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  • L’URSS social-impérialiste: l’effondrement

    Leonid Brejnev dirigea l’URSS de 1964 à 1982. A sa mort, c’est Iouri Andropov qui prit sa place, à 70 ans, après avoir été dirigeant du KGB de 1967 à 1982. A sa mort en 1984, il fut suivi de Konstantin Tchernenko, âgé de 73 ans, pourtant gravement malade. A sa mort en 1985, ce fut inversement une figure plus jeune qui prit la succession : Mikhaïl Gorbatchev, âgé de 54 ans.

    Néanmoins, Mikhaïl Gorbatchev n’apporta rien de nouveau et ne fit qu’appliquer la ligne d’Andropov. Celui-ci avait compris que l’Union Soviétique allait s’effondrer. L’URSS donnait l’image d’une superpuissance, qu’elle était militairement, mais à moins d’une offensive militaire tout azimut à la fois contre l’Europe de l’Ouest et contre la Chine populaire, il était pratiquement impossible de s’en sortir.

    Il fallait par conséquent cesser les dépenses militaires massives – qui s’auto-alimentaient de part les frais d’entretien, de modernisation, etc. – et restructurer le pays.

    Mikhaïl Gorbatchev et Leonid Brejnev

    La première étape fut donc de littéralement capituler devant l’impérialisme. Une étape connue fut l’affaire Samantha Smith, du nom d’une jeune américaine élève de CM2 qui écrivit la lettre suivante à Iouri Andropov lors de son élection.

    « Cher M. Andropov,

    Je m’appelle Samantha Smith. J’ai dix ans. Félicitations pour votre nouvelle fonction. Je me suis inquiétée à propos d’une guerre nucléaire entre la Russie et les États-Unis. Est-ce que vous allez voter pour avoir une guerre ou pas ? Si vous ne le voulez pas, dites-moi s’il vous plaît comment vous allez faire pour qu’il n’y ait pas de guerre. Une autre question à laquelle vous n’êtes pas obligé de répondre, c’est que j’aimerais savoir pourquoi vous voulez conquérir le monde ou au moins notre pays. Dieu a fait le monde pour que nous y vivions ensemble dans la paix, pas pour nous combattre.

    Bien à vous,

    Samantha Smith »

    La lettre fut publiée dans la Pravda, et Iouri Andropov lui répondit, formulant la nouvelle ligne stratégique de l’URSS.

    « Chère Samantha,

    J’ai bien reçu ta lettre, qui ressemble à tant d’autres m’étant parvenues de ton pays et d’autres pays à travers le monde.

    Il me semble – à en juger par ta lettre – que tu es une fille courageuse et honnête, semblable à Becky, l’amie de Tom Sawyer dans le célèbre livre de ton compatriote Mark Twain. Ce livre est connu et apprécié aussi dans notre pays par tous les petits garçons et toutes les petites filles.

    Tu écris que tu es inquiète de l’éventualité d’une guerre nucléaire entre nos deux pays. Et tu demandes si nous allons faire quelque chose pour que la guerre n’éclate pas.

    Ta question est la plus importante parmi celles que tout homme sensé peut poser. Je vais te répondre avec sérieux et honnêteté.

    Oui, Samantha, nous en Union soviétique tâchons de tout faire pour qu’il n’y ait pas de guerre sur Terre. C’est ce que veut tout Soviétique. C’est ce que le grand fondateur de notre État, Vladimir Lénine, nous a enseigné.

    Les Soviétiques savent à quel point la guerre est une chose terrible. Il y a quarante-deux ans, l’Allemagne nazie, qui visait à la suprématie mondiale, a attaqué notre pays, brûlé et détruit plusieurs milliers de nos villes et villages, tué des millions d’hommes, de femmes et d’enfants.

    Dans cette guerre, qui se termina par notre victoire, nous étions alliés avec les États-Unis : ensemble nous avons lutté pour la libération de nombreux peuples face aux envahisseurs nazis. J’espère que tu sais tout cela grâce à tes cours d’histoire à l’école. Et aujourd’hui nous voulons ardemment vivre en paix, commercer et coopérer avec tous nos voisins sur cette planète, qu’ils soient proches ou éloignés. Y compris bien entendu avec un aussi grand pays que les États-Unis d’Amérique.

    En Amérique et dans notre pays il y a des armes nucléaires – de terribles armes pouvant tuer des millions de gens en un instant. Mais nous ne voulons jamais avoir à les utiliser. C’est précisément la raison pour laquelle l’Union soviétique a solennellement déclaré à travers le monde entier que jamais – jamais – elle n’utiliserait ses armes nucléaires en premier contre aucun pays. De manière générale nous proposons de mettre un terme à leur production et de procéder à la suppression de tous les stocks existants.

    Il me semble que cela suffit à répondre à ta deuxième question : « Pourquoi voulez-vous faire la guerre au monde entier ou au moins aux États-Unis ? » Nous ne voulons rien de ce genre. Personne dans ce pays – ni les ouvriers et les paysans, ni les écrivains et les médecins, ni les adultes et les enfants, ni les membres du gouvernement – ne veut d’une guerre, grande ou petite.

    Nous voulons la paix – et nous avons d’autres occupations : faire pousser du blé, construire et inventer, écrire des livres et s’envoler dans l’espace. Nous voulons la paix pour nous-mêmes et pour tous les peuples de cette planète. Pour nos enfants et pour toi, Samantha.

    Je t’invite, si tes parents sont d’accord, à venir dans notre pays, l’été étant la meilleure saison. Tu découvriras notre pays, tu rencontreras des jeunes gens de ton âge en visitant un camp international pour enfants – Artek – au bord de la mer. Et tu le constateras par toi-même : en Union soviétique, chacun est pour la paix et l’amitié entre les peuples.

    Merci pour ta lettre. Je te souhaite le meilleur dans la vie.

    I. Andropov »

    Samantha Smith, invitée en URSS, fut accueillie avec enthousiasme en 1983, devenant par la suite une activiste pour la paix très connue dans son pays, avant de mourir dans un « accident » d’un petit avion de six places en 1985.

    On peut penser, en effet, qu’elle a été liquidée, sa position correspondant parfaitement à la ligne de l’Union Soviétique. Il s’agissait pour l’URSS de se poser comme pays tourné vers le développement, sans prétention agressive, et victime du militarisme unilatéral du bloc impérialiste dominé par les Américains.

    Mikhaïl Gorbatchev, en 1986

    La République Démocratique Allemande fut ici un pont très important vers la République Fédérale d’Allemagne, qui connaissait ainsi de vastes mouvements pour la paix et contre le nucléaire très proches de la position soviétique, position en pratique ouvertement assumé par la Fraction Armée Rouge et les multiples petits groupes armés dans son sillage.

    En France et en Angleterre, cette position passa davantage par le soutien à Nelson Mandela, dont le parti ANC était ouvertement lié à l’URSS, ainsi qu’à la question palestinienne, où là encore la gauche palestinienne était directement connectée à l’URSS.

    En Amérique du Sud, par l’intermédiaire de Cuba, l’URSS soutint toute une série de guérilla réformiste et nationaliste, du type FMLN au Salvador, FSLN au Nicaragua, FPMR au Chili, etc., alors que toute une série de groupes était plus ou moins proches, tels les Tupamaros en Uruguay, l’URNG au Guatemala, le FLN algérien par ailleurs au pouvoir, etc.

    Cuba était ici la plaque tournante d’un guévarisme « réaliste », affirmant que l’URSS était un soutien obligé pour un succès possible, et qu’il fallait toujours tendre ainsi aux négociations pour des réformes « solides » – reflet en réalité de la nécessité de l’URSS de « peser » au sein des rapports impérialistes.

    Les multiples guérillas étaient simplement ses jouets et Cuba son outil attitré – l’armée cubaine fut même directement impliquée dans la guerre civile en Afrique, en Angola.

    A côté du discours anti-guerre à destination d’en-dehors de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev avait deux mots d’ordre en URSS même : « Glasnost » signifiant transparence, et « Perestroïka » signifiant restructuration.

    Cependant, ce qu’on attribue comme réformes à Mikhaïl Gorbatchev correspond à ce qu’avaient été les réformes de 1965. Ce qu’a réellement tenté de faire Mikhaïl Gorbatchev en réalité, c’est de réimpulser le capitalisme par en bas.

    L’URSS était en retard dans de nombreux domaines, notamment l’informatique et l’électronique. Ses installations étaient dépassées, au point que la Russie est encore en 2015 parsemée d’une multitude de bâtiments abandonnés, de centres de recherche et militaires laissés tels quels depuis 30 ans, permettant un nombre incalculable de photographies pittoresques et inquiétantes.

    A cela s’ajoute bien entendu l’accident nucléaire de Tchernobyl de 1986, reflet des terribles failles au sein de la technologie soviétique, avec ici un coup humain, économique et environnemental impressionnant.

    L’objectif de Mikhaïl Gorbatchev était donc de lancer des mouvements de masse dans l’économie, pour relancer l’économie s’effondrant sous le poids des groupes monopolistes parasitaires, notamment avec le complexe militaro-industriel.

    Il autorisa ainsi à partir de 1988 les coopératives dans l’industrie et les services, et dans les campagnes, il organisa des prêts de terre à 50 ans, alors que dans les entreprises il tenta de renforcer le pouvoir des travailleurs. C’était ni plus ni moins que de prôner la cogestion et l’autogestion, dans l’esprit de la Yougoslavie titiste des années 1950.

    L’expérience devait se rééditer dans l’Etat et le Parti Communiste d’Union Soviétique, avec la possibilité de candidatures multiples. Tout devait être réimpulsé.

    En réalité, évidemment, Mikhaïl Gorbatchev ne fit qu’accompagner l’effondrement général de l’État soviétique, en officialisant ce que les faits imposaient d’eux-mêmes. Le système était exsangue et le capitalisme avait gangrené toute la société, jusqu’à simplement s’officialiser.

    L’esprit individualiste, expliqué par la bureaucratie comme le fit Nikita Khrouchtchev, correspondait en réalité au capitalisme triomphant toujours davantage. C’est cela qui explique que l’effondrement du bloc de l’est en 1989, puis de l’Union Soviétique en 1991, se déroula aussi facilement.

    A part une poignée de responsables bureaucratiques tentant un coup de force militaire sans aucun poids, la porte était ouverte à un capitalisme franc et ouvert, même si bien sûr n’existant que sous l’hégémonie de groupes monopolistes se maintenant dans la transition et formant, par la suite, une oligarchie sans gêne, totalement décadente.

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  • L’URSS social-impérialiste: un régime terroriste et militairement agressif

    La situation compliquée au début des années 1960 obligeait la nouvelle bourgeoisie « soviétique » à effectuer un choix. En 1957, le maréchal Joukov avait été démis de ses fonctions de ministre de la défense ; il avait sauvé l’installation de Nikita Khrouchtchev au pouvoir, mais il représentait l’armée qui était mise de côté par rapport aux bureaucrates ayant gravi les échelons en tant que techniciens, cadres, etc.

    Nikita Khrouchtchev avait alors porté tous ses efforts sur le nucléaire, les missiles intercontinentaux et la course à l’espace, avec les succès du Spoutnik et du voyage spatial de Youri Gagarine. Il pensait parvenir à développer rapidement l’URSS de cette manière, d’où ses célèbres phrases grandiloquentes comme quoi l’URSS dépasserait très vite les Etats-Unis et entrerait même dans le communisme à court terme.

    Cela, avec la mission américaine sur la lune, la crise de 1962, le recul de la production de céréales, la hausse des prix et le mécontentement des masses, provoqua la mise à pied de Nikita Khrouchtchev, provoqué par l’activité de Mikhaïl Souslov.

    Ce dernier, qui resta toujours à l’arrière-plan, mis en place un tandem composé de Léonid Brejnev et d’Alexis Kossyguine, associé à Nikolai Podgorny.

    Si Alexis Kossyguine représentait l’aile des industriels prônant la libéralisation des entreprises, qui fut effectivement réalisée, Leonid Brejnev était le principal dirigeant et représentait le complexe militaro-industriel.

    Ce dernier prit une importance toujours plus grande, au point de produire 60 % du PIB de l’URSS, avec environ 20-25 % allant directement à la production militaire. En 1982, l’URSS prédomine ainsi militairement dans le monde.

    Défilé militaire de l’armée soviétique avec la révolution d’Octobre comme prétexte

    Le nombre de fusées intercontinentales est alors de 1646 pour l’OTAN et de 2348 pour le pacte de Varsovie, celui des chars d’assaut de 25000 pour l’OTAN et de 60000 pour le pacte de Varsovie, avec un mégatonnage nucléaire de 4100 pour les Etats-Unis et de 8200 pour l’URSS. En 1985, l’URSS et les Etats-Unis disposent respectivement de 1371 et 1020 missiles intercontinentaux, de 28700 et 9470 ogives nucléaires tactiques, de 10497 et 14040 ogives nucléaires tactiques.

    En 1967 l’URSS disposait de 3,5 millions de soldats, en 1985, le chiffre était de 5,3 millions de soldats. 1,2 million de soldats étaient massés à la frontière chinoise, dont 300 000 en Mongolie, pays d’un peu plus d’un million d’habitants : la tentative de renverser le régime chinois était une grande priorité de l’URSS, comme en témoigne notamment l’affaire Lin Piao. Des incidents frontaliers furent également nombreux.

    Nombre de têtes nucléaires

    Il faut aussi prendre en compte le projet clandestin « biopreparat », plus de 30 000 personnes travaillant à la guerre bactériologique, notamment la série de gaz innervant Novichok censés être les plus dangereux au monde. On a en arrière-plan l’une des multiples villes interdites entièrement sous contrôle militaire, ayant des centres de recherches en leur coeur.

    C’en était fini du projet socialiste ; les masses devaient obéir et seulement obéir aux programmes imposés par en haut. L’oligarchie vivait de manière pratiquement séparée du reste de la société ; formant l’élite du PCUS, elle disposait de privilèges, de salaires élevés, de facilités à tous les niveaux. 

    La société soviétique sombrait quant à elle de plus en plus dans l’irrationnel, dans la science-fiction de pacotille mêlée de mysticisme (comme le reflètent les films du brillant réalisateur russe Andreï Tarkovsky, notamment avec « Stalker » et « Solaris »).

    La consommation de vodka avait chuté de moitié entre 1910 et 1950 ; désormais, la consommation de vodka, de bière et de vin en URSS doublait entre 1950 et 1960, pour de nouveau augmenter de 50 % en 1966.

    L’armée s’appuyait sur le KGB (Comité pour la Sécurité de l’État), un de ses organismes nés après la mort de Staline et constituant de plus en plus un véritable État dans l’État, omnipotent et terroriste. Toute velléité de protestation était écrasée ; toute activité démocratique empêchée.

    On a ainsi un paradoxe : d’un côté l’État devient plus puissant : entre 1964 et 1970, l’administration d’État croit ainsi de 38,3 %, soit 516 000 personnes de plus. Mais en pratique, cet État fort appuie les groupes monopolistes de plus en plus puissants ; Leonid Brejnev appelait ainsi, au XXIVe congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique :

    « La directive sur l’établissement de sociétés et entreprises conjointes doit être appliquée avec encore plus de diligence — à l’avenir, elles devront constituer l’unité de compte économique de base de la production sociale. »

    C’est pour cette raison que Mao Zedong a considéré dans les années 1960 que :

    « En URSS aujourd’hui, c’est la dictature de la bourgeoisie, la dictature de la grande bourgeoisie, c’est une dictature de type fasciste allemand, une dictature hitlérienne. »

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  • L’URSS social-impérialiste et son néo-colonialisme

    Dès l’accession de Nikita Khrouchtchev au pouvoir, celui-ci s’attacha à développer des liens commerciaux nouveaux dans les pays du « tiers-monde », pratiquant l’ouverture diplomatique générale, envoyant conseillers, professeurs, techniciens, dans de multiples pays, notamment africains.

    Il fit notamment une tournée en 1955 en Afghanistan, en Birmanie, en Inde, en Indonésie. Voici comment, en décembre 1958, le rapport de la délégation soviétique à la conférence du Caire (menée par Arzumanân) « résume » les propositions soviétiques aux pays du « tiers-monde » :

    « Nous pouvons construire pour vous une entreprise industrielle ou de transport, un institut scientifique ou d’enseignement, un hôpital, un centre culturel, tout ce dont vous avez besoin. Nous pouvons vous envoyer nos spécialistes ou accueillir les vôtres.

    Nous pouvons vous envoyer nos professeurs ou accueillir vos étudiants dans nos établissements ; agissez comme vous voulez. Dites-nous ce dont vous avez besoin et nous vous aiderons… Nous ne cherchons aucun avantage, profit, privilège, concession etc.

    Nous ne vous demandons ni d’entrer dans un bloc de pays, ni de changer de gouvernement ou de politique intérieure ou extérieure. Nous pouvons vous accorder le soutien comme on le ferait à son frère, car nous savons nous mêmes comme il est difficile de se délivrer de l’indigence. Notre seule condition est qu’il n’y ait pas de condition. »

    En pratique, tout était bien différent, comme le montre l’exemple de l’Inde, pays où l’influence de l’URSS fut extrêmement importante. Entre 1955 et 1956, l’URSS a prêté 1,2 milliard de dollars à l’Inde, au taux de 2,5 %. En réalité, derrière, les biens achetés à l’URSS étaient d’un prix entre 20 et 30 % plus chers que sur le marché international, voire le double pour le nickel ; le remboursement se faisait par l’exportation de biens en URSS, achetés par celle-ci 20 à 30 % moins cher que sur le marché international.

    En 1971, l’URSS contrôlait en Inde 30 % de la production d’acier, 20 % de celle de l’électricité, 35 % du raffinage de pétrole, 60 % de la production d’équipements électriques, 75 % de la production de moteurs électriques, 25 % de la production d’aluminium. Le remboursement de la dette indienne à l’URSS formait pas moins que 28 % des revenus indiens à l’exportation.

    L’Inde intervint également contre le Pakistan en appuyant la formation du Bangladesh (alors une colonie du Pakistan), mais de telle manière que les forces démocratiques soient écrasées et que le pays devienne une semi-colonie de l’URSS et de l’Inde.

    Nikita Khrouchtchev s’appuya également sur tous les Partis Communistes dans le monde pour appuyer sa ligne, au moyen évidemment de purges massives, alors que dans le tiers-monde des propositions ouvertes étaient faites à certaines petites-bourgeoisies ou à des secteurs de la bourgeoisie nationale pour mener une « révolution » ou une « libération nationale ».

    L’URSS signa des accords, entre 1954 et 1972, avec pas moins de 40 pays du « tiers-monde », dans le cadre d’une « coopération économique et technique ». A chaque fois, on retrouve le même principe qu’avec l’Inde : les prêts permettent d’acheter des marchandises plus chères que sur le marché mondial, et sont remboursés par la vente de biens à des prix moins chers que sur le marché mondial.

    L’Algérie achetait l’acier soviétique 10 % plus cher que sur le marché mondial, les excavateurs au double de leur prix, tout en vendant du vin au sixième de son prix. Lors de la guerre d’octobre 1973, l’URSS vendit des armes à l’Irak en échange de pétrole pour un bas prix de 13,8 millions de dollars, pétrole que l’URSS vendit dans la foulée à l’Allemagne de l’Ouest pour 41,5 millions de dollars. Le gaz iranien était revendu deux fois son prix à l’Europe de l’Ouest.

    Un exemple d’importance est ici celui de Fidel Castro, qui fonda un Parti Communiste à Cuba bien après que le gouvernement pro-américain ait été chassé. Le nationalisme bourgeois est masqué derrière un verbiage socialiste pour cacher sa soumission à un impérialisme concurrent de celui qui opprime son pays.

    C’est cela, le véritable sens de l’exportation du fusil d’assaut AK-47. L’URSS appuya d’innombrables structures en ce sens : le FMLN au Salvador, le FSLN au Nicaragua, les FPLP et FDLP en Palestine, et dans certains cas des pays entiers, comme l’Egypte de Nasser, le Vietnam, la Syrie, l’Irak, ou bien sûr l’Afghanistan suite au coup d’État du « Parti démocratique populaire ».

    Ce dernier sera prétexte à l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS en 1979, provoquant une guerre civile, interethnique notamment, qui 40 ans après n’est toujours pas terminé.

    Troupes russes en Afghanistan, 1986

    L’invasion de l’URSS a provoqué le déplacement de 7 millions de personnes devenues réfugiées (dont 5 à l’étranger), la mort d’au moins un million de personnes, alors qu’en même temps trois millions de personnes ont été blessées, notamment par les centaines de milliers de mines anti-personnelles étaient larguées dans le pays (les explosifs étaient liquides et le détonateur enclenché à retardement, permettant des largages depuis avions ou hélicoptères).

    Cette ligne était valable en URSS même. Dès 1956, 500 000 colons russes et ukrainiens sont envoyés pour coloniser le Kazakhstan, réduisant la population autochtone à 30 % de la population totale. Le chauvinisme grand-russe prédominait de plus en plus, toute l’URSS s’y voyant soumis.

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  • L’URSS social-impérialiste: instabilité du régime

    Nikita Khrouchtchev a eu énormément de mal à gérer l’avènement définitif de la nouvelle bourgeoisie née en URSS. Il fallait aller vite de l’avant, tout en liquidant les forces révolutionnaires et sans provoquer d’instabilités trop fortes. Il fallait d’un côté faire semblant de préserver le cadre soviétique et en même temps aménager les meilleures conditions pour le développement de la bourgeoisie.

    C’était un jeu d’équilibriste, demandant des changements rapides et des répressions, dans une atmosphère idéologique et culturelle incohérente, avec des failles économiques gigantesques.

    Si Nikita Khrouchtchev a réussi ainsi à rétablir le capitalisme dans les campagnes, la dimension monopolistique empêche des avancées concrètes, et les récoltes de céréales sont rapidement catastrophiques, passant de 147 à 107 millions de tonnes entre 1962 et 1963, obligeant à importer 10 millions de tonnes du Canada.

    Le scénario se réédite au début des années 1970, où l’URSS se voit obligée d’importer 4 millions de tonnes de céréales en 1971, 12,9 en 1972, 24,4 en 1973. Les chiffres sont pour le blé de 2,3 millions de tonnes, puis 6,3 et 15,2. Pour le maïs, on 0,9 million de tonne, puis 4,1 et 5,4.

    La situation est alors tellement grave qu’à partir de ce moment-là, l’URSS généralise le principe des importations massives, avec 27,8 millions de tonnes de céréales en 1979, 35 millions de tonnes en 1980, le point culminant étant le milieu des années 1980, où sont importées 55 millions de tonnes de céréales.

    Non seulement 42 % de ces importations proviennent des Etats-Unis (et pour 12 % de France, le reste venant de l’Argentine, du Canada, de l’Australie), mais en plus elles forment 27% du commerce céréalier mondial.

    Fidel Castro et Nikita Khrouchtchev
    à la 15e session de l’Assemblée générale des Nations Unies

    D’ailleurs, à partir de 1975, les Etats-Unis ont obligé l’URSS, sous menace d’embargo comme en 1974, à annoncer ses achats sur plusieurs années, avec des contrats où l’URSS s’engage à acheter chaque année pendant cinq ans cinq millions de tonnes de céréales américaines, et possibilité de deux de plus si les récoltes sont bonnes aux Etats-Unis.

    Cela signifie que sur le plan alimentaire, la dépendance de l’URSS est complète : le pays est imbriqué dans le système capitaliste mondial.

    L’URSS tentera d’échapper à cela, notamment en faisant passer la part de l’agriculture dans les investissements de 22 à 27 % entre 1965 et 1975, en doublant les subventions entre 1965 et 1980, mais rien n’y fera, en raison de la base viciée de l’économie.

    Le chaos de la production de céréales révèle la précarité de la base : les chiffres sont de 181,2 millions de tonnes en 1971, 168,2 en 1972, 222,5 en 1973, 195,7 en 1974, 140,1 en 1975, et ainsi de suite jusqu’à l’année 1981, où le chiffre fut de 150 millions.

    Or, cette même année, avec 3,9 millions d’agriculteurs (contre environ 30 millions en URSS), les Etats-Unis produisirent pas moins de 310 millions de tonnes. C’est terriblement révélateur de la tendance générale.

    Nikita Khrouchtchev

    Acheter des céréales aux Etats-Unis revient pour l’URSS à moitié moins cher que les produire elle-même, en admettant que ce soit possible ; pour le maïs, le soja, les œufs, la viande, les prix américains sont même quatre fois moins chers. Concrètement, cela signifie que sur le plan de la viande, on a la même évolution : la consommation par personne a chuté de 15 % entre 1965 et 1985.

    Cette instabilité économique reflète l’instabilité du régime dans sa base même. Le chaos témoigne d’une prise d’assaut par la bourgeoisie de toutes les structures sociales.

    Ainsi, si 70 % des membres du Comité Central élus au 19e congrès de 1952 ne faisaient pas partie de celui élu au XXIIe congrès de 1961, on peut voir que 60 % des personnes faisant partie de celui de 1956 n’y appartenait également plus en 1966. Un énorme tri sélectif était fait, avec les risques que cela comporte pour l’administration, les postes-clefs.

    Il est donc particulièrement significatif qu’entre 1963 et 1965, 100 000 personnes furent exclues du Parti Communiste d’Union Soviétique, et pas moins de 62 800 rien qu’en 1966. Inversement, entre 1953 et 1965 le PCUS connut un accroissement de son nombre de membres de 70 %. Les techniciens, ingénieurs, docteurs adhéraient en masse, pour pratiquement 1/3 de leurs couches sociales, et même 99 % pour les directeurs des kolkhozes.

    Nikita Khrouchtchev et John F. Kennedy

    Le problème le plus net de ce « renouvellement » se développa dans les démocraties populaires d’Europe de l’Est, où le succès du 20e congrès provoqua des velléités de lignes similaires, mais nationales, pavant la voie à l’effondrement du régime comme en Hongrie en 1956, où Nikita Khrouchtchev fit intervenir les chars soviétiques pour maintenir l’hégémonie soviétique.

    C’est un exemple où le révisionnisme soviétique refuse le révisionnisme local des pays de l’Est, se posant en force dominante exerçant une hégémonie, avec une clique bureaucratique mettant de côté les équivalents locaux de Nikita Khrouchtchev, allant jusqu’au contrôle direct sur le plan militaire. Les pays d’Europe de l’Est passèrent, en effet, sous la supervision militaire directe de l’URSS, par la formation du « pacte de Varsovie » en 1955.

    Un autre événement connu dans ce cadre fut la construction du mur de Berlin, en 1961, suite à l’échec de Nikita Khrouchtchev d’exercer une pression suffisante pour que les pays capitalistes abandonnent Berlin-Ouest.

    Une autre problématique, qui finit par coûter son poste de dirigeant à Nikita Khrouchtchev, fut le rapport qu’il établit avec les Etats-Unis d’Amérique. Il rentra dans une sorte de jeu de provocations verbales outrancières et de copinage assumé, dont le point culminant fut ses passages aux Etats-Unis.

    Lors de la visite de trois jours aux Etats-Unis en septembre 1959, tout en étant accueilli à la Maison Blanche, Nikita Khrouchtchev aligna les provocations, se plaignant de ne pas avoir pu aller à Disneyland.

    L’année suivante, en pleine session de l’ONU, il se mit à taper sur le pupitre principal avec sa chaussure en 1960, appelant à protester contre la personne ayant parlé avant lui, le représentant philippin Lorenzo Sumulon ayant critiqué la domination soviétique des pays de l’Est européen.

    Enfin, la crise des missiles de 1962, Nikita Khrouchtchev abandonna le projet d’installation de missiles soviétiques à Cuba, ayant provoqué un risque de guerre nucléaire mondiale. C’était le point culminant témoignant de l’incapacité de Nikita Khrouchtchev à gérer de manière adéquate l’affirmation de la nouvelle classe dominante en URSS.

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  • L’URSS social-impérialiste: les entreprises deviennent autonomes

    Le rétablissement du capitalisme dans les campagnes ne cessa de se renforcer. Ainsi, en 1964, les kolkhoziens pouvaient posséder une vache, un veau plus les veaux nés dans l’année, une truie avec ses petits ou un porc « gras », trois moutons ou chèvres avec leurs petits (cinq au cas où il n’y aurait pas de vache ou de porc), des poulets et des ruches en nombre illimité.

    L’acquisition d’une vache était aidée par un crédit d’État, les particuliers pouvaient directement acheter du fourrage d’État, ainsi que faire paître les vaches sur les terres publiques. Les impôts sur le bétail possédé par les citadins disparurent ; les prix de vente sur le marché privé étaient libérés.

    La possession de lopins de terre à cultiver était de plus en plus autorisé pour tous, et devenait même une obligation pour les instituteurs, les médecins et les techniciens vivant et travaillant dans les campagnes.

    En 1966, 3 % seulement des terres cultivées – dépendant de la petite production capitaliste – produisaient 60 % des pommes de terre, 40 % de la viande et des légumes, 39 % du lait, 68 % des œufs. C’était un triomphe pour le secteur capitaliste, si on pense en plus qu’une importante part du reste dépend des kolkhozes placés en situation d’autogestion.

    Cependant, en plus de cette ligne dans les campagnes, associée au renforcement du complexe militaro-industriel, il y avait la nécessité toutefois une seconde étape, mis en place par Leonid Brejnev lui-même, et connue sous le nom de « réforme Liberman », du nom de l’économiste Evseï Liberman.

    Couverture du Time avec Evseï Liberman :
    «Le flirt communiste avec les profits»

    Il était, en effet, nécessaire de procéder à la libéralisation de l’industrie elle-même. Le plan avait été brisé dans sa dimension centrale ; il fallait désormais rétablir la concurrence.

    Le principe fut en fait le même que pour les kolkhozes, qui devaient désormais acheter les machines et établir leur propre plan. Les entreprises, désormais, étaient indépendantes. Elles disposaient de fonds propres à investir comme elles l’entendaient, devant s’arranger avec d’autres pour se procurer des matières premières, établir des contrats à long terme, déterminer le nombre d’emplois qu’elles créaient, la variété des biens qu’elles décidaient de produire, etc.

    Les entreprises peuvent alors louer ou vendre à d’autres entreprises des parties d’elles-mêmes, que ce soit des structures de production ou bien des bâtiments, la production elle-même, etc. ; le capital obtenu ne peut pas leur être enlevé : chaque entreprise est devenue une unité autonome.

    Et bien entendu, qui dit indépendance financière des entreprises dit capacité de celles qui ont le plus de capital à prêter à crédit. En fait, la moitié du capital des entreprises devint au bout de quelques années dépendant du crédit, avec des intérêts tournant autour de 4-5 %.

    L’économie existe ainsi désormais pratiquement sans le plan ; dès 1970, 78,8% de l’investissement total provenait directement des fonds des entreprises. L’ensemble des 44 300 entreprises industrielles fonctionne selon ce principe (il y en avait 704 en 1966, 7248 faisant 50 % des profits en 1967, 26850 en 1968, 36049 en 1969).

    Pour parfaire également le système, les directeurs de chaque entreprise se voient attribués un rôle d’autorité suprême. Ils décident d’absolument tout, librement : des investissements et des contrats jusqu’aux embauches et aux licenciements.

    A partir de 1971, sur une décision du 24e congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique, les entreprises sont également encouragées à s’organiser en « associations de production » ; dès 1973, il y en a déjà 5000, exprimant une faramineuse tendance à la concentration : à peine les entreprises en concurrence, qu’on a déjà un capitalisme monopoliste qui se développe à très grande vitesse.

    L’État, de son côté, ne suivait plus que quelques indicateurs principaux : la quantité des biens produits, leur prix, le bilan comptable global, les profits et la profitabilité, le budget national, les investissements dans les nouvelles technologies, les équipements et le volume des matières premières.

    Concrètement, l’État supervisait l’ensemble de l’existence de la production et de la consommation, mais simplement de manière quantitative, et sans gérer aucun paramètre productif.

    Il s’agissait officiellement, bien entendu et comme toujours, de mener un combat « anti-bureaucratique », sans toucher à la base socialiste. Le Comité Central du Parti Communiste d’Union Soviétique expliquait ainsi en 1965 dans sa « Décision pour améliorer la direction de l’industrie dans la réforme économique soviétique : Caractéristiques et objectifs principaux » :

    « La production des entreprises est régulée par de nombreux indices qui limitent l’indépendance et l’initiative du personnel des entreprises, diminuent leur sens des responsabilités. Pour améliorer l’organisation de la production il est judicieux de mettre fin à une régulation excessive de l’activité des entreprises, de réduire le nombre d’indices imposés aux entreprises. »

    Les conséquences étaient bien entendu de grande importance pour le renforcement de la couche bureaucratique devenant une véritable bourgeoisie. De manière tout à fait officielle, les quelques pour cents de responsables des entreprises recevaient 43,9% des fonds d’intéressement des entreprises, contre 50,7% aux prolétaires.

    Ceux-ci connaissaient des vagues de migration afin de chercher des conditions de travail meilleures ; dès 1967, 5,5 millions de personnes s’étaient déplacés de ville en ville, 3,1 millions de village en ville, 1,5 million de ville en village, et sans doute plusieurs millions de villages en villages.

    Les pénuries, les destructions écologiques et l’inflation se généralisaient, pour la simple raison que dans la recherche du profit maximum dans le cadre d’une domination monopolistique, les entreprises étaient totalement libres de leurs choix et de leurs prix.

    De la même manière que dans l’impérialisme une petite couche oligarchique a tendance à se former, vivant à part, capable de consommer des biens comme elle le souhaite, le « Parti Communiste » devenait une bourgeoisie formant une véritable caste.

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  • L’URSS social-impérialiste et la restauration des rapports capitalistes

    Après le triomphe du 20e congrès, Nikita Khrouchtchev formula ouvertement son plan de transformation de l’économie soviétique, tout d’abord dans un rapport au Comité Central du Parti Communiste d’Union Soviétique le 14 février 1957, puis le 30 mars 1957 dans quatre pages, résumant ce rapport, publiées dans la presse.

    Khrouchtchev prolongeait ainsi la révision, juste après la mort de Staline au début de l’année 1953, du 5e plan quinquennal pourtant adopté en octobre 1952. Il n’en ressort pas en apparence des changements très profonds, mais en réalité la tendance qui s’y masque est particulièrement significative.

    Pour comprendre cela, il faut s’attarder sur la figure de Leonid Brejnev. S’il ne faisait pourtant pas partie du Bureau Politique du Comité Central, il fut nommé par Khrouchtchev chef du Directorat politique de l’armée et de la marine, avec le très haut grade de lieutenant-général.

    Leonid Brejnev

    Brejnev devint par la suite secrétaire général du Parti Communiste de la République soviétique du Kazakhstan, où fut fondé le cosmodrome de Baïkonour. Lié à l’armée, au programme spatial ainsi qu’à l’industrie de la défense, Brejnev en devint le responsable au sein du Bureau Politique, avant de devenir en 1959 le second secrétaire du Comité Central, puis en 1960 président de la présidence du Soviet Suprême.

    Or, si l’on regarde ce qui se passe à partir de 1953, on peut voir que l’industrie de l’armement continue à empiéter sur la production industrielle, en produisant directement des biens de consommation ou encore des tracteurs. C’est une tendance au complexe militaro-industriel qui va aller en s’aggravant.

    Ce n’est pas tout : il y a un point essentiel, dont on ne peut comprendre l’ampleur sans doute qu’aujourd’hui. La révision du plan quinquennal concerne, en effet, surtout la production agricole et l’élevage. La petite propriété agricole et l’utilisation des animaux ont toujours été historiquement un vecteur du capitalisme, et c’est flagrant en Union Soviétique avec Khrouchtchev .

    On peut voir qu’en 1953, le cheptel est moins important qu’en 1928, sauf en ce qui concerne les cochons. Appartient d’ailleurs au secteur privé 29 % du cheptel des cochons, 39 % de celui des bœufs, 59,6 % de celui des vaches, ainsi qu’une importante part de la production de légumes et de pommes de terre. Un tiers de la production agricole relève du secteur privé.

    Or, Khrouchtchev procède à l’augmentation directe du prix fourni par l’État aux producteurs, celui-ci augmentant de 25 à 40 % pour les légumes, de 100 % pour le lait et le beurre, de 150 % pour les pommes de terre, de 1500 % pour la viande.

    Nikita Khrouchtchev

    L’impôt agricole baisse de 45 % en 1953 puis encore de 150 % en 1954. Les arriérés se voient accordés d’importantes remises, alors que des crédits sont facilités pour l’acquisition de vaches. De 1953 à 1954, la collecte de viande de l’État passe de 2,4 millions de tonnes à 4,1 millions de tonnes.

    Le montant total des versements annuels de l’État aux kolkhozes et au secteur agricole privé est de 31,3 milliards de roubles en 1952, puis de 41,4 en 1953, 64 en 1955, 88,5 en 1956, 97,1 en 1957, 144,9 en 1959.

    De plus, Khrouchtchev a liquidé les Stations de Machines et de Tracteurs, obligeant les kolkhozes à acheter le matériel agricole (dont les tracteurs), instaurant le commerce là où auparavant l’État gérait l’approvisionnement, brisant de manière décisive l’influence de l’État soviétique. Au lieu d’une décision centralisée de répartition (payée par l’État) des tracteurs, le plan de production des tracteurs n’est qu’une centrale de commandes obéissant aux demandes d’achats des kolkhozes.

    C’est là indéniablement un rétablissement du commerce capitaliste, que Khrouchtchev tente de faire passer pour une réforme anti-bureaucratique, comme ici dans un discours du 22 janvier 1958 :

    « On mettra fin à la répartition bureaucratique centralisée du matériel agricole qui provoque de nombreux désordres et cause des pertes énormes à l’Etat.

    Les Stations de Machines et de Tracteurs prennent n’importe quelle machine, même si elles n’en ont pas besoin : celles qui ne sèment pas de lin reçoivent quand même des machines pour récolter le lin; celles qui ne cultivent pas les choux reçoivent quand même des machines pour planter les choux. »

    En arrière-plan, il faut voir également que de 1950 à 1952, le nombre de kolkhozes était passé de 250 000 à 94 000, de 1693 hectares en moyenne. Il y a une tendance au renforcement bureaucratique des kolkhozes, qui gagnent en autonomie ; les kolkhozes n’ont plus également de plan détaillé de production, simplement un certain volume de production annuelle à obtenir.

    On comprend que Khrouchtchev ait mis en avant un mot d’ordre qui correspondait parfaitement aux exigences capitalistes d’exploitation, d’intensification de l’exploitation, de profit par l’intermédiaire de l’utilisation des animaux :

    « Rattraper dans les prochaines années les Etats-Unis pour la production de viande, de lait et de beurre par tête d’habitant ».

    Tout cela signifie qu’une véritable classe de capitalistes – cachée dans la bureaucratie des kolkhozes et ouvertement présente dans la petite production – s’affirmait dans les campagnes, bénéficiant d’un vaste transfert des richesses vers elle.

    Elle profitait également de la destruction de l’autorité centrale de la planification, qu’était la Commission économique d’État pour la planification courante, alors qu’en même temps les prérogatives ministérielles passaient dans les mains des pouvoirs locaux des républiques. Khrouchtchev justifiait cela au nom de la prétendue impossibilité de planifier de manière centralisée 200 000 entreprises industrielles et 100 000 chantiers.

    Le résultat fut bien sûr le chaos ; le stock des biens invendus représente 1485 million de roubles au premier janvier 1959, et 4133 millions de roubles au premier janvier 1964.

    Mais, en réalité, toute la désorganisation prétendument anti-bureaucratique servait la structuration d’une nouvelle classe bourgeoise.

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  • L’URSS social-impérialiste et la «coexistence pacifique»

    Après 1945, les thèses soviétiques étaient que les contradictions inter-capitalistes s’exacerberaient, que la tendance à la guerre deviendrait de plus en plus forte, que l’impérialisme américain était à la tête d’opérations de sabotages, d’infiltrations et d’agression contre l’Union Soviétique.

    Par conséquent, il fallait mobiliser les masses sur des thèmes anti-guerre, ainsi que prôner l’interdiction de l’arme atomique. Ces considérations s’appuient sur la thèse du matérialisme dialectique comme quoi l’impérialisme est le stade suprême du capitalisme, produisant la guerre et le fascisme.

    Cependant, Nikita Khrouchtchev représentait une clique de bureaucrates et de carriéristes au sein du Parti, de l’industrie et de l’armée, qui n’avaient par conséquent aucunement envie d’assumer un conflit idéologique ouvert, avec les pays capitalistes, ni de s’engager de manière militante dans le soutien à des processus révolutionnaires où les Partis Communistes s’engagent les armes à la main.

    L’un des points essentiels était par conséquent non pas simplement de rejeter l’idéologie comme guide, en utilisant l’argument du « culte de la personnalité » ; il fallait également impérativement abandonner les conséquences pratiques sur le plan des rapports avec les pays capitalistes.

    De là est né le concept de « coexistence pacifique », dont l’expression est trompeuse, car elle sous-tend en réalité une concurrence bien définie entre les Etats-Unis et l’URSS.

    Nikita Khrouchtchev et Fidel Castro

    Auparavant, cette concurrence était idéologique ; elle concernait deux visions du monde antagonistes, les critères étaient ceux de l’idéologie, de la réalisation de révolutions : l’objectif était ouvertement le renversement des régimes capitalistes.

    Le principe de « coexistence pacifique » abolit cet affrontement idéologique et l’évaluation en termes de bouleversement, pour prôner une mise en concurrence URSS – États-Unis au sein de ce qui serait une hégémonie mondiale soviéto-américaine. Selon Nikita Khrouchtchev, les États-Unis et l’URSS sont en quelque sorte en « finale » d’un championnat dont les autres protagonistes doivent rester mis à l’écart, et dont le contrôle dépend du rapport de forces internes entre les deux « grands ».

    Nikita Khrouchtchev justifie cela au nom de l’existence de la bombe atomique ; dans un discours de juillet 1959, il résume cela de la manière suivante :

    « Votre voisin peut vous plaire ou ne pas vous plaire. Vous n’êtes pas obligé de vous lier d’amitié avec lui. Mais vous vivez côte à côte, et que faire si ni vous ni lui ne voulez quittez le lieu auquel vous vous êtes attachés?

    A plus forte raison, il en est ainsi dans les relations entre les États…

    Il n’y a que deux issues : ou bien la guerre –et au siècle des missiles et de la bombe à hydrogène, elle est grosse des conséquences les plus graves pour tous les peuples- , ou bien la coexistence pacifique. »

    Au XXe congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique, il avait déjà affirmé cela, en les termes suivants :

    « L’établissement de relations d’amitié durables entre les deux plus grandes puissances du monde, l’Union soviétique et les États Unis d’Amérique, aurait une importance majeure pour le renforcement dela paix dans le monde entier.

    Si l’on faisait reposer les relations entre l’URSS et les États Unis sur les cinq principes majeurs de la coexistence pacifique: respect mutuel de l’intégrité territoriale et de la souveraineté, non-agression, non-ingérence dans les affaires intérieures, égalité et avantage réciproque, coexistence pacifique et coopération économique, cela aurait une portée vraiment exceptionnelle pour toute l’humanité (…).

    Les guerres ne sont pas inévitables, ne sont pas fatales. Il y a à présent des forces sociales et politiques puissantes qui disposent de moyens sérieux pour empêcher les impérialistes de déclencher la guerre et, au cas où ces derniers l’oseraient, pour infliger une riposte foudroyante aux agresseurs. »

    Ainsi, puisque l’URSS est une grande puissance, « alliée » à de nombreux pays, et disposant de soutiens nombreux avec les Partis Communistes, alors la guerre est évitable, et même la révolution violente : on pourrait arriver au pouvoir de manière institutionnelle, le rapport de forces « pacifiant » les rapports sociaux.

    Cette conception fut à la base de la polémique ouverte entre le Parti Communiste d’Union Soviétique et le Parti Communiste de Chine, de nombreux regroupements soutenant le second (il est à noter que ce n’est pas le cas en France, où les « marxistes-léninistes » quittèrent le Parti Communiste français dans les années 1960, au nom du refus du soutien à la candidature de François Mitterrand et au nom du soutien au FLN algérien).

    Elle témoigne des changements profonds en URSS à l’époque de Nikita Khrouchtchev.

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  • L’URSS social-impérialiste et l’exposition Picasso

    L’espagnol Pablo Picasso (1881-1973) est un peintre membre de « l’avant-garde » décadente du début du XXe siècle, principalement du courant cubiste qu’il a contribué à fonder, avant de participer de manière décisive à ce qui deviendra l’art abstrait.

    Menant une vie de bohème à la manière d’un millionnaire, Pablo Picasso était très proche du Parti Communiste français, qui combinait thorézisme et une ligne culturelle justement tournée vers les courants cubistes – futuristes – surréalistes qui avaient été catégoriquement rejetés par le réalisme socialiste en URSS.

    Pablo Picasso participa ainsi à certaines activités du Parti Communiste français, qu’il finit par rejoindre en 1946. Il dessina une colombe de la paix comme emblème du mouvement pacifique et anti-nucléaire lancé par le Mouvement Communiste International.

    A ce titre, il fut arrêté pendant douze heures par les services d’immigration lors de son voyage à Londres en 1950, et il refusera par la suite de retourner en Angleterre. Pareillement fut refusée sa demande de visa pour les États-Unis où il devait remettre au congrès américain un appel à la paix et contre les armes atomiques.

    Pablo Picasso était tout à fait dans la ligne élaborée par Louis Aragon et Paul Eluard au sein du Parti Communiste français : l’artiste mène une vie de Bohème totalement indépendante, mais doit prendre parti à certains moments.

    Pour cette raison, Pablo Picasso peignit notamment en 1951 une fresque appelée La Guerre et la Paix ainsi que le tableau Massacre en Corée, ou de manière plus connue Le charnier en 1944 et Guernica en 1937.

    Pablo Picasso, La Guerre et la Paix 

    Cette démarche, aussi engagée qu’elle puisse avoir été, était en contradiction formelle avec la définition des arts et de la littérature par le réalisme socialiste. Aussi, Nikita Khrouchtchev l’utilisa directement, en organisant une grande exposition Pablo Picasso en Union Soviétique en 1956, dans le prolongement du XXe congrès.

    C’est Ilya Ehrenbourg qui se chargea de la mettre en place, chose qu’il rééditera en 1963. Il avait, dès 1953, publié un article dans le quotidien du Parti Communiste italien, L’Unita, pour faire l’éloge de Pablo Picasso à l’occasion d’une rétrospective à Rome et Milan.

    Cependant, officiellement, c’est le VOKS, organisme chargé des relations culturelles avec les pays étrangers, et plus précisément son « secteur des amis de la science et de la culture français », qui proposa au Comité Central du Parti Communiste d’Union Soviétique l’exposition pour célébrer les 75 ans de Pablo Picasso, à Leningrad puis à Moscou.

    C’était par conséquent une initiative ouvertement officielle, mais qui contournait le système artistique officiel en URSS, avec également, pour contourner d’autant plus les musées, une organisation extrêmement rapide en quelques semaines, et donc un personnel des musées débordé et incapable de faire face idéologiquement et esthétiquement à 38 œuvres habilement choisies et remises à l’ambassade soviétique à Paris par Pablo Picasso lui-même, qu’on ne saurait par conséquent officiellement sélectionner ou refuser.

    C’était, en pratique, un coup d’État par rapport aux instances artistiques traditionnelles, et un appel d’air pour la réouverture du musée d’art contemporain occidental, fermé depuis 1941, alors qu’en même temps des cercles d’artistes moscovites appelaient à réhabiliter l’impressionnisme.

    Un autre événement fut organisé pour renforcer cette tendance au libéralisme et au progressisme « bourgeois bohème », avec la tenue en URSS du Festival International de la Jeunesse, en 1957.

    34 000 jeunes de 131 pays, appartenant à des structures de jeunesse liées aux Partis Communistes, vinrent à Moscou, dans une ambiance commençant déjà à célébrer le pacifisme dans le sens de la « coexistence pacifique », qui était au cœur même de l’affirmation idéologique du révisionnisme de Nikita Khrouchtchev.

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  • Le XXe congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique

    Le XXe congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique (PCUS) fut un moment clef de l’histoire de l’URSS.

    Normalement, les congrès possédaient une large publicité, témoignant de la vie du Parti dirigeant la société. Les délégués débattent suite au rapport fait par la direction, une ligne est votée pour le futur et des dirigeants élus pour l’appliquer.

    Le XXe congrès dérogea totalement à la règle, puisque le secrétaire du PCUS prononça un « discours secret ». Ce discours ne fut pas sténographié, et il fut même demandé aux 1400 délégués de ne pas en dévoiler le contenu.

    Une version écrite fut remise aux délégations étrangères, mais sans le droit de prendre des notes ni, évidemment, de l’emporter.

    La tribune du XXe congrès du PCUS

    Une semaine après, une version fut imprimée, puis quelques jours après transmise à certaines personnes, également pour être parfois lue lors de réunions à huis-clos, cela procédant d’une décision prise symboliquement par le Comité Central le 5 mars 1956, jour anniversaire de la mort de Staline. A la mi-avril, environ 30 000 personnes par grande ville étaient impliquées dans ces discussions lancées par en haut.

    Le contenu de ce rapport se diffusa ainsi lentement ; dans ce cadre, dans le quotidien du PCUS, la Pravda, parut à la fin du mois un article intitulé Pourquoi le culte de la personnalité est-il étranger à l’esprit du marxisme-léninisme ?

    Puis vint l’étape finale. En juin 1956 en effet, le département d’État américain qui s’était procuré le document commença à le publier massivement en plusieurs langues ; en France, c’est le quotidien Le Monde qui se chargea de cette besogne.

    Nikita Khrouchtchev

    En Union Soviétique, le rapport ne fut par contre jamais rendu public il ne sera publié qu’en 1989 puis en 2002. Avant 1989, le « rapport secret » n’existait officiellement pas ; il n’était pas possible d’y faire référence, ni même de le citer.

    Pourtant, et c’est le paradoxe, officiellement le rapport secret était le fruit des travaux d’une commission d’enquête menée par Piotr Pospelov sur de prétendues actions illégales faites par Staline au sein du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchevik).

    Il était prétendu que les résultats de la commission ne seraient arrivés qu’au moment du congrès, et qu’alors la direction du PCUS ne savait pas comment aborder la question, Nikita Khrouchtchev se « sacrifiant » pour expliquer la chose avec « émotion », de manière plus ou moins improvisée.

    Le rapport consiste ainsi en une série d’accusations, Staline étant présenté comme ayant dévoyé le centralisme démocratique, organisé une terreur absurde, commis des erreurs militaires terribles pendant la seconde guerre mondiale impérialiste, pour finir en sombrant dans la paranoïa et des purges délirantes, etc.

    Toutefois, le ton reste paradoxalement mesuré, car l’objectif de Nikita Khrouchtchev est très précis. Représentant des forces nées à l’intérieur du régime, même si contre lui sur le plan des idées et de la pratique, il a besoin d’en préserver le cadre.

    Nikita Khrouchtchev prétend alors que Staline fait l’erreur de continuer la lutte des classes alors que ce n’était plus la peine, et que cela a provoqué une sorte de guerre civile dans le PCUS (bolchevik), Staline perdant prétendument toujours davantage pied avec la réalité dans ce processus paranoïaque et mégalomaniaque.

    Le problème n’est donc pas Staline, mais l’absence de direction collégiale, c’est-à-dire en réalité – mais cela Nikita Khrouchtchev ne le dit pas – de la direction idéologique communiste, qui s’oppose aux intérêts collectifs des couches sociales représentées par Nikita Khrouchtchev.

    Voici ce que dit notamment Nikita Khrouchtchev dans le « rapport secret » :

    « Il faut se souvenir que le XVIIe Congrès est connu historiquement sous le nom de « Congrès des vainqueurs ». Les délégués au Congrès avaient été des artisans actifs de l’édification de notre Etat socialiste ; nombre d’entre eux avaient souffert et combattu pour la cause du Parti pendant les années pré-révolutionnaires dans la conspiration et sur les fronts de la guerre civile ; ils avaient combattu leurs ennemis avec vaillance et avaient souvent regardé la mort en face.

    Comment peut-on alors supposer que ces gens pouvaient être à « double face » et avaient rejoint le camp des ennemis du socialisme à l’époque qui a suivi la liquidation politique des zinoviévistes, des trotskistes et des droitiers, et après les grandes réalisations de l’édification socialiste ?

    C’était la conséquence de l’abus de pouvoir par Staline qui commença à utiliser la terreur de masse contre les cadres du Parti.

    Pour quelle raison les répressions de masse contre les activistes n’ont-elles cessé d’augmenter après le XVIIe Congrès ? C’est parce que, à l’époque, Staline s’était élevé à un tel point au-dessus du Parti et au-dessus de la Nation qu’il avait cessé de prendre en considération le Comité central ou le Parti.

    Alors qu’il avait toujours tenu compte de l’opinion de la collectivité avant le XVIIe Congrès, après la totale liquidation politique des trotskistes, des zinoviévistes et des boukhariniens, au moment où cette lutte et les victoires socialistes avaient conduit à l’unité du Parti, Staline avait cessé, à un point toujours plus grand, de tenir compte des membres du Comité central du Parti et même des membres du Bureau politique.

    Staline pensait que, désormais, il pouvait décider seul de toutes choses et que les figurants étaient les seuls gens dont il ait encore besoin; il traitait tous les autres de telle sorte qu’ils ne pouvaient plus que lui obéir et l’encenser (…).

    Prenez par exemple les Résolutions du Parti et des soviets. Elles étaient préparées d’une façon routinière, souvent sans tenir compte de la situation concrète. On était arrivé au point que les militants, même dans les réunions les moins importantes, lisaient leurs discours. Il en résultait un danger de formalisme dans le travail du Parti et des soviets, et la bureaucratisation de tout l’appareil.

    La répugnance de Staline à considérer les réalités de l’existence et le fait qu’il n’était pas au courant du véritable état de la situation dans les provinces peuvent trouver leur illustration de la façon dont il a dirigé l’agriculture.

    Tous ceux qui ont pris un tant soit peu d’intérêt aux affaires nationales n’ont pas manqué de constater la difficile situation de notre agriculture. Staline, lui, ne le remarquait même pas. Avons-nous attiré l’attention de Staline là-dessus? Oui, nous l’avons fait, mais nous ne fûmes pas appuyés par lui. Pourquoi? Parce que Staline ne s’est jamais déplacé, parce qu’il n’a pas pris contact avec les travailleurs des villes et des kolkhozes. Il ignorait quelle était la situation réelle dans les provinces.

    C’est à travers des films qu’il connaissait la campagne et l’agriculture. Et ces films avaient beaucoup embelli la réalité dans le domaine de l’agriculture (…).

    Camarades ! Afin de ne pas répéter les erreurs du passé, le Comité central s’est déclaré résolument contre le culte de l’individu. Nous considérons que Staline a été encensé à l’excès. Mais, dans le passé, Staline a incontestablement rendu de grands services au Parti, à la classe ouvrière, et au mouvement international ouvrier.

    Cette question se complique du fait que tout ce dont nous venons de discuter s’est produit du vivant de Staline, sous sa direction et avec son concours ; Staline était convaincu que c’était nécessaire pour la défense des intérêts de la classe ouvrière contre les intrigues des ennemis et contre les attaques du camp impérialiste.

    En agissant comme il l’avait fait, Staline était convaincu qu’il agissait dans l’intérêt de la classe laborieuse, dans l’intérêt du peuple, pour la victoire du socialisme et du communisme. Nous ne pouvons pas dire que ses actes étaient ceux d’un despote pris de vertige. Il était convaincu que cela était nécessaire dans l’intérêt du Parti, des masses laborieuses, pour défendre les conquêtes de la révolution. C’est là que réside la tragédie ! »

    Cet extrait résume bien l’approche de Nikita Khrouchtchev. Mais pour bien saisir comment il tente en réalité ici une transition en douceur sur le plan culturel, il faut voir à la fois la réorganisation du PCUS à partir de 1953, mais également la signification de la grande campagne accompagnant l’exposition Picasso à Moscou en 1956.

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  • L’URSS social-impérialiste: le chaos à la mort de Staline

    La mort de Staline s’est déroulée dans des conditions obscures ; il aurait connu une attaque cérébrale dans la nuit menant au premier mars, mais n’a pas été soigné, pour être déclaré mort le 5 mars.

    Auparavant, il avait été isolé sur le plan de l’organisation. Alexandr Proskrebychev, son principal collaborateur depuis 1924, avait été mis à pied en 1952 sur la base d’une fausse accusation de vol de documents. Le responsable de sa sécurité depuis 1931, Nikolai Vlasik, fut pareillement écarté en 1952 sur la base d’une fausse accusation, cette fois de complot.

    Par la suite, l’extrême confusion qui a prédominé témoigne de l’atmosphère pénible et marquée par des complots au sein du Kremlin. Elle se révèle par le conflit entre les différentes instances de l’État.

    On a ainsi d’un côté Gueorgui Malenkov qui fait office de premier ministre, en étant proche de Lavrenti Beria qui est le responsable des services secrets, ainsi que de Viatcheslav Molotov comme responsable des affaires étrangères, et également Lazare Kaganovitch comme responsable des salaires et du travail.

    De l’autre, on a Nikita Khrouchtchev comme dirigeant du Parti Communiste, Nikolaï Boulganine comme responsable de la Défense, épaulé par le général Gueorgui Joukov.

    Nikita Khrouchtchev

    Deux événements marquèrent alors le rapport de forces entre les deux fractions. Le premier fut l’arrestation dans le secret de Lavrenti Béria et de ses six collaborateurs, dès juin 1953, prélude à leur procès non public, leur exécution et leur incinération en décembre.

    Le second fut la tentative de la première fraction, en juin 1957, d’expulser Nikita Khrouchtchev de la direction du Parti Communiste, ce qui échoua grâce à la mobilisation de l’armée par Joukov. A ce moment-là, les membres de la première fraction sont mis de côté, puis progressivement expulsés.

    La tenue entre ces deux événements du XXe congrès, en 1956, témoignait du lent changement de rapport de force qui existait en Union Soviétique. On sait, en effet, que de nombreuses contradictions s’étaient développées à la suite de la victoire de 1945, et Staline avait rétabli la primauté du Parti Communiste où son rôle s’était effacé.

    Staline en 1943

    Les techniciens opportunistes, tant dans l’armée que l’économie, avaient pu prendre certains postes en raison des grandes difficultés de la période 1941-1945, mais la bataille idéologique avait ramené une situation saine. L’État soviétique mit en avant le principe de la « légalité socialiste », dans le cadre de la réalisation du quatrième plan quinquennal.

    Si la thèse matérialiste dialectique est correcte, alors il faut regarder comment le régime a été attaqué précisément sur cette base. Or, on peut voir qu’alors que Staline meurt le 5 mars 1953, la légalité socialiste est remise en cause dès le 27 mars.

    Sur décret, plus de 1 200 000 personnes furent libérées du goulag, soit la moitié de la population de celui-ci. Furent libérées toutes les personnes dont la sentence était en-dessous de cinq ans, tous les autres voyant leur peine divisée par deux. Furent automatiquement libérés les hommes de plus de 55 ans et les femmes de plus de 50 ans, les jeunes de moins de 18 ans, les femmes avec enfants, ceux dont la peine était liée au travail ou au service militaire, etc.

    C’était ici particulièrement miner la société soviétique. La loi se voyait dévaluée, qui plus est des centaines de milliers de personnes effectuaient un retour unilatéral dans la société, provoquant une importante vague d’activités criminelles. Selon les chiffres officiels, dans les semaines et mois qui suivirent, les attaques violentes augmentèrent de 60,4 %, les meurtres de 30,7 %, les viols de 27,5 %, les vols de 63,4 %, les troubles sur la voie publique de 19,3 %.

    En pratique, environ 40 % des gens arrêtés dans les mois qui suivirent, pour des activités criminelles, provenaient directement du goulag. Les réseaux criminels organisés dans le goulag s’évertuaient à s’implanter dans la société soviétique.

    C’était d’une grande importance pour Nikita Khrouchtchev et la clique qu’il représentait : les troubles travaillaient l’opinion publique, sapant la légalité socialiste existant précédemment et provoquant un appel d’air pour des mesures qu’il y avait lieu, pour Nikita Khrouchtchev, de développer de telle manière que cela corresponde à ses vues.

    Nikita Khrouchtchev

    Le régime nouvellement installé développa par conséquent une nouvelle approche de la vie quotidienne, du style de vie (le « byt ») ; c’est dans ce cadre qu’il faut voir la publication et la promotion en 1954 d’un roman d’Ilya Ehrenbourg intitulé Le dégel, se moquant des artistes peu talentueux mais conformistes, barrant la route aux artistes authentiques mais peu soucieux de bons rapports avec la « bureaucratie ».

    Deux autres ouvrages du même type seront publiés et encensés : il y eut ainsi en 1956 L’homme ne vit pas que de pain de Vladimir Doudintsev, racontant les terribles mésaventures d’un ingénieur dont l’invention est volée, lui emprisonné, dans le cadre d’une bureaucratie complète, etc.

    Enfin, en 1962, il y eut Une journée d’Ivan Denissovitch, qui décrit le goulag, qu’a lui-même connu son auteur Alexandre Soljenitsyne.

    Couverture originale de l’ouvrage d’Alexandre Soljenitsyne, Ivan Denissovitch

    Ces trois ouvrages furent publiés directement avec l’accord de Nikita Khrouchtchev, avec également Alexandre Tvardovski jouant un important rôle par l’intermédiaire de la revue Novy Mir. Tvardovski publia également un long poème méditatif dans le même esprit, intitulé Loin, au loin…, gagnant le prix Lénine en 1961 ; toutes les années 1953-1962 sont marquées de toutes manières par une vague de romans dénonçant la bureaucratie soviétique, l’arbitraire prédominant partout, etc. etc.

    Le 23 février 1956 fut, dans ce sens, fondé un Comité pour les questions des inventions et découvertes, qui devint un véritable organe de pression de la part des scientifiques et des ingénieurs contre la « bureaucratie ».

    Couverture originale de L’homme ne vit pas que de pain de Vladimir Doudintsev

    Pareillement, le MVD – le ministère de l’intérieur fut séparé de la sécurité intérieure, sa conférence spéciale supprimée. Les voyages à l’intérieur de l’URSS furent libéralisés, et le livret ouvrier supprimé, ainsi que la responsabilité pénale en cas d’abandon de son travail.

    Le processus devait être continu, et les éléments anti-sociaux, sapant la base du régime précédent, était ici une aide précieuse. Ainsi, après l’amnistie de mars 1953, le processus de libération du goulag continua de manière progressive : en janvier 1956, le nombre de personnes au goulag n’était plus que d’un peu plus de 781 000, soit 1/3 du nombre de 1953. A partir de 1954, les opposants politiques envoyés au goulag commençaient également à sortir.

    Entre 1953 et 1956, on a donc une transformation importante de la légalité. L’objectif d’éléments dégénérés au sein de l’armée et de l’industrie était de liquider l’influence du Parti, en profitant de la mort de Staline, qui formait la direction de celui-ci.

    Il fallait par conséquent tout d’abord saboter les courroies de transmission du Parti dans l’armée et les services secrets, et ensuite empêcher l’émergence d’une nouvelle direction. Pour cela, il y avait la lutte contre le « culte de la personnalité », qui brisait tout débat idéologique, en déplaçant toute discussion vers un débat sur la « bureaucratie ».

    Les problèmes dans la société étaient ainsi à la fois alimentés par les transformations libérales, et en même temps attribués au « stalinisme », afin de provoquer des changements dont les complications étaient elles-mêmes attribuées au « stalinisme », permettant de nouveaux changements qui eux-mêmes, etc., dans un processus s’auto-alimentant.

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  • L’URSS socialiste et l’approche erronée de Staline et des communistes d’URSS

    Dans le combat contre les tendances erronées après 1945, les communistes d’URSS ont eu comme base non pas le matérialisme dialectique, mais la défense de la constitution de 1936, ainsi que le matérialisme historique concernant le développement économique.

    Cela a eu des conséquences fatales. Comme l’avait souligné Staline, les meilleures forteresses se prennent de l’intérieur, et une clique de révisionnistes a pu réussir à placer ses membres dans l’appareil d’Etat, pour renverser l’idéologie à la direction du Parti à la mort de Staline, finalisant la démarche lors du XXe congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique, en 1956.

    La conception de Staline et des communistes d’URSS était que les oppositions à la construction du socialisme en URSS, après 1945, relevaient uniquement de déviations ou d’influences externes à l’URSS. La raison fondant ce raisonnement était que l’URSS était devenue socialiste et qu’il n’existait plus de classes antagonistes ; s’il existait des restes idéologiques relevant du passé, il n’y avait plus de classes sociales réactionnaires capables en tant que telle de porter un projet de renversement.

    Cela est juste, dans la perspective du matérialisme historique. Cependant, il n’y a aucune raison de couper la société humaine et son histoire de la matière en général. Les communistes d’URSS, et à leur tête le grand Staline, ont considéré que les forces productives étaient indépendantes de la réalité matérielle.

    Cela va avoir deux tendances : tout d’abord, le développement d’une idéologie volontariste, caractérisé par l’anthropocentrisme, totalement idéaliste, portée justement par la clique révisionniste qui va dévier les acquis matérialistes dialectiques pour affirmer la toute-puissance de la pensée sur la matière, avec la possibilité absolue de la transformer.

    Cela va se montrer dans les années 1960, avec Khrouchtchev et son soutien aux déviations de Trofim Lyssenko, dont le point de départ était pourtant scientifique, à la conquête spatiale coupée pareillement de sa base matérialiste dialectique, aux grands projets de transformation de la biosphère eux aussi coupés de leur base matérialiste dialectique, etc.

    C’est alors, en pratique, l’État et l’armée qui ont pris le pouvoir sur le Parti, devenu un simple rouage du complexe militaro-industriel au cœur du social-impérialisme soviétique.

    Dans les faits, la clique révisionniste a ainsi pu prendre le pouvoir en 1953 en profitant des aspects erronés du « Grand Plan pour la Transformation de la Nature » lancé en 1948, contenant plusieurs projets, dont celui de former des forêts de pratiquement six millions d’hectares dans le sud de la Russie, d’irriguer l’Asie centrale de manière généralisée, etc.

    Les communistes d’URSS se sont arbitrairement restreints au matérialisme historique, faisant du matérialisme dialectique un outil du premier, sans voir que c’est l’inverse qui est vrai. Voici ce que dit Staline dans le grand classique de l’après 1945, Les problèmes économiques du socialisme en URSS :

    « Le marxisme conçoit les lois de la science, qu’il s’agisse des lois de la nature ou des lois de l’économie politique, comme le reflet des processus objectifs qui s’opèrent indépendamment de la volonté humaine.

    Ces lois, on peut les découvrir, les connaître, les étudier, en tenir compte dans ses actes, les exploiter dans l’intérêt de la société, mais on ne peut les modifier ou les abolir.

    A plus forte raison ne peut-on former ou créer de nouvelles lois de la science. Est-ce à dire, par exemple, que les résultats de l’action des lois de la nature, des forces de la nature sont, en général, inéluctables ; que l’action destructive des forces de la nature se produit toujours et partout avec une spontanéité inexorable, qui ne se prête pas à l’action des hommes ?

    Évidemment non. Si l’on fait abstraction des processus astronomiques, géologiques et quelques autres analogues, où les hommes, même s’ils connaissent les lois de leur développement, sont véritablement impuissants à agir sur eux ; ils sont en maintes occasions loin d’être impuissants quant à la possibilité d’agir sur les processus de la nature.

    Dans toutes ces circonstances, les hommes, en apprenant à connaître les lois de la nature, en en tenant compte et en s’appuyant sur elles, en les appliquant avec habileté et en les exploitant, peuvent limiter la sphère de leur action, imprimer aux forces destructives de la nature une autre direction, les faire servir à la société. »

    Cette position du grand Staline est erronée, dans la mesure où elle sépare l’humanité, en tant que matière, du reste de la matière ; elle pose la réalité de la biosphère comme simplement statique sur le plan général, même si obéissant à certaines lois propres.

    Staline n’était pas le seul à avoir cette position ; nombreuses sont les remarques dans le même sens des immenses Maxime Gorki et Ivan Mitchourine.

    Malheureusement, on s’éloigne là tant du réalisme que du matérialisme dialectique ; on en revient au matérialisme vulgaire, celui de Claude Bernard, repris par Emile Zola pour inventer le « naturalisme ».

    Dans son écrit Le roman expérimental, voici comment Emile Zola nie l’importance de la philosophie – donc du matérialisme dialectique – en soulignant l’importance de la dimension « pragmatique ».

    Cela pourrait être littéralement le manifeste des cliques révisionnistes apparus en URSS et en Chine populaire ! Sur tous les plans, de l’approche à la méthode, de l’idéologie à la démarche, on retrouve chez Emile Zola ce qu’ont dit Nikita Khrouchtchev en URSS et Deng Xiao Ping en Chine populaire :

    « Je citerai encore cette image de Claude Bernard, qui m’a beaucoup frappé: «L’expérimentateur est le juge d’instruction de la nature.» Nous autres romanciers, nous sommes les juges d’instruction des hommes et de leurs passions (…).

    Admettons que la science ait marché, que la conquête de l’inconnu soit complète: l’âge scientifique que Claude Bernard a vu en rêve sera réalisé. Dès lors, le médecin sera maître des maladies; il guérira à coup sûr, il agira sur les corps vivants pour le bonheur et pour la vigueur de l’espèce.

    On entrera dans un siècle où l’homme tout-puissant aura asservi la nature et utilisera ses lois pour faire régner sur cette terre la plus grande somme de justice et de liberté possible. Il n’y a pas de but plus noble, plus haut, plus grand. Notre rôle d’être intelligent est là: pénétrer le pourquoi [ou le comment? – voir ci-dessus] des choses, pour devenir supérieur aux choses et les réduire à l’état de rouages obéissants.

    Eh bien! ce rêve du physiologiste et du médecin expérimentateur est aussi celui du romancier qui applique à l’étude naturelle et sociale de l’homme la méthode expérimentale. Notre but est le leur; nous voulons, nous aussi, être les maîtres des phénomènes des éléments intellectuels et personnels, pour pouvoir les diriger (…).

    Notre vraie besogne est là, à nous romanciers expérimentateurs, aller du connu à l’inconnu, pour nous rendre maître de la nature tandis que les romanciers idéalistes restent de parti pris dans l’inconnu, par toutes sortes de préjugés religieux et philosophiques, sous le prétexte stupéfiant que l’inconnu est plus noble et plus beau que le connu (…).

    Nous montrons le mécanisme de l’utile et du nuisible, nous dégageons le déterminisme des phénomènes humains et sociaux, pour qu’on puisse un jour dominer et diriger ces phénomènes. En un mot, nous travaillons avec tout le siècle à la grande œuvre qui est la conquête de la nature, la puissance de l’homme décuplée. Et voyez à côté de la nôtre, la besogne des écrivains idéalistes, qui s’appuient sur l’irrationnel et le surnaturel, et dont chaque élan est suivi d’une chute profonde dans le chaos métaphysique. C’est nous qui avons la force, c’est nous qui avons la morale (…).

    Si Claude Bernard se défend d’être un novateur, un inventeur plutôt qui apporte une théorie personnelle, il revient également plusieurs fois sur le danger qu’il y aurait pour un savant à s’inquiéter des systèmes philosophiques.

    [Zola cite Claude Bernard:] «Pour l’expérimentateur physiologiste, dit-il, il ne saurait y avoir ni spiritualisme ni matérialisme. Ces mots appartiennent à une philosophie naturelle qui a vieilli, ils tomberont en désuétude par le progrès même de la science. Nous ne connaîtrons jamais ni l’esprit ni la matière, et si c’était ici le lieu, je montrerais facilement que d’un côté comme de l’autre, on arrive bientôt à des négations scientifiques, d’où il résulte que toutes les considérations de cette espèce sont oiseuses et inutiles. Il n’y a pour nous que des phénomènes à étudier, les conditions matérielles de leurs manifestations à connaître et les lois de ces manifestations à déterminer.»

    J’ai dit que, dans le roman expérimental, le mieux était de nous en tenir à ce point de vue strictement scientifique, si nous voulions baser nos études sur un terrain solide. Ne pas sortir du comment, ne pas s’attacher au pourquoi. »

    Refusant le révisionnisme, Mao Zedong défendra l’œuvre de Staline mais il verra, lors du Grand Bond en Avant et de son échec relatif, qu’il y avait là un problème dans le rapport entre matérialisme historique et matérialisme dialectique, avec la soumission du second au premier.

    C’est pourquoi il va appeler à inverser ce rapport, ce qui va se réaliser avec la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.

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  • L’URSS socialiste et les contradictions Parti-Etat

    La victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie doit avant tout à l’Armée Rouge, qui a battu l’écrasante majorité de l’armée allemande, libérant toute une série de pays, pavant la voie aux démocraties populaires.

    Cependant, après 1945, une intense lutte de classes se déroula en URSS. Celle-ci ne sera cependant pas réellement apparente, mais c’est elle qui va aboutir à un coup d’État suite à la mort de Staline, en 1953.

    Cette lutte de classes n’est pas liée tant à la période d’avant 1941 qu’aux conditions provoquées par la seconde guerre mondiale impérialiste. Celle-ci a posé un problème terrible, en plus des innombrables destructions : 34,4 millions de personnes y ont participé, dans l’Armée Rouge ; 9,1 millions de personnes y ont laissé la vie, alors que dans la population civile, 15 millions de personnes ont également été tuées.

    De ce fait, la guerre a coûté la vie à 2 millions de communistes. Cela signifie que toute une génération, qui a profité des expériences de lutte idéologique, a été saignée à blanc. C’est un problème pratique gigantesque pour le Parti bolchevik.

    En pratique, parmi les vétérans, seulement 17 % sont membres du Parti. Les ministères, durant les urgences de la guerre, ont acquis une indépendance nette par rapport au Parti. D’une certaine manière, on est dans la situation inverse de 1923, date où le congrès du Parti bolchevik décide de former un organisme – supervisé par Viatcheslav Molotov et Lazare Kaganovitch de sélection des cadres de l’État.

    Rien que pour l’année 1923, après la victoire dans la guerre civile, cela donne un choix de personnes pour à peu près 18 000 postes, à chaque fois validé (ou non) par le Comité Central.

    Il est significatif que ce nombre passe, en 1946 juste après la victoire sur l’Allemagne nazie, à 46 000. C’est tout l’appareil d’État qui, en pratique, est renouvelé.

    Qui dit renouvellement, dit changement générationnel. En 1946, 50 % de la population masculine est née après 1914. Elle a grandi sous le nouveau régime, mais il se pose le problème de la transmission idéologique, cassée par la guerre.

    En pratique, donc, les soldats et officiers vont former rapidement la moitié des postes de responsabilité dans l’industrie, pour un pourcentage inversement faible dans le Parti et dans l’État. Il y a ainsi déjà une contradiction entre l’industrie d’un côté, le Parti et l’État de l’autre. L’urgence matérielle tend à produire une nécessité pratique mettant en danger l’idéologie.

    Citons ici le principal document d’après-guerre, de février 1946, où Staline dresse le panorama de la production économique en 1940 (par rapport à 1913), mais également militaire pour les années 1943-1945. On voit bien exprimer les urgences techniques et productives provoquées par l’invasion nazie.

    « En ce qui concerne 1940, notre pays a produit an cours de cette année 15 millions de tonnes de fonte, soit presque quatre fois plus qu’en 1913 ; 18 millions 300 000 tonnes d’acier, soit quatre fois et demie plus qu’en 1913 ; 166 millions de tonnes de houille, soit cinq fois et demie plus qu’en 1913 ; 31 millions de tonnes de pétrole, soit trois fois et demie plus qu’en 1913 ; 38 millions 300 000 tonnes de céréales marchandes, soit 17 millions de tonnes de plus qu’en 1913 ; 2 millions 700 000 tonnes de coton brut, soit trois fois et demie plus qu’en 1913.

    Telles furent les ressources matérielles de notre pays, au seuil de la seconde guerre mondiale (…).

    On sait que pendant les trois dernières années de guerre, notre industrie des chars a produit chaque année une moyenne de plus de 30 000 tanks, canons autopropulsés et autos blindées

    (Vifs applaudissements).

    On sait ensuite que notre industrie aéronautique a produit, pendant la même période, près de 40 000 avions par an.

    (Vifs applaudissements.)

    On sait de même que notre industrie de l’artillerie a produit, annuellement, pendant la même période, près de 120000 canons de tout calibre (vifs applaudissements) , près de 450 000 fusils-mitrailleurs et mitrailleuses lourdes (vifs applaudissements) , plus de 3 millions de fusils (applaudissements) et environ 2 millions de mitraillettes (applaudissements) .

    On sait enfin que durant la période 1942-1944, notre industrie des mortiers a produit une moyenne de près de 100 000 mortiers par an (vifs applaudissements).

    Il va de soi que, dans le même temps, on a fabriqué une quantité correspondante d’obus, de mines de tout genre, de bombes d’aviation, de cartouches à fusils et à mitrailleuses.

    On sait, par exemple, que dans la seule année 1944, il a été fabriqué plus de 240 millions d’obus, de bombes et de mines (applaudissements) et 7 milliards 400 millions de cartouches (vifs applaudissements).

    Tel est dans ses grandes lignes le tableau du ravitaillement de l’Armée rouge en matériel de guerre et en munitions. »

    Discours prononcé à l’assemblée des électeurs de la circonscription Staline de Moscou

    Très concrètement, cela signifie qu’au milieu de l’année 1946, 6000 cadres de l’appareil d’État agissent depuis une année, en étant pourtant toujours en attente d’une confirmation de leur nomination par le Comité Central. De la même manière, les ministères, pour parer à l’urgence et surtout lorsqu’ils étaient importants, avaient une marge de manœuvre par rapport à l’organisme de nomination.

    Le Parti bolchevik prit alors des résolutions en faveur d’une résolution positive de ces problèmes. Tout d’abord, il procéda à la dissolution des commissions internes au Parti comme celles pour l’économie, les transports, l’agriculture. Désormais, ces commissions consisteront en pratique, en quelque sorte, directement en les cadres nommés dans les ministères concernés.

    Il s’agissait de casser l’influence autonome des ministères, qui parfois firent la conquête de l’hégémonie sur le Parti, y compris par la corruption. En pratique, il existait différentes mafias en URSS, effectivement. La principale structure reposait sur des « guildes », qui utilisaient les failles de la planification.

    Les guildes s’appuyaient sur des soutiens qui, dans les entreprises, trafiquaient les mesures, volant au passage différentes denrées (soit en augmentant la taille des cuves, ou bien en prétextant des dégradations, voire en modifiant les données chiffrées).

    Les membres des guildes organisaient alors la répartition des biens volés dans différents commerces, s’appropriant les bénéfices. Les chefs d’entreprise, lors de la crise économique de l’URSS redevenue capitaliste des années 1960-1990, s’appuieront fondamentalement sur les guildes comme intermédiaires permettant de pallier les problèmes d’approvisionnement.

    Ici, on en revient au troc, avec les responsables des guildes nommés à des postes de managers afin de toucher un salaire légal.

    Les guildes ne fonctionnaient pas toutefois qu’avec les responsables d’entreprises. Elles étaient également liées à des gangs, commandés par des « frères ». Tel dans un ordre religieux strict, un frère ne devait pas se marier ni avoir de famille ; il ne devait avoir aucune éducation ni aucun emploi. Il devait ne pas servir dans l’armée, ni n’avoir aucune propriété privée.

    Il y avait une trentaine de « Frères » environ dans les années 1950, chacun s’appuyant jusque sur 300 personnes, les sous-chefs étant des « frères » (au sens familial) et les éléments de base des « numéros six ». Il existe ici une gigantesque culture du tatouage propre à ces gangs, élaborée dans les camps de travail, utilisant de manière récurrente des éléments propres à l’idéologie nazie.

    Bien entendu, les gangs procédaient également à des extorsions, du trafic sur le marché noir, des « protections » de commerce, la prostitution, le jeu etc. Dans les années 1980, l’autonomisation des entreprises ayant été très largement avancée, les guildes fusionneront de fait avec les gangs, annonçant la fameuse « mafia russe » des années 1990.

    Dans les années 1950 cependant, les gangs ne sont qu’embryonnaires même si structurées par les « Frères » ; ce sont les « boucaniers rouges » qui priment dans la mafia, utilisant des méthodes de pirate pour arraisonner des marchandises et en tirer du bénéfice.

    On put voir une même généralisation des « confréries » dans les années 1960 avec l’émergence de groupes de pression s’appuyant sur les vétérans. Après 1945, les vétérans n’auront que très peu d’avantages sociaux, consistant en des réductions, des voyages, etc., mais sans que cela aille très loin. Ces avantages furent même supprimés en 1947, même le jour de la victoire étant supprimé comme jour férié.

    La conception du Parti bolchevik était que les soldats ont servi l’URSS toute entière et ne doivent pas former une caste à part. On pourra voir de fait que le régime nouveau, fondé dès la mort de Staline et la prise du pouvoir par la clique révisionniste, instaurera des associations d’anciens combattants dès 1956, faisant monter ceux-ci en puissance progressivement, le pic étant atteint sous Leonid Brejnev.

    Tout cela témoigne d’une intense lutte de classes après 1945, car l’idéologie bourgeoise avait des pions dans les mafias et certains dirigeants, et la possibilité de corrompre des responsables du Parti. A cela s’ajoute un lieu central de contradiction : la commission réorganisée, juste après la guerre, de nomination des cadres.

    A partir du moment où avec cette commission réorganisée et la fin de l’époque d’exception propre à la guerre, les ministères ne pouvaient plus nommer leurs cadres en dehors de l’aval du Comité Central, alors cela signifie que tous les efforts bourgeois allaient porter sur la commission elle-même.

    D’intenses campagnes de rectification furent menées dans le personnel des ministères et dans le Parti lui-même. C’est Andreï Jdanov qui fut au cœur de cette bataille, menant de fait la reconquête idéologique de l’appareil d’État, dans une véritable révolution culturelle visant ceux qu’on doit considérer comme une sorte de déviation « pragmatique-machiavélique ».

    La répression fut menée pour cette raison contre un nouveau « centre », basé à Léningrad et prônant des réformes où les entreprises posséderaient un grand degré d’autonomie. 2000 personnes furent pour cette raison exclues du Parti ou bien exilé de Leningrad, 213 furent condamnées dont 23 à mort. 300 professeurs furent exclus de l’université de Leningrad, ainsi que 18 recteurs d’université et 29 responsables de départements économiques.

    Cela ne pouvait cependant pas suffire, en raison de l’approche même de la lutte contre la contre-révolution.

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  • L’URSS socialiste: «la vie est devenue meilleure»

    La vie soviétique souffrait d’un manque certain de biens de consommation, en raison de la nécessaire accumulation de capital dans l’industrie lourde, qui elle seule pouvait permettre un travail au meilleur rendement et donc justement une base matérielle d’existence pour les consommateurs.

    Toutefois, la vie culturelle soviétique a immédiatement pris son envol, ne cessant de progresser et d’atteindre des stades plus élevés, amenant la naissance d’une société nouvelle, naissance qui a été le socle sur lequel s’est brisé le trotskysme, qui pensait au début des années 1930 l’URSS s’effondrerait.

    Suivant les propos alors très connus de Staline, « la vie est devenue meilleure, camarades ; la vie est devenue plus joyeuse. »

    La société soviétique était ainsi produite par les masses, à leur propre service ; tous les aspects de la vie en témoignaient. L’un des aspects les plus frappants se produisit dans le domaine littéraire, où la Russie était de très haut niveau, comme avec Tolstoï et Pouchkine. L’écrivain Maxime Gorki participa de plein pied à la formation d’une littérature propre à la société soviétique, d’une littérature en tant que reflet de la réalité et de ses transformations.

    Le réalisme socialiste devint ainsi l’approche dominante, dans la littérature et dans les arts ; les masses se lançaient dans la bataille, mais avec des exigences très strictes et très élevées. C’est également le sens du concours pour le « palais des soviets ».

    Ce monument devait symboliser l’union des masses et former un lieu de réunion pour des délégués toujours plus nombreux des pays communistes membres de l’URSS, comme base de la république socialiste mondiale.

    De fait, l’URSS devient un lieu permettant aux masses de se réunir, avec la construction de grandes salles de conférences et de halls pour les meetings, de bibliothèques, de cinémas, de théâtres, de lieux permettant les démonstrations de masse, de clubs ouvriers, de centres sportifs, etc.

    L’un des symboles les plus connus de cette évolution fur le métro de Moscou, d’une magnificence complète, montrant que les masses servaient les masses.

    Le palais des soviets, quant à lui, devait être construit sur le site de la cathédrale du Christ-Sauveur, qui fut dynamitée ; l’invasion nazie bloqua cependant les travaux (après la mort de Staline, les fondations furent utilisées pour faire une piscine découverte, et dans les années 1990 la cathédrale fut reconstruite).

    Dans le palais des soviets, deux halls étaient prévus, de 20 000 et 6000 places assises ; les étages supérieurs devaient abriter une bibliothèque de 500 000 ouvrages.

    Dans un même esprit, on trouve l’université Lomonossov, consistant en un bâtiment de 240 mètres, 36 étages, 33 kilomètres de couloirs, 5 000 pièces ; six autres bâtiments furent construits dans la même perspective (elle sont surnommées désormais les « Sept Sœurs de Moscou »).

    Cette conquête de l’intelligence et de la collectivité s’est également exprimée dans deux domaines d’une importance capitale. Deux savants, dont les recherches avaient et ont une signification historique, ont effet rejoint l’élan de la révolution russe et de l’URSS.

    Constantin Tsiolkovsky (1857-1935) fut ainsi pas moins que le fondateur du principe de la conquête spatiale et à l’origine de l’astronautique. Il théorisa le principe des fusées, avec leurs carburants, leurs différents étages, une station interplanétaire, etc.

    Vladimir Vernadsky (1863-1945) fut pareillement un activiste central de la science en URSS. Il fut à l’origine de la géochimie et le premier à développer la conception de « biosphère », comprenant que la matière vivante sur la planète devait être considérée comme un ensemble.

    L’ensemble du territoire soviétique était ainsi conquis intellectuellement et physiquement. Le 30e anniversaire de la révolution d’Octobre fut ainsi notamment célébré par une course automobile (ainsi que de motos) de 6000 kilomètres, avec point de départ et d’arrivée Moscou.

    L’un des grands événements fut également le sauvetage par avion en 1934 des marins du Tcheliouskine, un navire pris dans les glaces qu’il étudiait (et dont le nom vient de l’explorateur russe Semion Tcheliouskine, du 18e siècle).

    Un être humain, soviétique, se produisait lui-même, dans une bataille pour une vie meilleure et rationalisée. Il devenait un « organisme perceptif extrêmement complexe », comme le souligna Jdanov, dans des remarques sur la musique, en 1948 :

    « C’est ici qu’on commence à sortir des limites du rationnel, des limites non seulement des émotions humaines normales, mais aussi de la raison de l’homme normal.

    Il y a, il est vrai, aujourd’hui des « théories » à la mode qui prétendent que l’état pathologique est une forme supérieure de l’humanité et que les schizophréniques et les paranoïaques dans leur délire peuvent atteindre à des hauteurs spirituelles où n’atteindra jamais un homme ordinaire dans son état normal.

    Ces « théories » ne sont évidemment pas accidentelles, elles sont très caractéristiques de l’époque de pourriture et de décomposition de la culture bourgeoise. Mais laissons toutes ces « recherches » aux fous, exigeons de nos compositeurs une musique normale, humaine.

    Quel a été le résultat de l’oubli des lois et des normes de la création musicale ? La musique s’est vengée des efforts faits pour la dénaturer.

    Quand la musique perd tout contenu, toute qualité artistique, quand elle devient inélégante, laide, vulgaire, elle cesse de satisfaire les besoins pour lesquels elle existe, elle cesse d’être elle-même.

    Vous vous étonnez peut-être qu’au Comité central du Parti bolchevik on exige de la musique beauté et élégance. Qu’est-ce qui se passe encore ?

    Eh bien, non, ce n’est pas un lapsus, nous déclarons que nous sommes pour une musique belle et élégante, une musique capable de satisfaire les besoins esthétiques et les goûts artistiques des Soviétiques, et ces besoins et ces goûts ont grandi incroyablement.

    Le peuple apprécie le talent d’une œuvre musicale dans la mesure où elle reflète profondément l’esprit de notre époque, l’esprit de notre peuple, dans la mesure où elle est accessible aux larges masses. Qu’est-ce donc qui est génial en musique ?

    Ce n’est pas du tout ce que ne peuvent apprécier qu’un individu ou un petit groupe d’esthètes raffinés ; une œuvre musicale est d’autant plus géniale que le contenu en est plus riche et plus profond, que la maîtrise en est plus élevée, qu’est plus grand le nombre de ceux qui la reconnaissent, le nombre de ceux qu’elle est capable d’inspirer.

    Tout ce qui est accessible n’est pas génial, mais tout ce qui est vraiment génial est accessible, et d’autant plus génial que plus accessible aux larges masses du peuple.

    A. N. Sérov avait profondément raison lorsqu’il disait : « Contre la beauté vraie en art le temps est impuissant, autrement on n’aimerait plus ni Homère, Dante ou Shakespeare, ni Raphaël, Le Titien ou Poussin, ni Palestrina, Haendel, ou Glück ».

    Une œuvre musicale est d’autant plus haute qu’elle fait entrer en résonance plus de cordes de l’âme humaine.

    L’homme du point de vue de sa perception musicale est une membrane merveilleusement riche, un récepteur travaillant sur des milliers d’ondes – on peut, sans doute, choisir une meilleure comparaison – et pour l’émouvoir il ne suffît pas d’une seule note, d’une seule corde, d’une seule émotion.

    Si un compositeur n’est capable de faire vibrer qu’une ou que quelques-unes des cordes humaines, cela ne suffit pas, car l’homme moderne et surtout le nôtre, l’homme soviétique, se présente aujourd’hui comme un organisme perceptif extrêmement complexe. »

    L’être humain, dans le socialisme, connaissait un saut qualitatif. Le déclenchement de la seconde guerre mondiale impérialiste va bouleverser cette réalité, faisant de l’URSS un pays assiégé par les troupes nazies barbares et meurtrières, mais suffisamment puissant pour résister et vaincre.

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  • L’URSS socialiste et le trotskysme comme sabotage

    Le trotskysme, à partir de 1934 en tant que tel, n’est plus du tout un courant d’opposition, mais un magma de structures clandestines, liées à l’étranger à tout ce qui était favorable à un changement de régime en URSS, donc notamment aux services secrets étrangers ayant des visées impérialistes sur des parties du territoire soviétique (Allemagne, Japon, mais également Grande-Bretagne par rapport à l’Asie centrale).

    Staline notait ainsi, en 1937 :

    « Dans la lutte qu’ils mènent contre les agents trotskistes, nos camarades du Parti n’ont pas remarqué, ont laissé échapper le fait que le trotskisme actuel n’est plus ce qu’il était, disons, sept ou huit ans plus tôt ; que le trotskisme et les trotskistes sont passé durant ce temps par une sérieuse évolution qui a modifié profondément le visage du trotskisme ; qu’en conséquence, la lutte contre le trotskisme, les méthodes de lutte contre ce dernier, doivent être radicalement changées.

    Nos camarades du Parti n’ont pas remarqué que le trotskisme a cessé d’être un courant politique dans la classe ouvrière ; que, de courant politique qu’il était sept ou huit ans plus tôt, le trotskisme est devenu une bande forcenée et sans principes de saboteurs, d’agents de diversion et d’assassins agissant sur ordre des services d’espionnage des États étrangers.

    Qu’est-ce qu’un courant politique dans la classe ouvrière ?

    Un courant politique dans la classe ouvrière, c’est un groupe ou un parti qui a sa physionomie politique propre, nettement déterminée, une plate-forme, un programme ; qui ne cache pas et ne peut cacher sa façon de voir à la classe ouvrière, la préconise ouvertement et honnêtement, sous les yeux de la classe ouvrière; qui ne craint pas de montrer sa physionomie politique à la classe ouvrière, ni de faire la démonstration de ses buts et objectifs réels devant la classe ouvrière, mais qui, au contraire, va à celle-ci, le visage découvert, pour la convaincre de la justesse de son point de vue.

    Dans le passé, il y a de cela sept ou huit ans, le trotskisme était au sein de la classe ouvrière un des courants politiques de ce genre anti-léniniste, il est vrai, et partant profondément erroné, mais malgré tout un Gourant politique.

    Peut-on dire que le trotskisme actuel, par exemple, le trotskisme de 1936, soit un courant politique dans la classe ouvrière ?

    Non, on ne peut le dire.

    Pourquoi ? Parce que les trotskistes de nos jours craignent de montrer à la classe ouvrière leur vrai visage ; parce qu’ils craignent de lui découvrir leurs buts et objectifs réels ; parce qu’ils cachent soigneusement à la classe ouvrière leur physionomie politique, de peur que si la classe ouvrière apprend leurs véritables intentions, elle les maudisse comme des hommes qui lui sont étrangers et les chasse loin d’elle.

    Ainsi, s’explique que, à proprement parler, la méthode essentielle de l’action trotskiste ne soit pas aujourd’hui la propagande ouverte et loyale de ses points de vue au sein de la classe ouvrière, mais leur camouflage, la louange obséquieuse et servile des points de vue de ses adversaires, la façon pharisaïque et hypocrite de traîner dans la boue ses propres points de vue.

    Au procès de 1936, si vous vous en souvenez, Kaménev et Zinoviev ont catégoriquement nié avoir une plate-forme politique quelconque. Ils avaient la pleine possibilité de développer pendant le procès leur plate-forme politique.

    Or, ils ne l’ont pas fait ; ils ont déclaré n’avoir aucune plate-forme politique.

    Il ne fait pas doute que tous deux mentaient lorsqu’ils niaient avoir une plate-forme. Aujourd’hui, les aveugles eux-mêmes voient qu’ils avaient une plate- forme politique à eux.

    Mais pourquoi ont-ils nié avoir une plate- forme politique ?

    Parce qu’ils craignaient de découvrir leur vrai visage politique, parce qu’ils craignaient de montrer leur plate- forme réelle de restauration du capitalisme en U.R.S.S., de peur qu’une telle plate-forme provoque l’aversion de la classe ouvrière.

    Au procès de 1937, Piatakov, Radek et Sokolnikov ont pris un autre chemin. Ils n’ont pas nié l’existence d’une plate-forme politique chez les trotskistes et les zinoviévistes.

    Ils ont reconnu que ceux- ci avaient une plate-forme politique déterminée ; ils ont reconnu et développé celle-ci dans leurs déclarations.

    Mais s’ils l’ont développée, ce n’était point pour appeler la classe ouvrière, pour appeler le peuple à soutenir la plate-forme trotskiste, mais pour la maudire et la stigmatiser comme plateforme antipopulaire et anti- prolétarienne.

    Restauration du capitalisme, liquidation des kolkhoz et des sovkhoz, rétablissement du système d’exploitation ; alliance avec les forces fascistes de l’Allemagne et du Japon pour hâter le déclenchement d’une guerre contre l’Union soviétique; lutte pour la guerre et contre la politique de paix ; démembrement territorial de l’Union soviétique, l’Ukraine devant être livrée aux Allemands et la Province maritime aux Japonais ; préparation de la défaite militaire de l’Union soviétique au cas où elle serait attaquée par les Etats ennemis ; et, comme moyen d’atteindre ces buts : sabotage, diversion, terrorisme individuel contre les dirigeants du pouvoir des Soviets, espionnage au profit des forces fascistes nippo-allemandes, telle est la plate-forme politique du trotskisme actuel, exposée par Piatakov, Radek et Sokolnikov.

    On comprend qu’une telle plate-forme, les trotskistes ne pouvaient pas ne pas la cacher au peuple, à la classe ouvrière.

    Et ils ne la cachaient pas seulement à la classe ouvrière, mais aussi à la masse trotskiste, et non seulement à la masse trotskiste, mais ausi à l’équipe dirigeante des trotskistes, composée d’une petite poignée de trente à quarante hommes.

    Lorsque Radek et Piatakov ont demandé à Trotski l’autorisation de réunir une petite conférence de trente à quarante trotskistes, afin de les informer du caractère de cette plate-forme, Trotski le leur a interdit, en déclarant qu’il n’était pas rationnel d’exposer le caractère réel de la plate- forme, même à une petite poignée de trotskistes, une « opération » de ce genre pouvant provoquer la scission.

    Des « hommes politiques » qui cachent leurs convictions, leur plate- forme non seulement à la classe ouvrière, mais aussi à la masse trotskiste, et non seulement à la masse trotskiste, mais aussi à l’équipe dirigeante des trotskistes : telle est la physionomie du trotskisme de nos jours.

    Il s’ensuit que le trotskisme actuel ne peut plus être appelé un courant politique dans la classe ouvrière.

    Le trotskisme de nos jours n’est pas un courant politique dans la classe ouvrière, mais une bande sans principes et sans idéologie de saboteurs, d’agents de diversion et de renseignements, d’espions, d’assassins, une bande d’ennemis jurés de la classe ouvrière, une bande à la solde des services d’espionnage des Etats étrangers.

    Tel est le résultat incontestable de l’évolution du trotskisme au cours des sept ou huit dernières années. Telle est la différence entre le trotskisme d’autrefois et le trotskisme d’aujourd’hui. L’erreur de nos camarades du Parti, c’est qu’ils n’ont pas remarqué cette différence profonde entre le trotskisme d’autrefois et le trotskisme d’aujourd’hui.

    Ils n’ont pas remarqué que les trotskistes ont depuis longtemps cessé d’être des hommes d’idées ; que, depuis longtemps, les trotskistes sont devenus des bandits de grand chemin capables de toutes les vilenies, de toutes les infamies, jusques et y compris l’espionnage et la trahison directe de leur patrie, pourvu qu’ils puissent faire du tort à l’Etat soviétique et au pouvoir des Soviets. Nos camarades ne l’ont pas remarqué et n’ont pas su, pour cette raison, se réorganiser en temps opportun pour engager la lutte contre les trotskistes d’une manière nouvelle, d’une façon plus énergique.

    Voilà pourquoi les ignominies commises par les trotskistes, en ces dernières années, ont été une chose tout à fait inattendue pour certains de nos camarades du Parti.

    Poursuivons.

    Nos camarades du Parti n’ont pas remarqué, enfin, qu’il existe une différence essentielle, d’une part entre les actuels saboteurs et agents de diversion, parmi lesquels les agents trotskistes du fascisme jouent un rôle actif, et les saboteurs et agents de diversion de l’époque de l’affaire de Chakhti, d’autre part.

    Premièrement. Les saboteurs de Chakhti et les membres du Parti industriel étaient pour nous des hommes franchement étrangers.

    C’étaient, pour la plupart, d’anciens propriétaires d’entreprises, d’anciens administrateurs des patrons d’autrefois, d’anciens associés de vieilles sociétés anonymes où simplement de vieux socialistes bourgeois qui, au point de vue politique, « nous étaient » franchement hostiles.

    Aucun d’entre nous ne doutait du vrai visage politique de ces messieurs.

    Au reste, les hommes de Chakhti eux-mêmes ne dissimulaient pas leur attitude hostile envers le régime soviétique. On ne saurait en dire autant des actuels saboteurs et agents de diversion, des trotskistes : ce sont, pour la plupart, des membres du Parti, qui ont en poche la carte du Parti ; par conséquent, des hommes qui, officiellement, ne nous sont pas étrangers.

    Si les vieux saboteurs agissaient contre nos hommes, les nouveaux saboteurs, au contraire, leur font des courbettes, font l’éloge de nos hommes, rampent devant nos hommes pour gagner leur confiance.

    La différence, comme vous le voyez, est essentielle.

    Deuxièmement.

    Ce qui faisait la force des saboteurs de Chakhti et des membres du Parti industriel, c’est qu’ils possédaient, à un degré plus ou moins grand, les connaissances techniques nécessaires, tandis que nos hommes à nous, qui n’avaient pas ces connaissances, étaient contraints de se mettre â leur école.

    Cela donnait un grand avantage aux saboteurs de l’époque de Chakhti, cela leur permettait de nuire en toute liberté et sans obstacle, cela leur permettait de tromper nos hommes techniquement. Il en va autrement des saboteurs de nos jours, des trotskistes.

    Les saboteurs d’aujourd’hui n’ont aucun avantage technique sur nos hommes.

    Au contraire, au point de vue technique, nos hommes sont mieux préparés que les saboteurs actuels, que les trotskistes.

    Dans l’intervalle de l’époque de Chakhti à nos jours, de véritables cadres bolcheviks techniquement ferrés ont grandi chez nous et comptent des dizaines de milliers d’hommes.

    On pourrait nommer des milliers et des dizaines de milliers de dirigeants bolcheviks qui se sont développés au point de vue technique et en comparaison desquels tous ces Piatakov et ces Livchitz, ces Chestov et Bogouslavski, ces Mouralov et Drobnis, ne sont que de vains bavards et des blancs-becs sous le rapport de la formation technique.

    Qu’est-ce qui fait donc la force des saboteurs actuels ?

    Leur force réside dans la carte du Parti, dans la possession de la carte du Parti.

    Leur force c’est que la carte du Parti leur donne la confiance politique et leur ouvre accès à tous nos établissements et organisations. Leur avantage, c’est que, possédant cette carte et se faisant passer pour les amis du pouvoir des Soviets, ils trompaient nos hommes politiquement, abusaient de leur confiance, nuisaient en sous-main et dévoilaient nos secrets d’Etat aux ennemis de l’Union soviétique.

    « Avantage » douteux quant à sa valeur politique et morale, mais « avantage » qui, en somme, explique le fait que les saboteurs trotskistes, comme possesseurs de la carte du Parti et ayant accès à tous les postes de nos établissements et organisations, ont été une véritable aubaine pour les services d’espionnage des Etats étrangers.

    L’erreur de certains de nos camarades du Parti, c’est qu’ils n’ont pas remarqué, qu’ils n’ont pas compris toute cette différence entre les anciens et les nouveaux saboteurs, entre les hommes de Chakhti et les trotskistes, et, ne rayant pas remarquée, ils n’ont pas su se réorganiser en temps opportun pour engager leur lutte, d’une manière nouvelle, contre les nouveaux saboteurs. »

    Pour une formation bolchevik, 1937

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  • L’URSS socialiste: Tchéka, GPU, NKVD face aux «centres» terroristes

    Il existe une contradiction entre l’affirmation de la Constitution et la nécessité de la répression à l’égard de la contre-révolution.

    Le régime soviétique a toujours dû faire face à d’intenses activités contre-révolutionnaires, allant de la propagande au terrorisme. Pour cela, il a organisé une structure, qui a changé de nom historiquement.

    Il y a ainsi au départ la Tchéka (Commission extraordinaire), de 1917 à 1922, puis le GPU (Direction Politique d’État) jusqu’en 1934, date à laquelle il cède la place au NKVD (Commissariat du peuple aux Affaires intérieures).

    Fut fondé ensuite le NKGB (Commissariat du peuple à la sécurité gouvernementale), subordonné au NKVD, le tout devenant le MGB (Ministère à la sécurité gouvernementale) de 1946 à 1954.

    Ces services de répression utilisaient des camps de travail pour déporter les éléments de la contre-révolution. Ceux-ci étaient placés en périphérie du pays, qui connaît parfois des conditions naturelles extrêmement rudes. C’est de là que vient l’image largement utilisée par la bourgeoisie du « goulag sibérien ».

    Les archives d’URSS montrent que de 1934 à 1947, il y eu en tout environ 10 millions de personnes (soit 5 % de la population) d’emprisonnées, avec 40 000 personnes mortes par an. Le chiffre est similaire pour la période 1945-1953.

    De 1934 à 1953, entre 20 et 40 % des prisonniers sociaux quittaient les camps de travail pour être réintégrés dans la société. L’amnistie pour les prisonniers sociaux était promulguée lors de célébrations : en l’honneur de la naissance de l’URSS en 1923, pour commémorer les 5 et 10 ans de la révolution russe en 1922 et en 1927, pour le 20e anniversaire de l’armée rouge en 1938, pendant la seconde guerre mondiale impérialiste afin de rejoindre l’armée rouge (577 000 personnnes), à la victoire de 1945 (où 600 000 personnes furent libérées).

    En pratique, c’est par vague que les camps de travail se remplissent, en fonction des campagnes de répression, avec les personnes arrêtées devant être rééduquées par le travail. L’une des plus importantes, malgré l’exécution de centaines de milliers de contre-révolutionnaires, date du milieu des années 1930.

    Au début des années 1930, en effet, le trotskysme était passé au terrorisme, il était devenu l’idéologie mise en avant par tous les éléments contre-révolutionnaires, dans toutes leurs tentatives.

    L’événement le plus brutal fut l’assassinat, le 1er décembre 1931, de Sergueï Kirov. Né en 1884, membre du Parti bolchevik dès 1904, il joua un rôle significatif durant la guerre civile, rejoignit le Comité Central en 1923 et devint responsable du Parti pour la ville de Léningrad à partir de 1925.

    Ayant rejoint le Bureau Politique en 1930, il devint une figure extrêmement populaire et était alors le véritable second de Staline. Son meurtre était l’expression politique la plus avancée de la contre-révolution, visant le cœur de l’État soviétique.

    La contre-révolution s’appuyait alors sur deux « centres », composés à la fois de contre-révolutionnaires et de renégats aux positions erratiques, tiraillés entre l’acceptation du régime et une ligne « ultra ».

    Le premier « centre » agissait à Léningrad, autour d’anciens membre de « l’opposition » liée à Zinoviev, le second se situait à Moscou, lié à Zinoviev mais également à Kamenev.

    La situation était tendue, et extrême : quelqu’un comme Guenrikh Liouchkov, qui fut un très important membre des services de sécurité, devint trotskyste et rejoignit l’armée japonaise, lui fournissant nombre d’informations sur la défense de l’armée rouge en Extrême-Orient et en Ukraine.

    Le Parti bolchévik dut réagir vite et fermement, pour ne pas se faire déborder par la contre-révolution. A la suite de l’assassinat de Sergueï Kirov, le Comité Central explique :

    « Il faut en finir avec la placidité opportuniste qui part de cette supposition erronée qu’à mesure que nos forces grandissent, l’ennemi doit s’apprivoiser et devenir plus inoffensif.

    Cette supposition est radicalement fausse.

    C’est là un relent de la déviation de droite, qui assurait tout un chacun que les ennemis s’intégreraient tout doucement dans le socialisme, qu’ils finiraient par devenir de vrais socialistes. Il n’appartient pas aux bolcheviks de se reposer sur leurs lauriers et de bayer aux corneilles.

    Ce qu’il nous faut, ce n’est pas la placidité, mais la vigilance, la vraie vigilance révolutionnaire bolchevique. Il ne faut pas oublier que plus la situation des ennemis sera désespérée, plus ils se raccrocheront aux « moyens extrêmes » comme étant l’unique recours de gens voués à la perte dans leur lutte contre le pouvoir des Soviets. Il convient de ne jamais oublier cela et d’être vigilant (…).

    Il faut porter au niveau requis l’enseignement de l’histoire du Parti aux membres du Parti ; l’étude de toutes les espèces de groupements hostiles au Parti qui ont existé au cours de son histoire, l’étude de leurs procédés de lutte contre la ligne du Parti, l’étude de leur tactique et, à plus forte raison, celle de la tactique et des procédés de lutte de notre Parti contre les groupements qui lui étaient hostiles, l’étude de la tactique et des moyens qui ont permis à notre Parti de vaincre, de battre à plate couture tous ces groupements.

    Il faut que les membres du Parti sachent non seulement comment le Parti a combattu et vaincu les cadets, les socialistes-révolutionnaires, les menchéviks, les anarchistes, mais aussi comment il a combattu et vaincu les trotskistes, les tenants du « centralisme démocratique », l’ « opposition ouvrière », les zinoviévistes, les fauteurs des déviations de droite, les avortons droitiers-gauchistes, etc.

    Il ne faut pas oublier que la connaissance et la compréhension de l’histoire de notre Parti constituent un moyen important entre tous, indispensable, pour assurer pleinement la vigilance révolutionnaire des membres du Parti. »

    Les procès des centres, en 1936, 1937 et 1938 eurent un retentissement mondial. L’opinion publique fut largement frappée des aveux des responsables de ces centres – une chose tout à fait compréhensible de par leur situation ambivalente par rapport au Parti bolchevik, ces personnes étant littéralement coincés entre l’ancien et le nouveau.

    Pour la presse bourgeoise et ses historiens, ces aveux ne pouvaient avoir été qu’extorqués et montés de toutes pièces. A cela s’ajoute l’incapacité de la bourgeoisie à comprendre qu’une personne « subjectivement » révolutionnaire peut, de manière objective, servir la contre-révolution.

    Pourtant, des observateurs internationaux furent présents aux procès, et il n’y eut pas de coups d’éclat. Les aveux n’étaient que le fruit d’une simple vérité : on ne peut pas avoir raison contre le Parti.

    L’une des erreurs de ces procès fut cependant de ne pas avoir compris précisément quand l’activité révolutionnaire de ces renégats se termina, et quand les choses se retournèrent en leur contraire. Au lieu de cela, le manque de compréhension du matérialisme dialectique à l’époque fit qu’on considéré que les traîtres avaient toujours été des traîtres.

    Cependant, les procès montrèrent clairement la nature du trotskysme, devenu le drapeau de ceux qui entendaient liquider physiquement la direction du Parti bolchevik, former des cellules clandestines notamment dans l’armée et profiter d’une guerre pour renverser le régime. Staline devait même être tué en plein congrès, du Parti bolchévik ou de l’Internationale Communiste, afin de former une vague de mobilisation en la faveur du trotskysme.

    La conception trotskyste reposait en fait sur la « déclaration Clémenceau » : Trotsky considérait dans ce texte du milieu des années 1920 (par ailleurs jamais traduit en français) que le régime soviétique ferait comme la France pendant la guerre de 1914-1918, en situation de presque défaite : elle appellerait son meilleur élément.

    Trotsky pense que la même chose se déroulerait devant la guerre impérialiste rendue inévitable avec l’Allemagne devenue nazie. Parvenu au pouvoir, les trotskystes entendaient ouvrir le pays au capital étranger et abandonner la collectivisation des terres, afin de « renforcer » l’économie, pendant que le prolétariat serait organisé par une sorte de dictature pratiquement terroriste. Ils entendaient maintenir de bonnes relations avec leurs voisins au prix de concessions territoriales, principalement l’Ukraine.

    Trotsky se voyait ainsi comme une sorte de Napoléon, qui « sauverait » les acquis de la révolution d’Octobre. Les différents dirigeants de « l’opposition » rassemblèrent des éléments autour d’eux, dans l’idée d’une « guérilla », puis du terrorisme.

    Dans certains cas, comme celui de Karl Radek, ce sont ainsi les contacts qui l’ont amené à s’engager ; au procès de 1937 il déclara ainsi :

    « Une direction, une somme de points de vue, est la somme des rapports humains, et on ne peut pas rompre avec une direction, sans rompre avec les gens avec qui on a lutté pour des objectifs hostiles au Parti ».

    De fait, l’esprit de « factions » a abouti au terrorisme.

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