Mars 1926
Quels sont nos ennemis, quels sont nos amis? C’est
là une
question d’une importance primordiale pour la révolution.
Si, dans le passé, toutes les révolutions en
Chine n’ont obtenu
que peu de résultats, la raison essentielle en
est qu’elles n’ont
point réussi à unir autour d’elles leurs vrais
amis pour porter
des coups à leurs vrais ennemis. Le parti
révolutionnaire est le
guide des masses, et jamais révolution n’a
pu éviter l’échec
quand ce parti a orienté les masses sur une
voie fausse.
Pour être sûrs de ne pas les conduire sur la
voie fausse et de
remporter la victoire dans la révolution, nous
devons
absolument veiller à nous unir avec nos vrais amis pour
porter
des coups à nos vrais ennemis.
Et pour distinguer nos vrais
amis de nos vrais
ennemis, nous devons entreprendre une
analyse générale des
conditions économiques des diverses
classes de la société
chinoise et de leur attitude respective
envers la révolution.
Quelle est la situation des différentes classes
de la société
chinoise?
La classe des propriétaires fonciers et la
bourgeoisie
compradore (1). Dans ce pays économiquement arriéré,
semi-
colonial, qu’est la Chine, la classe des propriétaires
fonciers et
la bourgeoisie compradore sont de véritables appendices
de la
bourgeoisie internationale et dépendent de l’impérialisme
quant
à leur existence et développement.
Ces classes représentent les rapports de
production les plus
arriérés et les plus réactionnaires de la
Chine et font obstacle au
développement des forces productives du
pays. Leur existence
est absolument incompatible avec les buts de la
révolution
chinoise.
Ceci est particulièrement vrai des grands
propriétaires fonciers
et des grands compradores qui sont toujours
du côté de
l’impérialisme et qui constituent le groupe
contre-
révolutionnaire extrême. Leurs représentants politiques
sont les
étatistes (2) et l’aile droite du Kuomintang.
La moyenne bourgeoisie. Elle représente les
rapports
capitalistes de production dans les villes et les
campagnes
chinoises. Par moyenne bourgeoisie, on entend surtout la
bourgeoisie nationale (3).
Elle est inconsistante dans son attitude à
l’égard de la
révolution chinoise: Quand elle souffre sous les
rudes coups
que lui porte le capital étranger et le joug que font
peser sur
elle les seigneurs de guerre, elle sent le besoin d’une
révolution
et se déclare pour le mouvement révolutionnaire dirigé
contre
l’impérialisme et les seigneurs de guerre; mais elle se
méfie de
la révolution quand elle sent qu’avec la participation
impétueuse du prolétariat du pays et le soutien actif du
prolétariat international cette révolution met en danger la
réalisation de son rêve de s’élever au rang de la grande
bourgeoisie.
Sa plate-forme politique, c’est la création d’un
Etat
dominé par une seule classe, la bourgeoisie nationale.
Quelqu’un qui se prétend véritable disciple de
Tai Ki-tao (4) a
déclaré dans le Tchenpao (5) de Pékin: « Levez
votre bras gauche
pour écraser les impérialistes et votre bras
droit pour écraser les
communistes ».
Ces mots révèlent le dilemme angoissant devant
lequel se
trouve la bourgeoisie nationale. Cette classe s’oppose à
ce que
le principe du bien-être du peuple, tel qu’il est formulé
par le
Kuomintang, soit interprété suivant la théorie de la lutte
de
classes, à ce que le Kuomintang applique la politique
d’alliance
avec la Russie et admette en son sein les communistes (6)
et les
éléments de gauche.
Mais la tentative de cette classe de créer un
Etat dirigé par la
bourgeoisie nationale est absolument vaine,
maintenant que
dans le monde se déroule une lutte décisive entre
deux forces
gigantesques: la révolution et la contre-révolution.
Chacune d’elles a levé un immense drapeau: l’un
est le drapeau
rouge de la révolution, et c’est la IIIe
Internationale qui l’a levé
afin de rallier autour de lui toutes
les classes opprimées du
monde; l’autre est le drapeau blanc de la
contre-révolution, et
c’est la Société des Nations qui l’a levé
afin de rallier autour de
lui toutes les forces
contre-révolutionnaires du monde.
Il se produira inévitablement, à une date très
prochaine, une
scission parmi les classes intermédiaires: les unes
iront à
gauche vers la révolution, les autres à droite vers la
contre-
révolution. Pour ces classes, la possibilité d’occuper une
position « indépendante » est exclue.
C’est pourquoi la conception, si chère à la
moyenne bourgeoisie
chinoise, d’une révolution « indépendante »
où cette classe
assumerait le rôle principal n’est que pure
illusion.
La petite bourgeoisie. Appartiennent à la petite
bourgeoisie les
paysans propriétaires (7), les propriétaires
d’entreprises
artisanales, les couches inférieures des
intellectuels
étudiants, enseignants des écoles primaires et
secondaires,
petits fonctionnaires, petits employés, petits
avocats
et les
petits commerçants.
Par son nombre comme par sa nature de classe, la
petite
bourgeoisie mérite une attention sérieuse. Les paysans
propriétaires comme les propriétaires d’entreprises artisanales
sont engagés dans la petite exploitation. Bien que les
différentes
couches de la petite bourgeoisie se trouvent toutes
dans la
situation économique particulière à cette classe, elles se
divisent en trois groupes.
Le premier comprend les gens qui ont une certaine
aisance,
c’est-à-dire ceux à qui le produit de leur travail manuel
ou
intellectuel laisse chaque année, leurs besoins propres une
fois
satisfaits, un certain excédent de grain ou de revenu.
Aspirant
très fort à s’enrichir, ils vouent un
culte au maréchal Tchao (8);
sans s’illusionner sur leurs
possibilités d’amasser de grandes
fortunes, ils ont néanmoins le
désir de s’élever au rang de la
moyenne bourgeoisie.
Lorsqu’ils voient de quels respects on entoure les
petits
bourgeois ainsi parvenus, ils en bavent souvent d’envie. Ce
sont
d’ailleurs des poltrons: ils ont peur des autorités, et la
révolution leur inspire aussi une certaine crainte. Très proches,
par leur condition économique, de la moyenne bourgeoisie, ilssont
crédules à sa propagande et méfiants à l’égard de la
révolution.
Ce groupe représente une minorité au sein de la
petite
bourgeoisie, dont il constitue l’aile droite. Le second
groupe se
compose de ceux qui arrivent à se suffire pour
l’essentiel sur le
plan économique. Les gens de ce groupe sont tout
différents de
ceux du premier.
Eux aussi rêvent de s’enrichir, mais le maréchal
Tchao n’exauce
jamais leur voeux; de plus, ils ont ces dernières
années assez
souffert de l’oppression et de l’exploitation de
l’impérialisme,
des seigneurs de guerre, des propriétaires
fonciers féodaux et
de la grande bourgeoisie compradore pour
comprendre que le
monde n’est plus ce qu’il était autrefois. Ils se
rendent compte
que s’ils travaillent juste autant qu’avant, ils
risquent de ne plus
pouvoir assurer leur existence.
Il leur faut désormais, pour subvenir à leurs
besoins, allonger
leur journée de travail, trimer de l’aube au
crépuscule et
redoubler de soin dans l’exercice de leur profession.
Mais les
voilà qui commencent à se répandre en injures; ils
traitent les
étrangers de « diables étrangers », les
seigneurs de guerre de
« chefs de brigands », les despotes
locaux et les mauvais
hobereaux d’ »écorcheurs ».
En ce qui concerne le mouvement contre les
impérialistes et les
seigneurs de guerre, ils doutent seulement de
son succès (car
les étrangers et les seigneurs de guerre leur
semblent si
puissants), et, n’osant pas se risquer à y prendre
part, ils
préfèrent adopter une position neutre, mais ils
n’interviennent
en aucune façon contre la révolution.
Ce groupe est fort nombreux: il constitue la
moitié environ de toute la petite bourgeoisie. Le troisième groupe
comprend les
gens dont les conditions de vie empirent de jour en
jour.
Beaucoup d’entre eux appartenaient, semble-t-il, à
des familles
réputées aisées, mais ils arrivent tout juste à
vivre, leur
situation s’aggrave progressivement.
Lorsqu’ils font leurs comptes à la fin de
l’année, ils s’écrient,
atterrés: « Comment! Encore des
déficits! » Et comme ils
vivaient autrefois assez bien, qu’ils
ont vu ensuite, d’année en
année, leur situation s’aggraver, leurs
dettes se gonfler et qu’ils
ont maintenant commencé à mener une
existence misérable, « la
seule pensée de l’avenir leur donne
le frisson ».
Ces gens souffrent moralement d’autant plus qu’ils
ont conservé
un vif souvenir des jours meilleurs, si différents
des temps
présents. Ils jouent un rôle très important dans le
mouvement
révolutionnaire, car ils constituent une masse assez
nombreuse
et forment l’aile gauche de la petite bourgeoisie. En
temps
normal, ces trois groupes de la petite bourgeoisie ont chacun
une attitude différente à l’égard de la révolution.
Mais en temps de guerre, c’est-à-dire dans une
période d’essor
révolutionnaire, dès que l’aurore de la victoire
commence à
luire, on voit participer à la révolution non
seulement les
éléments de gauche de la petite bourgeoisie, mais
également les
éléments du centre; et même les éléments de
droite, emportés
par le flux de l’élan révolutionnaire du
prolétariat et des
éléments de gauche de la petite bourgeoisie,
sont contraints de
suivre le courant de la révolution.
L’expérience du Mouvement
du 30 Mai 1925 (9) et
du mouvement paysan en divers endroits
démontre la justesse d’une telle affirmation.
Le semi-prolétariat. Nous rattacherons au
semi-prolétariat: 1)
l’écrasante majorité des paysans
semi-propriétaires (10); 2) les paysans pauvres; 3) les petits
artisans; 4) les commis11; 5) les
marchands ambulants. L’écrasante
majorité des paysans semi-
propriétaires et les paysans pauvres
forment une masse rurale
énorme.
Et ce qu’on appelle le problème paysan est
essentiellement leur
problème. Les paysans semi-propriétaires, les
paysans pauvres
et les petits artisans sont engagés dans une
exploitation d’une
échelle encore plus réduite que celle des
paysans propriétaires
et des propriétaires d’entreprises
artisanales.
Bien que les paysans semi-propriétaires dans leur
écrasante
majorité et les paysans pauvres appartiennent les uns et
les
autres au semi-prolétariat, ces deux catégories réunies se
divisent encore, selon leur condition économique, en un groupe
supérieur, un groupe moyen et un groupe inférieur.
Les paysans semi-propriétaires ont une existence
plus pénible
que celle des paysans propriétaires, car leur propre
grain ne
couvre chaque année que la moitié environ de leurs
besoins, si
bien que, pour acquérir des moyens supplémentaires
d’existence, ils se voient contraints de prendre à ferme de la
terre d’autrui, ou de vendre une partie de leur force de travail,
ou
encore d’exercer un petit commerce.
A la fin du printemps et au début de l’été,
lorsque la récolte de
l’année écoulée commence à s’épuiser et
que la prochaine est
encore en herbe, ils sont obligés d’emprunter
de l’argent à un
taux usuraire et d’acheter du grain au prix fort.
L’existence qu’ils mènent est donc plus difficile
que celle des
paysans propriétaires qui ne dépendent de personne,
mais ils
ont néanmoins une vie plus assurée que les paysans
pauvres,
car ceux-ci ne possèdent aucune terre en propre, ils
cultivent laterre d’autrui et ne reçoivent, pour leur travail, que
la moitié de
la récolte ou même moins.
Bien que les paysans semi-propriétaires ne
reçoivent également
que la moitié, ou moins, de la récolte
produite par la terre qu’ils
ont louée, ils gardent la récolte
entière de leur propre terre.
C’est pourquoi les paysans semi-propriétaires
sont plus
révolutionnaires que les paysans propriétaires, mais
moins que
les paysans pauvres. Ceux-ci sont des fermiers qui
subissent
l’exploitation des propriétaires fonciers.
On peut diviser les
paysans pauvres en deux
groupes selon leur condition
économique.
Le premier possède un matériel agricole
relativement suffisant
et dispose de certains fonds. Ces paysans
peuvent recevoir la
moitié de ce qu’ils ont produit par leur
travail. Ils suppléent à ce
qui leur manque par la culture des
céréales secondaires, la
pêche, l’élevage de la volaille et des
porcs, la vente d’une partie
de leur force de travail; de cette
manière, ils parviennent à
assurer tant bien que mal leur
subsistance et espèrent arriver à
tenir toute l’année en dépit
des conditions matérielles difficiles.
Leur vie est plus pénible que celle des paysans
semi-
propriétaires, mais plus facile que celle des paysans pauvres
du
second groupe. Ils sont plus révolutionnaires que les paysans
semi-propriétaires, mais moins que les paysans pauvres du
second
groupe. Ces derniers n’ont pas de matériel agricole
suffisant, pas de fonds, pas assez d’engrais et
n’obtiennent que
de maigres récoltes; lorsqu’ils ont payé leur
fermage, il ne leur
reste plus grand-chose.
C’est pourquoi ils ont encore plus besoin de
vendre une partie
de leur force de travail. Dans les années de
famine, dans les mois difficiles, ils mendient, à charge de
revanche, auprès de
leurs parents et amis, quelques mesures de
grain qui leur
permettent de tenir encore, ne fût-ce que quatre ou
cinq jours;
leurs dettes grossissent et ils en sont accablés comme
des bêtes
de somme.
Ils représentent la partie de la paysannerie qui
vit dans une
profonde misère et ils sont très réceptifs à la
propagande
révolutionnaire. Les petits artisans sont rattachés au
semi-
prolétariat, car, bien qu’ils disposent de quelques moyens de
production rudimentaires et qu’ils exercent des professions
« libres », ils sont souvent contraints, eux aussi, de vendre
en
partie leur force de travail et se trouvent dans une situation
économique qui correspond sensiblement à celle des paysans
pauvres.
Le lourd fardeau des dépenses familiales, l’écart
entre leur gain
et le coût de la vie, les privations incessantes,
la peur que le
travail ne vienne à manquer: tout cela les apparente
également
aux paysans pauvres.
Les commis sont les travailleurs salariés des
entreprises
commerciales. Ils doivent faire vivre leur famille sur
leur
modeste salaire qui d’ordinaire n’est augmenté qu’une fois en
plusieurs années, alors que les prix montent chaque année.
Aussi, quand vous entrez en conversation avec eux,
sont-ils
intarissables en plaintes sur leur sort. Leur situation
diffère peu
de celle des paysans pauvres et des petits artisans et
ils sont très
réceptifs à la propagande révolutionnaire.
Les marchands ambulants, qu’ils soient colporteurs
ou vendeurs
à l’éventaire, ont un capital insignifiant, et le peu
qu’ils gagnent
ne suffit pas à les faire vivre. Ils se trouvent
sensiblement dans la même situation que les paysans pauvres et ils
sont au même
titre intéressés à une révolution qui changerait
l’ordre des
choses.
Le prolétariat. Le prolétariat industriel
moderne compte en
Chine environ deux millions de représentants. Ce
nombre
réduit s’explique par le retard de la Chine sur le plan
économique. Les ouvriers d’industrie sont principalement
employés
dans cinq secteurs: les chemins de fer, les mines, les
transports
maritimes, l’industrie textile et les chantiers navals; il
faut
ajouter qu’un grand nombre d’entre eux sont sous le joug
du capital
étranger.
Bien que faible en effectif, le prolétariat
industriel incarne les
nouvelles forces productives, constitue la
classe la plus
progressive de la Chine moderne et est devenu la
force
dirigeante du mouvement révolutionnaire.
Pour se rendre
compte de l’importance du
prolétariat industriel dans la
révolution chinoise, il suffit de
voir quelle force s’est
manifestée dans les grèves des quatre
dernières années, par
exemple dans celles des marins (12), des
cheminots (13), des
ouvriers des Houillères de Kailouan et des
Houillères de
Tsiaotsouo (14), dans la grève de Shameen (15) et
les grèves
générales de Changhaï et de Hongkong après
l’Incident
sanglant du 30 Mai (16).
La première raison pour laquelle les ouvriers de
l’industrie
jouent un rôle si important dans la révolution
chinoise est leur
concentration. Aucun autre secteur de la
population ne peut
rivaliser avec eux de ce point de vue. La seconde
raison est
qu’ils se trouvent économiquement dans une situation
inférieure.
Ils sont privés de moyens de production, ils
n’ont plus que leurs bras et ils n’ont aucun espoir de s’enrichir; de
plus, ils sont
traités de la façon la plus féroce par les
impérialistes, les
seigneurs de guerre, la bourgeoisie, c’est
pourquoi ils se battent
particulièrement bien.
Les coolies des villes constituent aussi
une
force digne d’une sérieuse attention. Ce groupe comprend
surtout
les dockers et les tireurs de pousse, et également les
vidangeurs
et les éboueurs.
Comme ils n’ont rien d’autre que leurs bras, les
travailleurs de
ce groupe sont proches, par leur condition
économique, des
ouvriers de l’industrie et ne leur cèdent que par
le degré de
concentration et l’importance de leur rôle dans la
production.
L’agriculture capitaliste moderne est encore
faiblement
développée en Chine. Le terme de prolétariat agricole
désigne
les salariés agricoles embauchés pour l’année ou
travaillant au
mois ou à la journée.
Dépourvus de terre et de matériel agricole, et
aussi de tout
moyen financier, ils ne peuvent subsister qu’en
vendant leur
force de travail. De tous les ouvriers, ce sont eux qui
ont la plus longue journée de travail et le salaire le plus bas, eux
qui sont
les plus mal traités et en butte à la plus grande
insécurité
d’emploi. Soumis aux privations les plus lourdes, ce
groupe de
la population rurale occupe dans le mouvement paysan une
position aussi importante que celle des paysans pauvres.
Il existe encore un Lumpenproletariat assez
nombreux
composé de paysans qui ont perdu leur terre et d’ouvriers
artisanaux qui n’ont pu trouver du travail. Ces gens mènent une
vie
plus précaire que n’importe quel autre groupe de la société.
Ils ont partout des organisations secrètes, qui
étaient à l’origine
des organisations d’entraide dans la lutte
politique et
économique; par exemple, le Sanhohouei dans les
provinces du
Foukien et du Kouangtong, le Kehlaohouei dans les
provincesdu Hounan, du Houpei, du Koueitcheou et du Setchouan, le
Tataohouei dans les provinces de l’Anhouei, du Honan et du
Chantong,
le Tsailihouei dans la province du Tcheli (17) et les
trois
provinces du Nord-Est, le Tsingpang à Changhaï et
ailleurs (18).
C’est un des problèmes difficiles de la Chine que
de savoir
quelle politique adopter à l’égard de ces gens. Ils sont
capables
de lutter avec un très grand courage, mais enclins aux
actions
destructives; conduits d’une manière juste, ils peuvent
devenir
une force révolutionnaire.
Il ressort de tout ce qui vient d’être dit que
tous les seigneurs de
guerre, les bureaucrates, les compradores et
les gros
propriétaires fonciers qui sont de mèche avec les
impérialistes,
de même que cette fraction réactionnaire des
intellectuels qui
en dépend, sont nos ennemis.
Le prolétariat industriel est la force dirigeante
de notre
révolution. Nos plus proches amis sont l’ensemble du
semi-
prolétariat et de la petite bourgeoisie. De la moyenne
bourgeoisie toujours oscillante, l’aile droite peut être notre
ennemie et l’aile gauche notre amie; mais nous devons
constamment
prendre garde que cette dernière ne vienne
désorganiser notre
front.
NOTES
1 Le comprador, dans le sens originel du mot,
était le gérant
chinois ou le premier commis chinois dans une
entreprise
commerciale appartenant à des étrangers. Les
compradores
servaient les intérêts économiques étrangers et
entretenaient
des relations étroites avec l’impérialisme et le
capital étranger.
2 Il s’agit de la poignée de vils politiciens
fascistes qui avaient
organisé la Ligue de la Jeunesse étatiste de
Chine, laquelle
changea, par la suite, son nom en Parti de la
Jeunesse de Chine.
Les étatistes faisaient carrière dans la
contre-révolution en
attaquant le Parti communiste et l’Union
soviétique et
recevaient des subsides des différents groupements
réactionnaires au pouvoir et des impérialistes.
3 Pour ce qui est du rôle de la bourgeoisie
nationale, voir « La
Révolution chinoise et le Parti communiste
chinois », chapitre
II, section 4.
4 Tai Ki-tao adhéra au Kuomintang dès sa
jeunesse et s’occupa
pour un temps de spéculations boursières avec
Tchiang Kaï-
chek. Après la mort de Sun Yat-sen, en 1925, il
organisa une
campagne anticommuniste, préparant ainsi moralement le
coup
d’Etat contre-révolutionnaire de Tchiang Kaï-chek de 1927.
Pendant des années, il fut un chien fidèle de
Tchiang Kaï-chek
dans la contre-révolution. En février 1949,
constatant que la
domination de Tchiang Kaï-chek allait s’effondrer
et que la
situation était sans issue, Tai Ki-tao se suicida.
5 Organe de l’Association pour l’Etude du
Gouvernement
constitutionnel, un des groupes politiques qui
soutenaient la
domination des seigneurs de guerre du Peiyang.
6 En 1923, avec le concours des communistes, Sun
Yat-sen
décida de réorganiser le Kuomintang, d’établir la
coopération
de ce dernier avec le Parti communiste et d’admettre
les
communistes au sein du Kuomintang, et en janvier 1924, au Ier
Congrès national du Kuomintang, convoqué à Canton, il
formula ses
trois thèses politiques fondamentales: alliance avec
la Russie,
alliance avec le Parti communiste, soutien aux
paysans et aux
ouvriers. Prirent part aux travaux de ce Congrèsles camarades Mao
Tsé-toung, Li Ta-tchao, Lin Po-kiu et Kiu
Tsieou-pai qui jouèrent
un rôle important en aidant le
Kuomintang à prendre la voie de la
révolution. C’est à cette
époque que ces camarades furent élus
membres ou membres
suppléants du Comité exécutif central du
Kuomintang.
7 Le camarade Mao Tsé-toung pense ici aux paysans
moyens.
8 Le maréchal Tchao (Tchao Kong-ming) est le dieu
de la
Richesse dans la légende populaire chinoise.
9 Il s’agit du mouvement anti-impérialiste
déclenché dans tout
le pays en protestation contre le massacre de
la population
chinoise par la police anglaise le 30 mai 1925 à
Changhaï.
Dans le courant de ce mois s’étaient déclenchées
dans un
certain nombre d’usines textiles japonaises établies à
Tsingtao
et à Changhaï de grandes grèves que réprimèrent les
impérialistes japonais et leurs valets, les seigneurs de guerre du
Peiyang. Le 15 mai, sous les balles des patrons des usines
textiles
japonaises de Changhaï, l’ouvrier Kou Tcheng-hong fut
tué et une
dizaine d’autres ouvriers furent blessés.
Le 28 mai,
huit ouvriers de Tsingtao furent
massacrés par le gouvernement
réactionnaire. Le 30 mai, plus de
2.000 étudiants de Changhaï
firent de l’agitation dans les
concessions étrangères en faveur
des ouvriers en grève et pour le
retour des concessions à la
Chine. Ralliant plus de 10.000
personnes, ils arrivèrent devant
la direction de la police anglaise
de la concession
internationale. Les manifestants criaient des mots
d’ordre tels
que « A bas l’impérialisme! », « Peuple
chinois, unis-toi! »
La
police anglaise ouvrit le feu, tuant et
blessant de nombreux
étudiants. Cet événement, connu sous la
dénomination
d’Incident sanglant du 30 Mai, ne tarda pas à
soulever
l’indignation générale du peuple chinois; une vague de
manifestations et de grèves d’ouvriers, d’étudiants et
decommerçants déferla sur le pays, culminant en un immense
mouvement anti-impérialiste.
10 Par « écrasante majorité des paysans
semi-propriétaires », le
camarade Mao Tsé-toung entend ici les
paysans appauvris qui
travaillent en partie sur leur propre terre et
en partie sur des
terres prises à ferme.
11 Il existait dans l’ancienne Chine plusieurs
catégories de
commis. Le camarade Mao Tsé-toung pense ici à la
majorité
d’entre eux; en ce qui concerne ceux de la catégorie
inférieure,
ils se trouvent dans la même situation matérielle que
les
prolétaires.
12 Il s’agit des grèves générales déclenchées
par les marins de
Hongkong et les équipages des navires du Yangtsé
au début de
1922. La grève des marins de Hongkong dura huit
semaines; à
l’issue d’une lutte acharnée, sanglante, les marins
contraignirent
les autorités impérialistes britanniques de
Hongkong à
augmenter les salaires, à lever l’interdit sur les
syndicats, à
libérer les ouvriers arrêtés et à accorder des
indemnités aux
familles des martyrs. Peu après, les équipages des
navires du
Yangtsé se mitent en grève, ils luttèrent pendant deux
semaines
et remportèrent également la victoire.
13 Après sa fondation en 1921, le Parti
communiste chinois se
livra à un travail d’organisation parmi les
cheminots; en 1922 et
1923 se déroula, sous sa direction, un
mouvement de grèves sur
les lignes principales du pays.
La plus connue fut la grève
générale
déclenchée le 4 février 1923 par les cheminots de la
ligne
Pékin-Hankeou pour réclamer la liberté d’organiser un
syndicat
unifié. Le 7 février, les seigneurs de guerre du
Peiyang, Wou
Pei-fou et Siao Yao-nan, soutenus par
l’impérialisme britannique,
déclenchèrent contre les ouvriers engrève une féroce répression,
connue depuis dans l’histoire de la
Chine sous le nom d’Incident
sanglant du 7 Février.
14 Les Houillères de Kailouan était la
dénomination générale
donnée aux mines de Kaiping et de
Louantcheou dans la
province du Hopei. Elles constituent un
important bassin qui
occupait alors plus de 50.000 ouvriers. Quand
les impérialistes
britanniques se furent emparés des mines de
Kaiping, à
l’époque du Mouvement des Yihotouan en 1900, les
patrons
chinois créèrent la Compagnie houillère de Louantcheou.
Par la
suite, les mines de Kaiping et de
Louantcheou furent placées
sous une direction générale unique, si
bien qu’elles tombèrent
sous le contrôle exclusif des
impérialistes britanniques. La
grève des Houillères de Kailouan
eut lieu en octobre-novembre
1922.
La grève des Houillères de Tsiaotsouo, situées
dans le
nord du Honan et également contrôlées par les
impérialistes
britanniques, éclata en juillet 1925. Cette grève,
qui fit écho au
Mouvement du 30 Mai, dura plus de sept mois.
15 Shameen, ancienne concession des impérialistes
britanniques à Canton. En juillet 1924, les impérialistes
britanniques qui contrôlaient Shameen introduisirent une
nouvelle
réglementation policière, aux termes de laquelle les
citoyens
chinois résidant à Shameen devaient montrer un
laissez-passer avec
leur photographie chaque fois qu’ils
entreraient dans la concession
ou en sortiraient, tandis que les
étrangers pouvaient circuler
librement.
Le 15 juillet, les
ouvriers de Shameen
déclenchèrent une grève pour protester
contre cette
discrimination. Finalement, les impérialistes
britanniques se
virent contraints d’annuler leur nouvelle
réglementation
policière.
16 Après les événements de Changhaï du 30 mai
1925, une
grève générale éclata dans cette ville le 1er juin,
puis une autreà Hongkong le 19 juin. Plus de 200.000 travailleurs
participèrent à celle de Changhaï et 250.000 à celle de
Hongkong. Cette dernière, qui bénéficia de l’appui du peuple
tout
entier, dura un an et quatre mois; c’est la plus longue grève
qu’ait jamais connue l’histoire du mouvement ouvrier mondial.
17 Aujourd’hui province du Hopei.
18 Le Sanhohouei (Société de la Triade), le
Kehlaohouei
(Société des Frères), le Tataohouei (Société des
Cimeterres), le
Tsailihouei (Société pour une Vie rationnelle), le
Tsingpang
(Clan bleu) étaient des sociétés secrètes primitives
ramifiées
dans la masse de la population. Ces organisations
rassemblaient
essentiellement des paysans ruinés, des artisans en
chômage,
des éléments du Lumpenproletariat.
Dans la Chine féodale, les liens qui unissaient
tous ces
éléments tenaient souvent à des pratiques religieuses
ou
superstitieuses. Une forme d’organisation patriarcale régissait
ces sociétés aux appellations diverses; certaines d’entre elles
disposaient d’armes. Leurs membres s’efforçaient de s’assurer
une
entraide dans les différentes circonstances de l’existence et
utilisèrent, à certains moments, ces sociétés pour organiser la
lutte contre les oppresseurs: bureaucrates et propriétaires
fonciers.
Il est toutefois évident qu’en adhérant à ces
organisations d’un
caractère rétrograde,les paysans et les
artisans ne pouvaient
trouver une issue à leur situation. Souvent,
les propriétaires
fonciers et les despotes locaux réussirent sans
difficulté à les
contrôler et à les utiliser, et on pouvait en
outre observer dans
ces sociétés une tendance à la destruction
aveugle, de sorte que
certaines d’entre elles devinrent des forces
réactionnaires.
En 1927, lors de son coup d’Etat contre-révolutionnaire, Tchiang Kaï-chek se servit de ces organisations rétrogrades comme d’un instrument pour détruire l’unité du peuple travailleur et saper la révolution. A la suite du puissant essor des forces du prolétariat industriel moderne, la paysannerie, sous la direction de la classe ouvrière, a créé des organisations entièrement nouvelles qui lui sont propres, et l’existence de semblables organisations primitives et rétrogrades a désormais perdu toute signification.
=>Oeuvres de Mao Zedong