à ce qu’on défende les intérêts de certains pays impérialistes à partir du moment ou ces intérêts se heurtaient à ceux des Etas-Unis, ou (surtout à partir du début des années 1970) à ceux de l’URSS.

    De très nombreux partis marxistes-léninistes-maoïstes ont adopté des positions de plus en plus érronées par rapport aux événements au niveau international; ces positions allaient à l’encontre de l’internationalisme et s’alignaient objectivement aux préparatifs de guerre impérialiste et à la suppression contre-révolutionnaire.

    L’on a déjà eu l’occasion de faire remarquer que certains partis marxistes-léninistes-maoïstes dans les pays impérialistes avaient adopté une ligne tout à fait sociale-chauvine bien avant le coup d’Etat en Chine en 1976.

    L’économisme et le social-chauvinisme (y compris la forme embryonnaire de la «théorie des trois mondes») sont deux erreurs graves et reliées l’une à l’autre, qui sont les principaux facteurs subjectifs ayant contribué à l’effondrement presque total du mouvement marxiste-léniniste-maoïste en Europe à la suite du coup d’Etat en Chine.

    Lorsqu’ils s’efforceront de construire et de consolider d’authentiques partis marxistes-léninistes-maoïstes dans les pays capitalistes avancés, les communistes doivent attacher beaucoup d’importance à la lutte contre l’influence qu’ont exercée ces déviations.

    Tandis que le mouvement marxiste-léniniste-maoïste dans la plupart des pays capitalistes avancés partait à la dérive, certaines fractions de jeunes révolutionnaires ont essayé de se trouver une «nouvelle idéologie» et une autre voie à suivre.

    Le fait qu’une proportion considérable des jeunes s’est vue attirée par l’anarchisme ou par d’autres formes de radicalisme petit-bourgeois est le reflet du fait qu’ils désirent réaliser des transformations révolutionnaires.

    Ces forces sont cependant incapables de jouer un rôle pleinement révolutionnaire dans la mesure où il leur manque la seule théorie qui soit entièrement révolutionnaire, le marxisme.

    Dans certains pays un petit nombre d’éléments a opté pour le terrorisme, une idéologie et une ligne politique qui ne s’appuient pas sur les masses révolutionnaires et qui n’envisagent pas correctement les moyens de renverser l’impérialisme de façon révolutionnaire.

    Bien que ces mouvements terroristes aiment prétendre qu’ils sont extrêmement «révolutionnaires», en fait ils ont le plus souvent fait assimilation de toute une série de déviations révisionnistes et réformistes, comme par exemple l’idée qu’il faudrait lutter pour la soi-disant «libération nationale» de certains pays impérialistes, défendre l’Union soviétique impérialiste, etc., etc.

    Ces mouvements partagent avec l’économisme un manque de compréhension fondamental du fait qu’il est essentiel, pour préparer la révolution, de développer le niveau de conscience politique des masses et les diriger dans des luttes politiques.

    Bien que «l’excavation» des principes fondamentaux du léninisme doive servir de point de départ à toute élaboration de ligne révolutionnaire dans les pays impérialistes, on ne peut se permettre d’en rester là.

    Les pays impérialistes d’aujourd’hui sont très différents à plusieurs égards de la Russie du début du siècle ou des autres pays impérialistes de l’époque; l’on a aussi accumulé beau-coup d’expérience (positive et négative) depuis la Révolution d’Octobre par rapport à la construction d’un mouvement révolutionnaire dans ces pays.

    Au cours de son évolution, l’impérialisme a réalisé plusieurs transformations importantes dans ces pays, dont lélimination presque totale de la paysannerie dans certains pays, une croissance rapide de nouveaux secteurs de la petite bourgeoisie, etc., etc.

    Mais la transformation la plus importante se révèle être l’immense augmentation du parasitisme des pays impérialistes (reposant sur le pillage des nations opprimées) et l’intensification de la polarisation au sein de la classe ouvrière qui l’accompagne.

    Il existe, dans les pays impérialistes, une large aristocratie ouvrière, d’assise solide et d’influence considérable, qui bénéficie de l’existence de l’impérialisme et qui ne demande pas mieux que se servir ses intérêts.

    L’impérialisme accentue la contradiction entre ces ouvriers et une large couche de la classe ouvrière (y compris l’armée de réserve de l’industrie – les chômeurs) qui sont appauvris et désirent se battre pour une transformation radicale des choses et sont enclins à se battre pour y parvenir.

    Dans les principaux pays impérialistes occidentaux, cette couche inférieure de la classe ouvrière comprend une proportion importante d’ouvriers immigrés venus des pays dominés par l’impérialisme et aussi, dans certains cas, des minorités nationales et des nations opprimées à l’intérieur même des pays impérialistes.

    C’est cette couche inférieure de la classe ouvrière qui constitue l’élément le plus important de la base sociale du parti du prolétariat dans les pays impérialistes.

    Entre ces deux couches de la classe ouvrière il y a un grand nombre d’ouvriers (parfois même la majorité) qui, même s’ils ne profitent pas de l’existence de l’impérialisme de la même façon que l’aristocratie ouvrière, ont toutefois subi l’influence d’une longue période de prospérité relative et qui ne sont pas enclins, en temps ordinaires, à faire preuve de sentiments révolutionnaires.

    Un élément important de la lutte entre d’une part, les prolétaires révolutionnaires munis d’une conscience politique de classe et dirigés par le parti marxiste-léniniste-maoïste et, d’autre part, l’aristocratie ouvrière réactionnaire et ses formes d’expression politique, sera de chercher à gagner l’allégeance des larges masses de ces ouvriers à mesure que l’aggravation de la crise les pousse à agir, surtout lorsque prendra forme une situation révolutionnaire.

    Bien qu’il ne doive pas négliger de développer une certaine activité parmi les secteurs bourgeoisifiés de la classe ouvrière, le parti marxiste-léniniste dans les pays impérialistes doit centrer son activité principalement parmi les couches des ouvriers qui ont le plus de potentiel révolutionnaire.

    L’on ne peut pas construire un mouvement révolutionnaire et le conduire à la victoire si l’on ne prête pas attention aux luttes des masses de la classe ouvrière et d’autres couches sociales pour leur survie quotidienne.

    Tout en évitant de centrer son attention ou celle des masses sur ce genre de luttes, et tout en évitant d’y gaspiller ses propres forces et énergies ou celles des masses, le parti ne doit pas manquer de faire preuve d’une certaine activité par rapport à ces luttes.

    Si l’on dirige des luttes économiques cela ne veut pas dire qu’on fait preuve d’économisme.

    Le parti prolétarien doit sérieusement tenir compte de ces luttes, surtout là où il existent des possibilités que ces luttes dépassent le cadre des limites conventionnelles.

    Cela signifie qu’il faut développer une activité par rapport à ces luttes qui soit telle qu’elle facilite le passage des masses à une prise de position révolutionnaire, surtout lorsque les conditions seront mûres pour une révolution.

    Le parti marxiste-léniniste-maoïste doit s’efforcer de mettre en oeuvre la directive de Lénine: faire des usines des forteresses du communisme. Cela est important non seulement du point de vue de la préparation politique de la révolution, mais aussi du point de vue de tout ce que cela implique pour l’insurrection armée du prolétariat.

    Si les partis marxistes-léninistes-maoïstes des pays impérialistes ne réussissent pas à plonger des racines profondes parmi les masses révolutionnaires à travers l’élaboration et la mise en oeuvre d’une ligne de masse révolutionnaire, ils auront beaucoup de mal a profiter de l’apparition de situations révolutionnaires.

    Ici la tactique et le style de travail élaborés par le parti bolshévique et que Lénine a décrits et analysés continuent à nous servir de modèle de base.

    Cependant, pour mettre en oeuvre une ligne de masse et un style de travail révolutionnaires, les marxistes-léninistes-maoïstes des pays impérialistes doivent rejeter les schémas conventionnels qui prétendent prescrire les seules façons «correctes» de lutter et de s’organiser, de même que toutes les formules dogmatiques en général; ils doivent faire une analyse des particularités propres à l’impérialisme contemporain et examiner de près la nature des luttes dans lesquelles les masses sont engagées; et ils doivent s’efforcer de trouver de nouveaux terrains se prêtant à la pratique révolutionnaire et développer de nouvelles formes de lutte et d’organisation des masses.

    Pour reprendre la vive évocation de Lénine: le communiste «ne doit pas avoir pour idéal le secrétaire de trade-union, mais le tribun populaire».

    Tout en se basant principalement sur les couches du prolétariat qui ont le plus de potentiel révolutionnaire, le parti marxiste-léniniste-maoïste doit s’efforcer de développer une certaine activité révolutionnaire dans d’autres couches de la société, y compris parmi certains éléments de la petite-bourgeoisie.

    Un autre facteur qui risque d’être très favorable à la révolution prolétarienne dans bon nombre de pays impérialistes est le fait que ces monstres impérialistes recèlent, au plus profond d’eux-mêmes, des minorités nationales et des nations opprimées.

    L’on a déjà noté le fait qu’un nombre important de prolétaires de ces nationalités y constituent souvent une fraction importante de la seule et unique classe multinationale qu’est le prolétariat.

    En outre la question nationale se pose plus largement, s’étendant à d’autres classes et couches de ces nationalités opprimées.

    De telles situations ont souvent mené à ce qu’éclatent des luttes nationales très aiguës à l’intérieur même de ces pays impérialistes; si les partis prolétariens dans ces pays (qui doivent appuyer ces luttes et défendre le droit à l’autodétermination là où la question se pose) traitent ces questions correctement, ces luttes peuvent jouer un rôle important dans la lutte pour le renversement de l’Etat impérialiste.

    Dans les pays de l’Europe de l’Est les marxistes-léninistes-maoïstes ont pour tâche d’élaborer une stratégie et des mesures tactiques correctes pour pouvoir faire une révolution socialiste, en tenant compte de la domination du social-impérialisme soviétique et des tâches concrètes que cela implique, mais sans pour cela minimiser ou perdre de vue la tâche centrale qui est de renverser le pouvoir d’Etat de leur propre bourgeoisie bureaucratique.

    L’évolution de la situation actuelle dans le sens d’une guerre mondiale, et les dangers et occasions révolutionnaires que cela entraîne, exigent que les partis marxistes-léninistes-maoïstes dans les pays impérialistes attachent une grand importance à la question de la guerre mondiale et de la révolution.

    Le parti marxiste-léniniste-maoïste doit démasquer les préparatifs de guerre des impérialistes en s’efforçant de révéler tout particulièrement les intérêts et les machinations de «sa propre» classe dirigeante impérialiste.

    Le parti doit démontrer aux masses qu’une telle guerre découle de la nature même de l’exploitation capitaliste, qu’elle représente une continuation de l’économie et de la politique impérialistes, et que seule l’avancée de la révolution mondiale peut empêcher la guerre qu’ils préparent et s’attaquer aux causes profondes de cette guerre.

    Les communistes doivent constamment lutter contre toutes les initiatives de ceux qui cherchent à assimiler les intérêts du prolétariat à ceux de la bourgeoisie impérialiste, et ils doivent apprendre aux prolétaires munis d’une conscience politique de classe et à d’autres éléments à reconnaître que le drapeau national appartient à l’impérialisme et baigne dans le sang.

    Les communistes doivent amener les masses à soutenir la lutte anti-impérialiste des peuples et nations opprimés même lorsque ces luttes ne sont pas sous la direction de marxistes-léninistes-maoïstes.

    Le parti doit chercher régulièrement et de façon concrète à former le prolétariat dans l’esprit de l’internationalisme.

    L’acuité croissante de la menace d’une guerre mondiale se fait àujourd’hui ressentir de façon pressante parmi les masses des pays impérialistes, et les communistes doivent beaucoup prêter attention aux mouvements de masses contre les préparatifs de guerre et tout faire pour répondre aux questions que soulèvent ces mouvements.

    Le parti marxiste-léniniste-maoïste doit prêter son appui aux éléments révolutionnaires dans ces mouvements et s’efforcer de les rallier au parti.

    Le parti doit s’unir aux sentiments des masses qui sont contre la guerre, en même temps qu’il s’efforce de combattre l’idée illusoire qu’un quelconque «mouvement pour la paix» pourrait empêcher la guerre impérialiste et lutter tout particulièrement contre les perspectives nationalistes et chauvines qui seraient pour sacrifier le reste du monde si cela pouvait éviter qu’une quelconque nation impérialiste soit dévastée par la guerre.

    Tout en cherchant à s’unir aux masses dans la lutte contre les préparatifs de guerre impérialiste, le parti marxiste-léniniste-maoïste dans les pays impérialistes ne doit pas prôner ou appuyer les revendications qui réclament l’établissement de «zones non-nucléaires», les notions illusoires concernant l’abolition des blocs impérialistes, etc., etc.

    Même dans les pays de moindre poids qui ne disposent pas d’armes nucléaires, les communistes doivent constamment s’efforcer de faire comprendre aux masses que l’impérialisme engendre des guerres mondiales, que toutes les classes impérialistes au pouvoir ont leur part de responsabilité dans la préparation de ce crime contre l’humanité, et que la seule solution réelle c’est de faire la révolution, plutôt que de s’efforcer d’obtenir que certains pays restent «neutres», une initiative qui n’a pas de fondement dans la réalité et qui, en fin de compte, est une initiative réactionnaire.

    Le parti marxiste-léniniste-maoïste doit se préparer et préparer le prolétariat révolutionnaire de façon à ce que – si la révolution n’arrive pas à empêcher une guerre mondiale – le parti soit en mesure de: profiter de l’affaiblissement des impérialistes; pousser plus loin encore les sentiments de haine qu’inspirera très certainement, et très largement, cette guerre, et les retourner contre les impérialistes eux-mêmes; et de transformer la guerre impérialiste en une guerre civile.

    Les marxistes-léninistes-maoïstes de tous les pays impérialistes doivent adopter une politique de défaitisme révolutionnaire.

    Dans les pays impérialistes la presse communiste joue un rôle particulièrement important vis-à-vis de la préparation de la révolution prolétarienne.

    Il faut développer la presse de façon à ce qu’elle soit un organe collectif pour la propagande, l’agitation et l’organisation du parti.

    Les marxistes-léninistes-maoïstes dans les pays capitalistes avancés ont pour tâche de continuer à combattre l’influence perfide du révisionnisme et du réformisme dans leurs propres rangs.

    Ici la question essentielle est de continuer à se battre pour les principes élaborés par Lénine dans la préparation et dans la réalisation de la Révolution d’Octobre qui se fit sous sa direction.

    En même temps les marxistes-léninistes-maoïstes doivent: faire un bilan de l’expérience du passé; combattre le dogmatisme; être fermes en matière de principe et souples en matière de tactique; et entreprendre de faire une analyse scientifique des transformations qui ont eu lieu dans les pays impérialistes au cours de ces dernières dizaines d’années et du développement de la stratégie révolutionnaire que ces transformations peuvent rendre nécessaires.

    Pour l’Unité des Marxistes-Léninistes-Maoïstes en matière d’Idéologie, de Politique, et d’Organisation

    Le mouvement communiste est, et ne peut qu’être, un mouvement international.

    En effet, en lançant le socialisme scientifique le Manifeste Communiste déclarait déjà: «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!».

    Avec le succès de la Révolution d’Octobre, la formation de l’Internationale communiste et la diffusion subséquente du marxisme-léninisme aux quatres coins du globe, l’unité internationale de la classe ouvrière revêt une signification encore plus profonde.

    Aujourd’hui, dans le cadre de la crise profonde qui sévit dans les rangs marxistes-léninistes, l’on ressent de façon pressante la nécessité d’unité internationale et la nécessité d’une nouvelle organisation internationale.

    En s’efforçant de s’organiser à l’échelle mondiale, le prolétariat international a accumulé une expérience à la fois positive et négative.

    L’idée d’un seul parti mondial, et la centralisation excessive du Komintern qui en résulta, doivent faire l’objet d’une analyse afin que l’on puisse tirer des leçons pertinentes à propos de cette période, tout comme par rapport aux succés de la Première, de la Deuxième et de la Troisième Internationale.

    Il faut aussi examiner de près la réaction exagérée du Parti Communiste Chinois devant les aspects négatifs du Komintern qui les conduit à refuser de prendre sur eux la responsabilité qui s’imposait de diriger la construction de l’unité des forces marxistes-léninistes sur le plan de l’organisation à l’échelle internationale.

    A ce moment critique de l’histoire mondiale, le prolétariat international doit relever le défi et entreprendre de se constituer une organisation, une Internationale de type nouveau, avec comme fondement théorique le marxisme-léninisme-maoïsme, qui fasse assimilation des précieuses expériences du passé.

    Et cet objectif doit être proclamé bien haut devant le prolétariat international et les opprimés du monde entier, avec la même audace révolutionnaire dont ont fait preuve nos prédécesseurs, dès Communards de Paris jusqu’aux rebelles prolétaires de Changhai, qui ont osé prendre le ciel d’assaut et qui résolurent de réussir «l’impossible» – bâtir un monde communiste.

    Le processus d’édification d’une telle organisation sera très probablement un processus à caractère prolongé.

    A cet égard, la tâche la plus cruciale pour les marxistes-léninistes est d’établir une ligne générale et une forme d’organisation correcte et viable en conformité avec la réalité complexe du monde d’aujourd’hui et avec les occasions que cela présente.

    Cette nouvelle Internationale aura pour fonction de continuer à établir et à approfondir le bilan des expériences vécues, de développer plus encore la ligne générale sur laquelle elle se fonde, et de servir de centre politique qui puisse fournir une direction d’ensemble.

    Ces tâches exigent une forme de centralisme démocratique fondé sur l’unité idéologique et politique des marxistes-léninistes.

    Mais cela ne peut pas fonctionner de la même façon que dans un parti dans un pays particulier puisque cette organisation internationale sera constituée de partis différents qui seront à pied d’égalité et qui auront la responsabilité de diriger la révolution dans chaque pays particulier, dans le sens que chaque parti aura sa part de participation à apporter à la préparation et à l’accélération de la révolution mondiale.

    Etant donné le niveau d’unité idéologique et politique et de maturité auxquels les partis et organisations marxistes-léninistes sont parvenus lors de la Deuxième Conférence, ces partis et organisations doivent mettre en oeuvre certaines mesures pratiques qui jetteront des bases pour la réalisation des tâches plus élevées mentionnées ci-dessus:

    1. Une revue internationale doit être développée de façon à constituer un outil essentiel pour la reconstruction du mouvement communiste international.

    Cette revue doit être à la fois un véhicule de diffusion d’analyses et de commentaires politiques, et aussi un forum où l’on puisse débattre les questions qui se posent dans le mouvement international.

    Cette revue doit être traduite en le plus grand nombre possible de langues, et doit être diffusée de manière active dans les rangs des partis marxistes-léninistes et parmi d’autres forces révolutionnaires. Les partis marxistes-léninistes doivent entreprendre de correspondre régulièrement avec la revue et y contribuer des articles et critiques.

    2. Le mouvement communiste international a pour tâche collective d’aider à former de nouveaux partis marxistes-léninistes et de renforcer ceux qui existent déjà.

    Il faut trouver les moyens d’assurer que le mouvement international dans son ensemble puisse aider les marxistes-léninistes dans les différents pays à remplir cette tâche essentielle.

    3. Les partis et organisations marxistes-léninistes doivent entreprendre des campagnes communes et coordonnées. Les activités du Premier Mai doivent être réalisées à partir des mots d’ordre unifiés.

    4. Les différents partis et organisations marxistes-léninistes doivent mettre en oeuvre la ligne politique et les mesures qui ont été adoptées par les Conférences Internationales et auxquelles ces partis ont adhéré, tout en continuant à lutter avec intégrité et sur un plan élevé sur les questions où il existe des divergences.

    5. Tous les partis et organisations marxistes-léninistes doivent, dans la mesure de leurs capacités, participer à la pratique et au financement des tâches à entreprendre pour accroître davantage l’unité des communistes.

    6. Un comité intérimaire – un centre politique à l’état embryonnaire – doit être constitué afin de fournir une direction d’ensemble au processus d’édification de l’unité des communistes en matière d’idéologie, de politique et d’organisation, y compris à travers la préparation d’un projet de texte sur une ligne générale du mouvement communiste.

    La constitution du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste, sur la base de l’unité idéologique et politique plus avancée qu’ont atteint les marxistes-léninistes à travers un processus de luttes menées avec intégrité et sur un plan élevé représente un pas en avant extrêmement important pour le mouvement communiste international.

    Mais il est toujours évident qu’il va falloir se battre contre la montre pour rattraper notre retard vis-à-vis de l’évolution rapide des conditions objectives à l’échelle mondiale. La lutte révolutionnaire des masses populaires de tous les pays réclame une direction révolutionnaire véritable.

    Les authentiques marxistes-léninistes dans les pays particuliers et à l’échelle internationale ont la responsabilité de leur fournir cette direction en même temps qu’ils continuent à lutter pour consolider et accroître leur niveau d’unité.

    De cette façon une ligne idéologique et politique juste pourra faire apparaître de nouveaux soldats et constituera dans le monde une force matérielle de plus en plus puissante.

    Les mots du Manifeste Communiste sonnent encore plus fort aujourd’hui: «Les prolétaires n’ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner».

    Mars, 1984 (-1993)

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