Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • Arthur Rimbaud et la division tripartite des «Illuminations»

    L’échec d’Une saison en enfer va amener Arthur Rimbaud à chercher une voie originale. Il réalise alors une série de poèmes qui sont, en effet, bien plus aboutis, bien plus élaborés, avec une réelle tentative de parvenir à une expression à la fois fluide et dense.

    Cette série paraît dans la revue La Vogue, dans les numéros 5 à 9 en 1886, avec comme titre Les Illuminations ; Arthur Rimbaud a alors abandonné la poésie. Paul Verlaine, dans son Les Poètes maudits paru en 1883, regrette à ce moment-là que les poèmes seraient perdus :

    « Il courut tous les Continents, tous les Océans, pauvrement, fièrement (riche d’ailleurs, s’il l’eût voulu, de famille et de position), après avoir écrit, en prose encore, une série de superbes fragments, les Illuminations, à tout jamais perdus, nous le craignons bien. »

    C’est pourtant bien par Verlaine que ces poèmes refont surface et sont publiés, avec à la fois des poèmes en vers et d’autres en prose, les premiers étant enlevés dans les éditions à partir de 1945, au motif que la tradition voudrait que les Illuminations ne soient qu’en prose.

    Cette tradition s’appuie entièrement sur les propos de Verlaine, notamment dans l’introduction de la parution autonome des Illuminations, à 200 exemplaires, peu après la version dans la revue :

    « Le livre que nous offrons au public fut écrit de 1873 à 1875, parmi des voyages tant en Belgique qu’en Angleterre et dans toute l’Allemagne.

    Le mot Illuminations est anglais et veut dire gravures coloriées, — coloured plates : c’est même le sous-titre que M. Rimbaud avait donné à son manuscrit.

    Comme on va voir, celui-ci se compose de courtes pièces, prose exquise ou vers délicieusement faux exprès. »

    Ces propos de Verlaine ont également fait qu’il y a eu la tendance toujours plus prégnante, à partir de 1945, de modifier le titre et de mettre simplement Illuminations. De la même manière, ce n’est qu’à partir de 1945 qu’on considère que l’œuvre date bien d’après Une saison en enfer.

    Une tentative a également été faite d’attribuer au poète Germain Nouveau un rôle majeur dans l’ouvrage, ce qui ne semble nullement confirmé historiquement.

    Tout cela est par ailleurs bien secondaire, puisque ce qui compte, c’est que les Illuminations ou bien Les Illuminations sont le pendant d’Une saison en enfer, une sorte de tentative strictement inverse effectuée par Arthur Rimbaud.

    En ce sens, il y a bien une profonde cohérence dans la démarche rimbaldienne. Pour cela, il faut s’appuyer sur deux poèmes d’Arthur Rimbaud, qui forment des inédits bizarrement inconnus alors qu’ils forment une clef tout à fait claire.

    Ils sont écrits au début des années 1870 et les deux feuillets, qui ont comme titre Les Déserts de l’Amour placés en haut de la face de chacune des deux feuillets, ont même une présentation par Arthur Rimbaud lui-même.

    Voici cette présentation, qui affirme que les poèmes retranscrivent des rêves. Quoi de plus étonnant, en effet, pour un subjectiviste d’assumer ses rêves comme ayant un sens ?

    AVERTISSEMENT

         Ces écritures-ci sont d’un jeune, tout jeune homme, dont la vie s’est développée n’importe où ; sans mère, sans pays, insoucieux de tout ce qu’on connaît, fuyant toute force morale, comme furent déjà plusieurs pitoyables jeunes hommes. Mais, lui, si ennuyé et si troublé, qu’il ne fit que s’amener à la mort comme à une pudeur terrible et fatale.

    N’ayant pas aimé de femmes, — quoique plein de sang ! — il eut son âme et son cœur, toute sa force, élevés en des erreurs étranges et tristes.

    Des rêves suivants, — ses amours ! — qui lui vinrent dans ses lits ou dans les rues, et de leur suite et de leur fin, de douces considérations religieuses se dégagent —peut-être se rappellera-t-on le sommeil continu des Mahométans légendaires, — braves pourtant et circoncis !

    Mais, cette bizarre souffrance possédant une autorité inquiétante, il faut sincèrement désirer que cette Âme, égarée parmi nous tous, et qui veut la mort, ce semble, rencontre en cet instant-là des consolations sérieuses et soit digne !

    A. RIMBAUD.

    Et c’est donc bien là que se situe la clef de l’oeuvre finale d’Arthur Rimbaud. Une saison en enfer était un délire subjectiviste sans attaches aucune, un pur solipsisme.

    Les illuminations ou Illuminations corrigent le tir, en le reliant au moi. Les poèmes formant Les Déserts de l’Amour montre l’approche faite. Les voici, il faut porter son attention sur le tout début et la toute fin, et constater tout le mouvement orchestré entre les deux.

    Voici le premier poème.

     C’est certes la même campagne…

    C’est certes la même campagne. La même maison rustique de mes parents : la salle même où les dessus de porte sont des bergeries roussies, avec des armes et des lions.

    Au dîner, il y a un salon avec des bougies et des vins et des boiseries rustiques. La table à manger est très grande. Les servantes ! Elles étaient plusieurs, autant que je m’en suis souvenu. 

    — Il y avait là un de mes jeunes amis anciens, prêtre et vêtu en prêtre, maintenant : c’était pour être plus libre. Je me souviens de sa chambre de pourpre, à vitres de papier jaune ; et ses livres, cachés, qui avaient trempé dans l’océan !

    Moi j’étais abandonné, dans cette maison de campagne sans fin : lisant dans la cuisine, séchant la boue de mes habits devant les hôtes, aux conversations du salon : ému jusqu’à la mort par le murmure du lait du matin et de la nuit du siècle dernier.

    J’étais dans une chambre très sombre : que faisais-je ?

    Une servante vint près de moi  : je puis dire que c’était un petit chien : quoique belle, et d’une noblesse maternelle inexprimable pour moi : pure, connue, toute charmante ! Elle me pinça le bras. 

    Je ne me rappelle même plus bien sa figure : ce n’est pas pour me rappeler son bras, dont je roulai la peau dans mes deux doigts ; ni sa bouche, que la mienne saisit comme une petite vague désespérée, minant sans fin quelque chose.

    Je la renversai dans une corbeille de coussins et de toiles de navire, en un coin noir. Je ne me rappelle plus que son pantalon à dentelles blanches. 

    — Puis, ô désespoir, la cloison devint vaguement l’ombre des arbres, et je me suis abîmé sous la tristesse amoureuse de la nuit.

    Voici le second poème.

     Cette fois, c’est la Femme que j’ai vue dans la ville …

    Cette fois, c’est la Femme que j’ai vue dans la ville, et à qui j’ai parlé et qui me parle. 

    J’étais dans une chambre sans lumière. On vint me dire qu’elle était chez moi : et je la vis dans mon lit, toute à moi, sans lumière !

    Je fus très ému, et beaucoup parce que c’était la maison de famille : aussi une détresse me prit ! J’étais en haillons, moi, et elle, mondaine, qui se donnait ; il lui fallait s’en aller !

    Une détresse sans nom ; je la pris, et la laissai tomber hors du lit, presque nue ; et, dans ma faiblesse indicible, je tombai sur elle et me traînai avec elle parmi les tapis sans lumière.

    La lampe de la famille rougissait l’une après l’autre les chambres voisines. Alors la femme disparut. Je versai plus de larmes que Dieu n’en a pu jamais demander.

    Je sortis dans la ville sans fin. Ô Fatigue ! Noyé dans la nuit sourde et dans la fuite du bonheur. C’était comme une nuit d’hiver, avec une neige pour étouffer le monde décidément. Les amis auxquels je criais : où reste-t-elle, répondaient faussement.

    Je fus devant les Vitrages de là où elle va tous les soirs : je courais dans un jardin enseveli. On m’a repoussé. Je pleurais énormément, à tout cela.

    Enfin je suis descendu dans un lieu plein de poussière, et assis sur des charpentes, j’ai laissé finir toutes les larmes de mon corps avec cette nuit. 

    — Et mon épuisement me revenait pourtant toujours.

    J’ai compris qu’elle était à sa vie de tous les jours ; et que le tour de bonté serait plus long à se reproduire qu’une étoile.

    Elle n’est pas revenue, et ne reviendra jamais, l’Adorable qui s’était rendue chez moi, — ce que je n’aurais jamais présumé.

    — Vrai, cette fois j’ai pleuré plus que tous les enfants du monde.

    Il y a bien trois étapes, clairement marquée. Selon Paul Verlaine, l’oeuvre serait « féérique » et il n’y aurait aucune organisation stricte. Il dit ainsi :

    « Comme on va voir, celui-ci se compose de courtes 
pièces, prose exquise ou vers délicieusement faux exprès. D’idée principale il n’y en a ou du moins nous n’y en
 trouvons pas.

    De la joie évidente d’être un grand poète, 
 tels paysages féeriques, d’adorables vagues amours
 esquissées et la plus haute ambition (arrivée) de style : tel est le résumé que nous croyons pouvoir oser donner
 de l’ouvrage ci-après. Au lecteur d’admirer en détail. »

    Or, du point de vue matérialiste dialectique, on peut tout à fait repérer la structure commune à chaque poème. Comme on le sait, chaque poème a un début et une fin, surtout dans le sonnet avec sa chute.

    Or, le rêve a un début et une fin. Quoi de mieux pour un subjectiviste que profiter d’une telle structure fournissant une cohérence à l’expression, en s’appuyant sur le moi ? C’est là ni plus ni moins la même chose que dans Les déserts de l’Amour.

    On a donc, dans les Illuminations ou Les illuminations, systématiquement trois étapes :

    – une première consistant en l’ouverture (avec les premiers vers) ;

    – une seconde consistant en le mouvement, le déroulement ;

    – une troisième consistant en la clôture (avec les derniers vers).

    >Huitième partie du dossier
    >Sommaire du dossier des Illuminations d’Arthur Rimbaud

  • Arthur Rimbaud, Les illuminations

    Préface de Paul Verlaine

    Le livre que nous offrons au public fut écrit de 1873 à 1875, parmi des voyages tant en Belgique qu’en Angleterre et dans toute l’Allemagne.

    Le mot Illuminations est anglais et veut dire gravures coloriées, – colored plates : c’est même le sous-titre que M. Rimbaud avait donné à son manuscrit.

    Comme on va voir, celui-ci se compose de courtes pièces, prose exquise ou vers délicieusement faux exprès. D’idée principale il n’y en a ou du moins nous n’y en trouvons pas. De la joie évidente d’être un grand poète, tels paysages féeriques, d’adorables vagues amours esquissées et la plus haute ambition (arrivée) de style : tel est le résumé que nous croyons pouvoir oser donner de l’ouvrage ci-après. Au lecteur d’admirer en détail.

    De très courtes notes biographiques feront peut-être bien.

    M. Arthur Rimbaud est né d’une famille de bonne bourgeoisie à Charleville (Ardenne) où il fit d’excellentes études quelque peu révoltées. A seize ans il avait écrit les plus beaux vers du monde, dont de nombreux extraits furent par nous donnés naguère dans un libelle intitulé les Poètes maudits. Il a maintenant dans les trente-deux ans, et voyage en Asie où il s’occupe de travaux d’art. Comme qui dirait le Faust du second Faust, ingénieur de génie après avoir été l’immense poète vivant élève de Méphistophélès et possesseur de cette blonde Marguerite !

    On l’a dit mort plusieurs fois. Nous ignorons ce détail, mais en serions bien triste. Qu’il le sache au cas où il n’en serait rien. Car nous fûmes son ami et le restons de loin.

    Deux autres manuscrits en prose et quelques vers inédits seront publiés en leur temps.

    Un nouveau portrait par Forain qui a connu également M. Rimbaud paraîtra quand il faudra.

    Dans un très beau tableau de Fantin-Latour, Coin de table, à Manchester actuellement, croyons-nous, il y a un portrait en buste de M. Rimbaud à seize ans.

    Les Illuminations sont un peu postérieures à cette époque.

    Paul Verlaine

    Publié dans La Vogue

    1886

    Après le déluge

    Aussitôt que l’idée du Déluge se fut rassise,

    Un lièvre s’arrêta dans les sainfoins et les clochettes mouvantes et dit sa prière à l’arc-en-ciel à travers la toile de l’araignée.

    Oh les pierres précieuses qui se cachaient, — les fleurs qui regardaient déjà.

    Dans la grande rue sale les étals se dressèrent, et l’on tira les barques vers la mer étagée là-haut comme sur les gravures.

    Le sang coula, chez Barbe-Bleue, — aux abattoirs, — dans les cirques, où le sceau de Dieu blêmit les fenêtres. Le sang et le lait coulèrent.

    Les castors bâtirent. Les « mazagrans » fumèrent dans les estaminets.

    Dans la grande maison de vitres encore ruisselante les enfants en deuil regardèrent les merveilleuses images.

    Une porte claqua, et sur la place du hameau, l’enfant tourna ses bras, compris des girouettes et des coqs des clochers de partout, sous l’éclatante giboulée.

    Madame *** établit un piano dans les Alpes. La messe et les premières communions se célébrèrent aux cent mille autels de la cathédrale.

    Les caravanes partirent. Et le Splendide Hôtel fut bâti dans le chaos de glaces et de nuit du pôle.

    Depuis lors, la Lune entendit les chacals piaulant par les déserts de thym, — et les églogues en sabots grognant dans le verger. Puis, dans la futaie violette, bourgeonnante, Eucharis me dit que c’était le printemps.

    Sourds, étang, — Écume, roule sur le pont, et par-dessus les bois ; — draps noirs et orgues, — éclairs et tonnerre, — montez et roulez ; — Eaux et tristesses, montez et relevez les Déluges.

    Car depuis qu’ils se sont dissipés, — oh les pierres précieuses s’enfouissant, et les fleurs ouvertes ! — c’est un ennui ! et la Reine, la Sorcière qui allume sa braise dans le pot de terre, ne voudra jamais nous raconter ce qu’elle sait, et que nous ignorons.

    Enfance

    I

    Cette idole, yeux noirs et crin jaune, sans parents ni cour, plus noble que la fable, mexicaine et flamande ; son domaine, azur et verdure insolents, court sur des plages nommées, par des vagues sans vaisseaux, de noms férocement grecs, slaves, celtiques.

    À la lisière de la forêt — les fleurs de rêve tintent, éclatent, éclairent, — la fille à lèvre d’orange, les genoux croisés dans le clair déluge qui sourd des prés, nudité qu’ombrent, traversent et habillent les arcs-en-ciel, la flore, la mer.

    Dames qui tournoient sur les terrasses voisines de la mer ; enfantes et géantes, superbes noires dans la mousse vert-de-gris, bijoux debout sur le sol gras des bosquets et des jardinets dégelés — jeunes mères et grandes sœurs aux regards pleins de pèlerinages, sultanes, princesses de démarche et de costume [,] tyranniques petites étrangères et personnes doucement malheureuses.

    Quel ennui, l’heure du « cher corps » et « cher cœur ».

    II

    C’est elle, la petite morte, derrière les rosiers. — La jeune maman trépassée descend le perron — La calèche du cousin crie sur le sable — Le petit frère — (il est aux Indes !) là, devant le couchant, sur le pré d’œillets. — Les vieux qu’on a enterrés tout droits dans le rempart aux giroflées.

    L’essaim des feuilles d’or entoure la maison du général. Ils sont dans le midi. — On suit la route rouge pour arriver à l’auberge vide. Le château est à vendre ; les persiennes sont détachées. — Le curé aura emporté la clef de l’église. — Autour du parc, les loges des gardes sont inhabitées. Les palissades sont si hautes qu’on ne voit que les cimes bruissantes. D’ailleurs il n’y a rien à voir là-dedans.

    Les prés remontent aux hameaux sans coqs, sans enclumes. L’écluse est levée. Ô les calvaires et les moulins du désert, les îles et les meules.

    Des fleurs magiques bourdonnaient. Les talus le berçaient. Des bêtes d’une élégance fabuleuse circulaient. Les nuées s’amassaient sur la haute mer faite d’une éternité de chaudes larmes.

    III

    Au bois il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir.

    Il y a une horloge qui ne sonne pas.

    Il y a une fondrière avec un nid de bêtes blanches.

    Il y a une cathédrale qui descend et un lac qui monte.

    Il y a une petite voiture abandonnée dans le taillis, ou qui descend le sentier en courant, enrubannée.

    Il y a une troupe de petits comédiens en costumes, aperçus sur la route à travers la lisière du bois.

    Il y a enfin, quand l’on a faim et soif, quelqu’un qui vous chasse.

    IV

    Je suis le saint, en prière sur la terrasse, — comme les bêtes pacifiques paissent jusqu’à la mer de Palestine.

    Je suis le savant au fauteuil sombre. Les branches et la pluie se jettent à la croisée de la bibliothèque.

    Je suis le piéton de la grand’route par les bois nains ; la rumeur des écluses couvre mes pas. Je vois longtemps la mélancolique lessive d’or du couchant.

    Je serais bien l’enfant abandonné sur la jetée partie à la haute mer, le petit valet, suivant l’allée dont le front touche le ciel.

    Les sentiers sont âpres. Les monticules se couvrent de genêts. L’air est immobile. Que les oiseaux et les sources sont loin ! Ce ne peut être que la fin du monde, en avançant.

    V

    Qu’on me loue enfin ce tombeau, blanchi à la chaux avec les lignes du ciment en relief — très loin sous terre.

    Je m’accoude à la table, la lampe éclaire très vivement ces journaux que je suis idiot de relire, ces livres sans intérêt.

    À une distance énorme au-dessus de mon salon souterrain, les maisons s’implantent, les brumes s’assemblent. La boue est rouge ou noire. Ville monstrueuse, nuit sans fin !

    Moins haut, sont des égouts. Aux côtés, rien que l’épaisseur du globe. Peut-être les gouffres d’azur, des puits de feu. C’est peut-être sur ces plans que se rencontrent lunes et comètes, mers et fables.

    Aux heures d’amertume je m’imagine des boules de saphir, de métal. Je suis maître du silence. Pourquoi une apparence de soupirail blêmirait-elle au coin de la voûte ?

    Conte

    Un Prince était vexé de ne s’être employé jamais qu’à la perfection des générosités vulgaires. Il prévoyait d’étonnantes révolutions de l’amour, et soupçonnait ses femmes de pouvoir mieux que cette complaisance agrémentée de ciel et de luxe. Il voulait voir la vérité, l’heure du désir et de la satisfaction essentiels. Que ce fût ou non une aberration de piété, il voulut. Il possédait au moins un assez large pouvoir humain.

    Toutes les femmes qui l’avaient connu furent assassinées. Quel saccage du jardin de la beauté ! Sous le sabre, elles le bénirent. Il n’en commanda point de nouvelles. — Les femmes réapparurent.

    Il tua tous ceux qui le suivaient, après la chasse ou les libations. — Tous le suivaient.

    Il s’amusa à égorger les bêtes de luxe. Il fit flamber les palais. Il se ruait sur les gens et les taillait en pièces. — La foule, les toits d’or, les belles bêtes existaient encore.

    Peut-on s’extasier dans la destruction, se rajeunir par la cruauté ! Le peuple ne murmura pas. Personne n’offrit le concours de ses vues.

    Un soir il galopait fièrement. Un Génie apparut, d’une beauté ineffable, inavouable même. De sa physionomie et de son maintien ressortait la promesse d’un amour multiple et complexe ! d’un bonheur indicible, insupportable même ! Le Prince et le Génie s’anéantirent probablement dans la santé essentielle. Comment n’auraient-ils pas pu en mourir ? Ensemble donc ils moururent.

    Mais ce Prince décéda, dans son palais, à un âge ordinaire. Le prince était le Génie. Le Génie était le Prince.

    La musique savante manque à notre désir.

    Parade

    Des drôles très solides. Plusieurs ont exploité vos mondes. Sans besoins, et peu pressés de mettre en œuvre leurs brillantes facultés et leur expérience de vos consciences. Quels hommes mûrs ! Des yeux hébétés à la façon de la nuit d’été, rouges et noirs, tricolores, d’acier piqué d’étoiles d’or ; des faciès déformés, plombés, blêmis, incendiés ; des enrouements folâtres ! La démarche cruelle des oripeaux ! — Il y a quelques jeunes, — comment regarderaient-ils Chérubin ? — pourvus de voix effrayantes et de quelques ressources dangereuses. On les envoie prendre du dos en ville, affublés d’un luxe dégoûtant.

    Ô le plus violent Paradis de la grimace enragée ! Pas de comparaison avec vos Fakirs et les autres bouffonneries scéniques. Dans des costumes improvisés avec le goût du mauvais rêve ils jouent des complaintes, des tragédies de malandrins et de demi-dieux spirituels comme l’histoire ou les religions ne l’ont jamais été. Chinois, Hottentots, bohémiens, niais, hyènes, Molochs, vieilles démences, démons sinistres, ils mêlent les tours populaires, maternels, avec les poses et les tendresses bestiales. Ils interpréteraient des pièces nouvelles et des chansons « bonnes filles ». Maîtres jongleurs, ils transforment le lieu et les personnes, et usent de la comédie magnétique. Les yeux flambent, le sang chante, les os s’élargissent, les larmes et des filets rouges ruissellent. Leur raillerie ou leur terreur dure une minute, ou des mois entiers.

    J’ai seul la clef de cette parade sauvage.

    Antique

    Gracieux fils de Pan ! Autour de ton front couronné de fleurettes et de baies tes yeux, des boules précieuses, remuent. Tachées de lies brunes, tes joues se creusent. Tes crocs luisent. Ta poitrine ressemble à une cithare, des tintements circulent dans tes bras blonds. Ton cœur bat dans ce ventre où dort le double sexe. Promène-toi, la nuit, en mouvant doucement cette cuisse, cette seconde cuisse et cette jambe de gauche.

    Being beauteous

    Devant une neige un Être de Beauté de haute taille. Des sifflements de mort et des cercles de musique sourde font monter, s’élargir et trembler comme un spectre ce corps adoré ; des blessures écarlates et noires éclatent dans les chairs superbes. Les couleurs propres de la vie se foncent, dansent, et se dégagent autour de la Vision, sur le chantier. Et les frissons s’élèvent et grondent et la saveur forcenée de ces effets se chargeant avec les sifflements mortels et les rauques musiques que le monde, loin derrière nous, lance sur notre mère de beauté, — elle recule, elle se dresse. Oh ! nos os sont revêtus d’un nouveau corps amoureux.

    XXX

    Ô la face cendrée, l’écusson de crin, les bras de cristal ! le canon sur lequel je dois m’abattre à travers la mêlée des arbres et de l’air léger !

    Vies

    I

    Ô les énormes avenues du pays saint, les terrasses du temple ! Qu’a-t-on fait du brahmane qui m’expliqua les Proverbes ? D’alors, de là-bas, je vois encore même les vieilles ! Je me souviens des heures d’argent et de soleil vers les fleuves, la main de la campagne sur mon épaule, et de nos caresses debout dans les plaines poivrées. — Un envol de pigeons écarlates tonne autour de ma pensée — Exilé ici j’ai eu une scène où jouer les chefs-d’œuvre dramatiques de toutes les littératures. Je vous indiquerais les richesses inouïes. J’observe l’histoire des trésors que vous trouvâtes. Je vois la suite ! Ma sagesse est aussi dédaignée que le chaos. Qu’est mon néant, auprès de la stupeur qui vous attend ?

    II

    Je suis un inventeur bien autrement méritant que tous ceux qui m’ont précédé ; un musicien même, qui ai trouvé quelque chose comme la clef de l’amour. À présent, gentilhomme d’une campagne aigre au ciel sobre, j’essaie de m’émouvoir au souvenir de l’enfance mendiante, de l’apprentissage ou de l’arrivée en sabots, des polémiques, des cinq ou six veuvages, et quelques noces où ma forte tête m’empêcha de monter au diapason des camarades. Je ne regrette pas ma vieille part de gaîté divine : l’air sobre de cette aigre campagne alimente fort activement mon atroce scepticisme. Mais comme ce scepticisme ne peut désormais être mis en œuvre, et que d’ailleurs je suis dévoué à un trouble nouveau, — j’attends de devenir un très méchant fou.

    III

    Dans un grenier où je fus enfermé à douze ans j’ai connu le monde, j’ai illustré la comédie humaine. Dans un cellier j’ai appris l’histoire. À quelque fête de nuit dans une cité du Nord, j’ai rencontré toutes les femmes des anciens peintres. Dans un vieux passage à Paris on m’a enseigné les sciences classiques. Dans une magnifique demeure cernée par l’Orient entier j’ai accompli mon immense œuvre et passé mon illustre retraite. J’ai brassé mon sang. Mon devoir m’est remis. Il ne faut même plus songer à cela. Je suis réellement d’outre-tombe, et pas de commissions.

    Départ

    Assez vu. La vision s’est rencontrée à tous les airs.

    Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours.

    Assez connu. Les arrêts de la vie. — Ô Rumeurs et Visions !

    Départ dans l’affection et le bruit neufs !

    Royauté

    Un beau matin, chez un peuple fort doux, un homme et une femme superbes criaient sur la place publique. « Mes amis, je veux qu’elle soit reine ! » « Je veux être reine ! » Elle riait et tremblait. Il parlait aux amis de révélation, d’épreuve terminée. Ils se pâmaient l’un contre l’autre.

    En effet ils furent rois toute une matinée où les tentures carminées se relevèrent sur les maisons, et toute l’après-midi, où ils s’avancèrent du côté des jardins de palmes.

    À une raison

    Un coup de ton doigt sur le tambour décharge tous les sons et commence la nouvelle harmonie.

    Un pas de toi, c’est la levée des nouveaux hommes et leur en-marche.

    Ta tête se détourne : le nouvel amour ! Ta tête se retourne, — le nouvel amour !

    « Change nos lots, crible les fléaux, à commencer par le temps », te chantent ces enfants. « Élève n’importe où la substance de nos fortunes et de nos vœux » on t’en prie.

    Arrivée de toujours, qui t’en iras partout.

    Matinée d’ivresse

    Ô mon Bien ! Ô mon Beau ! Fanfare atroce où je ne trébuche point ! Chevalet féerique ! Hourra pour l’œuvre inouïe et pour le corps merveilleux, pour la première fois ! Cela commença sous les rires des enfants, cela finira par eux. Ce poison va rester dans toutes nos veines même quand, la fanfare tournant, nous serons rendu à l’ancienne inharmonie. Ô maintenant, nous si digne de ces tortures ! rassemblons fervemment cette promesse surhumaine faite à notre corps et à notre âme créés : cette promesse, cette démence ! L’élégance, la science, la violence ! On nous a promis d’enterrer dans l’ombre l’arbre du bien et du mal, de déporter les honnêtetés tyranniques, afin que nous amenions notre très pur amour. Cela commença par quelques dégoûts et cela finit, — ne pouvant nous saisir sur-le-champ de cette éternité, — cela finit par une débandade de parfums.

    Rire des enfants, discrétion des esclaves, austérité des vierges, horreur des figures et des objets d’ici, sacrés soyez-vous par le souvenir de cette veille. Cela commençait par toute la rustrerie, voici que cela finit par des anges de flamme et de glace.

    Petite veille d’ivresse, sainte ! quand ce ne serait que pour le masque dont tu nous as gratifié. Nous t’affirmons, méthode ! Nous n’oublions pas que tu as glorifié hier chacun de nos âges. Nous avons foi au poison. Nous savons donner notre vie tout entière tous les jours.

    Voici le temps des Assassins.

    Phrases

    Quand le monde sera réduit en un seul bois noir pour nos quatre yeux étonnés, — en une plage pour deux enfants fidèles, — en une maison musicale pour notre claire sympathie, — je vous trouverai.

    Qu’il n’y ait ici-bas qu’un vieillard seul, calme et beau, entouré d’un « luxe inouï », — et je suis à vos genoux.

    Que j’aie réalisé tous vos souvenirs, — que je sois celle qui sait vous garrotter, — je vous étoufferai.

    Quand nous sommes très forts, — qui recule ? très gais, qui tombe de ridicule ? Quand nous sommes très méchants, que ferait-on de nous.

    Parez-vous, dansez, riez, — je ne pourrai jamais envoyer l’Amour par la fenêtre.

    — Ma camarade, mendiante, enfant monstre ! comme ça t’est égal, ces malheureuses et ces manœuvres, et mes embarras. Attache-toi à nous avec ta voix impossible, ta voix ! unique flatteur de ce vil désespoir.

    (Fragments du feuillet 12)

    Une matinée couverte, en juillet. Un goût de cendres vole dans l’air ; — une odeur de bois suant dans l’âtre, — les fleurs rouies, — le saccage des promenades, — la bruine des canaux par les champs — pourquoi pas déjà les joujoux et l’encens ?

    J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse.

    Le haut étang fume continuellement. Quelle sorcière va se dresser sur le couchant blanc ? Quelles violettes frondaisons vont descendre ?

    Pendant que les fonds publics s’écoulent en fêtes de fraternité, il sonne une cloche de feu rose dans les nuages.

    Avivant un agréable goût d’encre de Chine, une poudre noire pleut doucement sur ma veillée. — Je baisse les feux du lustre, je me jette sur le lit, et, tourné du côté de l’ombre, je vous vois, mes filles ! mes reines !

    Ouvriers

    Ô cette chaude matinée de février. Le Sud inopportun vint relever nos souvenirs d’indigents absurdes, notre jeune misère.

    Henrika avait une jupe de coton à carreau blanc et brun, qui a dû être portée au siècle dernier, un bonnet à rubans, et un foulard de soie. C’était bien plus triste qu’un deuil. Nous faisions un tour dans la banlieue. Le temps était couvert, et ce vent du Sud excitait toutes les vilaines odeurs des jardins ravagés et des prés desséchés.

    Cela ne devait pas fatiguer ma femme au même point que moi. Dans une flache laissée par l’inondation du mois précédent à un sentier assez haut elle me fit remarquer de très petits poissons.

    La ville, avec sa fumée et ses bruits de métiers, nous suivait très loin dans les chemins. Ô l’autre monde, l’habitation bénie par le ciel et les ombrages ! Le sud me rappelait les misérables incidents de mon enfance, mes désespoirs d’été, l’horrible quantité de force et de science que le sort a toujours éloignée de moi. Non ! nous ne passerons pas l’été dans cet avare pays où nous ne serons jamais que des orphelins fiancés. Je veux que ce bras durci ne traîne plus une chère image.

    Les Ponts

    Des ciels gris de cristal. Un bizarre dessin de ponts, ceux-ci droits, ceux-là bombés, d’autres descendant ou obliquant en angles sur les premiers, et ces figures se renouvelant dans les autres circuits éclairés du canal, mais tous tellement longs et légers que les rives, chargées de dômes s’abaissent et s’amoindrissent. Quelques-uns de ces ponts sont encore chargés de masures. D’autres soutiennent des mâts, des signaux, de frêles parapets. Des accords mineurs se croisent, et filent, des cordes montent des berges. On distingue une veste rouge, peut-être d’autres costumes et des instruments de musique. Sont-ce des airs populaires, des bouts de concerts seigneuriaux, des restants d’hymnes publics ? L’eau est grise et bleue, large comme un bras de mer. — Un rayon blanc, tombant du haut du ciel, anéantit cette comédie.

    Ville

    Je suis un éphémère et point trop mécontent citoyen d’une métropole crue moderne parce que tout goût connu a été éludé dans les ameublements et l’extérieur des maisons aussi bien que dans le plan de la ville. Ici vous ne signaleriez les traces d’aucun monument de superstition. La morale et la langue sont réduites à leur plus simple expression, enfin ! Ces millions de gens qui n’ont pas besoin de se connaître amènent si pareillement l’éducation, le métier et la vieillesse, que ce cours de vie doit être plusieurs fois moins long que ce qu’une statistique folle trouve pour les peuples du continent. Aussi comme, de ma fenêtre, je vois des spectres nouveaux roulant à travers l’épaisse et éternelle fumée de charbon, — notre ombre des bois, notre nuit d’été ! — des Érinnyes nouvelles, devant mon cottage qui est ma patrie et tout mon cœur puisque tout ici ressemble à ceci, — la Mort sans pleurs, notre active fille et servante, et un Amour désespéré, et un joli Crime piaulant dans la boue de la rue.

    Ornières

    À droite l’aube d’été éveille les feuilles et les vapeurs et les bruits de ce coin du parc, et les talus de gauche tiennent dans leur ombre violette les mille rapides ornières de la route humide. Défilé de féeries. En effet : des chars chargés d’animaux de bois doré, de mâts et de toiles bariolées, au grand galop de vingt chevaux de cirque tachetés, et les enfants et les hommes sur leurs bêtes les plus étonnantes ; — vingt véhicules, bossés, pavoisés et fleuris comme des carrosses anciens ou de contes, pleins d’enfants attifés pour une pastorale suburbaine ; — Même des cercueils sous leur dais de nuit dressant les panaches d’ébène, filant au trot des grandes juments bleues et noires.

    Villes (Ce sont des villes !)

    Ce sont des villes ! C’est un peuple pour qui se sont montés ces Alleghanys et ces Libans de rêve ! Des chalets de cristal et de bois qui se meuvent sur des rails et des poulies invisibles. Les vieux cratères ceints de colosses et de palmiers de cuivre rugissent mélodieusement dans les feux. Des fêtes amoureuses sonnent sur les canaux pendus derrière les chalets. La chasse des carillons crie dans les gorges. Des corporations de chanteurs géants accourent dans des vêtements et des oriflammes éclatants comme la lumière des cimes. Sur les plates-formes au milieu des gouffres les Rolands sonnent leur bravoure. Sur les passerelles de l’abîme et les toits des auberges l’ardeur du ciel pavoise les mâts. L’écroulement des apothéoses rejoint les champs des hauteurs où les centauresses séraphiques évoluent parmi les avalanches. Au-dessus du niveau des plus hautes crêtes une mer troublée par la naissance éternelle de Vénus, chargée de flottes orphéoniques et de la rumeur des perles et des conques précieuses, — la mer s’assombrit parfois avec des éclats mortels. Sur les versants des moissons de fleurs grandes comme nos armes et nos coupes, mugissent. Des cortèges de Mabs en robes rousses, opalines, montent des ravines. Là-haut, les pieds dans la cascade et les ronces, les cerfs tettent Diane. Les Bacchantes des banlieues sanglotent et la lune brûle et hurle. Vénus entre dans les cavernes des forgerons et des ermites. Des groupes de beffrois chantent les idées des peuples. Des châteaux bâtis en os sort la musique inconnue. Toutes les légendes évoluent et les élans se ruent dans les bourgs. Le paradis des orages s’effondre. Les sauvages dansent sans cesse la fête de la nuit. Et une heure je suis descendu dans le mouvement d’un boulevard de Bagdad où des compagnies ont chanté la joie du travail nouveau, sous une brise épaisse, circulant sans pouvoir éluder les fabuleux fantômes des monts où l’on a dû se retrouver.

    Quels bons bras, quelle belle heure me rendront cette région d’où viennent mes sommeils et mes moindres mouvements ?

    Vagabonds

    Pitoyable frère ! Que d’atroces veillées je lui dus ! « Je ne me saisissais pas fervemment de cette entreprise. Je m’étais joué de son infirmité. Par ma faute nous retournerions en exil, en esclavage. » Il me supposait un guignon et une innocence très bizarres, et il ajoutait des raisons inquiétantes.

    Je répondais en ricanant à ce satanique docteur, et finissais par gagner la fenêtre. Je créais, par-delà la campagne traversée par des bandes de musique rare, les fantômes du futur luxe nocturne.

    Après cette distraction vaguement hygiénique, je m’étendais sur une paillasse. Et, presque chaque nuit, aussitôt endormi, le pauvre frère se levait, la bouche pourrie, les yeux arrachés, — tel qu’il se rêvait ! — et me tirait dans la salle en hurlant son songe de chagrin idiot.

    J’avais en effet, en toute sincérité d’esprit, pris l’engagement de le rendre à son état primitif de fils du Soleil, — et nous errions, nourris du vin des cavernes et du biscuit de la route, moi pressé de trouver le lieu et la formule.

    Villes (L’acropole officielle)

    L’acropole officielle outre les conceptions de la barbarie moderne les plus colossales. Impossible d’exprimer le jour mat produit par le ciel immuablement gris, l’éclat impérial des bâtisses, et la neige éternelle du sol. On a reproduit dans un goût d’énormité singulier toutes les merveilles classiques de l’architecture. J’assiste à des expositions de peinture dans des locaux vingt fois plus vastes qu’Hampton-Court. Quelle peinture ! Un Nabuchodonosor norwégien a fait construire les escaliers des ministères ; les subalternes que j’ai pu voir sont déjà plus fiers que des Brahmas et j’ai tremblé à l’aspect des gardiens de colosses et officiers de constructions. Par le groupement des bâtiments en squares, cours et terrasses fermées, on évince les cochers. Les parcs représentent la nature primitive travaillée par un art superbe. Le haut quartier a des parties inexplicables : un bras de mer, sans bateaux, roule sa nappe de grésil bleu entre des quais chargés de candélabres géants. Un pont court conduit à une poterne immédiatement sous le dôme de la Sainte-Chapelle. Ce dôme est une armature d’acier artistique de quinze mille pieds de diamètre environ.

    Sur quelques points des passerelles de cuivre, des plates-formes, des escaliers qui contournent les halles et les piliers, j’ai cru pouvoir juger la profondeur de la ville ! C’est le prodige dont je n’ai pu me rendre compte : quels sont les niveaux des autres quartiers sur ou sous l’acropole ? Pour l’étranger de notre temps la reconnaissance est impossible. Le quartier commerçant est un circus d’un seul style, avec galeries à arcades. On ne voit pas de boutiques. Mais la neige de la chaussée est écrasée ; quelques nababs aussi rares que les promeneurs d’un matin de dimanche à Londres, se dirigent vers une diligence de diamants.

    Sur quelques points des passerelles de cuivre, des plates-formes, des escaliers qui contournent les halles et les piliers, j’ai cru pouvoir juger la profondeur de la ville ! C’est le prodige dont je n’ai pu me rendre compte : quels sont les niveaux des autres quartiers sur ou sous l’acropole ? Pour l’étranger de notre temps la reconnaissance est impossible. Le quartier commerçant est un circus d’un seul style, avec galeries à arcades. On ne voit pas de boutiques. Mais la neige de la chaussée est écrasée ; quelques nababs aussi rares que les promeneurs d’un matin de dimanche à Londres, se dirigent vers une diligence de diamants. Quelques divans de velours rouge : on sert des boissons polaires dont le prix varie de huit cents à huit mille roupies. À l’idée de chercher des théâtres sur ce circus, je me réponds que les boutiques doivent contenir des drames assez sombres. Je pense qu’il y a une police, mais la loi doit être tellement étrange, que je renonce à me faire une idée des aventuriers d’ici.

    Le faubourg aussi élégant qu’une belle rue de Paris est favorisé d’un air de lumière. L’élément démocratique compte quelque cents âmes. Là encore les maisons ne se suivent pas ; le faubourg se perd bizarrement dans la campagne, le « Comté » qui remplit l’occident éternel des forêts et des plantations prodigieuses où les gentilshommes sauvages chassent leurs chroniques sous la lumière qu’on a créée.

    Veillées

    I

    C’est le repos éclairé, ni fièvre ni langueur, sur le lit ou sur le pré.

    C’est l’ami ni ardent ni faible. L’ami.

    C’est l’aimée ni tourmentante ni tourmentée. L’aimée.

    L’air et le monde point cherchés. La vie.

    — Était-ce donc ceci ?

    — Et le rêve fraîchit.

    II

    L’éclairage revient à l’arbre de bâtisse. Des deux extrémités de la salle, décors quelconques, des élévations harmoniques se joignent. La muraille en face du veilleur est une succession psychologique de coupes de frises, de bandes atmosphériques et d’accidences géologiques. — Rêve intense et rapide de groupes sentimentaux avec des êtres de tous les caractères parmi toutes les apparences.

    III

    Les lampes et les tapis de la veillée font le bruit des vagues, la nuit, le long de la coque et autour du steerage.

    La mer de la veillée, telle que les seins d’Amélie.

    Les tapisseries, jusqu’à mi-hauteur, des taillis de dentelle, teinte d’émeraude, où se jettent les tourterelles de la veillée.

    La plaque du foyer noir, de réels soleils des grèves : ah ! puits des magies ; seule vue d’aurore, cette fois.

    Mystique

    Sur la pente du talus les anges tournent leurs robes de laine dans les herbages d’acier et d’émeraude.

    Des prés de flammes bondissent jusqu’au sommet du mamelon. À gauche le terreau de l’arête est piétiné par tous les homicides et toutes les batailles, et tous les bruits désastreux filent leur courbe. Derrière l’arête de droite la ligne des orients, des progrès.

    Et tandis que la bande en haut du tableau est formée de la rumeur tournante et bondissante des conques des mers et des nuits humaines,

    La douceur fleurie des étoiles et du ciel et du reste descend en face du talus, comme un panier, — contre notre face, et fait l’abîme fleurant et bleu là-dessous.

    Aube

    J’ai embrassé l’aube d’été.

    Rien ne bougeait encore au front des palais. L’eau était morte. Les camps d’ombres ne quittaient pas la route du bois. J’ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit.

    La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.

    Je ris au wasserfall blond qui s’échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse.

    Alors je levai un à un les voiles. Dans l’allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l’ai dénoncée au coq. À la grand’ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais.

    En haut de la route, près d’un bois de lauriers, je l’ai entourée avec ses voiles amassés, et j’ai senti un peu son immense corps. L’aube et l’enfant tombèrent au bas du bois.

    Au réveil il était midi.

    Fleurs

    D’un gradin d’or, — parmi les cordons de soie, les gazes grises, les velours verts et les disques de cristal qui noircissent comme du bronze au soleil, — je vois la digitale s’ouvrir sur un tapis de filigranes d’argent, d’yeux et de chevelures.

    Des pièces d’or jaune semées sur l’agate, des piliers d’acajou supportant un dôme d’émeraudes, des bouquets de satin blanc et de fines verges de rubis entourent la rose d’eau.

    Tels qu’un dieu aux énormes yeux bleus et aux formes de neige, la mer et le ciel attirent aux terrasses de marbre la foule des jeunes et fortes roses.

    Nocturne vulgaire

    Un souffle ouvre des brèches operadiques dans les cloisons, — brouille le pivotement des toits rongés, — disperse les limites des foyers, — éclipse les croisées. — Le long de la vigne, m’étant appuyé du pied à une gargouille, — je suis descendu dans ce carrosse dont l’époque est assez indiquée par les glaces convexes, les panneaux bombés et les sophas contournés — Corbillard de mon sommeil, isolé, maison de berger de ma niaiserie, le véhicule vire sur le gazon de la grande route effacée ; et dans un défaut en haut de la glace de droite tournoient les blêmes figures lunaires, feuilles, seins ;

    — Un vert et un bleu très foncés envahissent l’image. Dételage aux environs d’une tache de gravier.

    — Ici, va-t-on siffler pour l’orage, et les Sodomes, — et les Solymes, — et les bêtes féroces et les armées,

    — (Postillon et bêtes de songe reprendront-ils sous les plus suffocantes futaies, pour m’enfoncer jusqu’aux yeux dans la source de soie).

    — Et nous envoyer, fouettés à travers les eaux clapotantes et les boissons répandues, rouler sur l’aboi des dogues…

    — Un souffle disperse les limites du foyer.

    Marine

    Les chars d’argent et de cuivre —

    Les proues d’acier et d’argent —

    Battent l’écume, —

    Soulèvent les souches des ronces.

    Les courants de la lande,

    Et les ornières immenses du reflux

    Filent circulairement vers l’est,

    Vers les piliers de la forêt, —

    Vers les fûts de la jetée,

    Dont l’angle est heurté par des tourbillons de lumière.

    Fête d’hiver

    La cascade sonne derrière les huttes d’opéra-comique. Des girandoles prolongent, dans les vergers et les allées voisins du Méandre, — les verts et les rouges du couchant. Nymphes d’Horace coiffées au Premier Empire, — Rondes Sibériennes, Chinoises de Boucher.

    Angoisse

    Se peut-il qu’Elle me fasse pardonner les ambitions continuellement écrasées, — qu’une fin aisée répare les âges d’indigence, — qu’un jour de succès nous endorme sur la honte de notre inhabileté fatale,

    (Ô palmes ! diamant — Amour, force ! — plus haut que toutes joies et gloires ! — de toutes façons, partout, — Démon, dieu, — Jeunesse de cet être-ci ; moi !)

    Que des accidents de féerie scientifique et des mouvements de fraternité sociale soient chéris comme restitution progressive de la franchise première ?…

    Mais la Vampire qui nous rend gentils commande que nous nous amusions avec ce qu’elle nous laisse, ou qu’autrement nous soyons plus drôles.

    Rouler aux blessures, par l’air lassant et la mer ; aux supplices, par le silence des eaux et de l’air meurtriers ; aux tortures qui rient, dans leur silence atrocement houleux.

    Métropolitain

    Du détroit d’indigo aux mers d’Ossian, sur le sable rose et orange qu’a lavé le ciel vineux viennent de monter et de se croiser des boulevards de cristal habités incontinent par de jeunes familles pauvres qui s’alimentent chez les fruitiers. Rien de riche. — La ville !

    Du désert de bitume fuient droit en déroute avec les nappes de brumes échelonnées en bandes affreuses au ciel qui se recourbe, se recule et descend, formé de la plus sinistre fumée noire que puisse faire l’Océan en deuil, les casques, les roues, les barques, les croupes. — La bataille !

    Lève la tête : ce pont de bois, arqué ; les derniers potagers de Samarie ; ces masques enluminés sous la lanterne fouettée par la nuit froide ; l’ondine niaise à la robe bruyante, au bas de la rivière ; les crânes lumineux dans les plants de pois — et les autres fantasmagories —la campagne.

    Des routes bordées de grilles et de murs, contenant à peine leurs bosquets, et les atroces fleurs qu’on appellerait cœurs et sœurs, Damas damnant de longueur, — possessions de féeriques aristocraties ultra-Rhénanes, Japonaises, Guaranies, propres encore à recevoir la musique des anciens — et il y a des auberges qui pour toujours n’ouvrent déjà plus — il y a des princesses, et si tu n’es pas trop accablé, l’étude des astres — Le ciel.

    Le matin où avec Elle, vous vous débattîtes parmi les éclats de neige, les lèvres vertes, les glaces, les drapeaux noirs et les rayons bleus, et les parfums pourpres du soleil des pôles, — ta force.

    Barbare

    Bien après les jours et les saisons, et les êtres et les pays,

    Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques ; (elles n’existent pas.)

    Remis des vieilles fanfares d’héroïsme — qui nous attaquent encore le cœur et la tête — loin des anciens assassins —

    Oh ! Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques ; (elles n’existent pas)

    Douceurs !

    Les brasiers pleuvant aux rafales de givre, — Douceurs ! — les feux à la pluie du vent de diamants jetée par le cœur terrestre éternellement carbonisé pour nous. — Ô monde ! —

    (Loin des vieilles retraites et des vieilles flammes, qu’on entend, qu’on sent,)

    Les brasiers et les écumes. La musique, virement des gouffres et choc des glaçons aux astres.

    Ô Douceurs, ô monde, ô musique ! Et là, les formes, les sueurs, les chevelures et les yeux, flottant. Et les larmes blanches, bouillantes, — ô douceurs ! — et la voix féminine arrivée au fond des volcans et des grottes arctiques.

    Le pavillon…

    Solde

    À vendre ce que les juifs n’ont pas vendu, ce que noblesse ni crime n’ont goûté, ce qu’ignorent l’amour maudit et la probité infernale des masses : ce que le temps ni la science n’ont pas à reconnaître ;

    Les Voix reconstituées ; l’éveil fraternel de toutes les énergies chorales et orchestrales et leurs applications instantanées ; l’occasion, unique, de dégager nos sens !

    À vendre les Corps sans prix, hors de toute race, de tout monde, de tout sexe, de toute descendance ! Les richesses jaillissant à chaque démarche ! Solde de diamants sans contrôle !

    À vendre l’anarchie pour les masses ; la satisfaction irrépressible pour les amateurs supérieurs ; la mort atroce pour les fidèles et les amants !

    À vendre les habitations et les migrations, sports, féeries et conforts parfaits, et le bruit, le mouvement et l’avenir qu’ils font !

    À vendre les applications de calcul et les sauts d’harmonie inouïs. Les trouvailles et les termes non soupçonnés, possession immédiate,

    Élan insensé et infini aux splendeurs invisibles, aux délices insensibles, — et ses secrets affolants pour chaque vice — et sa gaîté effrayante pour la foule —

    À vendre les Corps, les voix, l’immense opulence inquestionable, ce qu’on ne vendra jamais. Les vendeurs ne sont pas à bout de solde ! Les voyageurs n’ont pas à rendre leur commission de si tôt !

    Fairy

    Pour Hélène se conjurèrent les sèves ornamentales dans les ombres vierges et les clartés impassibles dans le silence astral. L’ardeur de l’été fut confiée à des oiseaux muets et l’indolence requise à une barque de deuils sans prix par des anses d’amours morts et de parfums affaissés.

    — Après le moment de l’air des bûcheronnes à la rumeur du torrent sous la ruine des bois, de la sonnerie des bestiaux à l’écho des vals, et des cris des steppes. —

    Pour l’enfance d’Hélène frissonnèrent les fourrures et les ombres, — et le sein des pauvres, et les légendes du ciel.

    Et ses yeux et sa danse supérieurs encore aux éclats précieux, aux influences froides, au plaisir du décor et de l’heure uniques.

    Guerre

    Enfant, certains ciels ont affiné mon optique : tous les caractères nuancèrent ma physionomie. Les Phénomènes s’émurent. — À présent, l’inflexion éternelle des moments et l’infini des mathématiques me chassent par ce monde où je subis tous les succès civils, respecté de l’enfance étrange et des affections énormes. — Je songe à une Guerre, de droit ou de force, de logique bien imprévue.

    C’est aussi simple qu’une phrase musicale.

    Jeunesse

    I

    Dimanche

    Les calculs de côté, l’inévitable descente du ciel, et la visite des souvenirs et la séance des rythmes occupent la demeure, la tête et le monde de l’esprit.

    — Un cheval détale sur le turf suburbain, et le long des cultures et des boisements, percé par la peste carbonique. Une misérable femme de drame, quelque part dans le monde, soupire après des abandons improbables. Les desperadoes languissent après l’orage, l’ivresse et les blessures. De petits enfants étouffent des malédictions le long des rivières. —

    Reprenons l’étude au bruit de l’œuvre dévorante qui se rassemble et remonte dans les masses.

    II

    Sonnet

    Homme de constitution ordinaire, la chair n’était-elle pas un fruit pendu dans le verger, — ô journées enfantes ! — le corps un trésor à prodiguer ; — ô aimer, le péril ou la force de Psyché ? La terre avait des versants fertiles en princes et en artistes, et la descendance et la race vous poussaient aux crimes et aux deuils : le monde votre fortune et votre péril. Mais à présent, ce labeur comblé, toi, tes calculs, — toi, tes impatiences — ne sont plus que votre danse et votre voix, non fixées et point forcées, quoique d’un double événement d’invention et de succès une raison, — en l’humanité fraternelle et discrète par l’univers sans images ; — la force et le droit réfléchissent la danse et la voix à présent seulement appréciées.

    III

    Vingt ans

    Les voix instructives exilées… L’ingénuité physique amèrement rassise… — Adagio — Ah ! l’égoïsme infini de l’adolescence, l’optimisme studieux : que le monde était plein de fleurs cet été ! Les airs et les formes mourant… — Un chœur, pour calmer l’impuissance et l’absence ! Un chœur de verres, de mélodies nocturnes… En effet les nerfs vont vite chasser.

    IV

    Tu en es encore à la tentation d’Antoine. L’ébat du zèle écourté, les tics d’orgueil puéril, l’affaissement et l’effroi.

    Mais tu te mettras à ce travail : toutes les possibilités harmoniques et architecturales s’émouvront autour de ton siège. Des êtres parfaits, imprévus, s’offriront à tes expériences. Dans tes environs affluera rêveusement la curiosité d’anciennes foules et de luxes oisifs. Ta mémoire et tes sens ne seront que la nourriture de ton impulsion créatrice. Quant au monde, quand tu sortiras, que sera-t-il devenu ? En tout cas, rien des apparences actuelles.

    Promontoire

    L’aube d’or et la soirée frissonnante trouvent notre brick en large en face de cette villa et de ses dépendances, qui forment un promontoire aussi étendu que l’Épire et le Péloponnèse, ou que la grande île du Japon, ou que l’Arabie ! Des fanums qu’éclaire la rentrée des théories, d’immenses vues de la défense des côtes modernes ; des dunes illustrées de chaudes fleurs et de bacchanales ; de grands canaux de Carthage et des Embankments d’une Venise louche ; de molles éruptions d’Etnas et des crevasses de fleurs et d’eaux des glaciers ; des lavoirs entourés de peupliers d’Allemagne ; des talus de parcs singuliers penchant des têtes d’Arbre du Japon ; les façades circulaires des « Royal » ou des « Grand » de Scarbro’ ou de Brooklyn ; et leurs railways flanquent, creusent, surplombent les dispositions de cet Hôtel, choisies dans l’histoire des plus élégantes et des plus colossales constructions de l’Italie, de l’Amérique et de l’Asie, dont les fenêtres et les terrasses à présent pleines d’éclairages, de boissons et de brises riches, sont ouvertes à l’esprit des voyageurs et des nobles — qui permettent, aux heures du jour, à toutes les tarentelles des côtes, — et même aux ritournelles des vallées illustres de l’art, de décorer merveilleusement les façades du Palais-Promontoire.

    Scènes

    L’ancienne Comédie poursuit ses accords et divise ses Idylles :

    Des boulevards de tréteaux.

    Un long pier en bois d’un bout à l’autre d’un champ rocailleux où la foule barbare évolue sous les arbres dépouillés.

    Dans des corridors de gaze noire suivant le pas des promeneurs aux lanternes et aux feuilles.

    Des oiseaux des mystères s’abattent sur un ponton de maçonnerie mû par l’archipel couvert des embarcations des spectateurs.

    Des scènes lyriques accompagnées de flûte et de tambour s’inclinent dans des réduits ménagés sous les plafonds, autour des salons de clubs modernes ou des salles de l’Orient ancien.

    La féerie manœuvre au sommet d’un amphithéâtre couronné par les taillis, — Ou s’agite et module pour les Béotiens, dans l’ombre des futaies mouvantes sur l’arête des cultures.

    L’opéra-comique se divise sur une scène à l’arête d’intersection de dix cloisons dressées de la galerie aux feux.

    Soir historique

    En quelque soir, par exemple, que se trouve le touriste naïf, retiré de nos horreurs économiques, la main d’un maître anime le clavecin des prés ; on joue aux cartes au fond de l’étang, miroir évocateur des reines et des mignonnes, on a les saintes, les voiles, et les fils d’harmonie, et les chromatismes légendaires, sur le couchant.

    Il frissonne au passage des chasses et des hordes. La comédie goutte sur les tréteaux de gazon. Et l’embarras des pauvres et des faibles sur ces plans stupides !

    À sa vision esclave, — l’Allemagne s’échafaude vers des lunes ; les déserts tartares s’éclairent — les révoltes anciennes grouillent dans le centre du Céleste Empire ; par les escaliers et les fauteuils de rois — un petit monde blême et plat, Afrique et Occidents, va s’édifier. Puis un ballet de mers et de nuits connues, une chimie sans valeur, et des mélodies impossibles.

    La même magie bourgeoise à tous les points où la malle nous déposera ! Le plus élémentaire physicien sent qu’il n’est plus possible de se soumettre à cette atmosphère personnelle, brume de remords physiques, dont la constatation est déjà une affliction.

    Non ! — Le moment de l’étuve, des mers enlevées, des embrasements souterrains, de la planète emportée, et des exterminations conséquentes, certitudes si peu malignement indiquées dans la Bible et par les Nornes et qu’il sera donné à l’être sérieux de surveiller. — Cependant ce ne sera point un effet de légende !

    Bottom

    La réalité étant trop épineuse pour mon grand caractère, — je me trouvai néanmoins chez ma dame, en gros oiseau gris bleu s’essorant vers les moulures du plafond et traînant l’aile dans les ombres de la soirée.

    Je fus, au pied du baldaquin supportant ses bijoux adorés et ses chefs-d’œuvre physiques, un gros ours aux gencives violettes et au poil chenu de chagrin, les yeux aux cristaux et aux argents des consoles.

    Tout se fit ombre et aquarium ardent.

    Au matin, — aube de juin batailleuse, — je courus aux champs, âne, claironnant et brandissant mon grief, jusqu’à ce que les Sabines de la banlieue vinrent se jeter à mon poitrail.

    H

    Toutes les monstruosités violent les gestes atroces d’Hortense. Sa solitude est la mécanique érotique, sa lassitude, la dynamique amoureuse. Sous la surveillance d’une enfance elle a été, à des époques nombreuses, l’ardente hygiène des races. Sa porte est ouverte à la misère. Là, la moralité des êtres actuels se décorpore en sa passion ou en son action — Ô terrible frisson des amours novices, sur le sol sanglant et par l’hydrogène clarteux ! trouvez Hortense.

    Mouvement

    Le mouvement de lacet sur la berge des chutes du fleuve,

    Le gouffre à l’étambot

    La célérité de la rampe,

    L’énorme passade du courant

    Mènent par les lumières inouïes

    Et la nouveauté chimique

    Les voyageurs entourés des trombes du val

    Et du strom.

    Ce sont les conquérants du monde

    Cherchant la fortune chimique personnelle ;

    Le sport et le confort voyagent avec eux ;

    Ils emmènent l’éducation

    Des races, des classes et des bêtes, sur ce Vaisseau.

    Repos et vertige

    À la lumière diluvienne,

    Aux terribles soirs d’étude.

    Car de la causerie parmi les appareils, — le sang, les fleurs, le feu, les bijoux —

    Des comptes agités à ce bord fuyard,

    — On voit, roulant comme une digue au-delà de la route hydraulique motrice,

    Monstrueux, s’éclairant sans fin, — leur stock d’études ; —

    Eux chassés dans l’extase harmonique

    Et l’héroïsme de la découverte.

    Aux accidents atmosphériques les plus surprenants

    Un couple de jeunesse s’isole sur l’arche,

    — Est-ce ancienne sauvagerie qu’on pardonne ?

    Et chante et se poste.

    Dévotion

    À ma sœur Louise Vanaen de Voringhem : — Sa cornette bleue tournée à la mer du Nord. — Pour les naufragés.

    À ma sœur Léonie Aubois d’Ashby. Baou — l’herbe d’été bourdonnante et puante. — Pour la fièvre des mères et des enfants.

    À Lulu, — démon — qui a conservé un goût pour les oratoires du temps des Amies et de son éducation incomplète. Pour les hommes ! À madame ***.

    À l’adolescent que je fus. À ce saint vieillard, ermitage ou mission.

    À l’esprit des pauvres. Et à un très haut clergé.

    Aussi bien à tout culte en telle place de culte mémoriale et parmi tels événements qu’il faille se rendre, suivant les aspirations du moment ou bien notre propre vice sérieux.

    Ce soir à Circeto des hautes glaces, grasse comme le poisson, et enluminée comme les dix mois de la nuit rouge, — (son cœur ambre et spunck), — pour ma seule prière muette comme ces régions de nuit et précédant des bravoures plus violentes que ce chaos polaire.

    À tout prix et avec tous les airs, même dans des voyages métaphysiques. — Mais plus alors.

    Démocratie

    « Le drapeau va au paysage immonde, et notre patois étouffe le tambour.

    « Aux centres nous alimenterons la plus cynique prostitution. Nous massacrerons les révoltes logiques.

    « Aux pays poivrés et détrempés ! — au service des plus monstrueuses exploitations industrielles ou militaires.

    « Au revoir ici, n’importe où. Conscrits du bon vouloir, nous aurons la philosophie féroce ; ignorants pour la science, roués pour le confort ; la crevaison pour le monde qui va. C’est la vraie marche. En avant, route ! »

    Génie

    Il est l’affection et le présent puisqu’il a fait la maison ouverte à l’hiver écumeux et à la rumeur de l’été, lui qui a purifié les boissons et les aliments, lui qui est le charme des lieux fuyants et le délice surhumain des stations. Il est l’affection et l’avenir, la force et l’amour que nous, debout dans les rages et les ennuis, nous voyons passer dans le ciel de tempête et les drapeaux d’extase.

    Il est l’amour, mesure parfaite et réinventée, raison merveilleuse et imprévue, et l’éternité : machine aimée des qualités fatales. Nous avons tous eu l’épouvante de sa concession et de la nôtre : ô jouissance de notre santé, élan de nos facultés, affection égoïste et passion pour lui, lui qui nous aime pour sa vie infinie…

    Et nous nous le rappelons et il voyage… Et si l’Adoration s’en va, sonne, sa promesse sonne : « Arrière ces superstitions, ces anciens corps, ces ménages et ces âges. C’est cette époque-ci qui a sombré ! »

    Il ne s’en ira pas, il ne redescendra pas d’un ciel, il n’accomplira pas la rédemption des colères de femmes et des gaîtés des hommes et de tout ce péché : car c’est fait, lui étant, et étant aimé.

    Ô ses souffles, ses têtes, ses courses ; la terrible célérité de la perfection des formes et de l’action.

    Ô fécondité de l’esprit et immensité de l’univers !

    Son corps ! Le dégagement rêvé, le brisement de la grâce croisée de violence nouvelle !

    Sa vue, sa vue ! tous les agenouillages anciens et les peines relevés à sa suite.

    Son jour ! l’abolition de toutes souffrances sonores et mouvantes dans la musique plus intense.

    Son pas ! les migrations plus énormes que les anciennes invasions.

    Ô Lui et nous ! l’orgueil plus bienveillant que les charités perdues.

    Ô monde ! et le chant clair des malheurs nouveaux !

    Il nous a connus tous et nous a tous aimés. Sachons, cette nuit d’hiver, de cap en cap, du pôle tumultueux au château, de la foule à la plage, de regards en regards, forces et sentiments las, le héler et le voir, et le renvoyer, et sous les marées et au haut des déserts de neige, suivre ses vues, ses souffles, son corps, son jour.

    >Sommaire du dossier des Illuminations d’Arthur Rimbaud

  • Les Illuminations et la clôture

    La clôture des poèmes, des Illuminations comme aventures fantasmagoriques, vise toujours à bloquer, fermer, circonscrire. Cela peut se faire par une évaluation, une sentence, un constat, une remarque, etc. Mais cela vise toujours à souligner la vision du monde d’Arthur Rimbaud, son regard subjectiviste, sa négation du monde matériel.

    « Car depuis qu’ils se sont dissipés, — oh, les pierres précieuses s’enfouissant, et les fleurs ouvertes ! — c’est un ennui ! et la Reine, la Sorcière qui allume sa braise dans le pot de terre, ne voudra jamais nous raconter ce qu’elle sait, et que nous ignorons ! » (Après le déluge)

    « — et la voix féminine arrivée au fond des volcans et des grottes arctiques… — Le pavillon… » (Barbare)

    « La douceur fleurie des étoiles, et du ciel, et du reste descend en face du talus, comme un panier, contre notre face, et fait l’abîme fleurant et bleu là-dessous. » (Mystique)

    « Au réveil, il était midi. » (Aube)

    « Tels qu’un dieu aux énormes yeux bleus et aux formes de neige, la mer et le ciel attirent aux terrasses de marbre la foule des jeunes et fortes roses. » (Fleurs)

    « Ô la face cendrée, l’écusson de crin, les bras de cristal ! le canon sur lequel je dois m’abattre à travers la mêlée des arbres et de l’air léger ! » (Being Beauteous)

    « Promène-toi, la nuit, en mouvant doucement cette cuisse, cette seconde cuisse, et cette jambe de gauche. » (Antique)

    « En effet ils furent rois toute une matinée, où les tentures carminées se relevèrent sur les maisons, et toute l’après-midi, où ils s’avancèrent du côté des jardins de palmes. » (Royauté)

    « Aux heures d’amertume, je m’imagine des boules de saphir, de métal. Je suis maître du silence. Pourquoi une apparence de soupirail blêmirait-elle au coin de la voûte ? » (Enfance)

    « Mon devoir m’est remis. Il ne faut même plus songer à cela. Je suis réellement d’outre-tombe, et pas de commissions. » (Vies)

    « Même des cercueils sous leur dais de nuit dressant les panaches d’ébène, filant au trot des grandes juments bleues et noires. » (Ornières)

    « Quels bons bras, quelle belle heure me rendront cette région d’où viennent mes sommeils et mes moindres mouvements ? » (Villes)

    « Le faubourg se perd bizarrement dans la campagne, le « Comté » qui remplit l’occident éternel des forêts et des plantations prodigieuses où les gentilshommes sauvages chassent leurs chroniques sous la lumière qu’on a créée. » (Villes (2))

    « Le matin où, avec Elle, vous vous débattîtes parmi ces éclats de neige, ces lèvres vertes, ces glaces, ces drapeaux noirs et les rayons bleus, et ces parfums pourpres du soleil des pôles. — Ta force. » (Métropolitain)

    « qui permettent, aux heures du jour, à toutes les tarentelles illustres de l’art, de décorer merveilleusement les façades du Palais Promontoire. » (Promontoire)

    « L’opéra-comique se divise sur une scène à l’arête d’intersection de dix cloisons dressées de la galerie aux feux. » (Scènes)

    « J’ai seul la clef de cette parade sauvage. » (Parade)

    « puisque tout ici ressemble à ceci, — la Mort sans pleurs, notre active fille et servante, un Amour désespéré et un joli Crime piaulant dans la boue de la rue. » (Ville)

    « — Ô terrible frisson des amours novices sur le sol sanglant et par l’hydrogène clarteux ! trouvez Hortense. » (H)

    « Rouler aux blessures, par l’air lassant et la mer ; aux supplices, par le silence des eaux et de l’air meurtriers ; aux tortures qui rient, dans leur silence atrocement houleux. » (Angoisse)

    « Au matin, — aube de juin batailleuse, — je courus aux champs, âne, claironnant et brandissant mon grief, jusqu’à ce que les Sabines de la banlieue vinrent se jeter à mon poitrail. » (Angoisse)

    « La plaque du foyer noir, de réels soleils des grèves : ah ! puits des magies ; seule vue d’aurore, cette fois. » (Veillées)

    « — Un souffle disperse les limites du foyer. » (Nocturne vulgaire)

    « Voici le temps des Assassins. » (Matinée d’ivresse)

     « Pendant que les fonds publics s’écoulent en fêtes de fraternité, il sonne une cloche de feu rose dans les nuages.

    Avivant un agréable goût d’encre de Chine, une poudre noire pleut doucement sur ma veillée. — Je baisse les feux du lustre, je me jette sur le lit, et, tourné du côté de l’ombre, je vous vois, mes filles ! mes reines ! » (Phrases)

    « Mais ce Prince décéda, dans son palais, à un âge ordinaire. Le prince était le Génie. Le Génie était le Prince. — La musique savante manque à notre désir. » (Conte)

    « J’avais en effet, en toute sincérité d’esprit, pris l’engagement de le rendre à son état primitif de fils du Soleil, — et nous errions, nourris du vin des Pavermes et du biscuit de la route, moi pressé de trouver le lieu et la formule. » (Vagabonds)

    « Non ! nous ne passerons pas l’été dans cet avare pays où nous ne serons jamais que des orphelins fiancés. Je veux que ce bras durci ne traîne plus une chère image. » (Ouvriers)

    « — Un rayon blanc, tombant du haut du ciel, anéantit cette comédie. » (Les ponts)

    « — Cependant ce ne sera point un effet de légende ! » (Soir historique)

    Il était inévitable qu’Arthur Rimbaud arrête la poésie : que dire après avoir tout dit, c’est-à-dire rien dit? Du moment qu’on pose son individualité comme seul repère, cela ne peut que devenir improductif.

    Arthur Rimbaud a simplement fui son effondrement psychologique, après sa vie décadente à Paris, dans une démarche coloniale : il rejoint l’armée coloniale néerlandaise, finit par déserter en Asie pour devenir marin, voyage dans divers pays d’Europe dont la Scandinavie, va en Égypte, à Chypre, au Yémen, en Ethiopie, devient traffiquant d’armes en Abyssinie, commerçant de biens coloniaux, etc.

    Il mourra d’ailleurs en raison des rudes conditions de son activité tout à fait inséré dans le colonialisme : une bonne expression de la vacuité humaine de son activité antérieure.

    >Sommaire du dossier des Illuminations d’Arthur Rimbaud

  • Les Illuminations et le déroulement

    Une page des Illuminations, de l'édition de 1886
    Une page des Illuminations, de l’édition de 1886

    Voici des exemples du déroulement de l’illumination, ce qui se situe entre le démarrage et la clôture, avec un goût prononcé, donc, pour le mouvement et la spatialisation.

    « Une porte claqua (…), l’enfant tourna ses bras (…). Madame *** établit un piano dans les Alpes (…). Les caravanes partirent. » (Après le déluge)

    « Les brasiers, pleuvant aux rafales de givre (…) Ces feux à la pluie du vent de diamants jetée par le cœur terrestre éternellement carbonisé pour nous (…). Les brasiers et les écumes. La musique, virement des gouffres et choc des glaçons aux astres. » (Barbare)

    « Des prés de flammes bondissent (…). Le terreau de l’arête est piétiné (…) et tous les bruits désastreux filent leur courbe. » (Mystique)

    « J’ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit (…). Je levai un à un les voiles. Dans l’allée, en agitant les bras (…). Elle fuyait (…), je la chassais (…). L’aube et l’enfant tombèrent au bas du bois. » (Aube)

    « je vois la digitale s’ouvrir (…). Des pièces d’or jaune semées sur l’agate, des piliers d’acajou supportant un dôme d’émeraudes, des bouquets de satin blanc et de fines verges de rubis entourent la rose d’eau. » (Fleurs)

    « Des sifflements de mort et des cercles de musique sourde font monter, s’élargir et trembler (…). Les couleurs propres de la vie se foncent, dansent, et se dégagent autour de la vision, sur le chantier. Et les frissons s’élèvent et grondent. » (Being Beauteous)

    « Tes yeux, des boules précieuses, remuent. Tachées de lies brunes, tes joues se creusent. Tes crocs luisent ». (Antique)

    « Criaient sur la place publique : « Mes amis, je veux qu’elle soit reine ! » « Je veux être reine ! » Elle riait et tremblait. Il parlait aux amis de révélation, d’épreuve terminée. Ils se pâmaient l’un contre l’autre. » (Royauté)

    « Il y a une horloge (…). Il y a une fondrière (…). Il y a une cathédrale (…). Il y a une petite voiture abandonnée dans le taillis ou qui descend le sentier en courant, enrubannée. Il y a une troupe de petits comédiens en costumes (…). Je suis le saint (…). Je suis le savant au fauteuil sombre. Les branches et la pluie se jettent à la croisée de la bibliothèque. » (Enfance)

     « À présent, gentilhomme d’une campagne aigre au ciel sobre, j’essaie de m’émouvoir au souvenir de l’enfance mendiante (…). J’attends de devenir un très méchant fou. » (Vies)

    « Les talus de gauche tiennent dans leur ombre violette les mille rapides ornières de la route humide. Défilé de féeries. En effet : des chars chargés d’animaux de bois doré, de mâts et de toiles bariolées, au grand galop de vingt chevaux de cirque tachetés » (Ornières)

    « Des chalets de cristal et de bois qui se meuvent sur des rails et des poulies invisibles. Les vieux cratères ceints de colosses et de palmiers de cuivre rugissent mélodieusement dans les feux. Des fêtes amoureuses sonnent sur les canaux pendus derrière les chalets. » (Villes)

    « Quelle peinture ! Un Nabuchodonosor norwégien a fait construire les escaliers des ministères ; les subalternes que j’ai pu voir sont déjà plus fiers que des Brennus, et j’ai tremblé à l’aspect des gardiens de colosses et officiers de constructions (…). Sur quelques points des passerelles de cuivre, des plates-formes, des escaliers qui contournent les halles et les piliers, j’ai cru pouvoir juger la profondeur de la ville ! » (Villes (2))

    « — La bataille ! Lève la tête : ce pont de bois, arqué ; les derniers potagers ; ces masques enluminés sous la lanterne fouettée par la nuit froide (…). Ces routes bordées de grilles et de murs, contenant à peine leurs bosquets » (Métropolitain)

    « Des fanums qu’éclaire la rentrée des théories ; d’immenses vues de la défense des côtes modernes ; des dunes illustrées de chaudes fleurs et de bacchanales ; de grands canaux de Carthage et des embankments d’une Venise louche ; de molles éruptions d’Etnas et des crevasses de fleurs et d’eaux. » (Promontoire)

    « Un long pier en bois d’un bout à l’autre d’un champ rocailleux où la foule barbare évolue sous les arbres dépouillés. Dans des corridors de gaze noire, suivant le pas des promeneurs » (Scènes)

    « La démarche cruelle des oripeaux ! (…) On les envoie prendre du dos en ville, affublés d’un luxe dégoûtant (…). Maîtres jongleurs, ils transforment le lieu et les personnes et usent de la comédie magnétique. Les yeux flambent, le sang chante, les os s’élargissent, les larmes et des filets rouges ruissellent. » (Parade)

    « La morale et la langue sont réduites à leur plus simple expression, enfin ! (…) Comme, de ma fenêtre, je vois des spectres nouveaux roulant à travers l’épaisse et éternelle fumée de charbon » (Ville)

    « Sa solitude est la mécanique érotique ; sa lassitude, la dynamique amoureuse (…). Là, la moralité des êtres actuels se décorpore en sa passion ou en son action. » (H)

    « Que des accidents de féerie scientifique et des mouvements de fraternité sociale soient chéris comme restitution progressive de la franchise première ?… Mais la Vampire qui nous rend gentils commande que nous nous amusions avec ce qu’elle nous laisse, ou qu’autrement nous soyons plus drôles. » (Angoisse)

    « Je fus au pied du baldaquin supportant ses bijoux adorés et ses chefs-d’œuvre physiques, un gros ours aux gencives violettes et au poil chenu de chagrin, les yeux aux cristaux et aux argents des consoles. Tout se fit ombre et aquarium ardent. » (Bottom)

    « L’éclairage revient à l’arbre de bâtisse. Des deux extrémités de la salle, décors quelconques, des élévations harmoniques se joignent. » (Veillées)

    « je suis descendu dans ce carrosse dont l’époque est assez indiquée par les glaces convexes, les panneaux bombés et les sophas contournés. Corbillard de mon sommeil, isolé, maison de berger de ma niaiserie, le véhicule vire sur le gazon de la grande route effacée » (Nocturne vulgaire)

    « Cela commença sous les rires des enfants, cela finira par eux. Ce poison va rester dans toutes nos veines même quand, la fanfare tournant, nous serons rendu à l’ancienne inharmonie. Ô maintenant, nous si digne de ces tortures » (Matinée d’ivresse)

    « Parez-vous, dansez, riez. Je ne pourrai jamais envoyer l’Amour par la fenêtre. Ma camarade, mendiante, enfant monstre ! (…) J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse. » (Phrases)

    « Il tua tous ceux qui le suivaient, après la chasse ou les libations. — Tous le suivaient. Il s’amusa à égorger les bêtes de luxe. Il fit flamber les palais. Il se ruait sur les gens et les taillait en pièces. La foule, les toits d’or, les belles bêtes existaient encore. » (Conte)

    « Je répondais en ricanant à ce satanique docteur, et finissais par gagner la fenêtre. Je créais, par delà la campagne traversée par des bandes de musique rare, les fantômes du futur luxe nocturne.

    Après cette distraction vaguement hygiénique, je m’étendais sur une paillasse. » (Vagabonds)

    « Dans une flache laissée par l’inondation du mois précédent à un sentier assez haut elle me fit remarquer de très petits poissons.
    La ville, avec sa fumée et ses bruits de métiers, nous suivait très loin dans les chemins.» (Ouvriers)

    « Quelques-uns de ces ponts sont encore chargés de masures. D’autres soutiennent des mâts, des signaux, de frêles parapets. Des accords mineurs se croisent, et filent, des cordes montent des berges. » (Les ponts)

    « Il frissonne au passage des chasses et des hordes. La comédie goutte sur les tréteaux de gazon. Et l’embarras des pauvres et des faibles sur ces plans stupides ! (…) La même magie bourgeoise à tous les points où la malle nous déposera ! » (Soir historique)

    >Onzième partie du dossier
    >Sommaire du dossier des Illuminations d’Arthur Rimbaud

  • Les illuminations d’Arthur Rimbaud – 6e partie : le vertige d’«Une saison en enfer»

    Une saison en enfer, la couverture de l'oeuvre de 1873
    Une saison en enfer, la couverture de l’oeuvre de 1873

    Après avoir quitté Paul Verlaine, Arthur Rimbaud revint en Angleterre, mais publia entre-temps à compte d’auteur, en octobre 1873, le recueil Une saison en enfer, qu’il écrivit lors d’un séjour chez sa mère dans les Ardennes, dans une fermé l’écart de Charleville.

    Une saison en enfer fut un fiasco, la scène littéraire boycottant de toutes façons Arthur Rimbaud en raison du scandale ayant amené Paul Verlaine à se retrouver en prison.

    En elle-même, l’œuvre est par ailleurs d’une faiblesse inouïe, jouant sur les poncifs littéraires : une utilisation systématique de la première personne du singulier, des références au diable, au démon, à l’enfer, à la damnation, à Satan, etc..

    A cela s’ajoute l’esprit provocateur (en parlant des Gaulois : « D’eux, j’ai : l’idolâtrie et l’amour du sacrilège ; — oh ! tous les vices, colère, luxure, — magnifique, la luxure ; — surtout mensonge et paresse. »)…

    Des références exotiques (Gaulois, Scandinaves c’est-à-dire vikings , Mongols, le Coran…).

    Ainsi bien entendu que le mysticisme (« C’est la vision des nombres. Nous allons à l’Esprit. C’est très-certain, c’est oracle, ce que je dis. »), et les régulières accumulations pour frapper les esprits (« Faim, soif, cris, danse, danse, danse, danse ! »).

    Sans oublier le culte des images « fortes » (« je voyais une mer de flammes et de fumée au ciel ; et, à gauche, à droite, toutes les richesses flambant comme un milliard de tonnerres. »).

    A quoi s’ajoute une affirmation d’amoralisme quasi nietzschéen, teinté de racisme («  je n’ai pas le sens moral, je suis une brute (…) Je suis une bête, un nègre. »).

    Toute cette autosatisfaction provocatrice se résume bien par le propos suivant :

    « Maintenant je suis maudit, j’ai horreur de la patrie. Le meilleur, c’est un sommeil bien ivre, sur la grève. »

    C’est le poète qui s’imagine contestataire, marginal, rebelle, alors qu’il passe totalement à côté du mouvement ouvrier naissant et se complaît dans une pseudo-quête esthétique.

    C’est un mysticisme para-religieux, une fuite en avant dans une poésie censée redessiner le monde lui-même. Un passage d’Une saison en enfer est connu pour refléter cette approche. Intitulé Alchimie du verbe, on y lit au début le passage suivant :

    « À moi. L’histoire d’une de mes folies.

    Depuis longtemps je me vantais de posséder tous les paysages possibles, et trouvais dérisoires les célébrités de la peinture et de la poésie moderne.

    J’aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires ; la littérature démodée, latin d’église, livres érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l’enfance, opéras vieux, refrains niais, rythmes naïfs.

    Je rêvais croisades, voyages de découvertes dont on n’a pas de relations, républiques sans histoires, guerres de religion étouffées, révolutions de mœurs, déplacements de races et de continents : je croyais à tous les enchantements.

    J’inventai la couleur des voyelles ! — A noir, E blanc, I rouge, O bleu, U vert. — Je réglai la forme et le mouvement de chaque consonne, et, avec des rythmes instinctifs, je me flattai d’inventer un verbe poétique accessible, un jour ou l’autre, à tous les sens. Je réservais la traduction.

    Ce fut d’abord une étude. J’écrivais des silences, des nuits, je notais l’inexprimable. Je fixais des vertiges. »

    C’est là une quête de totalité purement subjectiviste, comme si Georges Sorel avait tenté d’écrire de la poésie, avec une approche vitaliste, sous la forme d’un « élan », d’un vertige total censé être créateur, avec donc non plus l’action (syndicale) comme clef, mais la poésie comme regard censé être transformateur en lui-même.

    Arthur Rimbaud affirme ainsi qu’il sait « aujourd’hui saluer la beauté » et il a réussi, avec le sens de la formule, à fournir une certaine aura eschatologique, pseudo-révolutionnaire, à sa prose :

    « — Il a peut-être des secrets pour changer la vie ?

    Non, il ne faitqu’en chercher, me répliquais-je (…). Il faut être absolument moderne (…). Et à l’aurore, armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes. »

    >Septième partie du dossier
    >Sommaire du dossier des Illuminations d’Arthur Rimbaud

  • Les illuminations d’Arthur Rimbaud – 5e partie : la thèse du poète voyant

    Henri Fantin-Latour , Coin de table, 1872, gros plan sur Paul Verlaine et Arthur Rimbaud

    Henri Fantin-Latour , Coin de table, 1872
    gros plan sur Paul Verlaine et Arthur Rimbaud

    Au cours de ce périple décadent, Arthur Rimbaud théorisa la démarche subjectiviste d’appréhension du monde au moyen de la désorganisation, l’éparpillement, la déconstruction selon ses propres désirs.

    Il en formula notamment les contours dans une lettre depuis fameuse, dite « du voyant », écrite à Paul Demeny le 15 mai 1871.

    Le début de la lettre vise à surpasser l’affirmation romantique, au nom d’une prétention subjectiviste à aller plus loin, à être plus pur encore dans une démarche se voulant totale, à ceci près qu’il n’y a strictement aucun contenu d’affirmé.

    Cela reflète uniquement l’affirmation du moi bourgeois, du moi auto-centré. Voici comment Arthur Rimbaud formule la chose :

    « — Voici de la prose sur l’avenir de la poésie -Toute poésie antique aboutit à la poésie grecque ; Vie harmonieuse. — De la Grèce au mouvement romantique, — moyen-âge, — il y a des lettrés, des versificateurs.

    D’Ennius à Théroldus, de Théroldus à Casimir Delavigne, tout est prose rimée, un jeu, avachissement et gloire d’innombrables générations idiotes : Racine est le pur, le fort, le grand. — On eût soufflé sur ses rimes, brouillé ses hémistiches, que le Divin Sot serait aujourd’hui aussi ignoré que le premier venu auteur d’Origines. — Après Racine, le jeu moisit. Il a duré deux mille ans !

    Ni plaisanterie, ni paradoxe. La raison m’inspire plus de certitudes sur le sujet que n’aurait jamais eu de colères un jeune-France. Du reste, libre aux nouveaux ! d’exécrer les ancêtres : on est chez soi et l’on a le temps.

    On n’a jamais bien jugé le romantisme ; qui l’aurait jugé ? les critiques !! Les romantiques, qui prouvent si bien que la chanson est si peu souvent l’œuvre, c’est-à-dire la pensée chantée et comprise du chanteur ?

    Car Je est un autre. Si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute. Cela m’est évident : j’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute : je lance un coup d’archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou vient d’un bond sur la scène. 

    Si les vieux imbéciles n’avaient pas trouvé du Moi que la signification fausse, nous n’aurions pas à balayer ces millions de squelettes qui, depuis un temps infini, ! ont accumulé les produits de leur intelligence borgnesse, en s’en clamant les auteurs ! »

    L’affirmation selon laquelle « Je est un autre » – c’est-à-dire selon laquelle on peut comme s’observer, observer sa propre existence, est un prolongement direct de René Descartes et de son Cogito ergo sum ; c’est une interprétation historiquement française, due à l’échec du protestantisme, à un matérialisme incapable d’être empiriste.

    « Assister à l’éclosion » de sa propre pensée correspond précisément à ce qu’on retrouvera chez Albert Camus et le courant du « Nouveau roman », dans l’éloge subjectiviste de sa propre individualité comme seule réalité tangible et observable.

    D’où la réduction de l’existence à sa propre observation, sa propre expérimentation, que l’on trouve dans la lettre, qui raconte qu’auparavant, l’humanité n’avait pas saisi la « plénitude du grand songe », c’est-à-dire l’acceptation de la reconnaissance de son individualité comme seule réalité, comme une sorte de songe en tant que tel.

    « L’étude de ce passé charme les curieux : plusieurs s’éjouissent à renouveler ces antiquités : — c’est pour eux.

    L’intelligence universelle a toujours jeté ses idées, naturellement ; les hommes ramassaient une partie de ces fruits du cerveau : on agissait par, on en écrivait des livres : telle allait la marche, l’homme ne se travaillant pas, n’étant pas encore éveillé, ou pas encore dans la plénitude du grand songe.

    Des fonctionnaires, des écrivains : auteur, créateur, poète, cet homme n’a jamais existé !

    La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière ; il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend.

    Dès qu’il la sait, il doit la cultiver ; cela semble simple : en tout cerveau s’accomplit un développement naturel ; tant d’égoïstes se proclament auteurs ; il en est bien d’autres qui s’attribuent leur progrès intellectuel ! — Mais il s’agit de faire l’âme monstrueuse : à l’instar des comprachicos, quoi ! Imaginez un homme s’implantant et se cultivant des verrues sur le visage.

    Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant.

    Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens.

    Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences.

    Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, — et le suprême Savant — Car il arrive à l’inconnu !

    Puisqu’il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu’aucun ! Il arrive à l’inconnu, et quand, affolé, il finirait par perdre l’intelligence de ses visions, il les a vues !

    Qu’il crève dans son bondissement par les choses inouïes et innombrables : viendront d’autres horribles travailleurs ; ils commenceront par les horizons où l’autre s’est affaissé ! »

    Le poète n’est pas ici voyant au sens de quelqu’un découvrant l’avenir, lisant la réalité, mais bien voyant car il se voit lui-même ; il est sa propre aventure.

    La lettre continue de la manière suivante, après qu’Arthur Rimbaud y ait intercalé des vers et quelques remarques :

    « Il est chargé de l’humanité, des animaux même ; il devra faire sentir, palper, écouter ses inventions ; si ce qu’il rapporte de là-bas a forme, il donne forme : si c’est informe, il donne de l’informe. Trouver une langue ;

    — Du reste, toute parole étant idée, le temps d’un langage universel viendra !

    Il faut être académicien, — plus mort qu’un fossile, — pour parfaire un dictionnaire, de quelque langue que ce soit. Des faibles se mettraient à penser sur la première lettre de l’alphabet, qui pourraient vite ruer dans la folie !-

    Cette langue sera de l’âme pour l’âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée et tirant.

    Le poète définirait la quantité d’inconnu s’éveillant en son temps dans l’âme universelle : il donnerait plus — (que la formule de sa pensée, que la notation de sa marche au Progrès ! Enormité devenant norme, absorbée par tous, il serait vraiment un multiplicateur de progrès !

    Cet avenir sera matérialiste, vous le voyez ; — Toujours pleins du Nombre et de l’Harmonie ces poèmes seront faits pour rester. — Au fond, ce serait encore un peu la Poésie grecque. L’art éternel aurait ses fonctions ; comme les poètes sont citoyens. La Poésie ne rhythmera plus l’action, elle sera en avant. »

    La voyance est purement spirituelle ; si Arthur Rimbaud dit que l’avenir sera matérialiste, il le fait au sens où pour lui, la réalité matérielle est façonnée par le « Nombre » et « l’Harmonie », conformément à l’interprétation idéaliste de Pythagore et de Platon.

    La matière est dessinée par la spiritualité et en ce sens le poète « voyant » redessine le monde. On est ici totalement éloigné du romantisme authentique, au sens d’une affirmation des sens, de la Nature.

    Il est vrai que le romantisme français ne consiste déjà pas en cela – contrairement aux romantismes allemand et anglais. Mais chez Arthur Rimbaud, on va encore plus loin dans la dénaturation du romantisme comme aventure esthétique en soi.

    On est ici dans une révolte sans contenu, une esthétique de la contestation au nom d’une contestation du manque de l’esthétique ; c’est un esprit mi-anarchiste, mi-nihiliste, avec un vitalisme de type quasi fasciste.

    Voici comment Arthur Rimbaud réécrit l’histoire du romantisme, assimilant d’ailleurs le Parnasse au romantisme, comme « seconds romantiques » :

    « Les premiers romantiques ont été voyants sans trop bien s’en rendre compte : la culture de leurs âmes s’est commencée aux accidents : locomotives abandonnées, mais brûlantes, que prennent quelque temps les rails.

    — Lamartine est quelquefois voyant, mais étranglé par la forme vieille. — Hugo, trop cabochard, a bien du vu dans les derniers volumes : Les Misérables sont un vrai poème (…).

    Musset est quatorze fois exécrable pour nous, générations douloureuses et prises de visions, — que sa paresse d’ange a insultées ! Ô ! les contes et les proverbes fadasses ! Ô les nuits ! Ô Rolla, Ô Namouna, Ô la Coupe ! Tout est français, c’est-à-dire haïssable au suprême degré ; français, pas parisien ! (…)

    Les seconds romantiques sont très voyants : Th. Gautier, Lec. de Lisle, Th. de Banville.

    Mais inspecter l’invisible et entendre l’inouï étant autre chose que reprendre l’esprit des choses mortes, Baudelaire est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu. Encore a-t-il vécu dans un milieu trop artiste ; et la forme si vantée en lui est mesquine — les inventions d’inconnu réclament des formes nouvelles. »

    Arthur Rimbaud avait tracé une perspective où le contenu était nié, au nom des formes nouvelles. Il va en ce sens effectuer deux tentatives, avec Une saison en enfer, puis avec Illuminations qui consistent en des rêves censés exprimer des sortes de visions éveillées.

    >Sixième partie du dossier
    >Sommaire du dossier des Illuminations d’Arthur Rimbaud

  • Les illuminations d’Arthur Rimbaud – 4e partie : la décadence

    Henri Fantin-Latour , Coin de table, 1872
    Henri Fantin-Latour , Coin de table, 1872
    Paul Verlaine et Arthur Rimbaud sont tout à gauche.

    Arthur Rimbaud ne cessa nullement de vouloir fuir, considérant que son individualité dépendait d’un départ. Aussi décida-t-il alors de chercher des contacts à Paris, où il séjourne du 25 février au 10 mars 1871 et certains pensent qu’il a pu y retourner pour participer à la Commune.

    Il parvient à ses fins en obtenant le soutien de Paul Verlaine, qui fait en sorte qu’il soit accueilli à Paris, où il assiste immédiatement au dîner des « Vilains Bonshommes » du 30 septembre 1871, regroupant les poètes parnassiens.

    Arthur Rimbaud avait écrit un poème, le Bateau ivre, une sorte de boursouflure parnassienne, afin de se faire coopter par son allégeance. Celle-ci eut bien lieu et il participa aux autres dîners, cependant il ne sut pas se tenir et finit par se faire exclure à la suite de celui du 2 mars 1876.

    Il n’avait cessé d’interrompre par des « merde ! » une récitation de poésie d’Auguste Creissels, frappant Etienne Carjat qui l’avait insulté avec la canne-épée d’Alber Mérat.

    Une scission s’était de toutes façons produites au sein du dîner, marquant l’émergence du Cercle des poètes zutiques, qui s’éloignait du Parnasse et de son « art pour l’art » pour basculer dans l’expérimentation, à quoi s’ajoutait une consommation d’opium, de haschich et d’alcool.

    Voici un extrait de la contribution d’Arthur Rimbaud à un « Album zutique ».

    I. Jeune goinfre

    Casquette
    De moire,
    Quéquette
    D’ivoire,
    Toilette
    Très noire,
    Paul guette
    L’armoire,
    Projette
    Languette
    Sur poire,
    S’apprête,
    Baguette,
    Et foire.

    A.R.

    En voici un autre, un « Sonnet du trou du cul » pastichant un autre poète.

    Obscur et froncé comme un œillet violet
    Il respire, humblement tapi parmi la mousse
    Humide encor d’amour qui suit la fuite douce
    Des Fesses blanches jusqu’au cœur de son ourlet.

    Des filaments pareils à des larmes de lait
    Ont pleuré, sous le vent cruel qui les repousse,
    À travers de petits caillots de marne rousse
    Pour s’aller perdre où la pente les appelait.

    Mon Rêve s’aboucha souvent à sa ventouse ;
    Mon âme, du coït matériel jalouse,
    En fit son larmier fauve et son nid de sanglots.

    C’est l’olive pâmée, et la flûte caline ;
    C’est le tube où descend la céleste praline :
    Chanaan féminin dans les moiteurs enclos !

    Albert Mérat.
    P. V. ─ A. R.

    On passe ici du Parnasse à une forme décadente d’expression poétique ; aux prétentions de l’art pour l’art suivent les délires subjectivistes érigées en formes « subversives ».

    Arthur Rimbaud a adopté ce style de bout en bout : vivant sans argent au crochet de ses amis poètes, il se comportait de manière incorrecte, se faisant rabrouer et accueilli ailleurs. Il est protégé en fait par Paul Verlaine (né en 1844), de qui il est l’amant, sauf que celui-ci bascule dans l’alcoolisme, manque de tuer sa femme en l’étranglant ce qui provoque une crise obligeant Arthur Rimbaud à devoir retourner temporairement à Charleville.

    Une fois revenu, la situation décadente se prolonge : dans un café de Pigalle, le Rat-mort, il entaille au canif les poignets et les cuisses de Paul Verlaine, tandis que par la suite ce dernier menace sa femme d’un couteau dans un restaurant.

    Voici la fin d’une lettre écrite par Arthur Rimbaud à Ernest Delahaye, en juin 1872, célébrant l’absinthe et décrivant le style de vie adopté : celui de la bohème en fait improductive mais s’imaginant authentique, car à la marge.

    « Maintenant, c’est la nuit que je travaince. De minuit à cinq heures du matin. Le mois passé, ma chambre, rue Monsieur-le-Prince, donnait sur un jardin du lycée Saint-Louis. Il y avait des arbres énormes sous ma fenêtre étroite. A trois heures du matin, la bougie pâlit; tous les oiseaux crient à la fois dans les arbres: c’est fini.

    Plus de travail. Il me fallait regarder les arbres, le ciel, saisis par cette heure indicible, première du matin. Je voyais les dortoirs du lycée, absolument sourds.

    Et déjà le bruit saccadé, sonore, délicieux des tombereaux sur les boulevards. – je fumais ma pipe-marteau, en crachant sur les tuiles, car c’était une mansarde, ma chambre. A cinq heures, je descendais à l’achat de quelque pain; c’est l’heure. Les ouvriers sont en marche partout.

    C’est l’heure de se soûler chez les marchands de vin, pour moi. je rentrais manger, et me couchais à sept heures du matin, quand le soleil faisait sortir les cloportes de dessous les tuiles. Le premier matin en été, et les soirs de décembre, voilà ce qui m’a ravi toujours ici.

    Mais en ce moment, j’ai une chambre jolie, sur une cour sans fond, mais de trois mètres carrés. – La rue Victor-Cousin fait coin sur la place de la Sorbonne par le café du Bas-Rhin et donne sur la rue Soufflot, à l’autre extrémité. – Là, je bois de l’eau toute la nuit, je ne vois pas le matin, je ne dors pas, j’étouffe. Et voilà.

    Il sera certes fait droit à ta réclamation! N’oublie pas de chier sur La Renaissance, journal littéraire et artistique, si tu le rencontres. J’ai évité jusqu’ici les pestes d’émigrés caropolmerdis. Et merde aux saisons et colrage. »

    Paul Verlaine et Arthur Rimbaud décident alors en juillet 1872 de partir ensemble en Belgique. Ils passent au préalable par Arras, où ils sont un temps amenés au poste de police pour leur comportement, ainsi que Charleville.

    La femme de Paul Verlaine arrivant à Bruxelles, celui-ci décide de repartir, mais Arthur Rimbaud prend secrètement le même train et le convainc de repartir avec lui. Ils vont alors aux Pays-Bas, à Ostende, puis à Londres, où ils fréquentent le milieu contestataire issu de la Commune de Paris, les « zutistes » exprimant une sympathie pour celle-ci.

    Paul Verlaine, malgré sa passion pour Arthur Rimbaud, essaiera pourtant toujours de maintenir son mariage. Il amènera la mère d’Arthur Rimbaud à aller voir sa femme en ce sens, puis ira lui-même en France faire une tentative.

    Le duo Paul Verlaine-Arthur Rimbaud repart ensuite à Londres, vivant de l’argent de la mère du premier et de cours de français. Las des scènes d’Arthur Rimbaud, Paul Verlaine s’enfuit à Bruxelles où il demande à sa femme de revenir sans quoi il se suicidera.

    Arthur Rimbaud lui écrit alors notamment ceci :

    « Reviens, reviens, cher ami, seul ami, reviens. Je te jure que je serai bon. Si j’étais maussade avec toi, c’est une plaisanterie où je me suis entêté, je m’ en repens plus qu’on ne peut dire.

    Reviens, ce sera bien oublié. Quel malheur que tu aies cru à cette plaisanterie. Voilà deux jours que je ne cesse de pleurer. Reviens. Sois courageux, cher ami. Rien n’est perdu.

    Tu n’as qu’à refaire le voyage. Nous revivrons ici bien courageusement, patiemment. Ah ! je t’en supplie (…). Si tu ne veux pas revenir ici, veux-tu que j’aille te trouver où tu es ?

    Oui c’est moi qui ai eu tort. Oh ! tu ne m’oublies pas, dis ? Non, tu ne peux pas m’oublier.? Moi, je t’ai toujours là. Dis, réponds à ton ami, est-ce que nous ne devons plus vivre ensemble ?? Sois courageux. Réponds-moi vite. Je ne puis rester ici plus longtemps.? N’écoute que ton bon cœur. Vite, dis si je dois te rejoindre. À toi toute la vie. »

    Arthur Rimbaud vient alors à Bruxelles et Paul Verlaine, pris de boisson, tire sur lui, le blessant à l’avant-bras. Le premier dénonce le second, Paul Verlaine terminant en prison pour deux ans, malgré que la plainte soit retirée.

    C’était là le point culminant d’une fuite en avant subjectiviste.

    >Cinquième partie du dossier
    >Sommaire du dossier des Illuminations d’Arthur Rimbaud

  • Les illuminations d’Arthur Rimbaud – 3e partie : Le dormeur du val comme collage-assemblage

    Le Dormeur du val est le poème le plus connu du Recueil de Douai laissé par Arthur Rimbaud ; il en est effet le plus réussi. Cela signifie, cependant, qu’il est uniquement techniquement réussi.

    En fait, il correspond à un véritable blocage dans la poésie française, qui n’atteint pas une dimension psychologique et une fluidité adéquate pour être marquante, universelle. C’est ce qu’avaient compris Baudelaire et Paul Verlaine.

    D’ailleurs, tout le symbolisme cherchera – vainement – de dépasser ce rationalisme réducteur qu’est le Parnasse, dont on a ici finalement un brillant exemple.

    Sur le plan formel, ce poème est ainsi impeccable, il représente un vrai travail stylistique, il possède une dimension critique de la guerre. Mais il n’a pas d’âme, ni de rythme ; il n’a aucune profondeur et n’interpelle que par le paradoxe : le soldat jeune dans l’herbe, comme on l’apprend dans le dernier vers conformément au principe du sonnet avec sa chute finale, est mort ou en train de mourir.

    On notera, en effet, que contrairement à l’explication classique et unilatérale, la méthode employée ici témoigne nettement que le soldat est en train de mourir ou vient de mourir. Il y a une correspondance directe entre les trous dans le corps et le val format un trou dans la montagne, où justement coule une rivière, allusion au sang qui coule.

    Cependant, au-delà de sa réussite formelle, il n’est également que réussite formelle. Il est par là même très en-deça de la force, de la densité des tragédies de Racine.

    Voici le poème en tant que tel.

    Le Dormeur du val

    C’est un trou de verdure où chante une rivière
    Accrochant follement aux herbes des haillons
    D’argent; où le soleil, de la montagne fière,
    Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

    Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
    Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
    Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
    Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

    Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
    Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
    Nature, berce-le chaudement : il a froid.

    Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
    Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
    Tranquille. Il a deux trous rouges au coté droit.

    Maintenant, regardons le poème sous deux aspects : le val d’un côté, la nature de l’autre.

    Le Dormeur du val

    C’est un trou de verdure où chante une rivière
    Accrochant follement aux herbes des haillons
    D’argent; où le soleil, de la montagne fière,
    Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
    Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
    Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
    Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
    Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
    Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
    Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
    Nature, berce-le chaudement : il a froid.
    Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
    Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
    Tranquille. Il a deux trous rouges au coté droit.

    Deux autres aspects doivent maintenant attirer notre attention : la lumière et le mouvement.

    Le Dormeur du val

    C’est un trou de verdure où chante une rivière
    Accrochant follement aux herbes des haillons
    D’argent; où le soleil, de la montagne fière,
    Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

    Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
    Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
    Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
    Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

    Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
    Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
    Nature, berce-le chaudement : il a froid.

    Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
    Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
    Tranquille. Il a deux trous rouges au coté droit.

    On peut désormais regarder le sommeil (au sens aussi d’être allongé) et la jeunesse. On notera – autre exemple de déviation dans un esprit purement technique – que les trois premières lettres des derniers vers forment le mot lit.

    Le Dormeur du val

    C’est un trou de verdure où chante une rivière
    Accrochant follement aux herbes des haillons
    D’argent; où le soleil, de la montagne fière,
    Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

    Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
    Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
    Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
    Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

    Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
    Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
    Nature, berce-le chaudement : il a froid.

    Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
    Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
    Tranquille. Il a deux trous rouges au coté droit.

    On peut désormais s’attarder sur les parties du corps (sauf le visage, la tête), ainsi que sur les termes de localisation spatiale.

    Le Dormeur du val

    C’est un trou de verdure  chante une rivière
    Accrochant follement aux herbes des haillons
    D’argent;  le soleil, de la montagne fière,
    Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

    Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
    Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
    Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
    Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

    Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
    Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
    Nature, berce-le chaudement : il a froid.

    Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
    Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
    Tranquille. Il a deux trous rouges au coté droit.

    Regardons de manière spécifique le visage, la tête, ainsi que l’humidité. 

    Le Dormeur du val

    C’est un trou de verdure où chante une rivière
    Accrochant follement aux herbes des haillons
    D’argent; où le soleil, de la montagne fière,
    Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

    Un soldat jeune, bouche ouvertetête nue,
    Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
    Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
    Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

    Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
    Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
    Nature, berce-le chaudement : il a froid.

    Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
    Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
    Tranquille. Il a deux trous rouges au coté droit.

    Repérons les couleurs, ainsi que la maladie, la faiblesse.

    Le Dormeur du val

    C’est un trou de verdure où chante une rivière
    Accrochant follement aux herbes des haillons
    D’argent; où le soleil, de la montagne fière,
    Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

    Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
    Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
    Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
    Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

    Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
    Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
    Nature, berce-le chaudement : il a froid.

    Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
    Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
    Tranquille. Il a deux trous rouges au coté droit.

    Techniquement, c’est un admirable collage, un assemblage méthodique. Cependant, c’est simplement propre et bien construit, avec l’idée de rupture à la toute fin comme seule dynamique, au-delà de la cohérence du tout. Il n’y a pas d’âme.

    >Quatrième partie du dossier
    >Sommaire du dossier des Illuminations d’Arthur Rimbaud

  • Les illuminations d’Arthur Rimbaud – 2e partie : les poèmes de Douai

    Né à Charleville dans les Ardennes, avec son père capitaine d’infanterie qui quittera totalement le foyer et sa mère paysanne, Arthur Rimbaud fut tout d’abord un élève de l’Institution Rossat.

    Il s’agit d’une institution privée accueillant les enfants des couches sociales supérieures de Charleville, disposant d’importants moyens : installations de travaux pratiques dédiées aux études scientifiques et industrielles, un amphithéâtre, un gymnase.

    A partir de la 6e, il rejoint le collège municipal, écrit une lettre en vers latins au Prince impérial en 1868 (à laquelle le précepteur rédigera une réponse, à la surprise du collège). Il remporte le premier prix au Concours de vers latins de l’Académie pour les classes de seconde, trois de ses poèmes étant publiés dans le bulletin officiel de l’Académie de Douai : « Ver erat », « Jamque novus », « Jugurtha ».

    Il gagnera ensuite encore six premiers prix. Il profite ensuite de l’arrivée d’une jeune professeur de lettres, Georges Izambard, donnant des cours de rhétorique aux premières en option littéraire. Arthur Rimbaud envoie alors des poèmes à Théodore de Bainville, s’offusque du patriotisme particulièrement prégnant en 1870, refusant au début août de la même année la proposition faite par d’autres lauréats d’un prix qu’il avait gagné de ne pas recevoir les livres profits en soutien à l’effort de guerre.

    A la fin du mois, il décide alors de s’enfuit sans prévenir personne, mais il est arrêté à la gare du Nord de Paris et envoyé en prison. Georges Izambard envoie de l’argent pour le libérer et l’accueille à Douai pendant trois semaines, et tous deux décident de soutenir la République en s’engageant dans la Garde nationale.

    Arthur Rimbaud est cependant refusé en raison de son jeune âge, mais il soutient les initiatives de Georges Izambard, écrivant pour lui un appel au maire de Douai à fournir des armes à la Garde nationale, participant à son journal Le Libéral du Nord.

    Il retourne finalement à Charleville, s’enfuit à Charleroi en Belgique au bout de dix jours, finit par se réfugier à Douai, finissant d’écrire 22 poèmes formant le Recueil de Douai, mais les gendarmes le ramènent chez sa mère, alors qu’il vient d’avoir seize ans.

    Avant son arrestation, Rimbaud avait dépose les 22 poèmes chez Paul Demeny, un poète également éditeur, ami de Georges Izambard. Par la suite, Arthur Rimbaud lui écrira une lettre, demandant explicitement :

    « Brûlez, je le veux, et je crois que vous respecterez ma volonté comme celle d’un mort, brûlez tous les vers que je fus assez sot pour vous donner lors de mon séjour à Douai. »

    Les feuilles furent vendus à un proche de Georges Izambard, mais une édition eut tout de même lieu en 1919.

    En soi, les poèmes sont simplement besogneux, au mieux ont-ils une certaine tournure relativement réussie. L’esprit reste cependant niais, rempli de clichés, avec une tentative de faire dans le style mais sans aucune maturité. On peut mentionner le poème suivant, assez représentatif.

    Sensation

    Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
    Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
    Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
    Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

    Je ne parlerai pas, je ne penserai rien,
    Mais l’amour infini me montera dans l’âme ;
    Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
    Par la Nature, heureux – comme avec une femme.

    On retrouve ici une candeur, qui rend peut-être la chose appréciable, malgré sa naïveté. Le début du poème « Roman » est pour connu ce regard attendri sur soi-même, pratiquement candide :

    On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
    – Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
    Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
    – On va sous les tilleuls verts de la promenade.

    Les tilleuls sentent bons dans les bons soirs de juin !
    L’air est parfois si doux, qu’on ferme la paupière ;
    Le vent chargé de bruits, – la ville n’est pas loin, –
    A des parfums de vigne et des parfums de bière …

    – Voilà qu’on aperçoit un tout petit chiffon
    D’azur sombre, encadré d’une petite branche,
    Piqué d’une mauvaise étoile, qui se fond
    Avec de doux frissons, petite et toute blanche …

    Nuit de juin ! Dix-sept ans ! – On se laisse griser.
    La sève est du champagne et vous monte à la tête …
    On divague ; on se sent aux lèvres un baiser
    Qui palpite là, comme une petite bête …

    Le poème « Ma Bohême (Fantaisie) » est à lui seul un programme en ce sens, mais on sent justement la maîtrise, par ailleurs de faible niveau, masquée derrière la naïveté trop étalée pour être authentique.

    On est ici, en fait, dans un jeu, dans un exercice de style.

    Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
    Mon paletot aussi devenait idéal ;
    J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
    Oh ! là là ! que d’ amours splendides j’ai rêvées !

    Mon unique culotte avait un large trou.
    – Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
    Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
    – Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou

    Et je les écoutais, assis au bord des routes,
    Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
    De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;

    Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
    Comme des lyres, je tirais les élastiques
    De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !

    D’ailleurs, finalement, l’approche est le plus souvent lourde, avec des mots placés de manière à tenter d’aller dans l’esthétique, mais sans succès, comme ici avec Soleil et Chair.

    Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie,
    Verse l’amour brûlant à la terre ravie,
    Et, quand on est couché sur la vallée, on sent
    Que la terre est nubile et déborde de sang;
    Que son immense sein, soulevé par une âme,
    Est d’amour comme dieu, de chair comme la femme.
    Et qu’il renferme, gros de sève et de rayons,
    Le grand fourmillement de tous les embryons !

    Et tout croît, et tout monte !
    – O Vénus, ô Déesse !
    Je regrette les temps de l’antique jeunesse,
    Des satyres lascifs, des faunes animaux,
    Dieux qui mordaient d’amour l’écorce des rameaux
    Et dans les nénuphars baisaient la Nymphe blonde !
    Je regrette les temps où la sève du monde,
    L’eau du fleuve, le sang rose des arbres verts
    Dans les veines de Pan mettaient un univers !

    >Troisième partie du dossier
    >Sommaire du dossier des Illuminations d’Arthur Rimbaud

  • Les illuminations d’Arthur Rimbaud – 1re partie : le solipsisme

    Arthur Rimbaud (1854-1891) est une figure littéraire extrêmement célèbre en France, ayant été valorisé comme grand symbole de la créativité et de l’adolescence.

    Le fait qu’il est ait écrit des poèmes à quinze ans, fréquenté d’importantes figures littéraires de l’époque comme Paul Verlaine, puis cessé toute écriture à vingt ans, a été une source d’innombrables fascinations, d’autant plus puissantes que l’on ne connaît que très mal sa vie par la suite.

    L’unique photographie connue avec certitude pendant longtemps a renforcé la dimension pratiquement magique de ses poèmes, considérés comme une affirmation de la modernité individuelle, de la libération du moi.

    La réalité est cependant bien différente de cette valorisation idéaliste. En réalité, Arthur Rimbaud est le pur produit de la formation républicaine la plus conformiste émergeant à l’époque. Il a une formation entièrement académique ; c’est un latiniste éprouvé.

    Ce qu’on appelle sa créativité n’est ainsi qu’une lancée délirante dans le solipsisme le plus virulent, accompagnant l’émergence du capitalisme engloutissant toute la société.

    Il y a une dimension romantique chez Arthur Rimbaud : il proteste clairement contre certains traits typiquement bourgeois de la vie quotidienne. Néanmoins, il s’appuie pour cela sur un ultra-individualisme produit par le capitalisme lui-même.

    Ce qui aurait été soit une véritable mélancolie produisant un souci esthétique comme chez Paul Verlaine, ou bien une quête esthétique d’harmonie qu’on trouvera dans le symbolisme.

    Il n’y a toutefois rien de cela chez Arthur Rimbaud et c’est cela qui le conduisit à voir sa démarche littéraire s’effondrer totalement. Une fois atteintes les « illuminations », poèmes ultra-individualistes, quintessence de l’esprit bourgeois allant jusqu’à engloutir son propre environnement dans la subjectivité devenue subjectivisme, Arthur Rimbaud n’avait plus rien à dire.

    Ne restait alors que l’aventure, comme fuite en avant, dans un esprit néo-colonial qui correspond également à une lecture subjectiviste de son propre environnement. Le colon est un bourgeois façonnant le monde selon sa propre lecture des choses, selon son bon vouloir.

    Pour cette raison, Arthur Rimbaud fut toujours célébré par la bourgeoisie, mais en même temps celle-ci ne sut pas quoi en faire. Un certain esprit contestataire pouvait tenter de l’interpréter dans le sens d’une rébellion, au sens de quelqu’un allant jusqu’au bout d’une démarche pour anéantir sa propre démarche en même temps, comme une sorte de créativité s’auto-annihilant.

    C’est là pourtant une lecture à la Nietzsche, avec son éternel retour opposant créativité-naissance et beauté-effondrement, qui n’a pas lieu d’être, car Arthur Rimbaud a assumé un contenu qui est bien celui du subjectivisme, poussé tellement loin qu’il va jusqu’à la négation du monde.

    Arthur Rimbaud a assumé le solipsisme dans l’art et partant de là le caractère suicidaire du subjectivisme en général et dans les arts en particulier. Sa quête esthétique est marquée par une déstructuration générale, un goût prononcé pour l’auto-destruction, et cela de manière d’autant plus forte que, finalement, Arthur Rimbaud ne trouvait rien à dire.

    Rien à dire alors que, en même temps, naissait le mouvement ouvrier, la social-démocratie, l’affirmation du socialisme, l’appel au communisme.

    >Deuxième partie du dossier
    >Sommaire du dossier des Illuminations d’Arthur Rimbaud

  • Gonzalo sur d’autres points

    El Diario : Monsieur le Président, nous sommes arrivés à la fin de cet entretien, plus de 12 heures de conversation avec vous ; maintenant, nous aimerions parler de vous personnellement, du Dr. Abimael Guzman Reynoso. Y a-t-il eu quelqu’un dans votre famille où vos amis qui ait influencé le développement de votre vocation et de votre capacité politique ?

    Président Gonzalo : Je dirais que ce qui a forgé en moi le fait d’avancer dans cette voie, à été la lutte du peuple. J’ai pu voir la combativité du peuple d’Aréquipa lors du soulèvement de 50, et comment la masse, devant la violence barbare d’assassinats de jeunes gens, a répondu avec une furie irrépressible, comment ils se sont battus contre l’armée et l’ont fait reculer jusque dans ses casernes. L’armée dut faire venir des forces supplémentaires pour pouvoir les écraser.

    C’est un fait, pourrais-je dire, qui m’a beaucoup marqué, parce que là, après avoir compris Lénine, j’ai compris comment le peuple, la classe, quand elle s’empare des rues et marche, fait trembler la réaction malgré tout le pouvoir qu’elle a. Un autre fait fut les luttes de 56, là aussi, le peuple combattit, d’autres trafiquèrent, et c’est ce que font la réaction et les opportunistes ; mais le peuple combattit et imposa des conditions ; il y eut des mouvements massifs, fortement décidés. Ces faits, entre autres, m’ont servi à comprendre le pouvoir de masses, que ce sont elles qui font l’histoire.

    De plus, j’ai eu l’occasion, rétrospectivement, de vivre le soulèvement de 48 au port de Callao, voir de mes propres yeux, la bravoure, comment le peuple est généreux d’héroïsme et comment les dirigeants trafiquent. En recherchant un peu dans mes souvenirs, je crois que la Seconde Guerre Mondiale m’a marqué profondément ; oui, je me souviens comme dans un rêve, bien sûr un peu flou, quand la guerre commença en septembre 1939, le tapage et les nouvelles qu’émettaient les anciens postes de radio ; je me souviens aussi des bombardements, des grandes nouvelles ; je me rappelle aussi la fin de la guerre et comment elle fut fêtée : il y eut alors un grand vacarme de sirènes de bateaux, de claxons, une grande joie, la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

    J’ai eu l’occasion de voir, dans les journaux, les 5 grands, comme ils les appelaient, et parmi eux, le camarade Staline. Pour cela, je dirais que ces faits m’ont marqué, et l’idée du pouvoir, des masses et de la capacité transformatrice de la guerre, s’est imprimée en moi ; de manière primaire, confuse, mais cela m’a laissé des traces qui nous façonnent. Je crois que, comme tout communiste, je suis fils de la lutte de classes et du Parti.

    El Diario : A quel âge avez-vous embrassé le marxisme ? Pendant votre vie scolaire ou universitaire ?

    Président Gonzalo : Mon intérêt pour la politique commença à se développer à la fin du secondaire, à partir des événements de l’année 50 ; et des années suivantes, je me rappelle qu’avec d’autres camarades de classe, nous avions formé un cercle pour l’étude des idées politiques ; nous avions un grand intérêt pour étudier toutes les idées politiques. Vous vous imaginez dans quel moment je me trouvais ? C’est là que j’ai commencé. Déjà à l’université, dans la lutte universitaire même, j’ai eu l’occasion de vivre de grandes grèves, de grands affrontements entre apristes et communistes, et des débats.

    C’est ainsi que s’éveilla mon désir de connaître des livres. Quelqu’un eut l’amabilité de m’en prêter un ; je crois que c’était « Un pas en avant, deux pas en arrière », ça m’a plu. A partir de là, je commençais à étudier des livres marxistes. Ensuite, ce qui m’a beaucoup marqué, c’est l’image du camarade Staline ; à cette époque, nous les personnes qui nous approchions du communisme et qui réussissaient à militer, nous nous formions avec les « Questions du Léninisme » ; c’était un livre de chevet.

    Je l’ai étudié comme il se doit, sérieusement, vu son importance. La vie de Staline m’intéressa ; elle était pour nous un exemple de la révolution. J’eus des problèmes pour entrer au Parti Communiste, parce qu’il y avait un critère absurde qui disait que, pour militer, il fallait être fils d’ouvrier et moi, je ne l’étais pas ; mais d’autres avaient un autre critère, et ainsi je pus entrer au Parti. J’ai participé à la défense de Staline : nous le ravir alors, c’était comme nous arracher notre âme ; à cette époque, on diffusait davantage les œuvres de Staline que celles de Lénine, il en était ainsi à cette période.

    Ensuite, je suis parti à Ayacucho pour des raisons de travail et pour ce que je croyais être un temps court, un temps court qui dura des années ; je pensais que ça allait durer un an, vu les circonstances, mais chacun propose et la classe dispose ; la masse et le peuple font de chacun de nous beaucoup de choses. Ayacucho m’a servi à découvrir la paysannerie ; Ayacucho était à l’époque un village très petit ; sur une grande partie, c’était la campagne.

    Aujourd’hui encore, si on va dans les quartiers pauvres à la sortie de la ville, on trouve encore des paysans et à un quart d’heure de la ville, c’est déjà la campagne. Ici aussi, j’ai commencé à comprendre le Président Mao Zedong, j’ai avancé dans ma compréhension du marxisme. La lutte entre marxisme et révisionnisme a eu beaucoup d’importance dans ma formation.

    Quelqu’un a eu la malchance de me prêter la fameuse Lettre Chinoise, la  » Proposition au sujet de la ligne générale du Mouvement Communiste International  » ; il me la prêtait avec l’obligation de la lui rendre ; évidemment, l’appropriation était compréhensible. La lettre m’amena à approfondir la grande lutte entre marxisme et révisionnisme.

    Je me suis consacré au travail du Parti et à balayer le révisionnisme, je crois qu’ensemble, avec d’autres camarades, nous avons réussi, en laissant de côté un ou deux, en guise de remède comme on dit, ils étaient déjà invariablement révisionnistes.

    Ayacucho a eu pour moi une immense importance, et cela a un rapport avec la voie de la révolution, et aussi avec les enseignements du Président Mao. Ainsi, je suis devenu marxiste et le Parti m’a façonné avec l’acier, avec patience je crois.

    El Diario : On sait que vous êtes allé en Chine. Avez-vous connu le Président Mao ?

    Président Gonzalo : Je n’ai pas eu cette grande chance, j’ai seulement pu l’apercevoir de loin ; mais j’ai pu voir la reconnaissance et la profonde affection d’un peuple envers un grand dirigeant, un extraordinaire marxiste, à un sommet du marxisme. Je n’ai pas eu la chance, je le redis, de faire sa connaissance ; la délégation à laquelle j’étais assigné, commit beaucoup d’erreurs, de sottes arrogances. Je crois que cela détermina le fait qu’on ne nous concède pas ce privilège.

    Oui, je suis allé en Chine ; et là, j’ai eu la possibilité –que je souhaite à beaucoup- d’être dans une École où on enseignait d’abord la politique, des questions internationales jusqu’à la philosophie marxiste ; c’étaient des cours magistraux, donnés par des révolutionnaires confirmés et hautement compétents, de grands éducateurs. Parmi eux, je veux citer l’éducateur qui nous enseigna le travail ouvert et clandestin, un homme qui avait voué toute sa vie au Parti, totalement. Pendant plusieurs années, il fut un exemple vivant, un éducateur extraordinaire.

    Il nous apprit beaucoup de choses ; il voulut nous en enseigner davantage, mais certains s’y opposèrent car, dans la vie, il y a de tout. Ensuite, on nous enseigne des questions militaires, mais on commençait toujours par la politique, par la guerre populaire ; puis, on traitait de la construction des forces armées, de la stratégie et de la tactique ; et ils nous enseignaient aussi la partie pratique, sur les embuscades, les assauts, les déplacements, la façon de préparer des explosifs de démolition.

    Quand nous manipulions des éléments chimiques très dangereux, ils nous recommandaient d’avoir toujours à l’esprit l’idéologie, qu’elle nous rendrait capables de tout faire et de le faire bien ; nous avons appris à faire nos premières charges de démolition. Pour moi, le fait d’avoir été éduqué dans la plus grande Ecole du marxisme qu’ait porté la Terre est un exemple, un souvenir ineffaçable, une grande leçon et un grand pas dans ma formation.

    Bon, si vous voulez une anecdote, en voici une : quand nous avons terminé le cours sur les explosifs, ils nous ont dit qu’on pouvait tout faire exploser ; alors, dans la partie finale, nous prenions un style et il explosait ; nous nous asseyions et cela explosait aussi ; c’était une espèce de feu d’artifice ; c’étaient des choses parfaitement calculées pour nous montrer qu’on pouvait tout faire sauter, à condition de s’ingénier à le faire.

    Nous nous demandions constamment : comment allons-nous faire ceci ? cela ? Ils nous disaient : ne vous inquiétez pas, vous avez déjà appris suffisamment, pensez que les masses sont capables de tout et qu’elles ont un savoir-faire inépuisable ; ce que nous vous avons enseigné, les masses vont le faire et elles vont, à nouveau, vous l’enseigner ; c’est ainsi qu’ils nous parlaient. Cette École a été très utile pour ma formation et pour commencer à apprécier la valeur du Président Mao Zedong.

    Puis, j’ai étudié un peu plus, j’ai cherché à appliquer et je crois que j’ai encore beaucoup à apprendre du Président Mao Zedong, du maoïsme, de sa propre action. Non pas qu’on cherche à se comparer, simplement on fixe les grands sommets pour nous orienter vers nos objectifs.

    Mon séjour en Chine a été une expérience inoubliable. J’y suis allé aussi lors d’une autre occasion, quand la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne commençait, nous demandâmes qu’on nous explique la Pensée Mao Zedong, comme on l’appelait alors ; ils nous l’enseignèrent à nouveau ; cela m’aida à comprendre davantage ou, plutôt, un peu plus.

    Et quelque chose semble ironique : j’ai commençait à apprécier et à estimer Mariátegui en comprenant le Président Mao Zedong ; comme il nous demande d’appliquer le marxisme avec créativité, j’ai recommencé à étudier Mariátegui et j’ai compris que nous avions là un marxiste-léniniste de premier ordre, qui avait analysé à fond notre société. Cela semble ironique, mais c’est la vérité.

    El Diario : Quel est votre sentiment en tant qu’homme le plus recherché par les forces répressives de ce gouvernement ?

    Président Gonzalo : Qu’on accomplit bien une responsabilité et qu’on s’efforce de mener à bien sa tâche ; le reste n’est que responsabilité envers la révolution, le Parti, le marxisme-léninisme-maoïsme, la classe, le peuple et les masses.

    Nous pensons toujours que nous avons la vie au bout des doigts, autrement nous ne pourrions être des communistes. En conséquence, ils ont leurs raisons ; les miennes sont celles que le Parti établit. C’est vis à vis d’elles que j’espère être toujours plus fidèle et plus utile, puisque nous pouvons perdre la vie au détour de n’importe quel chemin ; de plus elle a un début et une fin, un temps de plus, un temps de moins.

    El Diario : Avez-vous une peur quelconque ?

    Président Gonzalo : Peur ? Je crois que c’est une contradiction, avoir peur et ne pas avoir peur ; le problème est de saisir l’idéologie et de fortifier en nous le courage. C’est l’idéologie qui nous rende courageux, qui nous permet de n’avoir pas froid aux yeux. A mon avis, personne ne naît courageux ; c’est la société, la lutte de classes, le prolétariat, le Parti et l’idéologie qui nourrissent le courage des communistes. Quelle pourrait être la plus grande crainte ?

    Mourir ? Je crois, comme matérialiste, que la vie s’achève un jour, et ce qui prédomine en moi, c’est l’optimisme et la conviction que la tâche que j’accomplis, d’autres la continueront jusqu’à l’accomplissement de nos tâches définitives, le communisme ; car la crainte que je pourrais avoir, serait que notre tâche ne soit pas continuée, mais cette crainte s’estompe quand on a confiance dans les masses.

    La pire crainte, en fin de compte, c’est de n’avoir pas confiance dans les masses, de se croire indispensable, le nombril du monde, je crois que c’est cela ; et si on est formé par le Parti, avec l’idéologie du prolétariat, le maoïsme principalement, alors on comprend que ce sont les masses qui font l’histoire, que c’est le Parti qui fait la révolution, que la marche de l’histoire est définie, que la révolution est la tendance principale. Alors, la peur s’estompe et il ne reste que la satisfaction d’être une pierre parmi les autres pierres, qui servira à instaurer les bases pour qu’un jour le communisme brille et illumine toute la Terre.

    El Diario : Que fait le Président Gonzalo quand il ne s’occupe pas de politique et de guerre ? Quels livres lit-il ?

    Président Gonzalo : Souvent je n’ai pas le temps de lire ce dont j’ai envie. Ce que j’aime lire ? Je lis beaucoup de biographies ; la littérature me semble une grande expression de l’art. J’aime lire par exemple Shakespeare, l’étudier aussi ; je pense qu’en l’étudiant, on rencontre des problèmes politiques, des leçons bien claires, dans « Jules César » ou dans « Macbeth » par exemple.

    La littérature me plaît mais la politique l’emporte toujours et m’amène à rechercher le sens politique, le problème de fond, car, en fin de compte, derrière chaque grand artiste, il y a un homme politique, il y a un homme de son temps qui combat dans la lutte de classes. J’ai lu aussi des romans péruviens et il m’arrive de les relire.

    J’ai lu une fois un petit ouvrage de Thomas Mann sur Moïse ; ensuite, nous l’avons utilisé pour l’interprétation politique de la lutte que nous étions en train de livrer à cette époque. Dans une partie de cette ouvrage sur Moïse, il est écrit qu’on peut enfreindre la loi, mais pas la nier.

    Comment l’ai-je interprété ? Je le fis ainsi : enfreindre la loi, c’est se heurter au marxisme ; on peut permettre les déviations, qu’on ait des idées erronées, mais on ne peut pas tolérer la négation du marxisme. Je crois qu’on apprend beaucoup de choses. J’ai lu « Le monde est grand et étrange », « Tous les sangs », et je les ai aussi étudiés.

    J’aime la littérature. Avant, j’aimais la musique, maintenant, elle me plaît moins. D’autres penchants ? Les livres de sciences. J’aime les sciences. Dans mes débuts à l’université, je m’inscrivis en Droit puisque je devais avoir une profession ; mais la philosophie me plaisait, alors je me mis à l’étudier et c’est là que je découvris les sciences. Alors, je me suis consacré ardemment à étudier des questions de mathématiques, de physique ; il me semble que la physique est une science extraordinaire et c’est juste quand on dit que c’est « l’aventure de la pensée ». Le problème des sciences réside dans le fait que les scientifiques, dont le point de départ est matérialiste, sont bons tant qu’ils restent dans le champ des sciences ; mais quand ils veulent faire de la philosophie ou autre chose, s’ils ne sont pas matérialistes, ils tombent dans l’idéalisme, ce qui arriva à Einstein lui-même.

    Les sciences me plaisent, elles me semblent être une chose extraordinaire. Je dirai que ce goût pour les sciences, on peut le trouver dans la thèse que j’ai faite pour ma maîtrise en philosophie ; c’est une analyse du temps et de l’espace selon Kant du point de vue du marxisme, et je me suis servi des mathématiques et de la physique. J’aimerais pouvoir la relire, parce que le temps me manque pour étudier à nouveau tout cela, mais je n’en ai même pas un exemplaire.

    El Diario : Aimez-vous aussi la poésie ?

    Président Gonzalo : Oui, à une époque, j’ai parcouru et étudié la poésie universelle dans une anthologie ; quelques ouvrages de poésie de la bibliothèque de l’université me le permirent. La poésie me plaît, c’est une des choses que j’admire aussi chez le Président Mao, qui était un poète extraordinaire. Sur la poésie péruvienne, je peux dire que Vallejo est un des nôtres ; en plus, il était communiste.

    El Diario : Certains disent que vos discours Le Drapeau et ILA 80 sont de beaux poèmes politiques de guerre. Qu’en dites-vous, monsieur le Président ?

    Président Gonzalo : Ce que je peux vous dire, c’est que parfois, en politique, il faut laisser s’exprimer l’âme, pour que la passion, le sentiment profond, impulse notre volonté. Dans ces circonstances, c’est le cœur qui parle, comme on dit : je crois que s’y exprime la passion révolutionnaire qui est indispensable à la guerre. Je ne saurais préciser la valeur littéraire de ces discours.

    El Diario : Vous arrive-t-il d’être déprimé ?

    Président Gonzalo : Non. Je crois que j’ai un optimisme presque organique ; je m’occupe plus de problèmes où il s’agit de compréhension des choses et de volonté que de problèmes de sentiments et de dépression.

    Je crois, au contraire, que je suis très optimiste ; c’est le marxisme, le Président Mao, qui nous font comprendre que nous, les hommes, les communistes en particulier, sommes optimistes. Toutes les fois que me trouve dans des situations difficiles, je fais un effort pour trouver ce qui est positif, ou je cherche le peu de positif qui reste à un moment donné pour se développer.

    Jamais tout ne peut pas être complètement noir, de même que tout ne peut pas être complètement rouge. Même si nous avions subi une grande défaite, ce qui ne nous est jamais arrivé, il y aurait toujours quelque chose de positif ; le problème est de tirer la leçon et de continuer à travailler sur ce qui est positif ; on trouve toujours quelqu’un qui nous soutient, qui nous donne la chaleur intense en nous aidant dans le combat, puisque le communisme unit.

    El Diario : Avez-vous des amis ?

    Président Gonzalo : Non, je n’en ai pas ; mais j’ai des camarades et je suis très fier de les avoir.

    El Diario : Monsieur le Président, nous avons atteint la fin de cet entretien.

    Président Gonzalo : Nous avons travaillé beaucoup ; et je vous remercie infiniment de vos efforts, des péripéties que vous avez dû surmonter pour que nous puissions nous rencontrer et offrir ce premier entretien. Cet entretien qui peut être présenté au peuple, par un journal comme El Diario, qui lutte avec ténacité pour servir le peuple ; merci infiniment.

    El Diario : Nous vous remercions, monsieur le Président.

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  • Gonzalo sur la politique internationale

    El Diario : Monsieur le Président, parlons maintenant, de politique internationale. Votre but étant le communisme, comment voyez-vous les conditions de la révolution mondiale et quels problèmes doivent résoudre les communistes ?

    Président Gonzalo : Nous partons du fait que la révolution est la tendance principale et qu’elle continue à se développer comme l’affirma le Président Mao. Nous considérons qu’après la Seconde Guerre Mondial, il n’y a pas eu de stabilité, pas même une stabilité relative. Le monde entier a été secoué par de grandes tempêtes révolutionnaires, par vagues bien sûr, parce qu’il ne pouvait pas en être autrement.

    Nous considérons qu’il existe trois contradictions fondamentales, dans cette situation en perspective où nous évoluons ! La première et la principale contradiction est celle entre nations opprimées, d’un côté, et superpuissances et puissances impérialistes, de l’autre –même si c’était une redondance, nous préférons les énumérer ainsi pour que ce soit clair- ; une telle contradiction trouve sa solution dans la révolution démocratique, avec la guerre populaire.

    Une deuxième contradiction fondamentale, c’est prolétariat-bourgeoisie ; celle-ci se règle avec des révolutions socialistes et des révolutions culturelles prolétariennes, également au moyen de la guerre populaire, et j’insiste, tout en considérant le type de révolution et les conditions spécifiques de chaque pays.

    Une troisième contradiction, c’est celle entre les impérialistes, entre les superpuissances, entre les superpuissances et les puissances impérialistes, et entre les puissances impérialistes elles-mêmes ; ces contradictions, entre eux, se règlent par des agressions, des guerres impérialistes et visent à définir l’hégémonie de la domination du monde dans une Troisième Guerre Mondiale.

    Pourquoi les plaçons-nous dans cet ordre? Parce que c’est ainsi que nous considérons leur ordre d’importance ; nous insistons sur le fait que la contradiction nations opprimées, d’un côté, et superpuissances impérialistes et puissances impérialistes, de l’autre, est la contradiction principale et qu’elle est de grande importance pour la révolution mondiale ; à notre avis, cela a un rapport avec le poids des masses dans l’histoire ; il est évident que l’immense majorité des masses qui peuplent la Terre, vivent dans les nations opprimées ; de même, il est évident que les populations des nations opprimées s’accroissent quatre fois plus rapidement que celles vivant dans les pays impérialistes.

    Si nous appliquons le principe qui dit que ce sont les masses qui font l’histoire, si nous tenons compte du fait que la Seconde Guerre Mondiale a mis les masses debout politiquement (comme le reconnaissent, même les conseillers réactionnaires des États-Unis), nous pensons qu’une guerre mondiale engendrée par la contradiction entre les impérialistes serait une nouvelle guerre inter-impérialiste pour l’hégémonie mondiale et le partage de la Terre, donc le partage du butin ; le butin ; ce sont les nations opprimées, et donc ils seraient obligés d’occuper notre territoire pour nous dominer ; et ainsi, à nouveau, la contradiction principale redevient la contradiction entre les masses opprimées, d’un côté, et les superpuissances et puissances impérialistes de l’autre.

    Nous y croyons fermement. Ce n’est pas, comme le disent certains, par chauvinisme d’appartenir aux pays ou aux nations opprimées ; non, ce n’est pas cela ; c’est la tendance que montre l’histoire ; c’est le poids de la masse dans l’histoire et, de plus, les faits le démontrent peu à peu que c’est avec la lutte qui se livre dans les nations opprimées que l’impérialisme s’enfonce et se ruine de plus en plus ; ce sont des faits irréfutables.

    Par conséquent nous considérons que cette contradiction principale est d’une grande importance ; elle est décisive pour balayer l’impérialisme et la réaction de la face de la Terre à condition que la révolution mondiale soit commandée et guidée par le marxisme-léninisme-maoïsme, que se développent des partis communistes basés sur cette idéologie et que soit assumée la guerre populaire, et j’insiste encore une fois, suivant le type de révolution et les conditions spécifiques.

    Pour cette raison, nous croyons que c’est d’une grande importance, cette contradiction principale telle que nous la posons. Il y en a qui ne le croient pas et pensent que, au fond, nous ne croyons pas à la révolution dans les pays impérialistes ; nous croyons que ces révolutions sont une nécessité historique et que le développement de la contradiction principale leur offre de meilleures conditions ; et que, même, une guerre mondiale créera de meilleures conditions pour que se fasse la révolution ; et qu’elle se fera parce que c’est une nécessité.

    En fin de compte, les deux grandes forces, les deux grandes révolutions, la révolution démocratique et la révolution socialiste, doivent confluer pour que triomphe la révolution dans le monde ; sinon , on ne pourra pas balayer l’impérialisme et la réaction de l’ensemble du monde. Voilà ce que nous pensons.

    Pou nous, quelle est la question clé ? C’est celle du marxisme-léninisme-maoïsme, parce que le problème est d’avoir une ligne idéologique et politique, juste et correcte. Il ne peut ne pas y avoir une ligne politique juste et correcte s’il n’y a pas une idéologie juste et correcte ; c’est pour cela que nous croyons que la clé de tout est l’idéologie : le marxisme-léninisme-maoïsme, principalement le maoïsme.

    En deuxième lieu : développer des partis communistes ; pourquoi ? Parce que les masses sont assoiffées de révolution, elles sont prêtes pour l’action et elles clament révolution ; donc, le problème ne réside pas dans les masses ; le prolétariat clame révolution ; les nations opprimées, les peuples du monde, crient révolution ; alors nous avons besoin de développer des partis communistes ; le reste –et j’insiste- ce sont les masses qui le font ; ce sont elles qui font l’histoire et qui balayeront l’impérialisme et la réaction mondiale, avec la guerre populaire.

    El Diario : Quel rôle joue l’impérialisme nord-américain dans le monde ? Quelle est votre opinion sur la  » guerre des étoiles  » ? Que pensez-vous des plans, dits de désarmement, entre USA-URSS et d’autres pays européens ?

    Président Gonzalo : En synthèse, l’impérialisme nord-américain, après la Seconde Guerre Mondiale, surgit comme gendarme de la réaction dans le monde ; mais ensuite, il engagea la lutte pour l’hégémonie mondiale avec le social-impérialisme. Ainsi, tous les deux élaborent de grands plans en vue d’établir leur hégémonie. C’est à cela qu’est lié le problème de la « guerre des étoiles », ou en d’autres termes de « l’initiative de défense stratégique », son nom officiel.

    Le gouvernement nord-américain, plus particulièrement avec Reagan, a commencé à élaborer de grands plans stratégiques, embrassant les décennies du siècle à venir ; c’est-à-dire qu’ils pensent déjà à leur survie, à la façon de maintenir leur hégémonie et de mettre en déroute le social-impérialisme ; dans ce cadre, la « guerre des étoiles » n’est rien de plus qu’un plan qui cherche à tendre un bouclier empêchant des fusées porteuses de charges atomiques d’atteindre leurs villes, tout en leur permettant de se protéger s’ils déclenchent une attaque atomique contre le social-impérialisme.

    Mais tout cela n’est que plans et désirs, parce que face à un plan, il y a un autre plan ; il y a peu de temps, les soviétiques répondirent qu’il y avait différentes façons de contrecarrer le prétendu bouclier et que, de cette façon, il n’y aurait pas, par conséquent, de soi-disant invulnérabilité des États-Unis.

    Pour ce qui est des plans de désarmement entre les superpuissances, les États-Unis et l’Union Soviétique, nous devons partir de ce que le marxisme, ainsi que notre propre fondateur, nous enseigne : plus ils parlent de paix, plus ils se préparent pour la guerre. Beaucoup de verbiage, beaucoup de démagogie trompeuse autour des plans de désarmement signés pour le retrait des fusées en Europe, des fusées à moyenne portée ; parce que ce qu’on désarme, ce sont les fusées, c’est-à-dire le véhicule, mais on conserve la charge pour l’utiliser à sa convenance. Voilà l’essence de la farce.

    Les puissances européennes, évidemment, se situent dans le cadre des deux superpuissances et elles aimeraient empêcher que la guerre se livre en Europe, s’il devait y avoir une guerre mondiale. C’est cela qu’elles voudraient, parce que au fond, leurs désirs sont les mêmes que ceux du Japon : elles voudraient que les deux tigres luttent, pour qu’ensuite l’une d’elles surgisse en tant que grande puissance, comme le maître suprême.

    C’est de cela que rêvent le Japon, l’Allemagne Fédérale, etc. : ce sont leurs rêves. Mais une guerre mondiale se livrerait aussi en Europe, et les deux superpuissances connaissent bien ces désirs ; c’est ainsi que le problème entraîne des contradictions entre les puissances et les superpuissances, contradictions qui se développent –il ne peut en être autrement- dans des collusions et de luttes complexes.

    Il est évident aussi que les puissances luttent pour concrétiser leurs rêves : le japon avec la domination sur l’Asie et l’Amérique du Sud, l’Europe avec celle sur l’Afrique et l’Amérique Latine ; et de là, leur action qui ne se limite pas à ces régions, de là, leurs rôles d’intermédiaires, de là, leurs politiques propres et discordantes, dans la mesure où ils défendent leurs propres intérêts.

    Nous croyons que tout cela n’est que débats démagogiques, n’ayant pour but que de cacher de vastes plans, afin de se disputer l’hégémonie mondiale ; voilà ce que nous croyons, parce que l’impérialisme ne cessera pas d’être impérialisme, jusqu’à ce que nous le balayons. Son essence ne change pas, son essence est d’exploiter et d’opprimer, de réduire les nations à l’état de semi-colonies et si possible de colonies ; et alors, il est temps maintenant de réutiliser ces termes, ce sont des termes établis scientifiquement par Lénine.

    Mais le problème est que, face à ces plans, le principal n’est pas simplement de les démasquer, mais de se préparer contre eux ; et il n’y a qu’une façon de le faire, c’est de s’y préparer avec la guerre populaire. Le Président Mao nous disait : il faut se préparer et se préparer des maintenant contre une guerre impérialiste et principalement contre une guerre atomique ; comment allons-nous leur répondre ?

    Évidemment, seulement avec la guerre populaire, il n’y pas d’autre forme, voilà le principal. Les démasquer fait partie d’une campagne de propagande qui montre au monde leurs sinistres et macabres plans d’énorme génocide, mais jamais cela n’arrête une guerre. Staline l’a dit clairement ; ces campagnes n’arrêtent jamais une guerre ; alors la seule chose à faire si nous voulons empêcher une guerre, c’est de développer la révolution. Comme l’enseigne le Président Mao : soit la révolution empêche la guerre mondiale, soit cette dernière attise la révolution. Voilà, je crois, la situation telle qu’elle se pose à nous.

    El Diario : M. le Président, que pensez-vous de l’État Soviétique ? Ces derniers temps, on parle beaucoup de la Perestroïka, comment voyez-vous cette question ? Que pensez-vous des attaques visant Staline ?

    Président Gonzalo : Dernièrement la Perestroïka est un thème mis à toutes les sauces. La Perestroïka, de ce que j’ai pu voir, parce que je crois qu’il faut l’étudier avec attention et voir toute la pourriture révisionniste qu’elle renferme, fait partie de cette nouvelle offensive du révisionnisme contemporain que nous, communistes, affrontons.

    Gorbatchev est un révisionniste fini, de la tête aux pieds. Il nous dit qu’un fait historique d’une grande importance, en URSS, fut le XXème Congrès du PCUS, ce néfaste Congrès au cours duquel on attaqua la dictature du prolétariat sous prétexte de combattre Staline. Il admire Khrouchtchev, le cite comme un grand homme, audacieux, déterminé, dont le problème fut, dit-il, de tomber dans le subjectivisme, de ne pas élaborer des plans corrects, mais de plans excessifs, inapplicables qui échouèrent. Khrouchtchev est le maître de Gorbatchev, qui tire de lui des leçons, comme il en a tiré aussi de son autre maître, Brejnev, même s’il veut s’en différencier.

    De la Perestroïka, il faut tirer une question centrale ; Gorbatchev lui-même dit : Pérestroïka est un terme qui a beaucoup de significations mais s’il nous fallait choisir  » le mot qui exprime son essence avec le plus de justesse, nous dirions alors que la Perestroïka est une révolution « , mais il y en a quelques-uns qui ne veulent pas le voir ainsi.

    Il faut faire très attention à tout cela, ce n’est pas une révolution. C’est plutôt un développement de la contre-révolution, c’est un développement de la restauration du capitalisme plus effréné, afin de balayer le peu qui reste et qui puisse servir à la classe et au peuple pour combattre le social-impérialisme. Il dit : c’est une révolution parce qu’on parle d’une accélération au niveau économique et social, d’un changement radical et d’une marche vers un nouveau type d’État. Quel serait ce nouveau type d’État ?

    Ce serait un État plus effrontément bourgeois, avec une structure d’une nouvelle modalité qu’ils n’arrivent pas encore à préciser, du fait qu’ils ne l’ont même pas définie dans leur dernière Conférence. Ils n’ont absolument pas honte ; voilà pourquoi il est nécessaire d’attirer l’attention sur ce terme, parce qu’en général, on dit que « la perestroïka est une restructuration » et c’est tout ; mais Gorbatchev dit que le terme qui correspond parfaitement est « révolution » et cela, c’est une dérision, un sarcasme, une duperie inouïe.

    Que nous présente encore cet individu ? Il développe des positions de Khrouchtchev. Voyons le problème de la guerre. Il dit qu’une guerre mondiale entraîne la disparition de l’humanité ; dans ses propres termes : «  dans cette guerre il n’y aura ni vainqueurs ni vaincus, vu qu’il n’y aura pas de survivants », « si jamais un conflit nucléaire devait éclater, tous les êtres vivants seraient effacés de la surface de la Terre » et « il n’y aurait ni vainqueurs ni vaincus dans un conflit nucléaire généralisé : la civilisation mondiale périrait inévitablement. »

    Mais, qu’ajoute-t-il ? Permettez-moi de dire ceci : « La politique doit se fonder sur des réalités. Et aujourd’hui la réalité la plus formidable au monde réside dans les vastes arsenaux militaires, en armes conventionnelles comme nucléaires des États-Unis et de l’Union Soviétique. Ce fait donne à nous deux pays une responsabilité particulière par rapport au monde. »

    De quoi parle-t-il ? Il nous dit de façon effronté que sa puissance est basée sur le pouvoir des armes, il arbore ce pouvoir belliqueux l’associant à celui de l’impérialisme yankee et nous dit qu’ils sont la grande réalité de la Terre. Par conséquent, nous dépendons d’eux. C’est cela qu’il nous propose, la politique de superpuissances la plus effrontée et la plus effrénée que nous ayons vue.

    Mais, si une guerre atomique met en péril l’humanité, une guerre conventionnelle peut de la même manière, selon lui, accomplir un but identique du fait des instruments meurtriers et sophistiqués existant aujourd’hui ; Gorbatchev cherche donc à nous imposer la politique de soumission la plus monstrueuse, face à laquelle nous arborons davantage encore le  » On a raison de se révolter  » du Président Mao Zedong.

    Ses élucubrations révisionnistes amènent le grand pontife russe à proposer « une pensée nouvelle », attention ! « une pensée nouvelle » qui « tienne compte, au dessus des idéologies et des différences, de l’intérêt suprême de l’humanité ». Où est passé le souvenir formel du critère de classe ? N’est-ce pas une réédition à un degré supérieur de ce que prêchait Khrouchtchev ? Bien sûr !

    Et la partie essentielle de cette « pensée » est que la guerre n’est plus la continuation de la politique au moyen des armes. Il dit ceci : « Classique en son temps, le précepte de Clausewitz selon lequel ‘la guerre est la poursuite de la politique par d’autres moyens’ est devenu irrémédiablement démodé. Il appartient désormais aux bibliothèques. »

    Mais c’est une thèse soutenue par Lénine et reprise par le Président Mao au cours de ce siècle et c’est un principe clé dans la théorie militaire du prolétariat à laquelle nous nous référons dans la guerre populaire.

    Gorbatchev affronte donc ouvertement Lénine, comme l’affronte Khrouchtchev ; et les dites « nouvelles conditions » qui conduisent à réviser les principes du marxisme sont de vieilles histoires qui datent du vieux révisionnisme ; et que ce nouveau gonfanon révisionniste ne se console pas avec ces propos : « En revanche, surgissent heureusement, aussi bien à l’Ouest qu’à l’Est, de nouvelles pensées, de nouveaux hommes qui songent déjà à se mettre d’accord, parce que la seule possibilité, c’est la coopération  » ; nous, nous disons la collusion entre les deux superpuissances tant qu’il n’y a pas de conditions pour qu’ils se battent dans une IIIème Guerre Mondiale, si nous ne les balayons pas avant.

    C’est là le fond du problème ; et je crois nécessaire d’insister sur le fait de Gorbatchev, allant sinistrement contre Lénine, feint sans vergogne de s’appeler « partisan de Lénine », d’appliquer un « retour à Lénine », et « d’avoir appris beaucoup de Lénine » ; voilà donc ce qu’il nous dit et je crois que ce sont des choses très corrosives.

    D’autre part, après avoir proposé de « baser la politique internationale sur des normes morales et éthiques communes à tout le genre humain », Gorbatchev dit : « Que fera-t-on alors des complexes militaro-industriels ? demandent-ils… d’abord, chaque emploi dans un complexe militaro-industriel coûte deux ou trois fois plus que dans l’industrie civile. On pourrait créer trois emplois à la place. En second lieu, des aujourd’hui, des secteurs de l’économie militaire sont connectés avec l’économie civile, apportant beaucoup à cette dernière. Par conséquent, cela constitue un point de départ pour employer leurs possibilités à des fins pacifiques. En troisième lieu, l’Union Soviétique et les États-Unis pourraient s’accorder sur de vastes programmes communs, rassemblant nos ressources et nos potentiels intellectuels et scientifiques, afin de régler les problèmes les plus divers au profit de l’humanité. »

    Il carillonne donc comme Khrouchtchev et va à l’encontre de la conception de Lénine sur l’impérialisme et le processus économique ; là encore, il est anti-léniniste, il l’est en tous points, on le voit bien dans ses critères, similaires à ceux de Deng, de séparer le parti de l’État ou d’impulser la croissance économique chaque fois plus au service de la bourgeoisie et de l’impérialisme.

    Le social-impérialiste Gorbatchev, comme les autres impérialistes, propose de combattre le dit terrorisme, il s’engage lui-même à le faire et à utiliser les Nations Unies aussi dans ce but.

    Je crois finalement que ça vaut la peine de dire un mot sur la manière dont il voit l’Amérique Latine et particulièrement le Nicaragua : au Nicaragua, ce qui s’est produit, selon lui, c’est qu’une dictature, celle de Somoza, à été renversée par une révolution populaire. Il ratifie alors les critères qui ont guidé et guident encore le processus nicaraguayen ; c’est aussi très expressif. Et que disent-ils de l’Amérique Latine ? Qu’eux, les Soviétiques, n’ont aucun intérêt à perturber la domination des États-Unis ou, comme ils disent, les relations qui existent entre les États-Unis et l’Amérique Latine. Je crois que cela nous concerne directement.

    Que veulent les sociaux-impérialistes de l’URSS ? Dans la période actuelle, ils essaient de voir comment régler les problèmes urgents dans un moment principalement de collusion et donc, ils cherchent à contenir ou enrayer les points conflictuels afin de se consacrer au développement de leurs systèmes économiques, tandis qu’ils continuent de préparer leurs vastes plans pour reprendre la lutte pour l’hégémonie mondiale. La collusion est transitoire, la rivalité comme la lutte, ça c’est l’absolu.

    En conclusion, la perestroïka est un sinistre plan de poursuite du révisionnisme contemporain, initié par Khrouchtchev ; il s’agit d’une nouvelle offensive contre-révolutionnaire du révisionnisme.

    Quant aux attaques contre Staline, Khrouchtchev en proféra ; Gorbatchev aussi, mais en allant encore plus loin, réhabilitant ceux que Staline condamna. Une des choses qui doivent faire beaucoup réfléchir, c’est la réhabilitation de Boukharine et d’autres.

    Ils sont allés jusqu’à reconnaître leur condition de militant ; il faudrait alors se demander : qui manque-t-il encore ? Trotsky ? Il ne manque plus que celui-là. Les attaques visant Staline sont toujours les mêmes, elles sont utilisées comme prétextes pour approfondir la restauration du capitalisme, développer leurs plans politiques et balayer alors tout ce qui reste et qui pourrait servir au peuple pour faire à nouveau la révolution, mais c’est leur rêve et ce ne sera qu’un simple rêve.

    Du camarade Staline, nous pouvons dire qu’on en parle beaucoup, qu’on l’attaque. Et c’est lamentable, que d’autres aussi l’attaquent, en l’accusant d’avoir commis une multitude d’erreurs, en le dénigrant. Nous croyons que le camarade Staline est un grand marxiste-léniniste. Ce que le Président Mao disait de lui, est correct.

    Ses mérites et ses erreurs sont dans un rapport de sept à trois et la racine de ses erreurs venait de ses limitations dans la maîtrise de la dialectique ; mais personne ne peut nier qu’il fut un grand marxiste. Les attaques de Gorbatchev et de ses acolytes contre Staline doivent pousser à la réflexion ceux qui, tout en se disant communistes, attaquent et dénigrent aussi le camarade Staline. Il faut qu’ils pensent sérieusement à ces coïncidences ; ce ne sont pas que de simples attaques.

    El Diario : Comment jugez-vous l’actuelle direction en Chine ? Seront-ils dans le camp de la contre-révolution ? Quelle sera l’issue du peuple chinois ?

    Président Gonzalo : L’actuelle direction de la Chine est une direction révisionniste et tenue, il est vrai, par un sinistre personnage, un vieux révisionniste pourri, Deng Xiao-ping ; il fut déjà démasqué lors de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne et aux yeux du monde, il apparut tel qu’il était et continue d’être, un fieffé révisionniste, le cadet de Liou Chao-chi.

    C’est Deng qui mène la Chine, celle qui fut socialiste, dans une restauration accélérée et effrénée du capitalisme. Et il est pertinent de faire remarquer que les questions que Gorbatchev soulève, Deng les avait déjà soulevées auparavant, d’après ses conditions.

    Dans quel camp se situe-t-elle ? La Chine agit comme une puissance ; voilà la politique qu’elle développe, en collusion et en lutte avec les puissances et les superpuissances. Son rêve, c’est d’être une superpuissance le siècle prochain ; c’est cela son rêve. L’issue, dans ce cas comme pour les autres, c’est la révolution, la guerre populaire.

    Rappelons-nous que le Président Mao, dans la dernière partie de sa lumineuse vie, indiqua à la camarade Chiang Ching qu’elle pourrait prendre le drapeau de la révolution et le mener jusqu’au sommet. Il lui signalait : si tu ne réussis pas, tu tomberas dans le précipice, ton corps se détruira, tes os se briseront, alors il faudra faire encore une fois la guerre de guérillas ; il nous à indiqué la solution. Cela fait partie d’un poème ; je ne me rappelle plus très bien le texte, mais ce sont là les idées. Ici l’idée centrale est qu’il faudra faire à nouveau la guerre de guérillas, la guerre populaire.

    El Diario : Monsieur le Président, considérez-vous qu’il existe des pays socialistes actuellement ?

    Président Gonzalo : Non, tout simplement, je ne crois pas. Certains, par exemple, pensent que l’Albanie est socialiste. A ceux-là, je dirais que bien étudier le VIIIème Congrès du Parti du Travail d’Albanie, par exemple, ce serait bien ; on dit ici, que le centre de la réaction est l’impérialisme nord-américain ; et le social-impérialisme soviétique alors ? N’y avait-il pas deux ennemis à combattre ? ça a toujours été des paroles, même dans la bouche d’Hoxha, de simples paroles, parce qu’il consacra toujours plus de lignes à combattre l’impérialisme yankee que le social-impérialisme.

    Ce même Congrès dit aussi que l’humanité n’a jamais été aussi près de son extermination. Il répète la même chose que les autres, ce qui n’est pas simplement une coïncidence. Mais que nous propose-t-il de faire ? Concrètement les démasquer. Ce n’est pas la solution, le fait de démasquer n’arrête pas une guerre mondiale ; la solution, c’est de développer la révolution en faisant la guerre populaire.

    Et si quelqu’un voit, tout ce qui est dit là, sur les sérieux problèmes économiques qu’ils ont, il voit clairement le chemin que l’Albanie a pris ; mais ce n’est pas Ramiz Alia, son dirigeant actuel, qui ouvrit la voie mais bien Hoxha lui-même, en 1978.

    Dans un discours face à l’électorat, il dit que en Albanie, il n’y avait pas de classes antagoniques. Nous savons très bien ce que cela entraîne car cette question a été élucidée à la perfection par le Président Mao Zedong et si nous ajoutons ses attaques lâches en direction du Président Mao, au moment du développement du marxisme, qu’est-il ? un révisionniste. C’est pour cela que l’Albanie n’est pas socialiste.

    Si on regarde le Viet-Nam, le chemin qu’il a pris, c’est celui d’un instrument de l’Union Soviétique qui aujourd’hui appelle les impérialistes à l’aide, au milieu d’une économie en crise et détruite ; tant de sang, pour quoi ? C’est que là-bas il y eut un Ho Chi Minh, un indécis, comme le preuve son fameux testament, où il dit que ça lui fait mal de voir les luttes au sein du Mouvement Communiste International, alors que le problème était de se situer dans la lutte entre marxisme et révisionnisme.

    Un communiste n’a d’autre solution que de se mettre du côté du marxisme ; Ho Chi Minh ne le fit jamais. Ensuite arriva Le Duan, un révisionniste pourri . De là la situation actuelle du Viet-Nam.

    Pour cela je pense qu’il n’y a pas de pays socialistes aujourd’hui. Tout cela nous fait sérieusement réfléchir, nous fait comprendre le problème de la restauration et de la contre-restauration, qui n’est ni un problème de lamentations, ni un problème de pleurnicheuses jérémiades, comme certains essaient de le propager. Le problème est d’affronter la réalité et de la comprendre.

    Nous la comprenons si nous touchons le problème de la restauration et de la contre-restauration que Lénine lui-même avait déjà posé et que le Président Mao développa magistralement. Aucune classe nouvelle, au cours de l’histoire, ne s’est assise d’un seul coup au Pouvoir ; elle le conquit et le perdit, le récupéra et le perdit à nouveau, jusqu’à ce qu’au milieu de grandes luttes et de disputes, elle réussisse à s’affirmer au Pouvoir. Il en va de même pour le prolétariat, mais ces classes précédentes nous ont laissé de grands enseignements y compris pour la construction du socialisme, c’est donc une expérience grandiose.

    En fin de compte, c’est le processus de l’histoire, et ce qui doit nous préoccuper, c’est comment prévenir la restauration du capitalisme.

    Toute révolution en marche doit penser, comme on nous l’enseigne, aux longues années devant elle, aux longues années à venir et nous devons être sûrs que le processus de développement du prolétariat dans la conquête du Pouvoir, dans l’établissement de la dictature du prolétariat, dans sa défense et sa conduite de la révolution, sont déjà définis ; qu’il y a déjà de grands jalons historiques et que, par conséquent, la perspective est que la classe en tirant les leçons, va conquérir le Pouvoir, établir la dictature du prolétariat dans le monde entier ; et que le prolétariat ne sera plus renversé mais qu’il continuera son chemin de transformation jusqu’à l’extinction de l’État, au moment où nous entrerons dans l’ère du communisme.

    El Diario : Monsieur le Président, avec le triomphe de la révolution, comment sera la rélation internationale du Nouvel Etat avec les gouvernements bourgeois, principalement avec l’État yankee et le social-impérialisme ?

    Président Gonzalo : La situation est concrète ; nous devons en finir avec la domination de l’impérialisme yankee sur notre pays, conjurer à la fois l’introduction de la domination du social-impérialisme, ainsi que la domination d’une quelconque puissance qui pourrait s’introduire ; voilà ce qu’il en est en synthèse.

    El Diario : Monsieur le Président, n’y aurait-il pas le danger d’un isolement total qui pourrait mettre en péril le Nouvel Etat ?

    Président Gonzalo : Voilà ce que nous croyons, nous devons suivre une voie qui nous conduise à l’affranchissement de la classe, qui nous mène au communisme. Cette voie implique que nous maintenions notre indépendance pour matérialiser les intérêts du prolétariat dans la révolution mondiale. Nous croyons, comme chacun sait, qu’il y des luttes et des contradictions inter-impérialistes et qu’elles peuvent être utilisées, l’acquisition de certains ressources par exemple.

    Comme le marché est chaque fois plus réduit et qu’il y a une guerre commerciale concrète, nous trouverons bien quelqu’un qui puisse nous vendre des produits, bien sûr, ça nous coûtera les yeux de la tête, et nous le paierons avec nos malédictions, comme le disait Lénine.

    Mais en même temps il existe de nations opprimées, des révolutions en marche, il existe un prolétariat international, il y a des Partis Communistes, ils nous aideront et nous avons beaucoup à apprendre d’eux, parce que, par l’internationalisme prolétarien, ils répondront à notre appel, et ils seront bien reçus ; nous voyons déjà, comment s’ouvrent des relations entre les pays arriérés et même, comment on utilise le troc. Nous trouverons les formes appropriées.

    Même si nous n’avons pas encore étudié suffisamment ces problèmes parce que ce sont des problèmes à venir, nous avons des orientations générales et nous suivons ce qu’a dit Lénine : Tu veux savoir ce qu’est la guerre ? Fais-la ; ayons une inépuisable confiance dans le prolétariat international, dans les nations opprimées, dans les peuples de la Terre ; et , plus particulièrement dans les communistes, dans les partis et dans les organisations, quel que soit leur degré de développement ; ayons confiance en eux et attachons-nous fermement à notre idéologie, au marxisme-léninisme-maoïsme ; nous réussirons même si, au début, nous avançons à tâtons, nous trouverons des solutions provisoires en réponse à une circonstance ou un moment, jusqu’à ce que nous trouvions la solution définitive, ainsi que nous l’enseigna Lénine : aucune révolution ne peut être conçue entièrement, depuis son commencement et de nombreuses fois, on marche à l’aveuglette, à tâtons ; on trouve des solutions transitoires momentanées, mais c’est ainsi qu’on avance. Nous partons de ceci parce que notre arme fondamentale est l’idéologie.

    Nous partons de Marx qui nous disait : qu’il serait facile d’entrer dans la révolution avec la certitude absolue de vaincre et tout le problème réglé, ce serait facile mais c’est n’est pas comme ça la révolution. Le problème c’est de l’assumer, de la mener en avant, quels qu’en soient le coût, l’effort à fournir ; et comme ce sont les masses qui créent l’histoire, notre peuple le fera, et nous devons armer le peuple en appliquant l’armement général que nous enseigna Marx.

    Alors nous défendrons notre Etat parce que nous nous maintiendrons par la force de nos armes, parce qu’aucun Etat révolutionnaire ne se maintient avec la bénédiction de l’impérialisme et de la réaction. De cette façon, avec cette fermeté, cette détermination, cette conviction que confère le marxisme-léninisme-maoïsme, le maoïsme principalement, nous trouverons des voies, des voies nouvelles.

    Le Président Mao nous a enseigné que nous devons penser de façon différente et engendrer des formes nouvelles, c’est une question fondamentale ; par rapport au problème économique, il nous dit que la question se réduit à cela : une ligne politique claire, des appareils organiques et un grand effort. Pour tous les problèmes, spécialement ceux non réglés que nous affronterons, il faut partir de la ferme conviction maoïste qui dit que, tant qu’il y a des partis communistes et des masses, tous les miracles sont possibles.

    El Diario : Comment le PCP voit-il l’internationalisme prolétarien, aujourd’hui et dans l’avenir ?

    Président Gonzalo : Premièrement comme un principe, un grand principe, j’insiste à nouveau, sur le fait que le prolétariat est une classe internationale et nous, les communistes, nous sommes des internationalistes, sinon nous ne pourrions pas servir le communisme. Notre Parti s’est toujours soucié de forger ses militants, les combattants et les masses dans l’internationalisme prolétarien ; les éduquer dans le marxisme-léninisme-maoïsme, au service de la révolution mondiale et dans la lutte inlassable et inflexible, pour que le communisme fleurisse sur la Terre.

    Durant un certain temps, nous avions perdu les liens avec d’autres partis ; postérieurement, ils se sont rétablis et de cette façon, nous contribuons à la lutte pour le Mouvement Communiste International.

    C’est ainsi que nous sommes membres du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste ce que nous considérons comme un pas vers le regroupement des authentiques communistes. Nous croyons que sa perspective est complexe, parce que, si former un Parti et le mener en avant est complexe et difficile, combien plus complexe encore sera d’œuvrer pour que les communistes, au moyen de leurs divers partis et organisations, s’unissent. Nous savons que c’est une tâche énorme mais indispensable.

    Nous croyons qu’il y en a qui apportent leurs concours, combattent, et nous combattons – dirai-je aussi – , avec toutes les limitations que nous pouvons avoir, pour servir l’internationalisme prolétarien et pour qu’il nous unisse à nouveau, nous, les communistes dans le monde et qu’ensemble nous luttions, pour que notre but final prenne forme. Nous comprenons que le problème est extrêmement complexe et difficile, mais nous, les communistes, sommes faits pour ce type de tâches.

    El Diario : Président Gonzalo, comment analysez-vous les diverses luttes qui se livrent aujourd’hui dans les nations opprimées, les actions armées en Europe et les mouvements nationalistes ?

    Président Gonzalo : De nombreuses luttes se mènent dans les nations opprimées : en Afrique, en Amérique Latine, en Asie. Cette dernière est d’ailleurs de grande importance, une zone de poids dans le monde.

    L’Asie doit toujours mériter de notre part, une attention toute spéciale, à cause du poids de ces masses dans l’histoire, et pour ce que le marxisme lui-même nous a enseigné. Nous croyons que le problème des luttes dans les nations opprimées, réside dans la carence ou le développement insuffisant des Partis Communistes.

    Oui, réellement, il y a des partis qui vont devoir réaliser de grands apports. Nous pensons d’ailleurs que le problème réside dans le fait que ne se développent pas de guerres populaires. Par conséquent, nous pensons à la nécessité de contribuer opiniâtrement à ce que le marxisme-léninisme-maoïsme prenne le commandement et devienne le guide de la révolution mondiale, que sur cette base, se forment et se développent de puissantes partis pour mener en avant des guerres populaires. Il nous semble que c’est cela la grande limitation.

    Il y a des mouvements nationalistes au Moyen Orient, concrètement en Palestine, en Afrique du Sud, etc.

    Mais nous croyons que les révolutions, pour suivre réellement la voie ouverte par l’ère nouvelle commencée avec la Révolution d’Octobre, ont besoin de développer des Partis Communistes parce que, s’ils n’existent pas, les révolutions se font à moitié ; l’Afrique nous en donne de nombreux exemples, comme l’Algérie ; là, il y eut une lutte armée, très dure mais le socialisme n’y fut pas construit, parce qu’il manqua un parti communiste pour diriger une véritable lutte révolutionnaire.

    Sans partis communistes se développent des mouvements nationalistes, qui cherchent simplement à être reconnus en tant que nations pour passer de colonies à semi-colonies et continuer à dépendre de l’impérialisme ou, dans d’autres cas, changer de maître.

    Nous l’avons vu avec divers mouvements liés à l’Angleterre ou à la France par exemple. Dans d’autres cas, se développent des luttes armées, pour que les Nations Unies règlent et définissent la situation comme à Chypre. Par conséquent la question n’est pas simplement celle de la lutte armée, la question fondamentale, c’est la guerre populaire, le Parti Communiste et le marxisme-léninisme-maoïsme ; cependant, tous ces mouvements accumulent des forces, pour la lutte contre l’impérialisme. Mais ils ne pourront servir d’une façon radicale à le balayer que si un Parti Communiste, avec la guerre populaire les dirige.

    Quant à l’Europe, nous voyons s’y développer de longues luttes armées ; elles sont l’expression d’une réalité objective. Par conséquent il ne s’agit pas de condamner, mais de comprendre, d’étudier, d’analyser et de voir comme elles expriment qu’une situation révolutionnaire existe aussi dans la vieille Europe.

    Plus encore, qu’il y a des hommes qui prennent les armes en comprenant que c’est la seule façon de conquérir le Pouvoir ; c’est un coup dur pour le révisionnisme parce qu’en Europe même, considérée comme un de ses bastions, le révisionnisme commence à être abandonné. Quels que soient le niveau atteint et les problèmes en suspens, c’est incontestablement une avancée importante.

    Dans certains cas, il s’agit de questions nationales, comme en Irlande. Dans des autres, ils se posent le problème de comment faire la révolution. Nous croyons que ces luttes doivent être sérieusement étudiées : la question est de voir quelle est leur idéologie, quelle politique les guide, quelle classe elles servent, comme elles font face au problème des superpuissances.

    Nous croyons qu’elles méritent beaucoup d’attention de notre part, surtout quand il y a des organisations qui se posent la question du retour à Mao Zedong, ou qui commencent à se poser la question de la nécessité du Parti, ou de l’insuffisance de la seule lutte armée.

    Alors, nous devons voir ceci comme un nouvel éveil et comprendre que de nombreuses erreurs peuvent être commises ; finalement, qui n’en commet pas ? Mais ce sont elles-mêmes qui tireront les leçons de leurs erreurs, comme elles sont déjà en train de le faire, et elles avanceront, s’empareront du marxisme-léninisme-maoïsme, construiront leurs partis et feront leurs guerres populaires, selon le caractère socialiste de leur révolution et selon leurs conditions spécifiques.

    En synthèse, c’est un exemple, je le répète, qu’en Europe aussi, il y a une situation révolutionnaire de développement inégal, qu’il y a des hommes dégoûtés du révisionnisme pourri qui, dans des conditions si difficiles, au sein des entrailles impérialistes où la lutte est complexe et dure, prennent les fusils pour changer le monde ; comme c’est d’ailleurs la seule façon de le faire. Ceci donne plus d’espoir et permet de voir que la tendance principale c’est la révolution et que l’Europe, elle aussi, s’oriente vers la révolution.

    Voyons même qu’après avoir été pionniers, ils sont en train de d’ouvrir des brèches et en fin de compte, d’offrir plus d’espoir ; ils méritent plus de compréhension de notre part, d’autant qu’on voit que quelques-uns se préoccupent déjà du Parti et du retour de Mao Zedong, c’est-à-dire du retour au marxisme, pour s’en saisir dans son ensemble le marxisme-léninisme-maoïsme.

    En Europe se mènent ces luttes avec, aussi des limitations et des erreurs, comme dans toutes luttes ; mais nous devons les voir comme une expression de la marche irrépressible de la révolution et de comment, chaque fois plus de pays et de peuples s’expriment, en prenant les fusils, pour renverser l’ordre existant. Ils acquièrent de l’expérience, et font route vers le Parti et l’idéologie du prolétariat, le marxisme-léninisme-maoïsme, principalement le maoïsme.

    Pour moi, c’est un motif de joie de voir qu’en Europe la révolution commence à se frayer un chemin et quels que soient les accrochages, les faux pas qui puissent avoir lieu, il faut avoir confiance dans les masses et les peuples, confiance dans le fait que, de la même façon qu’ailleurs, la révolution a lieu les armes à la main, en suivant le marxisme, en Europe elle se fera aussi, nous devons y penser.

    J’insiste sur le fait, que nous devrions voir avec une dimension historique, voir à plus longue échéance, étudier sérieusement ces mouvements et encourager tout ce qui conduit au marxisme-léninisme-maoïsme, à forger un parti et à développer la guerre populaire.

    El Diario : Quel est votre avis sur le Nicaragua et sur Cuba ?

    Président Gonzalo : Je voudrais redire ce qu’avec des amis nous avons eu l’occasion d’échanger sur ces problèmes. Le Nicaragua a fait une révolution inachevée et son problème est que là-bas, le Pouvoir de toute la grande bourgeoisie n’a pas été détruit ; ils se sont centrés sur l’anti-somozisme ; je crois que c’est un problème.

    Une révolution démocratique doit balayer les trois montagnes et là-bas, cela n’a pas été fait ; par ailleurs, elle se développe avec des critères cubanistes, réajustés ces derniers temps, et ceci mène simplement à dépendre, en dernier recours, de l’Union Soviétique. Comment le met-on en évidence ?

    C’est dans les pourparlers entre les représentants diplomatiques des deux superpuissances qu’on traite, qu’on voit, qu’on manie la situation du Nicaragua, ainsi que celle de l’Afghanistan ou celle du Moyen Orient ; elles sont très symptomatiques, les démarches et contre-démarches qu’ils font, et coïncident avec les réunions et les accords entre les superpuissances, les mesures qui ensuite sont prises au Nicaragua, dans leur relation avec la « contra. »

    Il nous semble que le Nicaragua pour continuer sur la bonne voie, comme le mérite bien ce peuple héroïque, doit développer la révolution démocratique complètement et ceci implique pour lui une guerre populaire ; il doit rompre le commandement de l’Union Soviétique, prendre en main son propre destin et défendre son indépendance de classe ; ceci exige un Parti et évidemment, exige de s’assujettir à la conception du prolétariat ; sinon il continuera d’être une place de l’échiquier et c’est lamentable.

    Nous croyons que ce peuple a montré une grande combativité et que son destin historique ne peut être que celui de développer la révolution comme il se doit : avec un Parti basé sur le marxisme-léninisme-maoïsme et une guerre populaire et de se développer indépendamment, sans aucune tutelle de personne, ni de près, ni de loin.

    De Cuba, concrètement je ne pourrais dire que ceci : il joue un rôle au service de l’Union Soviétique non seulement en Amérique Latine, mais en Angola aussi par exemple, et en d’autres lieux.

    Il est passé d’une main à une autre, d’un maître à un autre ; processus présenté comme « un cas exceptionnel » par les cubains eux-mêmes. Il faut bien se souvenir des critères qu’ils ont posés comme guide de leur lutte : que les classes ne sont pas bien différenciées et que ce qu’il faut, en synthèse, c’est un ensemble de sauveteurs pour délivrer les opprimés, des critères que, nous voyons aussi dans des documents qui circulent au Pérou comme les quatre suivants, c’est le problème de ne pas partir de la lutte des classes ; en suite le fait de dire « révolution socialiste ou caricature de révolution », c’est dire qu’une seule révolution est possible dans les nations opprimées ; puis un front uni de trois classes, sans bourgeoisie nationale ; la non nécessité du Parti Communiste, c’est mettre de côté la direction du prolétariat ; et la négation de la guerre populaire, en partant du rejet des bases d’appui. Ce sont là, de néfastes critères diffusés par le cubanisme.

    Cuba a une haute responsabilité en Amérique, parce qu’il a été une espérance ; mais il faut se rappeler très bien ce qui se passa en 70, Fidel Castro dit que la stratégie de la lutte armée avait échoué, cherchant à l’abandonner, à laisser tomber ce que lui-même avait encouragé et soutenu. Douglas Bravo s’opposa à lui et lui répondit que ce n’était pas la stratégie qui avait fait défaut mais plutôt la tactique castriste, mais lamentablement, après Bravo recourut aussi à l’amnistie.

    Nous croyons que ces situations ont engendré beaucoup de problèmes en Amérique. Mais aujourd’hui, ces mêmes critères réajustés selon la voix du maître social-impérialiste, sont en train de se répandre et on les présente comme un nouveau développement révolutionnaire qui se concrétiserait au Nicaragua. C’est totalement faux.

    Ce que nous devons affirmer et nous l’affirmons, c’est que l’Amérique Latine est déjà mûre pour la guerre populaire et que c’est cela son chemin. L’Amérique Latine a un rôle important à accomplir ; n’oublions pas qu’elle est « L’arrière-cour des États-Unis », selon les dires de l’insolent impérialisme yankee. L’Amérique Latine a aussi un rôle important dans le monde ; elle l’accomplira si elle s’empare de l’idéologie du prolétariat, le marxisme-léninisme-maoïsme, principalement le maoïsme, si elle forge des partis communistes et si elle mène à bien des guerres populaires dans le contexte de la révolution mondiale.

    Les latino-américains, nous serons, à la fin du siècle, plus de 500 millions de personnes. Beaucoup de choses nous unissent et même pour le fait d’être proches nous devons lutter ensemble, ce qui ne veut pas dire se détacher de la révolution mondiale, car nous n’accomplirons notre tâche qu’en tant que partie de la révolution mondiale. Mais avec l’Amérique Latine ça ne suffit pas, le communisme est pour le monde entier ou pour personne.

    El Diario : Quel est l’apport du Parti Communiste du Pérou à la révolution mondiale ?

    Président Gonzalo : Son principal apport, est de signaler le maoïsme comme nouvelle, troisième et supérieure étape du marxisme ; tout en assumant, de servir et de contribuer à ce que cette idéologie prenne le commandement et devienne le guide de la révolution mondiale.

    Une question qui en découle, est de montrer la validité, la perspective très important du maoïsme. De même, montrer qu’en comptant principalement sur ses propres efforts sans suivre le commandement d’aucune superpuissance ni puissance impérialiste, il est possible de faire la révolution, mais plus encore il est nécessaire de la faire de cette façon.

    Démontrer la potentialité de la guerre populaire qui s’exprime, malgré toutes nos limitations. Et s’il le faut, être, comme d’autres le signalent, une espérance, ce qui implique une responsabilité, et être une flamme pour la révolution mondiale, un exemple qui puisse servir à d’autres communistes. Ainsi nous sommes en train de servir la révolution mondiale.

    >La sixième partie de l’interview

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  • Gonzalo sur la situation politique nationale

    El Diario : Monsieur le Président, quelle est l’analyse du PCP sur le processus de l’État Péruvien et vers quoi se dirige-t-il ?

    Président Gonzalo : Nous analysons le processus de la société péruvienne contemporaine comme un processus qui a commencé en 1895. Nous considérons qu’à partir de cette date s’engage le processus dans lequel nous vivons actuellement. Et nous pensons qu’il est composé de trois moments. Un premier moment qui assoit les bases pour le développement du capitalisme bureaucratique.

    Un deuxième, après la Seconde Guerre Mondiale qui marque la fin du premier, où s’approfondit le capitalisme bureaucratique ; cet approfondissement du capitalisme bureaucratique va faire mûrir les conditions pour la révolution et, avec le commencement de la guerre populaire dans les années 80, nous entrons dans le troisième moment : moment de crise générale du capitalisme bureaucratique. La destruction de la société péruvienne contemporaine a commencé, parce qu’elle est historiquement caduque. C’est pourquoi nous assistons à sa fin et ce qu’il faut, c’est travailler, combattre et lutter pour l’enterrer.

    El Diario : Pourquoi considérez-vous la thèse du capitalisme bureaucratique comme fondamentale ?

    Président Gonzalo : Nous considérons comme essentielle cette thèse du Président Mao Zedong parce que, sans la comprendre et sans la maîtriser, il n’est pas possible de développer une révolution démocratique et encore moins de concevoir sa continuation ininterrompue en tant que révolution socialiste. C’est réellement un obstacle, que cette thèse du Président Mao soit éludée et que l’analyse soit embrouillée, quand on nous parle de développement de capitalisme dans les pays arriérés ou de capitalisme dépendant. Ces analyses ne conduisent à rien, si ce n’est à changer la nature de la révolution. Nous pensons que c’est en partant du Président Mao Zedong que nous comprendrons bien la société péruvienne et les sociétés dites arriérées.

    Nous considérons que le capitalisme bureaucratique commence à se présenter au Pérou à partir de 1895, à travers les trois moments que je viens de retracer. Nous les concevons ainsi : sur une base semi-féodale et sous domination impérialiste se développe un capitalisme, un capitalisme tardif, un capitalisme qui naît, lié à la féodalité et soumis à la domination impérialiste.

    Ce sont ces conditions qui génèrent ce que le Président Mao Zedong a appelé capitalisme bureaucratique. Alors, le capitalisme bureaucratique se développe, lié aux grands capitaux monopolistes qui contrôlent l’économie du pays, des capitaux formés, comme le Président Mao le dit, par les grands capitaux des gros propriétaires fonciers, de la bourgeoisie compradore et des grands banquiers. Ainsi va naissant le capitalisme bureaucratique et, j’insiste encore une fois, lié à la féodalité, soumis à l’impérialisme et monopoliste.

    Il faut prendre cela en compte : il est monopoliste. Ce capitalisme, arrivé à un certain moment de son évolution, s’associe avec le Pouvoir de l’État et utilise les moyens économiques de l’État ; il les utilise comme levier économique. Ce processus va engendrer l’autre faction de la grande bourgeoisie : la bourgeoisie bureaucratique. C’est de cette façon que va se développer le capitalisme bureaucratique, déjà un capitalisme monopoliste, qui devient alors un capitalisme d’État. Mais ce processus l’entraîne à créer les conditions qui font mûrir la révolution. Ceci est, dans le cadre politique, un autre concept important que le président a établi sur le capitalisme bureaucratique.

    Si nous comprenons le capitalisme bureaucratique, nous pouvons très bien comprendre, comment au Pérou, existent une situation de semi-féodalité, un capitalisme bureaucratique et une domination impérialiste, principalement yankee. Voilà ce que nous devons comprendre, ce qui permet d’entendre et de diriger la révolution démocratique.

    Maintenant, quel autre facteur important le capitalisme bureaucratique présente-t-il ? Le Président nous signale que la révolution démocratique accomplit certaines tâches socialistes ; par exemple, dit-il, l’aide mutuelle qui a lieu à la campagne dans les bases d’appui s’exprimait déjà.

    Ainsi donc, pour passer de la révolution démocratique à la socialiste, la confiscation du capitalisme bureaucratique dans son ensemble est une question clé du point de vue économique ; elle permettra au Nouvel État de contrôler l’économie, de la diriger, et servira à développer la révolution socialiste. Nous considérons que ce concept stratégique est de grande importance et j’insiste sur le fait que, malheureusement, ce concept est éludé. En tant qu’il en sera ainsi, on ne pourra pas bien comprendre ce qu’est une révolution démocratique dans les circonstances actuelles, celles dans lesquelles nous nous débattons.

    Il est erroné de penser que le capitalisme bureaucratique se réduit à celui que développe l’État avec les moyens économiques de production qu’il détient. Ceci est faux, et est incompatible avec la thèse du Président Mao Zedong. Il suffit, pour le comprendre, de penser à la chose suivante : si le capitalisme bureaucratique n’était que le capitalisme d’État, il suffirait de confisquer ce capitalisme d’État et alors, l’autre capitalisme monopoliste, non étatique, dans quelles mains resterait-il ? Dans celles de la réaction, de la grande bourgeoisie.

    Cette interprétation, qui consiste à identifier le capitalisme bureaucratique au capitalisme monopoliste d’État, est une conception révisionniste et dans notre Parti, elle fut soutenue par le liquidationnisme de gauche : c’est pour cela que nous jugeons cette question comme très importante.

    D’ailleurs politiquement, cela nous permet de distinguer très clairement la grande bourgeoisie de la bourgeoisie nationale ou moyenne. Et ceci nous donne les moyens de comprendre, afin de n’être à la traîne d’aucune faction quelconque de la grande bourgeoisie, ni de la compradore, ni de la bureaucratique, ce qu’on fait au Pérou, le révisionnisme et l’opportunisme et ce qu’ils continuent de faire.

    Depuis des décennies, cette politique sinistre amène à considérer une faction quelconque de la grande bourgeoisie comme la bourgeoisie nationale, progressiste et à l’appuyer. La compréhension du capitalisme bureaucratique nous a permis de bien saisir la différence, et j’insiste, entre bourgeoisie nationale et grande bourgeoisie et de comprendre la tactique correcte à suivre, reprenant précisément celle que Mariátegui a établie. Pour cela, nous considérons que la thèse du capitalisme bureaucratique est d’une importance extrême.

    El Diario : Quelle est, en synthèse, votre analyse politique et économique de la conjoncture actuelle et de la perspective ? Cette situation est-elle favorable au PCP ? Et comment l’est-elle pour la réaction, le révisionnisme et l’opportunisme ?

    Président Gonzalo : Nous concevons que le capitalisme bureaucratique est entré en crise générale ; plus encore, nous pensons que ce capitalisme bureaucratique est né malade parce qu’il est issu de la semi-féodalité, ou lié à elle, et qu’il est issu de l’impérialisme. La semi-féodalité est évidemment caduque et l’impérialisme agonise. De deux parents condamnés à mort pour maladie incurable, quelle sorte d’enfant peut-il naître ? Une créature malade qui est entrée dans sa phase de destruction.

    Nous pensons que les crises s’approfondissent chaque jour davantage et que, même, comme le soulignent certains économistes, il s’agit d’environ trente ans de crise de laquelle on ne peut pas sortir, même si de temps en temps il y a de petites vagues de récupération ou, comme le dit l’APRA dans ses propres documents internes, que c’est une crise qui a surgi au milieu des années 70.

    Nous estimons que chaque nouvelle crise est pire que la précédente ; et si nous ajoutons à cela les deux décennies critiques, celles des années 80 et 90, la situation est déjà claire. Que disent-ils ? Que ce gouvernement laissera une situation extrêmement grave, et que le suivant, en supposant qu’il y en ait un, lors du changement électoral, devra chercher à réparer les problèmes en suspense et que ce n’est, en conséquence, qu’à partir de 1995 qu’on pourra penser à un développement ; et ceci dans un pays où nous avons 20 ans de retard. C’est pour cela que nous croyons que sa perspective est extrêmement noire.

    Cela est-il favorable à la révolution, à la guerre populaire, au Parti ? Oui, certainement, c’est favorable, tout d’abord et principalement, à la classe et au peuple car tous nos efforts leur sont destinés, afin que la classe commande, dirige, que le peuple exerce sa liberté et puisse enfin satisfaire sa faim séculaire. Nous ne voyons aucune perspective pour la réaction et le révisionnisme, nous le croyons unis. Ce sont des siamois et ensemble ils se dirigent vers leur propre tombe. Voilà ce que nous pensons.

    El Diario : Pourquoi qualifiez-vous le gouvernement apriste, de fasciste et corporatiste ? Sur quoi vous basez-vous pour l’affirmer ? Quelle est votre opinion sur le discours d’Alan García Perez au Congrès de la Jeunesse apriste d’Ayacucho et sur celui qu’il a donné à Païta ? Quelle est-elle aussi sur les mesures économiques du nouveau cabinet ?

    Président Gonzalo : En ce qui concerne la caractérisation du gouvernement apriste, sans entrer dans son histoire quia d’autres implications et que nous n’avons pas besoin d’aborder aujourd’hui, la situation concrète qui existait au sein de l’APRA, lorsqu’on lui remit la direction de l’État péruvien, était une situation de dilemmes, deux tendances existaient, l’une, aux critères fascistes et l’autre, aux critères démocratico-libéraux.

    Ainsi était, d’après nous, la situation au sein de l’APRA. Nous entendons ici, par critères démocratico-libéraux, le maintien de cet ordre constitutionnel, réactionnaire, établi en 1920, en 1933 et en 1979; voilà ce que nous entendons par cet ordre démocratico-libéral.

    L’APRA avait un problème : la nécessité d’investissements pour faire progresser l’économie ou plus concrètement pour nous présenter une vitrine de succès ; c’est bien cela qu’elle a fait : consommer le peu qu’ils avaient pour nous montrer cette vitrine de succès aussi fragile que du verre et ce que nous voyons aujourd’hui en est la preuve. C’est pourquoi en aucune manière on ne pourrait dire que le plan de l’Apra était un bon plan économique, car alors, comment un aussi bon plan économique donne-t-il des résultats aussi catastrophiques ? Cela n’a aucun sens.

    Ainsi l’Apra a dû faire appel aux capitaux de la bourgeoisie compradore, qui a bien évidemment exigé des conditions et dans les propres documents de l’Apra, il est mentionné que, dès la fin de l’année 85, la grande bourgeoisie, et plus particulièrement la bourgeoisie compradore, commençait déjà à se récupérer et à capitaliser.

    L’année 86 fut le paradis pour eux ; ils firent alors des milliards de profit, en dollars, comme ils le reconnurent eux-mêmes, pensant qu’ils allaient investir par la suite. Mais ce plan n’allait pas fonctionner, il allait entrer nécessairement en crise, échouer et ils ne pourraient donc pas investir. Ceci aiguisa davantage les disputes, les tensions entre eux, ce qui amena les luttes entre les deux factions de la grande bourgeoisie.

    L’Apra, d’un autre côté, du côté du peuple, se trouva face aux immenses besoins, insatisfaits, des masses et, comme toujours, elle s’engagea démagogiquement, vis-à-vis de tous. Démagogiquement, parce que ce que cherchait l’Apra, c’était simplement essayer de développer, d’appliquer le processus économique réactionnaire ; et cela ne se fait qu’en restreignant les revenus du peuple, puisque d’où viennent les profits ? De la plus-value !

    Donc, elle avait un problème avec les masses et elle le savait bien. Ce qui explique sa politique répressive, anti-populaire, anti-syndicale, anti-ouvrière. On peut voir ceci dès le début. Mais il y avait d’autres circonstances, la guerre populaire ; l’Apra, malgré elle, devait l’affronter et la guerre populaire était déjà, alors, un problème principal.

    Ce sont toutes ces conditions qui vont déterminer les changements qui se produisent à l’intérieur de l’Apra, et faire que le dilemme se définisse. Mais quand ce dilemme se définira-t-il ? Il se définira avec le génocide de 1986. Là, la lutte de classes des masses, la guerre populaire principalement et l’action génocide ont conduit l’Apra à se déterminer pour le fascisme et le triomphe de la faction fasciste. Nous considérons que c’est à ce moment-là que cela s’est produit et que commença, comme tous le reconnaissent déjà, le discrédit et l’effondrement de l’Apra, non seulement au Pérou mais dans le monde entier.

    Pourquoi le qualifions-nous de fasciste ? La faction fasciste qui existait déjà dans l’Apra, va prendre des mesures politiques pour mettre sur pied le corporatisme. Nous pouvons déjà le voir dans le premier discours prononcé par Garcia Pérez en juillet 1985.

    Qu’entendons-nous par fasciste et corporatiste ? Pour nous, le fascisme ; c’est la négation des principes démocratico-libéraux ; c’est la négation des principes démocratico-bourgeois qui sont nés et se sont développés au 18ème siècle en France. Ces principes ont été progressivement abandonnés par la réaction, par la bourgeoisie dans le monde, et la Première Guerre Mondiale nous a déjà montré la crise de l’ordre démocratico-bourgeois.

    C’est pour cela que le fascisme éclate ensuite. Alors, on constate dans l’Apra la négation des principes de l’ordre démocratico-bourgeois et quotidiennement, la négation de toutes le libertés et de tous les droits constitutionnels établis. Sur le plan idéologique, nous considérons aussi le fascisme comme un système éclectique ; il n’a pas de philosophie définie : C’est une position philosophique constituée de morceaux.

    Elle prend ici et là ce qui lui convient le mieux. Chez Garcia Pérez ça se reflète clairement : quand il va en Inde, il salue Gandhi et devient gandhiste ; quand il va au Mexique, il salue Zapata et est zapatiste. Lorsque il ira en Union Soviétique, s’il y va, il deviendra le sauveur de la Perestroïka. Il est comme ça. C’est là un exemple de la formation idéologique, philosophique du fascisme. Il n’a pas de position définie, il est éclectique, il prend ce qu’il a à portée de la main.

    En ce qui concerne son corporatisme, nous entendons par là, le fait de bâtir l’État sur la base de corporations, ce qui implique la négation du parlementarisme. C’est une question essentielle que Mariátegui soulevait déjà dans son « histoire de la Crise Mondiale ». Il nous disait que la crise de la démocratie bourgeoise s’exprime clairement dans la crise du parlementarisme : si nous voyons le Parlement ici, même s’il est vrai qu’au cours des dernières décennies, c’est l’Exécutif qui a promulgué les lois les plus importantes du pays, c’est sous ce gouvernement apriste que l’Exécutif a le plus accaparé toutes les lois fondamentales, promulgués en sa faveur. Il n’existe aucune loi importante qui ait été promulguée par le Parlement. Voilà la réalité des choses. Tout a consisté à donner des pouvoirs à l’Exécutifs pour qu’il fasse et défasse. Tout n’est que négation du parlementarisme.

    Le problème du corporatisme, dans le pays, n’est pas récent ; déjà en 1933, quand la Constitution était en discussion au cours de la deuxième restructuration de l’État Péruvien de ce siècle, Victor Andrés Belaunde avait déjà proposé le corporatisme de la société péruvienne. Villarán, qui fut chargé du rapport de la Constitution, s’y opposa en demandant : comment allons-nous appliquer le corporatisme s’il n’y a pas de corporations ?

    Ce fut une façon de s’en tirer à bon compte ; il existe donc déjà quelques antécédents. Aujourd’hui, où l’on parle tant de Belaunde, que ses œuvres viennent d’être publiées, il faut se rappeler sa position : face au libéralisme qui se centre sur l’argent et contre le communisme, négation de la personne humaine, ce qu’il faut, ce sont les systèmes corporatistes, à l’exemple des modèles médiévaux ; il est bon d’en tenir compte pour voir sa filiation et ses racines, et en même temps avoir en tête que c’est intimement lié aux propositions de la Papauté dès le siècle dernier.

    Vélasco essaya aussi de corporatiser le pays ; pour cela, il commença la formation de corporations de producteurs agricoles par exemple ; sa propre loi agraire, la 17716, du point de vue politique, cherchait à établir des bases corporatives ; la loi sur l’industrie également. Comment ? Au moyen de la communauté industrielle ; sa fameuse organisation politique qui n’est pas arrivée à se constituer, avait aussi des critères franchement fascistes et proposait le corporatisme ; mais ceci n’a pas pu se concrétiser au Pérou. Et que recherchent-ils, que veulent-ils ?

    La conformation de corporations, c’est-à-dire organiser de façon corporatiste les producteurs et tous les éléments qui composent la société : les ouvriers, les producteurs agricoles, les commerçants, les professions libérales, les étudiants, l’Eglise, les Forces Armées, les Forces de la Police. Tous vont nommer leurs délégués et former ainsi un système corporatiste. C’est ce qu’ils cherchent et ce que l’Apra est en train de faire ; et les régions, micro-régions, qu’est-ce que ça veut dire ? Que tout ce plan de régionalisation aujourd’hui sert à corporatiser le pays. C’est pour cela que nous devons nous y opposer ouvertement ; non seulement parce que ce sont des manipulations politiques électoralistes de l’Apra, mais aussi parce qu’il s’agit d’un système corporatiste.

    Et en plus il est en train de mettre en danger un pays qui n’a même pas d’unité nationale constituée. Ce sont là des questions fort sérieuses, et c’est pour cela que nous maintenons qu’il s’agit d’un gouvernement fasciste et corporatiste. La voie qu’il veut impulser et pour cela sa grande inquiétude pour les régions qu’il veut imposer à n’importe quel prix, voilà ce que nous pouvons voir ; cela explique que toutes ces assemblées parlementaires extraordinaires n’aient pu réaliser ce que Garcia avait promis.

    L’année dernière, il déclara : ou les régions se constituent ou je ne m’appelle plus Alan Garcia Pérez. L’année est passée et je ne sais pas comment il s’appelle aujourd’hui, car les régions ne sont pas encore formées ; maintenant ils parlent de la fin de l’année, nous verrons bien.

    Quant au fait d’identifier fascisme avec terreur, avec répression, il nous semble que c’est une erreur ; voilà ce qui se passe dans ce cas : si on se rappelle le marxisme, l’État est la violence organisée. C’est cette définition que nous ont donnée le classiques et tout État utilise la violence parce qu’il est dictature. Sinon, comment lutterait-il pour opprimer et exploiter ?

    Il ne pourrait pas le faire. Ce qui se passe en fait, c’est que le fascisme développe une violence plus vaste, plus raffinée, plus sinistre, mais on ne peut pas dire que fascisme est égal à violence, c’est une grossière erreur. Ce sont là des idées qui, après la deuxième guerre mondiale, vont se développer ici, au Pérou et ce sont des idées qui ont été diffusées et proposées à de multiples reprises par Del Prado, ce sont aussi des idées soutenues par Dammert.

    Identifier le fascisme avec terreur signifie ne pas comprendre Mariátegui qui, dans « Figures et aspects de vie mondiale », quand il se réfère à H.G. Wells, nous dit que l’État bourgeois a un processus de développement et c’est ce processus de développement qui le conduit à un système fasciste et corporatiste. Ceci se comprend très bien si nous lisons les œuvres de Mariátégui, l’œuvre citée « Histoire… » ou « La Scène Contemporaine ». Rappelons-nous qu’il l’a vécu, étudié et connu directement.

    Dans le pays, il faut voir le fascisme sous ses divers aspects, à partir de son idéologie, de sa politique, de sa forme organique ; voir comment il se sert de la violence, sa terreur. Aujourd’hui nous voyons comment il applique une violence raffinée et plus développée, plus étendue, brutale et barbare ; c’est cela qu’on appelle terreur ; mais d’autre part, la terreur blanche n’a-t-elle pas toujours été appliquée ? Chaque fois que les réactionnaires se sont trouvés en difficulté, ils ont appliqué la terreur blanche.

    Aussi, en aucun cas nous ne pourrions identifier et réduire tous les fascismes simplement à la terreur. Nous devons comprendre qu’il s’agit d’une violence plus raffinée et que bien sûr il développe le terrorisme mais ce n’est pas tout. C’est un des composants, c’est sa manière de développer la violence réactionnaire.

    En ce qui concerne le discours de Garcia Pérez, au Congrès de la jeunesse apriste : en synthèse, à l’intérieur de l’Apra, ily a une lutte intense en rapport avec son prochain Congrès, et le problème est de savoir si Garcia Pérez conservera ou non le contrôle de ce Parti afin de rester au Pouvoir, en collusion avec les Forces Armées. Depuis un certain temps, on voit que la Jeunesse apriste remet en question le travail gouvernemental.

    C’est ce qui s’est produit lors de ce Congrès d’Ayacucho. Garcia Pérez a dû se déplacer en toute hâte pour expliquer, justifier et se présenter comme le sauveur. C’est ce qu’il veut, car il voit à quel point il est important de gagner la jeunesse pour satisfaire ses appétits de führer. C’est, je crois, l’essentiel.

    Tout ce qu’il a dit sur notre Parti et la supposée admiration qu’il dit avoir pour lui, tout ce ci nous révèle simplement la lutte à l’intérieur de l’Apra, car il ne peut pas avoir d’admiration pour nous, lui un boucher et un assassin quotidien du peuple, des combattants, des communistes. Ce ne sont que des gestes démagogiques, des appétits effrénés en rapport avec le congrès de l’Apra et ses perspectives politiques, parce qu’il joue plusieurs cartes, du fait qu’il est un homme assez jeune.

    A Païta, le « discours de Païta » est, en synthèse, un discours fasciste, ouvertement fasciste ; ce n’est pas, comme on le dit, un avertissement aux parlementaires qui firent du tapage, ce qui est chose courante parmi eux et n’a rien d’extraordinaire, il n’en fut pas ainsi ; c’est un discours strictement fasciste ; Garcia Pérez veut s’ériger en führer ; ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle « conducteur » ; très souvent, le député Roca lui-même l’appelle ainsi : « conducteur », n’est-ce pas similaire à führer ? Cela veut dire la même chose en allemand. Pour cela, je crois que c’est correct de l’appeler, comme certains le font,  » apprenti führer  » ; mais en fin de compte, il prouve qu’il est un vulgaire démagogue, avec de grands appétits débridés, prêt à tout pour les satisfaire. L’égoïsme démesuré est, je crois, une de ses caractéristiques.

    Pour ce qui est de mesures économiques du nouveau cabinet, bien entendu, personne n’est d’accord avec elles ; le peuple encore moins, et c’est ce qui nous intéresse. Alors se développe une double contradiction : la première avec la bourgeoisie compradore pour qui les mesures économiques sont insuffisantes.

    Elle demande au gouvernement de l’Apra davantage de mesures et exige que soit défini son plan, parce qu’il en présente un pour 18 mois mais avec des lignes générales sans concrétiser des questions importantes. (Ainsi, durant ces cinq années, l’Apra passera d’un plan d’urgence à un autre plan d’urgence puis à un nouveau plan d’urgence, d’urgence en urgence, ce qui sous-entend l’absence complète de coordination entre les plans qu’il pensait appliquer dans son gouvernement ; je me réfère à ses propres documents). La deuxième contradiction, avec le peuple, comme il devait évidemment lui serrer la ceinture pour que se fasse une recapitalisation. D’où et comment extraire des capitaux ?

    En réduisant les salaires. Voilà, en résumé, les mesures qui créent plus de problèmes que ceux existant déjà et, pendant ce temps, l’Apra continue, démagogiquement, de remettre à plus tard ce que l’ordre-même dans lequel elle évolue, lui impose et ce qu’elle-même fait en cachette, parce qu’elle est en collusion, depuis un certain temps déjà, avec les États-Unis et avec l’impérialisme. Sa relation avec la Banque Mondiale est très claire, ses liens avec le B.I.D. aussi et ce sont les instruments, les plus utilisés aujourd’hui par les impérialistes, étant donné le discrédit du F.M.I. , bien que la perspective soit qu’elle rentre au bercail. Ainsi donc, ces mesures économiques n’améliorent pas la situation. Elles vont l’aggraver et nous aurons une situation économique extrêmement grave et critique, qui va s’étendre davantage encore, retombant brutalement sur les masses.

    El Diario : Monsieur le Président, comment considérez-vous les prochaines élections, la possibilité d’un coup d’Etat éventuellement provoqué par Garcia lui-même ?

    Président Gonzalo : Si vous me le permettez, je vous dirai que ce qui est primordial dans les élections, c’est de les boycotter et, si possible, de les empêcher. Pourquoi disons-nous cela ? Qu’en tirera le peuple ? Rien. Il ne va rien gagner avec le changement par les élections. C’est une question très claire dans l’histoire du pays.

    Dans le document « Développer la Guerre Populaire pour servir la Révolution Mondiale », nous avons montré, nous avons démontré et personne ne l’a démenti, nous avons démontré que le pourcentage de voix de la « Gauche Unie » est ce qui a empêché la majorité de s’exprimer contre les élections. Je crois que la démonstration est faite ; c’est pourquoi nous avons déclaré –et les faits le démontrent- que la tendance au Pérou est de ne rien attendre des élections ni d’un nouveau gouvernement ; la tendance est de refuser les élections.

    Où est le problème ? Comment le révisionnisme et l’opportunisme continuent à trafiquer avec les élections : voilà le problème, il vient de là. Alors le point-clé, quel serait-il ? Frapper et démasquer tout ce qu’implique un processus électoral, qui ne permet que la rénovation d’autorités de ce vieil ordre pourri ; il ne signifie rien de plus. Ils ne vont pas nous dire que cela permet de maintenir l’espace démocratique ; ce sont de vieilles histoires que personne ne va plus croire, ce sont les histoires que nous ont racontées ceux qui aujourd’hui forment le PUM, lors de l’Assemblée Constituante, en 80.

    Ils prétendaient alors qu’il y avait des espaces démocratiques, qu’il y avait une situation pré-révolutionnaire et que, avec la pratique parlementaire en tant que tribune, on passerait à une situation révolutionnaire, pour ensuite nous dire qu’il fallait se centrer sur la défense de l’ordre existant. Je crois que le principal pour le peuple, serait que la majorité exprime son rejet des élections, ne serait-ce qu’en votant blanc, même si ce n’est que cela. C’est important parce que, de cette manière, s’exprimera alors la volonté de la masse de notre peuple, l’immense majorité qui comprend déjà que, par cette voie électoraliste, il n’y pas de solution.

    Je crois qu’ils ont voulu jouer avec les élections en annonçant la campagne électorale pour que le peuple centre son intérêt sur les élections. Mais nous observons que ce plan a échoué, et cela pour deux raisons : la première, ce sont les graves problèmes que le peuple connaît et la manière dont sa combativité augmente chaque jour, grâce à la Guerre Populaire ; et la deuxième, le fait que les propres contradictions ont transformé leurs institutions politiques en passoires : par exemple, la Gauche Unie est un ramassis de contradictions, le dit FREDEMO en est un autre et l’Apra est une pétaudière ; il en est vraiment ainsi.

    Et leur volonté de dévier l’attention du peuple a échoué ; et si les conditions sont celles d’une guerre populaire de grande perspective comme elles le sont réellement, tous les hommes révolutionnaires qui veulent que ce pays se transforme, doivent pousser le peuple à rejeter ce processus. C’est leur problème, pas le nôtre : à eux de voir comment ils changent leurs autorités. C’est ainsi que nous voyons les choses.

    Quant à la possibilité d’un coup d’Etat dans le pays, elle est toujours latente. Mais nous pouvons voir qu’eux-mêmes prennent peur lorsque l’armée déclare ne voir aucune force politique capable d’affronter la guerre populaire. Si l’armée le déclare ainsi, cela veut dire que le coup peut avoir lieu à n’importe quel moment, mais il peut se présenter de différentes façons, c’est là un autre question. Il pourrait y avoir quelque chose de semblable à ce qui s’est passé en Uruguay avec Bordaberry, dans ce cas ce serait Garcia Pérez ; il pourrait provoquer lui-même un coup d’Etat, c’est une autre carte que Garcia Pérez a en réserve, parce qu’un coup d’Etat ferait de lui une victime et non pas un échec politique, comme c’est son cas.

    Et, comme il est jeune, d’ici peu de temps, il pourrait revenir en martyr et défenseur de la démocratie. C’est donc une carte supplémentaire du jeu de ce prestidigitateur démagogue. Et, si nous réfléchissons davantage, les forces armées devront développer une lutte contre-révolutionnaire toujours plus importante, qui leur donnera plus de pouvoir. Il en est ainsi et nous pensons que la contradiction évolue dans la perspective où nous devrons nous affronter : d’un côté, la révolution, le Parti Communiste du Pérou qui dirige la guerre populaire et, de l’autre, la réaction, les forces armées qui dirigent la guerre contre-révolutionnaire au Pérou.

    El Diario : Monsieur le Président, accepteriez-vous de dialoguer avec Alan Garcia Pérez ?

    Président Gonzalo : Le dialogue, c’est une question très à la mode actuellement. Il fait aussi partie du jeu des superpuissances, particulièrement du social-impérialisme. Nous évaluons la situation de la manière suivante : il arrive un moment où des relations et des pourparlers diplomatiques s’établissent, ils sont une nécessité dans le développement d’une guerre populaire : nous nous rappelons par exemple la réunion du Président Mao avec Tchang Kaï-chek.

    C’est un phénomène connu, nous l’avons vu aussi dans le cas de Vietnam ; c’est une facette du développement d’un guerre révolutionnaire, plus encore d’une guerre populaire. Mais il faut partir du principe que, dans les réunions diplomatiques, on ne signe que ce qui a été ratifié sur le champ de bataille, parce que personne ne donne ce qu’il n’a pas perdu, évidemment cela se comprend.

    Alors, on pourrait se demander : ce moment est-il arrivé au Pérou ? Non, il n’est pas arrivé, alors pourquoi proposer ce dialogue ? Le dialogue ne cherche qu’à freiner, qu’à saper la guerre populaire ; c’est son but et il n’en a pas d’autre. Et j’insiste, le critère est que le moment des contacts et des pourparlers diplomatiques n’est pas arrivé, n’a pas raison d’être.

    D’autre part, je crois que c’est une question démagogique, qu’ils agitent depuis l’époque où, à partir d’une proposition acceptée par un élément de la Gauche Unie, Belaunde, alors président, déclarait qu’il n’y avait pas d’interlocuteur valable ; rien que des mots, au fond ce n’était que démagogie bon marché, sans rime ni raison, et cela continue aujourd’hui.

    Et qui parlent de dialogue ? Les révisionnistes, les opportunistes et ceux qui fondent des espoirs sur l’Apra, sur cet ordre démoctratico-bourgeois, sur cet ordre réactionnaire ; ce sont eux. Mais, en même temps, est-ce que ce ne sont pas les mêmes qui proposent la pacification, qui proposent notre destruction ? Ceux qui proposent une manière de mieux pacifier, c’est-à-dire de nous balayer, parce que ce sont leurs rêves sombres pour satisfaire leurs appétits ? Ce sont les mêmes ! Quelle coïncidence !

    Donc, ce dialogue est une sinistre magouille. On pourrait en plus se demander comment ceux qui ont signé une amnistie avec Garcia Pérez, amnistie d’ailleurs jamais respectée, peuvent parler de dialogue.

    Pour cette raison, selon moi, le papotage sur le dialogue -je le répète- n’a en fait qu’un but : chercher à saper la guerre populaire, car il ne correspond pas à la réalité. Lorsque le moment arrivera, la guerre populaire devra nécessairement développer des pourparlers diplomatiques ; mais notre diplomatie visera la conquête du Pouvoir dans tout le pays, pleinement et complètement.

    Nous ne voulons pas de Vietnam Nord et de Vietnam Sud, nous ne voulons pas de Pérou du Nord et de Pérou du Sud. Nous voulons un seul Pérou, c’est notre condition : la reddition pleine, totale et absolue. Y sont-ils disposés ? Non, ce qu’il planifient, c’est notre destruction. Aussi le dialogue n’est-il qu’une partie du plan lui-même, malgré tout son caquetage démagogique et philistin.

    El Diario : Que pensez-vous de la Gauche Unie et de sa Ligne Politique ? Quel avenir donnez-vous à ce front révisionniste ? Quant à l’A.N.P. , Assemblée Nationale Populaire, quelle est la position du PCP ?

    Président Gonzalo : Je veux être très bref à ce sujet. D’abord, il faut se demander quelle est la ligne de la Gauche Unie en ce moment. Nous ne le savons pas. On sait d’après ses documents antérieurs qu’elle se veut « un front de masses à tendance socialiste » ; et elle s’est centrée, comme de bien entendu, sur le crétinisme parlementaire.

    Au fond, qu’expriment de telles positions ? Quelque chose de bien simple : le fait de croire qu’ils peuvent prendre le gouvernement et ensuite, comme ils le disent, le pouvoir ; qu’ils comprennent donc qu’on ne prend pas l’un sans l’autre ! De plus, c’est d’abord la prise du Pouvoir, puis le gouvernement se constitue. Cela vient du fait que le problème essentiel de l’État, c’est le système d’État, c’est-à-dire la dictature qui s’exerce, la classe qui l’exerce ; et ce qui en découle, c’est le système de gouvernement.

    Le reste n’est que divagations vulgaires, propres aux révisionnistes pourris ; si nous observons leurs propositions, ils ne sont pas pour la destruction de l’État réactionnaire mais pour un gouvernement qui leur permette de continuer à faire évoluer cet ordre caduque et pourri. C’est ce qu’ils cherchent en proclamant qu’avec ce gouvernement et des réformes, ils pourront aller vers le socialisme. Et c’est, tout simplement, du révisionnisme effréné, déjà condamné par Lénine.

    D’un autre côté, il faudra voir leurs thèses politiques et leur congrès. En ce qui concerne leurs thèses politiques , ils vont les publier prochainement. Je pense que dans la Gauche Unie, qui est un front, ne l’oublions pas, ce qu’on observe, c’est la réédition du vieux frontisme électoraliste opportuniste que nous avons vu de nombreuses fois au Pérou.

    Ce front est la négation d’un Parti qui dirige ; et, sans un parti du prolétariat qui dirige, il n’y a pas de transformation, il n’y a pas de révolution. Et la révolution ne s’est jamais faite et ne se fera jamais à travers le parlement. Ils sont en train de parer de nouveaux atours, de vieilles questions déjà discutées dans les années 60.

    Comment je vois la Gauche Unie ? En résumé, comme un ramassis de contradictions, comme une collusion et une lutte. Qu’est-ce qui les rassemble ? La collusion, leurs appétits, le fait de suivre la voie du crétinisme parlementaire, la répétition de vieux échecs, ou le fait d’être utilisés par la réaction comme une carte, de jouer des rôles sinistres comme Ebert, le pervers et vil assassin de la révolution de 1919, en Allemagne.

    C’est, me semble-t-il, ce qui les unit. Qu’est-ce qui les divise ? Leurs disputes, leurs bases, leurs appétits, et le fait qu’ils aient plusieurs maîtres ; ils dépendent donc de l’analyse que leurs maîtres font de la situation, parce qu’il y a là des révisionnistes qui servent le P.C.U.S., d’autres qui servent Deng, et ils dépendent de ce que disent leurs maîtres ou les intermédiaires de ces maîtres ; et ce, sans compter les liens avec d’autres centres de pouvoir.

    Là est la question. Ceux qui veulent réellement faire la révolution doivent réfléchir sur certaines questions. Ils ont l’obligation de penser que, s’ils sont réellement du côté de la révolution, ils doivent rompre avec ce frontisme électoraliste rampant et inutile qui est un obstacle. En assumant leur position de classe, selon la classe qu’ils défendent, ils doivent converger vers un front véritablement révolutionnaire.

    Qu’ils le fassent et convergent dans les faits ; il ne suffit pas d’accuser d’être sectaire, il faut prouver qu’on ne l’est pas ; et pour ce faire, il faut premièrement cesser d’être opportuniste, révisionniste ; et, pour d’autres, il faut cesser de vouloir nous emmener sur les voies sans issue du social-christianisme. S’ils veulent la révolution, qu’ils démontrent et donc qu’ils expriment par des faits, l’abandon de la voie erronée qu’ils suivent : celle d’être à la remorque du révisionnisme soviétique et chinois. C’est la première chose qu’ils doivent faire ; par ailleurs, je le répète, qu’ils ne viennent pas avec des positions conduisant à des voies social-chrétiennes. Il faut qu’ils comprennent réellement le marxisme-léninisme-maoïsme, principalement le maoïsme; et, tant qu’ils ne le comprendront pas, ils n’avanceront pas.

    Qu’ils comprennent ce que veut dire faire une révolution au moyen d’une guerre populaire, qu’ils comprennent et ouvrent les yeux, parce que la vérité est écrasante, et ils ne peuvent nier ce que tout le monde voit, excepté eux. Leurs appétits ne peuvent être aussi importants, qu’ils assument clairement leurs limitations de classe et acceptent que ce soit le prolétariat qui dirige en tant que classe, à travers un Parti Communiste. Voilà ce qui nous intéresse principalement.

    En ce qui concerne l’Assemblée Nationale Populaire. D’un côté, l’A.N.P est une chose intéressante ; on dit que c’est un  » germe de pouvoir « . Très bien,  » germe de pouvoir », disent-ils ; je me demande s’ils veulent former des soviets ? Sont-ils en train de rééditer l’expérience bolivienne de Juan José Torres ? Un pouvoir peut-il se créer ainsi ? Dresser ce supposé  » germe de pouvoir  » signifie, purement et simplement, s’opposer au Nouveau Pouvoir que nous sommes en train de construire de façon réelle et concrète.

    D’un autre côté, on dit que cette A.N.P est un  » front de masses « . Est-ce à dire qu’ils font concurrence à la Gauche Unie ? Il s’agit également d’un  » front de masses  » ; et, bien qu’ils définissent ce qu’ils sont, est-ce donc un  » germe de pouvoir  » ou un  » front de masses  » ? Que sont-ils concrètement, se posent-ils clairement la question de savoir comment se forge le pouvoir ? Et que voit-on ? Simplement que l’A.N.P. est manipulée par le révisionnisme. Des preuves à l’appui : ses arrêts de travail suivant la direction et les dates que fixe le révisionnisme à travers la C.G.T.P. ; ainsi donc, là aussi, c’est le révisionnisme qui est à la tête et les révolutionnaires ne peuvent pas suivre les révisionnistes; ceux qui veulent réellement la révolution, je le répète, qu’ils le démontrent avec des faits!

    Qu’ils comprennent d’abord qu’un processus de guerre populaire, authentiquement révolutionnaire, est en train d’avoir lieu ici, dans ce pays. Alors, tant qu’ils ne le comprendront pas, ils ne pourront pas jouer le rôle que de nombreuses personnes peuvent assumer. Ils ont simplement de bonnes intentions ; mais, contrairement à ce qu’ils croient, ils manquent totalement de clarté.

    El Diario : Monsieur le Président, comment voyez-vous la situation de la lutte de classes des masses et les organisations existantes ?

    Président Gonzalo : En ce qui concerne la lutte de classes des masses, je voudrais partir de ceci : notre peuple est héroïque; notre classe, le prolétariat, l’est encore plus ; comme tout peuple et tout prolétariat, ils sont des combattants persévérants, opiniâtres, dans la lutte de classes. Ils n’ont jamais baissé les bras et ils ne les baisseront pas jusqu’à ce que nous parvenions au communisme.

    Je crois que la première chose que nous devons faire, c’est reconnaître cette grandeur de notre peuple, de notre prolétariat ; la deuxième, c’est reconnaître, remercier, voir clairement et dire fermement que, sans leur appui, sans leur soutien, nous n’aurions rien fait ! Absolument rien! Car ce sont les masses qui font l’histoire. Nous y croyons avec ferveur, tout comme nous croyons au mot d’ordre « On a raison de se révolter »; c’est un autre principe-clé des masses.

    Comment voyons-nous les masses ? Avec la joie profonde de communistes, je salue cette mobilisation croissante et montante des masses qui est en train de rééditer d’anciennes gloires et d’écrire de nouvelles pages historiques. Les masses sont entrées et persévéreront dans un processus aigu de lutte de classes.

    Le pessimisme qui règne à la Gauche Unie, comme le reconnaît M.Moreno lui-même, dirigeant Patrie Rouge, ne pénétrera pas les masses puisque les masses ne sont pas pessimistes; rappelons-nous ce que nous dit le Président Mao : seuls les révisionnistes et les opportunistes sont pessimistes ; nous, le prolétariat et les communistes, sommes toujours optimistes, car l’avenir nous appartient. C’est établi historiquement pendant que politiquement nous poursuivons notre chemin.

    Les masses ne tomberont pas dans le pessimisme, elles n’y sont d’ailleurs jamais tombées. C’est absurde, c’est les avilir. Les masses luttent mais, pour lutter, elles ont besoin d’une direction, d’un Parti car il n’y a pas de mouvement de masses qui puisse évoluer, se maintenir, et encore moins se développer, sans un parti qui les dirige.

    Nous voyons avec une joie révolutionnaire comment les masses sont en train de combattre; et comment, ainsi que leurs propres actions le démontrent, elles apprennent de celles déjà incorporées à la guerre populaire ; comment elles commencent à appliquer ce grand mot d’ordre : Combattre et Résister! Il n’est plus temps de seulement recevoir, il faut être correct, il faut aussi rendre et rendre le double afin d’être doublement correct.

    Je crois que les masses sont en train de le faire en nous donnant réellement des exemples qui laissent entrevoir la perspective brillante qu’elles-mêmes verront;  car ce sont elles qui font la révolution, le Parti ne fait que les diriger. Je crois que c’est un principe que nous connaissons tous, mais il n’est pas inutile de le rappeler.

    En ce qui concerne les organisations, il nous semble que nous devons, aujourd’hui plus que jamais, étudier sérieusement ce que Lénine enseigna dans son œuvre « La faillite de la IIème Internationale », chapitre VIII ; il nous dit que l’État des exploiteurs, l’État bourgeois, l’État réactionnaire, permet l’existence d’organisations, pour se maintenir, vendent la révolution pour un plat de lentilles. Je crois que cette affirmation leur va comme un gant. Mais il nous dit, en plus, que la révolution n’a rien a attendre de ces organisations ; la révolution doit créer ses propres organisations pour développer les temps de guerre, de révolution, comme ceux que nous sommes en train de vivre et vivrons davantage dans l’immédiat et dans l’avenir la révolution triomphera.

    En conséquence Lénine nous disait : il faut créer de nouvelles organisations pour servir la révolution, même si nous devons passer par la tête des vendeurs d’ouvriers et des traîtres à la révolution. Je crois que ce sont les paroles de Lénine ; elles méritent notre grand respect à tous et elles doivent nous faire réfléchir sérieusement et profondément ; autrement, nous ne servirons pas la classe, le peuple. Il faut signaler le besoin que nous avons de contribuer à ce que tous assument davantage la conscience de classe.

    Qu’elles vivent selon ce qu’elles sont, classe ouvrière ou peuple, avec des intérêts opposés, antagoniques à ceux des exploiteurs. Qu’elles réalisent clairement le pouvoir qu’elles ont quand elles arrêtent la production avec une grève ; qu’elles comprennent, réalisent et conduisent une grève comme une École de guerre, comme une École de communisme et qu’elles continuent à développer leurs grèves comme la forme principale de lutte dans le domaine économique, ce qu’elle est de fait.

    Mais dans les circonstances actuelles, il faut qu’elles soient indissolublement liées à la conquête du Pouvoir. Ainsi donc, unissons la lutte pour les revendications avec le combat, avec la guerre populaire pour la conquête du Pouvoir, car c’est la défense de leurs intérêts de classe, c’est la défense des intérêts du prolétariat, du peuple ; c’est ce dont nous avons besoin et nous croyons que nos masses avancent toujours plus.

    Nous avons défini dans notre Parti, il y a quelque temps, ce que nous appelons la loi des masses, la loi de l’incorporation des masses, dans la guerre, dans la révolution, telle que nous la développons et comment elle fait corps avec la réalité ; les masses s’incorporent par vagues et par bonds toujours plus grands; c’est la direction que nous suivons et qui nous permettra de concentrer le 90% du peuple péruvien. Pourquoi faire? Pour que les masses fassent triompher la révolution et culminer l’œuvre qu’elles ont entreprise, il y a 8 ans et qu’elles mènent en avant avec leur propre sang, parce que c’est d’elles, c’est de leur sein qu’est née la révolution ; ce sont elles, les masses, qui font l’histoire, j’insiste, le Parti ne fait que diriger; voilà je crois ce qu’il en est.

    El Diario : Monsieur le Président, dans quels secteurs politiques et sociaux le PCP cherche-t-il ses alliés? Avez-vous une quelconque affinité avec quelque groupe politique du pays?  L’opportunisme vous accuse de sectarisme. Comment définissez-vous votre politique de front? Quel est le poids du Parti à la campagne, sur le mouvement ouvrier, sur le peuple en général?

    Président Gonzalo : Si vous me permettez de partir en premier lieu de la façon dont nous voyons le front, nous avons déjà dit comment nous le menons en avant; mais ce dont nous avons besoin, c’est de préciser ici comment nous concevons le front uni dont parlait le Président Mao.

    Disons au passage, que c’est lui qui a établi les lois du front, les six lois du front; avant lui, il n’y avait pas de telles lois. En accord avec ces critères du marxisme-léninisme-maoïsme, notre problème est celui d’un front de classes, avec le prolétariat comme classe dirigeante, la paysannerie comme force principale, la petite bourgeoisie comme alliée à laquelle nous devons prêter attention, en particulier les intellectuels, car ils sont nécessaires à la révolution, comme l’enseigna également le Président Mao.

    Même la bourgeoisie nationale peut participer et participe à ce front dans des circonstances et des conditions déterminées. Voilà ce que nous entendons par front uni; ce front a une base: l’alliance ouvrière-paysanne, celle qui se forge à la campagne, celle que nous sommes en train de forger, depuis déjà 8 ans aujourd’hui, les armes à la main.

    Pourquoi l’alliance ouvrière-paysanne est-elle nécessaire? Parce qu’il n’y a pas d’hégémonie du prolétariat sans elle, tout cela exige un Parti Communiste qui dirige ce front: telle est notre position.

    Nous sommes absolument opposés à la théorie révisionniste, qu’ils appliquent en Amérique Centrale et qu’ils veulent diffuser dans d’autres endroits, affirmant que « tous sont révolutionnaires », que « tous sont marxistes », « qu’il n’y a pas besoin de Parti Communiste qui dirige » et « qu’il suffit de s’unir tous et de se baser sur un front pour conduire une révolution » ; c’est la négation du marxisme, la négation de Marx, la négation de Lénine, la négation du Président Mao ; il n’y a pas de marxiste qui ait mis de côté la direction du Parti; autrement, comment se concrétise l’hégémonie du prolétariat?

    Seulement au moyen du Parti Communiste en tant que tel, c’est-à-dire, un parti marxiste-léniniste-maoïste qui serve de façon conséquente et ferme les intérêts de la classe et défende ceux du peuple. C’est ainsi que nous le voyons et c’est ce que nous sommes en train de matérialiser et de développer. Pour nous, le problème de front a un rapport avec la thèse connue, qui dit que, le Parti étant toujours une sélection des meilleurs, étant la direction nécessaire, pas pour faire la révolution puisque ce sont les masses qui la font, apparaît alors la nécessité du front pour rassembler les 90% de la population, l’immense majorité. C’est cela que nous cherchons, et c’est ce que nous sommes en train de réaliser.

    A propos d’organisations, nous avons eu en diverses occasions, des relations avec des organisations et alors nous les avons traitées comme il se doit, d’égal à égal, et nous avons échangé des expériences. Dans certains cas, elles ont demandé que le Parti les aide politiquement, ce que nous avons fait. Plusieurs cas se sont présentés, mais il vaut mieux ne pas donner de noms pour l’instant.

    A propos de si nous sommes sectaires ou non, excusez-nous de vous lire ce que dit le document « Développer la guerre populaire pour servir la révolution mondiale. » Ce sont les paroles de notre fondateur et nous les utilisons précisément parce que ceux qui se disent Mariáteguistes doivent l’être véritablement. Mais on ne peut pas être continuateur de Mariátegui sans être marxiste-léniniste-maoïste.

    Mariátegui disait : « Nous vivons une période de grande lutte idéologique. Les hommes qui représentent une force de rénovation ne peuvent, ni conjoncturellement, ni fortuitement, se concerter et ou se confondre avec ceux qui représentent une force conservatrice ou de régression. Un abîme historique les sépare. Ils parlent un langage différent et n’ont pas la même intuition de l’histoire. »

    « Je pense qu’il faut réunir les semblables et non les contraires. Il faut assembler ceux que l’histoire veut assembler. Il faut que se solidarisent ceux que l’histoire veut solidaires. Ceci me semble la seule entente possible. La seule intelligence pourvue d’un sens historique précis et tangible. »

    « Je suis révolutionnaire, mais je crois que les hommes de pensée claire et de position définie peuvent s’entendre et s’apprécier facilement, même s’ils se combattent. Le secteur politique avec lequel je ne m’entendrai jamais, est l’autre secteur, celui du réformisme médiocre, du socialisme domestique, de la démocratie pharisaïque. »

    C’est à cela que nous nous référons. Nous ne sommes pas sectaires, aucune de nos actions ne le démontre, mais ce que personne ne peut exiger de nous c’est que nous allions au marais. Lénine nous enseigna: si certains décident et veulent aller au marais, ils ont le droit d’y aller, mais ils n’ont pas le droit de nous y entraîner avec eux.

    Lénine nous disait que nous devons suivre notre chemin en pente raide jusqu’au sommet, et dans d’autres textes, que nous devons affronter la mitraille de l’ennemi, mais nous continuerons d’avancer. Alors nous ne sommes pas sectaires, ni dogmatiques, nous sommes simplement des communistes et nous sommes attachés à ces sages paroles de Mariátegui. Nous demandons par contre à ceux qui se vantent de le suivre, de le suivre vraiment et de le prouver.

    En ce qui concerne le poids du Parti à la campagne, ce que nous pouvons dire concrètement, c’est que la majorité de notre force militante est paysanne, l’immense majorité; et notre limitation est le nombre insuffisant d’ouvriers. Nous avons là une limitation sérieuse mais nous faisons et nous ferons plus d’efforts pour la surmonter parce que nous avons besoin de communistes prolétaires, d’ouvriers. En effet, ils nous transmettent cette résistance, cette fermeté d’acier qui les caractérisent en tant que classe.

    Nous savons, du reste, que dans le peuple en général, notre force et notre retentissement augmentent ; nous pouvons dire que l’Armée Populaire de Guérilla est formée des masses, des paysans, des ouvriers, des intellectuels, des petits-bourgeois, cela représente des milliers d’hommes. Nous avons des centaines de Comités Populaires organisés en Bases d’Appui et nous exerçons un Pouvoir sur des dizaines de milliers de personnes.

    Voilà notre réalité, l’influence du Parti est grandissante et notre retentissement sur les masses est chaque fois plus grand ; nous appliquons ce principe comme nous le dit le marxisme, d’éduquer le prolétariat, le peuple, les masses, avec des actions frappantes pour ancrer en eux les idées. Nous croyons que nous sommes en train de faire un grand bond dans notre croissance au sein des masses, voilà ce que nous pouvons dire. Nous souhaitons, et c’est notre tâche et une partie de notre plan, faire un grand bond dans le travail de masses.

    Les masses, dans le pays, ont besoin de la direction du parti Communiste. Nous espérons, avec un peu plus de théorie et de pratique révolutionnaire, avec plus d’actions armées, plus de guerre populaire et plus de Pouvoir, atteindre le cœur-même de la classe et du peuple et le rallier réellement à nous. Pourquoi? Pour le servir, c’est ce que nous voulons.

    El Diario : Monsieur le Président, d’autres organisations  ou ne se définissent pas, ou parlent vaguement de révolution socialiste pour le Pérou. Quelles sont les raisons qui permettent au P.C.P de définir les étapes de la révolution péruvienne? Comment le P.C.P mènera la révolution socialiste et les Révolutions Culturelles Prolétariennes au triomphe et les forces contre-révolutionnaires à la déroute? Les Révolutions Culturelles seront-elles similaires à celles que développa le Président Mao en Chine?

    Président Gonzalo : Un problème capital est de définir le caractère de la révolution.

    Pour nous, selon ce que le propre Congrès du Parti a établi, la révolution est démocratique. C’est en assumant le maoïsme que nous sommes parvenus à développer une compréhension un peu plus large de la situation de notre pays. Nous considérons que la société péruvienne est une société semi-féodale et semi-coloniale sur laquelle se développe un capitalisme bureaucratique et, en conséquence la révolution est démocratique.

    Nous considérons que cette révolution démocratique doit affronter trois montagnes : l’impérialisme principalement yankee, le capitalisme bureaucratique et la semi-féodalité. Cette révolution démocratique exige d’engager une guerre populaire c’est pour cela que nous sommes résolus dans cette guerre populaire qui nous permettra de détruire ces trois montagnes et de conquérir le Pouvoir dans tout le pays, dans une perspective à notre avis pas si lointaine.

    Mais finalement, ceci dépend de l’importance de l’effort que nous, tous les combattants, engagerons dans la guerre populaire, mais aussi de l’adhésion chaque fois plus grande que lui apporteront les masses. Nous considérons que cette révolution démocratique doit être suivie sans intermède d’une révolution socialiste.

    A ce sujet nous voudrions préciser ceci, assumant ce que le Président Mao nous enseigne avec une grande clairvoyance de ce qui pouvait surgir: il nous dit que la révolution démocratique se termine le jour même de la prise du Pouvoir dans tout le payas et de la fondation de la République Populaire. Ce même jour, à cette même heure, commence la révolution socialiste, dans laquelle nous devons développer une dictature du prolétariat et ainsi, mener en avant les transformations de base pour le développement du socialisme.

    Nous considérons qu’il existe un troisième type de révolution. En étudiant le Président Mao Zedong, et les accords du P.C.C., nous sommes en train de comprendre chaque fois plus, l’importance de la grande révolution culturelle prolétarienne, comme continuation de la révolution sous la dictature du prolétariat, et son caractère indispensable. Sans elle la révolution ne peut pas poursuivre sa marche vers le communisme.

    Nous considérons qu’il y aura des révolution culturelles successives, mais nous pensons que cette révolution culturelle devra être spécifiée. Même si nous devons assumer la thèse du Président et la grandiose expérience du P.C.C., nous devons l’appliquer à notre propre réalité; là encore, nous sommes anti-dogmatiques, nous ne pouvons être mécanicistes, nous serions contre le maoïsme. En tant que Parti Communiste, nous pensons que notre but est unique : le communisme, mais là, et excusez-moi si je répète, nous devrons y parvenir tous sur la Terre, au risque que personne n’y arrive.

    Nous sommes absolument opposés aux thèses révisionnistes de Khrouchtchev qui nous parlait de communisme en U.R.S.S pour l’année 1980. Le Président Mao Zedong réaffirma une fois de plus, que nous entrerions tous au communisme ou sinon personne n’y entrerait.

    C’est pour cela que notre révolution est étroitement liée à la révolution mondiale. C’est notre but final et définitif, le reste n’est qu’étapes, pas, moments. Nous pensons que la perspective pour parvenir au communisme est lointaine. La projection du président Mao Zedong nous semble exacte.

    El Diario : On dit que le P.C.P., avec la conquête du Pouvoir dans tout le pays, confisquera tout type de propriété. Est-ce vrai ? Comment agira-t-il face à la dette extérieure?

    Président Gonzalo : Nous voyons déjà que le Programme du Parti éclaire ces questions. Une révolution démocratique comme celle que nous sommes en train de mener en avant, vise les trois montagnes déjà mentionnées.

    Cela veut dire que nous voulons rompre la domination de l’impérialisme principalement yankee, mais en même temps nous faisons tout pour ne jamais permettre au social-impérialisme, ni à aucune puissance impérialiste, d’exercer sa domination sur nous.

    Nous sommes pour la destruction de la semi-féodalité, en appliquant le grand mot d’ordre qui continue d’être d’actualité –cela veut la peine d’insister car tellement de choses se disent là-dessus- « la terre à celui qui la travaille »; le Président Mao réaffirme ce mot d’ordre, qui pour nous, entraîne la destruction de la propriété semi-féodale et la distribution de la terre à la paysannerie sous forme de propriété, distribution principalement à la paysannerie pauvre ; et nous, nous sommes pour la confiscation du capitalisme bureaucratique, et il faut le répéter encore, c’est très important, parce que cela donne au Nouveau pouvoir la base économique pour diriger l’économie et nous mettre en marche vers le socialisme.

    Nous sommes contre ces trois montagnes. En ce qui concerne la bourgeoisie nationale ou moyenne, la question est de respecter ses droits: nous nous en tenons à cela, nous ne pouvons aller plus loin ; ce serait changer le caractère de la révolution. L’idée de « confisquer toute propriété » n’est rien de plus que fables et mensonges toujours proférés contre les communistes.

    Comme Marx nous l’enseigna magistralement, la réaction et les ennemis de la révolution ont toujours élaboré des idées fausses et des mensonges pour s’opposer au communisme. Se ce grand fondateur du marxisme dans le monde, souffrit toutes ces infamies, tous ces mensonges et tergiversations de ses sages propos, nous croyons que ce qui se dit contre notre parti, n’est que la continuation de vieille école réactionnaire et des ennemis de la révolution.

    El Diario : Comment agira le Parti face à la dette extérieure?

    Président Gonzalo : La dette étant propriété impérialiste, elle sera confisquée. Je crois que nous pouvons ajouter que c’est la seule manière de balayer réellement ce poids immense qui écrase tant de pays et appauvrit des nations et des peuples. C’est seulement avec la révolution, il n’y a pas d’autre forme. Tout le reste, les moyens, les critères proposés ne sont que les désirs de tirer les marrons du feu à l’impérialisme et nous pensons de plus que cela correspond à l’expérience historique.

    El Diario : Et le Parti Communiste, comment est-il en train de résoudre le problème de la terre? Quels plans appliquent l’APRA et le PUM?

    Président Gonzalo : La question de la terre est fondamentale parce que réellement, c’est ce problème qui se résout avec la révolution démocratique, mis à part d’autres problèmes déjà connus. Nous appliquons la destruction des rapports semi-féodaux d’exploitation et la distribution de la terre aux paysans pauvres, principalement, puis aux paysans moyens, et s’il y a lieu aussi aux paysans riches, mais de la même façon, si c’est nécessaire, nous pouvons leur retirer pour faire face à un manque de terres.

    Même pour le cas des grands propriétaires fonciers, comme l’enseigna le Président, s’ils veulent travailler, qu’ils gagnent leur pain, comme on dit, à la sueur de leur front, qu’ils apprennent ce que signifie travailler la terre et ne pas vivre simplement de la rente. Nous suivons cette politique.

    La politique du Parti s’est développée dans ce domaine; une des réalisations importantes que nous ayons effectuées, a été d’impulser un mouvement d’invasion des terres de grande envergure, dans le département de La Libertad, où furent répartis plus de 300.000 ha., mobilisant 160.000 paysans ; en voyant l’ensemble des mobilisations que nous avons connues, c’est là où nous sommes parvenus à mobiliser la masse la plus nombreuse; ce mouvement fut impulsé pour saper les plans de l’APRA ; nous l’avons appliqué aussi à Puno et c’est nous qui avons commencé les invasions de terres même à Puno, alors que le PUM discutait avec l’APRA le fait et la façon de le faire; c’est la réalité, pure et simple ; puis le gouvernement s’est vu obligé d’adopter des dispositions pour Puno en particulier, dispositions qu’il n’a d’ailleurs pas appliquées. Dans ce cas comme dans d’autres de la Sierra, l’APRA visait le rédecoupage que proposait Morales Bermudez lors de sa présidence et la dispute avec le PUM tourna autour de comment le réaliser, si seul le gouvernement le réalisait ou si les organisations participaient.

    Qu’ont cherché le gouvernement et le PUM? Ils ont cherché à faire baisser la pression des eaux. Nous voyons une fois de plus la répétition de leur pratique de 1974, à l’époque de « l’Avant-Garde Révolutionnaire » avec les « prises de terre » d’Apurimac où des milliers de paysans furent mobilisés. Dans quel but? Rester et négocier dans le cadre de la loi 17716, loi corporatiste du fascisme de Velasco, les actes de Toxama et Huancahuacho en sont la preuve.

    Quelqu’un doit en répondre, il serait bon de leur rafraîchir la mémoire; servirent-ils ou non le régime? Ils lui ont servi parce qu’ils s’appuyaient à ce moment là sur le critère que la loi 17716 était bonne, que son erreur était de n’être pas socialiste. C’est politiquement stupide, parce que la question de la terre est une revendication démocratique élémentaire, sinon il faudrait corriger le marxisme. C’est cela qu’ils ont réédité aujourd’hui, en collusion avec l’APRA. Il y a des choses qui se disent beaucoup, mais il serait bon, vu ce qu’ils sont, qu’ils se frappent la poitrine et fassent un acte de contrition, qu’ils regardent s’ils n’ont pas collaboré, y compris pratiqué la délation pour que nos forces soient frappés, qu’ils méditent tout cela !

    Les faits l’ont prouvé, nous savons depuis les années 60, et grâce à une nouvelle étude que nous avons faite dans les années 70, que la simple obtention de la terre, non liée à une guerre populaire, à une lutte pour la conquête du Pouvoir, engendre simplement un accouplement au système ; elle devient un soutien de ce dernier, suit le même processus végétatif, semi-féodal, preuves à l’appui, Pomacocha et Ccaccamarca, dans le département d’Ayacucho ; ce sont des questions aux quelles nous devons réfléchir ; les expériences d’Apurímac en 1974, les  » prises de terre  » de l’Avant-Garde Révolutionnaire, à quoi servirent-elles?

    Elles servirent à la mise en place d’un système corporatiste, en développant les formes associatives. N’était-ce pas ce que voulait Velasco? En conséquence, il s’agit bien de s’accoupler au système, de faire évoluer la féodalité, quand la question est de la raser, de la détruire. C’est, jusqu’à ce jour, ce que ne comprend pas le PUM, ce qu’il ne comprendra pas; il faudrait qu’il ait une autre idéologie, l’idéologie marxiste, pour comprendre comment conquérir et défendre la terre, les armes à la main. Voilà ce qu’il en est.

    En outre, l’APRA suit d’autres plan; en particulier, il faut prêter une grande attention à leurs plans concernant les terres en friche de la Côte, avec les derniers décrets et les « plans de développement » proposés à tous ceux qui sont capables d’investir, en vue de créer des produits d’exportation.

    Ceci conduit à une répartition falsifiée, à une bagarre pour les terres dans les départements de Lambayeque, de la Libertad, d’Ica et sur la Côte péruvienne en général. Avec leurs dernières dispositions, ils peuvent donner jusqu’à 450 hectares ; est-ce que ce seront les pauvres qui acquerront ces terres? Avec quel argent pourraient-ils creuser des puits tubulaires, pour extraire l’eau, par exemple? Impossible : ce sont de succulents plans dont le résultat était déjà clair, c’est la répartition falsifiée des terres.

    Que sont-ils donc en train de faire à la Libertad ? Au bénéfice de qui ? De l’APRA, de ses dirigeants et de ses associés, parmi les quels, monsieur le ministre Remigio Moralez Bermudez, partenaire de grandes entreprises monopolistes, joue un rôle de choix et économique. Cela ne bénéficie pas à la paysannerie et à la Côte aussi, la paysannerie a besoin de terres et les terres doivent leur appartenir. Nous avons vu dernièrement, dans le département de La Libertad, le scandale provoqué par la demande de concession de terres à cause d’irrigations futures.

    D’autres problèmes. La répartition de terres dans la forêt amazonienne : 30 mille hectares. Qui pourra les gérer? Dionisio Romero ou quelqu’un de semblable. Il ne pourra pas le contrôler, il les donnera encore moins à un paysan pauvre, mais la terre est à celui qui la travaille, principalement la paysannerie pauvre. D’un autre côté, l’APRA a nettement échoué dans ses plans contre-révolutionnaires pour le dit trapèze andin.

    Et nous lui disons ouvertement, comme d’autres le lui ont déjà signalé, que nous avons montré que la Sierra existait au Pérou. C’est à partir de cela que García Perez a redécouvert son trapèze andin pour faire sa propre vitrine mais ses sinistres plans ont échoué ; ils sont détruits et paralysés. Sinon, que dire du plan de Cachi à Ayacucho inauguré par celui qui se fait passer pour le président, allant en hélicoptère et à grand renfort de propagande, pour expliquer depuis les montagnes ce qu’il ne sait ni ne comprend? Qu’en est-il du plan de Rasuwilca ? Nous l’avons détruit pour contre-subversion et parce que nous ne pouvons pas permettre que les terres ne soient pas données aux paysans qui en ont besoin, principalement les paysans pauvres.

    Mais je crois que d’autres questions mériteraient d’être abordées : les rondes, les rondes paysannes; qu’ont-ils fait de ces créations que les masses mirent sur pied pour se défendre? Des organismes qui aujourd’hui sont sous le contrôle de l’État, des forces armées et des forces de police, voilà ce qu’il en est clairement et concrètement.

    Ce sont eux, ceux de la gauche Unie, qui avec orgueil approuvèrent la fameuse loi et aujourd’hui trépignent contre le règlement de cette même loi. Mais le règlement n’est que le résultat de la loi. Si tu as approuvé la loi, supportes-en le règlement. Au fond, ce qu’ils ont fait, c’est simplement travailler pour ce que l’armée de terre, les forces armées exigeaient, une loi qui ratifie les groupements de masses contre-révolutionnaires ou les « comités de défense » qu’ils avaient montés.

    Ils disaient qu’il n’y avait pas de loi derrière laquelle ils puissent s’abriter. C’est donc bien cette loi celle qui s’appelle loi de rondes paysannes. Les forces de police les utilisent-elles ou non? L’armée les utilise-t-elle ou non? Les caciquisme les utilise-t-il ou non? Voilà la réalité; de tout cela, ils devraient répondre, ils devraient nous rendre compte ; sans entrer dans les détails de leurs statuts, sont-ils réellement marxistes?

    Sont-ils élaborés du point de vue de la classe, du peuple? Ne renferment-ils pas un incaïsme usé? N’expriment-ils pas une position de personnalisme chrétien? Ne travaillent-ils pas en liaison avec l’Eglise? Alors, pourquoi publient-ils leurs documents? Quand je parle de l’Église, je me réfère à la hiérarchie ecclésiastique. Ce serait bien, quand ils auront du temps, du temps libre, qu’ils lisent ces règlements, ils sont extrêmement significatifs.

    Nous dénonçons aussi, le plan de l’APRA, dans le Haut Huallaga, qui sous prétexte de combattre le narco-trafic, autorise l’utilisation des insecticides meurtriers  » spike  » dont les monopoles yankees eux-mêmes disent qu’ils sont comme de petites bombes atomiques.

    El Diario : Monsieur le Président, quelles seront les caractéristiques principales de la République Populaire de Démocratie Nouvelle que vous et votre Parti Proposez ?

    Président Gonzalo : Les caractéristiques sont essentiellement celles d’une dictature conjointe; j’insiste sur ce point, parce qu’au Pérou, il faut penser sérieusement à la question de l’État et l’analyser à partir du marxisme-léninisme-maoïsme ; sur le problème de l’État, la première question qui se pose à nous, c’est la question du système d’État, c’est-à-dire la dictature de classe qui s’exerce ; dans notre cas, c’est une dictature conjointe. Actuellement, elle s’exerce seulement à trois : le prolétariat, la paysannerie et les progressistes (la petite bourgeoisie) ; la bourgeoisie nationale n’y participe pas, mais nous respectons ses droits, oui. Le système de gouvernement qui découle de cela est un système basé sur des Assemblées Populaires.

    Comment le concrétisons-nous?

    Par des Comités et le regroupement de ces Comités Populaires forme les Bases d’Appui ; l’ensemble des bases d’appui forme la République Populaire de Démocratie Nouvelle, voici ce que nous sommes en train de mettre en place et ce que nous développerons, jusqu’au terme de la révolution démocratique.

    Je voudrais insister sur le fait que le Parti a décidé de « Semer le Pouvoir » pour que le peuple commence à l’exercer, qu’il apprenne à conduire l’État, car une fois qu’il apprendra à conduire l’État, il apprendra que cet État ne peut être maintenu que par le pouvoir des armes. On le défend de la même manière qu’on le conquiert. « Semer le Pouvoir » nous amène à semer dans les esprits la nécessité du Nouveau Pouvoir, et qu’ils le voient dans les faits, C’est précisément ce que nous sommes en train de faire.

    Au niveau de la République Populaire de Démocratie Nouvelle s’accomplissent des fonctions générales de direction, de construction et de planification; il me semble qu’on a suffisamment parlé de ce point, puisque d’autres précisions sont déjà expliqués dans les documents.

    >La cinquième partie de l’interview

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  • Gonzalo et la Guerre Populaire

    El Diario : Monsieur le Président, parlons maintenant de la guerre populaire. Que signifie la violence pour le Président Gonzalo ?

    Président Gonzalo : En ce qui concerne la violence, nous partons d’un principe établi par le Président Mao Zedong : la violence est une loi universelle, sans aucune exception, je veux dire : la violence révolutionnaire ; c’est cette violence qui nous permet de résoudre les contradictions fondamentales, avec une armée, et à travers la guerre populaire. Pourquoi partons-nous de la thèse du Président Mao ?

    Parce que nous croyons qu’avec lui, le marxisme s’est réaffirmé et a réussi à établir qu’il n’y a aucune exception. Marx, déjà, nous parlait de la violence accoucheuse de l’histoire, ce qui reste pleinement valable et grandiose. Lénine, à propos de la violence, nous parlait du panégyrique de la violence révolutionnaire, fait par Engels. Mais ce fut le Président Mao qui nous dit que c’est une loi universelle sans aucune exception.

    C’est pour cela que nous nous basons sur cette thèse. C’est une question essentielle du marxisme parce que sans violence révolutionnaire, une classe ne peut pas renverser un vieil ordre pour en créer un nouveau, en l’occurrence aujourd’hui un nouvel ordre dirigé par le prolétariat au moyen de partis communistes.

    Le problème de la violence révolutionnaire est une question qui revient de plus en plus sur le tapis. C’est pourquoi nous, les communistes et les révolutionnaires, devons nous réaffirmer dans nos principes. Le problème de la violence révolutionnaire est dans la concrétisation de la guerre populaire. Pour nous, le Président Mao Zedong, en établissant les principes de la guerre populaire, a doté le prolétariat de sa ligne militaire, de sa théorie et de sa pratique militaire, de valeur universelle, donc applicable partout, selon les conditions concrètes.

    Le problème de la guerre, nous le voyons ainsi : la guerre a deux aspects ; l’un de destruction, l’autre de construction, l’aspect de construction étant le principal. Et ne pas voir les choses ainsi, c’est saper la révolution, c’est l’affaiblir.

    D’un autre côté, dès que le peuple prend les armes pour renverser le vieil ordre, la réaction cherche à l’écraser, à le détruire, à l’anéantir ; et elle utilise tous les moyens à sa disposition, allant jusqu’au génocide. Dans notre pays nous l’avons vu, nous sommes en train de le voir et nous le verrons plus encore, jusqu’à ce que nous ayons démoli l’État Péruvien caduc.

    En ce qui concerne la soi-disant guerre sale, je préfère simplement dire qu’on nous impute le fait que la force armée réactionnaire ait appris de nous cette guerre sale. Cette accusation est l’expression claire de l’incompréhension de ce qu’est une révolution, de ce qu’est une guerre populaire.

    La réaction applique, au moyen de ses forces armées et de ses forces répressives en général, sa volonté de nous balayer et de nous faire disparaître. Et pour quelle raison ? Parce que nous voulons la même chose pour elle : la balayer et la faire disparaître en tant que classe. Mariátegui disait déjà qu’on ne peut engendrer un nouvel ordre social qu’en détruisant, qu’en démolissant le vieil ordre.

    Nous jugeons, finalement, ces problèmes à la lumière du principe essentiel de la guerre, établi par le Président Mao : l’anéantissement des forces de l’ennemi et la préservation des siennes. Et nous savons très bien que la réaction a appliqué, applique et appliquera le génocide. Sur ce point nous sommes extrêmement clairs.

    Et, en conséquence, se pose pour nous le problème du prix à payer : pour anéantir l’ennemi, préserver nos propres forces et plus encore pour les développer, il faut payer le coût de la guerre, payer de notre sang. Le sacrifice d’une partie est nécessaire au triomphe de la guerre populaire.

    En ce qui concerne le terrorisme. On nous qualifie de terroristes. Je veux seulement répondre de cette manière pour que tous, nous réfléchissions. N’est-ce pas l’impérialisme yankee, et particulièrement Reagan, qui a accusé de terrorisme tout mouvement révolutionnaire ? Oui ou non ? C’est ainsi qu’ils cherchent à discréditer et à isoler pour mieux écraser ; c’est ce dont ils rêvent.

    Mais ce n’est pas seulement l’impérialisme yankee et les autres puissances impérialistes qui combattent le soi-disant terrorisme. C’est aussi le social-impérialisme, le révisionnisme. Aujourd’hui, Gorbatchev lui-même propose de s’unir pour lutter contre le terrorisme. Et ce n’est pas une simple coïncidence si lors du VIIIème Congrès du Parti du Travail d’Albanie, Ramiz Alia s’est engagé lui aussi à le combattre.

    Mais il serait très utile de nous rappeler ce que Lénine écrivait : « Vive les initiateurs de l’Armée Populaire Révolutionnaire ! Ce n’est plus un complot contre un quelconque personnage haï, ce n’est pas un acte de vengeance, ce n’est pas une sortie poussée par le désespoir, ce n’est pas un simple acte d’intimidation, non : ceci est le commencement bien médité et préparé, calculé du rapport de forces, c’est le commencement des actions des détachements de l’armée révolutionnaire. »

    « Heureusement, les temps sont révolus où, par manque d’un peuple révolutionnaire, la révolution « était faite  » par des terroristes révolutionnaires isolés. La bombe a cessé d’être l’arme du « poseur  » individuel et est devenue l’élément nécessaire de l’armement du peuple. »

    Déjà Lénine nous enseignait que les temps avaient changé, que la bombe était devenue l’arme de combat de la classe, du peuple, qu’elle n’était plus une conjuration, une action individuelle isolée, mais l’action d’un Parti, avec un plan, avec un système, avec une armée. Les choses étant ce qu’elles sont, où est le soi-disant terrorisme ? Ce n’est que pure infamie.

    En fait, on doit avoir très présent à l’esprit que, dans la guerre contemporaine en particulier, c’est précisément la réaction qui utilise le terrorisme comme un de ses moyens de lutte, et comme cela a été prouvé mille fois c’est une forme de lutte quotidienne des forces armées de l’État Péruvien. Au vu de ce qui précède, nous pouvons conclure que ceux qui jugent la situation avec désespoir parce que la terre tremble sous leurs pieds, crient au terrorisme dans le but de cacher la guerre populaire.

    Mais c’est un tel choc qu’eux-mêmes reconnaissent sa dimension nationale et reconnaissent que c’est devenu le problème principal qu’affronte l’État Péruvien. Et quel terrorisme agit ainsi ? Aucun ; et pire encore, ils ne peuvent plus nier qu’un Parti Communiste dirige la guerre populaire. Mais en ce moment certains commencent à réfléchir. Il ne faut condamner personne d’avance, il y a ceux qui peuvent progresser. D’autres, comme Del Prado, n’avanceront jamais.

    El Diario : Quelles sont les particularités de la guerre populaire au Pérou, en quoi se différencie-t-elle d’autres luttes dans le monde, en Amérique Latine et de celle menée par le M.R.T.A ?

    Président Gonzalo : C’est une bonne question. Je vous remercie parce qu’elle servira à aborder une fois de plus le soi-disant « dogmatisme « . Certains vont jusqu’à dire que nous appliquons mal la pensée du Président Mao, à une époque qui n’est plus la sienne. Finalement, ils papotent tant, qu’il faut se demander s’ils savent de quoi ils parlent, entre autres, le sénateur décoré, spécialiste de la violence.

    La Guerre Populaire s’applique universellement, selon le caractère de la révolution, et acquiert un caractère spécifique à chaque pays, il ne peut pas en être autrement. Dans notre cas, les particularités sont claires. C’est une lutte qui se livre à la campagne et à la ville comme cela fut établi dès 1968, dans les grandes lignes pour la guerre populaire. Voici déjà une différence, une particularité : c’est à la campagne et à la ville. Nous croyons que cela est lié à nos situations spécifiques.

    L’Amérique Latine, par exemple, compte des villes proportionnellement plus grandes que celles des autres continents. C’est une réalité de l’Amérique Latine qu’on ne peut ignorer. Il suffit de voir la capitale du Pérou, qui a un taux de population élevé. Ainsi, pour nous, la ville ne pouvait être laissée de côté et la guerre devait s’y dérouler aussi, toutefois la lutte se livre principalement à la campagne, celle de la ville restant le complément nécessaire. Voilà, nous avons déjà une particularité. Il y en a une autre.

    La réalité est la suivante : en entrant dans la guerre populaire, nous allons affronter les forces de police, et ce n’est qu’en décembre1982, que les forces armées font leur entrée ; ceci ne voulait pas dire qu’avant, elles n’avaient pas, bien sûr, un rôle de soutient, sans compter l’étude du processus de notre développement. C’est une particularité, parce que produisant un vide à la campagne, nous avons dû créer un Nouveau Pouvoir sans avoir mis en déroute de grandes forces armées puisqu’elles n’étaient pas encore entrées.

    Et si elles l’ont fait, si elles sont entrées, c’est parce que nous avions créé un Pouvoir Populaire. Telle était la situation politique concrète qui existait dans le pays. Si nous n’avions pas agi ainsi, en appliquant point par point ce que le Président Mao Zedong a dit, nous serions encore assis à attendre l’entrée des forces armées. Nous nous serions enlisés. Une autre particularité, c’était la conformation de l’armée, je m’y suis déjà référé.

    Toutes sont des particularités, nous avons déjà parlé de la campagne et de la ville, de comment faire la guerre, de l’armée, de comment s’établit le Nouveau Pouvoir. Que le Parti lui-même soit militarisé est une autre particularité. Ce sont des situations spécifiques qui correspondent à notre réalité, à l’application du marxisme-léninisme-maoïsme, de la théorie du Président Mao sur la guerre populaire aux conditions de notre pays. Bien sûr, cela nous différencie des autres luttes.

    Pourquoi nous différencions-nous des autres ? Parce que nous faisons une guerre populaire ; cela nous différencie d’autres luttes d’Amérique Latine. A Cuba il n’y a pas eu de guerre populaire, mais leur lutte a eu aussi ses particularités, qu’ils ont oubliées intentionnellement ; avant ils disaient que c’était un cas exceptionnel, la non-ingérence de l’impérialisme nord-américain -dixit Guévara- et puis ils l’oublièrent.

    En dehors du fait qu’il n’y a pas eu de Parti Communiste pour diriger, ce sont des questions du cubanisme et ses cinq caractéristiques : différenciation des classes insuffisante, ce qui entraînait le besoin de rédempteurs pour racheter les opprimés, révolution socialiste ou caricature de révolution, front uni mais sans bourgeoisie nationale, pas de nécessité de base d’appui, et celle déjà mentionnée : l’absence de nécessité d’un Parti.

    Ce que nous voyons aujourd’hui en Amérique Latine n’est qu’un développement de ces mêmes positions, mais chaque fois plus au service du social-impérialisme et son conflit avec l’impérialisme yankee pour l’hégémonie mondiale. L’Amérique Centrale le montre avec évidence. Le M.R.T.A., du peu que nous en savons, est en accord avec ces critères.

    En fin de compte, un autre point qui nous différencie, excusez-moi d’insister, c’est l’indépendance, l’autonomie de décision, le fait que nous nous appuyons sur nos propres forces. Les autres ne possèdent pas ces caractéristiques et sont des pions de l’échiquier ; nous, non. Encore une différence très importante ; nous nous assujettissons au marxisme-léninisme-maoïsme, les autres non.

    En synthèse, la grande différence, la différence fondamentale, se trouve au point de départ, dans l’idéologie dont nous partons, le marxisme-léninisme-maoïsme, principalement le maoïsme, appliqué aux conditions spécifiques de notre pays, et j’insiste encore une fois de plus, appliqué avec des particularités bien claires qui démontrent la fausseté du soi-disant dogmatisme qu’ils nous imputent, qui n’est d’ailleurs que la réponse aux ordres de leurs maîtres.

    El Diario : Monsieur le Président, le M.R.T.A. serait donc en train de jouer un rôle contre-révolutionnaire dans le pays ?

    Président Gonzalo : Le M.R.T.A. a des positions qui doivent faire réfléchir. Il y a eu, par exemple, la trêve accordée à l’Apra, selon ses dires, jusqu’à ce que le peuple soit frappé. Mais nous savons que le jour même où García Perez devint président, il réprima les masses dans la capitale même de la république. En octobre 1985, génocide à Lurigancho. Le peuple était-il frappé oui ou non ? Et combien de temps ont-ils attendu pour mettre fin à leur trêve ? Ce sont des choses sur lesquelles chacun doit s’interroger.

    El Diario : Vu l’importance de la Base d’Appui : comment se construit-elle dans le pays ? Que pensez-vous de l’insurrection ? Comment y préparez-vous les villes ?

    Président Gonzalo : La base d’appui est l’épine dorsale de la guerre populaire. Sans elle, elle ne peut se développer. J’ai fait mention, auparavant, de circonstances particulières qui se sont présentées à nous au cours de la seconde moitié de 1982. Nous avons développé la partie finale de la campagne de déploiement, visant à détruire les relations semi-féodales d’exploitation, visant à en finir avec le caciquisme qui est la base du pouvoir de l’État, et le sera jusqu’à ce que nous le balayions.

    Nous continuons à frapper et à infliger des défaites écrasantes et humiliantes aux forces policières ; et ce n’est pas moi qui le dis, mais des journalistes de l’Expreso par exemple, qu’on ne peut, je crois, soupçonner de position révolutionnaire. Nous avons donc créé un vide de Pouvoir à la campagne.

    Le problème s’est alors posé : Que faire ? Nous avons décidé de créer des comités populaires, c’est-à-dire des dictatures conjointes, un Nouveau Pouvoir. Nous avons décidé qu’ils devaient être clandestins, parce qu’ensuite interviendraient nécessairement les forces armées, nous le savions bien.

    Ces Comités Populaires se sont multipliés par cent, les Comités d’une zone formant une base d’appui et l’ensemble de celles-ci, la République Populaire de Démocratie Nouvelle en formation. C’est de cette manière qu’ont surgi les comités, les bases, et que la R.P.D.N. est en formation.

    Quand les forces armées sont entrées, nous avons dû développer une dure lutte : elles ont appliqué le rétablissement du vieux pouvoir, nous avons appliqué le contre-rétablissement pour relever le Nouveau Pouvoir.

    Un génocide très cruel et sans miséricorde a eu lieu. Nous avons dû nous battre de toutes nos forces. La réaction, et les forces armées en réalité, ont cru en 1984 nous avoir déjà mis en déroute : Je fais référence à des documents qu’ils connaissent très bien puisque ce sont les leurs, où on lisait même que nous n’étions plus un danger, que le danger était le M.R.T.A. Mais quel fut le résultat ? Les comités populaires et les bases d’appui se sont multipliés, et cela nous a amenés ensuite à développer les bases. C’est ce plan de développement qui se poursuit aujourd’hui.

    En ce qui concerne l’insurrection, je crois que ce problème revêt une importance capitale. Dans le cas d’un pays comme le nôtre, la situation révolutionnaire en développement a permis de commencer la guerre populaire, avec déjà un Parti reconstitué et une idéologie claire. Le développement même des bases, le développement de l’Armée Populaire de Guérilla, et celui de la guerre populaire impulsent et développent plus encore la situation révolutionnaire.

    Ainsi, tout cela mène à ce que le Président Mao appelle essor, ce qui, chez Lénine, est appelé crise révolutionnaire. Parvenus à ce moment, se produira l’insurrection. C’est ça la théorie de la guerre populaire dans laquelle nous sommes inscrits et avançons. Notre processus de la guerre populaire nous mène donc à l’essor. En conséquence nous devons préparer l’insurrection qui est, en synthèse la prise des villes. Nous pensons et préparons l’insurrection, parce que c’est une nécessité, sinon nous ne pourrions pas triompher dans tout le pays.

    Quel problème nous pose la ville ? Nous avons développé un travail dans les villes et à la campagne ; oui, depuis plusieurs années, nous l’avons fait. Il y a eu un tournant et un changement avec la guerre populaire, c’est sûr. Maintenant, notre situation nous amène à voir comment préparer la ville ou les villes pour généraliser la guerre populaire.

    Tout cela est lié au développement du travail de masses, mais pour et dans la guerre populaire, ce que nous avons fait et continuons à faire ; le fait est que nous avons commencé à le développer davantage. Nous pensons que notre action dans les villes est indispensable et qu’elle doit être impulsée chaque fois plus loin, parce que dans les villes se trouve concentré le prolétariat et parce que nous ne devons le laisser aux mains ni du révisionnisme ni de l’opportunisme.

    Dans les villes, existent les quartiers populaires, les immenses masses populaires. Depuis 1976, nous avons une ligne directrice pour le travail dans les villes. Prendre les quartiers populaires et les bidonvilles comme base et le prolétariat comme dirigeant, c’est notre ligne directrice et nous continuerons à la mettre en pratique, aujourd’hui, dans des conditions de guerre populaire.

    On voit clairement vers quelles masses nous nous dirigeons. Dans ce qui a été dit auparavant, découle nettement que les immenses masses des quartiers populaires et des bidonvilles sont comme des ceintures de fer qui vont encercler l’ennemi et qui retiennent les forces réactionnaires.

    Nous devons gagner de plus en plus la classe ouvrière jusqu’à ce que celle-ci et le peuple nous reconnaissent. Nous comprenons bien qu’il faut du temps et des faits répétés pour que la classe voie, comprenne, et soit sûre de son avant-garde, et que le peuple réalise qu’il a un centre qui le dirige. Ils en ont le droit.

    Combien de fois les masses, le prolétariat, les habitants des quartiers populaires, la petite bourgeoisie, les intellectuels, ont ils été abusés ! Tant d’espoirs frustrés ! Il faut savoir qu’ils ont tout à fait le droit d’exiger ; nous avons l’obligation de travailler, de leur montrer et de leur démontrer que nous sommes leur avant-garde afin qu’ils la reconnaissent.

    Nous faisons la différence entre être avant-garde et être avant-garde reconnue. La classe a ce droit et personne ne peut le lui refuser, le peuple a ce droit et personne ne peut le lui refuser ; nous pensons ainsi. Nous ne croyons pas que du jour au lendemain, le prolétariat et le peuple vont nous reconnaître comme leur avant-garde et leur centre unique ; en effet nous devons l’être pour pouvoir accomplir la révolution comme il se doit.

    Par conséquent, nous devons travailler avec opiniâtreté et imprimer au travail de masses des formes différentes, des formes variées, pour que les masses apprennent de la guerre populaire même, qu’elles apprennent la valeur de l’arme, l’importance du fusil. Le Président Mao nous dit que la paysannerie doit apprendre l’importance du fusil, c’est une réalité ; nous travaillons donc de cette façon, nous instaurons de nouvelles formes et nous développons le travail de masses, dans et pour la guerre populaire.

    Tout cela a un rapport avec cette autre circonstance, avec cette autre situation, avec le Mouvement Révolutionnaire de Défense du Peuple, puisque le Centre de Résistance est l’essentiel du M.R.D.P., nous le disons clairement ; la guerre populaire a besoin d’emprunter d’autres formes organiques, d’autres formes de lutte, qui ne peuvent être en aucune manière les formes usuelles. Elles sont différentes, c’est un fait concret.

    Nous développons par conséquent le Parti, l’Armée Populaire de Guérilla et le Mouvement Révolutionnaire de Défense du Peuple, ainsi que d’autres organismes créés pour les divers fronts de travail.

    Nous avons besoin de stimuler la combativité, nous avons besoin que s’exprime la potentialité de la masse, la potentialité de la classe. Voyons une question : il y a aujourd’hui de fortes hausses de prix, alors pourquoi n’y a-t-il pas de contestation populaire ? Qui immobilise les masses ?

    Lénine nous disait que la marche fait trembler la réaction, que quand la classe marche dans les rues, la réaction tremble ; c’est cela que nous cherchons à appliquer, c’est ce que nous enseigne le marxisme-léninisme-maoïsme. La classe naît et de développe en combattant ; le peuple aussi. Ce dont nous avons besoin c’est de faire la synthèse des expériences propres à la masse, au peuple, d’établir ses formes organiques, ses formes de lutte, pour qu’ils se saisissent de formes de lutte de plus en plus développées qui s’accroissent à la ville. C’est ainsi qu’elles se forment.

    Que pensons-nous ? La chose est claire. Le centre est la campagne mais pour l’insurrection, le centre se déplace et devient la ville. Pour cela on procède de la même manière qu’au commencement, où les combattantes et les communistes se déplaçaient des villes vers la campagne ; maintenant ils se déplacent de la campagne vers la ville, cela se fait aussi. Nous déplaçons aussi nos forces et nous préparons l’insurrection. Nous devons étudier les conditions qui permettent la convergence de l’action de l’Armée Populaire de Guérilla avec l’insurrection dans une ou plusieurs villes. C’est ce dont nous avons besoin.

    L’insurrection vise à s’emparer des villes pour faire culminer la guerre populaire dans tout le pays ; mais elle doit chercher aussi à préserver les moyens de production que la réaction tentera de détruire ; à protéger les révolutionnaires prisonniers de guerre, ou les révolutionnaires connus, que la réaction voudra anéantir, et d’autre part capturer les ennemis pour les mettre en lieu sûr. C’est ce qu’on nous a enseigné et c’est cela une insurrection.

    Lénine nous a enseigné comment organiser une insurrection et le Président Mao nous a enseigné comment se présente l’insurrection dans la guerre populaire. C’est ainsi que nous la voyons et la préparons. C’est la voie que nous devons suivre et que, d’ailleurs, nous sommes en train de suivre.

    Une chose doit être bien claire : l’insurrection n’est pas une simple explosion spontanée. Non, ce serait dangereux. Mais cela peut arriver, et c’est pour cette raison que nous devons nous soucier dès aujourd’hui de l’insurrection, et nous le faisons. Nous pensons que certains chercheront à utiliser la guerre populaire à leur profit.

    Dans une réunion du Comité Central, il y a un bon moment de cela, nous avons déjà analysé certaines possibilités. Et l’une d’elles est que le révisionnisme, ou d’autres, provoquent des « insurrections » soit pour faire avorter le processus de développement, soit pour gagner des positions et servir leur maître social-impérialiste ou tout autre puissance qui les commande, car plusieurs centres de la réaction mondiale chercheront à nous utiliser.

    El Diario : Monsieur le Président, que ferait le Parti dans de pareilles circonstances ?

    Président Gonzalo : Dans ces circonstances nous ferons ce que Lénine fit, nous expliquerons aux masses que ce n’est pas le moment ; mais si les masses vont au combat, nous nous battrons avec elles pour pouvoir effectuer ensemble un repli mesuré et pour qu’elles souffrent le moins possible. Et si nous mourons avec elles, nous fusionnerons davantage nos sangs. C’est ce que Lénine nous a enseigne lors des fameuses luttes de juillet 1917. Nous ne pouvons pas dire aux masses qu’elles se trompent et que les faits le leur feront comprendre ; non, nous ne pouvons pas leur dire cela.

    La masse est la masse, la classe est la classe, et si les masses ne sont pas bien orientées, si les conditions les poussent au désespoir, à de telles situations sans compter ceux qui les poussent volontairement alors nous devons rester avec les masses pour leur montrer l’inopportunité du moment et tout en combattant avec elles, les aider à se replier le mieux possible. Alors elles verront bien que nous sommes avec elles pour le meilleur et pour le pire et ce sera le meilleur moyen de leur faire comprendre et de les convaincre davantage que nous sommes leur Parti. Telle sera notre attitude.

    El Diario : Monsieur le Président, une question : lorsque vous parlez de lutte dans la ville, quel rôle assignez-vous aux syndicats ?

    Président Gonzalo : Celui que Marx avait assigné dans « passé, présent et avenir des syndicats « . Marx nous avait dit, dès le siècle dernier, que les syndicats n’étaient au départ que de simples corporations visant une défense économique ; c’est leur passé. Leur présent est de s’organiser davantage et de se développer politiquement, et leur avenir, de servir à la conquête du Pouvoir. Marx nous avait déjà parlé de cela.

    Le problème est de savoir combiner les deux luttes ; la lutte pour des revendications, qui est une guerre de guérillas comme nous l’avait dit Marx lui-même : la lutte pour le salaire, le temps de travail, les conditions de travail et d’autres droits que développent la classe, le prolétariat et le peuple qui se mette alors en grève ; c’est une guerre de guérillas qui n’est pas seulement une lutte pour une question concrète, économique ou politique, mais aussi d’intérêt général car elle est une préparation aux grands événements à venir.

    C’est son essence historique fondamentale, et notre problème est donc de lier la lutte revendicative à la lutte pour la conquête du Pouvoir, ce que nous appelons développer le travail de masses dans et pour la guerre populaire.

    El Diario : Monsieur le Président, puisque vous avez parlé de crise révolutionnaire, pensez-vous que cette situation soit envisageable à court terme ?

    Président Gonzalo : La question c’est le triomphe de la guerre populaire et elle est liée principalement au fait de lutter plus et mieux. L’insurrection, comme je l’ai déjà dit, c’est l’achèvement que nous devons préparer, et nous le faisons résolument aujourd’hui en prévoyant la possibilité que d’autres veuillent trafiquer avec l’insurrection. C’est une chose à laquelle nous devons songer, mais le problème principal est l’opportunité de l’insurrection ; c’est de calculer le moment opportun.

    El Diario : Pourquoi le Parti Communiste du Pérou a-t-il commencé la guerre populaire en 1980 ? Quelle est l’explication militaire et historique de ce fait ? Quelle fut l’analyse sociale, économique, et politique du P.C.P. pour commencer cette guerre ?

    Président Gonzalo : Nous avons fait des recherches sur le pays et nous l’avons étudié particulièrement à partir de la IIème guerre mondiale. Nous avons vu que le processus de la société péruvienne entrait dans des situations complexes. Les propres analyses de l’État montraient que les années 1980 comportaient des questions critiques. Au Pérou on voit que tous les 10 ans se présente une crise vers la deuxième moitié de la décennie, et que chaque crise est pire que la précédente. Ensuite nous avons analysé le capitalisme bureaucratique qui fait mûrir la révolution, les conditions pour la révolution.

    En 1980 le pays devait se donner un nouveau gouvernement par le biais d’élections, et ce gouvernement allait avoir besoin d’un an et demi à deux ans pour mettre en marche l’appareil d’État. C’est pour cela que nous avions conclu que le capitalisme bureaucratique avait fait mûrir la révolution, que les années 1980 s’annonçaient difficiles du fait de la crise, d’un gouvernement issu des élections, etc. et tout cela permettait une conjoncture très favorable au commencement de la guerre populaire.

    Cela démentait le critère qui dit qu’on ne peut pas commencer la lutte armée, dans notre cas la guerre populaire, quand il y a un nouveau gouvernement. Les faits ont démontré la fausseté de cette position. Nous avons évalué tout cela, ainsi que la situation dans laquelle entrait le nouveau gouvernement. Situation où les militaires s’en allaient après douze ans et par conséquent, ils ne pourraient pas assumer immédiatement une lutte contre nous ni reprendre les rênes de l’État car ils était usés politiquement et avaient perdu tout prestige. C’étaient des faits concrets, une réalité.

    Nous avions déjà établi depuis longtemps que la participation à l’Assemblée Constituante était incorrecte, que la seule chose à faire était de la boycotter car, participer à la Constituante, servirait simplement à la restructuration de l’État Péruvien et à établir une constitution comme celle que nous avons. Et tout cela était prévisible, il n’y avait rien dans ce cas qui ne puisse être prévu ; c’est pourquoi nous avons décidé de jeter les bases du commencement pour démarrer avant la mise en place du nouveau gouvernement. Et c’est ainsi que nous avons agi, puisque nous avons commencé le 17 mai, un jour avant les élections.

    Comme nous l’avons mis en pratique, nous avions évalué que dans ces conditions nous pouvions développer notre action, parvenir à la déployer et avancer le plus possible avec l’idée que pendant la deuxième moitié de la décennie une crise plus grave encore que la précédente devait éclater et qu’il y aurait par conséquent de meilleures conditions pour avancer. C’est sur ces données qui s’est planifié le commencement de la guerre populaire. Mais certains disent que nous n’avons pas réfléchi et que nous avons agi dogmatiquement. Et quoi ? Ceux qui parlent de dogme sont prêts à prendre des vessies pour des lanternes.

    C’est pour cela que nous avons choisi ce moment, et les faits nous ont donné raison ; il était évident que Belaunde, nous l’avons observé aussi, craindrait un coup d’État et que pour cela, il chercherait à restreindre le poids des forces armées. Était-ce difficile à prévoir ? Non, et cela grâce à son expérience de 1968 ; c’étaient des choses prévisibles et on nous a appris à calculer, à analyser, à mesurer ; c’est ce que nous a enseigné le Président, qui était très exigeant sur ces questions, surtout en ce qui concerne le travail de préparation. Nous pensons que les faits l’ont confirmé : les forces armées n’ont pas pu intervenir pendant deux ans.

    En fut-il ainsi ou non ? Aujourd’hui ils nous disent qu’ils avaient détruit les informations de leurs services secrets ; le nouveau gouvernement allait a avoir du mal à s’organiser du fait de son administration ; les faits nous l’ont prouvé. Ensuite s’est produite la crise ; les militaires sont intervenus, avec des contingents chaque fois plus nombreux ; il y a plusieurs années que nous les combattons et nous sommes toujours énergiques, vigoureux. Nos forces se développent. Telles ont été les raisons pour commencer en 1980 et les faits nous montrent que nous ne nous sommes pas trompés, au moins nous ne nous sommes pas trompés dans les grandes lignes ; et c’est là qu’il ne faut pas se tromper.

    El Diario : En tenant compte que dans la guerre deux stratégies s’affrontent, pourriez-vous expliquer comment le processus de développement de vos plans militaires, et de vos réussites, est spécifique, et quels problèmes avez-vous rencontrés ?

    Président Gonzalo : Nous partons d’une situation. Chaque classe génère sa forme de guerre spécifique et en conséquence, sa stratégie. Le prolétariat a crée la sienne : la guerre populaire et c’est une stratégie supérieure. La bourgeoisie ne pourra jamais avoir une stratégie supérieure à celle-là, qui plus est, il n’y aura pas de stratégie plus développé que celle du prolétariat. C’est un problème de constatation du processus militaire dans le monde.

    Chaque classe a toujours généré sa façon de faire la guerre et sa stratégie, et c’est toujours la stratégie supérieure qui a vaincu l’inférieure. La nouvelle classe a toujours la stratégie supérieure. Il en ainsi de la guerre populaire. Les faits nous le prouvent. Il y a des auteurs de traités militaires qui disent ceci : les communistes, quand ils ont appliqué leurs principes, n’ont jamais perdu une guerre, ils l’ont perdue seulement quand ils n’ont pas appliqué leurs principes.

    Donc, en partant de cela, du fait que nous avons une stratégie supérieure, théorie prouvée universellement, le problème était de la faire nôtre car il y une marge d’erreur. La première chose que nous décidons, est de ne pas appliquer mécaniquement la guerre populaire parce que le Président Mao Zedong nous a prévenu que l’application mécanique mène à l’opportunisme et à l’échec.

    En 1980, quand nous décidons de commencer la guerre populaire, nous nous mettons d’accord au Comité Central du Parti pour faire attention à l’application spécifique ; non au dogmatisme, non au mécanisme, tels furent les accords desquels nous sommes partis.

    Et ici nous pouvons soulever le premier problème que nous avons rencontré : le premier problème que nous avons eu, fut la lutte antagonique contre une ligne opportuniste de droite qui s’opposait au commencement de la guerre populaire. Nous avons liquidé sa partie principale au cours de la IXème réunion plénière et lors de celle de février 1980, nous avons balayé complètement le reste.

    Ce fut notre premier problème, et c’est à cette époque qu’eut lieu cette épuration dont nous avons parlé précédemment. Nous avons dû élaguer fortement le Comité Central lui-même, mais c’est ainsi que nous nous sommes fortifiés et que nous sommes parvenus à commencer la guerre. Nous avions déjà les grandes lignes pour livrer une guerre à la campagne et à la ville.

    Le premier plan que nous allons nous imposer, st celui du Commencement. Le Bureau Politique fut chargé de définir comment développer les action armées. Ce fut cet organisme qui présenta le plan sur la base de détachements en ce qui concerne la forme militaire.

    Ce plan, nous l’avons accompli en 1980 ; mais ce que nous devons dire, c’est que deux semaines après le commencement, il y eut une réunion du Bureau Politique élargi pour analyser comment nous avions commencé et nous avons conclu que le nouveau était né et que le nouveau était la guerre populaire.

    C’étaient les actions armées, c’étaient les détachements. Après ce plan nous avons développé le Plan de Déployer ; ce plan fut plus long, il engloba deux années mais se réalisa au moyen de nombreuses campagnes et c’est à son terme que se concrétisèrent les nouvelles formes du pouvoir, que surgirent les Comités Populaires.

    Fin 1982, interviennent les forces armées ; avec plus d’un an d’anticipation, le Comité Central avait étudié l’entrée des forces armées et avait défini que cela se ferait progressivement jusqu’à substitution des forces policières qui passeraient au second plan ; et cela s’est passé ainsi ; il ne pouvait en être autrement dans une telle situation.

    Nous nous y étions préparés et pourtant, nous allions avoir un deuxième problème ; l’entrée de la force armée ne fut pas sans conséquences. Elles entrèrent en appliquant le génocide dès le début, formant des milices de ferme et utilisant les masses sous la pression pour les mettre en avant comme un bouclier. Cela doit être dit clairement. Ici on voit non seulement la politique réactionnaire déjà vue par Marx, mais aussi l’utilisation lâche des masses, en les mettant au devant d’elles. Les forces armées n’ont pas de quoi se glorifier, et c’est pour cela, et à juste titre, que nous avons dit d’elles qu’elles sont expertes en défaites, adroites pour s’acharner sur les masses désarmées. Telles sont les forces armées au Pérou.

    Face à cela nous avons tenu une session élargie du Comité Central, élargie pour ce qui fut de la participation et de la durée, un des plus longues. C’est là que nous avons établi le Plan de Conquérir des Bases ; c’est à cette occasion que fut créé l’Armée Populaire de Guérilla, pour répondre à une force qui visiblement était d’un niveau supérieur à celui de la police ; c’est là aussi que nous nous sommes posés le problème du Front-Etat, entre autres.

    Ainsi surgit un deuxième problème, le problème d’affronter le génocide, c’est-à-dire le génocide des années 1983-84. Il est décrit dans les documents du Parti, cela n’est pas nécessaire d’en rajouter. Mais par contre nous voulons relever que ce fut un génocide barbare et sans miséricorde ; ils crurent que de cette façon,  » ils allaient nous rayer de la carte  » ; à tel point que fin 1984 ils commencèrent à distribuer, parmi leurs officiers, les documents sur l’anéantissement. La lutte fut intense et dure, il y eut des moments complexes et difficiles.

    Face à l’utilisation des milices de ferme et à l’action militaire réactionnaire, nous répondîmes par une action frappante : Lucanamarca, ni eux, ni nous, ne l’oublierons, bien sûr, parce que là, ils ont vu une réponse à laquelle ils ne s’attendaient pas. Ici plus de 80 d’entre eux furent anéantis. Voilà la réalité. Et nous le disons, là il y eut un excès que nous analyserons en 1983. Mais toute chose dans la vie a deux aspects : notre problème était de frapper fort pour les freiner, pour leur faire comprendre que les choses n’étaient pas si faciles.

    Dans certaines occasions, comme celle-ci, ce fut la Direction Centrale elle-même qui planifia l’action et mit les choses en place. Il en fut ainsi. Le principal est de les avoir frappés fort et de les avoir freinés ; ils ont compris qu’ils étaient face à un autre type de combattants du peuple, que nous n’étions pas de ceux qu’ils avaient combattus auparavant ; c’est cela qu’ils comprirent. L’excès est l’aspect négatif. En comprenant la guerre et en nous basant sur ce qui dit Lénine ; quand il fait référence à Clausewitz, la masse, dans la guerre, dans le combat, peut déborder et manifester toute sa haine, le profond sentiment de haine de classe, de rejet, de condamnation qu’elle porte en elle, voilà ce qui fut à l’origine de cette action.

    Ce fut expliqué par Lénine, bien clairement expliqué. Des excès peuvent être commis, le problème est de parvenir à un point et de ne pas le dépasser, parce que si tu le dépasses, tu dévies, c’est comme un angle qui a un certain degré d’ouverture, pas plus. Si nous donnons aux masses un ensemble de restrictions, d’exigences et d’interdits, au fond nous ne voulons pas que les eux débordent.

    Ce dont nous avions besoin, c’était que les eaux débordent, qu’un torrent se déchaîne, sûrs qu’à son passage il provoque des ravages, mais qu’ensuite il reprend son cours. Je répète que ceci est parfaitement expliqué par Lénine et c’est ainsi que nous comprenons cet excès. Mais, j’insiste, ici le primordial était de leur faire comprendre que nous étions un os dur à ronger, et que nous étions prêts à tout, à tout.

    Marx nous a enseigne ceci : on ne joue pas à l’insurrection, on ne joue pas à la révolution ; mais quand quelqu’un arbore l’insurrection, quand quelqu’un prend les armes, il ne baisse pas le drapeau, il le maintient victorieux jusqu’au triomphe, sans jamais le laisser tomber ; c’est cela qu’il nous a enseigné, peu importe le prix à payer !

    Marx nous a donc armés, ainsi que Lénine et principalement le Président Mao Zedong, qui nous enseigne ce qui signifie le prix à payer, anéantir pour préserver, tenir le drapeau bien haut quoi qu’il arrive ; et nous disons que c’est ainsi, avec cette détermination, que nous avons surpassé ce sinistre, vil, lâche et barbare génocide ; parce qu’il y a quelqu’un, celui qui se fait passer pour le président, qui parle de barbarie sans rougir, alors qu’il est un aspirant Attila qui joue avec le sang des autres.

    Nous avons passé des moments difficiles ? Oui, mais que nous a montré la réalité ? Que si on persévère et on maintient la politique au poste de commandement, si on s’en tient à la stratégie politique, si on s’en tient à la stratégie militaire, qu’on a un plan clair et défini, alors on avance, et on est capable d’affronter n’importe quel bain de sang, (pour ce qui est du bain de sang nous avons commencé à nous y préparer dès l’année 1981, parce qu’il devait arriver : nous nous y étions donc déjà préparés idéologiquement. C’est cela l’essentiel).

    Tout cela a entraîné l’accroissement de nos forces, et leur multiplication. Ce fut le résultat, ce que le Président dit s’accomplit : la réaction rêve quand elle veut noyer dans le sang la révolution ; qu’elle sache qu’elle l’arrose, c’est une loi inexorable. Alors, cela-même nous confirme que nous devons être chaque fois plus fidèles, fermes et résolus dans les principes, et avoir toujours cette confiance inaltérable dans les masses.

    Ainsi, nous sortons fortifiés avec une Armée plus grande, avec plus de Comités Populaires et de Bases d’Appui et avec un Parti plus fort ; tout le contraire de ce qu’ils avaient imaginé. Nous avons déjà parlé, je crois, des rêves de sang de la réaction ; en effet ce ne sont rient d’autres que des rêves de sang, qui en fin de compte finissent en cauchemars. Mais j’insiste, c’est en persévérant dans les principes et en combattant avec l’appui des masses, principalement de la paysannerie pauvre, que nous avons pu affronter cette situation ; c’est ici que s’est exprimé cet héroïsme dont j’ai parlé auparavant, cet héroïsme massif.

    Ensuite nous allons mettre en ouvre un nouveau plan : le Plan de Développer des Bases, plan dans lequel nous sommes. Que peut-on dire ? Si nous envisageons d’autres problèmes, je crois que nous devons tenir compte d’une leçon : tout plan doit être approuvé, appliqué, son bilan fait dans la lutte de deux lignes et cette lutte est plus intense quand il s’agit d’approuver un nouveau plan ; c’est une réalité.

    C’est une leçon dont nous tenons énormément compte, et qui nous a endoctrinés, et enseigné beaucoup, il en ainsi. En fin de compte, la guerre populaire génère un très haut degré d’unité, mais au milieu d’une lutte intense, oui, parce que malgré l’affrontement des problèmes, des situations complexes et difficiles, malgré les reflets de l’extérieur, la dynamique idéologique, ceux qui sont engagés dans la guerre populaire, ont leur vie vouée à la révolution. Et la vie d’un communiste est dédiée au communisme, même s’il ne le verra pas, parce que réellement nous n’allons pas le voir ; au moins, moi je ne le verrai pas.

    Mais là n’est pas le problème. Ne pas voir le but pour lequel nous luttons, ne nous mène qu’à une réflexion, prendre pour modèle ces grandioses exemples que nous a donnés le marxisme ; à son époque Marx savait qu’il ne verrait rien du triomphe de la révolution et à quoi cela l’a-t-il conduit ? à intensifier ses efforts pour l’avance de la révolution ; ce sont les leçons que nous avons tirées et ces grandioses exemples qui nous ont guidés. J’insiste une fois de plus : cela ne vaut pas dire se comparer à eux, cela implique de suivre toujours la voie des étoiles polaires.

    Bon, si nous pensons à la lutte armée, à la guerre populaire, nous pouvons dire du Commencement qu’il nous a permis de développer la guérilla parce qu’il nous a permis de passer du stade de détachement à celui de peloton et ainsi nous avons ouvert les guérillas ; le plan de Déployer nous a donné les Comités Populaires ; celui de Conquérir des Bases nous a donné des Bases d’Appui et nous a permis de couvrir un large territoire.

    Il est bon de se rappeler : Nous avons pris les Andes, la sierra de notre patrie, comme colonne vertébrale pour développer la guerre et conquérir le Pouvoir dans tout le pays et nous avons couvert un territoire qui va d’un frontière à l’autre, de l’Equateur à la Bolivie et au Chili. Mais nous avons aussi développé le travail en bordure de forêt amazonienne, sur les contreforts de la côte et en même temps dans les villes. Aujourd’hui nous pouvons dire que nous avons des centaines de Comités Populaires et de multiples Bases, avec bien sûr une base principale, et une aussi dans chaque zone.

    Finalement, au sujet des plans, il faudrait dire ceci : nous avons appris comment diriger la guerre avec un plan stratégique unique en appliquant le principe de la centralisation stratégique et de la décentralisation tactique. Nous dirigeons la guerre avec un plan unique, fait d’étapes, de campagnes, de plans stratégico-opérationnels, de plans tactiques et de plans concrets pour chaque action ; mais la clef de tout cela est le plan stratégique unique, c’est lui qui permet de diriger la guerre comme une unité et c’est capital dans la direction de la guerre populaire. Voilà ce que je peux dire.

    El Diario : Monsieur le Président, au cours de ces huit années de guerre populaire, quel a été le résultat obtenu par la stratégie antisubversive et quels sont les problèmes actuellement ?

    Président Gonzalo : C’est une question à laquelle je préfère répondre de cette manière : en synthèse, la réaction elle-même dit qu’elle est en train d’échouer et qu’elle continue dans cette direction. Cela, elle le sait très bien.  » Face à l’aveu, nul n’est besoin de preuve « , pour utiliser un langage d’avocat.

    El Diario : Quand croyez-vous que l’Armée Populaire de Guérilla sera en mesure de développer une guerre conventionnelle, de défense de positions territoriales et d’affrontement ouvert avec les forces armées ? Ce type de lutte figure-t-il dans les plans du P.C.P. ?

    Président Gonzalo : Nous avons réfléchi, discuté et établi les grandes lignes au niveau du Parti sur ces problèmes. Nous nous occupons de cela depuis 1981. Nous l’avons également fait en d’autres occasions. Nous sommes partis de la conception du Président Mao Zedong sur la guerre populaire à partir de la contradiction. Il y a deux aspects qui s’affrontent : une partie faible et une autre provisoirement forte.

    Il doit s’écouler une période de défense stratégique, une deuxième de stabilisation stratégique et une troisième d’offensive stratégique. Nous évoluons encore en période de défense stratégique, et dans ces conditions, la guerre de guérillas continue d’être notre forme principale, une guerre de guérillas largement généralisée tant à la campagne qu’à la ville, la campagne principale et la ville complémentaire, et nous combattons presque dans tout le pays. Voilà pour la période dans laquelle nous sommes en ce moment.

    En ce qui concerne la guerre de mouvement, suivant les principes du Président Mao Zedong, nous la développons et la développerons davantage, au fur et à mesure que la réaction sera dans l’obligation d’appliquer nécessairement une guerre contre-subversive plus intense ; mais, même dans ce cas, nous devons continuer de livrer principalement la guerre de guérillas, et de façon complémentaire une guerre de mouvement.

    Celle-ci comprenant déjà certaines modalités spécifiques de la guerre de positions, comme c’est écrit dans  » De la guerre prolongée « . Nous pensons que la guerre populaire, en devenant plus puissante, provoquera forcément l’intensification de la guerre contre-subversive, centrée sur le génocide. Ceci nous mènera dans le futur à la stabilisation stratégique.

    Ce qui implique, bien entendu, que nous devons persister dans une ligne idéologique et politique juste et correcte et avoir en conséquence une ligne militaire juste et correcte, ce que nous avons d’ailleurs. donc, si nous persistons dans ce sens, et si la réaction persiste dans les sinistres plans qu’elle est en train d’élaborer et qui conduiront au génocide, dans lesquels, se sentant impuissante, elle veut entraîner le peuple péruvien, peuple qui ne pourra les suivre, ne pouvant aller contre ses intérêts de classe, cela va alors entraîner la stabilisation stratégique.

    J’insiste sur la compréhension du maintien de la correction et de la justesse dans les domaines idéologique, politique et militaire et tout ce qui en découle. C’est là que nous devons nous poser le problème du déroulement de la guerre populaire en vue de la prise des villes et de la préparation de la partie qui concerne l’offensive stratégique. Pour aujourd’hui nous ne pouvons en dire davantage.

    El Diario : Pour renforcer la guerre, ce dont vous avez parlé, est-il nécessaire de renforcer l’armement de l’Armée Populaire de Guérilla ? Comment pensez-vous résoudre cela ?

    Président Gonzalo : Oui, c’est un élément important. Permettez-nous de commencer par cette question. Nous avons toujours l’habitude et nous persistons dans le fait, de partir de nos principes et c’est ainsi qu’à leur lumière nous pouvons résoudre nos problèmes concrets. Le Président Mao Zedong nous dit que le principal c’est l’homme, et que l’arme est l’outil ; notre préoccupation vise donc principalement l’homme, son renforcement idéologique et politique, la construction idéologico-politique de l’armée dans ce cas mais aussi sa construction militaire. C’est cela notre point de départ.

    En ce qui concerne les armes, le Président nous disait que l’ennemi a les armes, en conséquence le problème c’est de les lui arracher, c’est le principal ; les armes modernes sont nécessaires mais elles fonctionnent selon l’idéologie de l’homme qui les utilise, Lénine nous l’avait déjà enseigné. Nous pouvons affirmer que nous sommes en train de développer les embuscades et les forces armées réactionnaires savent très bien comment cela se passe et les coups durs qu’elles ont soufferts. Ici je fais seulement référence à celle qui se rapporte à Cayara, à l’embuscade d’Erusco, où nous avons anéanti vingt cinq soldats, un seul s’étant sauvé bien que blessé.

    C’est pour cela qu’ils ont répondu avec ce génocide barbare. Les faits ne sont pas comme ils les dépeignent, qu’il soit entendu que malgré la mobilisation de grandes forces, ils ne sont pas parvenus à nous attraper, qu’il soit entendu aussi que nous sommes repartis avec les armes ; et ils le savent parfaitement bien.

    De plus nous n’avons pas fait sauter une voiture mais deux, puisque la route était minée sur un kilomètre. Ils n’avaient aucune échappatoire possible. Ce que nous a montré à la télévision et dans les journaux celui qui se fait passer par le président et ceux qui font partie de la soi-disant « Commission «  ne sont, comme on dit, que « des petites poupées dans l’air », « des dessins dans l’eau. »

    En conséquence, il y a longtemps déjà qu’a commencé le transfert accru de leurs armes vers nos rangs, et ils sont obligés de nous les donner. Ils sont obligés de nous les apporter là où nous sommes et il faut reconnaître qu’ils commencent à le faire. Pourquoi parlons-nous de cette manière ? Parce que nous les avons dispersés ; nous avons fait des brèches dans leurs lignes en plusieurs points et nous les avons fait stationner passivement. Ils sont comme un éléphant enlisé dans la boue, donc faciles à frapper. L’armée et les forces armées en général doivent y penser sérieusement.

    Ceux que je viens de dire n’est que l’application de ce que le Président Mao nous a enseigné quand il a dit qu’à la fin de la guerre il fallait donner un prix à Tchiang Kai-chek pour avoir agi en bon fourrier, en bon porteur d’armes.

    Donc le transfert a déjà commencé et les forces armées le savent très bien. Le plan qu’elles trament, tout ce qu’elles machinent, la grande offensive qu’elles veulent mener, qu’elle soit la bienvenue, car elles n’empêcheront pas le transfert d’armes et elles échoueront parce qu’elles ne réussiront pas à mobiliser le peuple péruvien contre ses propres intérêts et parce qu’elles sont la réaction, la plus noire et pourrie qu’il puisse y avoir, dirigée par ce gouvernement de l’Apra, fasciste et corporatiste, avec à sa tête, un boucher vil et misérable.

    Le peuple péruvien, l’histoire l’a démontré, ne suit pas le fascisme et ne se laisse pas assimiler par le corporatisme. Ceci a déjà été établi. Au Pérou, le problème ne date pas d’aujourd’hui, il remonte à des dizaines d’années. Alors, les armes de l’ennemi, il faut les lui arracher, c’est notre principale source.

    L’humble dynamite continuera d’ailleurs à jouer in rôle important car les mines sont les armes du peuple et par principe nous cherchons les armes les plus simples que toute la masse puisse manipuler, puisque notre guerre est une guerre massive. Autrement elle ne serait pas populaire et la nôtre l’est. Et alors ceci nous entraîne vers une deuxième question, la fabrication de matériel. Nous faisons des efforts pour avancer dans la réalisation du matériel et ils sont très au courant des avertissements envoyés directement au Palais Gouvernemental avec des mortiers faits de nos propres mains, des mains du peuple. Ils ne font pas de commentaires mais nous le savons bien.

    L’autre moyen usuel est l’achat, puisqu’il y a trois façons de se procurer des armes : la principale, les arracher à l’ennemi ; la deuxième, les fabriquer et la troisième, les acheter. Pour cela nous rencontrons des problèmes, à cause du coût élevé des armes.

    Nous menons en avant la guerre populaire la plus économique de la terre, effectivement, parce que nous avons peu de moyens, seulement ce que les masses nous procurent. Et j’insiste une fois de plus là-dessus, comment résoudre ce problème?  Lénine disait qu’il faut se procurer des armes en grande quantité quel qu’en soit le prix et j’ai déjà signalé ce que le Président Mao nous a enseigné. C’est ce que nous mettons en pratique.

    El Diario : Prévoyez-vous qu’avec le triomphe et l’avance de la révolution que vous dirigez, une invasion militaire nord-américaine sera déclenché ? que fera alors le P.C.P. ?

    Président Gonzalo : Même si l’impérialisme yankee intervient déjà concrètement, sur cette question voilà ce que nous pouvons dire. Les États-Unis peuvent mobiliser des pays limitrophes, nous n’oublions pas qu’en plus il y a des revendications territoriales en suspens et des problèmes frontaliers, malgré le silence, j’insiste là-dessus. Nous savons bien le rôle qui est assigné au Brésil ; les États-Unis peuvent à leur tour intervenir directement avec leurs propres troupes et ils ont déjà ici des gens qui s’entraînent.

    Il y a quelque temps au Comité Central, nous avons décidé que quelque soit l’ennemi qui vienne souiller notre sol, nous l’affronterons et nous le mettrons en échec. Dans ces circonstances, la contradiction changera et la contradiction nation-impérialisme commencera à se développer comme contradiction principale, ce qui nous donnera une marge plus grande pour rassembler notre peuple.

    El Diario : La réaction, le révisionnisme et l’opportunisme de la Gauche Unie disent que vous êtes isolés des masses. Que pouvez-vous dire à ce sujet ?

    Président Gonzalo : Je crois que tout ce que nous sommes en train de dire, on voit que nous avons l’appui des masses. A ceux qui disent de telles choses, ces révisionnistes et ces opportunistes, nous posons une question : sans le soutien des masses, comment expliquer l’existence d’un mouvement qui mène une guerre populaire depuis huit ans, sans aide internationale ?

    El Diario : Pendant huit ans les groupes et partis de droite et du révisionnisme, de l’opportunisme et de toute la réaction ont dit et crié sur tous les toits que le P.C.P. est une organisation « démentielle », « messianique », « sanguinaire », « polpotienne », « dogmatique », « sectaire », « narcoterroriste », et le Parti Unifié Mariáteguiste ajoute que vous placez les paysans entre deux feux, que vous êtes des  » militaristes  » et dernièrement Villanueva a dit que vous êtes des « terroristes génocides » et vous a attribué bien d’autres qualificatifs. Que dites-vous de toutes ces accusations ? Et quel but cherchent-elles a atteindre ?

    Président Gonzalo : Pour moi, elles sont sans fondement et montrent l’incapacité à comprendre une guerre populaire. Pour moi il est évident que les ennemis de la révolution ne pourront jamais la comprendre. Sur le fait que nous plaçons les paysans entre deux feux, c’est une pure élucubration, parce que ce sont précisément les paysans qui forment l’immense majorité de l’Armée Populaire de Guérilla.

    Le problème est de comprendre que l’État Péruvien avec ses forces armées répressives veulent noyer dans le sang la révolution. Voilà comment nous comprenons le problème et nous conseillons à ces messieurs d’étudier un peu la guerre en général, la guerre révolutionnaire et principalement la guerre populaire et le maoïsme, même si je doute qu’ils comprennent parce que pour cela, il faut avoir une position de classe.

    En ce qui concerne les accusations de  » terroristes génocides  » de M. Villanueva, j’ai l’impression qu’il s’agit d’une vulgaire imitation et d’un plagiat. Ils veulent nous coller le terme de bouchers, qui leur va comme un gant.

    Aux yeux du pays et du monde entier, il est clair que ce sont eux les génocides, que c’est le gouvernement de l’Apra qui dirige cet État réactionnaire, que ce sont les forces armées réactionnaires, les forces de répression. Ce sont eux les vils bouchers. Les beaux discours ne changeront jamais les faits, l’histoire est déjà écrite. Demain elle sera confirmée. Outre cela, combien de temps va durer Villanueva ? Et quel sera son avenir ? Il ferait mieux d’y réfléchir.

    El Diario : Quels changements dans la politique péruvienne, les structures économiques de la société et parmi les masses, sont, d’après vous, la conséquence de huit années de guerre populaire ?

    Président Gonzalo : La première chose qui s’est produite est le développement d’une guerre populaire qui avance irrépressiblement, ce qui implique que la révolution démocratique a réellement lieu et cela pour la première fois dans ce pays. Cela a changé toutes les données de la politique péruvienne.

    C’est pour cela que la réaction elle-même et tous ses complices, en commençant par les révisionnistes et ceux qui les soutiennent à tour de rôle et quels qu’ils soient, ont conclut que le premier et principal problème de l’État Péruvien est la guerre populaire. Ainsi, nous sommes en train de changer le monde dans ce pays et de là découle notre plus importante et principale réussite : la naissance et le développement d’un Nouveau Pouvoir en marche, qui finira par s’étendre à tout le pays.

    Sur les structures économiques, dans le Nouveau Pouvoir, nous sommes en train d’établir de nouveaux rapports de production : une preuve concrète est la façon dont nous appliquons la politique de la terre, en utilisant le travail collectif et l’organisation de la vie sociale avec une nouvelle réalité, avec une dictature conjointe où, pour la première fois, commandent des ouvriers, des paysans et des progressistes, nous entendons par là, ceux qui veulent vraiment transformer ce pays de la seule façon possible, par la guerre populaire.

    En ce qui concerne les réactionnaires, sans leur rappeler le gouffre économique qu’implique la guerre populaire et le fait de la combattre, nous sommes en train de faire sombrer le capitalisme bureaucratique et de saper depuis longtemps la base cacique des relations semi-féodales qui supportent tout cet échafaudage, tout en assénant des coups à l’impérialisme.

    Pour la première fois, les masses de notre peuple, ces masses héroïques, principalement le prolétariat, classes dirigeante que nous reconnaîtrons toujours, assument le Pouvoir et ont commencé à porter le miel à leurs lèvres. Elles n’en resteront pas là, elles voudront tout et elles l’auront.

    El Diario : Comment voyez-vous la situation actuelle et les perspectives de la Guerre Populaire au Pérou ? Quel destin aura le peuple péruvien si la révolution qui vous dirigez, depuis plus de huit ans, ne triomphe pas à court terme? Croyez-vous que ce gouvernement ou un autre ait une quelconque issue à cette grave crise? Le P.C.P, dans le document  » Bases de discussion « , a signalé que nous entrons dans des années décisives, dans lesquelles l’APRA continue sans plan stratégique; sommes-nous aux portes du triomphe de la révolution et de la prise du Pouvoir par le P.C.P ?

    Président Gonzalo : Chaque jour le peuple péruvien se mobilise davantage, et la lutte de classes s’intensifie. Ceci est directement lié à la guerre populaire parce que nous ne sommes que la continuation de la lutte de classes, les armes à la main.

    Quel sera son destin ? Je crois que le destin héroïque de détruire le vieil État et celui glorieux de commencer à construire une nouvelle société, sera un effort grandiose ; ce seront des temps de sacrifices et de difficultés, mais le peuple en sortira victorieux et en fin compte, il suffira de se rappeler : est-ce que, sans la guerre populaire, soixante mille enfants auraient cessé de mourir avant l’âge d’un an, comme c’est le cas aujourd’hui au Pérou ? Non. Par conséquent le peuple continuera à mettre toute sa force et traversera des difficultés mais, chaque jour plus conscient, il paiera le prix nécessaire, puisqu’il sait qu’il vaincra.

    L’issue de la réaction ? Nous pensons qu’elle n’en n’a pas. Notre interprétation du processus de la société péruvienne contemporaine signale qu’à partir de 1980, le capitalisme bureaucratique est entré dans sa phase de destruction et par conséquent tout le système s’effondre et il n’y a pas d’issue pour lui. Si nous regardons les faits, il y a une crise grave car, deux crises, celle des années 80 et celle des années 90, se sont accumulées, toutes deux critiques ; ce qui explique qu’elle n’a aucune issue.

    Quant aux années décisives, nous entendons comme telles, une tempête plus forte entre la guerre populaire et la guerre contre-révolutionnaire : nous croyons, et je le répète, que de cela surgira la stabilisation stratégique.

    En ce qui concerne le temps, le président Mao disait : il faut moins de temps si nous combattons plus et mieux. C’est notre obligation de le faire. Nous le faisons et nous le ferons, car nous avons des conditions objectives extraordinaires. Les conditions de crise générale dans laquelle est entré le système caduc de la société péruvienne, nous indiquent que ces années décisives peuvent accélérer, et de fait, vont accélérer puissamment les conditions et développer la situation révolutionnaire.

    Quel est notre problème aujourd’hui. En synthèse, plus de guerre populaire, plus de Nouveau Pouvoir, plus d’Armée, plus d’incorporation des masses. Ainsi nous croyons que la victoire en perspective nous appartient.

    El Diario : Pour en finir avec ce thème, pouvez-vous développer votre position sur la guerre populaire mondiale ? Dans le cas d’une guerre mondiale entre les deux superpuissances, quelles seraient les conséquences pour l’humanité ?

    Président Gonzalo : Une guerre mondiale est possible ? oui, elle l’est. Tant que nous n’éliminerons pas son origine, les conditions existeront. Les superpuissances préparent la guerre et élaborent de grands plans, c’est évident. Mais nous croyons que les communistes et les révolutionnaires, les masses, le peuple, les homme qui ne peuvent pas permettre tant d’iniquités dans le monde, ne doivent pas focaliser leur attention sur la guerre entre les superpuissances car ce ne sera pas d’elle que découlera notre libération.

    Cette guerre ne serait qu’une guerre de rapine pour un nouveau partage du monde. La guerre mondiale des puissances ne vise que l’hégémonie, rien de plus. Que pouvons-nous attendre de celle-ci ? De grandes massacres, de grands génocides, des centaines de milliers de morts, mais sans aucun doute, l’immense majorité de l’humanité survivra.

    Nous ne pouvons pas accepter les sinistres idées qui vantent aujourd’hui les armes atomiques et toutes les armes sophistiquées qu’on nous exhibe, pas plus que nous ne pouvons accepter que les armes deviennent un chantage pour nous paralyser. Souvent, dans le monde, les réactionnaires ont fait référence aux armes décisives et définitives, à la disparition de l’humanité, mais cela a toujours été fait dans le but d’apaiser, de contenir, pour maintenir leur vieille domination.

    C’est pour cela que nous pensons que le problème est de centrer notre attention, nos efforts, notre passion, notre volonté sur le développement de la guerre populaire parce que c’est d’elle que naîtra l’affranchissement du peuple et du prolétariat, qui est l’émancipation définitive et véritable.

    Nous croyons qu’une guerre populaire mondiale est la réponse à une guerre mondiale impérialiste, nous pensons que le problème est de la préparer et nous pensons que ceux, qui sont déjà en guerre populaire, doivent la développer, que ceux qui n’ont pas commencé, commencent à la développer, et c’est ainsi que nous démolirons la domination impérialiste, la domination de la réaction. C’est ainsi que nous les balayerons de la surface de la terre.

    Nous ne concevons pas la guerre populaire mondiale comme un fait qui se déclenche simultanément en un jour et à une heure précise, mais nous la concevons en tant que projection en perspective, sur cinquante à cent années, comme l’a établi le Président Mao Zedong. Nous la concevons comme de grandes vagues de guerre populaire qui finiront pour converger comme les légions de fer d’une grande armée rouge mondiale, ainsi l’avait dit Lénine lui-même.

    C’est ainsi que nous la concevons ; nous croyons qu’elle constitue l’unique voie à suivre ; le problème, j’insiste sur ce point, est que la guerre mondiale est un risque : elle sera une immense tuerie et d’elle ne pourra surgir que misère, injustice, douleur et mort. Voilà qui donne encore plus de raisons d’en finir avec eux, et par conséquent, la seule solution, c’est la guerre populaire qui, conçue par vagues, mènera à la guerre populaire mondiale et à cette convergence de légions de fer du prolétariat international et des peuples.

    Et, en fin de compte, nous accomplirons la mission historique qui, par bonheur, nous incombe : celle de vivre ces décennies qui verront l’impérialisme et la réaction balayés, parce que ce qu’avait prévu le Président Mao s’accomplira. si nous ne le voyons pas, ceux qui suivront le verront, car les légions grossissent de plus en plus.

    Le problème, où sera-t-il ? Quelle sera la clé ? Mettre au poste de commandement le marxisme-léninisme-maoïsme et avec le maoïsme principalement, assumer la guerre populaire applicable universellement, tout en tenant compte du caractère de chaque révolution et des conditions spécifiques à chaque pays.

    >La quatrième partie de l’interview

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  • Gonzalo et les questions idéologiques

    El Diario : Bien, Président Gonzalo, pourquoi vous êtes-vous décidé à donner cet entretien ? Pourquoi vous décidez-vous à parler après un silence prolongé ? Pourquoi avez-vous choisi El Diario pour réaliser cet entretien ?

    Président Gonzalo : Le Parti Communiste du Pérou qui dirige la guerre populaire depuis déjà plus de huit ans, s’est exprimé à plusieurs reprises au moyen de divers documents connus du public. Nous avons toujours considéré que le plus important était la déclaration du Parti lui-même pour établir de façon claire et nette que c’est le P.C.P qui a osé commencer la guerre populaire, la diriger et la porter en avant.

    La raison pour laquelle nous nous exprimons aujourd’hui personnellement pour la première fois dans cet entretien et justement avec vous, ce dont je me réjouis, est liée au Congrès. Notre Parti a accompli une tâche historique jusqu’alors en suspens : matérialiser son Congrès. Nous avons travaillé d’arrache-pied durant des décennies pour y parvenir, mais seule la guerre populaire nous a offert les conditions de sa concrétisation.

    Ainsi, nous disons : le Premier Congrès est le fils de deux pères importants : le Parti et la Guerre Populaire. Ce Congrès établit un jalon, comme le déclarent les documents officiels. Un jalon de victoire car, lors de celui-ci, notre Parti a fait un bilan du long chemin parcouru et établi la base d’unité du Parti fondé sur ses trois éléments : l’idéologie, c’est-à-dire le marxisme-léninisme-maoïsme, pensée Gonzalo, le programme et la ligne politique générale.

    De plus, ce Congrès a établi des bases solides pour marcher vers la conquête du Pouvoir. Le Congrès, ainsi, est une grande victoire. C’est une des raisons principales pour laquelle nous donnons cet entretien. Il y a aussi un rapport avec la situation que traverse notre pays, avec la profonde crise qu’il connaît ; un rapport avec le développement de la lutte de classes des masses qui s’accroît et devient chaque jour plus puissante ; avec la situation internationale et avec le fait que la révolution est la tendance principale dans le monde.

    Quant à la raison pour laquelle nous donnons cet entretien à El Diario, elle est simple : c’est parce qu’il est une tranchée de combat, l’unique tribune qui sert vraiment le peuple aujourd’hui. Nous croyons que même si nous avions pu donner l’entretien à d’autres, même étrangers, il est plus opportun et en accord avec nos principes de le donner à un journal comme El Diario qui lutte vraiment tous les jours dans des conditions difficiles pour servir le peuple, la révolution. Voilà la raison.

    El Diario : Président Gonzalo, avez-vous examiné la portée que peut avoir cet entretien ? Je vous pose une question, n’encourrez-vous pas quelque risque en parlant publiquement à cette occasion ?

    Président Gonzalo : Nous, communistes, en tant que tels, n’avons peur de rien. De plus, le Parti nous a forgés dans le défi à la mort et appris à porter la vie du bout des doigts pour la donner au moment où la révolution le demande.

    Nous pensons surtout que cet entretien a de l’importance, de la transcendance : il sert notre Parti, il sert notre révolution, il sert notre peuple, il sert notre classe et sert aussi, pourquoi ne pas le dire, le prolétariat international et les peuples du monde, la révolution mondiale. Ainsi les risques, quels qu’ils soient, ne sont rien, surtout – si j’insiste – nous sommes formés à l’image du Parti.

    I. QUESTIONS IDÉOLOGIQUES

    El Diario : Monsieur le Président, parlons maintenant d’un des supports idéologiques du PCP, le maoïsme. Pourquoi considérez-vous que le maoïsme est la troisième étape du marxisme ?

    Président Gonzalo : C’est un point vital et de grande transcendance. Le marxisme est pour nous un processus de développement et ce grandiose processus nous a donné une troisième étape, nouvelle et supérieure. Pourquoi disons-nous que nous sommes face à une troisième étape, nouvelle et supérieure, qu’est le maoïsme ? Nous disons ceci parce qu’en considérant les trois parties intégrantes du marxisme il est tout à fait évident que le Président Mao Zedong a développé chacune de ces trois parties.

    Ainsi, simplement, pour énumérer : en philosophie marxiste, personne ne peut nier son grandiose développement, en ce qui concerne la dialectique, principalement avec la loi de la contradiction, établissant que c’est l’unique loi fondamentale.

    Sur la question de l’économie politique, nous pouvons dire qu’il suffit de souligner deux choses dans ce domaine ; la première, d’importance immédiate et concrète pour nous : le capitalisme bureaucratique, et la deuxième : le développement de l’économie politique du socialisme ; car en résumé, nous pouvons dire que c’est lui qui a réellement établi et développé l’économie politique du socialisme ; quant au socialisme scientifique, il suffit de relever la guerre populaire, car c’est avec le Président Mao Zedong que le prolétariat international acquiert une théorie militaire complète, développée, et nous donne ainsi la théorie militaire de la classe, du prolétariat, applicable partout. Nous croyons que ces trois questions montrent qui a un développement a caractère universel.

    La question vue de cette manière nous nous trouvons donc bien face à une nouvelle étape et nous l’appelons troisième étape parce que le marxisme en possède deux : celle de Marx et celle de Lénine, pour cela nous parlons de marxisme-léninisme.

    En ce qui concerne le fait qu’elle soit supérieure : l’idéologie du prolétariat, universelle accède avec le maoïsme au plus haut développement jamais acquis jusqu’à présent, au plus haut sommet ; mais tout cela en comprenant que le marxisme c’est – excuse-moi de le répéter – une unité dialectique qui fait de grands bonds ; et ces grands bonds sont ceux qui engendre des étapes. Ainsi, c’est qui existe dans le monde d’aujourd’hui, pour nous, c’est le marxisme-léninisme-maoïsme, principalement le maoïsme.

    Nous considérons qu’actuellement être marxiste, être communiste, implique nécessairement d’être marxiste-léniniste-maoïste ; autrement nous ne pourrions pas être de véritables communistes.

    Je voudrais signaler une situation peu prise en compte et qui mérite bien d’être étudiée à fond actuellement ; je fait référence au développement apporté par le Président Mao Zedong ä la grande thèse de Lénine sur l’impérialisme. Ceci est d’une importance capitale aujourd’hui, dans la perspective historique dans laquelle nous évoluons.

    Au même plan nous pouvons souligner ce qui suit en énumérant simplement : il a établi la loi de l’impérialisme quand il nous dit qu’il crée des troubles et échoue pour les engendrer de nouveau et de nouveau échouer et ainsi jusqu’à sa perte finale ; il nous a spécifié aussi une échéance dans le processus de développement de l’impérialisme, ce qu’il appela « les cinquante à cent prochaines années », des années comme il disait, sans pareille sur la terre et au cours desquelles, entendons bien, nous devons balayer l’impérialisme et la réaction de la surface de la terre.

    Il nous a aussi précisé une échéance que nous ne pouvons, moins que jamais éluder aujourd’hui ; il nous a dit : une période de lutte s’est ouvert contre l’impérialisme nord-américain et le social-impérialisme soviétique.

    De plus, nous connaissons tous sa grande thèse stratégique « l’impérialisme et tous les réactionnaires sont de tigres en papier. » Cette thèse est d’une importance extraordinaire et nous devons toujours avoir à l’esprit que le Président Mao a appliqué cette thèse aussi bien à l’impérialisme nord-américain qu’au social-impérialisme soviétique desquels il ne faut pas avoir peur.

    Mais nous devons aussi insister pour que l’on tienne compte de sa conception du développement de la guerre suivant précisément ce que Lénine avait signalé sur l’ère de guerre qui s’était ouverte dans le monde, le Président nous a enseigné qu’un pays, une nation, un peuple aussi petit soit-il, peuvent vaincre le plus puissant exploiteur et dominateur de la terre s’ils osent prendre les armes ; en plus il nous a enseigné comme succomber au chantage nucléaire.

    Je crois que ce sont là quelques questions que nous devions avoir bien présentes à l’esprit pour comprendre comme le Président Mao Zedong a développé la plus grande thèse de Lénine sur l’impérialisme.

    Et pourquoi j’insiste à ce sujet ? Parce que nous comprenons que de la même façon que Lénine s’appuie sur la grande œuvre de Marx, le développement apporté par le Président Mao Zedong s’élève sur la grandiose œuvre de Marx et Lénine, sur le marxisme-léninisme. Nous ne pourrions jamais comprendre le maoïsme sans le marxisme-léninisme. Nous considérons que ces choses ont une très grande importance aujourd’hui et que, pour nous cela a été décisif d’arriver à comprendre dans la théorie et dans la pratique le maoïsme comme troisième étape, nouvelle et supérieure.

    El Diario : Président Gonzalo, considérez-vous si José Carlos Mariáteguiétait vivant, il assumerez les rapports et les thèses du Président Mao?

    Président Gonzalo : En synthèse, Mariátegui était marxiste-léniniste; plus encore, en lui, en Mariáteguidans le fondateur du Parti, nous trouvons des thèses similaires à celles établies par le Président Mao au niveau universel. En conséquence, concrètement, pour moi, Mariátegui serait marxiste-léniniste-maoïste; et ceci n’est pas de la spéculation c’est simplement ce qui résulte de la compréhension de la vie et de l’oeuvre de José Carlos Mariátegui.

    El Diario : Bon, passons à une autre question. Qu’est-ce-que l’idéologie du prolétariat et quel rôle joue-t-elle dans le processus sociaux du monde actuel? Quelle signification ont les classiques, Marx, Lénine et Mao pour le PCP?

    Président Gonzalo : Aujourd’hui, demain et dans ces tumultueuses décennies que nous vivons, nous voyons la grandiose importance et transcendance de l’idéologie du prolétariat. Premièrement – bien que nous entrions en terrain connu – c’est la théorie et la pratique de la dernière classe de l’histoire, l’idéologie du prolétariat est le produit de la lutte du prolétariat internationale; cela implique aussi l’étude et la compréhension de tout le processus historique de la lutte des classes avant le prolétariat, de la lutte de la paysannerie, celle-ci particulièrement pour les grandes épopées qu’elle a vécues, la compréhension et l’étude du niveau le plus haut donné par la science.

    En résumé, l’idéologie du prolétariat, la grande création de Marx, est la plus haute conception qu’ait vu et que verra la terre; c’est la conception, c’est l’idéologie scientifique qui, pour la première fois, a doté les hommes, la classe principalement et les peuples, d’un instrument théorique et pratique pour transformer le monde.

    Et nous avons vu que tout ce qu’il avait prévu, s’est accompli. Le marxisme s’est développé pour devenir marxisme-léninisme et aujourd’hui marxisme-léninisme-maoïsme, et nous voyons comment cette idéologie est la seule capable de transformer le monde, de faire la révolution et de nous conduire au bout infaillible: le communisme. Son importance est extraordinaire.

    Au passage je voudrais relever ceci: c’est de l’idéologie mais de l’idéologie scientifique. Pourtant nous devrions très bien comprendre que nous ne pouvons faire aucune concession aux positions bourgeoises que veulent réduire l’idéologie du prolétariat à une simple méthode, car de cette manière on la prostitue, on la nie.

    Pour nous, l’idéologie du prolétariat, et excuse-moi d’insister, mais le Président Mao a dit « Il ne faut pas seulement le dire une fois mais cent fois, il ne faut pas seulement le dire à quelques uns mais à beaucoup », ayant recours à cela je dit, l’idéologie prolétariat, le marxisme-léninisme-maoïsme , principalement le maoïsme aujourd’hui, c’est l’unique idéologie toute puissante parce qu’elle est vraie et que les faits historiques le démontrent.

    En dehors de ce qui vient d’être dit, elle est le produit du travail extraordinaire des figures historiques extraordinaires telles que Marx, Engels, Lénine, Staline et le Président Mao Zedong, pour relever les remarquables sommets ; mais parmi eux, nous en ferons ressortir trois : Marx, Lénine et le Président Mao Zedong comme étant les trois drapeaux qui se concrétisent une fois de plus, dans le marxisme-léninisme-maoïsme, principalement le maoïsme.

    Quel est notre problème aujourd’hui ? Quel est-il précisément ? C’est de l’arborer, de le défendre, de l’appliquer et de lutter vaillamment pour mettre tout en œuvre afin qu’il soit le commandement et le guide de la révolution mondiale. Sans l’idéologie du prolétariat, il n’y a pas de révolution, sans l’idéologie du prolétariat il n’y a pas de perspective pour la classe et le peuple. Sans l’idéologie du prolétariat, il n’y pas de communisme.

    El Diario : Puisque nous parlons d’idéologie, pourquoi la Pensée Gonzalo ?

    Président Gonzalo : Le marxisme nous a toujours enseigné que le problème réside dans l’application de la vérité universelle.

    Le Président Mao Zedong insistait énormément sur ce point ; si le marxisme-léninisme-maoïsme ne s’applique pas à une réalité concrète, on ne peut pas diriger une révolution, on ne peut pas transformer le vieil ordre, ni le détruire, ni en créer un nouveau.

    C’est l’application du marxisme-léninisme-maoïsme à la révolution péruvienne qui a engendré la pensée Gonzalo, dans la lutte de classes de notre peuple, principalement du prolétariat, les luttes incessantes de la paysannerie et dans le contexte bouleversant de la révolution mondiale.

    C’est au milieu de tout fracas, en appliquant le plus fidèlement possible la vérité universelle aux conditions concrètes de notre pays, que s’est matérialisée la pensée Gonzalo. Auparavant on l’appelait la pensée guide ; et si aujourd’hui le Parti a sanctionné lors du Congrès la pensée Gonzalo, c’est parce qu’il s’est produit un bond dans cette pensée guide, précisément au cours du développement de la Guerre Populaire.

    En synthèse la pensée Gonzalo n’est que l’application du marxisme-léninisme-maoïsme à notre réalité concrète ; ceci nous amène à voir qu’elle est spécifiquement capitale pour notre Parti, pour la Guerre Populaire et pour la révolution dans notre pays, j’insiste, spécifiquement capitale. Mais pour nous, si nous considérons l’idéologie au plan universel, le principal est le maoïsme, je le répète une fois de plus.

    El Diario : Comment le révisionnisme agit-il et comment luttez-vous contre lui ?

    Président Gonzalo : D’abord nous voulons rappeler que le marxisme n’a avancé dans la vie qu’au milieu de luttes ; et dans ce processus de développement du marxisme, a surgi le vieux révisionnisme lequel a sombré dans la Première Guerre Mondiale.

    Ensuite, nous, les communistes, nous nous sommes affrontés au nouveau révisionnisme, le révisionnisme contemporain qui commença à se développer avec Khouchtchev et sa clique et, actuellement, déchaîne une nouvelle offensive contre le marxisme, dont les centres les plus importants sont l’Union Soviétique et la Chine.

    Le révisionnisme a surgi en claironnant la négation complète du marxisme. Le révisionnisme contemporain à son tour en a fait autant, visant comme toujours la philosophie marxiste pour la remplacer par une philosophie bourgeoisie ; se dressant contre l’économie politique pour nier particulièrement la paupérisation croissante et l’effondrement inévitable de l’impérialisme ; s’efforçant de falsifier et de dénaturer le socialisme scientifique pour s’opposer à la lutte de classes et à la révolution, prêchant le crétinisme parlementaire et le pacifisme.

    Toutes ces situations ont été développées par les révisionnistes et ainsi elles ont eu et ont encore pour but la restauration du capitalisme, empêcher et saper la révolution mondiale, nier l’invincible conception de la classe. Ici il vaut la peine de préciser quelques points pour concrétiser notre position : le révisionnisme agit comme le ferait n’importe quel impérialisme ; en Union Soviétique par exemple, le social-impérialisme soviétique prêche et applique le crétinisme parlementaire.

    Il trame et dirige des actions armées dans le but de conquérir l’hégémonie mondiale. Il génère des agressions, fait s’opposer les peuples entre eux, fait affronter masses contre masses, divise la classe et le peuple.

    Le révisionnisme soviétique combat de mille et une manière tout ce qui est véritablement marxiste, tout ce qui sert la révolution. Nous en sommes un exemple.

    Ainsi, le social-impérialisme de l’URSS développe dans le monde un plan pervers pour devenir une superpuissance hégémonique en utilisant tous les moyens à sa portée, parmi ceux-ci il faut faire remarquer l’entretien et le soutien des faux partis, de communistes d’étiquette, « des partis ouvriers bourgeois » comme le disait Engels. De la même façon agissent le révisionnisme chinois et toutes sortes de révisionnisme selon leurs conditions et suivant le bâton de commandement auquel ils obéissent.

    Ainsi, pour nous, le problème est de combattre le révisionnisme, de le combattre implacablement. Il faut se rappeler, comme on nous l’a enseigné, qu’on ne peut combattre l’impérialisme sans combattre le révisionnisme. Notre Congrès dit qu’il faut combattre l’impérialisme, le révisionnisme et la réaction mondiale, conjointement et implacablement.

    Comment le combattre ? Il faut le combattre sur tous les plans, en partant des trois plans classiques : idéologique, économique et politique. Sur les trois plans, nous devons les combattre. Si nous ne combattions pas le révisionnisme, nous ne serions pas des communistes. Un communiste a l’obligation de combattre le révisionnisme, inlassablement et implacablement.

    Nous l’avons combattu. Oui, nous l’avons combattu et dès son apparition ; nous avons eu la chance de pouvoir contribuer ici, dans notre pays, à son expulsion du Parti en 1964, une réalité que l’on veut toujours occulter.

    Et il doit être bien clair que l’immense majorité du Parti Communiste s’est unie en prenant les drapeaux de la lutte contre le révisionnisme que le Président Mao Zedong avait arborés ; qu’on a visé et frappé le révisionnisme dans les rangs du Parti Communiste de cette époque-là, jusqu’à la expulsion de Del Prado est sa suite.

    Dès cette époque et jusqu’à aujourd’hui, nous avons continué à combattre le révisionnisme, pas seulement ici mais aussi à l’étranger. Nous le combattons au niveau international, nous combattons le social-impérialisme soviétique de Gorbatchev, le révisionnisme chinois de ce pervers Deng Xiao-ping, le révisionnisme albanais de Ramiz Alia, ce continuateur du révisionniste Hoxha. Nous combattons également tous les révisionnistes qui obéissent au bâton de commandement du social-impérialisme, du révisionnisme chinois, albanais ou de qui que ce soit.

    El Diario : Monsieur le Président, quelle serait l’expression la plus élevée du révisionnisme dans le cas péruvien, si l’on se réfère à ses représentants ?

    Président Gonzalo : C’est en premier lieu, le dit Parti Communiste qui publie ou publia le journal « Unité », cinquième colonne du révisionnisme soviétique ; celui qui a pour chef le révisionniste impénitent Jorge Del Prado, considéré par certains comme un « révolutionnaire consacré. » Et en deuxième lieu, Patrie Rouge, cette agence du révisionnisme chinois avec ses leaders adorateurs de Deng.  

    El Diario: Croyez-vous que l’influence du révisionnisme sur les masses populaires dans le pays crée des situations défavorables à la révolution?

    Président Gonzalo : Si nous tenons compte de ce que Lénine lui-même nous enseigna et que le Président Mao a réitéré encore tout en le développant, le révisionnisme est une avancée de la bourgeoisie dans les rangs du prolétariat et il en résulte qu’il scinde et divise le mouvement communiste et les partis communistes. Il en résulte qu’il scinde et divise le mouvement syndical; qu’il scinde et divise le mouvement populaire.

    Le révisionnisme est évidemment un cancer, un cancer qui doit être extirpé implacablement, autrement nous ne pourrons pas avancer dans la révolution; et rappelons-nous ce que disait Lénine, en synthèse, il faut se forger dans deux questions, se forger dans la violence révolutionnaire et se forger dans la lutte implacable contre l’opportunisme, contre le révisionnisme.

    Je crois que dans notre pays, il ne faut pas voir seulement cette question pour considérer la situation des masses.

    Il faut voir aussi le problème qu’Engels appelait « le tas colossal d’ordures »; il nous enseigna qu’un mouvement qui existe depuis des décennies, comme c’est le cas du mouvement prolétarien dans notre pays et plus encore celui du peuple en général, engendre des ordures qui doivent être balayées petit à petit. Il faut aussi considérer cela; nous pensons que c’est une nécessité.

    Quelle influence peut-il avoir sur les masses? Ce que font les révisionnistes au sein des masses, c’est servir à la capitulation face à la réaction interne; concrètement, face à la grande bourgeoisie et aux propriétaires fonciers, face à la dictature des propriétaires fonciers et du capitalisme bureaucratique qui forme l’actuel État Péruvien.

    Sur le plan international, ils capitulent face à l’impérialisme et servent l’hégémonie du social-impérialisme ou l’avidité de puissances impérialistes. C’est dans ce sens que la Chine actuelle par exemple évolue aujourd’hui.

    Nous croyons qu’à mesure que la révolution se développe avec la guerre populaire, qu’à mesure que la lutte de classes devient plus aiguë, le peuple, le prolétariat comprennent chaque fois mieux; d’ailleurs, étant donné ce qu’ils voient des agissements des révisionnistes et des opportunistes de tout poil, trahissant chaque jour et qu’ils le verront davantage à l’avenir, le prolétariat et le peuple devront accomplir leur mission qui consiste à les balayer de tous les coins, le mieux possible, parce que, malheureusement, on ne peut pas en finir une fois pour toutes, comme nous l’a enseigné Engels, vu qu’ils font partie du « tas colossal d’ordures. »

    El Diario : Estimez-vous que le révisionnisme est en train d’être mis définitivement en déroute dans le pays?

    Président Gonzalo : Reprenant ce qui a été enseigné par les fondateurs du marxisme; vu qu’ils participent à l’État réactionnaire, les masses comprendront leur travail néfaste; au fur et à mesure qu’ils les voient agir, étant donné la façon dont tout le peuple et la classe les voient agir, ils ne peuvent que comprendre chaque fois plus leur rôle nocif, leu nature de trafiquants, de vendeurs d’ouvriers, d’opportunistes et de traîtres.

    Le révisionnisme a commencé à perdre la partie il y a déjà bien longtemps, ce n’est pas qu’avec la Guerre Populaire; le révisionnisme a déjà commencé à perdre la partie lors de son expulsion des rangs du Parti, parce qu’à partir de ce moment-là s’est formée une autre fournée de communistes conséquents qui sont devenus aujourd’hui, dans le Parti Communiste du Pérou, ceux qui dirigent la Guerre Populaire. Et nous pensons que les masses, avec cet instinct de classe dont parlait Mariátegui, comprendront chaque fois plus rapidement, comme elles sont déjà en train de le faire.

    Le révisionnisme a déjà perdu la partie, le reste n’est qu’une question de temps. Le problème a déjà été défini, l’ordure a commencé a être balayée, brûlée; je le répète, c’est une question de temps. La partie, ils ont déjà commencé à la perdre il y a de nombreuses années. Et si nous remontons plus loin, aux principes, ils ont perdu la partie depuis qu’ils se sont convertis en révisionnistes, car on perd la partie dès qu’on abandonne les principes, dès ce moment.

    Après, tout dépend du développement de la lutte des classes, de la façon dont un Parti comme le nôtre est capable d’accomplir son rôle et de comment les masses le soutiennent, l’appuient et le portent en avant, comme elles comprennent que c’est leur Parti qui défend leurs intérêts. Et ce sont les masses elles-mêmes qui en finiront et donneront une juste sanction à ceux qui durant des décennies, ont trafiqué et continuent à trafiquer; elles condamneront et sanctionneront aussi ceux qui voudraient trafiquer ou ceux qui commencent à le faire.

    El Diario : Quel est votre avis sur la Nouvelle Évangélisation proposée par le Pape?

    Président Gonzalo : Marx nous enseigna que « la religion est l’opium du peuple. » C’est une thèse marxiste complètement valable aujourd’hui et elle continuera de l’être demain; la religion est un phénomène social, produit de l’exploitation, et disparaîtra au fur et à mesure que l’exploitation sera balayée et que surgira une nouvelle société.

    Ce sont des principes que nous ne pouvons éluder et que nous devons toujours avoir à l’esprit. Il faut se rappeler aussi, lié à ce que nous venons de dire, que le peuple a une religiosité qui n’a jamais été ni ne sera un empêchement pour qu’il lutte pour ses profonds intérêts de classe tout en servant la révolution et concrètement, la guerre populaire. Il doit être extrêmement clair que nous respectons cette religiosité en tant que problème de liberté de conscience religieuse, comme le reconnaît le programme sanctionné par le Congrès.

    C’est ainsi que la question posée est, selon nous, le rapport avec la hiérarchie ecclésiastique, avec la Papauté, avec cette vieille théocratie. Cette vieille théocratie sut s’organiser et devenir un puissant instrument déjà à l’époque romaine, puis elle a sut s’accommoder aux conditions de la féodalité et acquérir un pouvoir immense, plus grand encore, tout en refrénant à chaque circonstance la lutte populaire et en défendant les intérêts des oppresseurs et des exploiteurs, idéologiquement, comme un bouclier réactionnaire pour ensuite, une fois les conditions changées, s’adapter à la nouvelle situation.

    Nous pouvons le constater d’une façon claire dans les rapports entre l’Eglise et la révolution bourgeoise, la vieille révolution bourgeoise, c’est-à-dire celle de la France par exemple; l’Église défendit avec ténacité la féodalité, puis à travers de nombreuses luttes et après le renversement de la féodalité, -je le redis à la suite de nombreuses luttes- elle s’accommoda de l‘ordre bourgeois et devint un instrument au service des nouveaux exploiteurs et oppresseurs. Qu’observons-nous donc dans la situation présente?

    Nous voyons qu’il y a une perspective historique irréfrénable: la révolution prolétarienne mondiale. La nouvelle ère ayant commencé en 1917, le problème est: comment le prolétariat dirige des révolutions pour changer l’ordre social caduque et nous construire une nouvelle et véritable société, le communisme. Maintenant, comment agit l’Église face à cela? Elle agit d’après son expérience passé.

    Elle essaie de survivre et c’est ainsi qu’on peut expliquer la célébration du Concile Vatican II par lequel elle cherche a créer des conditions qui puisse lui permettre de défendre le vieille ordre comme elle l’a toujours fait puis de s’adapter et de s’accommoder à la nouvelle situation, pour servir des nouveaux exploiteurs pour continuer à survivre. Voilà ce qu’elle cherche! C’est l’essentiel du Concile Vatican II.

    La question de la « nouvelle évangélisation » fait expressément référence à comment la haute hiérarchie ecclésiastique, la Papauté concrètement, considère le rôle de l’Amérique latine. D’après leurs dires, la moitié des catholiques du monde sont en Amérique Latine -c’est ce que disait le Pape actuel en 1984-.

    Par conséquent, ils cherchent à tirer profit de l’anniversaire de la découverte de l’Amérique, il y a 500 ans, en appelant à un soi-disant mouvement « de nouvelle évangélisation. » En synthèse voilà ce qu’ils pensent: l’évangélisation a commencé officiellement en 1494 avec la découverte de l’Amérique. En fait ils veulent développer une « nouvelle évangélisation » à l’occasion de ce nouveau centenaire pour défendre leur bastion. Voilà ce qu’ils cherchent! Ainsi la haute hiérarchie, la Papauté, vise à défendre ses intérêts en Amérique et à servir l’impérialisme nord-américain qui est celui qui domine principalement en Amérique latine.

    Il faut situer ce plan dans le contexte d’une campagne et d’un plan mondial, lié aux relations avec l’Union Soviétique dans le cadre du millénaire de sa christianisation, où avec le révisionnisme chinois, les actions de l’Église en Pologne, en Ukraine. C’est un plan mondial et c’est là qu’il faut voir le rôle de la « nouvelle évangélisation ».

    Ils cherchent comme toujours à défendre l’ordre social existant, se dressant comme son bouclier idéologique, car l’idéologie de la réaction, l’idéologie de l’impérialisme, est déjà périmée. Ensuite ils cherchent à s’accommoder et à continuer à survivre. Mais la perspective sera différente de ce qu’elle était avant et en suivra la loi énoncé par Marx: la religion s’estompera au fur et à mesure que l’exploitation et l’oppression seront détruites et dissoutes car elle sert les classes exploiteuses, alors que la classe qui arrive, n’est pas une classe exploiteuse. Par conséquent la Papauté ne pourra pas survivre et la religiosité progressivement devra disparaître.

    Il faut reconnaître entre temps la liberté de conscience religieuse jusqu’à ce que les hommes, se frayant un chemin dans des nouvelles conditions objectives, puisse avoir une conscience claire scientifique et transformatrice du monde. Pour nous donc, il faudrait que nous analysions en synthèse, la « nouvelle évangélisation » à l’intérieur de ce plan de l’Église pour survivre aux nouvelles conditions d’une transformation qu’elle sait inéluctable et prochaine.

    El Diario : D’après votre définition, pourrait-on conclure -sinon pouvez-vous préciser- que les continuelles visites du Pape dans notre pays sont en rapport avec la guerre populaire et le soutien qu’il accorderait au régime de Garcia Perez?

    Président Gonzalo : Je pense que c’est exact; qu’il en est vraiment ainsi. En général, ses visites en Amérique et ses visites au Pérou, où il nous a sommés de rendre les armes alors qu’il bénissait les armes de génocides, ce qu’il avait déjà fait a plusieurs reprises lors de ses deux précédentes visites au Pérou, on un rapport avec l’importance que revêt l’Amérique latine.

    El Diario : Monsieur le Président, quelle sera l’attitude du PCP vis-à-vis de la théocratie religieuse au moment de la prise du pouvoir dans le pays par ce Parti?

    Président Gonzalo: Le marxisme nous a enseigné à séparer l’Église de l’État, c’est la première chose que nous faisons. En deuxième lieu, je le répète, nous respectons la liberté de conscience religieuse des gens en appliquant pleinement ce principe: la liberté de croire aussi bien que celle de ne pas croire, la liberté d’être athée. Telle est notre nôtre attitude.

    >La seconde partie de l’interview

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