Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • Portraits dialectiques de La Rochefoucauld et de La Bruyère : l’amour-propre

    La grande qualité du XVIIe siècle est sa réfutation de la vanité, défaut si présent à la Cour, en raison de la centralisation complète et de la nécessité de plaire pour avancer dans les institutions. Il s’ensuit un éloge de l’ego absolument insoutenable, avec une élite totalement obnubilée par son amour-propre. C’est une véritable vision du monde, où tout est évalué selon la satisfaction de son amour-propre.

    Cela est bien sûr renforcé par le développement du capitalisme. Les commentateurs bourgeois ont omis cela, faisant comme si les mœurs capitalistes commençaient uniquement à partir de 1789, ou bien au XVIIIe siècle avec les Lumières.

    En réalité, si les idées bourgeoises triomphent avec les Lumières, les mœurs bourgeoises se développent bien entendu bien avant, dès l’émergence de la bourgeoisie en tant que classe, sous la forme des commerçants, artisans et marchands dans les bourgs devenant les villes.

    La preuve en est que le calvinisme est déjà apparu, justement comme théorie bourgeoises des mœurs. On ne peut  donc pas du tout limiter le XVIIe siècle à une sorte d’aristocratie maniérée et parasitaire et d’ailleurs lorsque François de La Rochefoucauld et Jean de La Bruyère critiquent les mœurs de leur époque, ils constatent bien le mélange de valeurs aristocrates et bourgeoises. Ne sachant d’où vient le problème, ils en viennent justement à regretter les anciennes mœurs aristocrates.

    La raison de cela est que c’est l’individualisme qui s’étend à grande vitesse. L’amour-propre devient l’orientation principale des couches sociales dominantes. François de La Rochefoucauld constate par exemple :

    « L’amour-propre nous augmente ou nous diminue les bonnes qualités de nos amis à proportion de la satisfaction que nous avons d’eux ; et nous jugeons de leur mérite par la manière dont ils vivent avec nous. »

    Jean de La Bruyère a présenté cet amour-propre dans des petites scènes, pour montrer quel est le type d’attitude à laquelle on a affaire.

    En voici une :

    « Il faut laisser parler cet inconnu que le hasard a placé auprès de vous dans une voiture publique, à une fête ou à un spectacle ; et il ne vous coûtera bientôt pour le connaître que de l’avoir écouté : vous saurez son nom, sa demeure, son pays, l’état de son bien, son emploi, celui de son père, la famille dont est sa mère, sa parenté, ses alliances, les armes de sa maison ; vous comprendrez qu’il est noble, qu’il a un château, de beaux meubles, des valets, et un carrosse. »

    François de La Rochefoucauld

    Le grand problème bien entendu, c’est de trouver la source de cette vanité, de cet amour-propre. Naturellement, en raison de la nature de cette époque, c’est introuvable. Il ne reste alors plus qu’à basculer dans la généralisation, d’attribuer à la nature humaine un défaut propre aux classes dominantes. L’idéalisme permet de trouver la clef du problème, tout au moins en apparence.

    Il y a pourtant des intuitions formidables. François de La Rochefoucauld tente par exemple d’expliquer que l’amour-propre, la vanité, tient au fait même d’exercer une profession, car cela va de pair avec un masque social. Il formule cela ainsi :

    « Dans toutes les professions chacun affecte une mine et un extérieur pour paraître ce qu’il veut qu’on le croie. Ainsi on peut dire que le monde n’est composé que de mines.  »

    C’est là constater le principe de l’apparence du vendeur, du marchand, du négociant, dans la vente de marchandises. Il y a là une perception très nette des mœurs propres au capitalisme.

    De son côté, Jean de La Bruyère considère pareillement que cela provient de toute la société, même s’il entrevoit finalement que le cœur, c’est la cour, qui contamine le reste de la société avec ses valeurs, son style, ses approches, son idéologie. Il constate, de manière désabusée :

    « La ville dégoûte de la province ; la cour détrompe de la ville, et guérit de la cour. »

    Ce dernier exemple rappelle la figure du Misanthrope dans la pièce éponyme de Molière : prétendre vivre à la marge des valeurs de la cour, c’est quitter toute socialisation, c’est échouer dans la vie, aussi regrettable que soit le culte des apparences.

    D’ailleurs, Jean de La Bruyère trouve ici une vraie parade dialectique, en expliquant que le vertueux n’a pas refusé la cour, mais qu’il en a fait le tour, qu’il en a saisi les aspects contradictoires. C’est là tout à fait différent d’un désengagement comme le propose à la même époque le jansénisme.

    Voici l’explication tout à fait dialectique de Jean de La Bruyère :

    « Il faut qu’un honnête homme ait tâté de la cour : il découvre en y entrant comme un nouveau monde qui lui était inconnu, où il voit régner également le vice et la politesse, et où tout lui est utile, le bon et le mauvais. »

    Il y a également là une grande différence avec François de La Rochefoucauld, car ce dernier ne pense justement pas que l’on puisse aller dans le sens de la vertu ; l’amour-propre commande tout dans l’être humain et il dit ainsi :

    « Nous ne ressentons nos biens et nos maux qu’à proportion de notre amour-propre. »

    Toutefois, et c’est une nécessité, Jean de La Bruyère ne peut pas être d’un trop grand optimisme au sujet de la vertu. Il sent bien que la base de la société fait que les tentatives sont fragiles, que les apparences sont trompeuses. Seule une toute petite minorité, forgée dans la vertu, peut résister.

    Il présente la chose ainsi :

     « Il ne faut pas juger des hommes comme d’un tableau ou d’une figure, sur une seule et première vue : il y a un intérieur et un cœur qu’il faut approfondir. Le voile de la modestie couvre le mérite, et le masque de l’hypocrisie cache la malignité. Il n’y a qu’un très petit nombre de connaisseurs qui discerne, et qui soit en droit de prononcer ; ce n’est que peu à peu, et forcés même par le temps et les occasions, que la vertu parfaite et le vice consommé viennent enfin à se déclarer. »

    Cela montre à quel point François de La Rochefoucauld et Jean de La Bruyère avaient pour ainsi dire senti la superstructure du mode de production, sans parvenir à en établir la nature. Inévitablement, on trouve chez eux une constatation du développement du mode de production capitaliste à travers le féodalisme, avec un basculement dans le pessimisme.

    Jean de La Bruyère sentira par contre plus que François de La Rochefoucauld que le pessimisme n’est qu’une fuite. C’est pour cela que l’écrivain décadentiste Jules Barbey d’Aurevilly, ultra-réactionnaire, affirmera au sujet de Jean de La Bruyère, dans Femmes et moralistes :

    « Ce prestigieux écrivain, le plus piquant du XVIIe siècle, qui, à force de style, s’est fait croire un grand moraliste, quoique son observation aille plus au costume qu’à la personne, à la convention sociale qu’au tréfond de la nature humaine, — en cela inférieur à François de La Rochefoucauld, qui n’a pas tout dit non plus, mais qui a vu plus loin que Jean de La Bruyère dans la misère constitutive de l’homme ».

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  • Portraits dialectiques de La Rochefoucauld et de La Bruyère : unir les contraires

    La contradiction propre à la monarchie absolue, c’est de développer la culture d’un côté, de la freiner de l’autre, en raison de la domination de l’opportunisme propre à la cour, parallèlement au développement des commerçants et des marchands. C’est là l’expression des forces productives, qui se développent, alors que la société la freine en partie, la base féodale rentrant en contradiction avec  le mode de production capitaliste qui apparaît.

    C’est cela qui écœure Jean de La Fontaine et Jean de La Bruyère ; ce dernier raisonne directement en termes de progrès, dans un esprit qui sera d’ailleurs celui des Lumières, à ceci près qu’il ne dénonce pas le régime, mais les travers humains qu’il sépare justement du régime, ce qui le ramène paradoxalement à un point de vue pro-féodal.

    Voici ce qu’il dit par exemple :

    « Les connaisseurs, ou ceux qui se croient tels, se donnent voix délibérative et décisive sur les spectacles, se cantonnent aussi, et se divisent en des partis contraires, dont chacun, poussé par un tout autre intérêt que par celui du public ou de l’équité, admire un certain poème ou une certaine musique, et siffle tout autre.

    Ils nuisent également, par cette chaleur à défendre leurs préventions, et à la faction opposée et à leur propre cabale ; ils découragent par mille contradictions les poètes et les musiciens, retardent les progrès des sciences et des arts, en leur ôtant le fruit qu’ils pourraient tirer de l’émulation et de la liberté qu’auraient plusieurs excellents maîtres de faire, chacun dans leur genre et selon leur génie, de très bons ouvrages. »

    C’est précisément l’étroitesse d’esprit que dénonce Jean de La Bruyère, dans une perspective qui est celle de la synthèse. Voici un reproche qu’il fait ainsi aux différentes approches erronées qui peuvent être faites :

    « Les sots lisent un livre, et ne l’entendent point ; les esprits médiocres croient l’entendre parfaitement ; les grands esprits ne l’entendent quelquefois pas tout entier : ils trouvent obscur ce qui est obscur, comme ils trouvent clair ce qui est clair ; les beaux esprits veulent trouver obscur ce qui ne l’est point, et ne pas entendre ce qui est fort intelligible. »

    L’objectif de François de La Rochefoucauld et Jean de La Bruyère est de dresser une typologie, une liste de ce qu’il faut éviter. Seulement, pour s’en sortir, il faut aller de l’avant, mais tant Jean de La Bruyère que François de La Rochefoucauld sont tiraillés : ils constatent deux aspects, une contradiction, mais ne savent pas comment s’en sortir. Ce qu’on gagne d’un côté, on le perd de l’autre.

    C’est ce constat fait au XVIIe siècle qui a bloqué par la suite la compréhension de la dialectique au XIXe siècle, permettant à Pierre-Joseph Proudhon et Jean Jaurès d’apparaître, avec leur style consistant à unir les contraires.

    L’immense qualité de Jean de La Bruyère ainsi que de François de La Rochefoucauld n’a pas été comprise, elle a été d’une certaine manière poursuivie, avec la tentative d’unir les contraires, deux devenant un, dans l’esprit d’un constat se voulant critique productif.

    Jean de La Bruyère

    La formidable analyse était pourtant là, avec justement le renversement dialectique, par exemple quand François de La Rochefoucauld dit :

    « La passion fait souvent un fou du plus habile homme, et rend souvent les plus sots habiles. »

    Jean de La Bruyère constate pareillement l’existence de deux aspects :

    « On ouvre un livre de dévotion, et il touche ; on en ouvre un autre qui est galant, et il fait son impression. Oserai-je dire que le cœur seul concilie les choses contraires, et admet les incompatibles ? »

    Mais l’esprit français, cherchant le caractère linéaire, se demande comment les contraires peuvent être unis. C’est ce qui amène Jean de La Bruyère à dire que :

    « L’honnête homme tient le milieu entre l’habile homme et l’homme de bien, quoique dans une distance inégale de ces deux extrêmes. »

    Il en va de même avec la question de savoir s’il faut choisir entre l’ancien et le nouveau : c’est précisément là où l’esprit français se bloque. Jean de La Bruyère nous dit ainsi :

    « Deux choses toutes contraires nous préviennent également, l’habitude et la nouveauté. »

    Être mesuré consiste ici à unir les contraires : François de La Rochefoucauld et Jean de La Bruyère ont permis de commencer à constater les contraires… Sans la possibilité de les saisir comme phénomène général se résolvant dans la lutte.

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  • La Rochefoucauld et de La Bruyère : un esprit de synthèse

    Tout comme chez François de La Rochefoucauld, on trouve chez Jean de La Bruyère cette combinaison entre catholicisme et exigences de la bourgeoisie. Ce qu’il dit dans la préface de son œuvre intitulée Les Caractères ou les Mœurs de ce siècle est impossible à comprendre sans le rapprocher de la civilité bourgeoise, de la rigueur protestante, de la pression catholique, de la bienséance propre à la monarchie absolue.

    Il explique ainsi, dès le départ, faisant de la correction des mœurs la tâche de la littérature :

    « Je rends au public ce qu’il m’a prêté ; j’ai emprunté de lui la matière de cet ouvrage : il est juste que, l’ayant achevé avec toute l’attention pour la vérité dont je suis capable, et qu’il mérite de moi, je lui en fasse la restitution. Il peut regarder avec loisir ce portrait que j’ai fait de lui d’après nature, et s’il se connaît quelques-uns des défauts que je touche, s’en corriger.

    C’est l’unique fin que l’on doit se proposer en écrivant, et le succès aussi que l’on doit moins se promettre ; mais comme les hommes ne se dégoûtent point du vice, il ne faut pas aussi se lasser de leur reprocher : ils seraient peut-être pires, s’ils venaient à manquer de censeurs ou de critiques ; c’est ce qui fait que l’on prêche et que l’on écrit.

    L’orateur et l’écrivain ne sauraient vaincre la joie qu’ils ont d’être applaudis ; mais ils devraient rougir d’eux-mêmes s’ils n’avaient cherché par leurs discours ou par leurs écrits que des éloges ; outre que l’approbation la plus sûre et la moins équivoque est le changement de mœurs et la réformation de ceux qui les lisent ou qui les écoutent. »

    Cependant, dans la tradition française propre à un semi-humanisme largement freiné par le catholicisme et méconnaissant le protestantisme, Jean de La Bruyère n’est guère optimiste. Il parle des « caprices de la multitude et la légèreté du public » et présente la nécessaire instruction comme une œuvre qui, par définition, est impossible à réaliser entièrement, de par la nature même de l’humanité.

    Dès le début de l’œuvre elle-même, Jean de La Bruyère réduit la portée de son travail, la valeur de son apport :

    « Il faut chercher seulement à penser et à parler juste, sans vouloir amener les autres à notre goût et à nos sentiments ; c’est une trop grande entreprise. »

    Pourtant, et c’est là le paradoxe du XVIIe siècle, la représentation de la réalité est possible. Pourquoi est-elle possible, alors que ses effets sont censés être extrêmement relatifs, ni François de La Rochefoucauld ni Jean de La Bruyère ne l’expliquent.

    Ils constatent pourtant clairement la possibilité d’un regard sur le mouvement de la réalité, d’une réflexion sur la psychologie. Tout comme François de La Rochefoucauld a pu saisir en partie le mouvement dialectique, Jean de La Bruyère souligne la possibilité pour un auteur de synthétiser.

    Page de garde de la 10e édition des Caractères de Théophraste traduit du Grec avec les Caractères et Mœurs de ce siècle de La Bruyère, 1699.

    Il dit ainsi, dans deux passages dont le rapprochement est inévitablement à faire avec la théorie du reflet et la conception de la pensée-guide dans le matérialisme dialectique :

    « L’on n’a guère vu jusques à présent un chef-d’œuvre d’esprit qui soit l’ouvrage de plusieurs : Homère a fait l’Iliade, Virgile l’Enéide, Tite-Live ses Décades, et l’Orateur romain [c’est-à-dire Cicéron] ses Oraisons. »

    C’est là un point de vue en contradiction avec le pessimisme censé être sous-jacent à sa conception, et c’est même éminemment anti-relativiste, dans la mesure où une valeur historique, celle du portrait réaliste, par un haute technique d’expression, est attribuée à certains auteurs.

    Autre contradiction : Jean de La Bruyère a pris le parti des « anciens » contre les « modernes » ; pour lui tout a été dit et parfaitement, on ne peut qu’imiter. Pourtant, il analyse dialectiquement deux auteurs en les rapprochant, en montrant que leurs contraires devraient s’unir !

    C’est là une approche qui, comme celle de François de La Rochefoucauld, est absolument à rapprocher du matérialisme dialectique :

    « Il n’a manqué à Térence que d’être moins froid : quelle pureté, quelle exactitude, quelle politesse, quelle élégance, quels caractères ! Il n’a manqué à Molière que d’éviter le jargon et le barbarisme, et d’écrire purement : quel feu, quelle naïveté, quelle source de la bonne plaisanterie, quelle imitation des mœurs, quelles images, et quel fléau du ridicule ! Mais quel homme on aurait pu faire de ces deux comiques !

    J’ai lu Malherbe et Théophile. Ils ont tous deux connu la nature, avec cette différence que le premier d’un style plein et uniforme, montre tout à la fois ce qu’elle a de plus beau et de plus noble, de plus naïf et de plus simple ; il en fait la peinture ou l’histoire. L’autre, sans choix, sans exactitude, d’une plume libre et inégale, tantôt charge ses descriptions, s’appesantit sur les détails : il fait une anatomie ; tantôt il feint, il exagère, il passe le vrai dans la nature : il en fait le roman.

    Ronsard et [Jean-Louis Guez de] Balzac ont eu, chacun dans leur genre, assez de bon et de mauvais pour former après eux de très grands hommes en vers et en prose.

    Marot, par son tour et par son style, semble avoir écrit depuis Ronsard : il n’y a guère, entre ce premier et nous, que la différence de quelques mots. »

    L’analyse dialectique porte également parfois sur un auteur, dont les deux aspects sont antagoniques, pour ainsi dire :

    « Marot et Rabelais sont inexcusables d’avoir semé l’ordure dans leurs écrits : tous deux avaient assez de génie et de naturel pour pouvoir s’en passer, même à l’égard de ceux qui cherchent moins à admirer qu’à rire dans un auteur.

    Rabelais surtout est incompréhensible : son livre est une énigme, quoi qu’on veuille dire, inexplicable ; c’est une chimère, c’est le visage d’une belle femme avec des pieds et une queue de serpent, ou de quelque autre bête plus difforme ; c’est un monstrueux assemblage d’une morale fine et ingénieuse, et d’une sale corruption.

    Où il est mauvais, il passe bien loin au delà du pire, c’est le charme de la canaille ; où il est bon, il va jusques à l’exquis et à l’excellent, il peut être le mets des plus délicat. »

    Cela montre, comme chez François de La Rochefoucauld, la finesse d’analyse, le regard dialectique dans le portrait.

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  • Portraits dialectiques de La Rochefoucauld et de La Bruyère : une vision dialectique

    On aurait tort de penser que François de La Rochefoucauld et Jean de La Bruyère ne sont que de simples témoins, avec des yeux propres à leur époque – ce serait là une interprétation mécaniste, fondamentalement éloignée du matérialisme historique et de sa valorisation de la monarchie absolue comme étape intermédiaire et temporaire dans l’effondrement du féodalisme.

    Ce qui fait l’intérêt de François de La Rochefoucauld est précisément la même chose qu’on a chez René Descartes et Jean Racine : une combinaison entre le catholicisme et les exigences de la bourgeoisie française qui n’a pas réussi à développer le protestantisme.

    Ce qui est alors très frappant, au-delà de la tentative de composer deux démarches opposées, c’est la recherche d’une avancée au moyen de la dialectique. C’est là que réside la force des Maximes et cela doit être considéré comme la base de leur énorme succès à leur parution.

    Une maxime témoigne de la dimension conflictuelle entre les différents aspects de la réalité, avec un équilibre uniquement relatif entre les opposés :

    « Les passions en engendrent souvent qui leur sont contraires. L’avarice produit quelquefois la prodigalité, et la prodigalité l’avarice ; on est souvent ferme par faiblesse, et audacieux par timidité. »

    C’est là tout à fait dialectique, avec une chose se retournant en son contraire. Voici un autre exemple :

    « Le trop grand empressement qu’on a de s’acquitter d’une obligation est une espèce d’ingratitude. »

    Cette approche va jusqu’à saisir la question des différents aspects, avec un aspect principal, comme dans ce qui suit :

    « Cette clémence dont on fait une vertu se pratique tantôt par vanité, quelquefois par paresse, souvent par crainte, et presque toujours par tous les trois ensemble. »

    Cependant, les limites historiques sont patentes. La dialectique ne dépasse pas le champ de la psychologie. À cela s’ajoute l’incapacité à généraliser le principe du saut qualitatif.

    Le renversement ainsi que le saut apparaissent comme incompréhensibles, et pour cette raison François de La Rochefoucauld est attiré par le baroque, idéologie religieuse affirmant que le monde est incompréhensible, chaotique.

    François de La Rochefoucauld se focalise ainsi sur la question quantitative, tentant de trouver un « équilibre », une composition. Il a ainsi des points de vue tendant au matérialisme, et d’autres tendant à l’idéalisme. Par cette tentative de composition, on a quelque chose de fondamental dans l’esprit français.

    Jean de La Bruyère
    par Nicolas de Largillière  (1656–1746)  

    Cependant, l’esprit français tente historiquement de s’en sortir par le haut, d’où cette quête du panache. On n’a pas cela chez François de La Rochefoucauld. La relativité n’est pas considérée comme quelque chose de secondaire, mais de principal. Il en ressort un pessimisme très grand. En voici un exemple :

    « On n’est jamais si heureux ni si malheureux qu’on s’imagine. »

    À cette indécision psychologique s’associe l’incompréhension de ce qui semble contradictoire, comme ici :

    « Il y a des gens dégoûtants avec du mérite, et d’autres qui plaisent avec des défauts. »

    C’est cela qui donne tout son sens aux maximes, qui avertissent des conséquences d’avoir une perspective unilatérale. Les maximes sont surtout des enseignements appelant à bien se comporter en évitant… de ne pas saisir les différents aspects d’une chose. Être unilatéral, c’est être mal élevé, comme François de La Rochefoucauld le constate ainsi :

    « On incommode souvent les autres quand on croit ne les pouvoir jamais incommoder. »

    Pourquoi arrive-t-on à une telle démarche ? Parce que la monarchie absolue permet aux individus d’exister, parallèlement au développement du capitalisme. Elle soutient la bourgeoisie, n’hésitant pas à faire de Molière une arme anti-féodale.

    Toutefois, la monarchie absolue peut exalter l’individu seulement à condition que la base féodale ne soit pas en soi remise en cause. Voilà pourquoi Molière appuie la séparation entre les classes bourgeoise et aristocrate, sans pour autant attaquer le féodalisme de manière ouverte – il n’en a pas besoin pour la période où il vit, le féodalisme s’effondrant déjà inexorablement.

    François de La Rochefoucauld n’est donc pas tant le protagoniste de cette époque que le produit de celle-ci. Il exprime le point de vue de quelqu’un qui a intégré les valeurs de la société de son époque, et qui cherche à en tirer le meilleur.

    Le problème est que la nature contradictoire de la base sociale de la monarchie absolue rend impossible d’aller réellement tant dans un sens que dans l’autre.

    Exactement comme René Descartes, François de La Rochefoucauld est bloqué, il tente de s’en sortir en allant à la fois dans un sens et dans l’autre. Il contribue à façonner la France, avançant dans la dialectique… et empêchant sa réelle compréhension en même temps. Il y a là un moment clef dans l’histoire de notre pays.

    >Sommaire du dossier

  • La Rochefoucauld,La Bruyère et la contribution au goût de la nation

    Jean de La Bruyère (1645-1696) et François de La Rochefoucauld (1613-1680) ont rédigé des œuvres à la forme sensiblement proches. On est ici dans la culture du mot français : précis, lourd de sens, inséré dans une formule délicate, sur la base d’une morale exprimée de manière naturelle.

    C’est François de La Rochefoucauld qui est le premier des deux à formuler, en 1665, des Réflexions ou sentences et maximes morales, qu’on connaît surtout sous le nom de Maximes. Jean de La Bruyère publie, de son côté, en 1688, une œuvre dont le titre est Les Caractères ou les Mœurs de ce siècle.

    Le paradoxe est que ces deux œuvres moralistes se rejoignent par le régime de la monarchie absolue, alors que leurs bases sont très différentes.

    François de La Rochefoucauld vient de la plus haute noblesse française, son titre étant François VI, duc de La Rochefoucauld, prince de Marcillac. A ce titre, il a participé à la bataille aristocratique contre la centralisation de l’État, contre la monarchie absolue, en particulier contre le cardinal de Richelieu. Il a participé aux frondes, aux affrontements militaires et fut régulièrement blessé, parfois très grièvement, en particulier en 1652 où, blessé à la tête, il manqua de perdre la vue et eut besoin d’une année de convalescence.

    François VI, duc de la Rochefoucauld, mémorialiste (1613-1680)
    par Théodore Chassériau  (1819–1856)

    Jean de La Bruyère vient lui de la bourgeoisie, rejoignant la noblesse de robe au moyen d’une incessante activité intellectuelle au service de grandes figures, le plus souvent en tant que précepteur.

    Malgré ces différences, justement à travers celles-ci dans le cadre de la monarchie absolue, leurs œuvres moralistes se rejoignent dans l’esprit, et aussi dans le succès.

    Les Réflexions ou sentences et maximes morales consistent en une œuvre finement ciselée, où de manière lapidaire des phrases assènent des constats à la fois réalistes et amers sur la nature humaine, dans le cadre de la société prévalant alors dans notre pays. François de La Rochefoucauld peut par exemple affirmer :

    « Ce que nous prenons pour des vertus n’est souvent qu’un assemblage de diverses actions et de divers intérêts, que la fortune ou notre industrie savent arranger ; et ce n’est pas toujours par valeur et par chasteté que les hommes sont vaillants, et que les femmes sont chastes. »

    Au-delà cependant du point de vue exprimé ici, foncièrement pessimiste quant à la vanité et la superficialité des gens et de leurs attitudes, il y a ici un esprit français qui s’exprime : celui de la concision, de l’esprit de synthèse, du portrait psychologique net.

    Voltaire, dans Le Siècle de Louis XIV paru au milieu du XVIIIe siècle, a admirablement résumé cela :

    « Un des ouvrages, qui contribua le plus à former le goût de la nation et à lui donner un esprit de justesse et de précision, fut le petit recueil des maximes de françois duc de la rochefoucault. quoiqu’il n’y ait presque qu’une vérité dans ce livre, qui est que l’amour propre est le mobile de tout; cependant cette pensée se présente sous tant d’aspects variés, qu’elle est presque toujours piquante.

    C’est moins un livre, que des matériaux pour orner un livre. On lut avidement ce petit recueil; il accoutuma à penser et à renfermer ses pensées dans un tour vif, précis et délicat.

    C’était un mérite que personne n’avait eu avant lui en Europe, depuis la renaissance des lettres. »

    Constater de manière précise la situation culturelle du siècle, avec pertinence et esprit, c’était aussi le but de Jean de La Bruyère avec Les Caractères ou les Mœurs de ce siècle.

    Initialement, l’œuvre avait un titre différent : Les caractères de Théophraste traduit du grec, avec les caractères ou moeurs de ce siècle ; publiée chez le libraire Michallet, il n’y avait pas de nom d’auteur.

    Les 420 remarques de Jean de La Bruyère suivant la traduction eurent pourtant un énorme succès et il y eut par conséquent deux éditions en 1688, puis cinq nouvelles éditions entre 1689 et 1693 ; 25 000 exemplaires furent vendus jusqu’en 1696.

    Jean de La Bruyère ajouta à chaque édition de nombreux portraits, entre 60 et 100, ce qui fit qu’il y eut finalement 1120 portraits ; quant à la traduction de Théophraste, elle passa à la trappe et la préface fut remaniée pour bien présenter l’approche de Jean La Bruyère.

    Jean de La Bruyère
    par Nicolas de Largillière  (1656–1746)  

    François de La Rochefoucauld et Jean de La Bruyère ont ainsi marqué le XVIIe siècle de leur empreinte, en contribuant à l’esprit français s’affirmant, par la fondation du marché national avec la bourgeoisie, dans le cadre posé par la monarchie absolue.

    Ils exigent une grande attention à l’étude des phénomènes, une approche où les multiples aspects sont compris ; l’esprit français ne doit pas être unilatéral (même si malheureusement le prix à payer historiquement est alors qu’il reste à mi-chemin). Jean de La Bruyère nous dit cela de la manière suivante : 

    « Les vues courtes, je veux dire les esprits bornés et resserrés dans leur petite sphère, ne peuvent comprendre cette universalité de talents que l’on remarque quelquefois dans un même sujet : où ils voient l’agréable, ils en excluent le solide ; où ils croient découvrir les grâces du corps, l’agilité, la souplesse, la dextérité, ils ne veulent plus y admettre les dons de l’âme, la profondeur, la réflexion, la sagesse : ils ôtent de l’histoire de Socrate qu’il ait dansé. »

    Voilà une approche qui permet bien d’approfondir le style, la manière, le goût de la nation.

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  • La Rochefoucauld et de La Bruyère : écrire naturellement, fortement, délicatement

    Le XVIIe siècle est le grand siècle français; c’est à travers lui que s’est formé la France comme nation, par l’établissement d’un grand marché et la constitution d’une administration unifiée, la langue française se forgeant sur cette base.

    L’un des grands soucis est que la culture nationale qui s’est alors formée s’appuie sur une monarchie absolue devenue toute puissante. La période de Louis XIV n’est plus celle de François Ier ni d’Henri IV, tout est beaucoup plus systématisé et donc, de par la base féodale, ossifié.

    Pourquoi cela ? Avec une monarchie absolue dominatrice, la base féodale dispose de points d’appuis encore plus profonds. L’aristocratie vivant de manière autonome et la forme inférieure de féodalité disparaissent, pour céder la place à leur niveau supérieur.

    C’est le fameux jeu des courtisans, la superficialité des hauts personnages de la Cour à Versailles, la généralisation des attitudes complaisantes et obséquieuses, la distribution des postes, une hiérarchie mouvante selon les intérêts du roi, etc.

    Jean de la Bruyère
    par Louise Élisabeth Vigée Le Brun  (1755–1842)

    Qui plus est, pour asseoir sa propre position, Louis XIV a continué la politique pragmatique de ses prédécesseurs, consistant à donner naissance à de nouvelles charges [fonctions octroyées par le roi par lesquelles il délègue son pouvoir dans l’administration publique, notamment dans les domaines de la justice et de la finance], qui une fois vendues apportent à court terme de l’argent, pour par contre s’avérer un gouffre par la suite, avec qui plus est une noblesse de robe et des financiers toujours plus puissants. 

    Cela ajoute au problème, par la mise en concurrence et fusion entre aristocrates et bourgeois, tant en pratique que culturellement.

    Les déséquilibres étaient ainsi nombreux dans les comportements, en raison de l’hypocrisie, des manipulations, des louvoiements, etc. Tout cela a été bien résumé par Jean de La Fontaine au moyen de ses fameuses fables et les types exemplaires opposés au progrès furent admirablement représentés dans les pièces de Molière suivant le principe de plaire et instruire.

    La monarchie absolue était tout à fait consciente de la situation, tout au moins dans la mesure où elle représentait une forme sociale encore progressiste, ce qui était de moins en moins le cas.

    Le double caractère de la monarchie absolue, en tant que compromis historique féodalité – bourgeoisie sous l’égide de l’État centralisé, se lit  justement très bien dans le contraste entre deux grandes approches intellectuelles au sujet de l’hypocrisie, des attitudes humaines se développant à la cour.

    François de La Rochefoucauld présente l’aspect négatif de cette approche ; dans ses Maximes, il considère la nature humaine comme forcément mauvaise. Jean de La Bruyère présente l’aspect positif ; dans ses Caractères, il pose la possibilité de changer les usages.

    Ces deux auteurs exposent leurs points de vue en tant que défenseurs de la monarchie absolue, de l’intérieur de celle-ci. Ce qui est très fort ici, c’est que les deux auteurs tentent de synthétiser, de constater en détail les choses, tout comme Molière et Jean Racine à l’époque. Jean de La Bruyère l’affirme de la manière suivante:

    « Tout l’esprit d’un auteur consiste à bien définir et à bien peindre. Moise, Homère, Platon, Virgile, Horace ne sont au-dessus des autres écrivains que par leurs expressions et par leurs images : il faut exprimer le vrai pour écrire naturellement, fortement, délicatement. »

    Voilà qui est parfaitement bien dit. François de La Rochefoucauld et Jean de La Bruyère ne parviendront toutefois pas à atteindre le niveau de nos auteurs nationaux, Molière et Jean Racine (ainsi qu’Honoré de Balzac par la suite), car leur réalisme psychologique dégénère en psychologie moraliste, inévitablement, de par leurs choix culturels et idéologiques, de par l’époque.

    Cependant, ce sont des auteurs qui restent de formidables témoins et dont les remarques furent particulièrement appréciés alors. Ils correspondent à la culture française, plus spécifiquement à cette approche psychologique tout à fait française, formant sa contribution à la culture mondiale.

    >Sommaire du dossier

  • Déclaration de Roberto Peci lors de son interrogatoire

    DÉCLARATION No 2, FAITE PAR R. PECI AU COURS DE L’INTERROGATOIRE AUQUEL IL A ÉTÉ SOUMIS DANS LA PRISON DU PEUPLE

         Je suis Roberto Peci. Je suis dans une prison du peuple pour les erreurs que j’ai commises. J’ai décidé de tout expliquer en cherchant à faire la clarté. Je sais très bien qu’en ce moment je suis gênant pour les carabiniers, et je suis sûr qu’ils préféreraient que je sois mort. En lisant les journaux, on voit clairement que l’on veut mon silence, mais au contraire, non, je me rebelle et je dis la vérité, parce que ceci est l’unique geste de dignité et de bon sens. Même si je comprends qu’après cette lettre, je serais définitivement abandonné par l’État, je ne ferais pas marche arrière.

         Je veux cependant dire que la tentative politique de faire conclure rapidement ce procès par mon exécution est vraiment répugnante. Les masques commencent à tomber, et je reconnais maintenant très clairement le pouvoir et ceux qui le gèrent. Je remercie ma femme qui dans sa lettre, m’a fait comprendre qu’il était l’heure de rendre à chacun sa part de responsabilité.

         Les choses se sont déroulées ainsi :

         Mon frère téléphonait parfois à la maison. De telle manière que vers mai 1979, un dimanche, aux environs de 9 heures, il téléphona et dit à ma mère qu’il était fatigué, qu’il en avait marre et qu’il se sentait à la dérive. Il pleura plusieurs fois en disant toutes ces choses. Les carabiniers interceptèrent la communication et la passèrent à un psychologue, qui l’analysa. Il conclut que Patrizio était entrain de lâcher prise et était en pleine crise. Il ne téléphona plus durant 4 ou 5 mois. Vers les débuts d’octobre 1979, il retéléphona chez ma sœur Ida, je crois un après-midi, et lui dit, toujours avec un air très abattu, qu’il était las, et que tôt ou tard il serait arrêté et qu’il n’attendait que cela. Ma sœur chercha à le tranquilliser, mais remarqua très bien sa faiblesse et la crise profonde qu’il était en train de vivre. Vers la fin octobre 1979, je fus arrêté pour l’histoire de la Confapi d’Ancona. Alors, mon frère téléphona chez ma sœur pour savoir comment j’étais, faisant les habituels discours et pleurent. À la prison de Fossombrone, j’eus plusieurs crises de nerfs, il me fallait tous les jours beaucoup de tranquillisants. Quand je fus interrogé, je niais tout. Mais, une fois terminé l’interrogatoire, trois carabiniers d’Ancona, parmi lesquels le capitaine Tucci Nicola, voulurent parler avec moi. Ils voulaient savoir où se trouvait Patrizio, mais je répondis que je ne le savais pas. Ils me dirent qu’ils savaient que mon frère téléphonait parfois chez nous, et qu’il était en crise, ils me dirent qu’il valait mieux qu’ils l’arrêtent tout de suite, parce que sinon il mourrait dans une quelconque fusillade, vu qu’il n’avait plus tout son sang-froid et sa lucidité.

         Je répondis que je verrais ce que je pourrais faire, et suite à cette approbation tacite, je sortis le 2 décembre 1979.

         Patrizio téléphona vers le 10 décembre. Je lui racontais ce que m’avaient dit les carabiniers. Il me dit qu’il rappellerait le lendemain chez un parent et que nous en parlerions. Le parent était un oncle. Le jour suivant, il nous appela ponctuellement et nous fixa un rendez-vous pour le 13 à 9 heures, à la gare de Turin, à côté des taxis. Nous en discutâmes à la maison et nous décidâmes que ma sœur Ida et moi, nous irions voir le maréchal Ceneri à San Benedetto pour obtenir des garanties et que nous ferions arrêter mon frère. Ceneri nous dit de repasser quelques heures plus tard, car il devait donner des coups de téléphone avec Dalla Chiesa, qui me dit que nous avions sa parole d’honneur qu’il arrêterait mon frère vivant, et que sa parole était reconnue même par ses ennemis. Alors, nous lui donnâmes le rendez-vous.

         Deux ou trois jours passèrent, et vu que nous ne savions rien, nous téléphonâmes à Ceneri qui nous dit : il est en prison, ne vous préoccupez pas, il est bien, mais pendant quelques temps vous ne pourrez le voir, c’est la pratique. Nous attendîmes presque un mois avant de repartir à l’attaque. Suite à quoi, vers le 15 janvier, jle téléphonai à Turin au juge Caselli, et lui dit : je voudrais avoir des nouvelles de Peci, je voudrais avoir une rencontre, cela fait maintenant plus d’un mois qu’il est arrêté. Caselli me répondit : je ne sais rien des choses dont vous me parlez, je ne suis pas au courant. Je lui dis alors que mon frère avait été arrêté à la gare de Turin sur nos indications. Il me dit que cela lui semblait étrange et qu’il n’en savait rien. Je me retrouvais très mal, et je donnais d’autres coups de téléphone à Turin. Je cherchais Bernardi, Griffei, Lauda, mais ils se dérobèrent toujours. Je téléphonais alors à Ceneri, qui me dit de rester calme que notre famille pourrait bientôt rencontrer Patrizio. Nous nous tranquillisâmes un peu. C’est alors que, vers la mi-février, la radio annonça l’arrestation de Patrizio. Je téléphonais à la caserne de via Valfrè à Turin, où la radio avait dit que se trouvait Patrizio, mais ils me répondirent qu’ils ne pouvaient rien me dire. Je téléphonais à Caselli, qui me dit que mon frère n’avait besoin de rien, qu’il avait choisi l’avocat Arnaldi. Et il ne me dit rien de plus, prenant l’air de rien sur l’autre coup de téléphone. Nous téléphonâmes à Arnaldi et lui aussi nous dit que les visites étaient impossibles, et qu’il nous avertirait au cas où il y aurait des possibilités. Comme l’instruction se faisait à Turin, nous y allâmes, ma sœur Ida et moi, emportant une valise avec des affaires pour mon frère. Puis, nous allâmes chez Caselli, qui nous refusa encore une fois une visite. L’unique chose que je puisse vous donner, nous dit-il, est un permis pour remettre cette valise à Cuneo, ce que nous fîmes. Nous réussîmes à faire la première visite à Pescera tout de suite après Pâques.

         Les choses s’étaient déroulées ainsi :

         Mon frère fut arrêté autour du 13 décembre, vers 9 heures du matin, alors qu’il se trouvait vers la balustrade des taxis à la gare de Turin, par 6 ou 7 carabiniers. Ils lui sautèrent dessus et l’emmenèrent dans un appartement civil de Turin, où il fut maltraité. Vers midi, il se déclara disposé à parler. Deux ou trois heures plus tard, Dalla Chiesa arriva avec un carabinier des Marches qui le reconnut formellement. Plus Dalla Chiesa commença à traiter avec lui. Il lui dit que s’il disait tout, il sortirait dans peu de mois, avec de l’argent et un travail à l’extérieur. Ce jour-là, Patrizio dit tout sur la colonne turinoise. Une fois l’interrogatoire terminé, Dalla Chiesa lui dit : retourne faire ce que tu faisais avant, cherche à rencontrer le plus de gens possible, nous te suivrons. Patrizio lui dit alors : et si je devais faire quelque action ? Ils lui répondirent : fais-la et ne te préoccupes pas, ce que nous faisons est beaucoup plus important. Nous te ferons savoir quand nous devrons t’arrêter officiellement. Ils le suivirent et, vers le 10 février, un carabinier s’approcha de Patrizio et lui dit qu’ils devaient absolument l’arrêter très rapidement, parce qu’à Rome, on avait sû qu’il avait été intercepté et que l’on voulait qu’il soit arrêté. Patrizio lui répondit qu’il avait rendez-vous trois jours plus tard avec Micaletto, et que pour lui ça irait bien.

         Je voudrais faire une remarque sur le juge Caselli de Turin. Peut-être que lorsque je lui ai téléphoné, il ne savait rien de l’arrestation de Patrizio, mais, ensuite, il était clair qu’il s’était renseigné, et, selon moi, il a voulu lui aussi gérer la chose. Ce n’est pas une donnée certaine, mais c’est la logique qui me conduit à le penser. Après le coup de téléphone que je lui passai, il a certainement tout su, et il a géré la chose au niveau politique. Aussi, parce qu’il a toujours été très compréhensif à l’égard de Patrizio, et qu’il lui a souvent donné des conseils sur comment il devait se comporter dans certaines situations.

         Quand il a été arrêté, Patrizio a été emmené à la caserne des carabiniers de via Valfrè, où il a été mis dans une cellule de sécurité. Ils ne le laissèrent pas dormir. Quand ils voyaient qu’il fermait les yeux, ils commençaient à faire du bruit. Quand ils lui portaient à manger, ils crachaient dans son plat. Puis, à chaque fois qu’ils entraient dans la cellule, ils lui pointaient un pistolet au front et lui disaient : maintenant, nous tirons. Ceci durant une semaine, durant laquelle il demanda à parler avec Dalla Chiesa, qui ne vînt pas. Il fut emmené à Cuneo, où il réclama encore Dalla Chiesa, qui ne vînt pas. 25 jours environ après son arrestation, après qu’il ait subi le procès pour détention d’armes, il demanda le général qui vînt en lui disant qu’il avait des problèmes politiques et qu’il avait besoin de quelque chose de gros, pour aller trouver les politiciens à Rome et entamer les tractations. Patrizio lui dit que via Fracchia, il trouverait des éléments importants des B.R. Le général lui dit qu’il fallait faire du bruit si l’on voulait que les politiciens donnent des garanties, à la suite de la collaboration de Patrizio avec les carabiniers. Et aussi que, en faisant une opération aussi importante seulement à ce moment, personne ne se douterait des deux arrestations.

         Dalla Chiesa prépara l’opération de via Fracchia. À peine fut-elle terminée qu’il alla à Rome parler avec Cossiga et Pertini, lesquels s’employèrent à faire rapidement une loi sur les repentis. Cossiga et Pertini dirent aussi qu’ils étaient d’accord pour faire avoir à Patrizio un travail à l’extérieur, avec de l’argent pour se ranger.

         Dalla Chiesa retourna voir Patrizio et lui dit que tout était au point, que les politiciens étaient d’accord. C’est ainsi que commencèrent les confessions-fleuve de Patrizio, d’abord aux carabiniers, puis au juge Caselli. À un moment où mon frère n’était pas interrogé, trois personnes se présentèrent, disant appartenir à la D.I.G.O.S. Ils dirent à Patrizio que, s’il leur disait les choses qu’il savait, ils le feraient évader le lendemain avec 500 millions. Mon frère refusa, parce qu’il était convaincu qu’ils l’auraient tué lors qu’il s’enfuyait.

         Il raconta tout au capitaine Pignero, qui se mit vraiment en colère, tant et si bien qu’il partit immédiatement en disant : maintenant que j’y pense, c’est trop facile, c’est nous qui travaillons et les autres arrivent et veulent tout prouver sur un plateau. Patrizio sut ensuite qu’il y a eu à cette époque une certaine tension entre les sommets de la D.I.G.O.S. et les carabiniers. Patrizio fut géré par Dalla Chiesa, le capitaine Pignero et Caselli, qui sont souvent allés le trouver ensemble pour lui donner des conseils sur comment justifier son repentir. Patrizio ne m’a jamais dit s’être repenti, mais que c’étaient ces trois personnes qui voulaient qu’il se donne cette étiquette. Toutes les interviews et les choses qu’il a dites aux journaux sont passées à travers Dalla Chiesa et Caselli, qui y ont souvent apporté des corrections, particulièrement à l’interview à Panorama. Immédiatement après Pâques, Patrizio fut emmené à Pescara, où nous allâmes tout de suite le voir, moi, ma mère et mon père. Nous discutâmes et il me demanda un service, celui de téléphoner à sa ex-copine et de lui dire de quitter Turin, dans la mesure où, si lui ne l’avait pas accusée, il y avait des raisons de penser que quelqu’un s’apprêtait à parler. Chose que nous fîmes, moi et ma sœur Ida. Nous lui téléphonâmes et nous la fîmes venir à Ascoli Piceno. Nous lui expliquâmes la chose, mais elle dit ne pas être d’accord et préférer se constituer prisonnière, ce que nous lui conseillâmes.

         J’eus d’autres discussions avec d’autres camarades, en restant toutefois sur des positions prudentes. Bien sûr, j’étais pessimiste sur le fait que la lutte armée puisse continuer, mais évidemment, je me suis complètement trompé. Je n’ai jamais donné ou autorisé, ou signé une quelconque interview, ni même celle au Corriere della Sera.

         Je suis sorti de la lutte armée il y a cinq ans, parce que je ne pouvais plus continuer, et parce que, étant donné que j’avais un frère en fuite, j’avais peur d’être arrêté de nouveau, comme me l’avaient dit les carabiniers quand j’avais été arrêté pour l’histoire de la Confapi, et aussi parce qu’à chaque perquisition qu’ils faisaient à la maison, les carabiniers menaçaient, même devant ma mère, d’abattre mon frère dès qu’ils le trouveraient. Puis aussi parce que, quand il nous téléphonait, lui aussi avait dit plusieurs fois qu’il attendait son arrestation comme une libération.

         Je me rends compte que je me suis trompé, et pour cela, je m’en remets au jugement du prolétariat, j’espère en sa magnanimité, qui a déjà été démontrée plusieurs fois. Toutefois, je me rends aussi compte que tout ce que j’ai fait a suivi un plan scientifique, mis au point par Dalla Chiesa, Pignero, Caselli, un plan monstrueux, un plan qui a été étudié, calculé et mesuré.

         Les vrais coupables sont ces personnes, qui ont joué avec le cerveau de quelques camarades plus faibles. J’ai été instrumentalisé sans m’en rendre vraiment compte. Il y a seulement peu de temps que je me suis aperçu des jeux politiques qu’il y avait derrière nous. Les repentis n’existent pas, il s’agit seulement de camarades plus faibles qui ne veulent pas assumer leurs responsabilités, et qui se sont fait manœuvrer comme des marionnettes, moi y inclus. Cependant, les marionnettistes sont rusés, c’est un trio qui travaille en parfait accord, et c’est peut-être pour cela qu’ils ont réussi à obtenir quelques résultats. « La lutte armée est battue » est un slogan des carabiniers, qui ont obligé les traîtres à le diffuser dans tout le prolétariat, en cherchant à créer la confusion parmi les camarades qui luttent encore.

         C’est pour cela que j’ai parlé, que j’ai décidé tout dire, et aussi parce que, à travers les campagnes de presse et par mes déductions personnelles, je me suis aperçu qu’il aurait été pratique que je sois mort tout de suite. Je sais très bien que même ma famille, ma femme comprise, aura quelques difficultés à m’aider, parce qu’elle devra admettre une vérité brûlante et scandaleuse.

    Peci Roberto

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  • Prima Linea : Véhicules de la mémoire et nouvelle organisation de la subjectivité (1983)

    [Document de Diego Forastieri et Sergio Segio, membres de l’ex-direction historique de Prima Linea puis des Noyaux Communistes Combattants.]

    Reprendre aujourd’hui le fil du débat politique, donner une nouvelle finalité et perspective à la confrontation, à l’analyse, signifie en premier lieu rechercher et définir les causes qui nous ont conduit à ce qui peut sembler un cul-de-sac.

         La question que chacun de nous et le mouvement révolutionnaire dans son ensemble se posent en un moment de défaites tactiques lourdes et répétées est en quoi et où nous sommes-nous trompés pour être arrivés à ce point ?

         Pourquoi ? La question est dramatique, mais ne pas chercher à y répondre, continuer en feignant qu’il ne soit rien arrivé, que rien ne se soit modifié, peut être encore plus et irrémédiablement nuisible pour les perspectives du processus révolutionnaire dans ce pays.

         Les réponses que nous saurons donner sans feintes, hypocrisies et fausses illusions seront autant de points de départ pour une capacité renouvelée de projets et de prévisions, pour une capacité nouvelle et multiforme d’adhérence dialectique avec la réalité, ses dynamiques et ses mouvements.

         Il est nécessaire d’ouvrir une phase de profonde critique et autocritique, hors de tout conformisme, qui, en fouillant comme un bistouri au plus profond des déchirures produites par des maux antiques comme le subjectivisme, le militarisme et le mécanisme, réussisse à redonner intelligence au travail révolutionnaire, à nous rendre informés et adéquats.

         Ceux qui, aujourd’hui, ne se situent pas dans cette perspective, reproduisent un dangereux continuisme avec des dispositifs, des projets, des méthodes et des pratiques qui portent le signe de la défaite. Ils ne comprennent pas que les schémas d’analyse et les grilles d’interprétation avec lesquels nous nous sommes rapportés à la réalité et aux mouvements antagonistes portent en eux des vices de fond, que seule une rupture radicale — non formelle — avec le passé dans l’analyse et dans la pratique sociale peut permettre de dépasser, et d’ouvrir des processus novateurs.

         Cela ne peut vouloir dire liquider dix années de lutte, de pratique combattante, de développement de la lutte armée, avec tout ce qui en découle : patrimoine d’analyse, d’expérience, de modification de la réalité, mémoire historique sédimentée.

    Non, nous ne jetterons par le bébé avec l’eau sale, nous n’avons rien à voir avec les dissociés et le « parti de la reddition ». Il s’agit au contraire, en recomprenant les motivations historiques et sociales de la révolution, de réaffirmer — tout en en critiquant l’absolutisation — la validité stratégique de la lutte armée, en tant qu’instrument adéquat au développement des contradictions sociales, dans son devenir guérilla métropolitaine, guerre civile déployée.

         Une première considération doit être faite c’est la constatation de la défaite de phase que la lutte armée a subi. L’accepter comme une donnée de fait, mise en évidence par l’arrestation de centaines de camarades au cours des derniers mois, avec la mise en doute de pans organisés entiers du mouvement révolutionnaire, est nécessaire pour porter jusqu’au bout l’autocritique sans s’arrêter aux aspects secondaires et les plus apparents.

         La bourgeoisie a introduit de profonds éléments de transformation dans l’ensemble du tissu social et, donc, dans les figures qui le composent, à travers de gigantesques processus économico-productifs de restructuration et le déploiement massif et capillaire du contrôle social. Chaque aspect de la vie et de la journée est tendu, orienté, modelé et rapporté à une série de valeurs, de comportements, de manières d’être, appuyés et sollicités par des campagnes d’« opinion » massives et par les mass-média.

         Chaque plan régulateur de la vie sociale, formalisateur des rapports de force entre les classes, s’en trouve bouleversé — les plans juridique et syndical sont parmi les plus chamboulés.

    Chaque hypothèse de transgression de la règle est violemment refoulée, frappée à travers l’imposition déployée des idées-guide, des valeurs « dominantes », qui ne sont autres que la reproposition, à l’intérieur de la crise et de la restauration, de toute la merde idéologique, des conceptions productivistes, hiérarchiques et disciplinaires de la bourgeoisie impérialiste, à travers les nouveaux habits du développement de la crise, de la rupture de l’égalitarisme, de la « responsabilisation », du primat à l’initiative privée et, au centre du gâteau, l’« appel aux armes » dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité. De ce dernier point de vue, il faut aussi relever la tentative de donner une substance morale et civile, dans toutes les couches sociales, à la pratique de l’infâmité.

         Aujourd’hui, ces tentatives (qui tendent à s’accompagner de la tentative générale de désolidarisation à l’intérieur de la classe) ont des manifestations toujours plus visibles dans la « nouvelle organisation du travail » et dans la présumée co-responsabilisation aux intérêts économico-productifs.

         Contrôle et infâmité, coercition et imposition de l’éthique capitaliste, semblent être les aspects cardinaux sur lesquels l’État tend à redéterminer les rapports sociaux.

         Le capital a aussi appris à s’approprier la culture, l’idéologie, les dynamiques internes au prolétariat en en faisant un double usage comme fonction antiguérilla et, en les corrigeant, pour les introduire dans le cycle de valorisation. L’aspect le plus visible et le plus dangereux est la capacité qu’a acquise la bourgeoisie, dans des temps relativement brefs, de s’adapter aux dynamiques réelles de la guérilla et des mouvements de lutte.

         Cette capacité a engendré deux lignes directrices stratégiques « gagnantes » pour le capital : la différenciation et le repentir. Différenciation dans le prolétariat prisonnier et individualisation du traitement et différenciation sociale, c’est-à-dire des tactiques différentes d’approche et d’attaque des différents comportements antagonistes. Cela a créé une déshomogénéité profonde et complexe de la réalité sociale, dans les comportements individuels et dans les comportements collectifs.

    La tactique est ainsi devenue (chose par ailleurs toujours vraie) un élément fondamental de l’initiative ennemie. Le magma social est toujours moins réductible à une stratégie unique, les degrés de l’antagonisme sont multiples, les « figures-guides » se sont décomposées et ont disparu ?

    Elles ne peuvent donc, matériellement et objectivement, être reproposées, la faculté de communiquer entre les pans du prolétariat métropolitain s’est réduite, la communication entre ce dernier et la guérilla s’est réduite à une faible lueur.

         Et, ici, nous entrons dans le champ de ce que sont les contradictions qui ont accompagné le parcours de la lutte armée au cours de ces années.

         Repentis, dissociés, rendus, réfugiés divers…

         À quelques années de distance de l’explosion du phénomène de la délation et de la trahison — et dans sa reproduction et sa reproposition constante — l’élément qui saute le plus impérieusement aux veux est la sous-évaluation du problème par le mouvement révolutionnaire et, par conséquent, son incapacité à le battre, en en comprenant pleinement les causes.

         Un des premiers motifs de cette incapacité a été une logique, qui a existé dans une partie du mouvement révolutionnaire, qui liquidait le problème comme manifestation de l’infiltration de l’idéologie bourgeoise à l’intérieur du mouvement et du fait que des lignes politiques erronées prévalaient à l’intérieur des entités organisées. Le problème était donc simple et pouvait se résoudre par l’affirmation de la ligne « juste » (la sienne, évidemment).

         L’histoire de ces années a tragiquement fait justice de cette manière de voir, tout comme de la logique totalisante des lignes « correctes » et « erronées », vu que les infâmes continuent d’exister — dans toutes les réalités organisées — et que les soi-disant lignes « justes » ont produit les plus grands actes de démence et de bestialité des dernières années (voir l’opération à la Banque de Naples à Turin et l’affaire Ligas).

         Le problème est donc plus complexe et sa solution n’est pas principalement une question militaire, même s’il reste clair que le rapport entre traîtres et mouvement révolutionnaire se pose, aujourd’hui comme toujours, en termes d’anéantissement. Un problème qui trouve ses racines, et donc sa clé de lecture, dans les erreurs, les limites et les contradictions qui ont accompagné et traversé le développement de la guerre sociale dans ce pays.

         Face à l’incapacité du mouvement révolutionnaire à régler ses comptes avec ses propres limites, à se rénover en se transformant, l’État a eu l’intelligence et la capacité de s’approprier les contradictions internes à la subjectivité communiste et au corps social prolétarien lui-même, pour les utiliser comme un coin, véritable tête de pont qui déchire en profondeur, qui détermine des processus irréversibles de destruction des liens éthiques et politiques internes au prolétariat.

    Ce projet, cette stratégie — désormais substantiellement érodée, faillie, par-delà les campagnes publicitaires — a maintenant besoin de s’affiner, de trouver de nouvelles figures, de nouveaux instruments de division/infiltration.

         Et, là, un nouveau type d’ordures entre en scène, que malheureusement chaque processus révolutionnaire a connu : les soi-disant « dissociés », c’est-à-dire ceux qui, ayant vécu des expériences de lutte armée ou, en tous cas, d’antagonisme radical, acceptent aujourd’hui, en plus de brader les identités collectives et les parcours historiques, de se faire les instruments actifs de la propagande et de la division, et d’assumer à la première personne la campagne pour la désolidarisation, pour la critique non seulement de la lutte armée, mais aussi de toute forme de lutte et de conflictualité non médiée, non régulée par la confrontation/tractation avec les institutions.

         Dans l’analyse de ce nouveau phénomène (nouveau en ce qu’il est actuellement la carte principale que la bourgeoisie entend jouer pour battre la subjectivité et l’antagonisme), les généralisations simplificatrices doivent cependant être évitées. L’aire qui se retrouve sous le nom de « parti de la dissociation et de la reddition », tant en prison qu’en dehors, est un ensemble composite, par certains côtés hétérogènes, dans lequel il faut opérer des distinctions et appliquer des tactiques et des réponses différenciées.

         Nous estimons que la lutte armée, l’internité à la militance révolutionnaire, est le fruit de et est porté par des analyses politiques précises. Elle est donc un choix et n’est une obligation morale pour personne. D’autant que, contrairement à ce que disent aujourd’hui les poux savants, chacun a toujours été parfaitement libre de sortir des organisations combattantes lorsqu’il l’a voulu.

         Pour cela aussi, pour rejeter l’image de la militance comme une chose imposée, un chantage, parce que nous ne sommes pas musulmans, nous estimons dangereux de ne pas opérer de distinctions et de séparations. Nous déterminons, schématiquement, trois catégories de dissociés :

         1) ceux qui, par fatigue, par manque de confiance ou pour des motifs « personnels », ont simplement abandonné la militance et se sont consacrés à l’élevage des moutons ou à un quelconque métier ou pratique individuelle ;

         2) ceux qui, critiquant ou jugeant dépassée la lutte armée, voient — plus ou moins tactiquement — la solution à une série de limites et de nœuds politiques (y compris la libération de tous les prisonniers politiques) dans une médiation avec les institutions ;

         3) ceux qui bradent des parcours collectifs pour des profits individuels — c’est-à-dire qui posent le problème de leur propre libération — et, en même temps et par voie de conséquence, se font l’instrument actif de la division et de la différenciation, et donc l’engrenage conscient du processus d’extermination et d’anéantissement des prisonniers communistes et des prolétaires antagonistes.

         Il est clair qu’il existe une « contiguïté » et une sorte d’affinité d’analyse entre ces catégories, mais il est aussi vrai que la critique révolutionnaire doit être capable de distinguer entre nature ennemie et nature externe, entre ce qui peut être récupérable ou en tout cas indifférent et ce qui est irrémédiablement de l’autre bord.

         Si la première catégorie n’est pas substantiellement intéressante, n’ayant pas d’épaisseur politique, la seconde a au contraire un certain type d’importance, étant porteuse de certaines propositions, en particulier celle de la « solution politique » — aussi appelée amnistie — pour les prisonniers politiques.

    Nous n’aborderons pas ces propositions, tant parce que le discours qui nous intéresse est celui de la libération non des seuls « prisonniers politiques », mais de l’ensemble du prolétariat prisonnier comme partie intégrante et référée à l’ensemble du processus de libération sociale, que parce qu’elles sont manifestement et matériellement sans fondements, en ce qu’elles sont déliées des lois des rapports de force et des dynamiques sociales qui les produisent et les mettent en mouvement — les discours sur les « pré-conditions » sont de pures abstractions — et, par conséquent, à la fin de la foire, une misérable, inutile et transparente d’une aire de se mettre en paix avec le peu de conscience qui lui reste et de se reproposer comme classe politique.

         Si cela est vrai, si l’opportunisme et la mauvaise foi sont évidents, il est aussi vrai que cette aire ne peut être tout simplement classifiée comme interne à l’État, à ses logiques, ses tendances et ses programmes.

         Par rapport à la troisième catégorie, nous ne pouvons que réaffirmer que la libération est un processus social et collectif. Celui qui pense pouvoir la réaliser individuellement, en plus d’être un idiot plein d’illusions, choisit précisément son camp et doit assumer les lourdes responsabilités de ce choix.

         L’unique rapport possible entre la révolution et celui qui se fait sujet actif, engrenage conscient de la différenciation qui vise à l’extermination des communistes et du prolétariat prisonnier antagoniste est la guerre et l’anéantissement !

    Sur ce terrain, le mouvement révolutionnaire devra s’exprimer et se mesurer concrètement.

         La question de la trahison représente seulement une excroissance, le sommet de l’iceberg, sous lequel vit la montagne de nos contradictions. Dans la classe, celles-ci ont mené à une crise de légitimité et de crédibilité sans précédents, dont le dépassement a les rythmes du saut de la lutte armée à la guérilla métropolitaine déployée, de la reconstruction de l’internité, de la dialectique entre subjectivité communiste et mouvements de lutte.

         Nous sommes convaincus que la racine de nos erreurs doit être recherchée dans la perte progressive d’enracinement, c’est-à-dire dans l’absence du rapport dialectique d’entrelacement, de complémentarité entre l’initiative des communistes et les mouvements de l’antagonisme social.

    À partir d’un certain point, les dynamiques de lutte et d’organisation prolétariennes et celles internes à la guérilla se sont séparées, en produisant des parcours en ciseaux que l’ennemi a su rendre toujours plus séparés.

         Dans ce cadre, un vrillage en spirale s’est déterminé dans la pratique sociale de la lutte armée, ainsi que dans le débat, qui est allé jusqu’à trouver sa fin, plus que dans la transformation, dans la survie gangrenée, politique et matérielle, du dispositif et de l’appareil.

         Une conception militariste de l’affrontement a ainsi prévalu sur la nécessité historique de transformer, massifier la pratique de la lutte armée en guerre sociale déployée, dans laquelle la lutte armée représente l’aspect stratégique et gagnant mais ne renferme pas en elle toutes les pratiques sociales antagonistes qui renvoient à un processus de libération.

         Ont ainsi été donnés pour acquis des rapports de guerre qui, objectivement, ont été produits par l’ennemi, mais qui, subjectivement, ne sont pas encore un patrimoine conscient, recueilli et transformé en pratique sociale adéquate par la classe. On a confondu le fait objectif et le fait subjectif.

    Le rapport de guerre qui vit objectivement entre la bourgeoisie impérialiste et le prolétariat métropolitain a été la rampe de lancement de théories et de pratiques militaristes et subjectivistes. Et, au même moment, le fait d’être externe aux dynamiques et problématiques prolétariennes n’a pas permis de percevoir que se déroulait désormais une sorte de « guerre de bandes », un affrontement entre appareils.

         Dans cette dégénérescence, d’amples espaces ont été trouvés par des analyses et des conceptions mécanistes du développement du processus révolutionnaire, une tentative d’enfermer le réel dans des schémas d’interprétation pré-établis.

         Et là, libre cours a été donné à la fantaisie, en s’inventant des organismes de masse « virtuellement actifs », des masses à l’assaut et des guérillas à l’offensive, dans laquelle la recomposition prolétarienne devenait un pur fait arithmétique et la guérilla se réduisait à une somme d’opérations militaires.

         Ce type d’approche renversée du problème de l’analyse des mouvements de la réalité, cet usage des lunettes de l’idéologie, massif et coutumier, a surtout représenté un décollement, arrivant à produire une opération comme celle de la Banque de Naples à Turin, dont l’unique mérite a été d’ouvrir les yeux, à ceux qui en avaient encore besoin, sur la profonde séparation entre les dynamiques réelles et la « synthèse de Parti ». La bourgeoisie a eu beau jeu de ressortir les thèmes de la folie et des bêtes féroces assoiffées de sang.

         Il n’y a pas eu une capacité d’articuler la tactique révolutionnaire, de construire l’assonance, la liaison dynamique, l’interaction, l’interdépendance des rythmes avec les mouvements de masse, avec les pratiques d’antagonisme social diffus, avec les exercices de la lutte et du pouvoir par le prolétariat. La lutte armée a été rendue absolue, comme unique élément valide d’affrontement avec l’État, comme unique instrument de lutte politique et de transformation. Le concept de subversion et d’antagonisme social, de guerre sociale déployée, s’est enfermé dans la seule pratique combattante.

         En attribuant la centralité absolue à l’explicitation des aspects stratégiques du projet, à la nécessité de provoquer des ruptures dans le cadre politique, de déstabiliser, désarticuler le cœur de l’État, aucune importance n’a été accordée aux multiples pratiques antagonistes qui ont vécu et se sont exprimées dans les dynamiques de lutte du prolétariat métropolitain.

         À l’intérieur du fluide magmatique du tissu social soumis à de constantes mutations, dans un cadre complexe, où rien n’est plus réductible à une synthèse et à une centralité, l’initiative ennemie s’est faite guerre totale, accélérant les processus, affinant les instruments.

    La cybernétique, l’électronique, l’industrie guerrière, le nucléaire, s’ils sont des secteurs stratégiques de la restructuration impérialiste, et donc de décomposition/transformation, deviennent aussi des vecteurs moteurs du processus d’enrégimentement, de mise au pas et de militarisation des rapports dans la société, de la domination déployée sur la métropole et sur l’individu social. L’initiative révolutionnaire n’a pas encore été en mesure de se rapporter à cet ensemble de questions, en se complexifiant à son tour.

         Certaines forces révolutionnaires sont restées attachées de manière fétichiste à une culture de la « centralité » de la classe ouvrière d’usine sans voir les bouleversements sociaux qui se sont produits au cours de ces années et sans lire les contenus nouveaux que le mouvement de 77 avait exprimés et qui ne pouvait pas, par la radicalité et la globalité de la critique à tous les aspects de la vie sociale, être synthétisés en un seul sujet prolétarien.

         À l’opposé, ceux qui en avaient saisi la « modernité », les éléments novateurs, ont pensé pouvoir les fixer, les bloquer, les enfermer dans quelques schémas, les ramener à une projetualité asphyxiante et misérable, privée d’articulations et riche de représentations à base de slogans, de mots d’ordre abstraits. À tous a de toute manière manqué la capacité, nécessaire et fondamentale, à donner équilibre et stabilité, dans un rapport d’enrichissement réciproque, aux tensions, aux aspirations, aux besoins matériels et vitaux que cette minorités sociale manifestait.

         Derrière les vagues que le magma social produit, et qui est sa manière d’être, il était — et il est — absolument nécessaire de donner un centre. Celui-ci se présente comme nécessité-capacité de faire lire et de faire vivre, à travers la pratique sociale, les éléments de communisme qui vivent souterrains dans les luttes que, de temps en temps, des couches du prolétariat métropolitain réalisent.

         Il s’agit de réaliser un entrelacement, le plus riche et articulé possible, entre la subjectivité communiste et l’antagonisme social, dans une dynamique constante avec les mouvements de masse, dans une pratique sociale attentive aux programmes de phase, dans un calibrage d’initiatives qui libèrent des espaces matériels et politiques.

         À partir de cela, nous pouvons avoir la mesure des pas et des efforts à accomplir.

         Europe et alentours…

         Une autre illusion sur laquelle a vécu le mouvement révolutionnaire dans ce pays a été de croire pouvoir faire avancer le processus de libération en dehors du — ou en oubliant le — contexte international, c’est-à-dire sans prendre beaucoup en compte, dans l’analyse et la pratique, les tendances, les tensions et les ruptures qui se développaient au niveau mondial.

         Là-dessus, la réflexion et le débat ont toujours eu un caractère marginal. Nous avons grandi en pensant — dans une dimension somme toute inconsciente et pour cela doublement erronée — pouvoir réaliser des ruptures en dehors des équilibres et des rapports de force définis internationalement.

         Aujourd’hui, plus que par le passé, les grands processus de restructuration économico-sociale répondent à deux exigences de fond : la première est l’exigence de soutenir la concurrence sur le plan international, c’est-à-dire de faire face à une véritable guerre économique qui se développe tendanciellement, où l’unité du monde capitaliste occidental n’est plus qu’un pâle souvenir.

    Les signes de ces contradictions nouvelles et plus aiguës sont sous les yeux de tous et la crise structurelle en accroît la lourdeur : depuis désormais des années, la C.E.E. ne réussit pas à accoucher d’un bilan et d’une répartition des charges et des richesses qui satisfasse tout le monde. Depuis des années, la politique sidérurgique, agricole, énergétique de chaque pays de la Communauté déchaîne des conflits toujours moins médiables.

    Chaque État-nation a ses problèmes, ses propres intérêts, ses propres corporations toujours plus tenaillées, aux prises avec la crise, d’entiers secteurs productifs nationaux au bord du collapsus, une inflation et un chômage en augmentation constante et exponentielle. Et puis, le chômage a atteint des chiffres astronomiques de l’ordre de 10-12 %, avec des pointes de 14-15 % dans certains pays de la C.E.E.

    Et les perspectives sont plus sombres que jamais, surtout dans une conjoncture où la crise n’est pas un élément de tassement-dépassement des étranglements du cycle, mais a un caractère endémique et permanent.

         La réduction du volume du commerce et de l’échange international, les mesures protectionnistes envahissantes, les économies soutenues par une intervention étatique massive rompent les règles du jeu, faussant la concurrence, produisant des contre-mesures et des « sanctions », en une spirale et un mouvement de vrille sur soi-même du système, qui ne peut que mener à la crise générale.

         Le système bancaire et financier international lui-même, véritable axe portant de l’économie mondiale, commence à se lézarder. La crise de solvabilité de nations entières du Tiers-Monde, qui ne survivent que par les prêts internationaux — et sont politiquement orientées par ceux-ci — commence à mettre en cause la tenue globale du système bancaire, sa capacité de régulation, de planification, d’équilibre et d’harmonisation des économies.

         Dans ce cadre, la poussée et la tendance à l’armement et à la confrontation directe inter-impérialiste n’est pas tant dictée par des intérêts économiques immédiats (développement de l’industrie guerrière et des productions apparentées et complémentaires, comme l’électronique, la chimie, l’informatique, etc…), qui sont d’ailleurs toujours présents, que par l’impossibilité de résoudre la crise qui est devenue structurelle, de reproposer le développement — même à l’intérieur de la permanence de la crise —, par l’impossibilité de trouver de nouveaux marchés à conquérir dans le cadre d’une concurrence enflammée. Désormais, les quotas de pénétration sur les marchés sont de l’ordre de très peu de points ou même moins ; trop peu pour assurer sa propre économie.

         Même la tendance à l’armement n’est pas un fait homogène et provoque des déséquilibres à n’en plus finir dans les différents camps : les contradictions d’ordre économique s’entremêlent aux choix militaires, les intérêts tactiques divergent, et les choix sont toujours plus imposés par les deux impérialismes que par une réelle homogénéité (à ce propos, l’affaire du pipe-line est tout à fait éclairante).

         D’amples secteurs du prolétariat, du travail dépendant coopté, d’intellectuels, ouvrent de nouveaux fronts de lutte comme riposte de masse à la tendance à la guerre et au contrôle militaire. Le cadre interne de chaque nation se fait plus précaire, riche et articulé.

         En soi, cela est déjà une raison d’ordre politique pour commencer sérieusement à user d’intelligence et à réfléchir, afin d’analyser et d’évaluer les questions et les rapports internationaux.

         L’autre motif est le fait que les caractères de la crise, au moins dans leurs principales motivations, se présentent sous des formes à peu près similaires. En conséquence, les recettes — les moments de restructuration — que le capital multinational propose présentent toujours plus d’éléments d’homogénéité.

         Il suffit de lire les rapports annuels des diverses commissions de la C.E.E. ou les déclarations d’intention du F.M.I. lorsqu’il s’apprête à aire des prêts à des secteurs du capital en crise aiguë, et l’on y entrevoit des analyses de la crise et des hypothèses de solutions qui ont de fortes analogies.

         En d’autres mots, même avec des disparités plus ou moins accentuées, avec des temps de mûrissement et des phases critiques différentes, avec un mélange différent des facteurs de déchirement, nous assistons, dans l’occident capitaliste, au déploiement du caractère homogène de la crise structurelle du système, avec des réponses, d’une part du capital, de l’autre du prolétariat, qui sont tendanciellement similaires.

         Ce fait a exprimé une tendance qui pousse à la recomposition qualitative et en termes de points de programme des mouvements de lutte du prolétariat international. La crise devient un élément unifiant de tout le prolétariat occidental, elle véhicule la circularité du débat, des expériences et des contenus de lutte.

    Des luttes pour les droits civils à celles contre l’inflation et le chômage, à la nouvelle vague de lutte contre la guerre inter-impérialiste qui menace, contre le nucléaire, jusqu’aux nouvelles expériences de lutte et d’organisation de contre-sociétés, communautaires, les besoins se massifient, une exigence générale d’une nouvelle qualité de la vie, de l’ouverture d’une phase nouvelle, radicalement nouvelle, dans l’histoire de l’humanité apparaît.

         L’Italie est, de tous les points de vue, un anneau fondamental.

         Pour l’État impérialiste multinational, elle est un gigantesque porte-avions, insérée au cœur de l’échiquier stratégiquement le plus important. Elle est un territoire de frontière qui dispose des bases de missiles les plus importantes d’Europe. Elle est un allié parmi les plus précieux et fidèles de l’impérialisme américain. Son appareil économique, comme son appareil militaire, est totalement complémentaire à celui de l’occident capitaliste.

         Il ne peut donc y avoir de croissance et de développement des contradictions dans ce pays sans que n’en soient aussi investis les autres pays. Compter sur un développement des mouvements de libération en Italie, hors et au-dessus du contexte international, sans tenir compte de ses degrés d’intégration, de l’interaction et de la réciprocité objectives des mouvements révolutionnaires et de libération, est pure cécité. C’est en ce sens que le mot d’ordre « détacher l’anneau Italie de l’O.T.A.N. » est erroné 1, qu’il révèle une logique troisième internationaliste du développement du processus révolutionnaire.

         La puissante poussée de l’Occident à résoudre de manière définitive et stratégique le problème énergétique avec le nucléaire tend à l’affranchir de sa dépendance des luttes des mouvements révolutionnaires et de libération du Tiers-Monde, en fonction d’un éventuel conflit mondial dans lequel les réserves énergétiques revêtiront une importance vitale.

         Là-dessus, il n’y a pas beaucoup d’illusions à se faire : la tendance est celle-là, la technologie impérialiste est, théoriquement et opérationnellement, en mesure d’affronter une guerre nucléaire à caractère local, comme terrain de confrontation et de vérification réciproque, en plus que de rééquilibre des rapports de force et de débouché aux contradictions économiques et sociales qui tenaillent l’Occident et, de manière mineure, l’Est.

         Que cela arrive ou non dépend de multiples questions, mais, parmi celles-ci, la principale est sûrement dans la capacité qu’auront les prolétaires, les mouvements sociaux antagonistes, de faire mûrir et exploser les contradictions, en catalysant le processus révolutionnaire. Il devient vraiment exact de dire, sans crainte d’être dogmatiques ou emphatiques, que la perspective se résout toujours plus à une alternative : communisme ou barbarie.

         L’extension et l’approfondissement en qualité et en contenu des luttes et des mouvements de libération en Italie, le patrimoine et la mémoire sédimentée au cours de ces quinze dernières années, l’expérience de combat et le mûrissement des motivations sociales de la lutte armée ; sa massification, font du prolétariat italien, tant objectivement que subjectivement, une pointe avancée de l’affrontement.

    L’actualité de notre histoire présente des spécificités uniques dans les sociétés capitalistes. Les réponses que le segment Italie du capital y a donné sont tout aussi spécifiques et exemplaires, comme le sont, par d’autres côtés, celles de l’Allemagne et de l’Espagne.

         Pour tout cela, et pour d’autres raisons encore, il est essentiel d’ouvrir une confrontation internationale avec toutes les forces révolutionnaires et les mouvements de libération, avec leurs expériences de lutte, pour dialectiser les programmes, les dispositifs et les stratégies qui les soutiennent, les visions respectives du monde, de la modification dans un sens général du rapport entre révolution et contre-révolution. Un jugement sur ce rapport ne peut plus se soustraire àune capacité de vision et de connaissance globale.

         Ceci ne veut évidemment pas dire fuir, éluder ou considérer comme secondaire la tâche principale des révolutionnaires dans notre pays : faire mûrir les conditions pour la libération.

         Si les sauts de phase, si les profondes variations de l’ordre social, la croissance et la radicalisation des comportements antagonistes, la détermination d’une composition de classe stratégiquement projetée vers la guerre sociale, si un rapport de guerre explicite ne peut qu’avancer par ruptures, l’adéquation de la théorie et de la pratique révolutionnaire ne peut que suivre ces sauts, les fractures profondes que le processus nous impose.

         Le moment est arrivé de faire l’inventaire du bagage que nous portons avec nous et de jeter à la mer tout ce qu’il s’y trouve de dépassé et d’inutile. La rupture avec les hypothèses, les visions déformées de la réalité, les dispositifs politico-organisationnels inadéquats, doit avoir comme débouché une manière d’être complètement nouvelle, adaptée à la complexité du social et à ce que les mouvements de lutte et de libération expriment.

         La fracture que cela suppose doit aussi se faire en nous qui sommes le résultat de cette histoire. Notre agir dans la réalité, en la modifiant, nous a modifié. Les superstructures que nous nous sommes construites dans la tête, en produisant des fétiches, sont profondes, enracinées.

         Nous sommes le résultat du comment nous avons conçu et vécu le rapport avec la richesse de la lutte de classe, mais aussi celui d’une longue confrontation, souvent idéologique, sur la projetualité, le programme communiste, les hypothèses de construction du Parti, les formes de militantisme, etc. Serons-nous en mesure de changer, de nous ouvrir au nouveau, en nous renouvelant, d’éloigner dans la militance concrète les schémas et les méthodes idéologiques et/ou morales de jugement ?

         Ce débat, cette transformation — étant une rupture, un passage historique, une refondation — ne peut se contenter de n’impliquer, de n’être l’œuvre que d’entités organisationnelles particulières et limitées, de telle ou telle formation, d’une aire « movimentiste » ou « partitiste », plutôt que d’une autre.

    Ce débat est un processus qui est — qui doit être — nécessairement collectif, adressé à l’ensemble du mouvement révolutionnaire, dans ses caractérisations passées et présentes, puisqu’il ne peut que s’adresser à une multiplicité/contradictoriété de comportements et de thématiques sociales antagonistes.

         Aujourd’hui plus que jamais, comprendre le « nouveau », se rendre instruits et adéquats, veut dire dépasser, enterrer définitivement les logiques et les pratiques sectaires, la fragmentation/circonscription du débat. Et, aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire de mettre en crise les identités statiques, l’attachement fétichiste au résiduel.

         Il en découle que face et à partir d’une multiplicité, d’une pluralité de langages, de comportements, de formules d’expression et de communication de l’univers social prolétarien, de l’antagonisme social, il ne peut y avoir de présomption de synthèse, d’homologation, d’imposition de codes et de centralité. Comprendre cela veut dire, d’une part, mettre en crise les formes historiques d’agrégation et de centralisation — le Parti — et, de l’autre, ouvrir et s’ouvrir à une phase de rénovation/refondation de la militance révolutionnaire, de ses formes et de ses déterminations organisationnelles.

         Seule la dialectique entre les hypothèses et les analyses développées jusqu’ici peut nous mener à redéfinir un projet et des programmes qui s’insèrent dans les lignes directrices, dans des stratégies communes, en mesure de remodifier les rapports de force, de donner une valeur stratégique à l’actuelle composition du prolétariat métropolitain.

         Là-dessus, nous ne reconnaissons de « clés en mains », de solutions pré-établies, à personne. Les autocritiques non plus ne valent pas si elles ne s’accompagnent pas et ne produisent pas une modification réelle dans la pratique sociale.

    Nous insistons donc pour nous confronter avec tous les tronçons organisés du mouvement révolutionnaire qui partent d’une révision critique de l’histoire passée et qui sont prêts, à travers un effort d’autodétermination et de renouvellement, à trouver des solutions collectives à l’étendue des problèmes que la situation nous pose.

         Le rapport que, subjectivement, en tant qu’entité, nous avons construit l’an passé avec d’autres forces révolutionnaires, même s’il est en soi positif et correct dans les intentions (c’est-à-dire dans la recherche de terrains unitaires de pratique sociale, pour le dépassement, à travers celle-ci, des divergences politiques, pour aboutir à des niveaux supérieurs d’analyse et de science), nous a trouvé dans une attitude subalterne et acritique. Nous n’avons pas développé une bataille politique suffisamment profonde et un effort théorique adéquat.

    Même si la déviation mécaniste et militariste de certaines positions nous était claire, nous avons confondu l’attitude unitaire avec l’unité au-dessus de tout, nous n’avons pas établi la clarté nécessaire et explicite sur les questions que nous estimions stratégiquement perdantes.

    À côté de cela, notre intervention, centrée sur le carcéral et complètement détachée des autres couches du prolétariat métropolitain, hors d’une vision globale de l’avancée du rapport révolution/contre-révolution, s’est référée de manière trop superficielle et peu analytique à des corps de thèses non dialectisées, en produisant à son tour schématisme et sectarisme.

         Nous entendons travailler à reconstruire les canaux de la communication interne et externe. Ce débat ne doit pas concerner les seuls « préposés aux travaux ».

    Il doit traverser l’ensemble du mouvement et des secteurs du prolétariat métropolitain, parce que les solutions ne peuvent que venir de celui-ci et de ses tensions souterraines, comme des puissants mouvements de lutte qui, ces mois-ci, interdisent à la bourgeoisie des solutions définitives. La nouvelle manière d’être, la modernité de ce prolétariat, doit être comprise, analysée et mise en relation une fois pour toutes, dans ses pluralités, dans ses caractéristiques et tendances qui se recoupent.

         Un langage doit être construit, une manière de communiquer les expériences, les luttes, les besoins, les tensions entre la subjectivité et les diverses couches sociales prolétariennes, qui ne soit plus celui du passé, obscur et abstrait. Communiquer dans la confrontation, dans le langage et dans la — avec la — pratique sociale.

         Le procès de lobotomisation du prolétariat métropolitain, le refoulement de la mémoire historique que la bourgeoisie tend à approfondir, doit être battu, avec tous les instruments à notre disposition, y compris ceux que l’extrémisme nous a fait abandonner. Nous devons transmettre ce qui nous appartient, qui est à cette classe et à son histoire : le sens des choses qui sont arrivées, le sens des luttes, les sens de la révolution. Nous pouvons et nous devons recommencer d’être le véhicule de la mémoire de ces années. C’est là l’une de nos tâches.

         L’autre est celle à laquelle nous faisions allusion au début, c’est-à-dire de ne pas jeter le bébé avec l’eau sale. S’il est vrai que les éléments de rupture avec le passé prévalent dans cette situation, il est tout aussi vrai que doivent être sauvegardés les aspects de continuité et les propositions stratégiques qui ont donné un sens à ce passé.

         Nous n’avons pas de certitudes statiques et encore moins de solutions stratégiques à proposer : nous estimons cependant que certains éléments communs du débat collectif sont en train d’apparaître et commencent à se montrer à l’horizon.

    Les langages commencent à s’entremêler. Cette tendance doit être forcée, les lignes directrices principales sur lesquelles progresser dans la définition d’un cadre général doivent être découvertes. Un cadre général dans lequel les forces révolutionnaires puissent se mouvoir en harmonie, même en partant des divergences d’analyses et de pratiques qui caractérisent actuellement les secteurs du mouvement révolutionnaire.

         Aujourd’hui, la possibilité que s’ouvrent des parcours unitaires, réels et profonds, entre les révolutionnaires n’est plus tant liée à des opérations subjectives que portée par le processus de compréhension du « nouveau », du fait réel.

         Compréhension qui renvoie au passé toute « disposition » et toute opposition possible.

         Lire et comprendre la complexité des comportements, des problématiques, des besoins et des pratiques dos divers sujets sociaux antagonistes veut dire reconnaître comme dépassée, inactuelle, comme ne répondant plus, toute attribution possible de « centralité » à telle ou telle figure sociale.

         À côté de cela et à partir de cela, un modèle de centralisation tel que pouvait l’être la forme-Parti léniniste s’avère épuisé. Celle-ci devient, rapportée au développement et au bariolage des sujets, une antiquité, propre à une composition de classe morte et enterrée.

         À la richesse contradictoire qui vit dans le prolétariat métropolitain, dans le prolétariat moderne, on ne peut apposer aucune présomption de synthèse et de représentation univoque.

         C’est à partir de, et dans, cette richesse que doivent être recherchées, définies et expérimentées de nouvelles formes d’organisation de la subjectivité communiste, de nouveaux modèles de rapports capables de promouvoir, de catalyser et d’organiser les parcours de libération sociale.

         C’est clairement une phase préalable de vérification et d’expérimentation. Si les vérifications opérées jusqu’ici du vaste corps de thèses et d’hypothèses mûries en 10 ans ne sont certainement pas réconfortantes, il reste un immense bagage d’histoire et d’expérience politique, sociale et combattante, une mémoire sédimentée et inaliénable.

         Les contradictions de la bourgeoisie impérialiste, destinées à s’aiguiser, restent un terrain fertile sur lequel travailler. Il y a une capacité historique des communistes à lire ces contradictions et il y a de vastes mouvements de lutte qui, ponctuellement, se présentent à l’horizon.

         C’est à ceux-ci que nous devons nous référer c’est avec eux que nous devons reconstruire le fil rouge, rétablir le contact, le code de réciproque appartenance.

         Ne pas compter sur ce qui et sur qui reste, mais travailler dans et pour le futur, dans le mûrissement et l’explosion du nouveau, afin que celui-ci ne nous trouve pas, une fois encore, interdits, à côté de la plaque et retranchés.

         En cette période do revérifications totales, il y a certaines questions fondamentales qui pressent fortement et impérieusement, Nous voulons parler de la question de la prison et de la libération. La centralité de ce terrain ne découle pas d’un problème moral à l’égard des prisonniers : elle est une question politique.

    Nous ne voulons pas ici refaire l’analyse de ce qu’est le projet de différenciation/anéantissement et du saut que représente l’article 90, et de comment celui-ci est intégré — comme terrain de vérification et d’expérimentation — à l’offensive en cours contre tout le prolétariat. Nous renvoyons à nos précédents textes et à tout le matériel produit par le mouvement des prolétaires prisonniers.

         Ce qui doit être clair, c’est que le rapport de force entre le prolétariat prisonnier, en tant que couche du prolétariat métropolitain, et la bourgeoisie impérialiste ne peut descendre au-dessous d’une certaine limite sous peine d’irréversibilité de la tendance, du processus d’extermination. Sur ce véritable banc d’essai, la plus grande capacité d’initiative politique, sociale et militaire des révolutionnaires doit tout de suite être investie.

         Empêcher par tous les moyens l’anéantissement des communistes et du prolétariat prisonniers !

         Fermer Voghera et tous les centres de torture, d’anéantissement psychophysique et d’avilissement de la dignité des prisonniers !

         Mettre en action tous les instruments — des représailles à la propagande — pour bloquer le processus d’extermination et modifier les rapports de force !

         Organiser et diffuser la libération !

    P.S.

         Ces derniers temps, une campagne de contre-guérilla psychologique est en cours, qui met en relation certains sujets communistes et certaines réalités organisées — les ainsi-nommés « Noyaux communistes » et les « Communistes organisés pour la libération prolétarienne » — avec une sale histoire — un triple homicide intervenu dans un bar de Milan, le 1er décembre 1978 — et de tout aussi sales et louches individus, tels Baldasseroni Maurizio et Tagliaferri Oscar.

         L’impudence de cette provocation, orchestrée par l’habituel Spataro et autres porcs semblables, et qui est aujourd’hui assumée par le tout aussi habituel — et aspirant porc — Crico, est parvenue à formaliser en une même instruction de tels faits répugnants et. la pratique combattante exprimée par la subjectivité communiste organisée au cours de ces dernières années à Milan.

         La limpidité et la correction de la pratique sociale et combattante que nous avons produit durant ces années n’a pas besoin d’être illustrée et documentée. Cela n’ôte pas que nous n’entendons pas subir de telles manœuvres.

         Il n’est pas de notre habitude de perdre notre souffle et notre temps en d’inutiles et rituelles menaces. Nous disposons d’autres instruments, bien plus pesants et « incisifs », pour répondre aux provocations et à toute tentative de souiller la dignité et la transparence de notre militance communiste.

         En tous cas, le mouvement révolutionnaire devra, même avec un coupable retard, assumer la tâche de faire la clarté, et de prendre les mesures voulues, sur ceci, de même que sur d’autres répugnants événements qui sont utilisés pour discréditer la lutte révolutionnaire.

    Janvier 1983.

    Diego Forastieri
    et Sergio Segio

    Notes :

    1. Le mot d’ordre « Détacher l’anneau Italie de l’O.T.A.N. » a été lancé par les Brigades Rouges en 1980 et explicité dans l’ouvrage des « prisonniers communistes des B.R. du camp de Palmi », L’Ape e il Comunista (L’abeille et le Communiste).

    2. Il s’agit de deux formations nées après la décomposition de Prima linea. Les « Noyaux communistes » ont revendiqué l’exécution de Francesco Rucci, vice-brigadier des surveillants de la section de haute sécurité de la prison milanaise de San Vittore, spécialiste des tabassages, le 18 septembre 1981, lors d’une importante lutte dans la maison d’arrêt, de même que plusieurs attentats contre des prisons.

    Les « Communistes organisés pour la libération prolétarienne » se sont fait connaître surtout par l’assaut à la prison de Rovigo, le 8 janvier 1982, au cours duquel quatre militantes furent libérées : Marina Premoli, Suzanna Ronconi, Loredana Biancamano et Federica Meroni.

    >Sommaire du dossier

  • Collectif Wotta Sitta: Crise et guerre (1992)

    [Le collectif wotta sitta regroupe des prisonniers politiques italiens venant de différentes organisations, principalement le parti-guérilla du prolétariat métropolitain qui a été une scission ultra-gauchiste des Brigades Rouges du dé »but des années 1980. Le document est de 1992.]

     » Notre époque, l’époque de la bourgeoisie, se distingue plus des autres pour avoir simplifié les antagonismes de classe. L’entière société se scinde toujours plus en deux grands ennemis, en deux classes directement opposées l’une à l’autre: bourgeoisie et prolétariat  » (Marx et Engels).

    Ces dernières années ont vu s’intensifier la domination de classe de la bourgeoisie impérialiste dans le monde entier, sous la poussée du capital monopoliste qui essaie de supérer la crise, non résolue depuis les années 70, dans l’accélération du processus de concentration, de centralisation et d’internationalisation des capitaux.

    Ce processus qui porte en lui une profonde mutation des formes de la domination de classe, génére d’un côté des contradictions croissantes et explosives entre les capitaux eux-mêmes déjà multiproductifs et multinationaux, entre les Etats, entre des zones économiques, en mettant à nu les limites intrinsèques de l’époque de la globalisation et de l’interdépendance économique.

    De l’autre côté, ce processus avance dans une attaque directe contre les conditions de vie de milliards de prolétaires et des peuples entiers dans le monde, à travers la politique impitoyable décidée et contrôlée par les organismes supranationaux du capitalisme, du G7 à l’O.N.U., au FMI, de la banque mondiale jusqu’à l’O.T.A.N..

    La guerre dans le Golfe fut la plus claire et la plus visible démonstration de cette domination de classe intensifiée, et celle de la détermination impérialiste à ne plus accepter aucune mise en discussion quant à ses intérêts et son ordre de pouvoir international.

    Les années 90 se sont ouvertes avec le scénario le plus logique et le plus concret de l’impérialisme de nos jours: la guerre et le rapport de guerre qui caractérise l’affrontement aujourd’hui, et en conséquence les effets tragiques de la domination de la barbarie sur la vie humaine.

    La puissance de l’Occident ne s’est pas traduite en un  » nouvel ordre mondial « , mais en une période de grands bouleversements, de conflits et d’instabilités croissantes. La fin de l’ordre établit à Yalta se révèle plus traumatique et complexe et prévu.

    Si l’ordre de Yalta a coûté les morts de la seconde guerre mondiale, il semble que celui que les puissances impérialistes, USA en tête, cherchent à imposer, n’exigera pas un coût minime.

    Le penser serait idéaliste; d’autre part, laissons aux réformistes et révisionnistes leurs dangereuses illusions et leurs blagues, en préférant nous remémorer les leçons de l’histoire qui a toujours démontré que, quand un équilibre de pouvoir s’écroule, pour en construire un autre, une nouvelle guerre est inèvitablement nécessaire.

    De Versailles à Yalta, jusqu’à…

    L’impérialisme c’est la guerre, la guerre a toujours été le moyen par lequel la bourgeoisie a tenté de résoudre ses crises, en se déchargeant de forme destructive sur le prolétariat, des coûts de sa reproduction.

    Il convient d’ajouter aujourd’hui que la guerre ne peut pas être comprise comme épuisée avec la victoire de la coalition occidentale dans le Golfe, car cette dernière décennie du siècle a déjà vu l’explosion incessante d’une multitude de guerres dans les différentes zones géopolitiques du monde.

    La guerre est également à nouveau revenue en Europe avec d’importants et croissants conflits armés et des guerres civiles, qui secouent en particulier l’ex-territoire yougoslavee et celui de l’ex-Union Soviétique.

    Ce scénario qui défile devant nous tous [toutes], avec sa quotidienneté tragique, a une physionomie précise et un développement propre dans cette zone qui constitue le véritable centre nerveux de l’ensemble de la planète, parce qu’il est parcouru par toutes les contradictions actuelles.

    De la principale contradiction, aujourd’hui dominante, entre prolétariat et bourgeoisie, à celle explosive entre le Nord et le Sud, à celle générée par les conflits économiques et politiques inter-impérialistes déjà existants et qui tendent à se développer entre les puissances mondiales dans la partition et la domination de la planète.

    La bourgeoisie impérialiste européenne accélère les pas nécessaires et indispensables, même si cela est contradictoire dans leur réalisation, pour faire avancer le processus d’intégration économique, politique et militaire des Etats européens et  » faire bloc « , c’est-à-dire en arriver à un sujet politique capable d’établir des politiques homogènes liants ses parties internes, et de se projeter significativement dans le reste du monde.

     » 1992  » ne veut pas être la simple célébration formelle de la naissance de  » l’Union Européenne « , mais le moment de la réalisation pratique de l’ensemble des pas fondamentaux, et un non-retour, pour l’être concrétement.

    Dans cette voie,  » l’Union Européenne  » est une avancée de la domination de classe sur tout le territoire continental, et de ses projections impérialistes dans les autres zones du monde, à commencer par celle contingüe et indissociable de la Méditerrannée et du Moyen-Orient, comme son engagement actif lors de la guerre du Golfe l’a déjà démontré.

    L’Europe participe et veut participer comme protagoniste au  » nouvel ordre mondial  » (…). Les prolétaires en Europe et dans le monde entier ont perçu depuis longtemps la nouvelle qualité de l’affrontement et leur résistance contre les stratégies capitalistes, toujours plus dirigées vers les profits et toujours plus destructives, n’a jamais cessé.

    Les luttes prolétariennes, les processus d’émancipation et de libération doivent se mesurer à l’avancée meurtrière de la contre-révolution préventive qui a pesé lourdement sur de nombreuses expériences révolutionnaires, et qui tente de frapper par avance l’agrégation des nouvelles.

    Cependant il est déjà possible de dessiner de nombreux caractères du passage à une nouvelle époque révolutionnaire, marquée par un affrontement plus profond dans lequel les luttes prolétariennes dans le monde sont toujours plus connexes et liées contre l’ennemi commun.

    La mobilisation de masse et les initiatives des forces révolutionnaires des zones des centres impérialistes et celles de la périphérie durant la guerre du Golfe ont sans aucun doute contribué à renforcer le terrain de l’anti-impérialisme et de l’internationalisme prolétarien.

    Les multiples formes de résistance prolétarienne et les diverses initiatives révolutionnaires progressent dans la même voie, et commencent à frapper et saboter l’ensemble des procès caractérisant  » 1992 « , compris par le prolétariat comme un tournant capitaliste dans la signe de la  » dérégulation  » et de la réaction.

    Une tendance qui voit l’intensification de l’exploitation prolétarienne, l’amplification du chômage et de la marginalisation, l’effondrement des conditions de vie, l’affirmation d’une existance toujours plus aliénée dans les centres métropolitains et l’imposition de politiques toujours plus répressives, racistes et fascistes contre les peuples qui poussent à la frontière de la  » forteresse Europe « .

    Il y a 500 ans la  » conquête de l’Amérique  » fut le commencement d’une nouvelle époque et d’une politique européenne d’oppression à l’encontre des pays et des peuples possesseurs des ressources et des richesses, qui permit au capitalisme naissant et à la classe émergeant qui le soutenait d’établir une colonisation et une domination mondiale.

    Et ce n’est pas tout.

    L’appauvrissement progressif de ces peuples – base du progrès de l’Europe civilisée et développée – s’est accompagné de leur extermination même.

    Comme Marx l’écrit dans Le Capital,  » la découverte des terres aurifères et argentifères aux Amériques, l’extermination et l’asservissement à l’esclavage de la population indigène, l’ensevelissement dans les mines, la conquête initiale et le saccage des Indes occidentales, la transformation de l’Afrique en une réserve de chasse commerciale des nègres, sont les marques qui caractèrisent l’aube de la production capitaliste.

    Ces méthodes idylliques sont des moments fondamentaux de l’accumulation originale « .

    Les données de la recherche historique mesurent la qualité de ces  » méthodes idylliques « : en 1500, la population du globe était de l’ordre de 400 millions, dont 80 en Amérique. Cinquante années plus tard, de ces 80 millions il n’en subsistait plus que 10. En limitant le propos au Mexique: à la veille de la conquête la population représentait 25 millions d’habitants, en 1600 il n’en restait plus qu’un million.

    C’est le message historique du processus que le capitalisme souhaite célèbrer avec les manifestations sans fin du  » cinquième centenaire de la découverte de l’Amérique « .

    Si les pays européens sont encore une fois à la tête de ces initiatives, ce n’est pas simplement pas esprit célébratif, mais pour relancer les rapports actuels de l’accumulation capitaliste en faveur des grands monopoles mondiaux.

    Un néo-colonialisme dont la C.E.E. est protagoniste dans l’effort à s’approprier encore plus de ressources et d’espaces dans l’exploitation de la tricontinentale (Asie, Afrique, Amérique latine), en compétition avec les capitaux US et japonais.

    La pénétration des capitaux européens est la forme actuelle de la  » Conquista « : le nouveau partage du monde.
    Le fil des luttes prolétariennes contre l’impérialisme US-européen-japonais, qui se tisse dans les diverses zones géographiques, concrétise un nouvel internationalisme prolétarien qui met radicalement en cause et combat les présupposés de fond sur lesquels la formation sociale capitaliste est apparue et s’est développée.

    Les stratégies économiques et politiques, qui depuis des années guident la restructuration capitaliste, produisent des contradictions de classes et des contradictions sociales croissantes, qui définissent et dessient la guerre de classe de nos jours.

    Un processus de prolétarisation de dimension énorme, du fait de la modification de la division du travail au niveau planétaire, caractérise la seconde moitié du siècle.

    L’avancée du capitalisme a réduit à la condition de prolétaire la majorité de la population mondiale, à qui est progressivement enlevé toute possibilité de substance non-capitaliste.

    Dans les zones du centre comme dans celles de la périphérie, du Nord au Sud comme à l’Est.

    Plus encore, chaque être humain se trouve directement face à la  » pure loi du profit « , aux effets inhumains d’un processus d’oppression et de destruction de l’Homme [et de la Femme], de la nature et de l’environnement dans des proportions jamais atteintes, parce que le capitalisme intervient désormais directement sur eux à partir des nécessités de valorisation, de reproduction et d’expansion.

    Cet ensemble de facteurs arrivés à maturation complète, à ce stade de développement avancé du capitalisme métropolitain, ne fait qu’élargir et approfondir les tensions et les conflits sociaux, projetant toujours plus de femmes et d’hommes dans la dimension immédiate de la lutte de classe.

    Simultanément, il établit un terrain de connexion objective des luttes des prolétaires et des peuples du monde, celui contre le système économique, politique et militaire qui s’est historiquement affirmé et qui s’axe autour des USA et du nouveau déploiement qui le caractérise ces dernières années.
    Lutter en Europe contre l’ensemble des politiques qui poussent en avant la dynamique d’intégration européenne et qui simultanément étendent sa projection impérialiste dans le monde, signifie comprendre qu’en Europe occidentale -aujourd’hui plus qu’hier- convergent de nombreuses lignes d’affrontement entre impérialisme et révolution, entre néocolonialisme et luttes de libération dans le monde (…). 

    >Sommaire du dossier

  • Biographie de Walter Alasia

    Le 15 décembre 1976, Walter Alasia, membre des Brigades Rouges, fut tué lors d’une fusillade nocturne avec la police italienne dans un quartier ouvrier de la banlieue milanaise, Sesto San Giovanni. 

    Quinze   membres   d’une   escouade   «   anti­terroriste   »   étaient   venus l’arrêter dans l’appartement de ses parents. Walter a répondu à leurs tirs en en tuant deux, s’échappant par une fenêtre et se faufilant jusque dans la cour de l’immeuble, où il fut blessé aux jambes par un tri de mitraillette de la police. Alors qu’il gisait là, en sang, un membre de l’escouade « anti­terroriste » l’abattit froidement. Walter avait vingt ans.

    L’année   de   sa   mort,   Walter   avait   déjà   mené   un   raid   brigadiste contre l’état­major de « Nouvelle Démocratie », un parti de la droite démocrate-­chrétienne. Il était de la deuxième génération des BR ; des jeunes   prolétaires   qui,   trop   jeunes   pour   avoir   participé   aux mouvements de masses de  la révolte étudiante et ouvrière de 1968-­69, sont venus à la conscience politique au début des années 70 alors que l’affrontement avait déjà franchi le cap de la militarisation. 

    Depuis les débuts de la brève vie politique de Walter Alasia, la lutte armée était une dominante, et la vie et la mort une question politique pour lui et ses   pairs.   Alasia   était   l’enfant   d’ouvriers   d’usine communistes. Il a grandi à Sesto San Giovanni, le « Stalingrad italien », une rude banlieue ouvrière   de   80   000   travailleurs à la périphérie de Milan. 

    Son père, Guido, était un ouvrier qualifié, travaillant à Ortofrigor, une usine d’équipements   de   réfrigération.   Sa   mère,   Ada   Tibaldi,   était aussi ouvrière d’usine. En 1962, elle a commencé à travaillé sur la ligne d’assemblage à l’usine SAPSA, une petite usine de pneus qui dépendait de la compagnie Tirelli. Elle était communiste, devint vite une  activiste  syndicale  et prit  une  part  active pendant  « l’automne chaud », la révolte ouvrière de 1969, quand Walter avait 13 ans. Elle resta à SAPSA pendant 10 ans.

    Walter   était   un   enfant   espiègle   et   plein   d’énergie.   A   l’école,   il manifestait des talents artistiques, mais à part en dessin, il avait des notes très   moyennes. Walter ne s’est jamais fait à   l’atmosphère académique, stérile, autoritaire, « 19è siècle », du système scolaire italien des années 1960.

    A   l’âge   de   quinze   ans,   en   1971,   parce   que   ses   talents   en   dessin étaient prometteurs, ses parents l’envoyèrent au lycée technique Itis pour garçons, qui venait d’ouvrir près de Sesto. Son entrée à Itis fut un virage   majeur dans son   existence.   Les   lycéens d’Itis n’étaient quasiment   que des jeunes de la classe ouvrière,   drainés depuis le quartier de Sesto. Beaucoup d’amis de Walter y étaient. Ils furent vite pris dans la tornade de la révolte lycéenne qui se répandait dans toutes les lycées techniques autoritaires de l’Italie de 1971.

    Walter   et   d’autres   organisèrent   une   collectif   «   autonome   »   lycéen, et   au   bout   de   deux   ans,   ils   libérèrent   l’école.   Les   professeurs étaient   obligés   de   donner   à   tous   les   élèves   les   notes   suffisantes pour   passer   en  classe   supérieure.   Les   professeurs   et   l’encadrement réactionnaires   furent   harcelés   et   jetés   dehors.   Les   lycéens transformèrent   leurs   cours   en   séminaires   politiques   qui   abordaient un vaste panorama de sujets.  

    Les   cours   réguliers   disparurent,   l’administration   ayant   perdu   le contrôle   physique   de   l’école.   Itis   devint   pour   un   temps   une   zone libérée (ce que les BR désignaient comme des « zones de pouvoir rouges ») au sein d’une série d’autres écoles à Milan et dans les autres villes  du  Nord,  qui  étaient  des  bases  d’où les  collectifs  de  lycéens révolutionnaires partaient pour combattre la police et les fascistes et pour organiser les quartiers et les usines.

    Alasia   fut   recruté   dans   les   forces   de   sécurité   des   collectifs   car il   était   digne   de   confiance   et   savait   garder   son   sang   froid   dans moments de crise.

    En   1973,   le   collectif   autonome   d’Itis   entra   dans   Lotta   Continua.

    Désormais, Itis s’était transformé en un bastion de la gauche révolutionnaire à Sesto. La section de Sesto de Lotta Continua, avec le collectif de Walter à sa tête, était aux avant­postes dans les combats urbains   qui   opposaient   les   fascistes   et   la   police   à   la   gauche révolutionnaire tout au long de 1973 et 1974, alors que l’Etat jouait l’escalade   dans   ses   efforts   pour   écraser   militairement   la   gauche révolutionnaire milanaise. 

    Partout où il y avait des batailles de rue, Walter et ses camarades les révolutionnaires de l’Itis étaient au cœur du combat. Walter faisait un bon  mètre   quatre­-vingt,   et   avait   la   réputation   d’être   un  dur   qui   ne détestait pas prendre des coups quand il pouvait les rendre.

    Le   collectif   d’Itis   contribua   à   défendre   victorieusement   un   des principaux   bastions   de   la   gauche,   le   lycée   technique   Politechnico, face   à   un   assaut   fasciste   en   avril   1973,   lors   d’une   journée   de grande   mobilisation   nationale   des   fascistes.   Cinq   cents   lycéens autonomes   s’alignèrent   autour   de   l’établissement   Politechnico.

    Walter Alasia était là, avec le groupe d’Itis. 

    Au bout de la rue, les fascistes apparurent. Ils avançaient vers l’école pour casser du gauchiste. Toute la force de défense, les 500 autonomes, se prit fermement par le bras et avança droit devant, d’un pas rapide et rythmé. Rapidement, le pas se transforma en une course, une charge massive.   Têtes   casquées,   visages   couverts   et  battes   à   la   main.   Les fascistes en furent quittes pour la peur ; effrayés, ils se sont dispersés sur le champ et ont fui à toutes jambes. Les habitants du quartier, qui regardaient la scène   depuis   le   leurs   fenêtres,   applaudirent   les révolutionnaires lycéens.

    Alasia   était   très   actif   dans   les   manifestations   milanaises   de   Lotta Continua,   il   était   responsable   de   la   sécurité.   Tout   le   monde   se souvient de lui comme quelqu’un de mesuré qui maîtrisait ses nerfs dans les moments difficiles. 

    Après le massacre de Brescia, quand les fascistes tuèrent 8 personnes en attaquant à la bombe une manifestation de la gauche, la Nouvelle Gauche   attaqua   le   quartier   général   fasciste   de   Milan.   Pendant   la bagarre, le leader de la section de Sesto de Lotta Continua fut perdu dans le chaos de la bataille. Walter s’en aperçu, rassembla ses troupes et dirigea l’assaut de sa section pour aller récupérer le camarade. Il avait 18 ans, avec trois ans d’expérience dans la lutte.

    Les   membres   du   collectif   d’Itis   avaient   commencé   à   mettre   en question   le   noyau   familial   et   les   rôles   sexuels   traditionnels   en combattant pour construire un nouveau mode de vie non­-oppressif. La lecture   favorite   de   Walter   en   ce   temps­là   étaient   une   revue   bien délurée   de   la   contre­-culture,   appelée   Bread   and   Roses.   Walter distribuait Bread and Roses à côté de Lotta Continua dans son lycée.

    Bread   and   Roses   était   une   revue   publiée   de   façon   irrégulière,   à destination des jeunes. Il attaquait sans répit la famille nucléaire, critiquait l’incapacité de la gauche   révolutionnaire   à   répondre   aux   problèmes   personnels   des jeunes,   attaquait   le   carriérisme,   l’égoïsme   et   le   comportement machiste   des   leaders   masculins   du   mouvement   étudiant.   Sa   satire portait sur le caractère hypocrite et inconsistant de la sous­-culture du mouvement étudiant qui parlait d’engagement révolutionnaire mais qui continuait   à   vivre   des   mensonges   et   de   l’hypocrisie   de   l’ancienne culture.

    Bread and roses mettait en avant la thèse selon laquelle l’approfondissement de l’engagement   politique   dépendait   de   la tournure que prenait la vie au niveau personnel et privé, qu’il était donc   incorrect   de   séparer   la   conduite   personnelle de la   conduite politico­-sociale.   Toutes   les   répressions   et   les   tabous   de   la   société capitaliste se reflètent dans la vie quotidienne, dans la famille et les relations personnelles. Bread and Roses était très critique envers la famille prolétarienne, vue comme une « vile relation d’argent ».

    Il appelait   à   l’indépendance   économique   de   tous   les   membres   de   la famille, enfants compris, comme la seule solution progressiste.

    La revue abordait aussi d’autres aspects, comme l’économie souterraine,   les   drogues   et   le   sexe.   Le   problème   des   rôles   et   des relations sexuelles était un thème central dans chaque numéro. Bread and Roses   était   très   populaire   à   Itis,   et   Walter   avait   la   collection complète dans sa chambre.

    Walter   n’était   pas   intéressé   par   la   perspective   de   devenir   un leader, de faire beaucoup de discours, de devenir une « superstar » du   mouvement.   Son   style   politique   était   calme   et   mesuré.   Ses  camarades lycéens le respectaient. Lorsqu’on était accaparé par des affaires et des crises, il ne perdait pas le goût de la taquinerie ni son sens de l’humour subtil et ironique.

    Sa   chambre,   qu’il   partageait   avec   son   frère   Oscar   qui   était   plus âgé, était toute  couverte  de posters de Lénine, Ché, Angela Davis, Staline   et   Ho   Chi   Minh   souriant.   Sur   les   murs   il   avait   aussi   des photos   de   Sacco   et   Vanzetti   (deux   anarchistes   italo-­américains exécutés   par   l’Etat   du   Massachusetts   dans   les   années   1920),   des photos   de   partisans   italiens   de   la   deuxième   guerre   mondiale,   de femmes   vietnamiennes   fusil   à   l’épaule.   Il   y   avait   aussi   une   photo d’une foule riant autour d’une statue de marbre géante de Mussolini sans tête,   et   une   photo   de   soldats   de   l’armée   rouge   chinoise   en costume mao.

    Walter   aimait   porter   ses   cheveux   bruns   très   longs,   parfois   il   se faisait   une   queue   de   cheval.   Il   se   laissait   pousser   la   moustache.

    Il   aimait   porter   des   pantalons   blancs   à   pattes   d’éléphant,   des baskets   et   des   chemises   indiennes   en   coton,   serrées   à   la   poitrine.

    Il   aimait   la   musique   rock,   Jimi   Hendrix,   Vanilla   Fudge,   Jethro Tull,   il   avait   commencé   à   se   mettre   à   la   guitare.   Il   lui   arrivait de   passer   des   heures   à   écouter   de   la   musique   des   heures   dans   sa chambre.

    Au   début   de   l’année   1974,   il   devenait   de   plus   en   plus   clair   que l’Etat   forçait   la   gauche   révolutionnaire   à   faire   le   choix   entre   la lutte   armée   et   l’extinction   passive.   Lotta   Continua,   incapable d’imprimer   une   direction   politique   au   mouvement,   scissionna   sur cette question de la lutte armée. L’ensemble de la section de Sesto de   LC   se   rangea   avec   la   faction  pro-­lutte   armée   de   l’organisation.

    Walter   et   un   petit   groupe   de   4   ou  5  amis   ne   participèrent   pas   au combat   de   la   faction,   préférant   abandonner   l’organisation. Après son départ de LC et du lycée technique, Walter, qui na jamais  été   un   intellectuel,   entrepris   des   lectures   sérieuses   :   des   œuvres  choisies de Lénine, une série de six volumes sur les sciences et la philosophie,   qu’il   avait   dû   acheter   à   crédit,   les   livres   de   George Jackson « Devant mes Yeux la Mort » et « Les Frères de Soledad », ainsi   que   le   roman   de   Gabriel   Garcia   Marquez,   «   Cent   ans   de Solitude. »

    Les   camarades   qui   travaillaient   avec   lui   à   ce   moment   ont   dit   que l’action  réussie   des   Brigades   Rouges  contre  Sossi  fit  une  profonde impression   dur   lui,   ainsi   que   sur   d’autres étudiants révolutionnaires. Les   communiqués   brigadistes   faisaient   l’objet   de nombreuses   discussions   entre   Walter   et   ses   amis.  

    Il   était particulièrement   d’accord   avec   les   BR   sur   l’analyse   selon   laquelle la   vraie  ligne   de   démarcation  dans   la   mouvement   était   la   question de la lutte armée. Walter commença à travailler avec les BR quelque temps   après   l’action   contre   Sossi,   fin   74 – ­début   75.

    Sa vie fut parcourue de changements en entrant dans les Brigades.

    Après quelques emplois d’ouvrier spécialisé à tourner des vis dans de  petites  usines  pour  150  dollars  le   mois,   puis   comme   technicien dans   la   téléphonie,   Walter   trouva   un  emploi   à   la   poste   centrale.   Il rompit   ses   relations   avec   la   plupart   de   ses   vieux   amis.   Lorsqu’il en   rencontrait   un   par   hasard,   il   lui   disait   qu’il   avait   laissé tomber   la   politique.   Sa   famille   remarquait   qu’il   passait   beaucoup de temps à lire Les frères de Soledad et Devant mes Yeux la Mort de George Jackson. 

    Son   attitude   changea,   il   devint   beaucoup   plus   calme e t plus discipliné, il commença à aider sa mère pour les tâches du foyer.  

    Parfois,   il   passait   des   nuits   entières   dehors,   pour   des histoires   de   cœur.   Sa   tenue   était   plus   soignée,   et   Walter   coupa même sa queue de cheval chérie. Sa famille remarqua qu’il évitait de se faire photographier avec sa nouvelle coupe. En octobre 1976, la police fit un raid contre un appartement conspiratif loué par Alasia sous un faux nom. Selon la version policière, Les lunettes d’Alasia y furent trouvées, qui les dirigèrent vers un opticien. Mais la police ne l’arrêta pas tout de suite. A la place, il fut filé et ses communications écoutées.

    Après le 1e décembre 1976, les BR firent un raid contre le quartier général   de   Nouvelle   Démocratie   ;   là,   les   occupants   du   lieu identifièrent   Alasia   comme   un   des   membres   du   commando.   Juste avant le lever du jour du 15 décembre 1976, une unité spéciale de la police   encercla   un   immeuble   du   quartier   de   Sesto.   Dix   policiers gardaient la rue, alors que des flics munis de pistolets mitrailleurs, de gilets pare­balles et de casques enfonçaient la porte des Alasia.

    La   nuit   qui   suivit,   Walter   Alasia   était   devenu   un   héros   du   peuple aux   yeux   de   la   jeunesses   prolétarienne   de   Sesto.   De   nombreuses personnes   vinrent   saluer   sa   tombe   dans   le   cimetière   voisin.   Les Brigades Rouges lui rendirent un dernier hommage en appelant de son nom leur colonne milanaise.

    >Sommaire du dossier

  • BR – Colonne Walter Alasia: Encore un pas (1983)

     (Milan, Janvier 1983)

    En champs
    les oranges éparpillées
    En groupe
    les étoiles ordonnées
    En tas
    les prolétaires attendent
    Derrière l’angle
    passe
    le drapeau rouge.
    (Sante Notarnicola)

    Préambule.

    La nouvelle conjoncture, caractérisée par le passage à la guerre totale, nous impose des tâches qualitativement nouvelles.

    Il ne s’agit pas en effet, d’un passage linéaire, mais d’une rupture, et surtout d’une rupture avec notre passé : il s’agit en un mot du saut de Organisation communiste combattante à Parti.

    Si l’on ne construit pas le saut au Parti, on ne se donne aucune possibilité concrète de faire face aux tâches de conjoncture.

    De plus, on ne se donne aucune possibilité que le prolétariat métropolitain gagne la guerre sociale totale, mais seulement qu’il la subisse.

    Assumer les tâches que la conjoncture nous impose comme centrales, et donc travailler avec toutes les forces pour la construction du Parti, implique cependant que toute notre expérience d’Organisation communiste combattante soit remise en discussion.

    Il s’agit, en d’autres termes, de saisir, potentialiser et développer de manière adéquate tous les aspects de notre pratique sociale qui, depuis le début, tendaient à l’agir en Parti, même de manière encore partielle, et d’enterrer sans pitié les aspects de notre théorie-praxis qui nous retenaient (et nous retiennent encore) rigidement enracinés dans l’agir en Organisation communiste combattante.

    En ce sens, il faut opérer une rupture avec le passé, il faut « regarder le passé avec les yeux du futur ».

    1. Construire le Parti signifie avant tout de comprendre les caractéristiques générales qui configurent l’actuelle conjoncture.

    Le passage de l’Organisation communiste combattante à Parti n’est pas en effet un simple développement quantitatif (conception qui est soutenue par les subjectivistes-militaristes).

    L’Organisation devient Parti en se niant comme Organisation communiste combattante, en niant les pratiques d’Organisation communiste combattante et en développant les pratiques de Parti : en effectuant ainsi un saut politique.

    Ce saut politique est caractérisé par une rupture : en cela, la construction du Parti est un processus continu et contradictoire, un saut, et non un passage linéaire. Le Parti se construit, il ne se fonde pas.

    Avec quoi faut-il rompre ? Principalement avec tous les aspects de la pratique d’Organisation communiste combattante qui tendent à reproduire la formule adoptée dans la phase précédente, celle de la propagande armée.

    Dans la phase de propagande armée, un rapport parti / masses totalement déséquilibré du point de vue du Parti s’est imposé, inévitablement et indépendamment de la volonté des camarades.

    Nous disons inévitablement parce que le principe même de la propagande armée et ses objectifs (enraciner l’idée-force de la justesse et de la nécessité de la lutte armée dans le prolétariat métropolitain) suppose que l’accent soit plus mis sur l’activité consciente de l’Organisation que sur celle des mouvements de masse.

    La propagande armée effectuée par l’Organisation et les mouvements de masse, c’est presque toujours le premier terme qui prévalait. L’Organisation remplissait ainsi une fonction dans le même temps pédagogique et de soutien / stimulation aux mouvements de masse.

    Dans le contexte du rapport organisation-masses qui caractérisait la phase de la propagande armée, l’aspect principal était la fonction pédagogique.

    Les exigences de la conjoncture actuelle imposent au contraire de rompre complètement avec cette configuration : il ne s’agit plus aujourd’hui de sensibiliser les masses et d’organiser les avant-gardes dans l’Organisation sur le terrain de la lutte armée ; il s’agit aujourd’hui d’organiser les masses sur le terrain de la lutte armée.

    2. D’autre part, l’élément qui caractérisait l’agir en Organisation communiste combattante était l’agir dans le « politique ».

    C’était dans la sphère du politique que l’Organisation communiste combattante recrutait ses militants, en s’adressant aux couches de classe les plus conscientes et à leurs avant-gardes de lutte.

    Elle effectuait ainsi une scission de fait entre le politique (même correctement étendu comme politico-militaire) et l’économique, entendu au contraire comme terrain de lutte privilégié des masses.

    La lutte armée pour le communisme était ainsi une pratique pour l’avant-garde, mais pas encore une pratique sociale des masses.

    Il est aujourd’hui plus que nécessaire de dépasser cette conception : organiser les masses sur le terrain de la guerre sociale totale signifie en effet les organiser tout au long de la sphère économico-sociale traversée par la contradiction entre bourgeoisie impérialiste et prolétariat métropolitain (dans l’économique, le politique, le culturel, etc… en un seul mot dans le « social ») et construire une ligne de masse qui sache agir dans chaque interstice de la société.

    Le caractère total de la guerre ne vient pas, en effet, de sa destructivité ou du niveau militaire plus ou moins élevé qu’elle exprime.

    Dans les communiqués du procès Moro, les camarades observent justement que les guerres inter-impérialistes, même si elles ne laissent pas un seul brin d’herbe debout dans la nation vaincue, n’en sont pas pour autant des guerres totales.

    Le caractère total de la guerre vient au contraire du fait que celle-ci investit la totalité des rapports sociaux capitalistes.

    La tendance à la guerre vit dans chaque aspect des rapports sociaux capitalistes jusqu’à arriver sous une forme contradictoire, dans la conscience même des prolétaires.

    Lorsque les théoriciens américains de la contre-révolution globale affirment que « la guerre contre le communisme est surtout une guerre pour la conquête des consciences », ils démontrent qu’ils ont parfaitement compris cet aspect qualitativement nouveau du rapport révolution / contre-révolution.

    Nouveau en ce qu’il ne commence à recouvrir l’importance actuelle qu’avec le passage de la domination formelle à la domination réelle du mode de production capitaliste sur tous les rapports sociaux. (cf. à ce propos Forcer l’horizon).

    Cet aspect pourra peut-être sembler « secondaire » ou « superstructurel » aux camarades qui ne parviennent pas encore à se libérer du passé, alors qu’il s’agit d’une thèse fondamentale pour le saut au Parti.

    En plus du fait matériel que si l’on n’assume pas à ce niveau d’analyse, il est impossible d’expliquer des phénomènes comme celui de la trahison, par exemple.

    De même que la guérilla a rompu avec le passé du mouvement ouvrier et communiste en affirmant l’unité du politique et du militaire contre les théories troisième internationalistes qui effectueraient cette scission depuis toujours (bras armé et distinction entre parti et armée), en reproduisant ainsi en leur sein la division entre pensée et action, entre travail intellectuel et travail manuel, de même il est aujourd’hui nécessaire de rompre avec les positions qui séparent l’économique, perçu comme base qui détermine plus ou moins mécaniquement tout le reste (le politique et le culturel, la conscience).

    Ces positions ne tiennent pas compte du fait qu’entre la structure (base économique) et la superstructure (organisation politique, juridique et sociale, etc.), il y a un rapport dialectique : c’est-à-dire que l’un influence l’autre et vice-versa.

    Et c’est précisément ce vice-versa qui n’est pas compris, et de cet unilatéralisme naissent ensuite les tendances révisionnistes qui nient dans les faits la nécessité de la révolution culturelle dans la métropole ou la font passer après la prise du pouvoir, en la renvoyant à une phase à venir.

    En second lieu, ces positions ne réussissent pas à voir que nous évoluons dans la phase historique de la domination réelle du capitalisme : c’est-à-dire que le capitalisme, même on coexistant, à l’échelle mondiale, avec des moyens de production pas encore capitalistes, a en réalité assujetti tout le globe, y compris les zones dans lesquelles survivent des moyens de production non-capitalistes.

    Mais, et c’est encore plus grave, elles ne réussissent pas à comprendre que la domination réelle du mode de production capitaliste dans les métropoles se traduit par une domination sur tous les aspects des rapports sociaux, et que sa crise se traduit par une exaltation précisément de ces aspects qu’une analyse mécaniste considérerait comme « secondaire » et « superstructurel ».

    C’est pour cela qu’il est aujourd’hui d’une importance fondamentale pour le saut au Parti de reconnaître qu’il n’y a pas de séparation entre révolution culturelle dans les métropoles et guerre civile, ni en termes de temps (c’est-à-dire comme deux phases séparées), ni en termes d’espace.

    Guerre civile et révolution culturelle sont simplement deux aspects d’un même processus : la guerre sociale totale.

    C’est en posant cette considération au centre de l’activité du Parti que l’on jette les bases correctes pour la construction du système de pouvoir rouge et, dans le même temps, que l’on pose à l’ordre du jour la guerre pour la transition au communisme.

    Œuvrer pour le saut au Parti signifie pour nous taire le bilan critique de toute notre expérience d’Organisation communiste combattante.

    Naturellement, il ne s’agit pas d’annuler tout le patrimoine d’expérience de la Colonne Walter Alasia, ni du reste de la conserver tel quel.

    Le saut au Parti implique la nécessité de mettre continuellement en discussion le travail effectué, de le soumettre continuellement à la vérification, c’est-à-dire de faire constamment autocritique. L’autocritique est le point de départ pour relancer l’intervention à un niveau plus élevé : elle sert à aller de l’avant, pour éliminer à chaque fois toutes les erreurs évitables que le Parti commet.

    Nous voudrions ici soulever trois aspects de ce problème :

    a) Les communistes ne doivent pas avoir peur d’avoir commis des erreurs. Le Parti naît et se développe justement en apprenant de ses erreurs qu’il est possible de dépasser et de faire ainsi effectuer un saut de qualité à toute notre pratique sociale.

    Là aussi, il faut rompre avec l’idéologie révisionniste et troisième internationaliste qui a toujours présenté l’histoire du Parti comme un processus de croissance linéaire, dans lequel la ligne correcte a triomphé des lignes erronées, par une sorte de métaphysique droit historique, niant ainsi dans les faits la lutte entre les deux lignes au sein du Parti.

    Un bon exemple de cette conception est donné par le livre Histoire du Parti communiste (bolchévick) — bref cours, ainsi que, de manière plus générale, tous les écrits de Staline.

    À plus forte raison faut-il rompre avec la conception togliattienne, reprise ensuite par Berlinguer, et qui constitue la base du « continuisme » révisionniste selon laquelle le Parti, de fait, ne se trompe jamais, mais s’adapte à chaque fois à la situation et aux conditions objectives.

    En suivant cette théorie, le P.C.I. a justifié tous les nombreux retournements stratégiques de son histoire en les déguisant en astucieux choix tactiques (des années 30 au retournement de Salerno, et jusqu’au compromis historique).

    D’autre part, le P.C.I. a aussi établi la mystification historico-politique de la continuité de la ligne de Parti, selon laquelle le parti du compromis historique et du pacte corporatif serait l’héritier naturel, dans la situation actuelle, du parti révolutionnaire fondé à Livourne en 1921.

    Pour avancer aujourd’hui, il faut au contraire dire clairement où, quand, comment et pourquoi nous sommes-nous trompés et, surtout, ne pas entendre l’autocritique comme une exception (un point de retournement politique), mais la considérer dorénavant comme partie intégrante de tout notre travail et de notre pratique sociale.

    b) Il ne suffit cependant pas d’admettre avoir commis des erreurs pour les dépasser dans la pratique.

    En se limitant à cela, on tombe dans l’opportunisme : c’est-à-dire qu’on transforme l’autocritique en une pratique totalement formelle, qu’on lui ôte toute vie et, de fait, qu’on finit par la nier.

    Il ne s’agit pas, en d’autres termes, de se faire une espèce de mea culpa, en se limitant par exemple à reconnaître comme fondées les critiques que nous avaient adressées, en leur temps, les camarades des Brigades du camp de Palmi.

    Il s’agit au contraire d’aller aux racines des erreurs et de débusquer, critiquer, détruire les positions politiques, les lignes erronées qui ont influencé négativement notre analyse et notre pratique sociale.

    Pour ce faire, il est nécessaire de soumettre l’ensemble de notre analyse et de notre pratique sociale à un réexamen scrupuleusement critique, étant donné que la lutte entre les deux lignes a traversé l’ensemble de notre histoire, sans exceptions.

    Le problème n’en consiste pas pour autant à séparer mécaniquement ce que nous avons fait d’erroné de ce que nous avons fait de juste.

    Il faut réexaminer globalement toute notre praxis et saisir ce qui, en elle, préfigurait la ligne révolutionnaire, en enterrant en même temps ce qui, en elle, renforçait la ligne révisionniste.

    C’est seulement en menant jusqu’au bout l’autocritique qu’il est possible de récupérer le véritable patrimoine révolutionnaire de la Colonne Walter Alasia dans les Brigades Rouges.

    c) Le Parti commet toujours et inévitablement des erreurs. Commettre des erreurs est inévitable !

    Il y a cependant deux types d’erreurs qui sont commises dans chaque phase : celles qui sont évitables et celles qui sont inévitables. Les erreurs évitables sont celles que le Parti commet subjectivement.

    Les erreurs inévitables sont objectivement déterminées par les caractéristiques de la phase.

    Les erreurs inévitables d’une phase se transforment toutefois en erreurs évitables dans la phase suivante. En cela, le procès de critique-autocritique recouvre une signification stratégique (et permanente) dans le saut au Parti.

    La colonne Walter Alasia a eu, dans sa théorie-praxis, de nombreuses limites et a commis, dans la phase précédente, de nombreuses erreurs, certaines évitables, d’autres inévitables.

    Aujourd’hui, ces erreurs sont évitables et doivent donc être évitées !

    Le développement théorique et celui de la pratique sociale ont aujourd’hui apporté une plus grande clarté sur les thèmes centraux du saut au Parti.

    Le fait que cela constituait alors des erreurs inévitables ne doit en aucun cas servir d’alibi à des positions justificationnistes qui aboutissent à reproposer le schéma « continuiste » et « néo-révisionniste » selon lequel les erreurs du Parti sont la conséquence des conditions objectives dans lesquelles il doit œuvrer.

    Nous aussi, nous devons aujourd’hui, et ce sans pitié, refuser ce type d’erreurs, justement parce qu’il existe aujourd’hui les conditions pour les dépasser.

    Une bonne part des erreurs de Staline était alors inévitable, même si, aujourd’hui, nous critiquons ces erreurs sans pitié, en allant à leurs racines.

    Nous faisons peut-être un tort personnel à Staline (et au Parti bolchévik d’U.R.S.S.) en le critiquant avec le bon sens d’aujourd’hui, mais cela est cependant indispensable (et possible) aujourd’hui pour faire un pas en avant vers la transition au communisme. C’est avec le même esprit que nous devons faire une sérieuse autocritique par rapport à la théorie-praxis de notre colonne, pour jeter les bases du saut au Parti.

    Crise du mode de production capitaliste. Centralité ouvrière.

    On peut, directement ou indirectement, ramener toutes nos limites et toutes nos erreurs de cadrage dans l’intervention politique à la partialité de notre analyse de la crise du mode de production capitaliste.

    À la base de cette partialité, il y avait une grave erreur : la séparation mécaniste entre structure et superstructure, c’est-à-dire entre économique d’une part et toutes les autres sphères de la formation économico-sociale d’autre part.

    Dans le contexte de cette séparation, nous avons rendu absolu le caractère dominant de la production par rapport à tous les autres secteurs de la société.

    S’il est vrai, en effet, que la production de marchandises représente toujours l’aspect dominant, celui sur lequel se fonde l’extorsion de la plus-value et la valorisation du capital, il n’en est pas moins vrai qu’elle fait toutefois partie d’une totalité plus complexe : la métropole.

    Au contraire, même en comprenant justement la centralité de la production, nous avons réduit schématiquement toute la totalité des rapports sociaux à ce seul aspect.

    La complexité dialectique qui existe entre la partie et le tout a ainsi été aplatie à un rapport automatique de cause à effet : la production détermine mécaniquement tout le reste.

    Cette simplification nous a empechés de voir la qualité nouvelle qui caractérise le rapport production / consommation dans la phase de la domination réelle totale du mode de production capitaliste.

    Forcer l’horizon dit à ce propos :

    « … La production de plus-value relative (domination réelle) exige la production d’une nouvelle consommation : elle exige donc que le cercle de la consommation à l’intérieur de la circulation s’élargisse de la même manière qu’avant s’élargissait le cercle de la production (…).

    Dans la phase de la domination réelle totale, le capital, ayant déjà occupé tout l’espace géographique (création du marché mondial) doit, pour continuer à s’étendre, et donc pour élargir ultérieurement le marché, révolutionner sans cesse la sphère de la consommation.

    La consommation, comme la production, est maintenant aussi sujette à des procès de restructuration continuels, en devenant un élément dynamique, actif, strictement et rigidement intégré au procès de production / reproduction. »

    Et plus loin :

    « Maintenant, dans la domination réelle totale, [le capital] soumet toutes les qualités de l’homme social, en le produisant comme homme du capital, fonctionnalisé aussi à la réalisation de la plus-value relative (…).

    Une nouvelle branche de production naît ainsi, l’ »usine de la conscience », avec les fonctionnaires qui lui sont relatifs : usine de « modèles de consommation », de « systèmes idéologiques », visant à la production / reproduction de la plus-value relative, du rapport social dominant.

    La production n’est plus seulement production indirecte de consommation (dans le sens que toute production présuppose une consommation) mais se constitue aussi, aujourd’hui, comme « production directe de consommation » : à côté de la production d’objets-marchandises, il y a la production de plus-value relative, il y a la production spécifiquement capitaliste de ses conditions de réalisation.»

    De ce nouvel et plus intime rapport entre production et consommation, entre production de marchandises et production d’idéologie, naît la métropole, comprise comme une usine totale.

    C’est la métropole dans son ensemble, donc, qui constitue l’unité minimale qui doit être analysée pour obtenir un cadre global.

    La production de marchandises et, par conséquent, l’usine, constituent donc seulement une partie, quand bien même centrale, de cette totalité.

    En se limitant seulement à cet aspect, ou en lui subordonnant mécaniquement tous les autres aspects, on tombe inévitablement dans la partialité.

    Les camarades disent :

    « La composition de classe, le prolétariat, doit aussi alors être caractérisé non seulement en relation à l’ »usine partielle » mais aussi à l’ »usine totale », à la métropole dans sa globalité.

    Il doit être vu non seulement en tant que force de travail, capacité de travail, mais aussi comme consommateur conscientisé, idéologisé. Toute distinction mécaniste entre force de travail et formes de sa conscience tombe donc d’elle-même : le prolétariat dans la métropole est en même temps force de travail du capital et consommateur conscient de celui-ci, son produit programmé et finalisé. »

    L’analyse développée par la Colonne Walter Alasia au cours des deux dernières années, en restant au contraire dans ce mécanisme, ne réussissait pas à dépasser les grilles des usines : elle saisissait le particulier, mais pas le général.

    De plus, en ne reliant pas la partie au tout, elle ne réussissait pas à voir stratégiquement comment le général vivait aussi dans le particulier.

    En rendant absolue la production de marchandises et en ne saisissant pas l’aspect d’usine totale qu’assume aujourd’hui la métropole, nous avons limité le centre de l’affrontement de classe à l’usine partielle.

    Dans ce cadre, même en mettant au premier plan l’aspect crise-restructuration que recouvre la crise actuelle, on donnait une interprétation partielle du procès de restructuration productive (accroissement de l’exploitation, de la nocivité, réduction de la base productive par l’atteinte à l’emploi, etc.), sans réussir à évaluer totalement ses conséquences sur la composition de classe du prolétariat métropolitain aussi hors de l’usine.

    On saisissait ainsi la signification particulière de la réduction de la base productive de la classe ouvrière (accroissement de l’exploitation et réduction de l’emploi), mais non la signification stratégique générale : décomposition de la classe ouvrière et interchangeabilité avec d’autres figures sociales du prolétariat métropolitain.

    On ne réussissait pas, de cette manière, à avoir une vision claire du prolétariat métropolitain en tant que classe, et l’on ne comprenait pas, en particulier, que le prolétariat métropolitain est le fruit même de la décomposition de la classe ouvrière.

    Il ne s’agit donc pas de classes différentes, parfois réunies par des intérêts immédiats communs, mais d’une classe unique, stratifiée et décomposée en différentes figures sociales, réunies par un intérêt stratégique unique : la transition au communisme.

    L’aspect stratégique du projet de la bourgeoisie impérialiste se fonde en effet sur l’anéantissement, la stratification et la différenciation du prolétariat métropolitain : l’objectif général du projet impérialiste de conjoncture est le maintien par la force des rapports de production actuels, qui sont désormais objectivement en décomposition sur le plan historique du fait de la crise générale du mode de production capitaliste, mais qui ne peuvent être complètement détruits que par l’édification subjective, par le prolétariat métropolitain, du système de pouvoir rouge.

    À partir de là, l’anéantissement ne se manifeste pas comme anéantissement direct et matériel de couches entières du prolétariat métropolitain (on ne peut mettre sur le même plan X milliers de licenciements et l’anéantissement matériel de X milliers de licenciés, ou tout bonnement de la classe ouvrière dans son ensemble).

    Anéantissement, au contraire, veut surtout dire destruction des liens entre les diverses déterminations du système du pouvoir rouge et destruction, dans la conscience de couches prolétaires entières, de la possibilité même de construire une alternative collective à la crise du mode de production capitaliste.

    C’est là que le projet de différenciation et de décomposition construit ses fondements, en jouant sur différents niveaux et en cherchant à opposer entre elles les diverses couches du prolétariat métropolitain, et en divisant en leur sein les prolétaires entre eux, en les opposant les uns aux autres.

    La condition fondamentale pour y parvenir est la destruction de l’alternative collective, tant dans le sens matériel (détruire et anéantir physiquement les organisations de masse révolutionnaires en construction et les mouvements de masse révolutionnaires) qu’au niveau de la conscience même des prolétaires (en anéantissant la « mémoire » de la nécessité / possibilité de s’organiser collectivement pour la transition au communisme).

    En limitant de fait la contradiction à la sphère de la production et en la concentrant dans l’usine, l’objectif politique de notre intervention était la recomposition de la classe ouvrière et non la recomposition du prolétariat métropolitain.

    Nous percevions au contraire cette dernière comme un système d’alliance sous l’hégémonie de la classe ouvrière et de son parti.

    Dans ce cadre, la polémique sur le « peuple » (catégorie que nous avons utilisée dans toute notre production écrite et en particulier dans l’auto-interview) ne naissait pas dune simple équivoque sur les mots, mais cachait une grosse confusion de notre part.

    Les camarades des Brigades du camp de Palmi observaient justement :

    « Le centre qui manque dans cette contribution [notre auto-interview] est la reconnaissance du caractère historique général de la crise du mode de production capitaliste, comme processus irréversible et générateur tant de la réduction-restructuration de la base productive et des modifications de la composition de classe que de la crise sociale. »

    C’est justement le caractère irréversible de la crise qui détermine une décomposition de la classe ouvrière : les figures sociales « ouvrières » se réduisent, tandis qu’augmentent les figures « marginales » et « extralégales ».

    Il ne s’agit naturellement pas d’un processus automatique : par exemple, l’ouvrier licencié ne devient pas immédiatement et nécessairement un prolétaire extralégal.

    Cependant, la tendance globale à une augmentation proportionnelle des figures marginales et extralégales par rapport à la classe ouvrière, en stricte relation avec la même décomposition (restructuration productive et réduction de la base productive), est indiscutable.

    Il ne s’agit pas là d’un processus transitoire, mais bien d’un processus irréversible : c’est-à-dire qu’il est appelé à s’accentuer toujours plus avec l’approfondissement de la crise, en accentuant toujours plus la mobilité et l’interchangeabilité des diverses figures sociales du prolétariat métropolitain.

    De ce fait, les vieilles catégories de « classe ouvrière », « sous-prolétariat », « semi-prolétariat », etc.. ne tiennent plus. Aujourd’hui la domination réelle totale du mode de production capitaliste a définitivement prolétarisé toutes ces couches.

    Nous n’avons donc affaire qu’à une seule classe : le prolétariat métropolitain.

    En effet, les camarades de Palmi poursuivent :

    « C’est le caractère irréversible, général de la crise qui fonde l’intérêt irréversible et prolétaire de toutes les figures du prolétariat métropolitain: renverser l’actuel mode de production capitaliste.

    Ce qui n’ôte pas qu’à l’intérieur du prolétariat métropolitain, le travail productif conserve objectivement sa position centrale et que c’est donc au travailleur productif qu’incombe une centralité politique et de direction révolutionnaire dans le processus de recomposition de classe.

    Il s’ensuit que les autres figures prolétaires (marginales, improductives, etc.), en tant que fragments de la décomposition de la classe ouvrière dans le devenir de la crise, ne se situent pas en fait comme ses alliés extérieurs mais bien comme stratification interne d’une classe unique : le prolétariat métropolitain. »

    Et plus loin :

    « C’est justement ceci que nous nions aujourd’hui (que la classe ouvrière et les autres couches de classe aient des intérêts de classe différents) lorsque nous affirmons que le prolétariat métropolitain est une unité des multiples à ominante ouvrière, lorsque nous affirmons donc que celui-ci comprend tous les ouvriers prolétarisés et en voie de prolétarisation et que, de ce fait, il constitue l’immense majorité de la population de notre pays.

    En conclusion, la recomposition du prolétariat métropolitain autour de la figure de l’ouvrier-masse métropolitain ne peut avoir lieu sans que les diverses couches qui le composent se nient et dépassent leurs particularités.

    De même, la classe ouvrière ne peut être la direction de cette recomposition qu’en se niant comme force de travail qui valorise le capital. »

    Reconnaître aujourd’hui que ces critiques sont fondées ne signifie pas accomplir un acte formel, mais jeter les bases pour dépasser nos limites d’analyse.

    Il s’agit en effet d’un saut non seulement essentiel sur le plan stratégique, mais aussi urgent.

    Ces limites d’analyse nous ont menés, dans le passé, à reprendre de manière acritique des positions erronées (comme, par exemple, la théorie révisionniste des forces productives, sur laquelle nous reviendrons de manière plus approfondie par la suite) et ont négativement influencé toute notre pratique sociale (par exemple, les programmes politiques immédiats).

    Il est aujourd’hui nécessaire de rompre définitivement avec nos limites passées et surtout avec le particularisme.

    C’est seulement en mettant au centre de notre activité la recomposition politique du prolétariat métropolitain en tant que classe qu’il est possible de comprendre la dialectique correcte entre programme politique général de conjoncture et programmes politiques immédiats, entre Parti et masses, et entre Parti, mouvements de masse révolutionnaires et organisations de masse révolutionnaires.

    Il existe en effet un rapport dialectique entre théorie et praxis : l’une influence l’autre, et vice-versa.

    Nos limites pratiques ont négativement influencé notre analyse, en l’enfermant dans le particularisme et en laissant place à des productions néo-révisionnistes.

    À leur tour, celles-ci, en se consolidant comme lignes politiques erronées, ont empêché notre pratique sociale de faire le saut politique que la conjoncture exigeait.

    De ce fait, il s’agit de redéfinir à tous les niveaux notre théorie-praxis, d’aller au nœud des problèmes et, de là, de revoir toute notre expérience jusque dans les moindres détails, en la reliant aux fils conducteurs principaux. C’est de là seulement que peut partir une relance de notre pratique sociale à un niveau plus élevé.

    Parti et programmes.

    Nos limites d’analyse et, en particulier, l’interprétation schématique que nous faisions de la centralité ouvrière et l’incompréhension de la nature de classe du prolétariat métropolitain nous ont menés à une vision réductive du saut au Parti.

    C’est-à-dire que l’on ne comprenait pas que la construction du Parti et la recomposition politique du prolétariat métropolitain vivent un strict rapport dialectique : l’un n’existe pas sans l’autre, et vice-versa.

    C’est seulement de cette thèse fondamentale que peut découler la construction de la ligne de masse du Parti, et donc un cadrage correct du programme politique général de conjoncture et des programmes politiques immédiats.

    En effet, l’agir en Parti se fonde précisément sur la capacité de relier le général au particulier dans le cadre de la dialectique destruction / construction qui caractérise la contradiction entre bourgeoisie impérialiste et prolétariat métropolitain.

    Agir en Parti signifie faire vivre l’attaque au cœur de l’État, c’est-à-dire l’attaque au cœur du projet de conjoncture de la bourgeoisie impérialiste, dans toutes les déterminations du pouvoir rouge en construction ; lancer contre les nœuds centraux du projet de la bourgeoisie impérialiste toute la force concentrée du Parti, des organisations de masse révolutionnaires et des mouvements de masse révolutionnaires.

    Dans le cours de ce processus, destruction et construction vivent un rapport qui ne permet pas de séparations : détruire et désarticuler le projet de la bourgeoisie impérialiste est la condition indispensable pour construire le système de pouvoir rouge ; construire le système de pouvoir rouge est la condition indispensable pour désarticuler le projet ennemi.

    Dans le cadre de la tendance à la guerre sociale totale, deux systèmes de pouvoir se confrontent : celui du système impérialiste des multinationales a pour objectif le maintien par la force des rapports de production et des rapports sociaux capitalistes, celui du pouvoir rouge a pour objectif le renversement de ces rapports sociaux et la révolution sociale totale dans la métropole.

    La crise historique, époquale, du mode de production capitaliste sert de fond à cette confrontation et sanctionne par la force des faits et des données économiques l’inimitié absolue entre prolétariat métropolitain et bourgeoisie impérialiste.

    La survie de la bourgeoisie impérialiste comme classe dominante passe à travers l’anéantissement, la stratification et la différenciation du prolétariat métropolitain et, en particulier, passe à travers l’anéantissement de son système de pouvoir : le système de pouvoir rouge.

    D’autre part, l’affirmation du système de pouvoir rouge passe à travers l’anéantissement du projet de la bourgeoisie impérialiste et la recomposition politique du prolétariat métropolitain. Entre ces deux systèmes de pouvoir, comme entre les intérêts de classe dont ils sont l’expression, il ne peut aujourd’hui y avoir d’autre rapport que la guerre.

    La centralisation et l’exécutivisation sont l’exemple. central du projet de refondation du système impérialiste des multinationales par la guerre civile déployée.

    Dans le même temps, le projet de la bourgeoisie impérialiste se propose de décomposer et différencier le prolétariat métropolitain.

    Recomposer et centraliser le front bourgeois d’une part, décomposer et différencier le prolétariat métropolitain d’autre part : c’est là l’aspect dynamique du projet impérialiste dans cette conjoncture.

    Et c’est là le niveau d’affrontement que le projet ennemi impose au prolétariat métropolitain et à son avant-garde révolutionnaire.

    Le saut au Parti et la construction du système de pouvoir rouge constituent la riposte possible et nécessaire du prolétariat métropolitain à ce projet.

    Le projet de la bourgeoisie impérialiste part du général pour s’articuler dans le particulier : dans le particulier vit le général.

    C’est-à-dire que la globalité du projet ennemi vit dans chacune de ses articulations particulières et périphériques.

    De la même manière, le projet du prolétariat métropolitain, la construction du système de pouvoir rouge, doit, en partant du particulier, arriver au général, en déclenchant une offensive globale contre le projet ennemi et en construisant contemporainement une alternative globale à celui-ci, sur tous les terrains.

    Ainsi, le saut au Parti fait justice de tout localisme ou particularisme et impose de faire vivre le général même lorsque l’on opère dans le particulier.

    Si le projet de conjoncture de la bourgeoisie impérialiste se base sur la décomposition et différenciation du prolétariat métropolitain, le programme du Parti se base sur la recomposition politique du prolétariat métropolitain contre le projet ennemi.

    L’aspect stratégique qui est au centre du saut au Parti est donc la recomposition du prolétariat métropolitain : c’est précisément cet aspect qui doit vivre aussi dans le particulier, qui doit traverser toutes les déterminations du système de pouvoir rouge, du Parti aux organisations de masse révolutionnaires, aux mouvements de masse révolutionnaires.

    Tout ceci doit trouver son moment de synthèse au niveau le plus élevé possible dans le programme politique général de conjoncture : coexistent donc dans le programme politique général de conjoncture tant le plus haut niveau de désarticulation / destruction du projet ennemi que le plus haut niveau de recomposition du prolétariat métropolitain, et donc de construction du système de pouvoir rouge, possibles dans cette conjoncture.

    En ce sens, le programme politique général de conjoncture doit recomposer les différentes couches du prolétariat métropolitain dans l’attaque conjointe au cœur de l’État.

    Les programmes politiques immédiats représentent au contraire l’articulation du programme politique général de conjoncture dans les différentes couches de classe du prolétariat métropolitain : ils doivent recomposer chaque couche de classe particulière sur des besoins qui se relient à l’aspect stratégique do la recomposition du prolétariat métropolitain et de l’attaque au cœur de l’État.

    C’est justement cela que signifie faire vivre le général dans le particulier : fonder les programmes politiques immédiats sur les besoins des masses qui contiennent en eux l’aspect stratégique qui domine la conjoncture.

    C’est seulement à partir de là qu’il est possible do comprendre la dialectique qui lie entre elles les lignes directrices sur lesquelles se construit le saut au Parti, et, en même temps, se concrétise le système de pouvoir rouge : organiser les avant-gardes communistes combattantes dans le Parti, activiser les mouvements de masse révolutionnaires, organiser les avant-gardes de lutte dans les organisations de masse révolutionnaires.

    Dans nos campagnes sur les usines et les services, même en analysant jusqu’au bout la restructuration des moyens de production jusque dans ses moindres détails, et même en saisissant les intérêts les plus urgents et les plus ressentis par les masses, nous ne réussissions pas à déterminer l’aspect stratégique de ces besoins.

    De cette manière, nous ne réussissions pas à cadrer dans une dimension stratégique ni les mouvements de masse révolutionnaires dont nous suscitions la mobilisation, ni les organisations de masse révolutionnaires en construction, en les renvoyant ainsi à leur particulier.

    Tant à Sesto qu’à l’Alfa, nous avons mis en avant un programme politique immédiat largement partagé et pratiqué par la classe ouvrière puisqu’il synthétisait par des mots d’ordre clairs les besoins de cette couche de classe : «Aucun licenciement ne doit passer, même déguisé», « Toutes les conditions nocives doivent être supprimées », «Aucun accroissement de l’exploitation ne doit passer».

    Le problème n’est pas tant dans les mots d’ordre lancés que dans les contenus qui les font vivre, que dans la manière dont ces programmes politiques immédiats sont reliés au général.

    En effet, lorsque l’on dit : « Aucun licenciement ne doit passer », on n’avance pas une simple revendication : il ne s’agit pas simplement de maintenir le poste de travail ni de travailler tous et travailler moins dans l’immédiat, mais de comprendre que la décomposition de la classe ouvrière vit comme aspect stratégique dans tous les aspects de la restructuration productive.

    D’une part comme rétrécissement de la base productive (expulsion de la force de travail de l’usine) et donc comme réduction de la figure ouvrière dans le cadre de la décomposition plus générale de tout le prolétariat métropolitain.

    D’autre part comme décomposition et différenciation au sein de la classe ouvrière, qui passe par l’expulsion des avant-gardes de lutte, par la mobilité, par les figures professionnalisées, etc.

    C’est seulement en mettant cet aspect stratégique au centre des programmes politiques immédiats de la classe ouvrière que l’on peut relier aux programmes politiques immédiats des autres couches du prolétariat métropolitain, et donc au programme politique général de conjoncture.

    Le retrait de la cassa integrazione à l’Alfa. comme articulation pratique du mot d’ordre « Aucun licenciement ne doit passer » contenait cet aspect stratégique.

    C’était sur ce point stratégique du programme politique immédiat que notre intervention dans les usines devait canaliser tout ce qui s’était exprimé dans la Campagne Usines : les organisations de masse révolutionnaires en construction, les mouvements de masse révolutionnaires qu’elle avait activés.

    En saisissant cet aspect stratégique, le programme politique immédiat effectue dans le même moment la désarticulation du projet ennemi et la recomposition de la classe ouvrière.

    C’est dans le rapport construction / destruction qu’il est possible de concrétiser la recomposition de la classe ouvrière en son propre sein et dans le prolétariat métropolitain.

    Recomposer la classe ouvrière ne signifie pas seulement empêcher les licenciements ou s’opposer aux effets matériels de la restructuration, mais surtout la réunifier dans la lutte offensive, jusqu’au bout, contre tous les aspects de la restructuration qui contiennent en eux la décomposition et la différenciation.

    Décomposition et différenciation n’opèrent pas seulement au niveau matériel mais, au contraire, ont un objectif beaucoup plus ambitieux : transformer l’ouvrier en « homme du capital », pur appendice, sans vie et sans histoire, de la machine. Et cela n’est possible qu’en anéantissant la mémoire historique collective de la classe ouvrière.

    La mobilité, l’augmentation de l’exploitation et de la nocivité ne peuvent s’installer que si, dans la conscience de la classe ouvrière, le je bourgeois réussit à prévaloir sur le nous prolétaire.

    Accepter de monayer la nocivité, les licenciements avec primes à la clé, etc., alors qu’ils sont la base même de la différenciation, la flèche empoisonnée de la bourgeoisie impérialiste qui vise la conscience de chaque ouvrier individuel en cherchant à le séparer de et à l’opposer à ses propres camarades de lutte et de travail.

    Par conséquent, la lutte contre la mobilité, contre l’augmentation des rythmes et des charges de travail, la lutte pour les pauses contiennent en elles l’aspect stratégique de reconquérir la socialité dans l’usine, de reconquérir une collectivité de classe.

    L’intervention du Parti doit reprendre ces moments particuliers de lutte de la classe ouvrière, en les mettant au centre du programme politique immédiat.

    Par exemple, nous devons assumer aux luttes des cassa integrati de l’Alfa le caractère d’une lutte offensive contre l’une des articulations du projet de la bourgeoisie impérialiste de décomposition différenciation et anéantissement.

    En comprenant ces aspects stratégiques de sa lutte quotidienne, la classe ouvrière se trouve, en partant de la pratique particulière de son secteur, face à la globalité de l’ensemble du rapport qui existe entre prolétariat métropolitain et bourgeoisie impérialiste dans cette conjoncture : un rapport d’anéantissement, un rapport de guerre.

    C’est sur ce terrain qu’il est possible d’organiser les masses dans la lutte armée pour pratiquer la transition au communisme, qu’il est possible de lier la lutte particulière dans les usines et le programme politique immédiat de la classe ouvrière à ceux des autres couches du prolétariat métropolitain.

    C’est dans cette compréhension que la classe ouvrière se nie comme classe à part, en se coagulant dans le prolétariat métropolitain.

    Par exemple, en mettant au centre l’aspect de la différenciation / décomposition / anéantissement, le programme politique immédiat de la classe ouvrière rend compréhensible aux ouvriers les mêmes aspects stratégiques qui animent les programmes politiques immédiats des autres couches du prolétariat métropolitain (ex. : les luttes et les programmes politiques immédiats des prolétaires prisonniers contre la désolidarisation / anéantissoment…, pratiquer la libération comme stratégie de recomposition des prolétaires prisonniers dans le prolétariat métropolitain).

    De plus, c’est en mettant cet aspect au centre du programme politique immédiat de la classe ouvrière que l’on se noue directement à l’ensemble de la contradiction entre prolétariat métropolitain et bourgeoisie impérialiste, non plus seulement entre classe ouvrière et capitalistes (patronat), que l’on fait vivre le programme politique général de conjoncture dans le particulier, en recomposant la classe ouvrière dans le prolétariat métropolitain pour la transition au communisme.

    « Cette conjoncture de transition dépend. en effet, tant de l’évolution structurelle de la crise capitaliste / impérialiste que de la capacité subjective du prolétariat métropolitain à se constituer en Parti combattant et à condenser son antagonisme en un système de pouvoir rouge, autonome, articulé et diffusé dans tous les secteurs de classe et dans tous les pôles.

    Le problème central de la conjoncture actuelle est la conquête des masses à la lutte armée, et cela pose avant tout la question des organisations de masse révolutionnaires. »

    C’est ainsi que les camarades des Brigades Rouges, dans L’Ape et il Comunista, indiquaient l’anneau manquant pour la construction du système de pouvoir rouge : les organisations de masse révolutionnaires.

    Le système de pouvoir rouge ne se définit qu’en faisant vivre et croître dialectiquement toutes ses articulations, Parti / mouvements de masse révolutionnaires / organisations de masse révolutionnaires.

    Les organisations de masse révolutionnaires, comme articulations du système de pouvoir rouge, se construisent avec les éléments les plus avancés et les plus combatifs du prolétariat, dans tous les secteurs de classe où le Parti a fait vivre le programme politique général de conjoncture en des programmes politiques immédiats de combat, où son intervention a saisi et frappé l’aspect stratégique du projet ennemi dans tel secteur, en s’adressant aux luttes et en les guidant, en amenant le prolétariat métropolitain à s’organiser consciemment sur le terrain de la lutte armée.

    Les organisations de masse révolutionnaires ne sont et ne peuvent être le fait des cadres du parti, qui sont, eux, organisés à l’intérieur du Parti en brigades, fronts et direction.

    Les organisations de masse révolutionnaires sont une organisation du prolétariat métropolitain à laquelle le Parti donne des indications de combat et dans laquelle il vérifie et détermine sa ligne de masse.

    « Même le Parti et la classe sont une contradiction, une unité des contraires, deux faces d’un même procès. Ils ne peuvent être séparés, ils ne peuvent se résoudre l’un dans l’autre. » (L’Ape e il Comunista.)

    Donc, renforcer les brigades d’une part, construire les organisations de masse révolutionnaires de l’autre sont des tâches actuelles et urgentes !

    Ce sont des tâches dont nous n’avons pas su nous acquitter jusqu’ici et le fait de ne pas les avoir exécutées a impliqué de graves retards et de lourdes défaites de la guérilla.

    Nous répondons aux camarades de Palmi qui ont écrit le document Ce n’est que le début que nos défaites ne sont pas dues aux dispositions politico-militaires que nous nous sommes données, que nous tendions à nous donner en perspective, à savoir le Parti, mais bien à la ligne de masse erronée qui a été développée cette année et qui a empêché la construction des organisations de masse révolutionnaires.

    C’est là que se trouve le nœud fondamental avec lequel toutes les forces révolutionnaires qui ont travaillé dialectiquement ensemble pour le saut au Parti doivent régler les comptes, et surtout :

    1) Le fait d’avoir saisi exactement le projet global de la bourgeoisie impérialiste dans cette phase de dominaion réelle totale du Capital, phase objective de guerre sociale totale, mais de n’avoir pas su saisir l’aspect polyédrique et multiforme de ce projet dans divers secteurs de classe, de n’avoir pas fait vivre le programme politique général de conjoncture dans toutes les couches de classe, en faisant vivre le général dans le particulier et vice-versa, pour recomposer les figures sociales bigarrées du prolétariat métropolitain, mot d’ordre qui caractérise la conjoncture actuelle.

    2) Le fait d’avoir compris l’état objectif de guerre qui existe dans cette phase (« Comment est-il possible de soutenir qu’il n’existe pas un état objectif de guerre dans les métropoles où les ouvriers sont mis en cassa integrazione, où il y a des expulsions, des affrontements avec le syndicat, des milliers de drogués, des vols à main armée avec des fusillades dignes du Far West, des désastres écologiques, etc. », Fraction communautaire, Trani) a cependant mené certaines forces révolutionnaires (en particulier le Parti-guérilla) à croire le prolétariat conscient et organisé pour soutenir maintenant, tout de suite, la guerre civile déployée.

    « Nous soutenons avec force que, si divers secteurs du prolétariat métropolitain sont impliqués dans cette guerre et ont recours à la violence et même aux armes, les analyses triomphalistes ou les thèses extrémistes, comme celles qui affirment que la classe est à l’offensive et à l’attaque, n’on sont pas pour autant justifiables.

    En réalité, pour soutenir une telle thèse, il faudrait démontrer l’existence dans cette guerre d’une autodétermination prolétarienne riche et forte, tant dans les comportements, les contenus, les objectifs, que dans le système de relations et dans les formes d’organisation. Nous nous limitions donc à constater la présence de potentialités considérables dans quelques luttes, qui ne nous permettent cependant pas de définir le degré d’autonomie que l’on peut rencontrer comme riche et fort dans l’ensemble de l’antagonisme. » (Fraction communautaire, Trani.)

    Le passage d’un état objectif de guerre à un état de guerre civile déployée, état subjectif de guerre révolutionnaire pour la transition au communisme, n’est pas automatiquement donné, mais ne peut l’être qu’à travers le dépassement de nœuds stratégiques de la conjoncture actuelle, dans la dialectique destruction / construction qui voit d’une part l’élargissement de la pratique sociale antagoniste qui frappe et désarticule les centres vitaux du système impérialiste des multinationales et, de l’autre, le saut au Parti, le développement du système de pouvoir rouge dans ses articulations Parti / mouvements de masse révolutionnaires / organisations de masse révolutionnaires.

    Et donc une pratique sociale qui sache interagir dans ces deux moments fondamentaux et qui trace dans son agir les fils qui recomposent les figures du prolétariat métropolitain.

    Les descentes rapides et les remontées…

    Pour une critique qui enterre définitivement le subjectivisme et le militarisme.

    Brèves allusions de débat sur ce qui est arrivé, pourquoi c’est arrivé, pour que ça n’arrive plus.

    1) L’action de Turin. Ses présupposés.

    Comme nous le soulignions ci-dessus, l’état objectif de guerre qui se répand sur notre territoire, dans ses centres moteurs, les métropoles, ne s’est pas jusqu’ici caractérisé par une attaque offensive de classe autonome et organisée.

    Cela signifie que nous ne sommes pas encore dans la phase de la guerre civile déployée, même si l’accélération de la crise du mode de production capitaliste nous met sous les yeux que ce moment approche toujours plus.

    Dans la construction du Parti, dans le developpement du système de pouvoir rouge, notre tâche est de déterminer les rythmes de la guerre.

    Mais déterminer les rythmes de la guerre signifie dépasser cette phase, c’est-à-dire atteindre les objectifs suivants : construction du Parti, construction des organisations de masse révolutionnaires dans tous les secteurs de classe, recomposition du prolétariat métropolitain.

    Notre pratique sociale doit donc se développer en suivant ces voies.

    L’action de Turin, au contraire, a non seulement sauté ipso facto les lignes directrices de combat de la phase, mais a démontré jusq’au bout sa matrice subjectiviste et militariste.

    Mais, pour comprendre Turin, il faut, selon nous, revenir en arrière, à l’action de Salerno.

    Avec l’action de Salerno, le Parti-guérilla lance le mot d’ordre de porter l’attaque déployée aux forces armées, mot d’ordre qui se comprend à partir de l’analyse de la phase de guerre civile déployée que les camarades du Parti-guérilla théorisent.

    Si nous sommes complètement d’accord avec la dimension de réappropriation d’armes stratégiques de cette action, nous sommes en complet désaccord avec l’analyse et les mots d’ordre qui la sous-tendent parce que :

    — c’est aujourd’hui de l’aventurisme, dans une phase de transition à la guerre, mais pas encore de guerre civile, que de frapper systématiquement tous les hommes des forces armées (il faut distinguer l’officier de carrière du soldat appelé !) ;

    — une analyse superficielle de ce secteur nous dessine déjà les contradictions qui y règnent : entre les sommets et les militaires, entre les différents corps qui le composent, entre les militaires de carrière et les appelés.

    Nous croyons au contraire que notre tâche dans cette phase est de lancer le mot d’ordre de construction des organisations de masse révolutionnaires dans les forces armées, dans les corps, dans les casernes métropolitaines où les jeunes prolétaires vivent les plus hauts niveaux de ghettisation, d’exploitation, d’asservissement social, politique et culturel au Pouvoir.

    Mais, avec l’action de Salerno, les contradictions au sein du Parti-guérilla s’ouvrent, contradictions qui loin de se recomposer dans la critique-autocritique d’une pratique sociale erronée, se déversent dans l’action de Turin et dans la provocation contre la camarade Natalia Ligas.

    À Turin, siège de la multinationale Fiat, centre des stratégies patronales anti-ouvrières, où la classe ouvrière est le secteur de classe le plus représentatif et mène une bataille encore ouverte contre la restructuration impérialiste, le Parti-guérilla ouvre la campagne d’automne par une expropriation prolétarienne qui culmine dans le procès et la condamnation à mort de deux gardiens.

    Nous avons tous les éléments politiques pour qualifier cette action de provocation au sein du mouvement révolutionnaire :

    A. Le Parti-guérilla prétend par cette action s’adresser aux prolétaires extra-légaux.

    Mais, toute pratique sociale antagoniste dans la métropole aujourd’hui doit s’adresser à toutes les couches de classe, même si elle détermine le programme politique immédiat d’une seule couche.

    Par exemple, la pratique de la libération comme programme politique immédiat des prolétaires prisonniers se lie à toutes les couches de classe, puisqu’en elle vit la libération du mode de production capitaliste qui implique et enchaîne tout le prolétariat métropolitain.

    B. L’expropriation prolétarienne est une action politico-militaire qui a la même dignité que les autres actions.

    Mieux, elle en est le présupposé.

    Elle est le juste programme de financement que la guérilla doit pratiquer pour se doter des instruments nécessaires à la reprise de l’offensive.

    Le capital défend se richesse de mille manières (dispositifs, gardiens, etc.), et c’est à l’intelligence prolétarienne de savoir désamorcer les systèmes d’alarme et désarmer les gardiens, défenseurs du capital, mais qui ne sont pas spécifiquement enrôlés dans une fonction anti-prolétarienne et anti-guérilla.

    Dans cette phase, il est nécessaire d’être encore sélectifs, d’être capables de repérer et distinguer, en saisissant toujours l’objectif politique que l’on veut atteindre. La condamnation à mort de deux gardiens qui sont désarmés et qui se sont rendus n’est pas aujourd’hui un objectif stratégique !

    Cette action, au lieu d’éclairer dans le mouvement révolutionnaire les tâches de la phase, la signification de l’expropriation et le rôle du système bancaire, n’a apporté que désorientation, confusion et désolidarisation.

    C’est objectivement une provocation contre-révolutionnaire !

    2. De février à aujourd’hui. Colonne Walter Alasia, si tu es là, frappe un coup !

    En février 1982, la Colonne W.A. a subi une dure attaque de la contre-guérilla, qui a mené à l’arrestation de dizaines de militants, surtout dans le Front de Masse, et qui a fait « sauter » l’opération d’assaut à la prison impérialiste de San Vittore 1, qui « aurait dû déployer force et pouvoir social, exercés dans un rapport correct Parti / mouvements de masse révolutionnaires, pour atteindre l’objectif fondamental du programme révolutionnaire : la libération des prolétaires prisonniers » (document de revendication, Lissone, juillet 1982).

    Le principal artisan de cette attaque de la bourgeoisie impérialiste est un dirigeant de notre Organisation : l’infâme Galli.

    Nous renvoyons à ailleurs l’analyse approfondie du phénomène des infâmes, en soulignant toutefois que les repentis sont aussi, mais non pas seulement, non pas principalement, la cause des défaites subies par la guérilla au cours des dernières années.

    C’est aussi ce que disent les camarades de Palmi dans Ce n’est que le début.

    Quoiqu’il en soit, pour la Colonne W.A., c’est un dur coup politique, peut être aussi parce qu’il s’agit du premier repenti de notre histoire (mais « que celui qui n’a jamais pêché nous jette la première pierre », écrivaient les camarades de la Brigade Prisons en juin 1982).

    Tout de suite après février, la Colonne expulse de l’organisation quelques « camarades », coupables non de divergences politiques, mais bien de graves incorrections politiques internes qui avaient mis en cause l’opération San Vittore, avant même l’infâmité de Galli.

    Nous rappelons qu’il y avait parmi ces individus l’infâme Marocco, qui a produit tant de catastrophes à l’intérieur du Parti-guérilla (et malheureusement chez nous aussi !).

    À partir de février, un débat stérile et statique se déroule dans la Colonne qui, loin d’affronter constructivement la reprise du travail dans les Brigades et dans les fronts et la reprise de la pratique sociale sur le territoire métropolitain, dans tous les secteurs du prolétariat métropolitain, en dialectique avec les autres forces révolutionnaires, se fossilise sur les aspects de méthode de travail et sur la demande de la part de certains camarades d’entrer, « ici et maintenant », dans le Parti-guérilla, abandonnant complètement le patrimoine historico-politique porté jusque-là par la Colonne Walter Alasia et les divergences d’analyse politique avec le Parti-guérilla, divergences qui, de toutes manières, ne reniaient pas un rapport dialectique constant avec celui-ci.

    Malheureusement, cette situation stagnante ne se débloque qu’en juin, avec la formation d’une nouvelle Direction de Colonne.

    L’action de Lissone ouvre, en juillet 1982 2, la campagne de financement de la Colonne et, « même si l’objectif de financement n’a pas été atteint, la guérilla a été en mesure d’affronter victorieusement la situation, à travers la capacité collective de s’organiser sur le terrain de la guerre sociale, en déployant tout le patrimoine d’expérience révolutionnaire acquis au cours de ces années » (tract de revendication, Lissone).

    Suit la chute de trois de nos camarades après une fusillade avec les sbires, et la mort de l’un d’entre eux, le camarade Rico.

    La reprise du débat et du travail des Brigades, sous la nouvelle Direction de Colonne, provoque une importante croissance politique de toute l’organisation, sous la poussée du dépassement du néo-révisionnisme et de la tendance à une pratique sociale en dialectique avec le saut au Parti, dans la recomposition du prolétariat métropolitain.

    C’était là la tendance qui animait toute la Colonne à l’ouverture de la Campagne d’Automne, lorsque la contre-guérilla, encore une fois par le biais d’un infâme (Marocco), inflige une nouvelle très dure attaque aux forces révolutionnaires.

    Pour nous, cette attaque se concrétise par la chute de la base de Cinisello et des camarades de la Direction de Colonne et par la mort du camarade Bruno.

    Face à ces graves faits, notre critique-autocritique ne peut pas être seulement « technique » et ne peut se résumer au fait d’avoir continué à utiliser une base connue de l’exclu et aujourd’hui infâme Marocco.

    Il est au contraire nécessaire de faire une critique politique, dure, serrée, de la praxis politico-organisationnelle de la Colonne : la tendance acquise vers le saut au Parti et à une pratique sociale qui y corresponde, n’a pas réglé ses comptes avec la situation Iogistico-organisationnelle de la Colonne, assez précaire, assez faible, provoquant une incroyable inadéquation entre la « volonté de faire » des camarades et la « possibilité réelle » de faire dans cette situation.

    On a aussi privilégié le politique sur le logistico-militaire, alors qu’une Organisation communiste combattante clandestine doit savoir équilibrer tous les aspects politico-militaires-organisationnels de sa vie, non pour survivre, mais pour croître, se renforcer, contribuer effectivement au saut au Parti.

    L’ingénuité et la « jeunesse » de la Colonne ont ensuite donné la possibilité à la contre-guérilla, au moyen de se force centrale que sont les Carabiniers, d’arrêter trois autres de nos militants au milieu de la rue.

    Mais les défaites militaires ne nous abattent pas outre mesure. Elles nous font plutôt réfléchir sérieusement sur la nécessité de comportements clandestins adaptés à la militarisation croissante dans la métropole : c’est l’intelligence communiste qui doit semer l’ennemi et encercler les encercleurs.

    La métropole est le centre de la guerre sociale que les prolétaires, guidés par le Parti, développent quotidiennement, à travers mille comportements antagonistes, au long des mille lignes directrices de combat, en mille feux de guérilla.

    C’est dans la métropole que se déchaîne la guerre sociale antagoniste : c’est là que nous sommes, présents, en reprenant l’offensive, de l’usine à la prison et au territoire, où des millions de prolétaires luttent pour la LIBÉRATION.

    CONSTRUIRE LE PARTI COMMUNISTE COMBATTANT !

    CONSTRUIRE LES ORGANISATIONS DE MASSE RÉVOLUTIONNAIRES !

    ACTIVER LES MOUVEMENTS DE MASSE RÉVOLUTIONNAIRES !

    DÉVELOPPER LE SYSTÈME DE POUVOIR ROUGE !

    HONNEUR AUX CAMARADES TOMBÉS EN COMBATTANT POUR LE COMMUNISME !


    Pour le Communisme

    >Sommaire du dossier

  • Noyaux Armés Prolétaires: Déclaration au procès de Florence (1976)


    Noyaux Armés Prolétaires
    Nuclea Carcere (noyau prison)
    Pasquale Abatangelo

    Déclaration au procès de Florence (12 mars 1976)

    Dans cette société composée d’exploités et d’exploiteurs, nous nous sommes rangés avec notre classe en mettant dans la lutte toutes nos capacités de militants communistes.

    En tant que classe opprimée, nous considérons l’expropriation de la bourgeoisie comme une étape obligatoire dans la construction du pouvoir prolétarien.

    Les expropriations, qui pour le moment sont sporadiques et liées à l’exigence de notre croissance, ne sont qu’une avance de l’expropriation totale que la révolution communiste réalisera dans les confrontations avec les patrons.

    Le 29 Octobre 1974 pendant une expropriation place Alberti, les camarades Roméo et Luca Mantini sont tombés sous les balles des chiens de garde de la bourgeoisie.

    Leur mort a suscité une prise de conscience et une détermination à aller jusqu’au bout dans les avant-gardes prolétariennes.

    Les N.A.P. sont aujourd’hui une réalité avec laquelle les patrons et leurs esclaves devront compter ; Roméo et Luca Mantini revivent dans nos luttes et les actions les plus importantes sont signées « 29 Octobre » en leur honneur.

    L’assassinat de sang-froid d’Anna-Maria Mantini (fondatrice du Noyau Armé 29 Octobre) nous a aussi définitivement convaincus de l’importance de rendre la monnaie aux tueurs à gages et à leurs représentants.

    Di Gennaro, Vernich, Margarite, Tuzzolino, Dell’Anno et les attaques armées des repaires des carabiniers, sont seulement le point de départ vers l’objectif qui est d’anéantir les forces réactionnaires.

    Nous nous sommes unis dans cette perspective avec les camarades des B.R. et tous les révolutionnaires et les communistes dignes de ce nom.

    Les fruits de cette union seront très amers pour ceux qui sont habitués depuis 30 ans à raisonner en termes de votes en conservant intact le pouvoir délégué par les impérialistes.

    En tant que révolutionnaires, le jugement des bourgeois ou celui de leurs laquais ne nous intéresse pas ; nous voulons créer une société alternative à celle-ci et nous utilisons tous les moyens que nous suggèrent les circonstances.

    Votre « justice » se conduit comme une vendetta vis-à-vis des camarades et comme une récompense vis-à-vis des esclaves, c’est pourquoi elle ne nous intéresse pas, et même, c’est seulement la méthode pour la désorganiser et la démasquer aux yeux du peuple qui nous intéresse.

    Les assassins de Serantini, Zibecchi, Boschi, Bruno et tant d’autres prolétaires sont connus de tous, comme il est connu que vous leur donnez votre absolution et que vous continuez à le faire par le simple fait que ces « killer » (Ndt : tueurs) sont au service de la classe dominante comme vous. Même en prison, il n’arrive jamais de voir un bourgeois ou un « boss » mafioso attaché au lit de contention ou en cellule punitive.

    Sans parler de ceux qui n’y vont jamais, comme les responsables des scandales politico-financiers continuels, du scandale sur le pétrole au scandale Lockheed.

    Nous assistons depuis longtemps à vos tentatives de criminaliser la lutte des classes, et si cela pouvait être dangereux il y a quelques années, aujourd’hui cela ne fait que vous démasquer chaque jour un peu plus.

    Les prolétaires savent désormais de quel côté sont les vrais bandits, et l’abus de ce terme nous rappelle que les chefaillons fascistes eux aussi traitaient les partisans de « bandits ». Dans ce cas, nous acceptons d’être des « bandits » pour vous et nous ferons tout pour toujours mériter ce terme ».

    La dure condamnation que vous nous donnerez montrera que les calomnies mystificatrices de votre presse ne suffisent plus pour cacher aux masses qu’existé et croît quotidiennement une gauche armée dans notre pays. C’est pourquoi nous accueillerons votre condamnation comme une victoire pour nous !

    Quoi qu’il en soit Messieurs, nous voudrions vous rappeler qu’un jour prochains vous devrez rendre compte de vos actions, non pas à Dieu, mais à la justice prolétarienne. Le prolétariat n’oublie pas.

    RIEN NE RESTERA IMPUNI !

    LA SEULE JUSTICE EST CELLE DU PROLÉTARIAT !

    TOUT LE POUVOIR AU PEUPLE ARMÉ !

    >Sommaire du dossier

  • Brigades Rouges: Lettre ouverte à l’ex brigadiste Alfredo Buonavita (1981)

    Comme tous les retournements, tes deux lettres sont en plus impromptues ; bref, un vrai choc. Ainsi, du moins, dans un premier temps.

    Est-il possible, nous sommes-nous demandé, qu’Alfredo Buonavita, prolétaire, brigadiste depuis presque le premier moment, ait fait un choix aussi scélérat en douce ?

    Est-il possible que celui qui a milité à nos côtés dans les années les plus dures nous ait laissé tombés comme Judas avec un baiser et une embrassade ?

    Est-il possible que le camarade que nous estimions et auquel nous avons confié des responsabilités, quand bien même périphériques, de direction politique de notre militance, se soit conjuré avec les assassins de tant de nos camarades et avec les geôliers de milliers de prolétaires ?

    La chose qui nous déconcerte le plus est le fait que tu n’avais jamais manifesté ta perplexité, tes doutes, tes défiances de manière aussi radicale.

    Pourtant, dans les moeurs de notre Organisation, non seulement la pratique révolutionnaire de qui fait « feu sur le quartier général », naturellement avec raison, est récompensée, mais surtout la critique et la recherche de plus grands niveaux de conscience collective n’est jamais freinée.

    Tu le savais très bien que dans les Brigades Rouges chaque militant est encouragé à ouvrir, lorsqu’il l’estime opportun, un processus de réflexion sur ce qui pose problème.

    Tu le savais, mais tu ne l’as pas fait.

    Toi, Alfredo Buonavita, lorsque tu nous disais, à nous tous, ce qu’il était juste de faire et ce qui ne l’était pas, fraternisant avec Li Lin-fu, tu étais plutôt un homme avec « le miel aux lèvres et l’assassinat au coeur ». Tu projetais de nous livrer en cadeau à l’ennemi de classe, de nous poignarder dans le dos, comme les pires tueurs à gages.

    Tout cela, tu le sais, s’appelle infamie.

    Combien de fois cet horrible mot est-il sorti de ta bouche, un temps autorisé, pour marquer tel ou tel autre mauvais. Aujourd’hui, il est prononcé par mille bouches prolétaires aux côtés de ton prénom. De ton prénom, Alfredo, et non de ton nom, parce que nous savons combien de honte ton comportement coûte même à certains de ta famille.

    Mais ce n’est pas pour répéter une évidence que nous t’écrivons cette lettre.

    Au fond, tu ne mériterais pas le temps que tu nous coûtes. Le fiel qui accompagne tes mots, ainsi que tes retournements personnels, nous pousse à chercher à comprendre, mais rien de plus. Parce que, malgré l’intention, tes piqûres sont beaucoup moins gênantes que celles des moustiques.

    Il nous intéresse plutôt de mettre au clair qu’à travers toi, aujourd’hui c’est l’État qui parle, que tu es l’intermédiaire de Caselli, Pecchioli et Dalla Chiesa : leur voix.

    Et ceci non seulement parce que ta prose la plus récente révèle dans le style une arrogance de caporal qui s’adapte mal aux velléités qu’il manifeste d’user sa plume sur un mode sardonique, ironique et tranchant. Mais surtout parce que ce qu’on peut y retrouver qui soit incontestablement de toi parle la langue d’une classe qui n’est certainement pas la classe prolétaire.

    Tes deux interviews sont des textes intéressants dans lesquels il est possible de retrouver des mythes et idéologies dont tu n’es peut-être même pas entièrement conscient.

    Dans ces textes, tu as indiqué les motivations profondes qui t’ont poussé à collaborer avec les magistrats et les carabiniers, et en faisant ainsi, tu nous as rendu un grand service. En te transformant en ventriloque de la contre-révolution, tu nous as fait comprendre combien de merde s’était, lentement mais inexorablement, déposée en toi durant ces dernières années.

    De la merde, Alfredo, de la merde bourgeoise !

    Justement de cette vieille merde dont parlait Marx quand il disait que la révolution prolétaire n’est pas seulement nécessaire pour abattre la classe dominante, mais aussi pour se libérer de tout ce que cette classe nous a collé d’elle ; de ce qui, en conquérant de l’espace dans notre conscience, programme pour son compte nos comportements.

    Parce que, comme tu devrais le savoir, la conscience d’un prolétaire, dans la métropole impérialiste, n’est pas blanche comme un lys ni rouge et communiste par nature, mais apparaît plutôt comme un champ de bataille, un lieu d’affrontement et de lutte idéologique entre les classes.

    Dans ta conscience, comme dans celle de chacun d’entre nous, l’idéologie officielle de la classe dominante et l’idéologie non officielle du prolétariat métropolitain révolutionnaire s’affrontent sans cesse pour décider quel doit être notre comportement pour chaque rapport social.

    Indubitablement, dans ta conscience, les formes de l’idéologie bourgeoise ont eu le dessus depuis un certain moment.

    Peu à peu, les mythes que la bourgeoisie et les révisionnistes ont édifiés sur les Brigades Rouges ont fait brèche, et tu n’as plus été capable de les affronter lucidement, de les soumettre à une critique froide et révolutionnaire. Jusqu’à ta mémoire a été effacée et reprogrammée, et aujourd’hui tu agis comme un pur vecteur, un fantoche sans âme, selon les desseins de ceux qui ont pris le contrôle de ta conscience en lambeaux.

    Mais quand est-ce que s’est produit le « renversement » des rapports de force, quand quelque chose s’est rompu en toi, réduisant en miettes ta précaire identité ?

    Si l’on s’en tient à tes « lettres de loin », il semblerait qu’à l’origine de tout il y ait un arrogant refus de l’Organisation d’appuyer un de tes projets d’évasion.

    Le prétexte, laisse-nous te dire, est vraiment orgueilleux et misérable. Certainement, l’évasion d’Alfredo Buonavita aurait été une victoire importante, mais le doute ne t’effleure pas que, peut- être, dans cette période aussi difficile, l’Organisation pouvait avoir des difficultés et des problèmes autrement plus importants à affronter ? Sans conter le fait que si ton évasion, de Fossombrone d’abord et de Termini Imerese ensuite, n’est pas arrivée à bon terme, ce n’est sûrement pas dû au fait que l’Organisation ne te prépara « même pas une voiture ».

    Au contraire, ce furent les combines et les embrouillamini que tu combinas qui réduirent en fumée tout le rôti. Cherche à te souvenir, Alfredo, combien les prolétaires de Termini Imerese étaient emmerdés par tes « entreprises ». Et à ne pas oublier que seul le prestige de l’Organisation, que maintenant tu méprises avec si peu de générosité, te sauva de soupçons et, pourquoi pas, aussi de choses pires !

    Ne triche pas, Alfredo, ce n’est pas une question de voiture qui t’aurait été refusée, t’empêchant qui sait quelle évasion.

    Mais surtout, ne t’invente pas une prétendue complicité du « noyau historique » avec les fantaisies qui bousculent tes pensées ravagées par l’obsession d’un perfide complot de l’Organisation externe contre les camarades emprisonnés.

    Ne te rends-tu pas compte que tu te couvres de ridicule avec ces insinuations dignes de la plus pornographique diétrologie [terme italien, péjoratif : recherche des motifs et des faits occultes qui peuvent se cacher derrière un événement, une action, un discours], auxquelles malgré les efforts des révisionnistes, il n’est pas possible de s’accoutumer ?

    Ne te rends-tu pas compte que le prétendu « noyau historique » est un mythe du même niveau de stupidité que cet autre du « grand vieux » qui nous a tant fait rire dans ces dernières années.

    Une Organisation révolutionnaire, Alfredo, n’est pas un ensemble hétéroclite et bizarre de coteries luttant entre elles pour le contrôle de la maison et la gestion du pouvoir.

    Cette image ne convient pas aux Brigades Rouges, mais plutôt à cet État dont tu représentes aujourd’hui l’une des tentacules anti- prolétaires, quand bien même insignifiante.

    La trouvaille de t’accréditer comme porte-parole occulte d’une dissidence plus large qui apparaîtrait dans les rangs des Brigades Rouges dans les prisons, comme intrépide avant-garde de la dissociation, avec une fonction d’« explorateur », pour mettre au point un projet d’abandon de masse de la lutte armée, il faut le reconnaître, est digne du stratège Pecchioli.

    Mais de t’être prêté à une pareille pitrerie, allons, ça ne te provoque pas un frisson de honte tardive ?

    La question est peut-être superflue puisque le mécanisme de la honte règle les comportements de ces collectivités qui n’ont pas besoin du mécanisme de la peur pour faire respecter leurs codes et les interdictions relatives.

    Ces collectivités, comme la collectivité prolétaire, qu’aujourd’hui tu offenses et agresses, mais de laquelle tu as néanmoins toujours fait partie et pendant longtemps. Toutefois, la capacité à éprouver de la honte lorsque sont transgressées les normes morales qui sont à la base du NOUS prolétaire est une affaire sur laquelle tu n’as pas intérêt à sourire superficiellement !

    Derrière toi, Alfredo, il n’y a aucune arrière-garde.

    Peut-être quelqu’autre traître potentiel, mais pour l’instant tu es seul dans ton effondrement, complètement seul ! Parce qu’il s’agit d’effondrement, dans ton cas, d’un découragement dans l’Organisation et surtout d’un découragement encore plus profond en le prolétariat et en les possibilités de la révolution.

    Bien sûr, ces dernières années n’ont pas été faciles pour les Brigades Rouges ; il fallait redéfinir notre stratégie à travers un débat compliqué, une lutte politique qui, comme cela arrive toujours dans ces situations, a connu aussi des épisodes pour ainsi dire peu édifiants.

    Mais un parti politique, par chance, n’est pas un collège anglais pour pensionnaires, et ce qui compte, à la fin, ce n’est pas l’épisode blâmable, mais la victoire de la juste ligne politique.

    Et il y a eu cette victoire !

    Cela démontre justement que par-delà les épisodes, et même par leur intermédiaire, la dialectique interne du parti s’est manifestée concrètement, sans fermer la bouche à personne, et sans empêcher personne de mûrir son expérience et sa capacité à discuter collectivement, à critiquer et à auto-critiquer les positions erronées, à se transformer, à unir ses énergies dans la réalisation des finalités communes qui ont été élaborées ensemble.

    Cela est arrivé, Alfredo, dans les derniers temps : une formidable confrontation, riche de positions et de vitalité, une discussion collective qui a impliqué des milliers de camarades et de prolétaires, dans les usines, dans les quartiers, etc., et qui a finalement mené à la définition d’une stratégie unitaire qui, avec la Campagne d’Urso et l’offensive actuelle, cherche ses vérifications de masse.

    Ceci, Alfredo, est le pas que tu n’as pas su faire. Là a débuté ton effondrement. Dans tes contradictions, les sirènes de la corruption bourgeoise ont commencé à hypnotiser ta fragile conscience.

    De tièdes révolutionnaires qui ont d’abord combattu et qui, ensuite, aux premières difficultés objectives ou personnelles, ont abandonné le champ de bataille, il y n a eu en grand nombre dans toutes les révolutions.

    Même dans ce sens, tu représentes une exception, car tu te confonds plutôt avec cette foule de renégats qu’un peu tout le monde méprise à juste titre.

    Parce que, plus que tout, ton effondrement ne s’est pas limité, comme tu voudrais qu’il le soit et que tu prétends le faire croire, à te mettre de côté. Tu ne t’es pas contenté, Alfredo, de sortir du parti pour réfléchir dans et avec la classe sur les incertitudes qui sont survenues.

    S’il en avait été ainsi, personne ne s’y serait opposé.

    La militance communiste de parti est dure et l’expérience nous a enseigné que tous ne réussissent pas à la soutenir avec l’esprit et le même pas dans le devenir de la lutte et des transformations. Pour cela nous ne nous sommes jamais opposés à ces militants qui, après une clarification, ont décidé de quitter notre Organisation.

    De plus, nous ne considérons pas la militance dans d’autres instances du pouvoir prolétaire comme « moins révolutionnaire » que l’engagement direct dans le Parti, et nous sommes les premiers à affirmer que le pacte politique qui nous lie dans le Parti est libre, volontaire, renouvelé volontairement chaque jour, et imposé par personne.

    Mais, comme Peci, tu n’as jamais choisi la voie de la clarification pour manifester ce que maintenant tu prétends présenter comme « dissidence ».

    Tu as comploté et tramé dans le silence et sur notre dos, et pour cela ta fuite honteuse ne mérite qu’un nom : trahison.

    Aujourd’hui, tu voudrais opposer les camarades « de la première heure » aux nouveaux camarades, les camarades emprisonnés à ceux de l’extérieur… Mais ce sont justement les vieux camarades, les camarades emprisonnés, ceux que tu as trahis les premiers !

    Comment peux-tu raisonnablement exiger justement d’eux une quelconque forme de compréhension ? Avec toi, il peut seulement y avoir des complices, puisque la marchandise que tu es en train de vendre est le mensonge, la misère de la collaboration et l’infamie de la trahison. Ou bien te dire en face ce que tu es devenu, parce que cela est l’unique moyen de te démontrer notre humanité et notre sensibilité de communistes.

    Et puis, répétons-nous, cette distinction entre « bons » et « mauvais », entre internes et externes, ne te semble pas un mythe un peu laborieux construit par la bourgeoisie et les révisionnistes pour solliciter la vanité de quelqu’un dans le cadre d’un énième projet de corruption et de division politique ?

    Tu ne te rends pas compte que, sauver les années 70/74 et condamner tout ce qui est arrivé depuis, est une autodéfense démente, inspirée par le même trop astucieux Pecchioli ?

    Malgré la fausse modestie dont tu te fardes pour le lecteur de L’Espresso et de Panorama, nous sommes convaincus que tu es parfaitement conscient du fait que tes paroles servent à une énième malheureuse tentative de division politique « de l’intérieur », tentative qui s’appuie sur les autres entreprises désastreuses de la bande contre-révolutionnaire à laquelle tu t’es aussi imprudemment vendu.

    Et nous disons ceci pour que les mensonges que sortent de ta bouche ne puissent en aucun cas être considérés comme innocents. Et cela vaut pour les deux.

    Premier mensonge : tu parles d’« extorsion du consensus » de la part des camarades externes à propos de la « couverture politique », qu’en juillet 79, nous aurions donné à la Direction de notre Organisation sur la question Morucci-Faranda.

    Mais, sur quelle « extorsion » es-tu en train de délirer ?

    La décision d’écrire le document « des 17 » fut prise de manière totalement autonome, et les thèses qui y étaient exprimées ont, avec le temps, démontré leur bien-fondé.

    Comme d’autres, tu n’étais pas à l’Asinara quand il fut rédigé, et ce n’est pas un mystère que, avec d’autres, tu le critiquas publiquement. Personne ne te censura pour cela, même si tes lettres circulaient sous les yeux des gardiens.

    Donc, tu n’as donné aucune « couverture » et ta position non concordante, ni avec celle de l’Organisation externe, ni avec celle des 17 signataires, a pu s’exprimer librement dans toute l’Organisation, et même à l’extérieur.

    Et alors ?

    Second mensonge : « l’alternative d’il y a quelques mois, à Palmi, pour que nous attaquions publiquement comme traîtres les milanais qui, las de la direction (de l’Organisation), l’avaient chassée dehors à coups de pieds au cul ».

    La fausseté de ta thèse se démontre d’elle-même.

    1. Nous, de Palmi, n’avons jamais attaqué la colonne Walter Alasia ;

    2. L’Organisation ne nous a jamais attaqué, nous de Palmi ;

    3. La colonne Walter Alasia a combattu unitairement dans la récente offensive encore en cours.

    Et alors ?

    Le futur, Alfredo, n’appartient pas aux gros malins comme il y en a eu pour trop d’années dans ce pays, mais aux prolétaires révolutionnaires, qui, malgré les Peci et les Buonavita, et en partie grâce à eux, construisent jour après jour, même entre mille contradictions, leur conscience communiste et les instruments de leur pouvoir dans la lutte contre tes amis actuels.

    Nous ne pouvons t’attribuer le mérite que d’une seule chose : de nous avoir rendus plus experts et plus méfiants par rapport aux influences de l’idéologie bourgeoise qui agissent en chacun de nous. D’une certaine manière, un Alfredo Buonavita potentiel est derrière chaque révolutionnaire et se niche précisément là où notre conscience communiste est la moins consolidée.

    Pour cela, t’exorciser serait une erreur, te démoniser serait un cadeau.

    Tu n’es pas un monstre créé par une force occulte et inconnue. Jusqu’à hier, tu étais avec nous, avec nous tu as lutté et vécu une bonne tranche de ton expérience politique.

    C’est ainsi que, précisément grâce à toi et malgré toi, nous comprenons mieux aujourd’hui la thèse marxiste sur l’essence humaine comme ensemble de rapports sociaux.

    Tous les rapports sociaux et les représentations que nous nous faisons d’eux traversent et s’interfèrent dans le processus de formation de nos décisions.

    La politique est seulement l’un de ces rapports, mais ce sont justement tous les autres que, trop souvent, nous avons négligé de soumettre à une critique révolutionnaire adéquate.

    La politique est au poste de commande, elle oriente et dirige un processus de transformation collective qui implique et bouleverse chaque aspect de la vie. Mais, c’est avec l’ensemble unitaire des rapports sociaux que la lutte révolutionnaire doit savoir se mesurer, en opposant à la représentation bourgeoise de chacun d’eux le point de vue prolétaire.

    La révolution sociale, en définitive, veut justement dire cela : porter la critique communiste dans tous les rapports sociaux, combattre sur tous les fronts l’idéologie bourgeoise, prendre acte de ce que cette bataille ne se déroule pas seulement à l’extérieur de nous, mais aussi dans notre conscience.

    La formation sociale capitaliste bourgeoise est en mesure de reproduire ses rapports d’exploitation à la seule condition de reproduire les idées de la domination, ce qui veut dire les idées de la classe dominante, dans la conscience de la grande majorité des prolétaires.

    À cette fin, la classe dominante ne regarde pas à la dépense et arme d’innombrables appareils idéologiques, à travers lesquels ses idéologues actifs élaborent, font circuler et fixent dans la mémoire collective l’ensemble des codes de comportement officiels pour chaque rapport social, pour chaque groupe et pour chaque classe sociale.

    Le contrôle de ce cycle est une caractéristique fondamentale de l’État impérialiste qui par là aspire à la domination de toutes les formes et de tous les langages par lesquels se réalise le processus de la communication sociale, et se sert de cette domination pour décomposer le prolétariat en figures séparées et jusqu’en monades [NdT : Cf. le système de Leibniz] isolées, afin de les rendre incapables de tisser un réseau articulé de communication transgressive et antagoniste.

    Mais, malgré les équipements techniques sophistiqués, malgré le grand nombre de parasites qui les font fonctionner contre le prolétariat métropolitain, c’est la nature même de la formation sociale capitaliste qui donne en général sans cesse des raisons à la transgression révolutionnaire.

    Certainement, la transgression de l’idéologie dominante expose à un rapport de rupture avec le code linguistique, logique, social, représenté par l’idéologie institutionnalisée.

    Justement pour cela, la pratique du comportement transgressif qui explore, touche, regarde, retourne chaque chose en tous sens, et la pose en relation à chaque autre chose, en se déplaçant dans le lieu de l’« interdit », de l’extra- officiel, du non prévu et du non accepté par la classe dominante, est toujours une pratique critique, transformatrice, révolutionnaire.

    C’est la lutte pour une projetualité sociale qui ne craint pas les latences et les possibilités contenues dans la réalité objective environnante, mais plutôt les recherche et les combine selon les intérêts de libération de la classe révolutionnaire.

    C’est la transgression qui désacralise et relativise toutes les configurations idéologiques dominantes, formelles et moisies, des rapports sociaux, et en fait la critique « des armes » du point de vue de la classe sociale antagoniste.

    En ce sens, elle est le creuset des idéologies révolutionnaires, ses raisons étant sans cesse engendrées par le processus de la vie matérielle d’une classe émergente entière, et ont face à elles un « futur social » qui peut être conquis seulement à travers une pratique, qui, dépassant la peur de la sanction, transgressant les interdictions de l’idéologie institutionnalisée, communique cette transgression, en la légitimant progressivement, dans une aire sociale toujours plus vaste.

    Étendre cette communication transgressive jusqu’à impliquer chaque aspect de la vie quotidienne est la condition de la croissance d’une révolution culturelle dans la métropole qui n’attende pas la conquête du pouvoir politique pour commencer à transformer la gamme entière des rapports sociaux.

    Parce que c’est dans la communication idéologique quotidienne que le caractère actif des formes idéologiques démontre jusqu’au bout son pouvoir.

    Mais le démontre aux prix d’un affrontement qui se reproduit comme un écho dans la gamme entière des rapports sociaux et dans chacun d’entre eux.

    Personne n’est exclu de cette gigantesque et inexorable bataille où l’on peut être victime ou vainqueur, mais jamais, en aucun cas, spectateur neutre.

    Dans les rapports homme-femme, comme dans les rapports récréatifs, dans les réunions politiques, comme sur les lieux de travail, partout, les idées de la domination cherchent une trouée pour pénétrer dans les consciences et programmer, contrôler, de cet avant-poste, les comportements. Parce que « c’est seulement dans la mesure où une forme idéologique cristallisée peut entrer dans ce type de rapport organique et intégral avec l’idéologie quotidienne d’une période donnée, qu’elle est vitale pour cette période, et évidemment, pour un groupe social donné ».

    Dans cette zone précaire et mouvante de la vie sociale où, aux niveaux les plus bas, s’étendent des fragments d’expérience, des initiatives souvent inconcluantes, de vagues vicissitudes, des paroles fortuites… les idées de la domination tendent leurs embuscades et leurs assauts.

    Mais dans ce « creuset de tous les changements », se nichent aussi, aux niveaux les plus consolidés, ces énergies créatives à travers l’action desquelles « a lieu une restructuration partielle ou radicale des systèmes idéologiques cristallisés. De nouvelles forces sociales trouvent une expression idéologique et prennent forme pour la première fois dans ces strates supérieurs de l’idéologie quotidienne, avant de pouvoir réussir à dominer le terrain d’une certaine idéologie officielle organisée ».

    Il s’agit d’une lutte où aucun coup n’est épargné, une lutte dans laquelle chaque classe joue son destin.

    Une lutte qui, en promouvant ou en empêchant d’imperceptibles mais continuelles transformations de ton dans les signes idéologiques, prépare ou résiste à l’apparition de nouveaux rapports sociaux, de nouvelles transformations.

    Dans une telle lutte se forme ou se restructure aussi l’horizon social de chaque groupe, de chaque classe, en entendant par là l’ensemble de toutes les choses qui entrent dans la sphère consciente de ses intérêts.

    Même l’expansion de cet horizon d’évaluation, naturellement, est une forme de l’idéologie de classe. Étendre la sphère des intérêts pour le monde naturel ou social environnant, et donc accroître la capacité à établir de nouveaux rapports sociaux, implique en fait toujours une restructuration qualitative de sa propre disposition dans le procès de communication sociale, et avec cela un affrontement avec le « vieil horizon », avec sa présence visqueuse.

    La pénétration progressive des intérêts et des représentations du prolétariat métropolitain dans la formation idéologique est donc un processus de lutte de classe dans le cours de laquelle le nouveau chasse l’ancien, le démolit, se substitue à lui.

    Ce n’est peut-être pas là une condition pour qu’une classe puisse regarder son présent avec les yeux de l’avenir, pour que le prolétariat puisse agir consciemment sur son présent et le transformer radicalement ?

    Notre réponse, Alfredo, se termine là. Des choses plus importantes nous attendent.

    Mais, avant d’ôter l’épine, une dernière chose : tu es victime, Alfredo, une victime des idées de la domination de cette classe qui t’a exploité avant-hier, que tu as combattu mais pas jusqu’au bout et pas en toi-même hier, et qu’aujourd’hui tu sers comme un zombie hébété auquel ils ont volé et substitué la conscience. Classe qui t’a démonté, fragmenté, scindé, divisé, et qui aujourd’hui a sur toi une domination pleine et articulée. Ta voix raisonne de mille voix de la bourgeoisie, tes phrases livides sont celles des « fonctionnaires honnêtes » desquels tu chantes péniblement les louanges aujourd’hui.

    Tu es un esclave, Alfredo, un esclave métropolitain avec les chaînes aux pieds et les cadenas dans la tête.

    Pauvre Alfredo, ainsi réduit à être un signifiant sans signification, tu ne réussis à susciter en nous qu’une haine encore plus terrible contre la classe qui tire tes fils. Classe qui est incapable d’humanité et donc, aussi de justice.

    Tout a été dit. Mais, avant de te renvoyer au silence, souviens-toi : pour toi, il n’y a pas de futur.

    Palmi, juillet 1981,
    Collectif des prisonniers communistes des Brigades Rouges.    

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  • Noyaux Armés Prolétaires: Communiqué du 5 mai 1976

    Aujourd’hui 5 Mai à 8 heures, un noyau armé a frappé le vice-procureur Paolino dell’Anno.

    L’activité de ce porc contre les camarades révolutionnaires et contre tous les prolétaires est trop connue pour que cela vaille la peine de s’y arrêter.

    Il suffit de rappeler qu’en qualité de juge d’instruction, il fournit la couverture légale à l’assassinat de la camarade Anna-Maria Mantini.

    Ses activités lui ont valu le surnom : « le roi de la perpète ».

    Paolino dell’Anno a été un précurseur et reste, à l’heure actuelle, le représentant principal de ce type de magistrature qui, en oeuvrant aux c8tés des organismes militaires spécialisés dans la répression, fournit, en employant les instruments législatifs que la démocratie bourgeoise met à leur disposition (loi Reale et code Rocco), la couverture légale au processus de répression aujourd’hui en cours en Italie.

    Ces magistrats liés directement à l’appareil militaire de la répression sont indispensables au développement et à l’efficacité du projet répressif, en laissant intactes formellement les garanties légales dont se couvre l’actuel ordre bourgeois pour frapper les prolétaires.

    Il faut donc les frapper le plus durement possible, aussi bien pour entraver la structure répressive que pour provoquer une séparation de plus en plus importante d’avec les magistrats « normaux » et augmenter la possibilité d’individualisation pour tout le mouvement révolutionnaire combattant.

    Du reste ces magistrats sont pleinement conscients du rôle qu’ils jouent et des risques que ce rôle comporte (à côté d’avantages considérables) : Paolino dell’Anno, du mois d’Octobre 1975 au mois de Février 1976, a constamment voyagé avec deux flics de l’anti-terrorisme dans une Fiat 500 blanche, voiture-piège du district P.S. de St-Lorenzo in Lucino ; en dernier, alors que ses maîtres lui avaient été l’escorte, il se déplaçait en changeant très souvent de voiture et de parcours.

    Tout cela n’a pas servi à grand-chose. Pour les camarades révolutionnaires qui pratiquent la lutte armée » il est capital de comprendre qu’il faut porter l’attaque aux centres du pouvoir économique et aux centres de l’appareil répressif.

    D’autres objectifs et d’autres formes de lutte comme le sabotage et la destruction des appareils de production ne frappent pas l’axe important du projet des multinationales de répression contre-révolutionnaire et de répression productive anti-prolétarienne, donnent place à la calomnie réformiste et aux provocations bourgeoises et surtout ne représentent pas un terrain réel de croissance politique et organisatrice pour les prolétaires et leurs avant-gardes armées.

    Il est nécessaire de bâtir des formes d’organisation et de lutte qui fassent progresser le processus de maturation et d’unification du mouvement combattant.

    Cette tâche est d’autant plus importante en ce moment où sévit une crise profonde de l’appareil politique de la bourgeoisie, en conséquence l’efficience et la stabilité de l’Etat bourgeois sont confiées essentiellement au chantage du chômage et de la faim contre les prolétaires et à la violence de l’appareil militaire de répression contre ses avant-gardes communistes.

    LUTTE ARMEE POUR LE COMMUNISME

    VIVE L’UNITE DU MOUVEMENT COMBATTANT !

    CRÉER ET ORGANISER
    10 1000 NOYAUX ARMES PROLETARIENS !

    EN FRAPPER UN POUR EN ÉDUQUER CENT !

    >Sommaire du dossier

  • Sommaire de L’ape e il comunista

    L’ape e il comunista – l’abeille et le communiste – est le document le plus approfondi des Brigades Rouges, écrit par le Collectif des prisonniers révolutionnaires des Brigades Rouges et publié en décembre 1980. Il fait approximativement 300 pages, consiste en 13 chapitres, conclu par un document résumant la conception idéologique.

    1. Du début à la fin

    2. Forme et contenu

    3. Circulation des marchandises et monétaire

    4. La production de la plus-value

    5. L’accumulation capitaliste

    6. Théorie sur la crise

    7. Du capitalisme… au communisme

    annexe a : l’économie politique marxiste

    annexe-b : brève exposition historique de la théorie économique bourgeoise

    8. Sur la crise

    9. Sur la structure productive

    10. Sur les classes

    11. Sur l’État

    12. La Démocratie-Chrétienne ou le Parti-Régime

    13. Le Parti Communiste italien ou le parti de l’État à l’intérieur de la classe ouvrière

    LES VINGT THESES FINALES

    >Sommaire du dossier