La très violente répression générale contre le Parti Communiste à la mi-1929 se produisit alors qu’il venait de tenir son sixième congrès, qui établissait le triomphe de la bolchevisation dans les faits, le précédent congrès ayant eu lieu en 1926.
Le contexte de sa tenue était évidemment explosif dans le cadre de la montée en puissance de la répression.
Le 18 mars 1929, le Parti décidait de tenir un meeting à Issy-les-Moulineaux, une ville de la banlieue parisienne qui comme la banlieue ouest en général est alors largement ouvrière, avec des usines de métallurgie, d’aviation, d’appareillage électrique, de chimie. Le maire socialiste Justin Oudin, qui était un renégat du Parti, refusa de fournir la seule salle adéquate à la mairie, puis appela même les forces de l’ordre qui vinrent à 1500, tant en civil qu’en voitures et à cheval.
Le 24 mars, la police arrêta les 120 congressistes présents à Clichy pour la conférence du Parti pour la région parisienne, huit furent jetés en prison après avoir été sévèrement tabassés. Lorsque la mairie de Clichy raconta la répression sur des affiches municipales, la police arrêta les colleurs et lacéra les affiches ; cinq meetings en région parisienne s’ensuivent.
Lorsque le 31 mars, le sixième congrès se tint à Saint-Denis, la ville était comme assiégée par les forces de l’ordre.
Dans cette atmosphère bouillante, alors que se préfigure une terrible répression, le manifeste du congrès dit notamment :
« Composés en énorme majorité de militants de l’usine, formés au cours de la lutte quotidienne et acharnés contre le patronat, l’État bourgeois et la trahison socialiste, sans cesse frappés par la répression patronale et gouvernementale, les membres du Congrès représentent l’avant-garde authentique de la classe ouvrière exploitée par le capitalisme français.
Aussi, loin des préoccupations parlementaires sordides auxquelles se complaisent les politiciens bourgeois ou « socialistes » de tous les autres partis, le 6e Congrès du Parti communiste français a étudié et déterminé les moyens et la tactique de la lutte à mener en FRANCE dans la période actuelle ; lutte dont l’aboutissement historique est : L’INSTAURATION DU COMMUNISME MONDIAL PAR LA DICTATURE DU PROLÉTARIAT (…).
Cette lutte gigantesque se déroule dans une période où le monde entier vit SOUS LA MENACE D’UNE NOUVELLE GUERRE IMPÉRIALISTE PROCHAINE (…).
Les magnats français de l’industrie lourde et de la finance qui détiennent le pouvoir véritable du pays examinent en ce moment les bilans de leurs banques, supputent les profits colossaux de leurs ventes et de l’exportation de leurs capitaux et rêvent de la conquête des nouveaux marchés encore plus fructueux.
Mais lancés dans une concurrence effrénée, ils se heurtent partout aux impérialismes rivaux, en première ligne desquels s’impose l’insatiable et colossal impérialisme américain.
Parcourant le monde à la recherche de débouchés sans lesquels c’est la décadence et la faillite, ils se heurtent pleins de haine et de rage à l’Union des Républiques socialistes soviétiques, à la Chine et aux Indes, énormes continents où fermentent de gigantesques luttes révolutionnaires.
Dans leur fièvre de profits, dans l’impérieuse nécessité d’assurer leur suprématie, ils mettent tout en œuvre pour pouvoir résoudre ces conflits non plus seulement par des moyens économiques, mais par la force, PAR LA GUERRE.
C’est pourquoi, par instant, sous l’épais manteau de la diplomatie secrète, apparaît partiellement, à la lueur des scandales, TOUTE LA TRAME DE LEUR PRÉPARATION INTENSE DE LEUR GUERRE (…).
Inquiet du développement du Parti communiste dont l’influence va croissant dans les entreprises, dans l’armée et la marine et qui entraîne des masses de plus en plus nombreuses à l’action, IL [l’État impérialiste] VEUT LE METTRE HORS LA LOI (…).
A partir de la guerre du Maroc, le rôle du parti socialiste change et se précise. D’instrument de défense de la bourgeoisie, il devient l’instrument de L’ATTAQUE CAPITALISTE CONTRE LA CLASSE OUVRIÈRE (…).
Des usines doivent partir les colonnes ouvrières compactes et disciplinées. A travers la lutte pour les revendications immédiates, elles briseront la paix industrielle qui prépare la guerre.
En liaison avec elles, les manifestations de soldats et de réservistes qui ont fait retentir l’Internationale dans les camps et hisser le drapeau rouge sur les casernes, le mouvement d’organisation et de défense des paysans contre le capitalisme et l’État, le mouvement profond des masses opprimées d’Alsace-Lorraine, les insurrections héroïques qui surgissent dans les colonies « françaises » donnent à tout ce mouvement son véritable caractère politique de lutte grandiose contre l’impérialisme français (…).
Ouvriers, paysans, soldats, esclaves des colonies !
Le Parti communiste vous appelle à l’unification de votre lutte commune contre l’impérialisme et ses laquais socialistes.
Face au front unique que la bourgeoise et la social-démocratie ont réalisé pour la guerre impérialiste et pour l’étouffement de la révolution prolétarienne, le Parti communiste vous appelle au front unique de tous les exploités et opprimés : CLASSE CONTRE CLASSE ! »
Le 6e congrès fait surtout preuve d’autocritique, d’une grande portée parce qu’elle implique de se mettre à la hauteur des enjeux, de disposer enfin d’une grille d’analyses. Le rapport au congrès dit ainsi :
« N’ayant pas justement apprécié dans son constant développement la politique suivie par la grande bourgeoisie pour obtenir la constitution d un gouvernement fort, capable d’appliquer sa politique de stabilisation et do rationalisation par une sur-exploitation des masses ouvrières et paysannes dans la métropole et des colonies, la Direction du Parti ne comprit pas immédiatement la signification de la venue de l’Union Nationale au pouvoir avec Poincaré et n’informa pas le Parti.
Elle ne vit pas tout de suite que ce gouvernement signifiait le rassemblement de la quasi-totalité de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie, avec l’appui du Parti socialiste, pour la réalisation d’une politique commune, dont la base allait être le plan des experts. »
Et effectivement, cela permettait également l’offensive contre le Parti dans la foulée du congrès.
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