Mai 1938
I. Pourquoi posons-nous les problèmes
stratégiques de la guerre de partisans ?
Dans la Guerre de Résistance contre
le Japon, la guerre régulière joue le rôle principal, et la guerre
de partisans un rôle auxiliaire. Nous avons déjà résolu
correctement ce problème. Dès lors, seuls des problèmes tactiques
semblent se poser dans la guerre de partisans ; pourquoi
posons-nous donc aussi les problèmes de stratégie ?
Si la Chine était un petit pays, où le rôle des
opérations de partisans se réduit à appuyer, directement et à
courte distance, les opérations des troupes régulières au cours
des campagnes, évidemment il ne se poserait que des problèmes
tactiques, et il ne serait aucunement question de stratégie.
D’un autre côté, si la Chine était un pays
aussi puissant que l’Union soviétique, de sorte que tout
envahisseur pourrait en être chassé rapidement ou qu’il ne serait
pas en mesure d’y occuper un vaste territoire même s’il y
restait plus longtemps, les opérations de partisans ne joueraient
également qu’un rôle d’appui au cours des campagnes, et il est
évident que seuls des problèmes tactiques se poseraient, et qu’il
ne serait pas question de stratégie.
Cependant, les circonstances
suivantes font que des problèmes stratégiques se posent dans la
guerre de partisans : la Chine n’est pas un petit pays, elle
n’est pas non plus un pays comme l’Union soviétique ; la
Chine est un pays grand, mais faible. Ce pays grand mais faible est
attaqué par un autre pays, petit, mais fort ; cependant, il
connaît actuellement une époque de progrès : là est toute la
question.
En raison de cette situation, notre
ennemi a pu occuper un territoire très vaste, et la guerre a pris le
caractère d’une guerre de longue durée.
Le territoire envahi par l’ennemi
dans notre grand pays est très vaste, mais du fait que nous avons
pour ennemi un petit pays qui n’a pas de forces armées suffisantes
et que, dans le territoire qu’il a envahi, beaucoup de régions
échappent à son contrôle, la guerre de partisans antijaponaise
consistera essentiellement non pas en des opérations à l’intérieur
des lignes pour appuyer les opérations de campagne de l’armée
régulière, mais en des opérations indépendantes, à l’extérieur
des lignes.
En outre, du fait que la Chine
connaît une époque de progrès, c’est-à-dire qu’il existe en
Chine une puissante armée et de larges masses populaires dirigées
par le Parti communiste, la guerre de partisans antijaponaise sera
une guerre non pas de petite, mais de grande envergure. De là naît
tout un ensemble de problèmes tels que la défense stratégique et
l’attaque stratégique.
Comme la guerre sera longue et par conséquent
acharnée, la guerre de partisans doit accomplir un grand nombre de
tâches inhabituelles ; ainsi se posent également les problèmes
des bases d’appui, du passage de la guerre de partisans à la
guerre de mouvement, etc.
Il en résulte que la guerre de
partisans antijaponaise en Chine sort du cadre de la tactique et
frappe à la porte de la stratégie ; ainsi, l’examen de la
question de la guerre de partisans sous l’angle de la stratégie
s’avère indispensable.
Il est à noter en particulier qu’une guerre de
partisans aussi étendue et d’aussi longue durée est quelque chose
de fort nouveau dans toute l’histoire des guerres, quelque chose
qu’on ne saurait séparer de l’époque où nous vivons ? les
années 30 et 40 du XXe siècle ? ni de l’existence du Parti
communiste et de l’Armée rouge.
Là est le nœud de la question. Sans
doute, notre ennemi caresse encore de beaux rêves en se comparant
aux Mongols qui avaient asservi la Chine au temps de la dynastie des
Song, aux Mandchous qui avaient assujetti la Chine des Ming, aux
Anglais qui avaient pris l’Amérique du Nord et l’Inde, aux
conquérants des pays latins qui avaient occupé l’Amérique
centrale et l’Amérique du Sud, etc.
De tels rêves n’ont plus de valeur
pratique dans la Chine d’aujourd’hui, car elle présente certains
facteurs qui n’existaient pas lors des événements historiques
qu’on vient d’évoquer. L’un de ces facteurs est cette guerre
de partisans, qui constitue un fait fort nouveau. Si notre ennemi
néglige ce facteur, il le paiera cher. C’est la raison pour
laquelle les opérations de partisans antijaponaises doivent être
examinées sous l’angle de la stratégie, bien qu’elles ne jouent
qu’un rôle auxiliaire dans l’ensemble de la Guerre de
Résistance.
Alors, pourquoi n’appliquerait-on
pas aux opérations de partisans les principes stratégiques généraux
de la Guerre de Résistance ?
Les problèmes stratégiques de la
guerre de partisans antijaponaise sont certes étroitement liés aux
problèmes stratégiques de la Guerre de Résistance dans son
ensemble et ont avec eux beaucoup de points communs ; mais, d’un
autre côté, la guerre de partisans se distingue de la guerre
régulière, elle a ses particularités.
C’est pourquoi la stratégie de la
guerre de partisans possède, elle aussi, un grand nombre de
caractères spécifiques. On ne peut donc pas transposer tels quels
les principes stratégiques généraux de la Guerre de Résistance
dans la guerre de partisans du fait des particularités qu’elle
comporte.
II. Le principe fondamental de la guerre :
Conserver ses forces et anéantir celles de l’ennemi
Avant de parler concrètement de la
stratégie de la guerre de partisans, il faut s’arrêter à la
question fondamentale de la guerre en général.
Les règles de l’action militaire
découlent toutes d’un seul principe fondamental : s’efforcer
de conserver ses forces et d’anéantir celles de l’ennemi. Dans
une guerre révolutionnaire, ce principe est directement lié au
principe politique fondamental de la guerre.
Par exemple, le principe politique fondamental de
la Guerre de Résistance de la Chine contre le Japon, c’est-à-dire
le but politique de cette guerre, est de chasser les impérialistes
japonais et de créer une Chine nouvelle, indépendante, libre et
heureuse. Cela signifie, sur le plan militaire, défendre la patrie
par les armes et chasser les bandits japonais. Pour atteindre ce but,
les armées doivent, dans leurs opérations, faire tout leur possible
pour conserver leurs forces et anéantir les forces de l’ennemi.
Mais alors, comment expliquer
l’honneur que l’on attache au sacrifice héroïque dans la
guerre ? Chaque guerre demande des sacrifices, parfois même des
sacrifices énormes. Cela ne serait-il pas en contradiction avec le
principe de la conservation des forces ?
En réalité, il n’y a là aucune
contradiction ; ce sont, plus exactement, deux aspects
contradictoires qui se conditionnent l’un l’autre. C’est que
les sacrifices sont indispensables non seulement pour anéantir les
forces de l’ennemi, mais aussi pour conserver les siennes propres ;
ce renoncement partiel et temporaire à conserver ses forces (les
sacrifices, ou, en d’autres termes, le prix à payer) est
précisément indispensable pour conserver définitivement l’ensemble
des forces.
Du principe fondamental exposé ci-dessus découle
toute la série des règles nécessaires à la conduite des
opérations militaires, à commencer par celles du tir (se couvrir
soi-même et exploiter sa puissance de feu : l’un pour
conserver ses forces, l’autre pour anéantir les forces de
l’ennemi), et jusqu’à celles de la stratégie, toutes sont
inspirées de ce principe fondamental, et toutes sont destinées à
en permettre la réalisation, qu’elles se rapportent à la
technique militaire, à la tactique, aux campagnes ou à la
stratégie.
Conserver ses forces et anéantir
celles de l’ennemi, tel est le principe fondamental de toutes les
règles de la guerre.
III. Six problèmes stratégiques
spécifiques de la guerre de partisans contre le Japon
Examinons maintenant quelles lignes
de conduite ou quels principes nous devons adopter dans les
opérations de la guerre de partisans antijaponaise pour conserver
nos forces et anéantir celles de l’ennemi.
Généralement, dans la Guerre de
Résistance (comme d’ailleurs dans toute guerre révolutionnaire),
les détachements de partisans se créent à partir de rien et, d’une
petite force, se transforment en une grande ; ils doivent donc
non seulement conserver leurs forces mais encore les accroître.
La question se pose par conséquent
ainsi : sur quelles lignes de conduite ou sur quels principes
faut-il nous appuyer pour arriver à conserver ou à accroître nos
forces et à anéantir les forces de l’ennemi ? Voici quelles
sont, en termes généraux, les principales de ces lignes de
conduite :
1. Initiative, souplesse et plan dans la conduite
des opérations offensives au cours d’une guerre défensive, des
opérations de décision rapide au cours d’une guerre de longue
durée et des opérations à l’extérieur des lignes au cours de la
guerre à l’intérieur des lignes ;
2. Coordination avec la guerre régulière ;
3. Création de bases d’appui ;
4. Défense stratégique et attaque stratégique ;
5. Passage de la guerre de partisans à la guerre
de mouvement ;
6. Etablissement de rapports justes dans le
commandement.
Ces lignes de conduite constituent
tout le programme stratégique de la guerre de partisans
antijaponaise et la voie nécessaire pour conserver et accroître nos
forces, détruire et chasser les forces ennemies, coordonner la
guerre de partisans avec la guerre régulière, et remporter la
victoire finale.
IV. Initiative, souplesse et plan dans la
conduite des opérations offensives au cours d’une guerre
défensive, des opérations de décision rapide au cours d’une
guerre de longue durée et des opérations à l’extérieur des
lignes au cours de la guerre à l’intérieur des lignes
Ce chapitre se subdivise en quatre
parties : 1) la liaison entre la défensive et l’offensive,
entre la guerre de longue durée et les opérations de décision
rapide, entre les opérations à l’intérieur des lignes et les
opérations à l’extérieur des lignes ; 2) l’initiative
dans toute action militaire ; 3) la souplesse dans l’utilisation
des forces ; 4) l’établissement d’un plan pour chaque
opération.
Voyons le premier point.
Dans la mesure où le Japon est un
pays puissant et mène l’offensive, et où nous-mêmes sommes un
pays faible et sommes sur la défensive, l’ensemble de la Guerre de
Résistance se définit du point de vue stratégique comme une guerre
défensive et de longue durée. A considérer les lignes où se
déroulent les opérations, l’ennemi opère à l’extérieur des
lignes et nous à l’intérieur des lignes. C’est là un aspect de
la question.
Mais il y en a un autre, exactement
contraire. Bien que l’armée ennemie soit forte (du point de vue de
son armement, de certaines qualités de ses effectifs et de certains
autres facteurs), elle est numériquement faible ; bien que
notre armée soit faible (également du point de vue de son armement,
de certaines qualités de ses effectifs et de certains autres
facteurs), elle est numériquement très forte ; en outre, il
faut tenir compte du fait que l’ennemi, qui envahit notre pays,
appartient à une nation étrangère, tandis que nous résistons à
l’agression étrangère sur notre propre sol.
Tout cela détermine la ligne
stratégique suivante : tout en appliquant la stratégie de la
guerre défensive, on peut et on doit entreprendre des campagnes et
des combats offensifs ; en appliquant la stratégie de la guerre
de longue durée, on peut et on doit entreprendre des campagnes et
des combats de décision rapide ; et en appliquant la stratégie
de la guerre à l’intérieur des lignes, on peut et on doit
entreprendre, dans les campagnes et les combats, des opérations à
l’extérieur des lignes.
Telle est la ligne stratégique qui
doit être appliquée durant toute la Guerre de Résistance. Cela est
valable aussi bien pour la guerre régulière que pour la guerre de
partisans. La seule différence en ce qui concerne la guerre de
partisans se trouve dans le degré et la forme de réalisation.
Dans la guerre de partisans, les opérations
offensives prennent généralement la forme d’attaques par
surprise. Dans la guerre régulière, bien qu’on doive et qu’on
puisse entreprendre aussi des attaques par surprise, on n’arrive à
surprendre l’ennemi qu’à un degré moindre.
La guerre de partisans exige, dans une très
grande mesure, une décision rapide ; cependant, le rayon de
l’encerclement dans lequel les partisans saisissent l’ennemi au
cours des campagnes et des combats à l’extérieur des lignes est
restreint. Tout cela distingue les opérations des partisans des
opérations régulières.
II en découle que, dans leurs
opérations, les détachements de partisans doivent concentrer autant
de forces que possible, agir en secret et avec la rapidité de
l’éclair, exécuter contre l’ennemi des raids inattendus et
obtenir une décision rapide des combats ; il faut éviter par
tous les moyens de rester passif dans la défensive et de prolonger
les combats, et il faut se garder d’éparpiller ses forces au
moment d’engager une action.
Bien entendu, dans la guerre de partisans, on a
recours à la défensive non seulement sur le plan stratégique mais
aussi sur le plan tactique ; la fixation de l’ennemi et les
opérations de protection dans les combats, l’organisation de la
défense dans les défilés, dans les lieux d’accès difficile, le
long des cours d’eau et dans les agglomérations rurales pour user
et épuiser l’ennemi, les opérations de couverture en cas de
retraite, etc. sont autant d’éléments de la défense tactique
dans la guerre de partisans.
Mais l’orientation essentielle doit y être
l’offensive, c’est une guerre d’un caractère offensif plus
marqué que la guerre régulière. En outre, l’offensive des
partisans doit prendre la forme d’attaques par surprise ; ici
plus encore que dans la guerre régulière, il est inadmissible de se
trahir par des fanfaronnades bruyantes.
Bien qu’il y ait des cas, dans la guerre de
partisans, où les combats se prolongent pendant plusieurs jours, par
exemple lors d’une attaque contre un ennemi peu nombreux, isolé et
privé d’aide extérieure, on doit, en règle générale, y
rechercher plus encore que dans la guerre régulière la conclusion
rapide des combats, ce qui est imposé par le fait même que l’ennemi
est fort et que nous sommes faibles.
La guerre de partisans, par sa nature
même, se fait avec des forces dispersées, ce qui donne à ses
opérations un caractère d’ubiquité. En outre, une série
d’autres tâches qui lui sont dévolues, celles de harceler
l’ennemi, de l’immobiliser, d’exécuter des sabotages et
d’effectuer le travail de masse, exigent la dispersion des forces.
Cependant, les détachements et les corps de partisans doivent
concentrer leurs forces principales lorsqu’ils se donnent pour
tâche d’anéantir les forces de l’ennemi et surtout lorsqu’ils
s’efforcent de briser l’offensive de l’ennemi. « Concentrer
de grandes forces pour battre de petites unités de l’ennemi »
demeure l’un des principes des opérations militaires dans la
guerre de partisans.
Il en découle également, du point de vue de la
Guerre de Résistance dans son ensemble, que l’on ne peut atteindre
les buts de la défensive stratégique et parvenir à la victoire
définitive sur l’impérialisme japonais que par l’accumulation
d’un grand nombre de campagnes et de combats offensifs tant dans la
guerre régulière que dans la guerre de partisans, c’est-à-dire
en remportant un grand nombre de victoires dans ces opérations
offensives.
Ce n’est qu’en livrant un grand nombre de
combats rapides, c’est-à-dire en remportant des succès dans des
opérations de décision rapide au cours des campagnes et des combats
offensifs, que l’on peut atteindre les buts stratégiques de cette
guerre prolongée : d’une part, gagner du temps pour accroître
notre capacité de résistance, d’autre part, attendre, tout en
hâtant leur venue, des changements dans la situation internationale
et l’effondrement interne de l’ennemi pour passer à la
contre-offensive stratégique et chasser les bandits japonais hors de
Chine.
Il faut concentrer des forces
supérieures dans chaque combat et engager, aussi bien dans la
période de la défensive stratégique que dans la période de la
contre-offensive stratégique, des opérations à l’extérieur des
lignes dans chaque campagne ou combat pour encercler l’ennemi et
l’anéantir ; s’il n’est pas possible d’encercler toutes
ses forces, il faut en encercler une partie ; s’il n’est pas
possible d’anéantir complètement les forces encerclées, il faut
en anéantir une partie ; enfin, s’il est impossible de faire
prisonnières en masse ces troupes encerclées, il faut infliger à
l’ennemi les plus grandes pertes possibles en tués et en blessés.
C’est seulement en livrant un grand
nombre de ces combats d’anéantissement que nous pourrons changer
la situation en notre faveur, rompre définitivement l’encerclement
stratégique, c’est-à-dire ruiner le plan de l’ennemi qui
voulait se battre à l’extérieur des lignes, et, finalement,
joignant nos efforts à l’action des forces internationales et à
la lutte révolutionnaire du peuple japonais, tomber de tous les
côtés sur l’impérialisme japonais et lui donner le coup de
grâce.
Ces résultats, nous les obtiendrons
surtout par les opérations régulières, tandis que les opérations
de partisans auront à jouer un rôle moins important. Les unes et
les autres ont toutefois ceci de commun qu’il faudra accumuler de
nombreuses petites victoires pour en faire une grande victoire. C’est
dans ce sens que nous parlons du grand rôle stratégique de la
guerre de partisans dans tout le cours de la Guerre de Résistance.
Passons maintenant aux problèmes de
l’initiative, de la souplesse et du plan dans la guerre de
partisans.
Qu’est-ce que l’initiative dans
la guerre de partisans ? Dans toute guerre, les parties
belligérantes s’efforcent par tous les moyens de conquérir
l’initiative, que ce soit sur le champ de bataille, dans un théâtre
d’opérations, dans une zone de guerre ou même au cours de toute
la guerre, car initiative signifie liberté d’action pour une
armée.
Quand une armée a perdu l’initiative
et se trouve acculée à la passivité, elle est privée de la
liberté d’action et s’expose à être défaite ou anéantie. Sur
le plan stratégique, il est évidemment plus difficile de prendre
l’initiative dans la guerre défensive et les opérations à
l’intérieur des lignes que dans la guerre offensive et les
opérations à l’extérieur des lignes. Cependant, l’impérialisme
japonais présente deux points faibles principaux :
premièrement, ses forces armées ont des effectifs insuffisants et,
deuxièmement, il fait la guerre en terre étrangère.
En outre, la sous-estimation des
forces de la Chine et les contradictions à l’intérieur du camp
des militaristes japonais ont conduit le commandement japonais à
commettre toute une série d’erreurs telles que de n’avoir accru
ses effectifs que petit à petit, d’avoir manqué de coordination
stratégique, de ne plus avoir, à certains moments, de direction
d’attaque principale, d’avoir laissé passer le moment propice
pour certaines opérations et de n’avoir pas su anéantir les
troupes encerclées, ce qui peut, dans son ensemble, être considéré
comme le troisième point faible de l’ennemi.
Ainsi, les militaristes japonais, en
dépit de l’avantage qu’ils ont de faire une guerre offensive et
d’opérer à l’extérieur des lignes, perdent l’initiative un
peu plus chaque jour, parce que leurs effectifs sont insuffisants (le
Japon est un petit pays, sa population est peu nombreuse et ses
ressources insuffisantes, c’est un pays impérialiste féodal,
etc.), parce qu’ils font la guerre en terre étrangère (et une
guerre impérialiste, donc barbare) et parce qu’ils commettent des
maladresses dans le commandement.
Actuellement, le Japon ne veut pas
encore terminer la guerre et ne le peut pas. Il n’a pas arrêté
son offensive stratégique, mais la situation générale lui interdit
de dépasser certaines limites ; c’est la conséquence logique
de ses trois points faibles. Avaler toute la Chine est au-dessus de
ses forces.
Le jour viendra où le Japon perdra
complètement l’initiative ; déjà on en perçoit les
premiers signes. D’un autre côté, la Chine se trouvait, au début
de la guerre, dans une position plutôt passive ; mais
maintenant qu’elle a accumulé de l’expérience, elle commence à
s’engager dans une voie nouvelle, celle de la guerre de mouvement,
c’est-à-dire des opérations offensives, des opérations de
décision rapide et des opérations à l’extérieur des lignes dans
les campagnes et les combats, ce qui, avec la ligne de conduite de
développer partout la guerre de partisans, fait passer
progressivement l’initiative de son côté.
Dans la guerre de partisans, le
problème de l’initiative est encore plus important. En effet, dans
la plupart des cas, les détachements de partisans opèrent dans des
conditions difficiles : ils n’ont pas d’arrière, ils sont
faibles en face d’un ennemi puissant, ils manquent d’expérience
(quand ils sont nouvellement organisés), ils sont isolés les uns
des autres, etc. Il n’en est pas moins possible de prendre
l’initiative dans la guerre de partisans, à condition surtout de
mettre à profit les trois points faibles de l’ennemi indiqués
ci-dessus.
Profitant de l’insuffisance en
effectifs des forces ennemies (du point de vue de l’ensemble de la
guerre), les partisans peuvent sans crainte englober dans leurs
opérations de vastes territoires ; profitant de ce que l’ennemi
fait la guerre en terre étrangère et qu’en outre ses méthodes
sont particulièrement barbares, les partisans peuvent hardiment
s’assurer le soutien de millions et de millions d’hommes ;
profitant des maladresses du commandement ennemi, les partisans
peuvent donner libre carrière à toute leur ingéniosité. Bien
entendu, l’armée régulière doit, elle aussi, utiliser tous ces
points faibles de l’ennemi pour en forger les armes de sa propre
victoire, mais il importe tout particulièrement aux détachements de
partisans de le faire.
Les points faibles des détachements
de partisans eux-mêmes peuvent être éliminés peu à peu au cours
de la lutte, et quelquefois ces points faibles sont même ce qui leur
permet de prendre l’initiative. Ainsi, c’est justement grâce à
leurs faibles effectifs que les détachements de partisans peuvent
opérer à l’arrière de l’ennemi, apparaissant et disparaissant
comme par magie et enlevant à l’ennemi toute possibilité d’action
contre eux. Pareille liberté de mouvement est impossible aux troupes
régulières, trop massives.
Lorsque l’ennemi dirige contre eux
une offensive concentrique, en plusieurs colonnes, les détachements
de partisans ont beaucoup de difficultés à garder l’initiative et
ils la perdent facilement. Dans ces conditions, si l’on n’apprécie
pas correctement la situation et si l’on prend des décisions
erronées, on risque de tomber dans la passivité et de ne pouvoir
briser l’encerclement. Cela peut aussi se produire lorsque l’ennemi
se défend et que nous attaquons. Par conséquent, prendre
l’initiative n’est possible que si on apprécie correctement la
situation (chez soi et chez l’ennemi) et si on prend des décisions
militaires et politiques justes.
Avec une appréciation pessimiste, ne
correspondant pas à la situation objective, et avec les décisions
de caractère passif qui en découlent, nous nous priverions
certainement nous-mêmes de l’initiative et nous nous condamnerions
à la passivité. De la même façon exactement, une appréciation
exagérément optimiste, ne correspondant pas à la situation
objective, et les décisions aventureuses (risques injustifiés) qui
en découlent nous feraient perdre l’initiative et nous mettraient
finalement dans la même position que les pessimistes.
L’initiative n’appartient en propre à aucun
homme de génie ; elle ne peut naître que d’une étude
réfléchie et d’une appréciation correcte de la situation
objective, des décisions militaires et politiques correctes d’un
chef intelligent. Ainsi, l’initiative est le fruit d’un effort
conscient, elle n’est jamais donnée toute prête.
S’il arrive que des erreurs dans
l’appréciation ou dans les décisions ou encore une pression
irrésistible de l’ennemi aient réduit des unités de partisans à
la passivité, le problème consiste pour elles à s’efforcer d’en
sortir. C’est de la situation concrète que dépend la façon d’en
sortir. Dans bien des cas, il faut « se retirer ». Savoir
se retirer est l’une des caractéristiques des partisans. Se
retirer est le principal moyen pour sortir de la passivité et pour
reprendre l’initiative.
Mais ce n’est pas là le seul moyen. Très
souvent, c’est au moment même où l’ennemi exerce sa pression la
plus forte et où les difficultés sont pour nous les plus grandes
que la situation commence à devenir défavorable pour l’ennemi et
favorable pour nous. Il arrive souvent que le retour à une situation
favorable et la reprise de l’initiative sont dus aux efforts que
l’on fait pour « tenir encore un peu ».
Venons-en maintenant à la souplesse.
La souplesse, c’est la manifestation concrète de l’initiative.
La souplesse dans l’utilisation des forces est encore plus
nécessaire dans la guerre de partisans que dans la guerre régulière.
Il faut que les dirigeants de la
guerre de partisans comprennent que la souplesse dans l’utilisation
des forces est le principal moyen pour changer la situation en notre
faveur et pour nous emparer de l’initiative. Les particularités de
la guerre de partisans exigent que les forces soient utilisées avec
souplesse, conformément aux tâches posées et aux conditions telles
que la situation de l’ennemi, la configuration du terrain et les
sentiments de la population locale.
Les principales formes d’utilisation
des forces sont la dispersion, la concentration et le déplacement.
Le dirigeant de la guerre de partisans se sert des détachements de
partisans comme un pêcheur de son filet ; le pêcheur doit
savoir jeter son filet et il doit savoir aussi le ramener.
Lorsqu’il le jette, il faut qu’il
connaisse parfaitement la profondeur des eaux, la vitesse du courant,
qu’il sache s’il y a ou non des écueils. De même, lorsque les
détachements de partisans sont utilisés en ordre dispersé, leur
commandant doit veiller soigneusement à ce qu’ils ne subissent pas
de pertes dues à une méconnaissance de la situation et aux
opérations erronées qu’elle entraîne.
Exactement comme le pêcheur, pour
ramener son filet, doit en tenir fermement les extrémités dans ses
mains, ainsi, dans la guerre de partisans, le commandant doit assurer
la liaison et les communications avec tous ses détachements et
garder en main une partie suffisante de ses forces principales. Pour
prendre du poisson, il faut changer souvent de place ; les
détachements de partisans doivent aussi se déplacer fréquemment.
Dispersion, concentration et déplacement sont les trois formes d’une
utilisation souple des forces dans la guerre de partisans.
En général, la dispersion des
forces dans la guerre de partisans, ou, comme on dit, « la
division du tout en parties », s’applique principalement dans
les cas suivants : 1) lorsque l’ennemi passe à la défensive,
qu’il nous est temporairement impossible d’agir avec des forces
concentrées et que nous voulons créer une menace pour l’ennemi
sur un large front ; 2) dans les régions où les forces de
l’ennemi sont faibles, lorsque nous voulons les harceler et les
désorganiser partout à la fois ; 3) lorsqu’il n’est pas
possible de briser une offensive concentrique de l’ennemi et qu’il
y a lieu de distraire son attention pour pouvoir nous dérober ;
4) lorsque les conditions de terrain ou des difficultés de
ravitaillement l’exigent ; 5) lorsque le travail de masse doit
s’effectuer dans des régions étendues.
Cependant, quelle que soit la
situation, lorsqu’on disperse les forces, on ne doit pas perdre de
vue :
1) qu’il ne faut pas disperser les forces
également partout, mais en conserver toujours une partie
relativement importante dans une région propice aux mouvements, pour
être en mesure de parer aux événements imprévus et pour
l’employer à la principale des tâches imposées aux forces
dispersées ;
2) qu’il faut donner à chacun des détachements
séparés une mission bien précise, et lui indiquer son rayon
d’action, la durée des opérations, un point de ralliement, les
moyens de liaison, etc. La concentration des forces, ou, comme on
dit, « l’intégration des parties en un tout », est une
méthode employée principalement pour anéantir les forces de
l’ennemi lorsqu’il déclenche une offensive. Mais elle peut
quelquefois s’appliquer quand l’ennemi est sur la défensive,
pour anéantir certaines de ses troupes en station.
La concentration des forces ne
signifie pas une concentration absolue. On concentre les forces
principales pour les utiliser dans une direction importante, tandis
que, dans les autres directions, on laisse ou on envoie une partie
des forces pour fixer l’ennemi, le harceler, exécuter des
sabotages ou faire du travail de masse.
La souplesse dans la dispersion ou la
concentration des forces, en a port avec la situation, est la méthode
principale de la guerre de partisans ; mais il faut également
savoir déplacer (ou transférer) les forces avec souplesse. Quand
l’ennemi se sent sérieusement menacé par les partisans, il ne
tarde pas à envoyer des troupes pour les attaquer ou les écraser.
C’est alors que les partisans
doivent juger de la situation : si le combat peut être livré,
il faut le livrer sur le lieu même, sinon, il faut, sans perdre de
temps, passer rapidement dans un autre lieu.
Parfois, pour écraser les unités ennemies une à
une, il faut, dès qu’on en a anéanti une en un endroit, se porter
rapidement en un autre endroit pour en anéantir une seconde ;
il arrive parfois aussi que, dans un endroit donné, la situation ne
soit pas favorable au combat : il faut alors rompre
immédiatement avec l’ennemi et aller livrer combat ailleurs.
Si la menace de l’ennemi se fait
particulièrement pressante, les partisans ne doivent pas s’attarder
dans un même lieu, mais se déplacer avec la rapidité du vent et du
torrent. En général, le déplacement doit s’effectuer dans le
secret et rapidement. Il faut recourir fréquemment à des moyens
ingénieux pour tromper l’ennemi, lui tendre des pièges ou le
désorienter, par exemple : faire des démonstrations d’un
côté pour attaquer de l’autre, se montrer subitement ici et un
moment après ailleurs, tantôt attaquer l’ennemi et tantôt rompre
le combat, opérer de nuit, etc.
La souplesse dans la dispersion, la
concentration et le déplacement des forces est la manifestation
concrète de l’initiative dans la guerre de partisans. La routine
et la lourdeur conduisent inévitablement à la passivité et à des
pertes inutiles.
La valeur d’un chef intelligent se
révèle non dans sa compréhension de l’importance d’employer
les forces avec souplesse, mais dans son aptitude, le moment venu, à
disperser, concentrer et déplacer ses forces selon la situation
concrète. L’art d’apprécier une situation et de choisir avec
bonheur le moment favorable n’est pas chose facile. Seuls peuvent
l’acquérir ceux qui font preuve d’objectivité dans l’étude,
de persévérance dans la recherche, et de pénétration. Pour que la
souplesse ne se transforme pas en action impulsive, un examen sérieux
de la situation est indispensable.
Passons enfin au problème du plan.
Pour remporter la victoire dans la guerre de partisans on ne peut se
passer d’un plan. Agir au hasard signifie jouer à la guerre de
partisans, ou se comporter en profane. Les opérations, aussi bien
pour toute une région de partisans que pour un détachement ou un
corps isolé, doivent toujours être précédées de l’établissement
d’un plan aussi poussé que possible.
C’est le travail préparatoire à faire avant
toute action. La connaissance de la situation, la détermination des
tâches, la disposition des forces, l’instruction militaire et
politique, l’approvisionnement en vivres, la mise en ordre de
l’équipement, la recherche de l’appui de la population, etc.,
tout cela constitue le travail du dirigeant qui doit réfléchir
soigneusement à tout, appliquer les décisions et en contrôler
l’exécution. Sans cela, aucune initiative, aucune souplesse,
aucune offensive n’est possible.
Il est vrai que les conditions de la
guerre de partisans ne permettent pas l’établissement de plans
aussi détaillés que celles des opérations régulières, et qu’il
serait faux d’espérer élaborer un plan d’une haute précision
dans la guerre de partisans, mais dans les limites fixées par la
situation objective, il est indispensable d’établir un plan aussi
précis que possible. La lutte contre l’ennemi n’est pas une
plaisanterie. Il est bon qu’on le sache.
Tout ce qui vient d’être dit sert à illustrer
le premier des problèmes stratégiques de la guerre de partisans :
initiative, souplesse et plan dans la conduite des opérations
offensives au cours d’une guerre défensive, des opérations de
décision rapide au cours d’une guerre de longue durée et des
opérations à l’extérieur des lignes au cours de la guerre à
l’intérieur des lignes.
C’est là le principe stratégique capital de la
guerre de partisans. Si ce problème est résolu, la poursuite
victorieuse de la guerre de partisans, en ce qui regarde la direction
militaire, sera dans une grande mesure assurée.
On a parlé plus haut de bien des
choses, mais tout se rapporte à un seul et même problème :
celui des opérations offensives dans les campagnes et les combats.
On ne peut avoir définitivement l’initiative que si l’offensive
a été victorieuse. Il faut entreprendre des opérations offensives
de sa propre initiative, et non parce qu’on se trouve dans
l’obligation d’attaquer.
La souplesse dans l’utilisation des
forces répond à un seul problème central : la conduite
d’opérations offensives ; de même, le plan est surtout
nécessaire pour assurer la victoire dans les opérations offensives.
La défense tactique n’a aucun sens si elle ne soutient pas
directement ou indirectement une offensive. La décision rapide a
trait à la durée de l’offensive, et l’extérieur des lignes à
la sphère de l’offensive. L’offensive est le seul moyen pour
anéantir les forces de l’ennemi en même temps que le principal
moyen pour conserver les nôtres.
La défense et la retraite pures et simples ne
jouent qu’un rôle temporaire et partiel pour la conservation de
nos forces et ne peuvent être en rien un moyen d’anéantissement
des forces de l’ennemi. Le principe ci-dessus indiqué s’applique,
dans l’ensemble, aussi bien à la guerre régulière qu’à la
guerre de partisans, seule sa forme de réalisation diffère en degré
dans l’un et l’autre cas.
Mais pour conduire la guerre de partisans, il est
important, indispensable, de pas perdre de vue cette différence, qui
fait précisément que les méthodes de la guerre de partisans se
distinguent de celles de la guerre régulière. Si l’on ignore
cette différence, il est impossible de conduire la guerre de
partisans à la victoire.
V. Coordination avec la guerre régulière
Le deuxième problème stratégique
de la guerre de partisans concerne la coordination de celle-ci avec
la guerre régulière. Il s’agit de mettre en lumière le lien
entre les opérations de partisans et les opérations régulières,
en partant du caractère des opérations concrètes des partisans.
Pour frapper l’ennemi avec efficacité, il est important de
comprendre ce lien.
Il y a trois sortes de coordination
entre la guerre de partisans et la guerre régulière : en
stratégie, dans les campagnes et dans les combats. Prise dans son
ensemble, la guerre de partisans à l’arrière de l’ennemi, dont
le rôle est d’affaiblir ce dernier, de fixer ses forces et
d’entraver ses communications, et qui apporte, dans tout le pays,
son soutien moral aux troupes régulières et au peuple tout entier,
etc. est en coordination stratégique avec la guerre régulière.
Prenons pour exemple la guerre de partisans dans les trois provinces
du Nord-Est.
Avant le début de la Guerre de Résistance à
l’échelle nationale, il ne pouvait naturellement pas être
question de coordination, mais aussitôt cette guerre commencée, la
signification de cette coordination devint évidente. On peut dire
que chaque fois qu’ils tuent à l’ennemi un soldat de plus,
obligent l’ennemi à user une cartouche de plus, attirent sur eux
un soldat ennemi de plus pour qu’il ne soit pas envoyé au sud de
la Grande Muraille, les détachements de partisans opérant dans ces
régions contribuent à l’ensemble de la Guerre de Résistance.
On peut en dire autant de l’action
démoralisatrice qu’ils font subir à l’armée et au pays
ennemis, et de l’influence heureuse et exaltante qu’ils exercent
sur notre armée et notre peuple. En ce qui concerne les opérations
de partisans menées de part et d’autre des lignes de chemin de fer
Peiping-Soueiyuan, Peiping-Hankeou, Tientsin-Poukeou,
Tatong-Poutcheou, Tchengting-Taiyuan et Changhaï-Hangtcheou, le rôle
stratégique de la coordination est encore plus évident.
La coordination de ces opérations de
partisans avec les opérations des troupes régulières ne se borne
pas au rôle qu’elle joue actuellement dans la défense
stratégique, alors que l’ennemi développe une offensive
stratégique ; elle fera échouer les opérations de l’ennemi
lorsque celui-ci, ayant terminé son offensive stratégique, passera
à la consolidation des territoires occupés ; et, lorsque
l’armée régulière passera à la contre-offensive stratégique,
elle permettra de chasser l’ennemi et de récupérer tous les
territoires perdus.
Il serait inadmissible de méconnaître l’énorme
importance du rôle que joue la guerre de partisans dans la
coordination stratégique. Les dirigeants des détachements de
partisans et les chefs de l’armée régulière doivent bien
comprendre l’importance de ce rôle.
En outre, la guerre de partisans joue
un rôle dans la coordination des opérations au cours des campagnes.
Par exemple, lors de la bataille de Hsinkeou, au nord de Taiyuan, les
partisans détruisirent, dans les régions au nord et au sud de
Yenmenkouan, la ligne de chemin de fer Tatong-Poutcheou et les routes
qui passent par Pinghsingkouan et Yangfangkeou, jouant ainsi un rôle
d’appui très important. Prenons un autre exemple.
Après l’occupation de Fenglingtou par l’ennemi,
les opérations de partisans étendues à toute la province du Chansi
(réalisées essentiellement par des forces de l’armée régulière)
ont joué un rôle d’appui encore plus important lors des
opérations défensives sur les rives ouest et sud du fleuve Jaune,
situées respectivement dans les provinces du Chensi et du Honan. De
même, la guerre de partisans, s’étendant à l’ensemble des cinq
provinces de la Chine du Nord, apporta un soutien important aux
opérations de nos troupes régulières lorsque l’ennemi attaqua le
Chantong du Sud.
Pour réaliser les tâches de
coordination au cours des campagnes, les dirigeants des bases de
partisans à l’arrière de l’ennemi et les commandants des corps
de partisans envoyés temporairement hors des bases doivent disposer
leurs forces le plus rationnellement possible. Compte tenu des
conditions de temps et de lieu, ils doivent, en adoptant des méthodes
différentes, déployer une action énergique contre les points
vitaux et les plus vulnérables de l’ennemi, de façon à
l’affaiblir, à fixer ses forces, à entraver ses communications et
à galvaniser nos troupes qui combattent à l’intérieur des
lignes.
Si chaque secteur de partisans ou
chaque détachement de partisans agit seul, sans se préoccuper de la
coordination de ses opérations avec celles des troupes régulières
au cours des campagnes, il jouera bien un certain rôle d’appui
dans l’ensemble de la stratégie, mais la portée en sera réduite.
Tous les dirigeants de la guerre de partisans
doivent prêter à cette question une attention particulière. Pour
réaliser la coordination au cours des campagnes, il est absolument
indispensable de munir de moyens de liaison par radio tous les
détachements et corps de partisans de quelque importance.
Enfin, la coordination dans les
combats, c’est-à-dire la coordination sur le champ de bataille,
fait partie des tâches de tous les détachements de partisans qui
agissent non loin d’un champ de bataille à l’intérieur des
lignes ; cela ne s’applique naturellement qu’aux
détachements de partisans opérant à proximité des troupes
régulières ou à des unités temporairement détachées de l’armée
régulière pour des opérations de partisans.
Les détachements de partisans
doivent, dans ce cas, accomplir les missions qui leur sont assignées,
sur les instructions du commandement des troupes régulières, et qui
consistent habituellement à fixer une partie des forces de l’ennemi,
à entraver ses communications, à effectuer des reconnaissances, à
servir de guides aux troupes régulières, etc.
Même s’ils n’ont pas reçu d’instructions
de ce genre, les détachements de partisans n’en doivent pas moins,
de leur propre initiative, accomplir ces tâches. Il serait
absolument inadmissible qu’ils restent les bras croisés ou errent
à l’aventure sans porter de coups à l’ennemi. les plus
vulnérables de l’ennemi, de façon à l’affaiblir, à fixer ses
forces, à entraver ses communications et à galvaniser nos troupes
qui combattent à l’intérieur des lignes.
Si chaque secteur de partisans ou chaque
détachement de partisans agit seul, sans se préoccuper de la
coordination de ses opérations avec celles des troupes régulières
au cours des campagnes, il jouera bien un certain rôle d’appui
dans l’ensemble de la stratégie, mais la portée en sera réduite.
Tous les dirigeants de la guerre de partisans doivent prêter à
cette question une attention particulière.
Pour réaliser la coordination au
cours des campagnes, il est absolument indispensable de munir de
moyens de liaison par radio tous les détachements et corps de
partisans de quelque importance. Enfin, la coordination dans les
combats, c’est-à-dire la coordination sur le champ de bataille,
fait partie des tâches de tous les détachements de partisans qui
agissent non loin d’un champ de bataille à l’intérieur des
lignes ; cela ne s’applique naturellement qu’aux
détachements de partisans opérant à proximité des troupes
régulières ou à des unités temporairement détachées de l’armée
régulière pour des opérations de partisans.
Les détachements de partisans doivent, dans ce
cas, accomplir les missions qui leur sont assignées, sur les
instructions du commandement des troupes régulières, et qui
consistent habituellement à fixer une partie des forces de l’ennemi,
à entraver ses communications, à effectuer des reconnaissances, à
servir de guides aux troupes régulières, etc.
Même s’ils n’ont pas reçu
d’instructions de ce genre, les détachements de partisans n’en
doivent pas moins, de leur propre initiative, accomplir ces tâches.
Il serait absolument inadmissible qu’ils restent les bras croisés
ou errent à l’aventure sans porter de coups à l’ennemi.
VI. Création de bases d’appui
Le troisième problème stratégique
de la guerre de partisans contre le Japon concerne la création de
bases d’appui. Leur nécessité et leur importance découlent de la
longue durée et du caractère acharné de la guerre.
Jusqu’au moment où la
contre-offensive stratégique à l’échelle nationale permettra de
récupérer tous les territoires perdus, le front ennemi pénétrera
profondément dans la partie centrale de notre pays, le coupera en
deux, et près de la moitié, voire la plus grande partie de notre
territoire sera entre les mains de l’ennemi et deviendra son
arrière.
Nous devrons développer la guerre de
partisans sur l’ensemble de ce vaste territoire occupé et
transformer en front de combat les arrières de l’ennemi, de façon
qu’il soit obligé de se battre constamment sur tout le territoire
qu’il aura occupé. Tant que nous n’aurons pas commencé notre
contre-offensive stratégique, tant que nous n’aurons pas repris
les territoires perdus, nous devrons poursuivre avec ténacité la
guerre de partisans à l’arrière de l’ennemi.
Bien qu’il ne soit pas possible de déterminer
avec précision combien de temps durera cette période, il est
certain qu’elle sera longue. Cela signifie que notre guerre sera
une guerre de longue durée. En même temps, l’ennemi, s’efforçant
de sauvegarder ses intérêts dans les territoires occupés,
intensifiera nécessairement chaque jour sa lutte contre les
partisans, les soumettant à sa répression féroce, surtout lorsque
son offensive stratégique aura pris fin.
Ainsi, la guerre sera non seulement longue mais
encore acharnée et, sans bases d’appui, il ne sera pas possible de
soutenir longtemps la guerre de partisans à l’arrière de
l’ennemi.
En quoi consistent les bases d’appui
de la guerre de partisans ? Ce sont des bases stratégiques sur
lesquelles les détachements de partisans s’appuient pour accomplir
leurs tâches stratégiques et atteindre leurs buts : conserver
et accroître leurs forces, détruire et chasser celles de l’ennemi.
Sans ces bases, nous ne pourrions nous appuyer sur rien pour
accomplir toutes les tâches stratégiques et atteindre les buts de
la guerre.
A proprement parler, la guerre de partisans menée
à l’arrière de l’ennemi se caractérise par des opérations
militaires sans arrière, car les partisans y sont séparés de
l’arrière général du pays. Cependant, sans bases d’appui, la
guerre de partisans ne saurait durer longtemps ni se développer ;
ces bases d’appui sont justement les arrières des partisans.
L’histoire connaît un grand nombre
de guerres paysannes faites suivant la méthode des « hors-la-loi »,
elles furent toutes infructueuses. En notre siècle de progrès des
moyens de communication et de la technique, il serait d’autant plus
illusoire de compter sur cette méthode pour remporter la victoire.
La mentalité de « hors-la-loi » n’en existe pas moins
encore aujourd’hui chez les paysans ruinés, et leurs conceptions,
se reflétant dans la conscience des dirigeants de la guerre de
partisans, se manifestent par la négation de la nécessité des
bases d’appui ou la sous-estimation de leur importance.
C’est pourquoi, s’orienter vers
la création des bases d’appui, il faut commencer par éliminer la
mentalité de « hors-la-loi » de la conscience des
dirigeants de la guerre de partisans. La question de savoir si les
bases d’appui sont nécessaires et comment il faut en apprécier le
rôle, en d’autres termes, la lutte entre la conception des bases
d’appui et la mentalité de « hors-la-loi », doit
apparaître au cours de toute guerre de partisans, et la guerre de
partisans contre le Japon ne saurait, jusqu’à certain point,
constituer une exception. C’est pourquoi la lutte idéologique
contre la mentalité de hors-la-loi est indispensable.
Seules la liquidation complète de cette
mentalité, la formulation et l’application d’une politique pour
la création des bases d’appui permettront de soutenir avec succès
une guerre de partisans de longue durée.
La nécessité et l’importance des
bases d’appui une fois exposées, passons aux problèmes qui en
découlent, et qu’il est nécessaire de comprendre et de résoudre
lors de la création de ces bases. Ces problèmes sont les suivants :
types de bases d’appui, régions de partisans et bases d’appui,
conditions pour la création de bases d’appui, consolidation et
élargissement des bases d’appui, types d’encerclement réalisés
par nous et par l’ennemi.
Section 1. Types de bases
d’appui
Les bases d’appui de la guerre de
partisans antijaponaise sont principalement de trois types :
bases d’appui dans les montagnes, bases d’appui dans les plaines
et bases d’appui dans les régions de rivières, lacs et estuaires.
Tout le monde comprend l’intérêt qu’il y a
de créer des bases d’appui dans les régions montagneuses. Les
bases qui ont été créées, qui se créent ou qui se créeront dans
le Tchangpaichan, le Woutaichan, le Taihangchan, le Taichan, le
Yenchan et le Maochan sont de ce type.
[Le Tchangpaichan est une chaîne de
montagnes à la frontière nordest de la Chine.
Après l’Incident du 18 Septembre 1931, il devint une base de
partisans, dirigée par le Parti communiste chinois, dans
la lutte contre les envahisseurs japonais.
Le Woutaichan est une chaîne de montagnes à la
limite du Chansi, du Hopei et de l’ancienne province du Tchahar. En
octobre 1937, la VIIIe Armée de Route, dirigée par le Parti
communiste chinois, a entrepris la création de la
base antijaponaise du ChansiTchaharHopei, centrée
sur le Woutaichan.
Le Taihangchan est une chaîne de montagnes à la
limite des provinces du Chansi, du Hopei et du Honan.
En novembre 1937, il devint le centre de la base antijaponaisedu
Chansi du SudEst, créée par la VIIIe Armée de Route.
Le Taichan se trouve dans la partie centrale de la
province du Chantong et constitue l’une des hauteurs principales de
la chaîne montagneuse du Taiyi. Au cours de l’hiver 1937, les
détachements de partisans, dirigés par le Parti
communiste chinois, ont entrepris la création de la base du Chantong
central, centrée sur la région du Taiyi.
Le Yenchan est une chaîne de montagnes à la
limite du Hopei et de l’ancienne province du Jéhol. Au cours de
l’été 1938, la VIIIe Armée de Route a entrepris la création de la
base antijaponaise du Hopei de l’Est, centrée sur la région du
Yenchan.
Le Maochan se situe dans le sud de
la province du Kiangsou. En juin 1938, la Nouvelle IVe Armée,
dirigée par le Parti communiste chinois, a entrepris la création de
la base antijaponaise du Kiangsou du Sud, centrée sur
la région du Maochan.]
Ces bases deviendront les points
d’appui qui permettront le mieux de poursuivre de façon prolongée
la guerre de partisans antijaponaise ; elles deviendront
d’importants bastions dans la Guerre de Résistance. Il nous faut
développer la guerre de partisans dans toutes les régions
montagneuses se trouvant à l’arrière de l’ennemi et y créer
des bases d’appui. Les plaines, sous ce rapport, le cèdent
naturellement aux montagnes.
Mais cela ne signifie nullement que l’on ne
puisse développer la guerre de partisans dans les plaines, que l’on
ne puisse y créer aucune base. Dans les plaines de la province du
Hopei et dans celles du nord et du nord-ouest de la province du
Chantong, la guerre de partisans a déjà connu un vaste
développement et cela démontre la possibilité de la développer
dans les plaines.
Jusqu’à présent, la possibilité de créer
dans ces régions des bases durables n’a pas encore été prouvée,
mais il faut noter que la possibilité d’y créer des bases
temporaires est déjà établie et que celle d’y créer des bases
pour de petits détachements ou des bases de caractère saisonnier
semble bien devoir exister.
Cela, parce que d’une part l’ennemi
ne dispose pas de forces armées en suffisance et mène une politique
dont la férocité n’a jamais été égalée et que, d’autre
part, la Chine a un vaste territoire et une forte population qui
résiste au Japon. Il existe donc des conditions objectives pour
développer la guerre de partisans dans les plaines et y créer des
bases temporaires ; si, de plus, notre commandement est à la
hauteur de sa tâche, nous devons évidemment considérer comme
possible la création dans les plaines de bases mobiles, mais
durables pour de petits détachements.
Lorsque l’ennemi cessera son
offensive stratégique et passera à la consolidation des territoires
qu’il aura occupés, il ne fait aucun doute qu’il mènera une
offensive acharnée contre toutes les bases de la guerre de
partisans, et celles des plaines recevront naturellement les premiers
coups.
Il sera alors impossible aux grandes
unités de partisans qui y opèrent de s’y maintenir longtemps et
il leur faudra, dans la mesure où la situation l’exigera, se
retirer progressivement dans les montagnes. Par exemple, elles se
retireront des plaines du Hopei vers le Woutaichan et le Taihangchan
et des plaines du Chantong dans le Taichan et la péninsule de
Kiaotong.
Toutefois, on laissera encore un
grand nombre de petits détachements de partisans dispersés dans
divers districts des vastes plaines ; ces détachements
passeront à la tactique des opérations mobiles, en d’autres
termes, ils utiliseront des bases mobiles, qui s’installeront
tantôt ici, tantôt là. Les conditions de la guerre nationale
n’excluent pas cette possibilité. Quant aux opérations de
partisans de caractère saisonnier, sous le couvert de la végétation
l’été et à la faveur des cours d’eau gelés l’hiver, nul
doute qu’elles ne soient possibles.
Comme l’ennemi n’a pas, à
l’heure actuelle, les moyens de s’occuper des partisans et que
même dans l’avenir il lui sera toujours difficile de s’en
occuper suffisamment, il faut absolument s’orienter à présent,
dans les plaines, vers un large développement de la guerre de
partisans et vers la création de bases temporaires, et, dans
l’avenir, s’orienter résolument vers une guerre de partisans
avec de petits détachements du moins, une guerre de partisans de
caractère saisonnier, et vers la création de bases mobiles.
Les régions de rivières, lacs et estuaires
offrent, par leurs conditions objectives, de plus grandes
possibilités que les plaines au développement de la guerre de
partisans et à la création de bases d’appui ; et elles ne le
cèdent, de ce point de vue, qu’aux régions montagneuses. Les
innombrables combats dramatiques menés par les « pirates »
et les « bandits des rivières » tout au long de notre
histoire et la guerre de partisans soutenue durant plusieurs années
dans la région du lac Honghou, au temps où notre armée s’appelait
Armée rouge, tout cela montre qu’il est possible de développer la
guerre de partisans et de créer des bases d’appui dans les régions
de rivières, lacs et estuaires.
Cependant, les partis politiques et les masses qui
résistent aux envahisseurs japonais continuent à accorder peu
d’attention à ce problème. Bien que, dans ces régions, les
conditions subjectives n’existent pas encore, il ne fait pas de
doute que nous devons examiner très attentivement cette possibilité
et nous mettre au travail.
Une guerre de partisans efficace doit
être organisée dans la région du lac Hongtseh au nord du Yangtsé,
dans la région du lac Taihou au sud de ce fleuve, et dans toutes les
régions de ports et d’estuaires des territoires que l’ennemi
occupe le long des cours d’eau et du littoral, et, en outre, des
bases d’appui durables doivent être créées à l’intérieur ou
à proximité de ces régions ; ce sera un aspect du
développement de la guerre de partisans dans tout le pays.
Perdre cela de vue signifierait offrir à l’ennemi
la possibilité d’utiliser librement les communications par eau, ce
qui serait évidemment une lacune dans le plan stratégique de la
Guerre de Résistance. Il faut combler cette lacune à temps.
Section 2. Régions de
partisans et bases d’appui
Dans la guerre de partisans faite à
l’arrière de l’ennemi, les régions de partisans se distinguent
des bases d’appui. Les territoires qui sont encerclés par
l’ennemi, mais qui ne sont pas occupés par lui ou qui ont déjà
été libérés, par exemple certains districts de la région du
Woutaichan (c’est-à-dire la région frontière du
Chansi-Tchahar-Hopei) ainsi que certains secteurs des régions du
Taihangchan et du Taichan, constituent déjà des bases d’appui
toutes prêtes.
En s’appuyant sur ces bases, les
partisans peuvent commodément développer la guerre de partisans.
Cependant, en d’autres endroits proches de ces bases, la situation
est différente, par exemple, dans les parties est et nord de la
région du Woutaichan, c’est-à-dire dans certains secteurs du
Hopei de l’Ouest et du Tchahar du Sud, ainsi que dans de nombreux
secteurs à l’est de Paoting et à l’ouest de Tsangtcheou, où
les partisans, à l’étape initiale du développement de la guerre
de partisans, ne peuvent pas encore occuper tout le territoire et
doivent se limiter ordinairement à des raids.
Ces régions appartiennent aux
détachements de partisans dès qu’ils arrivent et se retrouvent au
pouvoir du gouvernement fantoche quand ils s’en vont ; elles
ne sont pas encore des bases de partisans, mais seulement ce qu’on
appelle des régions de partisans.
Elles ne deviendront des bases d’appui qu’après
avoir passé par les étapes indispensables de la guerre de
partisans, lorsque des forces importantes de l’ennemi y auront été
anéanties ou repoussées, que le pouvoir du gouvernement fantoche
aura été balayé, que les masses populaires auront été éveillées
à l’activité, que des organisations de masse pour la lutte contre
les envahisseurs japonais et des forces armées populaires y auront
été créées et qu’un pouvoir de Résistance y aura été
instauré. L’adjonction de ces bases nouvelles à celles qui
existent déjà constitue ce que l’on appelle l’élargissement
des bases d’appui.
Dans certains endroits, le territoire
tout entier où opèrent les partisans a été au début une région
de partisans. C’est, par exemple, le cas de la partie orientale de
la province du Hopei. Depuis longtemps, des organes du pouvoir
fantoche y existaient en même temps qu’y opéraient les forces
armées de la population locale insurgée et des détachements de
partisans envoyés de la région du Woutaichan. Au début, les
partisans ne pouvaient que choisir de bonnes positions dans cette
région pour en faire leurs arrières temporaires ou bases
temporaires.
C’est seulement quand les forces de
l’ennemi sur ce territoire auront été anéanties et qu’on aura
développé le travail pour mobiliser les masses populaires que cette
situation caractéristique de la région de partisans prendra fin, et
que le territoire deviendra une base d’appui, plus stable.
On voit par là que la transformation
d’une région de partisans en base d’appui est une œuvre qui
demande beaucoup d’efforts et qui ne peut se réaliser que dans la
mesure où les forces de l’ennemi sont anéanties et les masses
mobilisées sur le territoire de cette région.
Beaucoup d’endroits en resteront
longtemps au stade de la région de partisans. L’ennemi fera bien
tous ses efforts pour les maintenir sous son contrôle, mais il ne
pourra pas y établir solidement le pouvoir fantoche ; de même,
nous nous efforcerons de développer par tous les moyens la guerre de
partisans, mais nous n’arriverons pas à y établir un pouvoir de
Résistance. Les régions proches des voies ferrées et des grandes
villes occupées par l’ennemi, ainsi que certaines régions de
plaine en sont des exemples.
Quant aux grandes villes, aux gares de chemin de
fer et à certaines régions de plaine que l’ennemi contrôle avec
des forces importantes, la situation y est autre : les
détachements de partisans peuvent seulement s’en approcher, mais
ils ne peuvent y pénétrer, un pouvoir fantoche relativement stable
y étant établi.
A la suite d’erreurs dans notre
travail de direction, ou sous une forte pression de l’ennemi, le
processus inverse peut se dérouler : les bases d’appui se
transforment en régions de partisans et les régions de partisans en
régions relativement bien tenues par l’ennemi. Cette situation
peut se produire, et les dirigeants de la guerre de partisans doivent
être sur leurs gardes.
Ainsi, du fait de la guerre de
partisans et de notre lutte contre l’ennemi, le territoire occupé
par l’ennemi peut se diviser en régions de trois types
différents : le premier type, ce sont les bases d’appui
antijaponaises qui sont entre les mains de nos détachements de
partisans et sous le contrôle de notre pouvoir ; le deuxième
type, ce sont les régions occupées qui restent aux mains des
impérialistes japonais et du pouvoir fantoche ; le troisième
type, ce sont les régions pour la possession desquelles les deux
parties sont en lutte et qu’on appelle les régions de partisans.
Les dirigeants de la guerre de
partisans ont le devoir de faire tous leurs efforts pour élargir les
régions du premier et du troisième type et pour réduire les
régions du deuxième type. Telle est la tâche stratégique de la
guerre de partisans.
Section 3. Conditions
pour la création des bases d’appui
Les conditions fondamentales pour
créer une base d’appui, c’est d’avoir des forces armées
antijaponaises et d’utiliser ces forces pour infliger des défaites
à l’ennemi et soulever les masses populaires. Ainsi, le problème
de la création des bases d’appui est avant tout un problème de
forces armées.
Les dirigeants de la guerre de partisans doivent
employer tous leurs efforts à former un ou même plusieurs
détachements de partisans et en faire progressivement, au cours de
la lutte, des corps de partisans, et éventuellement des unités et
des corps de l’armée régulière. L’organisation des forces
armées constitue le maillon essentiel dans la création de bases
d’appui.
Sans ces forces, ou avec des forces trop faibles,
rien ne pourra se faire. Telle est la première condition. La
deuxième condition indispensable pour créer des bases d’appui est
d’infliger des défaites à l’ennemi en utilisant les forces
armées dans des actions menées en commun avec les masses
populaires.
Toute région contrôlée par
l’ennemi est une base d’appui pour lui et non pour la guerre de
partisans. Il va de soi qu’il est impossible de transformer une
base d’appui de l’ennemi en une base d’appui de la guerre de
partisans sans écraser l’ennemi. Et même des régions contrôlées
par les partisans tomberont sous le contrôle de l’ennemi, si nous
ne brisons pas ses attaques et ne parvenons pas à le vaincre, et
alors il sera, là aussi, impossible de créer des bases d’appui.
La troisième condition indispensable
pour créer des bases d’appui, c’est de soulever les masses
populaires en vue de la lutte contre les envahisseurs japonais en
mettant en œuvre toutes nos énergies, forces armées comprises.
C’est au cours de cette lutte qu’il faut armer le peuple,
c’est-à-dire créer des forces d’autodéfense et des
détachements de partisans.
C’est aussi au cours de cette lutte qu’il faut
constituer des organisations de masse ; à mesure que
s’accroissent la conscience politique et l’esprit combatif des
ouvriers, des paysans, des jeunes, des femmes, des enfants, des
commerçants, des membres des professions libérales, il convient de
les unir dans les organisations correspondantes de lutte contre les
envahisseurs japonais, et d’élargir progressivement ces
organisations.
Si les masses ne sont pas organisées, elles ne
peuvent pas manifester leur force dans la résistance au Japon. C’est
encore au cours de cette lutte qu’il faut liquider tous les
traîtres, cachés ou avoués, mais cela aussi n’est possible que
si l’on s’appuie sur la force des masses populaires.
Il est particulièrement important
d’amener les masses populaires à créer ou à renforcer dans la
lutte même les organes locaux du pouvoir antijaponais. Là où les
anciens organes chinois du pouvoir n’ont pas été détruits par
l’ennemi, il faut les réorganiser et les renforcer avec l’appui
des larges masses populaires. Là où ils sont déjà détruits, il
faut faire appel à l’effort des larges masses populaires pour les
rétablir.
Ce pouvoir doit appliquer la
politique du front uni national antijaponais. Il doit unir toutes les
forces du peuple contre l’ennemi unique : les impérialistes
japonais et leurs laquais, les traîtres et les réactionnaires. Une
base d’appui de la guerre de partisans ne peut être réellement
établie qu’après la réalisation graduelle des trois conditions
fondamentales : créer des forces armées antijaponaises,
infliger des défaites à l’ennemi et mobiliser les masses
populaires.
Il faut mentionner en outre les
conditions géographiques et économiques. Nous avons déjà abordé
la question des conditions géographiques plus haut, à la section
« Types de bases d’appui », en indiquant les trois
catégories de conditions.
Nous nous contenterons de mentionner ici la
condition principale : la nécessité d’un vaste territoire.
Lorsque nous sommes cernés par l’ennemi des quatre côtés ou de
trois seulement, les régions montagneuses nous offrent naturellement
les meilleures conditions pour la création de bases d’appui
durables ; mais ce qui est encore plus important, c’est
l’existence d’un espace permettant aux détachements de partisans
de manœuvrer, c’est-à-dire l’existence d’un territoire
étendu.
Si cette condition est remplie, la
guerre de partisans peut se développer et se maintenir même dans
les plaines, sans parler des régions de rivières, de lacs et
d’estuaires. Par suite de l’étendue du territoire chinois et de
l’insuffisance de l’ennemi en forces armées, la guerre de
partisans en Chine bénéficie déjà en général de cette
condition.
Du point de vue de la possibilité de
faire la guerre de partisans, cette condition est importante et même
capitale. Dans les petits pays comme, par exemple, la Belgique, où
cette condition n’existe pas, la possibilité de poursuivre une
guerre de partisans est très réduite, voire nulle. Mais en Chine
cette condition n’est pas à créer, elle ne pose pas de problème,
nous la tenons de la nature et n’avons qu’à en profiter.
Pour les conditions économiques en
tant que telles, il en va de même que pour les conditions
géographiques. Nous examinons pour l’instant le problème de la
création de bases d’appui non pas dans les déserts car dans les
déserts il n’y a pas d’ennemis mais à l’arrière de
l’ennemi ; or, là où l’ennemi peut pénétrer, les Chinois
vivent depuis très longtemps et il y existe de toute évidence une
base économique de ravitaillement ; par conséquent, la
question des conditions économiques permettant de créer des bases
d’appui ne se pose pas.
Partout ou vivent des Chinois et où l’ennemi a
pénétré, il faut s’efforcer, quelles que soient les conditions
économiques, de développer la guerre de partisans et de créer des
bases d’appui, permanentes ou temporaires.
Au point de vue politique, par
contre, les conditions économiques posent un problème, celui de la
politique économique. C’est un problème d’une haute importance
pour la création des bases d’appui. Notre politique économique
dans les bases d’appui de la guerre de partisans doit se conformer
aux principes du front uni national antijaponais, c’est-à-dire
qu’il faut répartir rationnellement les charges de la guerre et
protéger le commerce.
En aucun cas, les pouvoirs locaux et
les partisans ne doivent violer ces principes, sous peine d’exercer
une influence négative sur la création des bases et sur la
poursuite de la guerre de partisans. Une répartition rationnelle des
charges de la guerre implique l’application du mot d’ordre « Que
celui qui a de l’argent donne de l’argent ». Toutefois, les
paysans doivent, dans une certaine mesure, approvisionner en vivres
les détachements de partisans.
La protection du commerce exige que
les détachements de partisans observent une stricte discipline ;
ils ne doivent absolument pas confisquer les entreprises
commerciales, quelles qu’elles soient, à l’exception de celles
qui appartiennent à des traîtres dont le crime a été dûment
prouvé. C’est une chose difficile, mais cette politique a été
décidée et il faut l’appliquer.
Section 4. Consolidation
et élargissement des bases d’appui
Pour enfermer l’ennemi, qui s’est
introduit en Chine, à l’intérieur de ses points d’appui peu
nombreux, c’est-à-dire dans les grandes villes et le long des
principales voies de communication, il faut développer le plus
possible la guerre de partisans dans toutes les directions à partir
des bases de partisans, et faire pression sur tous les points d’appui
de l’ennemi, de façon à menacer son existence et à ébranler le
moral de son armée, et, en même temps, à élargir nos propres
bases d’appui.
C’est là une nécessité absolue.
Il faut lutter contre l’esprit conservateur dans la conduite de la
guerre de partisans.
Qu’il ait son origine dans le désir
d’une vie tranquille ou dans la surestimation des forces de
l’ennemi, cet esprit conservateur nuit, dans l’un ou l’autre
cas, à la cause de la Guerre de Résistance et exerce une influence
négative sur la guerre de partisans et sur l’existence des bases
d’appui elles-mêmes.
En même temps, il ne faut pas
oublier de consolider nos bases d’appui, ce qui comporte comme
tâches principales la mobilisation et l’organisation des masses
populaires, ainsi que l’instruction des détachements de partisans
et des forces armées locales. La consolidation des bases d’appui
est indispensable à la conduite d’une guerre de longue durée,
elle est également indispensable à l’élargissement ultérieur
des bases, car il n’est pas possible de leur donner une large
expansion sans les consolider.
Les détachements de partisans qui
s’occuperaient uniquement d’élargir les bases d’appui, en
oubliant de les consolider, seraient incapables de résister aux
attaques de l’ennemi, et, par suite, ils ne perdraient pas
seulement le territoire conquis lors de l’élargissement des bases,
ils compromettraient encore l’existence même des bases.
Le principe juste est d’élargir les bases tout
en les consolidant ; tel est le bon moyen pour s’assurer la
possibilité de progresser avec succès dans l’offensive et de se
défendre avec succès lors de la retraite.
Du moment qu’il s’agit d’une
guerre de longue durée, le problème de la consolidation et de
l’élargissement des bases d’appui se pose en permanence devant
chaque détachement de partisans.
Sa solution concrète dépend des
circonstances. Dans telle période, on mettra l’accent sur
l’élargissement des bases, c’est-à-dire sur l’extension des
régions de partisans et l’accroissement des détachements de
partisans. Dans telle autre, on mettra l’accent sur la
consolidation des bases, c’est-à-dire sur l’organisation des
masses populaires et l’instruction des détachements armés.
Comme la tâche d’élargissement et
celle de consolidation sont de caractère différent, les
dispositions militaires et les tâches correspondantes seront
différentes, elles aussi. Ce problème ne peut être résolu avec
succès que si l’on insiste sur l’une ou l’autre de ces deux
tâches suivant le moment et la situation.
Section 5. Types
d’encerclement réalisés par nous et par l’ennemi
Si l’on considère la Guerre de
Résistance dans son ensemble, il ne fait pas de doute que nous nous
trouvons stratégiquement encerclés, puisque l’ennemi se livre à
une offensive stratégique et opère à l’extérieur des lignes, et
que nous sommes sur la défensive stratégique et opérons à
l’intérieur des lignes. C’est le premier type d’encerclement
de nos forces par l’ennemi.
Mais comme, de notre côté, nous adoptons à
l’égard d’un ennemi qui, opérant à l’extérieur des lignes,
marche sur nous en plusieurs colonnes le principe d’opérations
offensives à l’extérieur des lignes dans les campagnes et les
combats, nous pouvons encercler, avec des forces supérieures en
nombre, chacune des colonnes ennemies qui progressent dans notre
direction. C’est le premier type d’encerclement de l’ennemi par
nous.
D’autre part, si l’on considère
les bases d’appui de la guerre de partisans situées à l’arrière
de l’ennemi, chacune de ces bases isolées est cernée par l’ennemi
soit des quatre côtés, comme la région du Woutaichan, soit de
trois seulement, comme celle du nord-ouest du Chansi. C’est le
deuxième type d’encerclement de nos forces par l’ennemi.
Toutefois, si l’on considère
toutes les bases de la guerre de partisans dans leurs liaisons
mutuelles, et chaque base dans ses liaisons avec le front de l’armée
régulière, on constate qu’un grand nombre d’unités ennemies
sont encerclées par nous. Par exemple, dans la province du Chansi,
nous avons déjà cerné de trois côtés (de l’est, de l’ouest
et du sud) la ligne de chemin de fer Tatong-Poutcheou, et nous avons
complètement investi la ville de Taiyuan ; dans les provinces
du Hopei et du Chantong, on trouve également un grand nombre
d’encerclements de ce genre.
C’est le deuxième type d’encerclement de
l’ennemi par nous. Ainsi, ces deux types d’encerclement mutuel
rappellent le jeu de weiki les campagnes et les combats que l’ennemi
mène contre nous et que nous menons contre l’ennemi ressemblent à
la prise des pions, et les points d’appui de l’ennemi et nos
bases de partisans ressemblent aux « fenêtres » sur
l’échiquier. La nécessité de se ménager des fenêtres montre
toute l’importance du rôle stratégique des bases d’appui de la
guerre de partisans à l’arrière de l’ennemi.
L’examen de cette question au point
de vue de la Guerre de Résistance nous montre que les autorités
militaires supérieures du pays, d’une part, et les dirigeants de
la guerre de partisans dans les différentes régions, d’autre
part, doivent mettre à l’ordre du jour le développement de la
guerre de partisans à l’arrière de l’ennemi et la création de
bases d’appui partout où cela est possible, et qu’ils doivent
passer à la réalisation de cette tâche en la considérant comme
stratégique.
Si nous réussissions, par notre
action sur le plan international, à créer dans le Pacifique un
front antijaponais auquel la Chine participerait en tant qu’unité
stratégique et au sein duquel l’Union soviétique et les autres
pays qui pourraient s’y intégrer constitueraient d’autres unités
stratégiques, nous aurions sur l’ennemi l’avantage d’un
encerclement de plus : il se créerait dans la région du
Pacifique une ligne extérieure à partir de laquelle nous pourrions
encercler et anéantir le Japon fasciste. Cette question n’a
évidemment pas encore une portée pratique aujourd’hui, mais une
telle perspective n’est pas exclue.
VII. Défense stratégique et
attaque stratégique dans la guerre de partisans
Le quatrième problème stratégique
de la guerre de partisans concerne la défense stratégique et
l’attaque stratégique. Il consiste à savoir comment, dans la
guerre de partisans contre le Japon, appliquer concrètement, dans la
défensive comme dans l’offensive, le principe des opérations
offensives exposé ci-dessus à propos du premier problème.
Dans la défense stratégique et
l’attaque stratégique (il serait plus juste de dire la
contre-attaque stratégique) à l’échelle nationale s’inscrivent
la défense stratégique et l’attaque stratégique réalisées à
petite échelle dans la région de chaque base d’appui de partisans
et autour d’elle.
Dans le premier cas, il s’agit de
la situation stratégique qui se crée lorsque l’ennemi attaque et
que nous sommes sur la défensive, et de notre stratégie pour cette
période. Dans le second cas, il s’agit de la situation stratégique
qui se crée lorsque l’ennemi est sur la défensive et que nous
attaquons, et de notre stratégie pour cette période.
Section 1. La défense
stratégique dans la guerre de partisans
Lorsque la guerre de partisans aura
commencé et atteint une certaine ampleur, et surtout lorsque
l’ennemi aura mis fin à son offensive stratégique contre
l’ensemble de notre pays et passé à la défense des territoires
occupés, l’offensive de l’ennemi contre les bases d’appui de
la guerre de partisans deviendra inéluctable.
Il est indispensable de le comprendre, car dans le
cas contraire les dirigeants de la guerre de partisans ne se
tiendraient pas sur leurs gardes, et face à une offensive sérieuse
de l’ennemi, ils seraient saisis de panique et se feraient battre.
Pour liquider la guerre de partisans
et ses bases d’appui, l’ennemi aura souvent recours à l’attaque
concentrique : par exemple, des expéditions punitives »
ont déjà été lancées quatre ou cinq fois dans la région du
Woutaichan, et pour chacune d’elles, le plan prévoyait une attaque
simultanée conduite en trois ou quatre, et même en six ou sept
colonnes.
L’ennemi attaquera les partisans et leurs bases
d’appui avec un acharnement d’autant plus grand que la guerre de
partisans se sera développée plus largement, que les bases d’appui
en seront devenues plus importantes par leur position et que ses
propres bases stratégiques et voies de communication importantes se
trouveront plus menacées.
Par conséquent, plus les attaques
ennemies contre les partisans sont acharnées dans une région, plus
les succès de la guerre de partisans s’y avèrent grands et plus
sa coordination avec les opérations régulières s’y révèle
efficace.
Dans le cas d’une attaque
concentrique de l’ennemi en plusieurs colonnes, le principe des
opérations de partisans consiste à briser cette attaque
concentrique en passant à la contre-attaque. Il est facile de la
briser si les colonnes de l’ennemi qui avance ne représentent
chacune qu’une unité, grande ou petite, sans forces d’appui, et
s’il n’a pas la possibilité de laisser des garnisons, de
construire des fortifications et des routes carrossables le long de
sa ligne d’attaque. L’ennemi mène alors des opérations
offensives et à l’extérieur des lignes, tandis que nous nous
trouvons sur la défensive et opérons à l’intérieur des lignes.
La disposition de nos troupes doit
être calculée de façon à en utiliser une petite partie pour fixer
les forces de plusieurs colonnes de l’ennemi, et à lancer nos
forces principales contre une seule de ces colonnes, en adoptant dans
nos campagnes et nos combats la méthode des attaques par surprise
(essentiellement des embuscades) et en frappant l’ennemi pendant
qu’il est en marche. Soumis à toute une série d’attaques par
surprise, l’ennemi, quoique fort, s’affaiblit et souvent se
replie sans avoir pu atteindre ses buts.
A ce moment, les détachements de partisans, tout
en le poursuivant, peuvent continuer de l’affaiblir en lui portant
des coups inattendus.
Quand l’ennemi n’a pas encore
arrêté son attaque ou qu’il n’a pas encore effectué son repli,
il occupe toujours les chefs-lieux de district et les bourgs sur le
territoire de nos bases d’appui.
En ce cas, nous devons encercler l’ennemi dans
ces chefs-lieux de district ou ces bourgs, le couper de ses sources
de ravitaillement et détruire ses voies de communication ;
puis, lorsqu’il ne peut plus se maintenir et commence à se
replier, c’est le moment à saisir pour le pourchasser. Une fois
l’ennemi défait dans une direction, il faut porter rapidement nos
forces dans une autre direction, et défaire ainsi par fractions
l’ennemi qui se livre à une attaque concentrique.
Une vaste base d’appui, comme par
exemple la région du Woutaichan, constitue une « région
militaire » qui se divise en quatre, cinq « sous-régions
militaires » ou davantage, chacune comprenant des détachements
armés opérant de façon indépendante. En appliquant les méthodes
d’opérations décrites plus haut, ces détachements brisent
ouvrent en même temps ou successivement les attaques de l’ennemi.
Dans un plan d’opérations visant à
repousser une attaque concentrique, nos forces principales sont
généralement disposées à l’intérieur des lignes. Dans le cas
où nous disposerions de forces suffisantes, il faut en utiliser une
faible partie (par exemple des détachements de partisans de
districts et d’arrondissements, et éventuellement, des unités
détachées des forces principales) à l’extérieur des lignes pour
détruire les voies de communication de l’ennemi et immobiliser ses
renforts.
Si l’ennemi se maintient longtemps sur le
territoire de nos bases d’appui, nous pouvons adopter une tactique
inverse, c’est-à-dire laisser une partie de nos forces à
l’intérieur de ces bases d’appui pour investir et harceler
l’ennemi, et attaquer avec le gros de nos forces la région d’où
il est venu, y développer notre activité militaire et contraindre
de la sorte l’ennemi à se retirer de nos bases pour aller attaquer
le gros de nos forces. C’est ce qu’on appelle « attaquer la
principauté de Wei pour sauver celle de Tchao ».
[En l’an 353 av. J.C., les troupes de la
principauté de Wei
assiégèrent la ville de Hantan, capitale de la
principauté de
Tchao. Le prince de Tsi ordonna à ses généraux
Tien Ki et
Souen Pin de porter secours à la
principauté de Tchao.
Souen Pin, tenant compte de ce que les troupes
d’élite de
Wei combattaient dans la principauté de Tchao et que
la
principauté de Wei se trouvait sans défense, attaqua cette
dernière. L’armée de Wei revint alors en arrière pour sauver
son
pays; les troupes du prince de Tsi, profitant de
l’épuisement de l’armée ennemie, infligèrent à celle-ci une
lourde défaite à Koueiling (dans la partie nordest
de
l’actuel district de Hotseh, province du Chantong); ainsi, le
siège fut levé devant la capitale de Tchao. Depuis lors, les
stratèges chinois appellent toute tactique similaire la
méthode d’ »attaquer la principauté de Wei pour sauver celle
de Tchao ».]
Durant les opérations visant à
briser une attaque concentrique de l’ennemi, les forces
d’autodéfense antijaponaises locales et toutes les organisations
locales de masse doivent être totalement mobilisées pour prendre
part aux opérations ou activités militaires et aider par tous les
moyens nos troupes dans la lutte contre l’ennemi.
Pour combattre l’ennemi, il est important de
prendre deux mesures : décréter localement l’état de siège
et, dans la mesure du possible, « consolider les remparts et
vider les champs ». La première mesure est nécessaire pour
réprimer l’activité des traîtres à la nation et priver l’ennemi
de la possibilité d’obtenir des renseignements, la deuxième pour
appuyer les opérations de nos troupes (consolider les remparts) et
pour priver l’ennemi de ravitaillement (vider les champs). Par
« vider les champs », il faut entendre rentrer la moisson
dès qu’elle est mûre.
Souvent, pendant sa retraite,
l’ennemi brûle les maisons dans les villes qu’il abandonne et
les villages situés le long de sa ligne de retraite, dans le but de
ruiner les bases d’appui de la guerre de partisans, mais ce
faisant, il se prive d’habitations et de ravitaillement lors de sa
nouvelle attaque et se nuit à lui-même. C’est là un exemple
concret qui montre comment une seule et même chose comporte deux
aspects contraires.
Les dirigeants de la guerre de
partisans ne doivent pas envisager l’idée d’abandonner leur base
d’appui et de passer à une autre, sans avoir effectué des
tentatives répétées pour repousser la puissante attaque
concentrique de l’ennemi et sans avoir acquis la conviction qu’il
est impossible de la briser en cet endroit.
Dans de telles circonstances, il ne faut pas se
laisser aller au pessimisme. En général, dans les régions
montagneuses, il est toujours possible de briser l’attaque
concentrique de l’ennemi et de tenir les bases d’appui, à
condition toutefois que le commandement ne commette pas d’erreurs
de principe.
Ce n’est que dans les régions de plaine et dans
les conditions d’une forte attaque concentrique de l’ennemi qu’il
faut, partant de la situation concrète, envisager la solution
suivante : laisser dans cette région un grand nombre de petits
détachements de partisans en vue d’opérations dispersées et
transférer temporairement les grosses unités de partisans dans les
régions montagneuses, de façon qu’elles puissent revenir déployer
leurs activités dans les plaines après le départ des forces
principales de l’ennemi.
Par suite de la contradiction entre
l’étendue du territoire de la Chine et l’insuffisance des forces
de l’ennemi, ce dernier ne peut pas, en règle générale, recourir
à la méthode de la « guerre de blockhaus », que le
Kuomintang a appliquée dans la période de la guerre civile en
Chine.
Nous devons cependant considérer que l’ennemi
peut, dans une certaine mesure, se servir de cette méthode contre
des bases de partisans qui menacent particulièrement ses points
vitaux. Nous devons, même dans ce cas, être prêts à poursuivre
fermement la guerre de partisans.
Si nous avons été capables de
poursuivre une guerre de partisans même dans les conditions de la
guerre civile, il est certain que cela est d’autant plus réalisable
dans une guerre nationale. Car même si l’ennemi parvient à mettre
en ligne contre certaines de nos bases d’appui des forces d’une
supériorité écrasante, en qualité comme en quantité, les
contradictions nationales entre l’ennemi et nous n’en resteront
pas moins entières et les fautes du commandement des troupes
ennemies n’en seront pas moins inévitables.
Nos victoires sont fondées sur un sérieux
travail parmi les masses et sur des méthodes de guerre pleines de
souplesse.
Section 2. L’attaque
stratégique dans la guerre de partisans
Après que l’attaque de l’ennemi
a été brisée et avant qu’il n’en entreprenne une nouvelle, il
y a une période où il se trouve sur la défensive stratégique et
où nous passons à l’offensive stratégique.
En une telle période, notre ligne
d’opérations ne consiste pas à attaquer un ennemi qui tient
fermement ses positions défensives et e nous ne sommes pas sûrs de
vaincre, mais à détruire ou à chasser systématiquement hors de
régions déterminées les forces ennemies eu considérables et les
troupes fantoches dont les détachements de partisans peuvent venir à
bout ; de même, nous devons élargir les territoires occupés
par nous, soulever les masses populaires dans la lutte contre
l’envahisseur, compléter et instruire les détachements de
partisans et en organiser de nouveaux.
Si, une fois ces tâches réalisées jusqu’à un
certain point, l’ennemi est toujours sur la défensive, nous
pouvons entreprendre un nouvel élargissement des régions occupées
par nous, attaquer les villes et les voies de communication tenues
par des forces ennemies peu importantes et les occuper pour un temps
ou pour une longue période, suivant les circonstances.
Telles sont les tâches de l’attaque
stratégique, dont le but est de mettre à profit la période où
l’ennemi se trouve sur la défensive pour accroître avec
efficacité nos forces armées et la force des masses populaires,
ainsi que pour réduire avec efficacité les forces de l’ennemi et
pour nous mettre en mesure de briser, par des opérations planifiées
et vigoureuses, la nouvelle attaque qu’entreprendra l’ennemi.
Le repos et l’instruction des
troupes sont nécessaires. La période où l’ennemi passe à la
défensive est le meilleur moment pour le repos et l’instruction.
Mais il ne s’agit pas de s’occuper exclusivement de cela, en se
désintéressant de tout le reste ; il faut trouver du temps
pour le repos et l’instruction au cours même de l’élargissement
du territoire occupé par nous, de l’anéantissement des petites
unités ennemies et du travail pour la mobilisation des masses. C’est
habituellement à ce moment-là que l’on résout les difficultés
dans l’approvisionnement en vivres, vêtements, couvertures, etc.
C’est aussi le moment de détruire
sur une vaste échelle les voies de communication de l’ennemi, de
paralyser ses transports et d’apporter par là une aide directe aux
troupes régulières au cours de leurs campagnes. Alors, dans toutes
les bases de partisans, toutes les régions de partisans et tous les
détachements de partisans, se manifeste un enthousiasme général,
et les régions saccagées par l’ennemi se relèvent peu à peu des
ruines et renaissent à la vie.
Dans les régions occupées par l’ennemi, les
masses populaires s’en réjouissent aussi, partout s’étend le
prestige des détachements de partisans.
Dans le camp de l’ennemi et de ses
laquais, les traîtres, grandit la panique, s’aggrave la
désagrégation, en même temps que s’accroît la haine pour les
partisans et les bases d’appui et que s’intensifient les
préparatifs contre les partisans C’est pourquoi, lors de l’attaque
stratégique, les dirigeants de la guerre de partisans doivent se
garder de chanter victoire, de sous-estimer l’ennemi, de négliger
le renforcement de l’union dans leurs rangs et la consolidation des
bases et des détachements de partisans.
En un tel moment, ils doivent savoir
observer chaque mouvement de l’ennemi et découvrir les signes
annonciateurs d’une nouvelle attaque, de façon à pouvoir, dès
que celle-ci commence, mettre fin en bon ordre à leur attaque
stratégique, passer à la défensive stratégique et briser au cours
de celle-ci l’attaque de l’ennemi.
VIII. Passage de la guerre de
partisans à la guerre de mouvement
Le cinquième problème stratégique
de la guerre de partisans contre le Japon est le passage de la guerre
de partisans à la guerre de mouvement. La nécessité et la
possibilité d’un tel passage découlent également de la longue
durée et du caractère acharné de la guerre.
En effet, si la Chine pouvait
rapidement remporter la victoire sur les bandits japonais et
recouvrer les territoires perdus et si, en conséquence, la guerre
n’était pas longue et n’avait rien d’acharné, la
transformation de la guerre de partisans en guerre de mouvement ne
serait pas une nécessité.
Mais comme, au contraire, la guerre
se révèle longue et acharnée, on ne peut s’y adapter qu’à la
condition de transformer la guerre de partisans en guerre de
mouvement.
Dans la mesure où la guerre est longue et
acharnée, elle permettra aux détachements de partisans d’acquérir
la trempe nécessaire et de se transformer peu à peu en unités
régulières ; en conséquence de quoi les formes de combat
qu’ils utilisent se rapprocheront aussi, peu à peu, de celles des
unités régulières, et la guerre de partisans se développera en
guerre de mouvement.
Les dirigeants de la guerre de
partisans doivent voir clairement cette nécessité et cette
possibilité, alors seulement ils pourront s’en tenir fermement à
la ligne de la transformation de la guerre de partisans en guerre de
mouvement et la mettre systématiquement en pratique. Actuellement,
dans nombre de régions, par exemple dans la région A Woutaichan, la
guerre de partisans doit son développement à l’envoi de forts
détachements de l’armée régulière. Bien que les opérations
militaires dans ces régions soient en général des opérations de
partisans, elles contiennent cependant dès le début des éléments
de la guerre de mouvement. Pour autant que la guerre se prolongera,
ces éléments augmenteront progressivement.
C’est en cela que consiste
l’avantage de la présente guerre de partisans antijaponaise,
avantage qui non seulement favorisera son développement rapide, mais
encore l’élèvera rapidement à un niveau supérieur ; la
présente guerre de partisans se fait dans des conditions nettement
plus favorables que n’en ont connu les partisans des trois
provinces du Nord-Est.
La transformation des détachements
de partisans, qui font actuellement une guerre de partisans, en des
unités régulières, qui feront une guerre de mouvement, exige deux
conditions : l’accroissement de leurs effectifs et l’élévation
de leur qualité.
Pour accroître les effectifs, outre l’enrôlement
direct de la population dans les détachements, on peut fusionner de
petits détachements ; l’élévation de la qualité exige
qu’au cours de la guerre les combattants se trempent et que leur
armement soit amélioré.
En procédant à la fusion des petits
détachements, il faut, d’une part, se garder du régionalisme, qui
ne compte qu’avec les intérêts locaux et s’oppose pour cela à
cette fusion, et, d’autre part, lutter contre l’esprit purement
militaire, qui ne tient pas compte des intérêts locaux.
Le régionalisme se manifeste au sein des
détachements locaux de partisans et des organes locaux du pouvoir.
Souvent, on s’y préoccupe uniquement des intérêts locaux et on
oublie les intérêts généraux, ou bien, n’ayant pas l’habitude
de l’action collective, on cherche à agir seul.
Les chefs des forces principales de partisans ou
des corps de partisans doivent en tenir compte et appliquer une
méthode de fusion progressive et partielle, de façon à laisser aux
autorités locales des forces suffisantes pour le développement
ultérieur des opérations de partisans. Pour réaliser la fusion des
petites unités, il faut tout d’abord leur faire entreprendre des
actions concertées, puis les intégrer dans les grandes unités sans
toutefois détruire la structure organique de ces détachements et
sans changer leurs cadres.
A l’opposé du régionalisme,
l’esprit purement militaire est le point de vue erroné de ceux
qui, au sein des forces principales, cherchent uniquement à
augmenter leurs unités sans se préoccuper d’aider les forces
armées locales.
Ils ne comprennent pas que le passage de la guerre
de partisans à la guerre de mouvement ne signifie point l’abandon
de la guerre de partisans, mais la formation graduelle, au cours d’un
large développement de la guerre de partisans, de forces principales
qui soient capables de conduire une guerre de mouvement et autour
desquelles doivent continuer à exister un grand nombre de
détachements menant une guerre de partisans étendue.
Ces nombreux détachements de
partisans constituent une puissante force auxiliaire autour des
forces principales et représentent en même temps une source
intarissable pour l’accroissement ultérieur de celles-ci.
C’est pourquoi un dirigeant de
forces principales qui manifesterait un état d’esprit purement
militaire, sans tenir compte des intérêts de la population locale
et des organes locaux du pouvoir, aurait à surmonter cette erreur,
afin qu’aux deux aspects de cette tâche l’élargissement des
forces principales et l’accroissement du nombre de détachements
armés locaux soit donnée la place qui leur revient.
Pour élever la qualité des
détachements de partisans, il faut effectuer un bon travail
politique et d’organisation dans leurs rangs, améliorer leur
équipement, leur technique militaire, leur tactique et renforcer
leur discipline, en prenant progressivement modèle sur l’armée
régulière et en éliminant les habitudes de partisans.
Dans le domaine de l’éducation
politique, il faut s’efforcer de faire comprendre aux commandants
et aux combattants la nécessité d’élever les détachements de
partisans au niveau des troupes régulières, il faut encourager tout
le monde à travailler dans ce sens et assurer la réalisation de cet
objectif par le travail politique.
Dans le domaine du travail
d’organisation, il faut pourvoir progressivement les détachements
de partisans de tout ce que doit comporter une formation régulière,
à savoir un appareil militaire et politique, des cadres militaires
et politiques, des méthodes de travail correspondantes et un système
permanent d’approvisionnement, de service sanitaire, etc.
En ce qui concerne l’équipement,
il faut améliorer la qualité et augmenter la variété de
l’armement, et accroître les moyens de transmission
indispensables. Dans le domaine de la technique militaire et de la
tactique, il faut élever les détachements de partisans au niveau
des corps de troupes régulières.
Quant à la discipline, il faut en
élever le niveau jusqu’à obtenir que des règles uniformes soient
observées et que les ordres et instructions soient strictement
exécutés ; il faut déraciner le laisser-aller et l’esprit
d’indiscipline. L’accomplissement de ces tâches exige de longs
efforts et n’est pas l’affaire d’un jour, mais c’est dans ce
sens qu’il faut agir.
C’est le seul moyen pour permettre
à chaque base d’appui de la guerre de partisans de constituer des
troupes régulières et d’accéder aux formes de la guerre de
mouvement capables de frapper l’ennemi avec encore plus
d’efficacité. Là où opèrent des détachements ou des cadres
envoyés par l’armée régulière, il est relativement facile de
parvenir à ce but. Il en résulte que toutes les troupes régulières
ont l’obligation d’aider les détachements de partisans à se
transformer en unités régulières.
IX. Rapports dans le
commandement
Le dernier problème stratégique de
la guerre de partisans contre le Japon porte sur les rapports dans le
commandement. Sa solution correcte est l’une des conditions
nécessaires pour développer avec succès la guerre de partisans.
Comme les détachements de partisans
sont la forme inférieure d’organisation des forces armées et que
leur caractéristique est l’éparpillement des opérations, la
guerre de partisans ne permet pas le commandement hautement
centralisé propre à la guerre régulière. Si l’on tente de
transposer dans la guerre de partisans les méthodes de commandement
de la guerre régulière, on restreindra inévitablement la grande
mobilité de la guerre de partisans, et celle-ci perdra son
dynamisme.
Le haut degré de centralisation du
commandement est en contradiction directe avec cette grande mobilité.
Non seulement il ne convient pas, mais encore il est impossible
d’appliquer un système de commandement hautement centralisé à la
guerre de partisans, caractérisée par sa grande mobilité.
Cela ne signifie cependant pas que la
guerre de partisans puisse se développer avec succès sans aucun
commandement centralisé. Dans les conditions où de vastes
opérations de partisans et de vastes opérations régulières sont
en cours en même temps, une coordination appropriée est
indispensable entre elles.
Il faut alors un commandement pour coordonner les
opérations régulières avec les opérations de partisans, il faut,
en d’autres termes, une direction stratégique unique assurée par
l’état-major général et les commandements des zones
d’opérations.
Lorsqu’il existe dans une région
ou une base de partisans un grand nombre d’unités de partisans
parmi lesquelles il y a d’ordinaire un ou plusieurs corps
principaux de partisans (parfois des corps de l’armée régulière
y opèrent aussi) et nombre de détachements de partisans, grands et
petits, jouant un rôle auxiliaire et qu’il s’y trouve de
nombreuses forces armées de la population non détachées de la
production, l’ennemi adopte généralement un dispositif unique
pour toutes ses forces en vue d’une action concertée contre les
partisans.
C’est pourquoi, dans de telles
régions de partisans ou bases d’appui, se pose le problème d’un
commandement unique, c’est-à-dire d’un commandement centralisé.
Il en résulte que le principe du
commandement dans la guerre de partisans consiste, d’une part, à
s’opposer à la centralisation absolue et, d’autre part, à
s’opposer à la décentralisation absolue ; il exige un
commandement centralisé en stratégie et un commandement
décentralisé dans les campagnes et les combats.
Le commandement centralisé en
stratégie implique : à l’échelle nationale, l’établissement
du plan d’ensemble et la direction générale des opérations de
partisans, la coordination des opérations de partisans et des
opérations régulières dans chaque zone de guerre, et enfin, dans
chaque région de partisans et dans chaque base d’appui, la
direction unique de toutes les forces armées antijaponaises.
Ici, l’absence d’accord et
d’unité, l’absence de centralisation est nuisible, et c’est
pourquoi il faut réaliser par tous les moyens l’accord, l’unité
et la centralisation. Pour toutes les questions générales,
c’est-à-dire les questions d’ordre stratégique, les échelons
inférieurs doivent en référer aux échelons supérieurs et se
soumettre à leur direction pour réaliser une coordination efficace.
Mais la centralisation du
commandement doit s’en tenir là. Franchir ces limites, s’ingérer
dans le détail concret des affaires des échelons inférieurs, par
exemple dans les dispositions spécifiques d’une campagne ou d’un
combat, est tout aussi nuisible.
Les affaires concrètes doivent en
fait être réglées en fonction des situations concrètes qui
varient selon le temps et le lieu et ne peuvent être connues des
échelons supérieurs, fort éloignés. Cela exige la
décentralisation du commandement dans les campagnes et les combats.
Ce principe s’applique également, d’une façon générale, aux
opérations régulières, surtout si les moyens de transmission sont
insuffisants.
En un mot, nous sommes pour des
opérations de partisans menées avec indépendance et initiative,
sous un commandement stratégique unique. Il se crée, dans les bases
de partisans, une région militaire qui se divise en plusieurs
sous-régions militaires ; chacune de celles-ci se subdivise en
districts et chaque district en arrondissements.
A cette division correspond un
système de subordination respective des autorités, de celles de
l’arrondissement à celles du district, de celles du district au
commandement de la sous-région militaire, de celui-ci au
commandement de la région militaire, et les forces armées sont
subordonnées à ces différents échelons suivant leur caractère.
Les rapports entre les échelons ci-dessus
s’établissent conformément au principe énoncé plus haut, de
façon que la ligne de conduite générale soit fixée car l’échelon
supérieur et l’action concrète entreprise, selon les données de
la situation concrète, par les échelons inférieurs, qui ont ici le
droit d’agir indépendamment.
Lorsque l’échelon supérieur a des
remarques à faire à l’échelon inférieur à propos d’une
action concrète, il peut et doit les exprimer sous forme
d’ »instructions », mais jamais sous forme
d’ « ordres » catégoriques. Plus la région est
étendue, la situation complexe et l’échelon supérieur éloigné,
plus le commandement local doit avoir de liberté dans l’action
concrète, pour adapter celle-ci plus étroitement aux conditions
locales et aux exigences de la situation locale.
Cela est nécessaire pour permettre
aux échelons inférieurs et au personnel local de développer leur
aptitude à travailler dans l’indépendance, à faire face à des
situations complexes et à mener avec succès la guerre de partisans.
Si une unité ou un corps est engagé dans une
action unique, les rapports dans le commandement s’y établissent
sur le principe de la centralisation, car le commandement supérieur
est alors au courant de la situation ; mais si cette unité ou
ce corps passe aux opérations dispersées, c’est le principe de la
centralisation pour les questions générales et de la
décentralisation pour les questions concrètes qui s’applique, car
la situation concrète ne peut alors être suivie par le commandement
supérieur.
Si ce qui doit être centralisé ne l’est pas,
cela indique que les échelons supérieurs ont manqué à leur devoir
et que les échelons inférieurs ont outrepassé leurs pouvoirs. Cela
est inadmissible dans les rapports d’un échelon supérieur
quelconque avec un échelon inférieur, et particulièrement entre
échelons militaires. Si ce qui doit être décentralisé ne l’est
pas, cela indique que les échelons supérieurs monopolisent le
pouvoir et que les échelons inférieurs n’ont pas d initiative.
Cela est également inadmissible dans les rapports d’un échelon supérieur avec un échelon inférieur, et tout particulièrement dans les rapports de commandement dans la guerre de partisans. Le problème des rapports de commandement ne peut être résolu correctement que sur la base du principe exposé ci-dessus.
=>Oeuvres de Mao Zedong