On sait aujourd’hui que la transformation de plantes en alcool, par le processus élémentaire de la fermentation, c’est-à-dire de pré-digestion de substances végétales, ou de lait animal, par des micro-organismes dans un récipient hermétique, a commencé de fait au moins dès la fin du Paléolithique.
La plus ancienne trace de production d’alcool connue a ainsi été découverte dans une caverne au sud de Haïfa, sur un site datant de 11 000 ans, autour d’une nécropole de chasseurs-cueilleurs semi-sédentaires appelés les « Natoufiens » par les chercheurs.
À mesure même que l’Humanité améliorait son alimentation, et dialectiquement ses capacités de compréhension et de production de celle-ci, elle a ainsi acquis la capacité à produire des aliments et des boissons lui permettant de domestiquer l’hallucination.
Ce processus en lui-même a été complètement symétrique et intégré à celui de la domestication des céréales, des plantes et des animaux.
Dès le néolithique, les quatre types de boissons fermentés (bières, vins, hydromels, laits fermentés) étaient acquis, et cela partout dans le monde selon les types d’aliments disponibles (riz, sorgho, teff, igname, taro, maïs…), sans même parler des autres plantes ou champignons hallucinogène, laissant de manière prolongée comme marque cette idée reçue que l’Humanité aurait toujours consommé des drogues.
Partout aussi, la domestication de ces substances, de l’alcool ou des plantes hallucinogènes ou narcotiques, a entraîné le développement d’une culture ritualisée puis à proprement parler religieuse, à mesure que se systématisaient les pratiques, comme pour l’ensemble même du processus de domestication propre au développement du mode de production esclavagiste.
Et plus on avance dans la maîtrise de l’agriculture et de la domestication des animaux, plus le culte des hallucinations disparaît. D’une quête individuelle on passe à l’instauration d’une caste chamanique, puis à la négation de l’hallucination.
Il y a ici une question essentielle à analyser. On peut dire, déjà, que lorsque les forces productives sont suffisamment développées dans une zone en particulier, le culte magique – animiste est amené à s’effondrer tel un château de cartes pour être immédiatement remplacé par le monothéisme.
On a cherché dans l’émergence du monothéisme une raison qualitative, et c’est pourquoi on a tenté de la rattacher à la mise en place d’une période donnée suffisamment marquante, comme le moyen-âge, ou bien la naissance d’un empire, la suite d’une conquête, etc.
En réalité, l’émergence du monothéisme obéit à une réalité quantitative. Lorsque la physiologie passe un cap, où les hallucinations disparaissent au niveau des masses, il y a d’abord une phase de fétichisme de ces hallucinations, qui sont alors recherchées de manière artificielle par des individus faisant office de sorciers : c’est le « chamanisme ».
Le chamanisme est un fétichisme historique du retard nutritionnel, propre à une société humaine encore relativement éparpillée. Puis, lorsqu’il y a centralisation et dans la foulée un renforcement des forces productives, tout cela cède la place au monothéisme.
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