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  • Georgi Dimitrov : le discours final devant le tribunal en 1933

    Dimitrov. – En vertu du paragraphe 258 du code de procédure criminelle, j’ai le droit de parler comme défenseur et comme accusé.

    Le président. – Vous avez le droit de parler le dernier. Cela vous est accordé maintenant.

    Dimitrov. – En vertu de ce code, j’ai le droit de discuter avec le ministère public et, ensuite, de faire une dernière déclaration.

    Messieurs les juges, messieurs les accusateurs, messieurs les défenseurs, déjà, au début du procès, il y a trois mois de cela, j’ai adressé, en tant que prévenu, une lettre au président du tribunal.

    J’y exprimais mon regret de ce que mes interventions aient abouti à des conflits avec les juges. Mais je protestais résolument contre l’interprétation de ma conduite comme un abus prémédité de mon droit de poser des questions et de faire des déclarations aux fins de propagande.

    On conçoit qu’étant accusé bien qu’innocent, je cherche à me défendre contre de fausses accusations par tous les moyens dont je dispose.

    Je reconnais, écrivais-je, que certaines questions n’ont pas été posées par moi de façon aussi juste du point de vue de l’opportunité et de la formulation que je l’aurais voulu.

    Mais cela ne s’explique que par mon ignorance du droit allemand. En outre, je suis pour la première fois de ma vie impliqué dans un pareil procès judiciaire.

    Si j’avais eu un défenseur de mon choix, j’aurais certainement pu éviter des incidents aussi fâcheux pour ma propre défense.

    J’avais nommé plusieurs avocats, Detchev, Moro-Giafferi, Campinchi, Torrès, Grigorov, Léo Gallagher (Amérique) et le docteur Lehmann (de Sarrebrück).

    Mais le tribunal d’Empire a repoussé sous divers prétextes, toutes mes propositions, les unes après les autres. Ce n’est pas que je nourrisse une méfiance personnelle à l’égard de M. le docteur Teichert, ni comme homme, ni comme avocat.

    Mais, dans l’état actuel des choses en Allemagne, je ne puis nourrir la confiance nécessaire envers Teichert dans son rôle de défenseur officiel.

    C’est pourquoi je m’efforce de me défendre moi-même, et il est évident qu’il m’arrive de commettre des irrégularités au point de vue juridique.

    Dans l’intérêt de ma défense devant le tribunal, et aussi, comme je le crois, dans celui de la marche normale du procès, je m’adresse encore une fois – la dernière – à la Cour suprême, pour lui demander d’autoriser l’avocat Marcel Willard, à qui ma sœur a donné aujourd’hui pleins pouvoirs, à prendre part à ma défense.

    Si cette dernière proposition devait être, elle aussi, repoussée, il ne me resterait qu’à me défendre moi-même du mieux que je pourrai.

    Cette proposition ayant été rejetée, j’ai décidé d’assumer moi-même ma défense. N’ayant besoin ni du miel, ni du venin de l’éloquence du défenseur qui m’a été imposé, je me suis défendu seul au long de ces débats.

    Il est tout à fait clair que je ne me sens lié en aucune façon par la plaidoirie du docteur Teichert.

    Ce qui compte seul pour ma défense, c’est ce que j’ai déclaré jusqu’ici moi-même devant le tribunal, et ce que je vais déclarer tout de suite.

    Je ne voudrais pas offenser mon camarade de parti, Torgler – à mon avis, son défenseur l’a déjà bien assez malmené – mais je dois le dire explicitement : je préfère être condamné à mort, innocent, par le tribunal allemand qu’obtenir mon acquittement par une défense comme celle du docteur Sack au profit de Torgler.

    Le président (interrompant Dimitrov).  Il ne vous appartient pas de faire des critiques de cette nature.

    Dimitrov. – J’admets que je parle un langage rude et vif, mais ma lutte et ma vie l’ont été également.

    Cependant, mon langage est sincère et franc. Je cherche à appeler les choses par leur nom. Je ne suis pas un avocat qui a l’obligation de défendre ici son client.

    Je me défends moi-même comme un communiste accusé.

    Je défends mon honneur politique, mon honneur de révolutionnaire.

    Je défends mes idées, mes convictions communistes.

    Je défends le sens et le contenu de ma vie.

    Aussi bien chaque parole prononcée par moi devant le tribunal, c’est, pour ainsi dire, le sang de mon sang et la chair de ma chair. 

    Chaque parole est l’expression de ma plus profonde indignation contre l’accusation injuste, contre le fait qu’un pareil crime anticommuniste soit attribué aux communistes.

    On m’a souvent reproché de ne pas prendre au sérieux la Cour suprême allemande. C’est absolument injustifié.

    Il est vrai que pour moi, communiste, la loi suprême est le programme de l’Internationale communiste, la Cour suprême la Commission de contrôle de l’Internationale communiste.

    Mais pour moi, comme accusé, le tribunal suprême est une instance qu’il convient de considérer avec le maximum de sérieux, non seulement parce qu’il est composé de juges d’une haute qualification juridique, mais encore parce que ce tribunal est l’organisme juridique le plus important de l’Etat allemand, de l’ordre social régnant, instance qui peut en définitive condamner à la peine capitale.

    Je puis, la conscience tranquille, déclarer que, devant le tribunal et, par conséquent, aussi devant l’opinion publique, je n’ai dit que la vérité sur toutes choses.

    En ce qui concerne mon Parti, qui est réduit à l’illégalité, j’ai refusé d’apporter aucun témoignage quel qu’il soit. J’ai toujours parlé avec sérieux, avec ma conviction la plus profonde.

    Le président. – Je ne tolérerai pas qu’ici, dans cette salle, vous vous adonniez à la propagande communiste. Vous l’avez fait tout le temps. Si vous continuez dans ce sens, je vous retirerai la parole.

    Dimitrov. – Je dois protester résolument contre l’affirmation que j’ai poursuivi des fins de propagande.

    On peut estimer que ma défense devant le tribunal a eu une certaine action de propagande. J’admets aussi que ma conduite devant le tribunal puisse servir d’exemple à tout accusé communiste, mais ce n’était pas là le but de ma défense.

    Mon but consistait à réfuter l’accusation visant à faire croire que Dimitrov, Torgler, Popov et Tanev, le Parti communiste allemand et l’Internationale communiste ont un rapport quelconque avec l’incendie.

    Je sais que personne en Bulgarie ne croit à notre prétendue complicité dans l’incendie du Reichstag.

    Je sais qu’à l’étranger, en général, il est peu probable qu’il se trouve des gens pour le croire.

    Mais en Allemagne les conditions sont différentes : ici on peut ajouter foi à ces étranges affirmations. C’est pourquoi j’ai voulu prouver que le Parti communiste n’a eu et n’a rien de commun avec la participation à ce crime.

    Si l’on parle de propagande, bien des interventions, ici, ont revêtu ce caractère. Les discours de Goebbels et de Goering ont également exercé une propagande indirecte en faveur du communisme, mais personne ne peut les rendre responsables de ce que leurs interventions ont eu un tel effet de propagande (mouvement et rires dans la salle).

    Non seulement la presse m’a diffamé de toutes les manières, – ce qui m’est totalement indifférent, – mais à travers moi on a qualifié le peuple bulgare de « sauvage » et de « barbare » ; on m’a qualifié d’ « individu balkanique suspect », de « sauvage Bulgare », et je ne saurais passer cela sous silence.

    Il est vrai que le fascisme bulgare est sauvage et barbare. Mais la classe ouvrière et la paysannerie de Bulgarie, les intellectuels du peuple bulgare ne sont ni des barbares ni des sauvages.

    Le niveau des conditions matérielles dans les Balkans est certainement moins élevé que dans les autres pays d’Europe; mais, au point de vue intellectuel et politique, il est faux de dire que nos masses populaires sont à un niveau inférieur à celui des masses des autres pays européens.

    Notre lutte politique, nos aspirations politiques en Bulgarie ne sont pas inférieures à celles des autres pays.

    Un peuple qui pendant cinq cents ans a vécu sous le joug étranger sans perdre sa langue et sa nationalité, un peuple d’ouvriers et de paysans qui a lutté et continue à lutter contre le fascisme bulgare, n’est ni barbare, ni sauvage.

    Les barbares et les sauvages en Bulgarie, ce sont uniquement les fascistes.

    Mais je vous le demande, monsieur le président, dans quel pays les fascistes ne sont-ils ni des barbares, ni des sauvages ?

    Le président (interrompant Dimitrov).  Ne faites-vous pas allusion à la situation en Allemagne ?

    Dimitrov (avec un sourire ironique).  Evidemment non, monsieur le Président…

    A l’époque où l’empereur d’Allemagne Charles-Quint disait qu’il ne parlait l’allemand qu’à son cheval, et où les nobles allemands et les hommes instruits n’écrivaient que le latin et avaient honte de la langue maternelle, dans la « barbare » Bulgarie, Cyrille et Méthode avaient créé et diffusé l’ancienne écriture bulgare.

    Le peuple bulgare a lutté de toutes ses forces et de toute sa ténacité contre le joug étranger. Aussi bien je proteste contre les attaques dont le peuple bulgare est l’objet. Je n’ai pas à rougir d’être un Bulgare, je suis fier d’être un fils de la classe ouvrière bulgare.

    Avant d’en venir à la question essentielle, je dois marquer ceci : le docteur Teichert nous a reproché de nous être nous-mêmes placés dans la situation d’inculpés de l’incendie du Reichstag.

    A cela je dois répondre que, depuis le 9 mars, jour de notre arrestation, jusqu’au début de ce procès, il s’est écoulé bien du temps ; pendant cette période on aurait pu éclaircir tous les points éveillant des soupçons.

    Au cours de l’instruction, j’ai parlé à des fonctionnaires de la commission d’enquête sur l’incendie du Reichstag; ces fonctionnaires m’ont déclaré que nous, les Bulgares, ne sommes pas coupables de complicité dans ce crime.

    On ne devait que nous imputer d’avoir vécu avec de faux passeports, sous des noms d’emprunts, sans nous être faits enregistrer, etc.

    Le président. – Ce dont vous parlez maintenant n’a pas été débattu au procès; par conséquent, vous n’avez pas le droit d’en parler ici.

    Dimitrov. – Monsieur le Président, on aurait dû pendant ce temps vérifier toutes les données pour nous éviter en temps opportun cette accusation.

    L’acte d’accusation porte que « Dimitrov, Popov et Tanev affirment être des émigrés bulgares. Cependant, on doit tenir pour prouvé qu’ils séjournaient en Allemagne aux fins d’action politique illégale ». Ils sont, est-il dit dans l’acte d’accusation, « envoyés par Moscou en Allemagne chargés de préparer une insurrection armée ».

    A la page 83 de l’acte d’accusation, il est dit : « Bien que Dimitrov ait déclaré avoir été absent de Berlin du 25 au 28 février, cela ne change rien, cela ne le dégage pas, lui, Dimitrov, de l’accusation de participation à l’incendie du Reichstag. » Cela ressort, – est-il dit plus loin dans l’acte d’accusation, – non seulement des dépositions de Hellmer, d’autres faits témoignent également que…

    Le président. – Vous ne devez pas lire ici tout l’acte d’accusation, nous le connaissons parfaitement.

    Dimitrov. – Je dois dire que les trois quarts de tout ce qu’ont dit au procès le procureur et les défenseurs, est depuis longtemps connu de tout le monde et cependant ils l’ont répété ici (mouvement et rires dans la salle). Hellmer a témoigné que Dimitrov et Van der Lübbe se trouvaient au restaurant Bayernhof. Plus loin je lis dans l’acte d’accusation :

    Si Dimitrov n’a pas été pris sur le lieu du crime, il n’en a pas moins participé à la préparation de l’incendie du Reichstag. Il s’était rendu à Munich pour se ménager un alibi. Les brochures trouvées chez Dimitrov montrent qu’il participait au mouvement communiste d’Allemagne.

    Telle est la base de cette accusation hâtive, qui s’est avérée une fausse-couche.

    Le président (interrompant Dimitrov). – Vous ne devez pas employer de ces expressions irrespectueuses en parlant de l’accusation.

    Dimitrov. – Je tâcherai de trouver d’autres expressions.

    Le président. –Mais pas aussi inadmissibles.

    Dimitrov. – Je reviendrai aux méthodes d’accusation et à l’accusation, à un autre point de vue.

    Le caractère de ce procès avait été déterminé par cette thèse que l’incendie du Reichstag est l’œuvre du Parti communiste d’Allemagne, de l’Internationale communiste. Cet acte anticommuniste – l’incendie du Reichstag – a été attribué aux communistes, comme devant proclamer le signal de l’insurrection communiste, le signal du renversement de la Constitution allemande actuelle.

    A l’aide de cette thèse on a conféré à tout le procès un caractère anticommuniste. L’accusation porte :

    L’accusation s’en tient au point de vue que cet attentat criminel devait servir d’appel, de signal aux ennemis de l’Etat, qui voulaient déclencher ensuite l’attaque générale contre l’Etat allemand pour l’anéantir sur l’ordre de la IIIe Internationale et ériger à sa place la dictature du prolétariat, un Etat soviétique.

    Messieurs les juges ! Ce n’est pas la première fois que semblable attentat est attribué aux communistes. Je ne peux citer ici tous les exemples de ce genre.

    Je rappelle l’attentat sur le chemin de fer ici, en Allemagne, près de Juterborg, attentat commis par un aventurier anormal, un provocateur.

    A ce moment, non seulement en Allemagne mais aussi dans les autres pays, on a, des semaines durant, accrédité le bruit que c’était là l’œuvre du Parti communiste allemand, que c’était un acte de terrorisme des communistes. Plus tard on apprit que cela avait été fait par le fou, l’aventurier Matuchka. Celui-ci a été arrêté et condamné.

    Et voici un autre exemple, l’assassinat du président de la République française par Gorgoulov. Là aussi, on écrivit dans tous les pays qu’on y voyait la main des communistes.

    Gorgoulov était représenté comme un communiste, un agent soviétique. Qu’elle était la vérité ? Cet attentat s’est trouvé être organisé par les gardes blancs, et Gorgoulov s’est avéré un provocateur qui voulait obtenir la rupture des relations entre l’Union soviétique et la France.

    Je rappellerai aussi la tentative de faire sauter la cathédrale de Sofia. Cet attentat n’avait pas été organisé par le Parti communiste bulgare, mais ce dernier n’en a pas moins été l’objet de poursuites.

    Deux mille ouvriers, paysans et intellectuels furent sauvagement assassinés par les bandes fascistes sous le prétexte que les communistes avaient fait sauter la cathédrale.

    Cette provocation, l’explosion à la cathédrale de Sofia, avait été organisée par la police bulgare. Déjà en 1920, le chef de la police de Sofia, Proutkine, avait organisé pendant la grève des cheminots des attentats à l’aide de bombes, comme moyen de provocation contre les ouvriers bulgares.

    Le président (interrompant Dimitrov).  Cela n’a rien à voir avec ce procès.

    Dimitrov. – Le fonctionnaire de police Heller a parlé ici de la propagande communiste des incendies, etc. Je lui ai demandé s’il ne connaissait pas des cas où des incendies, allumés par des entrepreneurs pour toucher le montant de l’assurance, avaient été ensuite imputés aux communistes. Le Völkischer Beobachter du 5 octobre a écrit que la police de Stettin…

    Le président. – Cet article n’a pas été présenté au procès. (Dimitrov tente de continuer.)

    Le président. – Je vous interdis d’en parler ici, du moment que ce fait n’a pas été mentionné au procès.

    Dimitrov. – Toute une série d’incendies…

    Le président interrompt de nouveau Dimitrov.

    Dimitrov. – On en a parlé à l’instruction, parce que toute une série d’incendies ont été imputés aux communistes. Par la suite, il s’est avéré que les propriétaires des immeubles les avaient allumés « pour donner du travail ! ».

    Je voudrais également traiter un instant de la question des faux documents. Il existe un grand nombre de faux qui ont été utilisés contre la classe ouvrière. Ces exemples sont nombreux.

    Je rappellerai par exemple la fameuse lettre de Zinoviev. Cette lettre n’avait jamais été écrite par Zinoviev.

    On l’avait fabriquée. Et ce faux fut utilisé par les conservateurs anglais contre la classe ouvrière. Je rappellerai une série de faux qui ont joué un rôle dans la politique allemande.

    Le président. – Cela sort du cadre de ces débats.

    Dimitrov. – On a affirmé ici que l’incendie du Reichstag devait servir de signal à une insurrection armée. Et on a cherché à fonder cette affirmation comme suit :

    Goering a déclaré ici, au procès, que le Parti communiste allemand, au moment où Hitler a accédé au pouvoir, était obligé d’exciter l’effervescence des masses et d’entreprendre une action violente quelconque.

    Il a dit : « Les communistes étaient obligés de faire quelque chose – alors ou jamais ! »

    Il a affirmé que le Parti communiste avait depuis de longues années déjà appelé à la lutte contre le national-socialisme et que pour le Parti communiste allemand, au moment où les nationaux-socialistes accédaient au pouvoir, il ne restait rien d’autre à faire que de déclencher l’action – maintenant ou jamais. Le procureur général a essayé ici de formuler la même thèse de façon plus claire et plus ingénieuse.

    Le président. – Je ne permettrai pas que vous offensiez le procureur général.

    Dimitrov. – Ce que Goering a affirmé en qualité d’accusateur suprême, le procureur général l’a développé ici. Le procureur général, le docteur Werner, a dit :

    Le Parti communiste se trouvait dans cette situation qu’il devait ou céder sans livrer combat ou accepter le combat, même si les préparatifs n’avaient pas été achevés.

    C’était la seule chance qui restait au Parti communiste dans les conditions données. Ou bien renoncer sans coup férir à son but, ou bien se décider à un acte risqué, jouer son va-tout, ce qui aurait pu modifier la situation en sa faveur.

    L’affaire pouvait avorter, mais alors la situation n’aurait pas été plus mauvaise que si le Parti communiste avait reculé sans se battre.

    La thèse, formulée ainsi et attribuée au Parti communiste, n’est pas une thèse communiste. Cette supposition montre que les ennemis du Parti communiste allemand le connaissent mal.

    Qui veut bien combattre son adversaire, doit bien le connaître. Interdire le Parti, dissoudre les organisations de masse, perdre la légalité, ce sont là évidemment des coups sérieux portés au mouvement révolutionnaire. Mais cela ne signifie pas encore, il s’en faut de beaucoup, que de ce fait tout soit perdu.

    En février 1933 le Parti communiste était menacé d’interdiction. La presse communiste était interdite, l’interdiction du Parti communiste était imminente. Le Parti communiste allemand s’y attendait. On en parlait dans les tracts, dans les journaux.

    Le Parti communiste allemand savait bien que les Partis communistes sont interdits dans nombre de pays, mais qu’ils n’en continuent pas moins à travailler et à combattre. Les Partis communistes sont interdits en Pologne, en Bulgarie, en Italie et dans certains autres pays.

    Je veux en parler, fort de l’expérience du Parti communiste bulgare. Ce dernier avait été interdit à la suite de l’insurrection de 1923, mais il continuait de travailler et, bien que cela lui ait coûté de nombreuses victimes, il est devenu plus fort qu’avant 1923.

    Cela tout homme doué d’esprit critique comprend l’importance de ce phénomène.

    Le Parti communiste allemand même illégal peut, la situation s’y prêtant, accomplir la révolution. L’expérience du Parti communiste russe le prouve.

    Le Parti communiste russe était illégal, il subissait de sanglantes persécutions, mais la classe ouvrière, le Parti communiste en tête, a conquis le pouvoir. Les dirigeants du Parti communiste allemand ne pouvaient tenir ce raisonnement : devant l’interdiction de leur Parti tout était perdu et : l’alternative se posait : ou bien l’insurrection, ou bien la fin.

    La direction du Parti communiste ne pouvait avoir une idée aussi stupide.

    Le Parti communiste savait pertinemment que le travail illégal coûterait de lourds sacrifices et exigerait de l’abnégation et du courage, mais il savait aussi que ses forces révolutionnaires se consolideraient et qu’il serait capable de réaliser les tâches qui lui incombent.

    Aussi la supposition que le Parti communiste allemand ait voulu dans cette période, jouer son va-tout, doit être absolument exclue. 

    Par bonheur, les communistes n’ont pas la vue aussi courte que leurs adversaires, et ils ne perdent pas la tête dans les situations difficiles.

    Il convient d’ajouter à cela que le Parti communiste allemand et les autres Partis communistes sont des sections de l’Internationale communiste.

    Qu’est-ce que l’Internationale communiste ? Je me permettrai de citer un passage de ses statuts. Je cite ici le premier paragraphe :

    L’Internationale communiste, Association internationale des travailleurs, est l’organisation des Partis communistes des différents pays en un Parti communiste unique mondial.

    Guide et organisateur du mouvement révolutionnaire mondial du prolétariat, champion des principes et des buts du communisme, l’Internationale communiste lutte pour la conquête de la majorité de la classe ouvrière et des grandes couches de paysans pauvres, pour les principes et les buts du communisme, pour l’instauration de la dictature mondiale du prolétariat, pour la création d’une Fédération mondiale des Républiques socialistes soviétique, pour l’abolition complète des classes et la réalisation du socialisme, première étape de la société communiste. (Programme de l’Internationale communiste, suivi des Statuts de l’I.C.)

    Dans ce parti mondial de l’Internationale communiste, comptant des millions de travailleurs, le Parti communiste de l’Union soviétique est le plus fort Parti. Il est le Parti dirigeant de l’Union soviétique, le plus grand Etat du monde. L’Internationale communiste, ce Parti communiste mondial, analyse la situation politique de concert avec la direction des Partis communistes de tous les pays.

    L’Internationale communiste devant laquelle toutes les sections sont directement responsables, n’est pas une organisation de conspirateurs, mais un parti mondial. Un tel Parti mondial ne joue pas aux soulèvements et à la révolution. 

    Un tel Parti mondial ne peut dire officiellement à des millions de membres une chose, et en même temps faire secrètement le contraire. Un tel Parti, mon excellent docteur Sack, ignore la comptabilité en partie double !

    Docteur Sack. – Parfait, continuez votre propagande communiste !

    Dimitrov. – Un tel Parti, quand il s’adresse aux millions de prolétaires, quand il prend ses décisions sur la tactique et les tâches immédiates, le fait sérieusement, avec la pleine conscience de sa responsabilité. Je citerai ici la décision de la XIIe assemblée plénière du Comité exécutif de l’Internationale communiste. Comme ces décisions ont été mentionnées au procès, j’ai le droit d’en donner lecture.

    Conformément à ces décisions, la tâche essentielle du Parti communiste allemand consistait à mobiliser les millions de travailleurs pour la défense de leurs intérêts vitaux, contre leur pillage féroce par le capital monopoliste, contre le fascisme, contre les décrets-lois, contre le nationalisme et le chauvinisme, en luttant pour l’internationalisme prolétarien, en développant les grèves économiques et politiques, les manifestations et en amenant les masses à la grève politique générale ; gagner les masses principales de la social-démocratie, liquider résolument les faiblesses du mouvement syndical.

    Le principal mot d’ordre que le Parti communiste allemand doit opposer à celui de la dictature fasciste (« le troisième Reich »), de même qu’au mot d’ordre du Parti social-démocrate (« la deuxième République »), doit être : la République ouvrière et paysanne, c’est-à-dire de l’Allemagne socialiste, soviétique, assurant aussi la possibilité du rattachement volontaire des peuples d’Autriche et des autres régions allemandes. (Thèses, décisions, résolutions de la XIIe assemblée plénière du Comité exécutif de l’Internationale communiste)

    Travail de masse, lutte de masse, résistance de masse, front unique, point d’aventures ! Voilà les bases de la tactique communiste.

    On a trouvé chez moi, un appel du Comité exécutif de l’Internationale communiste. J’estime que l’on peut également le citer. Deux points sont particulièrement importants dans cet appel.

    Ainsi, on y parle des démonstrations qui se déroulent dans différents pays en liaison avec les événements d’Allemagne. On y parle des tâches du Parti communiste dans sa lutte contre la terreur national-socialiste, ainsi que pour la défense des organisations et de la presse de la classe ouvrière.

    Il est dit, entre autres, dans cet appel :

    Le principal obstacle dans la voie de la réalisation du front unique de lutte des ouvriers communistes et social-démocrates, a été et reste la politique de collaboration avec la bourgeoisie, suivie par les partis social-démocrates, qui actuellement ont amené et exposé le prolétariat international aux coups de l’ennemi de classe.

    Cette politique de collaboration avec la bourgeoisie, connue sous le nom de politique dite du « moindre mal », a, en fait, amené en Allemagne le triomphe de la réaction fasciste.

    L’Internationale communiste et les Partis communistes de tous les pays ont plus d’une fois affirmé leur volonté de lutter en commun avec les ouvriers social-démocrates contre l’offensive du Capital, la réaction politique et la menace de guerre.

    Les Partis communistes ont été les organisateurs de la lutte commune des ouvriers communistes, social-démocrates qui brisaient systématiquement le front unique des masses ouvrières.

    Déjà le 20 juillet de l’année dernière le Parti communiste allemand, après l’effondrement du gouvernement social-démocrate prussien Von Papen, adressait au parti social-démocrate et à la Centrale syndicale d’Allemagne, la proposition d’organiser une grève commune contre le fascisme.

    Mais le parti social-démocrate et la Centrale syndicale d’Allemagne, avec l’approbation de toute la IIe Internationale, qualifièrent cette proposition d’organiser la grève commune, de provocation. Le Parti communiste allemand renouvela sa proposition d’action commune au moment où Hitler accédait au pouvoir, invitant le Comité central du parti social-démocrate et la direction de la Centrale syndicale allemande à organiser en commun la résistance au fascisme. Mais cette fois encore, sa proposition fut repoussée.

    Bien plus, lorsqu’en novembre de l’an dernier les travailleurs des transports berlinois se mirent unanimement en grève contre la réduction des salaires, la social-démocratie torpilla le front unique de lutte. La pratique du mouvement ouvrier international est pleine d’exemples analogues.

    Cependant l’appel du Bureau de l’Internationale ouvrière socialiste du 19 février de cette année, contient la déclaration des partis social-démocrates, affiliés à cette Internationale, affirmant leur volonté d’établir le front unique avec les communistes pour la lutte contre la réaction fasciste en Allemagne. Cette déclaration est en contradiction flagrante avec tous les actes de l’Internationale socialiste et des partis social-démocrates, jusqu’à ce jour.

    Toute la politique et l’activité de l’Internationale socialiste jusqu’à présent donnent à l’Internationale ouvrière et aux partis communistes le droit de ne pas croire à la sincérité de la déclaration du Bureau de l’Internationale ouvrière socialiste, lequel fait cette proposition au moment où, dans toute une série de pays, en Allemagne avant tout, la classe ouvrière elle-même prend déjà l’organisation du front unique de lutte dans ses propres mains.

    Néanmoins, en présence du fascisme qui attaque la classe ouvrière d’Allemagne et dénoue toutes les forces de la réaction mondiale, le Comité exécutif de l’Internationale communiste appelle tous les Partis communistes à faire encore une tentative pour établir le front unique avec les masses ouvrières social-démocrates par l’intermédiaire des partis social-démocrates.

    Le Comité exécutif de l’Internationale communiste fait cette tentative dans la ferme conviction que le front unique de la classe ouvrière contre la bourgeoisie repousserait l’offensive du Capital et du fascisme et accélérerait grandement la fin inévitable de toute l’exploitation capitaliste.

    Etant donné les conditions particulières de chaque pays et la diversité des tâches concrètes de lutte qui se posent devant la classe ouvrière dans chacun d’eux, l’accord entre les Partis communistes et les partis social-démocrates en vue d’actions déterminées contre la bourgeoisie, peut être réalisé avec le plus de succès dans le cadre de chaque pays.

    Aussi le Comité exécutif de l’Internationale communiste recommande-t-il aux partis social-démocrates adhérants à l’Internationale socialiste, l’action commune contre le fascisme et l’offensive du Capital.

    Ces pourparlers doivent avoir pour base les conditions élémentaires de la lutte commune contre l’offensive du Capital et du fascisme. Sans un programme concret d’action contre la bourgeoisie, tout accord entre les partis serait dirigé contre les intérêts de la classe ouvrière…

    Devant l’ensemble de la classe ouvrière internationale, le Comité exécutif de l’Internationale communiste formule ces propositions et appelle tous les Partis communistes, le Parti communiste d’Allemagne en premier lieu, sans attendre le résultat des pourparlers et des accords sur la lutte commune avec la social-démocratie, à procéder immédiatement à l’organisation de comités de lutte communs, tant avec les ouvriers social-démocrates qu’avec les ouvriers de toutes les autres tendances. Les communistes ont démontré par leur lutte de longues années qu’ils ont été et seront toujours aux premiers rangs de la lutte pour le front unique non en paroles mais en fait, dans les actions de classe contre la bourgeoisie.

    Le Comité exécutif de l’Internationale communiste est fermement convaincu que les ouvriers social-démocrates et sans-parti, indépendamment de l’attitude que les chefs de la social-démocratie observent à l’égard de la création du front unique, surmonteront tous les obstacles et réaliseront, en commun avec les communistes, le front unique non en paroles mais en fait. Maintenant surtout que le fascisme allemand a organisé, en vue d’écraser le mouvement ouvrier d’Allemagne, une provocation inouïe (l’incendie du Reichstag, faux relatif à l’insurrection, etc.), chaque ouvrier doit comprendre son devoir de classe dans la lutte contre l’offensive du Capital et de la réaction fasciste.

    Cet appel ne dit rien d’une lutte immédiate pour la prise du pouvoir. Cette tâche n’a été posée ni par le Parti communiste allemand, ni par l’Internationale communiste.

    Il est naturellement vrai que l’appel de l’Internationale communiste n’écarte pas la possibilité d’une insurrection armée. Le tribunal en a faussement conclu que dès l’instant où le Parti communiste se propose comme but une insurrection armée, c’est donc que cette insurrection était préparée en fait et devait immédiatement éclater. Cela est illogique, inexact, pour ne pas dire plus.

    Oui, bien entendu, lutter pour la dictature du prolétariat est la tâche des Partis communistes du monde entier. C’est notre principe, c’est notre but. Mais c’est là un programme précis, pour la réalisation duquel sont nécessaires non seulement les forces de la classe ouvrière, mais encore des autres couches de travailleurs.

    Que le Parti communiste allemand ait été pour la révolution prolétarienne, tout le monde le sait. Mais ce n’est point là la question qui doit être résolue à ce procès.

    La question est de savoir si réellement une insurrection armée avait été fixée au 27 février pour la prise du pouvoir, en liaison avec l’incendie du Reichstag.

    Qu’est-il résulté de l’instruction judiciaire, messieurs les juges ? La légende visant à faire croire que l’incendie du Reichstag était l’œuvre des communistes, s’est effondrée complètement. Je ne vais pas citer les témoignages apportés, ainsi que l’ont fait les autres défenseurs. Mais cette question peut être considérée comme entièrement élucidée pour tout homme au jugement normal.

    L’incendie du Reichstag ne se trouve en aucune liaison avec l’activité du Parti communiste, non seulement avec une insurrection, mais avec une démonstration, une grève ou tout autre action de ce genre.

    Ceci a été parfaitement prouvé par l’instruction.

    L’incendie du Reichstag – je ne parle pas des affirmations de malfaiteurs et d’anormaux, – n’a été compris par personne comme le signal de l’insurrection. Personne n’a remarqué, en liaison avec l’incendie du Reichstag, aucun acte, action ou tentative d’insurrection. Personne n’avait alors rien entendu à ce sujet. Tous les racontars sur ce point se rattachent à une période beaucoup plus récente. La classe ouvrière se trouvait alors en état de défensive contre l’attaque du fascisme.

    Le Parti communiste allemand s’efforçait d’organiser la résistance des masses, leur défensive. Mais il a été démontré que l’incendie du Reichstag a fourni le prétexte, a été le prélude d’une campagne destructrice largement conçue contre la classe ouvrière et son avant-garde, le Parti communiste. Il a été irréfutablement prouvé que les représentants responsables du gouvernement n’avaient même pas songé les 27 et 28 février que l’insurrection communiste était imminente.

    J’ai posé à ce sujet nombre de questions aux témoins cités ici. J’ai interrogé tout d’abord Heller, le fameux Karwahne (rire dans la salle), Frey, le comte Heldorf, les fonctionnaires de police.

    Malgré les différentes variantes, tous m’ont répondu qu’ils n’avaient pas entendu dire qu’une insurrection communiste dût éclater. Cela signifie que les milieux dirigeants n’avaient pris absolument aucune mesure contre la possibilité d’une telle insurrection.

    Le président. – Pourtant, le tribunal a reçu communication du chef du département occidental de la police sur ce point.

    Dimitrov. – Le chef du département occidental de la police, dans sa communication, rapporte que Goering l’avait mandé auprès de lui et lui avait donné des instructions verbales sur la lutte contre les réunions communistes, grèves, démonstrations, campagne électorale, etc. Mais, même cette communication ne dit pas que des mesures avaient été prises contre l’insurrection communiste imminente.

    Hier, l’avocat Seifert a également parlé de cela. Il a fait cette conclusion que personne dans les milieux dirigeants ne s’attendait à une insurrection à ce moment. Seifert se référait à Goebbels, indiquant que ce dernier n’avait pas tout d’abord ajouté foi à la nouvelle de l’incendie du Reichstag. En a-t-il été ainsi ? C’est là une autre question.

    A cet égard, une preuve est également fournie par le décret-loi du gouvernement allemand, en date du 28 février 1933. Ce décret fut promulgué aussitôt après l’incendie.

    Lisez-le. Que dit-il ? Il y est dit que tels ou tels articles de la constitution sont supprimés, à savoir les articles concernant la liberté d’organisation, la liberté de la presse, l’inviolabilité de la personne, l’inviolabilité du domicile, etc. C’est là le fond du décret-loi, de son deuxième paragraphe. L’offensive contre la classe ouvrière…

    Le président. – Pas contre les ouvriers, mais contre les communistes…

    Dimitrov. – Je dois dire qu’en vertu de ce décret-loi on arrêta non seulement des communistes, mais aussi des ouvriers social-démocrates et chrétiens, on interdit leurs organisations. Je voudrais souligner que ce décret-loi était dirigé non seulement contre le Parti communiste allemand, – quoique, bien entendu, avant tout, contre ce dernier, – mais aussi contre les autres partis et groupes d’opposition.

    Cette loi était nécessaire pour instaurer le régime d’exception, elle est directement, organiquement, liée à l’incendie du Reichstag.

    Le président. – Si vous continuez à attaquer le gouvernement allemand, je vous retirerai la parole.

    Dimitrov. – Dans ce procès, une question n’a pas du tout été éclaircie.

    Le président. – En parlant vous devez vous adresser aux juges, et non à la salle, autrement votre discours peut être considéré comme de la propagande.

    Dimitrov. – Une question n’a pas été éclaircie, ni par le ministère public, ni par la défense. Je ne m’étonne pas qu’ils n’aient pas jugé cela indispensable. Ils redoutent beaucoup cette question.

    C’est la question de savoir quelle était la situation politique en Allemagne en février 1933. Je dois m’arrêter sur ce point. Fin février, la situation politique était telle qu’à l’intérieur du camp du front national la lutte se livrait…

    Le président. – Vous vous engagez sur un terrain, que je vous ai déjà interdit plus d’une fois.

    Dimitrov. – Je tiens à rappeler la proposition que j’ai faite au tribunal, de citer des témoins tels que Schleicher, Brüning, Papen, Hugenberg, vice-président du Casque d’Acier, Duesterberg, etc.

    Le président. – Mais la Cour a refusé de faire comparaître ces témoins. Aussi ne devez-vous pas vous y arrêter.

    Dimitrov. – Je le sais et, de plus, j’en connais la raison.

    Le président. – Il m’est désagréable de vous interrompre sans cesse pendant votre dernière intervention, mais vous devez vous conformer à mes injonctions.

    Dimitrov. – Cette lutte intérieure dans le camp national se poursuivait en liaison avec la lutte menée dans les coulisses entre les dirigeants de l’économie allemande.

    La lutte se poursuivait entre les milieux de Thyssen et Krupp (industrie de guerre), qui ont financé des années durant le mouvement national-socialiste, et leurs concurrents qui devaient être refoulés au second plan.

    Thyssen et Krupp voulaient établir dans le pays une dictature politique, une domination absolue, sous leur direction personnelle ; à cet effet, il fallait écraser le prolétariat révolutionnaire.

    Le Parti communiste s’efforçait, dans cette période, de créer le front unique pour rassembler toutes les forces en vue de résister aux tentatives des nationaux-socialistes pour anéantir le mouvement ouvrier.

    Une partie des ouvriers social-démocrates sentaient la nécessité du front unique de la classe ouvrière.

    Ils s’en rendaient compte. Des milliers d’ouvriers social-démocrates rejoignirent les rangs du Parti communiste allemand. Mais, en février et mars, la tâche consistant à établir le front unique ne signifiait nullement l’insurrection ni sa préparation, mais seulement la mobilisation de la classe ouvrière contre la campagne spoliatrice des capitalistes et contre la violence des nationaux-socialistes.

    Le président (interrompant Dimitrov). – Vous avez toujours souligné que vous vous intéressez uniquement à la situation politique en Bulgarie ; or vos développements de tout à l’heure prouvent que vous avez manifesté un très grand intérêt pour les questions politiques d’Allemagne.

    Dimitrov. – Monsieur le Président, vous m’adressez un reproche. A cela je ne puis que vous répondre ceci : comme révolutionnaire bulgare je m’intéresse au mouvement révolutionnaire de tous les pays.

    Je m’intéresse, par exemple, aux questions politiques sud-américaines, et je les connais peut-être aussi bien que les questions allemandes, bien que n’ayant jamais été en Amérique. Au reste, cela ne veut point dire que si en Amérique du Sud, le siège de quelque Parlement vient à brûler, ce sera de ma faute. Je m’intéresse à la politique allemande, mais je ne me mêle pas des affaires politiques de l’Allemagne.

    Au cours de ces débats, j’ai appris bien des choses et, grâce à mon sens politique, j’ai vu clair dans bien des détails.

    La situation politique de cette période comportait deux facteurs essentiels : le premier, c’est l’effort des nationaux-socialistes pour accéder au pouvoir ; le deuxième – à l’opposé du premier – c’est l’activité du Parti communiste visant à créer le front unique des ouvriers contre le fascisme. A mon avis, cela s’est révélé également pendant ces débats.

    Les nationaux-socialistes avaient besoin d’une manœuvre de diversion, pour détourner l’attention des difficultés qui existaient à l’intérieur du camp national et briser le front unique des ouvriers.

    Le « gouvernement national » avait besoin d’un prétexte valable pour lancer son décret-loi du 28 février qui supprimait la liberté de la presse, l’inviolabilité de la personne, et inaugurait un système de répression policière, de camps de concentration et autres mesures de lutte contre les communistes.

    Le président (interrompant Dimitrov). – Vous voilà arrivé à l’extrême limite, vous faites des allusions !

    Dimitrov. – Je veux simplement éclairer la situation politique en Allemagne à la veille de l’incendie du Reichstag, comme je la comprends.

    Le président. – Il n’y a pas place ici pour des allusions à l’adresse du gouvernement et pour des affirmations depuis longtemps réfutées.

    Dimitrov. – La classe ouvrière devait se défendre de toutes ses forces, et c’est pour cela que le Parti communiste a tenté d’organiser le front unique, en dépit de la résistance de Wels et de Breitscheid, qui maintenant, à l’étranger, poussent des clameurs hystériques.

    Le président. – Vous devez passer à votre défense, si vous le voulez; autrement vous n’aurez pas assez de temps pour le faire.

    Dimitrov. – J’ai déjà déclaré que sur un point je suis d’accord avec l’acte d’accusation.

    Maintenant, il faut confirmer cet accord. C’est en ce qui concerne la question de savoir si Van der Lübbe a organisé l’incendie seul ou s’il avait des complices. Le représentant de l’accusation Parisius a déclaré ici que, de la réponse à la question de savoir si Van der Lübbe avait ou non des complices, dépendait le sort des accusés.

    Je réponds à cela : non, mille fois non : cette conclusion du procureur est illogique. 

    J’estime que Van der Lübbe n’a réellement pas été seul à incendier le Reichstag. L’expertise et les données ressortant de ces débats m’amènent à conclure que l’incendie dans la salle des séances du Reichstag était d’un autre genre que celui allumé dans le restaurant du rez-de-chaussée, etc.

    Le feu a été mis à la salle des séances par d’autres gens et par un autre procédé.

    L’incendie allumé par Van der Lübbe et l’incendie dans la salle des séances coïncident seulement pour le temps; pour le reste ils sont foncièrement différents. Le plus probable, c’est que Van der Lübbe a été l’instrument inconscient de ces gens, instrument dont on a abusé. Il ne dit pas toute la vérité ici.

    Maintenant encore il persiste dans son mutisme. Bien qu’il ait eu des complices, ce fait ne décide pas du sort des autres accusés. Van der Lübbe n’a pas été seul, c’est vrai, mais ceux qui étaient avec lui n’étaient ni Torgler, ni Popov, ni Tanev, ni Dimitrov.

    N’est-il pas probable que, le 26 février, Van der Lübbe a rencontré à Hoenigsdorf une personne à qui il a communiqué ses tentatives de mettre le feu à l’Hôtel de ville et au palais ?

    Que cet homme lui a dit que tous ces incendies ne sont que des jeux d’enfants, qu’une affaire sérieuse, ce serait l’incendie du Reichstag pendant les élections ?

    Et n’est-il pas probable que c’est ainsi que de l’union secrète entre la démence politique et la provocation politique a surgi l’incendie du Reichstag ?

    L’allié du côté de la démence politique est au banc des prévenus. Quant aux alliés du côté de la provocation politique, ils sont en liberté.

    Tandis que le naïf Van der Lübbe faisait ses tentatives malhabiles pour mettre le feu au restaurant, dans le corridor et au rez-de-chaussée, des inconnus se servant de ce liquide inflammable secret dont a parlé le docteur Schatz, ne perpétraient-ils pas l’incendie de la salle des séances ? 

    (Van der Liibbe se met à rire. Tout son corps est secoué d’un rire silencieux.

    L’attention de toute la salle, des juges et des prévenus se porte à ce moment sur Lùbbe.)

    Dimitrov (montrant Lübbe). – Les complices inconnus ont veillé à tous les préparatifs de l’incendie. Ce Méphistophélès a su disparaître sans laisser de traces.

    Et voilà qu’ici se trouve l’instrument stupide, le pitoyable Faust, tandis que Méphistophélès a disparu. Le plus probable, c’est qu’un pont a été jeté à Hoenigsdorf entre Van der Lübbe et les représentants de la provocation politique, les agents des ennemis de la classe ouvrière.

    Le procureur général Werner a déclaré ici que Van der Lübbe était un communiste ; il a dit ensuite que si même il n’était pas communiste, il a accompli son œuvre dans l’intérêt du Parti communiste et en liaison avec ce dernier. C’est là une affirmation fausse.

    Qui est Van der Lübbe ?

    Un communiste ? Pas du tout !

    Un anarchiste ? Non.

    C’est un ouvrier déclassé, c’est une épave rebelle de la société, une créature dont on a abusé, qu’on a utilisée contre la classe ouvrière.

    Non il n’est pas communiste. Il n’est pas anarchiste. Pas un seul communiste au monde, pas un seul anarchiste ne se comporterait devant le tribunal comme le fait Van der Lübbe.

    Les anarchistes commettent souvent des actes insensés, mais toujours devant les juges, ils revendiquent leurs responsabilités et expliquent leurs buts.

    Si un communiste avait fait quelque chose d’analogue, il ne se tairait pas devant le tribunal, alors que quatre innocents sont au banc des accusés à ses côtés.

    Non, Van der Lübbe n’est pas un communiste, ni un anarchiste, il est l’instrument dont a abusé le fascisme.

    Avec cet homme, avec ce misérable instrument dont on a abusé, que l’on a utilisé au préjudice du communisme, il ne peut y avoir rien de commun, il ne peut y avoir aucune relation entre lui et le président de la fraction communiste du Reichstag, entre lui et les communistes bulgares.

    Je dois rappeler ici que le 28 février au matin, Goering a publié un communiqué sur l’incendie. Ce communiqué annonçait que Torgler et Koenen s’étaient enfuis des locaux du Reichstag à 10 heures du soir.

    Cette nouvelle fut radiodiffusée dans tout le pays. Le communiqué disait que l’incendie avait été allumé par les communistes.

    Toutefois, on n’a pas fait d’enquête sur les agissements de Van der Lübbe à Hoenigsdorf. L’homme qui passa la nuit avec Van der Lübbe au poste de police, n’a pas été retrouvé…

    Le président (interrompant Dimitrov).  Quand avez-vous l’intention de finir vos discours ?

    Dimitrov. – Je veux parler encore une demi-heure. Je dois exposer ma façon de voir sur cette question…

    Le président. – On ne peut tout de même pas parler sans fin.

    Dimitrov. – Pendant les trois mois que dura le procès, monsieur le Président, vous m’avez, un nombre incalculable de fois, contraint au silence, en me promettant qu’à la fin du procès je pourrais parler en détail pour me défendre.

    Cette fin du procès est arrivée.

    Mais contrairement à votre promesse vous limitez de nouveau mon droit de parole.

    La question de ce qui s’est passé à Hoenigsdorf est extrêmement importante. Waschinski, qui avait passé la nuit avec Van der Lübbe, n’a pas été retrouvé. Ma proposition de le découvrir a été reconnue inutile.

    L’affirmation que Van der Lübbe s’est trouvé à Hoenigsdorf avec des communistes est un mensonge monté par le témoin national-socialiste, le coiffeur Grave.

    Si Van der Lübbe avait été à Hoenigsdorf avec des communistes, la chose aurait été depuis longtemps élucidée, monsieur le Président. Mais personne ne s’est préoccupé de découvrir Waschinski.

    Le jeune homme, qui s’était présenté au commissariat de la porte de Brandebourg pour apporter la première nouvelle de l’incendie du Reichstag, n’a pas été recherché ; il reste jusqu’à présent inconnu.

    L’instruction a sur une fausse voie. Le docteur Albrecht, député national-socialiste, qui avait quitté le Reichstag immédiatement après l’incendie, n’a pas été interrogé.

    On n’a pas cherché les incendiaires là où ils étaient, mais là où ils n’étaient pas. On les recherchait dans les rangs du Parti communiste, et on avait tort. Cela a permis aux vrais incendiaires de disparaître.

    On a donc décidé : du moment qu’on n’a pas pris et qu’on n’a pas osé prendre les vrais fauteurs de l’incendie, il faut en prendre d’autres, des « ersatz-incendiaires » pour ainsi dire, du Reichstag…

    Le président. – Je vous interdis de dire cela, et je vous donne encore dix minutes.

    Dimitrov. – J’ai le droit d’apporter et de motiver des propositions concernant le verdict. Le procureur général a traité toutes les dépositions des communistes comme indignes de foi.

    Je n’adopterai pas une position contraire. Je n’affirmerai pas, par exemple, que tous les témoins nationaux-socialistes sont des menteurs. Je pense que parmi les millions de nationaux-socialistes il se trouve aussi d’honnêtes gens…

    Le président. – Je vous interdis de pareilles remarques malveillantes.

    Dimitrov. – N’est-il pas significatif que tous les principaux témoins à charge sont des députés nationaux-socialistes, des journalistes et des partisans du national-socialisme ?

    Le député national-socialiste Karwahne n’a-t-il pas dit avoir vu Torgler en compagnie de Van der Lübbe au Reichstag ? Le député national-socialiste Frey a déclaré avoir vu Popov avec Torgler au Reichstag. Le garçon de restaurant national-socialiste Hellmer a témoigné qu’il avait vu Van der Lübbe avec Dimitrov.

    Le journaliste national-socialiste Weberstedt aurait vu Tanev avec Van der Lübbe. Est-ce un effet du hasard ? Le docteur Dröscher, qui est intervenu ici en qualité de témoin, et qui est en même temps collaborateur au Völkischer Beobachter, Zimmermann…

    Le président (interrompant Dimitrov).  Cela n’est pas démontré.

    Dimitrov. – … a affirmé que Dimitrov est l’organisateur de l’explosion à la cathédrale de Sofia, ce qui a été démenti, et qu’il m’aurait vu avec Torgler au Reichstag. Je déclare, avec une certitude à cent pour cent, que Dröscher et Zimmermann, ce n’est qu’une et même personne…

    Le président. – Je le nie, cela n’est pas prouvé.

    Dimitrov. – Le fonctionnaire de police Heller a cité ici un poème communiste pris dans un livre édité en 1925, pour démontrer que les communistes ont mis le feu au Reichstag en 1933.

    Je me permettrai également de citer des vers du plus grand poète d’Allemagne, Goethe :

    Apprends à être plus intelligent.

    L’aiguille de la grande balance

    Du bonheur reste rarement en repos ;

    Tu dois ou t’élever

    Ou descendre ;

    Tu dois dominer et gagner,

    Ou bien servir et perdre.

    Souffrir ou triompher,

    Etre l’enclume ou le marteau.

    Oui, quiconque ne veut pas être l’enclume, doit être le marteau ! Cette vérité, la classe ouvrière allemande dans son ensemble, ne l’a comprise ni en 1918, ni en 1923, ni le 20 juillet 1932, ni en janvier 1933. La faute en est aux chefs social-démocrates, aux Wels, Severing, Braun, Leipart, Grasseman. Aujourd’hui, bien entendu, les ouvriers alle­mands pourront la comprendre !

    On a beaucoup parlé ici du droit allemand et de la légalité, et je tiens à dire mon opinion à ce sujet égale­ment. Le jugement d’un tribunal se ressent toujours, incontestablement, des combinaisons politiques du moment actuel et des tendances politiques dominantes.

    Le ministre de la justice Kerl est sans aucun doute pour le tribunal, une autorité compétente. Il a exprimé son opinion dans une interview publiée dans la presse.

    La prévention du droit libéral formel, déclare-t-il, consiste à affirmer que la justice doit avoir le culte de l’objectivité. 

    Maintenant nous en sommes arrivés à la source d’éloignement entre le peuple et la justice et la faute de cet éloignement retombe toujours en fin de compte sur la justice. 

    Qu’est-ce que l’objectivité au moment où le peuple lutte pour son existence ? Le soldat combattant, l’armée combattante connaissent-ils l’objectivité ? Le soldat et l’armée ne savent qu’une chose, ne savent qu’une considération, ne connaissent qu’une seule question : Comment dois-je sauver la liberté et l’honneur ? Comment sauver la nation ?

    Ainsi, il va de soi que la justice d’un peuple qui combat dans une lutte à mort, ne peut avoir le culte d’une objectivité morte.

    Les dispositions du tribunal, du ministère public, des avocats doivent être dictées exclusivement par cette seule considération, à savoir : qu’est-ce qui importe pour la vie de la nation ? Qu’est-ce qui sauvera le peuple ?

    Ce n’est pas l’objectivité invertébrée qui signifie le marasme et, par là même, la pétrification, l’éloignement vis-à-vis du peuple, non, tous les actes, toutes les mesures prises par la collectivité dans son ensemble et par chaque individu doivent être subordonnés aux besoins immédiats du peuple, de la nation.

    Ainsi, le droit est une notion relative…

    Le président. – Cela n’a pas de rapport avec le sujet. Vous devez faire vos propositions.

    Dimitrov. – Le procureur général a proposé d’acquitter les prévenus bulgares, à défaut de preuves de culpabilité.

    Le procureur général a proposé d’acquitter les Bulgares accusés, faute de preuves.

    Mais cela ne saurait nullement me satisfaire. La question est loin d’être aussi simple.

    Cela n’écarterait pas complètement les soupçons. Au cours du procès, il a été démontré péremptoirement que nous n’avons rien de commun avec l’incendie du Reichstag et que, par conséquent, il n’y avait pas la moindre base pour justifier des soupçons contre nous. Nous, Bulgares, aussi bien que Torgler, devons être acquittés, non pas faute de preuves, mais parce que nous, communistes, n’avons rien et ne pouvions rien avoir de commun avec un acte anticommuniste.

    Je propose donc de rendre le jugement que voici :

    1. La Cour suprême reconnaît notre innocence dans l’affaire, et l’accusation injustifiée ; ceci est vrai pour nous : – pour moi, Torgler, Popov, Tanev.

    2. Déclare que Van der Lübbe a été instrument utilisé au détriment et au préjudice de la classe ouvrière.

    3. Qu’il convient de mettre en jugement les personnes coupables d’avoir porté de fausses accusations contre nous.

    4. Et de nous dédommager aux dépens de ces coupables pour le temps perdu, la santé compromise et les souffrances endurées.

    Le président. – Ce que vous nommez vos propositions, le tribunal les aura en vue au cours de la délibération sur le verdict à prendre.

    Dimitrov. – Le temps viendra où ces comptes seront réglés avec intérêts. La pleine lumière sur la question de l’incendie du Reichstag et les véritables incendiaires c’est, évidemment, le tribunal du peuple de la future dictature du prolétariat qui s’en chargera.

    Au XVIIe siècle, le fondateur de la physique scientifique Galileo Galilée, a comparu devant le sévère tribunal de l’Inquisition qui devait le condamner, comme hérétique, à la mort, il s’est écrié avec une profonde conviction et résolution :

    « Et pourtant la terre tourne ! » Et ce principe scientifique est devenu plus tard le patrimoine de toute l’humanité.

    (Le président interrompt brutalement Dimitrov, se lève, rassemble ses papiers, et s’apprête à sortir.)

    Dimitrov (continuant) Nous, communistes, pouvons aujourd’hui, proclamer avec non moins de résolution que le vieux Galilée :

    « Et pourtant elle tourne ! » La roue de l’histoire tourne, avance, vers une Europe soviétique, vers l’Union mondiale des Républiques soviétiques.

    Et cette roue, poussée par le prolétariat sous la direction de l’Internationale communiste, on ne parviendra à l’arrêter ni par des mesures d’extermination, ni par des condamnations aux travaux forcés, ni par des exécutions.

    Elle tourne et continuera à tourner jusqu’à la victoire définitive du communisme !

    (Les policiers empoignent Dimitrov et le forcent à se rasseoir sur le banc des accusés. Le président et le tribunal s’éloignent pour délibérer sur la question de savoir si Dimitrov peut continuer son discours. Après délibération, la Cour revient et annonce que la parole est définitivement retirée à Dimitrov.)

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  • Georgi Dimitrov et le procès de Leipzig en 1933

    Georgi Dimitrov s’installa à Vienne à partir de la fin janvier 1927, ville abritant la direction du Comité Central du Parti Communiste de Bulgarie (étroit). Il se rendit en 1928 en URSS, pour assister au IVe congrès du Profintern (l’Internationale Syndicale Rouge) et au VIe Congrès du Komintern, où il fut le délégué bulgare, parlant à ce titre le 6 août 1928.

    Georgi Dimitrov
    Georgi Dimitrov

    Il participa aussi à la VIIIe conférence de la Fédération balkanique, dont il devint le secrétaire politique du bureau exécutif. A l’arrière-plan, on retrouve le projet, développé dans les années 1910, de République Fédérative balkanique, devant réunir la Bulgarie, la Grèce, la Roumanie et la Serbie, avec comme perspective de s’ouvrir à l’Albanie, le Monténégro et la Turquie.

    Au début de l’année 1929, le Comité Central se déplaça à Berlin et Georgi Dimitrov le suivit, se voyant alors également responsable du Komintern pour l’Europe occidentale.

    Georgi Dimitrov commença alors un travail de titan, ayant la responsabilité de connaître l’évolution de pas moins de 25 Partis Communistes, à quoi s’ajoute la Ligue anti-impérialiste, le Secours Ouvrier, le Profintern, l’Internationale Communiste de la Jeunesse, l’Internationale Sportive Rouge, la revue de l’Internationale Communiste Inprekor.

    Georgi Dimitrov

    Il participa à l’organisation du congrès antifasciste international de 1929, du congrès paysan européen de 1930, du VIIe congrès du Secours Ouvrier ; il est membre également du Comité Mondial de Lutte contre la Guerre.

    Georgi Dimitrov mena alors une activité clandestine, dans le cadre d’une organisation stricte, mais un événement allait entièrement changer la situation.

    Marinus van der Lubbe, un jeune maçon hollandais ultra-gauchiste, se rendit en Allemagne après la nomination d’Adolf Hitler au poste de chancelier. Déçu de voir ce qui lui semblait être une incompréhensible passivité, il tenta à la fin du mois de février 1933 de fomenter des révoltes, d’incendier le bureau d’aide de Neukölln à Berlin, l’ancien château impérial, la mairie de la Neue Königstrasse, l’hôtel Imperial Palace.

    Puis, il pénétra dans le restaurant du parlement allemand, le Reichstag, utilisa ses propres habits et des linges de cuisine pour provoquer un incendie.

    Les nazis promulguèrent en réponse un décret suspendant la Constitution, interdisant la presse de gauche en Prusse, amenant des centaines d’arrestations, dont celle de Georgi Dimitrov.

    Il fut arrêté dans le restaurant Bayernhof, son passeport étant suisse et au nom de l’écrivain Rudolf Hediger, avant d’être jeté dans une cellule de la prison de Moabit, sous le numéro 8085, et dut conserver pendant cinq mois ses menottes, nuit et jour, du 4 avril au 31 août 1933.

    À l’origine, l’enquête fut menée par le commissaire de la police de Berlin, du 9 au 28 mars. Finalement, c’est la Cour du nouveau régime qui s’empara de l’affaire, ouvrant les débats le 21 septembre 1933 à Leipzig.

    Initialement, la radio diffusa les premières audiences de la cour, mais cela fut rapidement interrompu après les premières déclarations et réponses aux questions de Georgi Dimitrov, soit au bout de deux jours.

    Le discours tenu le 23 septembre eut pourtant un retentissement historique, étant relayé par l’opinion antifasciste internationale, dans une situation d’une grande complexité.

    Georgi Dimitrov tenant tête aux nazis lors du procès de Leipzig de 1934

    L’affaire avait tout de suite eu une dimension retentissante, les nazis prétendant que l’incendie du Reichstag relevait d’un complot communiste pour appeler au soulèvement, tandis que l’opinion antifasciste diffusait en Europe un Livre Brun sur l´incendie du Reichstag et la terreur hitlérienne.

    Pour cette raison furent présents 42 correspondants de presse allemands et 82 correspondants de presse étrangers. Aucun correspondant des presses communistes, socialistes ou de gauche ne furent cependant acceptés, à part de la presse soviétique lors de la seconde partie du procès, après une mesure de rétorsion contre la presse allemande en URSS.

    Le procès commença tout de suite, du côté nazi, avec la dénonciation du livre brun, mais comme Georgi Dimitrov maintint une ligne antifasciste et dénonçait le régime, il y avait une tribune pour un discours faisant tourner l’ensemble au fiasco.

    Le procès se déroula alors sans que Georgi Dimitrov ni les autres accusés bulgares n’aient accès aux documents, Georgi Dimitrov se faisant de manière régulière expulser du prétoire, comme les 6 et 11 octobre, alors que le procès fut temporairement continué à Berlin, avant de revenir un mois après à Berlin, Georgi Dimitrov étant placé dans une cage.

    L’enquête du tribunal occupa pas moins de 51 séances au procès, mais les faux témoignages nazis étaient tellement mal ficelés, les contradictions des faux témoins si mises en évident par Georgi Dimitrov, que l’ensemble tourna au fiasco.

    Timbre tchécoslovaque de 1949 célébrant Georgi Dimitrov à Leipzig

    Le procès fut littéralement retourné par Georgi Dimitrov, au point que lors de sa plaidoirie, à la 56e séance, le président l’interrompit pas moins de trente fois.

    Le 23 décembre, ce fut par conséquent l’acquittement, dans un contexte de tension extrême. Georgi Dimitrov fut toutefois immédiatement arrêté alors qu’il voulait tenir un discours en réaction au verdict où il était affirmé que le Parti Communiste d’Allemagne serait responsable de l’incendie du Reichstag.

    La situation sembla d’autant plus bloquée que le gouvernement bulgare ne reconnut pas la nationalité bulgare de Georgi Dimitrov. Le problème ne fut résolu qu’avec l’obtention par Georgi Dimitrov, le 15 février 1934, de la nationalité soviétique. Les nazis l’expulsèrent de ce fait en secret vers l’URSS, le 27 février.

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  • Georgi Dimitrov et le bilan de 1923

    L’écrasement de 1923 provoqua une véritable onde de choc dans l’esprit de Georgi Dimitrov, surtout que la situation en Bulgarie n’était pas marquée par une amélioration.

    Par la suite, le Parti Communiste de Bulgarie (étroit) tenta en effet de prolonger le mouvement, en coopération avec les agrariens et des généraux de gauche.

    L’apogée de cela consista, le 16 avril 1925, en la décision d’une partie de la direction de mener l’attaque à l’explosif de la cathédrale Sveta Nedelia devant accueillir la cour du roi lors des obsèques du général Konstantin Georgiev, exécuté par les communistes quelques jours auparavant pour son rôle dans la ligue militaire.

    L’attaque à l’explosif de la cathédrale Sveta Nedelia

    De nombreux généraux furent tués et il s’ensuivit une loi martiale, avec le meurtre de 450 personnes de manière para-légale par la ligue militaire, le gouvernement arrêtant pas moins de 10500 personnes rien que dans la ville de Varna, plus de 13000 à Plovdiv, etc.

    Cette série d’échecs nécessitait une véritable réflexion sur ce qui avait échoué, sur l’erreur dans l’analyse des forces sociales en présence.

    En 1925, dans La leçon bulgare, Georgi Dimitrov remarque ainsi :

    « En même temps que la Chine et le Maroc, le petit pays qu’est la Bulgarie continue à être au centre de l’attention internationale. Et cela n’est évidemment pas un effet du hasard.

    Le grand attentat de la cathédrale de Sofia et la terreur qui ensanglanta par la suite le pays eurent un double écho à l’étranger.

    Tandis que les gouvernements réactionnaires européens, conservateurs britanniques en tête, utilisaient largement l’attentat perpétré à la cathédrale de Sofia pour renforcer leur campagne contre l’URSS et le soi-disant danger bolchevique, les ouvriers et les paysans révolutionnaires de tous les pays protestaient énergiquement contre le régime tyrannique des bourreaux de Sofia et prenaient la défense du peuple bulgare travailleur (…).

    La particularité la plus caractéristique de la terreur bulgare consiste avant tout dans le massacre planifié et organisé de l’avant-garde de la classe ouvrière et des masses paysannes, de leur intelligentsia, de leurs éléments les plus conscients et les plus actifs.

    Il ne s’agit plus ici de priver les masses populaires de leurs droits et libertés politiques élémentaires ; il ne s’agit pas de créer des difficultés et des obstacles au développement de l’activité et de la lutte des organisations ouvrières et paysannes.

    Ici, nous avons déjà non pas de simples actes de violence et de répression contre le mouvement ouvrier et paysan dans le pays – ce qui ne serait pas encore si terrible.

    Non, en Bulgarie, tout l’appareil d’État – police, gendarmerie, armée, justice, parlement et milice armée, constituée par des tueurs triés sur le volet – est mis en branle pour décapiter et saigner la classe ouvrière et les masses paysannes, afin de les rendre ainsi incapables, sinon définitivement du moins pour longtemps, de lutter pour le renversement de la dictature bourgeoise et l’établissement de leur propre pouvoir.

    La bourgeoise bulgare armée mène une guerre organisée et méthodique (en utilisant à cette fin tous les moyens dont dispose l’État) contre le peuple travailleur privé d’armes.

    Les forces de la contre-révolution se sont déchaînées alors qu’il n’y a pas encore dans le pays de vraie révolution ouvrière et paysanne.

    Et dans cette guerre de la bourgeoisie contre le peuple, engagée depuis le coup d’État du 9 juin 1923, sont tombés jusqu’à ce jour plus de 20 000 ouvriers, paysans et intellectuels – l’élite du peuple bulgare.

    L’immense majorité de ces victimes de la sanglante terreur blanche ne sont point tombées dans les combats ouverts de la guerre civile, mais furent sauvagement, lâchement assassinées dans les prisons, dans leurs propres maisons, dans la rue ou lors de soi-disant tentatives d’évasion, après leur attestation par le pouvoir « légal ».

    C’est selon un plan soigneusement établi et détaillé que l’intelligentsia travailleuse du pays est anéantie – le meilleur, le plus pur et le plus désintéressé que le peuple est parvenu à élever, à éduquer et à rehausser aux premiers rangs durant les quarante années de son existence indépendante (…).

    Lors des élections parlementaires du 22 avril 1923 (un mois et demi avant le coup d’État), les deux partis populaires de masse obtinrent 777 000 voix (l’union agrarienne – 577 000, et le Parti Communiste – 220 000), tandis que les partis bourgeois ensemble, y compris les sociaux-démocrates, n’obtenaient que 270 000 suffrages. »

    C’était une terrible leçon : les communistes avaient été pris de court. Malgré un véritable succès dans les masses, la réaction avait su conserver l’initiative, procéder à la destruction des secteurs les plus avancés.

    Il y avait ici à comprendre ce phénomène, mais Georgi Dimitrov se retrouva encore plus en première ligne avec l’affaire de l’incendie du Reichstag en Allemagne.

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  • Georgi Dimitrov et l’année 1923

    Un événement essentiel vint modifier la situation en Bulgarie en 1921. La victoire de l’Armée rouge dans la guerre civile russe amena les troupes du général Wrangel à se réfugier en Bulgarie.

    La présence d’environ 36 000 soldats de l’armée blanche polarisait grandement la situation, faisant planer la menace d’un coup d’État.

    Les communistes appuyèrent alors le gouvernement agrarien (« Union nationale agraire bulgare ») et socialiste, malgré sa répression menée jusque-là sous l’égide du premier ministre agrarien Alexandre Stamboliyski.

    Un facteur important fut l’attaque très violente de militants du bloc constitutionnel, unissant le centre et la droite, par les forces paramilitaires agrariennes, surnommée la Garde Orange, le 17 septembre 1922 à la gare de Dolni Dubik.

    Auparavant, la Garde Orange avait participé à la répression des grèves de 1919 et la question était donc de savoir comment organiser une démarche permettant un front anti-réactionnaire.

    Georgi Dimitrov publia de nombreux articles au sujet du front unique, seul capable justement de faire face à la réaction et à la tendance au coup d’État ; parallèlement, le Parti s’organisa de manière clandestine sur le plan militaire.

    Georgi Dimitrov

    Le tempo fut cependant trop rapide et un coup d’État eut lieu le 9 juin 1923, portée par la bourgeoisie urbaine, portée par une structure clandestine ultra-nationaliste fondée par des officiers de réserve (la ligue militaire), appuyant la bourgeoisie urbaine, soutenue par l’Italie de Mussolini.

    A cela s’ajoute le soutien de l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne, interdite par Alexandre Stamboliyski dans le cadre des accords internationaux amenant la perte de nombreux territoires considérés comme bulgares.

    Dans le prolongement du coup d’État, Alexandre Stamboliyski se vit massacrer, avec notamment sa main, ayant signé l’interdiction de l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne, coupée.

    Les forces du coup d’État n’étaient représentés que par 30 députés sur 245 et visaient à décapiter l’Union agrarienne, ce qui fut sur ce point une réussite.

    Le Parti Communiste de Bulgarie se retrouva de ce fait dans une situation compliquée et considéra qu’un gouvernement réactionnaire en chassait simplement un autre, ce que l’Internationale Communiste désapprouva comme positionnement.

    En fait, les communistes de Bulgarie avaient sous-estimé la question agraire. 80 % de la population bulgare était paysanne, avant tout des petits propriétaires. L’industrie et l’artisanat ne rassemblait que 15 % de la population.

    S’ils considéraient que les agrariens représentaient les paysans riches, ce qui était juste, ils n’avaient pas pour autant réussi à produire un décrochage dans la paysannerie pauvre.

    A cela s’ajoutaient les difficultés sociales provoquées par l’afflux de réfugiés, 500 000 personnes provenant de la Thrace, de la Macédoine, de la Dobroudja.

    Georgi Dimitrov publia alors toute une série d’articles sur le front uni et sa nécessité, mais il était trop tard, l’espace était ouvert pour une répression générale et le Parti affronta le 12 septembre 1923 une vague de répression massive, 2000 de ses militants étant emprisonnés, alors que les syndicats et les clubs ouvriers étaient fermés.

    La grève générale de protestation lancée par l’ORSS échoua et finalement l’insurrection fut programmée pour le 23 septembre 1923, pour tenter de faire face.

    Le Parti Communiste de Bulgarie (étroit) disposant alors d’autour de 40 000 militants lançant l’initiative du soulèvement dans un pays de cinq millions d’habitants.

    Le département de Vratza, notamment, devint un bastion du soulèvement ; c’est de là que partit une « proclamation au peuple laborieux du département de Vratza pour participer à l’insurrection antifasciste populaire contre la bourgeoisie sanguinaire ».

    Le mouvement fut également fort dans la région de Lom, cependant, cela vint trop tard dans la séquence politique et l’échec coûta cher : 5 000 communistes et agrariens furent massacrés, 15 000 emprisonnés, à quoi s’ajoutent des viols, des destructions.

    Les forces insurrectionnelles n’avaient pu se maintenir qu’à Vratza, organisant nécessairement un repli stratégique en direction de la frontière yougoslave.

    Georgi Dimitrov se réfugia de son côté à Moscou, où il passa deux années, rejoignant dès juillet 1924 le comité exécutif de l’Internationale Communiste.

    Il fut condamné en Bulgarie à 15 ans de prison pour l’insurrection, puis à la peine de mort pour l’organisation d’un comité révolutionnaire à l’étranger. Un troisième jugement le condamna à 20 ans de prison.

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  • Georgi Dimitrov comme cadre communiste

    L’irruption des guerres balkaniques à partir de 1912 – la Bulgarie, la Grèce, la Serbie contre l’empire ottoman, puis la Bulgarie contre la Grèce et la Serbie – désorganisa relativement le Parti, même si en 1913 il obtint 18 députés (contre un seul auparavant), dont Georgi Dimitrov.

    Le Parti mena ensuite campagne en faveur de la cessation de la Première Guerre mondiale, Georgi Dimitrov étant arrêté pour cette raison à de nombreuses reprises de manière brève, la polarisation se produisant d’autant plus qu’à partir de septembre 1915, la monarchie bulgare fit entrer le pays dans la guerre, du côté de l’Allemagne.

    Finalement, Georgi Dimitrov fut condamné à trois ans de prison, qu’il commença en août 1918, pour s’être rebellé en août 1917 contre un officier chassant un blessé de la première classe d’un train. L’accusation officielle fut « l’incitation des militaires à la désobéissance et à l’indiscipline en temps de guerre ».

    L’effondrement du régime dans les mois qui suivirent amenèrent sa libération dès le mois de décembre, alors que le pays était passé proche d’une insurrection populaire avec les soldats à leur tête, seule la capitulation restaurant la situation, la monarchie réussissant coûte que coûte à se maintenir.

    Et en mai 1919, le Parti Ouvrier Social-démocrate (étroit) devint le Parti Communiste bulgare (étroit), reconnaissant les 21 conditions pour adhérer à l’Internationale Communiste.

    Georgi Dimitrov
    Georgi Dimitrov

    Georgi Dimitrov fit partie du Comité Central, devenant un tribun fameux dans le pays, un agitateur hors pair dans un climat général de tension : il y eut 135 grèves en 1919, impliquant 80 000 travailleurs.

    Le 24 décembre 1919, Georgi Dimitrov était ainsi à la tête d’une vaste manifestation populaire, dont les revendications furent :

    « Pain, charbon, logement et vêtements pour les masses populaires ; rétablissement des libertés politiques ; cessation de toute distribution de vivres aux contre-révolutionnaire russes. »

    Une grève générale se produisit également du 29 décembre au 3 janvier 1920.

    Alors que le Parti disposait désormais d’une base de 22 000 personnes, les élections d’août 1919 lui accordèrent même 18 % des voix, soit 47 députés, étant uniquement devancés par les agrariens. Aux élections de mars 1920, le Parti obtint 20 % des voix et 51 députés, mais neuf furent mise de côté par le régime afin de maintenir une stabilité gouvernementale.

    De la même manière, 65 conseils municipaux devenus communistes furent annulés.

    Georgi Dimitrov fut lui-même poursuivi par la justice, ainsi que tout le Comité Central, sur acte d’accusation du procureur au tribunal militaire de Sofia, réclamant sa condamnation à mort pour activité subversive aux termes des articles 113, 114, 144 et 172 du code pénal.

    La raison en fut le document du 15 décembre 1919 intitulé « Appel à la classe ouvrière de Bulgarie pour l’organisation d’actions de protestation contre le soutien du gouvernement bulgare aux armées contre-révolutionnaires des gardes blancs ».

    En novembre 1920, Georgi Dimitrov fut traduit en justice aux termes des articles 138, 154, 173 et 248 du code pénal, prévoyant l’emprisonnement à vie, en raison de son discours du 7 novembre 1920 dans le quartier juif de Sofia, intitulé « En l’honneur et pour la défense de la Russie fraternelle ».

    Georgi Dimitrov et sa compagne
    Georgi Dimitrov et sa compagne

    Cependant, le Parti se développait et Georgi Dimitrov partit en Russie pour le IIIe congrès de l’Internationale Communiste en 1921, rencontrant Lénine, et des visites en Allemagne, ainsi qu’en Autriche et en Italie, deux pays où il est présent lors des congrès fondateurs des Partis Communistes.

    Il y avait déjà été envoyé en 1920, mais s’était fait arrêter sur la côte de la Roumanie où son embarcation avait été poussée par une tempête.

    Georgi Dimitrov rejoignit ensuite le bureau exécutif de l’Internationale Syndicale Rouge, à la fin de l’année 1921, se voyant attribuer comme responsabilité la supervision de la zone balkanique. Il participa également aux travaux du IVe congrès de l’Internationale Communiste.

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  • Georgi Dimitrov et le syndicalisme

    Georgi Dimitrov est né le 18 juin 1882, dans le village de Kovatchevtsi près de Pernik, une région minière non loin de Sofia. Il est né dans les champs, sa mère servant d’aide aux champs, avant de devenir servante, tandis que son père parvint par la suite à s’installer comme artisan de chapeaux à Sofia.

    Ses parents provenaient tous deux de la région de Krésna-Razlog, marquée à la fin du XIXe siècle par un soulèvement bulgare anti-ottoman, dans le cadre du refus de la Macédoine bulgare de rester dans le giron ottoman.

    La Bulgarie
    La Bulgarie, toute proche de la Turquie actuelle

    Elle s’était convertie à l’évangélisme, dans un pays dominé par le christianisme orthodoxe, mais à dix ans Georgi Dimitrov fut exclu des cours du dimanche et publia très jeune une revue anti-cléricale, Kukurigoo (Cocorico), qui n’eut cependant que deux numéros.

    Georgi Dimitrov était le plus vieux de ses huit frères et sœurs, mais il ne reprit pas le métier de son père comme c’était souvent le cas ; il devint ouvrier-typographe, activité consistant à placer les lettres sur l’imprimerie conformément aux manuscrits.

    Cela présupposait de savoir lire et les ouvriers-typographes appartiennent historiquement à la fraction la plus consciente du prolétariat. À ce titre, le Parti Ouvrier Social-Démocrate bulgare, qui avait été créé le deux août 1891, a généré son premier syndicat en novembre 1894 justement dans cette fraction, comme Centrale ouvrière des imprimeurs.

    Georgi Dimitrov participa à la première grève de celle-ci,en février 1895, comme représentant des apprentis dans le comité de grève. Si la grève impliquant 200 ouvriers dans 13 imprimeries échoua, une nouvelle vague de grèves eut lieu durant les années 1899 et 1900, après réorganisation du syndicat comme Société ouvrière des imprimeurs.

    Une anecdote consiste en ce que Georgi Dimitrov était le seul à parvenir à déchiffrer l’écriture d’un ministre, Radoslavov. Or, celui-ci insultait les ouvriers manifestant le 1er mai dans un article en 1898, ce qui fit que Georgi Dimitrov refusa d’établir le texte pour l’imprimerie, le responsable de celui-ci se voyant obliger de céder, car ne trouvant personne d’autres. Radoslavov lui rappellera l’épisode plus tard au parlement, lorsque Georgi Dimitrov deviendra député lui aussi.

    La Bulgarie en Europe

    Georgi Dimitrov en devint le responsable en 1901, devenant une figure de l’agitation, alors qu’à l’arrière-plan se développait le Parti Ouvrier Social-Démocrate, sous l’égide de Dimitar Blagoev, dont deux écrits fameux alors étaient notamment « Nos apôtres » et « Pour Christo Botev ».

    Figure historique du socialisme à ses débuts, il avait même fondé le premier groupe social-démocrate en Russie, lors d’un séjour universitaire à Saint-Pétersbourg en 1883-1884, avant de se faire expulser, ayant étudié le premier tome du Capital (qu’il traduisit en bulgare), des œuvres de Ferdinand Lassalle, la brochure de Georgi Plekhanov « Le socialisme et la lutte politique ».

    Dimitar Blagoev publia la première brochure social-démocrate : « Qu’est-ce que le socialisme et trouve-t-il un terrain propice chez nous ? » et participa à toutes les revues et journaux sociaux-démocrates, devenant pendant 22 ans le rédacteur de l’organe théorique du Parti, Nové Vrémé.

    Georgi Dimitrov rejoignit alors ce parti en 1902, qui connut justement en 1903 une scission, Dimitar Blagoev maintenant le cap marxiste, dans la lignée de Karl Kautsky, face à une interprétation ouverte, dans un esprit de compromis, etc., d’où l’opposition entre les « étroits », partisans d’une ligne stricte dite « étroite » (tesniatzi),  et les « larges », partisans d’une politique d’ouverture dite « large » (chiroki).

    Dimitar Blagoev

    Georgi Dimitrov se situait dans le camp des « étroits », dans la section de Sofia qui a alors 53 membres, lui-même devenant par la suite son délégué, participant à ce titre en 1904 aux travaux du XIe congrès du Parti, tout comme au suivant, jusqu’en 1909 où le XVIe congrès le nomme au Comité Central.

    Il participa également aux congrès de l’Union Générale Syndicale Ouvrière, dans une situation marquée par une classe ouvrière encore très faible ; il n’y avait en Bulgarie en 1901 que 200 usines, dont plus de la moitié avait moins de vingt ouvriers.

    Il y avait par conséquent une lente montée en puissance et Georgi Dimitrov s’inséra dans ce processus, devenant progressivement une figure de la classe ouvrière s’affirmant historiquement.

    Son premier article dans le journal du Parti, le Rabotnicheski Vestnik (Le journal des ouvriers), traitait d’ailleurs en juin 1903 de « l’opportunisme dans les syndicats ».

    Il devint par la suite un permanent du Parti Ouvriers Social-Démocrate (étroit) de Dimitar Blagoev, qui regroupait ainsi 1200 activistes, avec un tiers d’ouvriers, ainsi que le responsable de l’Union Générale des Syndicats (ORSS) lié au Parti.

    Il y eut alors des grèves marquantes, comme celle des mineurs de Pernik, en 1906, qui dura 35 jours et fut dirigé par Georgi Dimitrov, qui fut alors ramené à Sofia escorté par la police. La grève se répéta à de nombreuses reprises, Georgi Dimitrov étant à chaque fois en première ligne), celle des ouvriers du textile de Slivène en 1908, celle en 1909 des ouvriers de la fabrique d’allumettes de Kostenetz, qui dura trois mois, celle en 1910 des mineurs de Plakalnitza et des ouvriers du tabac à Plovdiv, celle en 1913 des typographes à Sofia.

    Le jeune Georgi Dimitrov

    En 1912, l’ORSS avait 8500 adhérents ; le Parti avait de son côté 2900 adhérents et les « larges » pareillement et Georgi Dimitrov devint dans ce cadre une figure majeure du mouvement ouvrier.

    Du 10 juillet au 10 août 1912, il purgea même une peine d’un mois de prison pour « offense » au socialiste de droite Moutafov, qualifié de falsificateur et d’indicateur de la police.

    Et il devint alors député, en novembre 1913, à l’âge de 31 ans, dans les départements de Vratza et Tirnovo, et secrétaire du groupe parlementaire social-démocrate.

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  • Georgi Dimitrov, une grande figure historique

    Georgi Dimitrov
    Georgi Dimitrov

    Georgi Dimitrov a été l’une des personnalités les plus connues mondialement durant les années 1930, marquant de son sceau l’histoire des années 1940 et 1950. Il est impossible de s’intéresser à l’Histoire du monde sans lui accorder une place extrêmement importante.

    Les raisons pour cela sont multiples : tout d’abord, il fut la victime d’un procès retentissant en Allemagne nazie en 1933, attirant une attention très approfondie de la presse mondiale et de l’opinion démocratique mondiale.

    Georgi Dimitrov renversa en effet le procès, passant d’accusé à accusateur et dénonçant le nouveau régime hitlérien et le fascisme en général.

    Sa victoire obtenue à cette occasion en fit une figure de proue de la lutte contre le fascisme et, effectivement, il devint même le grand théoricien de l’antifascisme comme Front populaire, ce qui le propulsa à la tête de l’Internationale Communiste.

    C’est cette conception qui fut au cœur des Fronts populaires en France et en Espagne, et qui fut systématiquement assumée par la suite par les communistes durant la Seconde Guerre mondiale impérialiste.

    C’est très précisément ce qu’on appelle l’antifascisme, conception donc définie par Georgi Dimitrov et accusée par l’ultra-gauche, anarchiste et trotskyste, de soumission contre-révolutionnaire à la bourgeoisie, de par la mise en avant de la démocratie.

    L’antifascisme souligne, en effet, que le fascisme est une tendance à laquelle s’oppose la démocratie comme contre-tendance, et non pas la « révolution ».

    Cette approche, Georgi Dimitrov la doit à sa propre expérience dans son pays, la Bulgarie connaissant dans les années 1920 un régime réactionnaire ayant été renversé par un coup d’État militaire, ce qui a alors totalement débordé les communistes qui sont restés initialement passifs.

    Le prix de cette passivité fut celui du sang et cette leçon retenue ; Georgi Dimitrov théorisa alors la démarche selon laquelle le fascisme doit être considéré comme ennemi principal.

    Le Front unique est alors le vecteur de cette bataille pour la démocratie qui ne peut – dans le cadre de la crise générale du capitalisme, de la tendance à la guerre impérialiste, de l’effondrement du capitalisme monopoliste – que nécessairement aboutir à un nouveau type de régime, la démocratie populaire.

    C’est cette ligne qui fut adoptée, après 1945, dans les pays de l’Est européen, aboutissant à la formation des démocraties populaires.

    L’importance historique de Georgi Dimitrov est donc plus que significative : elle reflète la synthèse effectuée par le mouvement communiste après la première vague, celle des années 1920, consistant en la ligne du Front populaire des années 1930 et 1940, ligne se prolongeant jusqu’à la mise en place d’une nouvelle forme de régime, la démocratie populaire.

    Cependant, en raison de cette substance politique et idéologique, la figure de Georgi Dimitrov ne peut être comprise que par les communistes.

    En effet, il y a du côté de la bourgeoisie la négation de la richesse historique du communisme, accolé au souci d’accabler celui-ci de manière unilatérale sous le vocable de « stalinisme ».

    Le parcours historique de Georgi Dimitrov – tout comme notamment celui du Parti Communiste de Grèce et de l’Armée Démocratique de Grèce après 1945 – montre l’ineptie de la conception bourgeoisie, de par sa réalité historique et sa profonde signification.

    Il y a également eu, du côté des faux communistes, les révisionnistes qui ont suivi Nikita Khrouchtchev à la mort de Staline, un travail patient d’effacement des enseignements de Georgi Dimitrov sur le Front populaire et de la démocratie populaire.

    Les démocraties populaires de l’Est européen devinrent, miraculeusement et sans raison concrète, des pays « socialistes » ; le Front populaire devint un concept altéré, servant uniquement le principe de « programme commun ».

    Enfin, il est nécessaire de souligner la tentative générale de l’ultra-gauche anarchiste de récupérer le terme d’antifascisme pour une démarche « révolutionnaire » à prétention « anticapitaliste » qui est précisément à l’opposé de la conception réelle et historique de l’antifascisme.

    Le rétablissement de la figure historique de Georgi Dimitrov est par conséquent d’une haute signification.

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  • Statuts du Parti

    1.
    IDENTITÉ DU PARTI

    1.1 Le Parti est l’organisation d’avant-garde de la classe ouvrière, de type léniniste, composé d’activistes faisant de la lutte pour le communisme leur identité et leur activité principales.

    1.2 Le Parti a comme but le communisme, société sans classes ni État, avec comme étape intermédiaire le socialisme, c’est-à-dire la dictature du prolétariat.

    1.3 Le Parti a comme idéologie le matérialisme dialectique, formulé par Karl Marx, Friedrich Engels, Lénine, Staline, Mao Zedong.

    1.4 Le Parti se revendique de la Russie révolutionnaire et de l’URSS (1917-1953), de la Chine populaire (1949-1976), ainsi que des pays de l’Est européens de régime de démocratie populaire (1945-1953).

    1.5 Le Parti considère que nous en sommes à la troisième étape historique de l’idéologie : le maoïsme, qui suit le léninisme et le marxisme.

    1.6 Le Parti valorise les enseignements du Péruvien Gonzalo, du Bangladeshi Siraj Sikder, du Turc Ibrahim Kaypakkaya, de l’Afghan Akram Yari, qui ont lutté sous la bannière de Mao Zedong et apporté des contributions à la troisième étape, notamment dans la compréhension du principe de la Pensée-Guide, application dans les conditions nationales concrètes de l’idéologie internationale de la classe ouvrière mondiale.

    2.
    INTÉGRER LE PARTI

    2.1 Pour pouvoir être membre du Parti, il faut être âgé de plus de seize ans et résider en France.

    2.2 La personne désireuse de rejoindre le Parti doit en faire, avec l’appui de deux personnes déjà membres, une demande motivée à la direction du Parti, indiquant le parcours politique et social personnel.

    2.3 Dans le cas d’une réponse positive, la personne candidate à l’adhésion au Parti est alors stagiaire pendant huit mois, n’ayant pas le droit de décision ni de vote dans le Parti, ni de responsabilités de direction, mais pour autant les mêmes devoirs que les membres.

    2.4 Le Comité central valide, ou non, la période de stage, de manière motivée.

    2.5 Le Parti n’accepte pas d’intégrer d’autres organisations ; il n’accepte que les demandes individuelles.

    3.
    LA VIE DÉMOCRATIQUE AU SEIN DU PARTI

    3.1 Toute personne membre du Parti a le droit de participer aux débats concernant la ligne du Parti, sa stratégie, sa tactique, sa presse, ses organismes générés.

    3.2 Toute personne membre du Parti a le droit d’exprimer librement ses opinions dans les débats internes au Parti, ainsi que celui de proposer des débats au sein du Parti, à tous les niveaux.

    3.3 Toute personne membre du Parti, en plus d’être électrice, a le droit d’être élue aux postes hiérarchiques du Parti.

    3.4 Toute personne membre du Parti a le droit, en cas de conflit avec le Parti, d’exprimer son point de vue par écrit aux instances dirigeantes, ainsi qu’au congrès du Parti, ainsi que d’en appeler à ces instances en cas de souci local dans le fonctionnement du Parti.

    3.5 Toute personne membre du Parti a le droit de critiquer tout autre membre du Parti, y compris les membres de la direction.

    3.6 Toute personne membre du Parti a le droit de démissionner de celui-ci. Le Parti se réserve toutefois le droit de juger les renégats et les traîtres.

    4.
    LES EXIGENCES DU PARTI

    4.1 Toute personne membre du Parti a le devoir de préserver les secrets de celui-ci, notamment face à la répression policière, militaire ou fasciste.

    4.2 Toute personne membre du Parti doit toujours se comporter en adéquation avec les décisions de la direction de celui-ci.

    4.3 Toute personne membre du Parti doit, s’il s’exprime en public, affirmer son plein-accord avec la ligne du Parti, réservant ses critiques uniquement au débat interne à celui-ci.

    4.4 Toute personne membre du Parti doit organiser sa vie sociale et personnelle selon les intérêts du Parti.

    4.5 Toute personne membre du Parti doit chercher à constamment s’améliorer et être toujours digne de la morale, de l’idéologie de celui-ci.

    4.6 Le Parti n’autorise pas l’organisation de fractions en son sein.

    5.
    LES ACTIVITÉS AU SEIN DU PARTI

    5.1 Toute personne membre du Parti doit faire partie d’un organisme généré par celui-ci. Le choix de l’organisme appartient à la direction du Parti.

    5.2 Toute personne membre du Parti doit chercher à générer un organisme du Parti sur le lieu de travail, ou le territoire.

    5.3 Toute personne membre du Parti doit s’engager en priorité dans l’organisme sur le lieu de travail, par rapport à l’organisme territorial.

    5.4 Toute personne membre du Parti ne se comportant pas de manière conforme aux exigences de celui-ci reçoit un avertissement de la part du Comité Central, allant de la perte des responsabilités dans la hiérarchie, la perte des droits de vote, jusqu’à enfin l’exclusion. Dans ce dernier cas, le congrès avalise ou infirme la décision.

    6.
    LA HIÉRARCHIE DU PARTI

    6.1 L’unité de base est la cellule, rassemblant entre 3 et 7 personnes. Si la cellule croit numériquement, elle doit se diviser en deux.

    6.2 Les cellules sont coordonnées par le Comité du Parti au niveau local. La dimension de la zone gérée par le Comité du Parti est fixé par le Comité Central.

    6.3 Lors des congrès, les délégués des Comités du Parti élisent un Comité Central, chargé d’appliquer les décisions prises lors du congrès où celui-ci a été élu.

    6.3 Au sein du Comité Central, un Bureau Politique élu par celui-ci au sein de ses membres a comme tâche de gérer la vie du Parti entre les congrès.

    6.4 Le Parti est régi par le centralisme démocratique, avec par conséquent l’ordre de subordination suivant : les membres à l’organisation, les instances inférieures aux instances supérieures, la minorité à la majorité, l’ensemble de l’organisation au comité central et le comité central au congrès.

    7.
    LES CONGRÈS DU PARTI

    7.1 Les congrès du Parti se tiennent tous les trois ans, et ne peuvent pas être reportés de plus de six mois, sans quoi les Comités du Parti l’organisent en assumant entre-temps les responsabilités du Comité Central.

    7.2 Pour être reconnu comme tel, le congrès doit représenter au moins 2/3 des membres du Parti.

    7.3 Un congrès extraordinaire peut avoir lieu suite à la demande de 2/3 des membres ou bien du 2/3 des Comités du Parti.

    7.4 Le Comité central décide du degré de proportionnalité et organise le rassemblement des délégués pour le congrès.

    7.5 Les élections lors du congrès ont lieu à bulletin secret, les candidatures sont individuelles et toute personne membre du Parti peut proposer sa candidature.

    7.6 A chaque congrès, le Comité Central récupère les rapports des organismes générés et présente ses conclusions à ce sujet.

    7.7 Entre deux congrès, le Comité Central peut organiser des conférences du Parti, qui n’ont pas de pouvoir de décision.

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  • Le matérialisme dialectique et le rapport entre relatif et absolu, particulier et universel

    La conception matérialiste dialectique refuse d’isoler des éléments, de les séparer les uns des autres. L’Univers est un ensemble unifié, une seule unité qu’il est impossible de diviser.

    Toutefois, la nature de cet ensemble unifié est en mouvement et sa nature est dialectique. Pour cette raison, ce qui existe en particulier n’est pas isolé, mais relève d’un aspect relatif du général qui, lui, est absolu.

    Et, en même temps, ce qui existe en particulier relève d’un aspect général qui, lui-même, est une expression du particulier.

    C’est un point difficile à saisir, car il faut saisir le particulier dans le général et le général dans le particulier.

    Pour saisir cela correctement, il faut porter son attention sur ce qui est particulier et que l’on peut retrouver dans son environnement. Un objet en particulier semble bien avoir une existence propre, un réveil-matin sur une commode par exemple.

    Toutefois, ni le réveil-matin ni la commode n’existent de manière indépendante du reste de l’espace et du temps. Le réveil-matin est par exemple lié au temps, dont il reflète le mouvement en donnant l’heure, tout comme la commode utilise un espace bien déterminé dans une pièce.

    Cela signifie que la moindre chose dispose de caractéristiques la reliant au reste de son environnement. Si l’on pousse plus loin l’analyse des caractéristiques, on peut s’apercevoir qu’à différents niveaux, chaque chose relève d’un universel.

    Le réveil-matin relève de tous les réveils-matins, tout comme du temps qui passe (pris comme aspect universel) ; il consomme de l’énergie, par exemple avec des piles ou de l’électricité, ce qui le relie à d’autres particuliers – une prise électrique, une pile – et d’autres universels – l’électricité.

    En tant qu’objet fabriqué, il relève des autres objets fabriqués ; en tant que marchandise, il se relie aux autres marchandises, donc au mode de production capitaliste, etc.

    Le processus est sans fin. L’Univers est traversé de part en part, ou plutôt composé, d’une contradiction entre le particulier et l’universel, et partant de là entre le relatif et l’absolu.

    Ce qu’on appelle la science est la saisie de différents aspects – les saisir tous est impossible, on ne peut que tendre vers la totalité, justement de par la contradiction entre le particulier et l’universel – en étudiant le mouvement pour voir ce qui est principal, ce qui est secondaire, les différents nœuds existants comme par exemple avec la « division » entre système solaire, galaxie, amas de galaxies, etc.

    La pensée a comme dynamique le reflet de ce processus de distinction entre absolu et relatif, universel et particulier, qui existe dans l’Univers.

    Voici comment Lénine explique cela dans des Notes philosophiques :

    « La différence entre subjectivisme (le scepticisme et la sophistique, etc.) et la dialectique consiste entre autres en ce que dans la dialectique (objective), la différence entre le relatif et l’absolu est relative.

    Pour la dialectique objective, il y a également l’absolu dans le relatif.

    Pour le subjectivisme et la sophistique, le relatif est seulement relatif et exclut l’absolu (…).

    Nous avons la dialectique en commençant par le plus simple, le plus habituel, les plus massivement répandu, etc., par n’importe quelle proposition : les feuilles de l’arbre sont vertes, Jean est un homme, le spitz est un chien, etc.

    Déjà ici (comme l’a génialement remarqué Hegel), la dialectique est là : le particulier est général (cf. Aristote, Métaphysique, 3e livre, 4e chapitre, 8-9 : « En effet, nous ne pouvons pas dire qu’il y a une maison [Lénine : en général] en dehors des maisons particulières. »

    Ainsi, les contraires (le particulier est en opposition au général) sont identiques : le particulier n’existe pas autrement que dans cette liaison qui conduit au général.

    Le général n’existe que dans le particulier, par le particulier.

    Chaque particulier est (d’une façon ou d’une autre) général.

    Tout général est une parcelle ou un côté ou une essence du particulier.

    Tout général n’englobe qu’approximativement tous les objets particuliers. Tout particulier entre incomplètement dans le général, etc., etc.

    Tout particulier est relié par des milliers de passages à des particuliers d’un autre type (choses, phénomènes, processus), etc.

    Nous avons déjà ici des éléments, des embryons du concept de nécessité, de liaison objective dans la nature, etc.

    Le contingent et le nécessaire, le phénomène et l’essence sont déjà présents ici, car quand nous disons : Jean est un homme, le spitz est un chien, cela est une feuille d’arbre, etc., nous rejetons comme contingents une série de caractères, nous séparons l’essentiel de l’apparent et nous opposons l’un à l’autre.

    Ainsi, dans toute proposition, on peut (et on doit), comme dans une « cellule », mettre en évidence les embryons de tous les éléments de la dialectique, montrant ainsi que la dialectique est inhérente à toute la connaissance humaine en général.

    Et la science de la nature nous montre (et de nouveau c’est ce qu’il faut montrer pour tout exemple le plus simple) la nature objective avec les mêmes qualités, la transformation du particulier en le général, du contingent en le nécessaire, les passages, le glissement, la liaison mutuelle des contraires. »

    Dans la moindre chose, il y a la complexité des inter-relations, c’est-à-dire l’ensemble, l’universel, qui lui-même existe par le particulier. L’Univers comme universel est lui-même concret dans le particulier de la matière infinie et éternelle.

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  • Le matérialisme dialectique et la place historique de la femme

    Le matérialisme dialectique considère que chaque chose a deux aspects, dont la contradiction forme le moteur du mouvement, du développement. Il n’est pas difficile de voir que chaque espèce animale connaît deux sexes, dont la contradiction a comme moteur la reproduction.

    Pour cette raison, dans l’histoire de l’Humanité, la femme a possédé une reconnaissance particulière. Durant la première étape, celle du matriarcat, la femme était considérée comme un équivalent supérieur de l’homme, puisqu’elle était en mesure de donner la vie après l’avoir portée.

    Durant ce long moment historique, de l’Humanité des débuts, le culte de la déesse-mère était accompagné d’un respect fondamental de l’ordre naturel.

    A cela a suivi le patriarcat, forme idéologique ayant accompagné deux phénomènes : la domestication de certains animaux et l’agriculture. Le rapport à la Nature a changé : l’Humanité a modifié sa propre situation et considère, en arrachant à la Nature ses bienfaits, être en mesure de la contrôler.

    Cette période se caractérise par un polythéisme où les déesses, de rôle secondaire, sont les restes des déesses-mères intégrées dans une nouvelle forme mystique de compréhension du monde, puis par un monothéisme caractérisé par un Dieu unique de logique tribale, puis ethnique.

    L’émergence de la féodalité a affaibli le patriarcat, puis le mode de production capitaliste l’a liquidé.

    Toutefois, le mode de production capitaliste lui-même émerge des formes précédentes d’organisation de la reproduction de la vie : c’est cela qui explique la situation des femmes qui, même dans des pays marqués par un capitalisme développé, souffrent de nombreux types d’oppression de type patriarcal.

    Cela s’explique par l’absence de saut qualitatif par rapport aux deux périodes antagoniques qu’ont été le matriarcat et le patriarcat.

    La libération de la femme ne peut se produire, dialectiquement, que par le dépassement du patriarcat, c’est-à-dire en récupérant le développement des forces productives permis par l’esclavagisme, le féodalisme, le capitalisme, mais en modifiant radicalement le rapport à la nature, pour en revenir, de manière plus développée, à celui qui existait durant le matriarcat.

    Le matérialisme dialectique rejette les conceptions idéalistes selon lesquelles l’Humanité ne serait pas animale, selon lesquelles elle serait sortie de la nature, selon lesquelles elle serait marquée par une séparation du corps et de l’esprit.

    Nier l’existence d’hommes et de femmes, comme le fait l’idéologie post-moderne, notamment des queers, est une tentative de nier la dialectique de la nature. De la même manière, il y a des idéologies réactionnaires qui privilégient le statu quo ou le retour en arrière dans le rapport hommes-femmes.

    Le matérialisme dialectique prône lui l’avancée et considère que l’établissement de nouveaux rapports – non antagoniques – de l’Humanité avec la nature produit le dépassement du patriarcat, en asséchant définitivement sa base née de la domestication et de l’agriculture.

    La femme est ici la clef, dans son vécu, du lien de l’Humanité avec la vie elle-même, avec la nature.

    C’est la raison d’ailleurs pour laquelle l’Église catholiquetend toujours davantage à utiliser l’image de la Vierge Marie de manière toujours plus systématique, comme « lien » humain avec la « création », parallèlement à un pseudo discours écologiste.

    La véritable écologie – le retour assumé de l’Humanité à la nature – passe par l’affirmation du féminisme au sein du mouvement communiste, comme abolition des rapports patriarcaux par l’émergence de nouveaux rapports avec la Nature.

    C’est cela qui explique la proportion très importante de femmes dans les mouvements de défense de la Nature, dans ceux de protection des animaux, dans le pacifisme.

    La figure de l’homme œuvrant à modifier violemment la Nature va céder la place à celle de la femme agissant de manière scientifique en harmonie avec la Nature.

    Le féminisme, pour cette raison, profite de l’informatisation, de la robotisation, des connaissances scientifiques reconnaissant la biosphère comme ensemble organisé de la vie sur la Terre.

    L’avènement de l’ère de paix universelle que sera la République socialiste mondiale va de paire avec l’expression toujours plus grande des femmes au sein de la société, de par leur position essentielle comme vectrice de la vie.

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  • Le matérialisme dialectique et la notion d’imitation

    Le matérialisme dialectique considère que l’esprit est façonné par la réalité, c’est-à-dire que les pensées ne sont que le reflet, plus ou moins synthétisé, de la matière.

    C’est le propre du matérialisme, dans son opposition à l’idéalisme, de réfuter la théorie du « libre-arbitre », de la spiritualité, et ce au profit de la seule réalité matérielle.

    Les sens sont ainsi les caractéristiques essentielles aux êtres humains dans leur liaison avec la réalité comme ensemble. L’être humain n’a pas de sens : il est ses sens ; l’esprit est une capacité de raisonnement qui s’est fondée non pas à côté des sens, mais à partir des sens.

    C’est pour cette raison que, dès de le début de la Métaphysique, Aristote souligne l’importance de la vue. Il le fait avec raison, car des « cinq sens » (Aristote n’en reconnaissait que cinq, mais en fait il y en a beaucoup plus), c’est la vue qui nous semble le plus important, qui est celui le plus avancé dans le principe du reflet. La vue permet de cerner le plus rapidement une partie de la réalité, d’y agir.

    « L’homme a naturellement la passion de connaître ; et la preuve que ce penchant existe en nous tous, c’est le plaisir que nous prenons aux perceptions des sens.

    Indépendamment de toute utilité spéciale, nous aimons ces perceptions pour elles-mêmes; et au-dessus de toutes les autres, nous plaçons celles que nous procurent les yeux.

    Or, ce n’est pas seulement afin de pouvoir agir qu’on préfère exclusivement, peut-on dire, le sens particulier de la vue au reste des sens; on le préfère même quand on n’a absolument rien à en tirer d’immédiat ; et cette prédilection tient à ce que, de tous nos sens, c’est la vue qui, sur une chose donnée, peut nous fournir le plus d’informations et nous révéler le plus de différences. »

    Aristote aborde directement la question du rapport entre la vue et le reflet, en parlant d’imitation dans la Poétique. Il préfigure ici absolument la conception matérialiste dialectique dans les arts, c’est-à-dire le réalisme socialiste.

    Voici comment Aristote présente de manière magistrale le principe de l’imitation :

    « I. Il y a deux causes, et deux causes naturelles, qui semblent, absolument parlant, donner naissance à la poésie.

    II. Le fait d’imiter est inhérent à la nature humaine dès l’enfance; et ce qui fait différer l’homme d’avec les autres animaux, c’est qu’il en est le plus enclin à l’imitation : les premières connaissances qu’il acquiert, il les doit à l’imitation , et tout le monde goûte les imitations.

    III. La preuve en est dans ce qui arrive à propos des oeuvres artistiques; car les mêmes choses que nous voyons avec peine, nous nous plaisons à en contempler l’exacte représentation, telles, par exemple, que les formes des bêtes les plus viles et celles des cadavres.

    IV. Cela tient à ce que le fait d’apprendre est tout ce qu’il y a de plus agréable non seulement pour les philosophes, mais encore tout autant pour les autres hommes ; seulement ceux-ci ne prennent qu’une faible part à cette jouissance.

    V. Et en effet, si l’on se plaît à voir des représentations d’objets, c’est qu’il arrive que cette contemplation nous instruit et nous fait raisonner sur la nature de chaque chose, comme, par exemple, que tel homme est un tel ; d’autant plus que si, par aventure, on n’a pas prévu ce qui va survenir, ce ne sera pas la représentation qui produira le plaisir goûté, mais plutôt l’artifice ou la couleur, ou quelque autre considération.

    VI. Comme le fait d’imiter, ainsi que l’harmonie et le rythme, sont dans notre nature (je ne parle pas des mètres qui sont, évidemment, des parties des rythmes), dès le principe, les hommes qui avaient le plus d’aptitude naturelle pour ces choses ont, par une lente progression, donné naissance à la poésie, en commençant par des improvisations.

    VII. La poésie s’est partagée en diverses branches, suivant la nature morale propre à chaque poète. Ceux qui étaient plus graves imitaient les belles actions et celles des gens d’un beau caractère; ceux qui étaient plus vulgaires, les actions des hommes inférieurs, lançant sur eux le blâme comme les autres célébraient leurs héros par des hymnes et des éloges. »

    On voit ainsi que l’art apparaît comme imitation, avec toutefois un apport ; en effet, la pensée elle-même obéit au mouvement dialectique et par conséquent la représentation est travaillée par le mouvement dialectique donnant naissance à la représentation.

    C’est ce qui a induit Hegel en erreur, voyant la dialectique dans la pensée elle-même et non plus dans la matière. Hegel a vu le mouvement dans la représentation, mais il n’a pas compris que ce mouvement était porté par ce qui était représenté, pas par la représentation.

    Cependant, Hegel a bien saisi que l’art n’était pas uniquement une imitation, mais également un processus de synthèse. Voici comment, dans l’Esthétique, il montre que l’art comme imitation est quelque chose d’insuffisant :

    « L’opinion la plus courante qu’on se fait de la fin que se propose l’art est qu’elle consiste à imiter la nature…

    Dans cette perspective, l’imitation, c’est-à-dire l’habileté à reproduire avec une parfaite fidélité les objets naturels, tels qu’ils s’offrent à nous constituerait le but essentiel de l’art, et quand cette reproduction fidèle serait bien réussie, elle nous donnerait une complète satisfaction.

    Cette définition n’assigne à l’art que le but tout formel de refaire à son tour, aussi bien que ses moyens le lui permettent, ce qui existe déjà dans le monde extérieur, et de le reproduire tel quel.

    Mais on peut remarquer tout de suite que cette reproduction est un travail superflu, que ce que nous voyons représenté et reproduit sur de tableaux, à la scène où ailleurs: animaux, paysages, situations humaines, nous le trouvons déjà dans nos jardins, dans notre maison, ou parfois dans ce que nous tenons du cercle plus ou moins étroit de nos amis et connaissances.

    En outre, ce travail superflu peut passer pour un jeu présomptueux, qui reste bien en-deça de la nature. Car l’art est limité par ses moyens d’expression, et ne peut produire que des illusions partielles, qui ne trompent qu’un seul sens.

    En fait, quand l’art s’en tient au but formel de la stricte imitation, il ne nous donne, à la place du réel et du vivant que la caricature de la vie.

    On sait que les Turcs, comme tous les mahométans, ne tolèrent qu’on peigne ou reproduise l’homme ou toute autre créature vivante. J.Bruce au cours de son voyage en Abyssinie, ayant montré à un Turc un poisson peint le plongea d’abord dans l’étonnement, mais bientôt après, en reçu la réponse suivante:  » Si ce poisson, au Jugement Dernier, se lève contre toi et te dit: tu m’as bien fait un corps, mais point d’âme vivante, comment te justifieras-tu de cette accusation? « .

    Le Prophète lui-aussi, comme il est dit dans la Sunna répondit à ses deux femmes, Ommi Habida et Ommi Selma, qui lui parlaient des peintures des temples éthiopiens: « Ces peintures accuseront leurs auteurs au jour du Jugement » (…).

    D’une façon générale, il faut dire que l’art, quand il se borne à imiter, ne peut rivaliser avec la nature, et qu’il ressemble à un ver qui s’efforce en rampant d’imiter un éléphant. »

    L’imitation n’est donc pas un reflet passif, mais une activité au sein de l’esprit. L’imitation est à la fois une réflexion de ce qui est extérieur à soi, mais en même temps une activité visant à reproduire à sa manière la réalité.

    Hegel remarque par conséquent que :

    « Les choses de la nature n’existent qu’immédiatement et d’une seule façon, tandis que l’homme, parce qu’il est esprit, a une double existence ; il existe d’une part au même titre que les choses de la nature, mais d’autre part il existe aussi pour soi, il se contemple, se représente à lui-même, se pense et n’est esprit que par cette activité qui constitue un être pour soi.

    Cette conscience de soi, l’homme l’acquiert de deux manières : Primo, théoriquement, parce qu’il doit se pencher sur lui-même pour prendre conscience de tous les mouvements, replis et penchants du cœur humain et d’une façon générale se contempler, se représenter ce que la pensée peut lui assigner comme essence, enfin se reconnaître exclusivement aussi bien dans ce qu’il tire de son propre fond que dans les données qu’il reçoit de l’extérieur.

    Deuxièmement, l’homme se constitue pour soi par son activité pratique, parce qu’il est poussé à se trouver lui-même, à se reconnaître lui-même dans ce qui lui est donné immédiatement, dans ce qui s’offre à lui extérieurement.

    Il y parvient en changeant les choses extérieures, qu’il marque du sceau de son intériorité et dans lesquelles il ne retrouve que ses propres déterminations.

    L’homme agit ainsi, de par sa liberté de sujet, pour ôter au monde extérieur son caractère farouchement étranger et pour ne jouir des choses que parce qu’il y retrouve une forme extérieure de sa propre réalité.

    Ce besoin de modifier les choses extérieures est déjà inscrit dans les premiers penchants de l’enfant ; le petit garçon qui jette des pierres dans le torrent et admire les ronds qui se forment dans l’eau, admire en fait une œuvre où il bénéficie du spectacle de sa propre activité. »

    Aristote et Hegel ont réalisé de splendides apports au matérialisme en abordant de manière franche la question de l’imitation. Cette notion est incontournable pour comprendre l’Humanité.

    Si l’on porte son attention sur ce qui fascine l’Humanité, on trouve d’ailleurs, outre l’art, les activités sportives. Or, il est frappant que lorsqu’on joue aux échecs ou qu’on joue au football, on se retrouve projeté dans une activité qui est menée en même temps par la personne en face de nous.

    L’imitation joue dans le sport un rôle moteur, de par la nature dialectique de la réalité, du principe de reflet, d’écho. À ce titre, la recherche en neurologie a établi le principe des « neurones miroirs ».

    L’imagerie médicale montre, en effet, que des neurones présents dans certaines régions du cortex cérébral s’activent lorsqu’on exécute une action ; ces mêmes neurones s’activent lorsqu’on voit quelqu’un faire cette même action, voire même seulement lorsqu’on pense que la personne va faire cette action.

    On a ici une véritable perspective de recherche, dont la substance ne pourra être montrée que par le matérialisme dialectique qui seul saisit la perspective de tout cela.

    L’imitation est au cœur du concept de matière, du principe de déterminisme ; l’imitation est, dans ses modalités, le témoignage de la validité de la théorie du reflet.

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  • Le matérialisme dialectique et l’art

    A partir du moment où l’être humain a commencé à travailler, c’est-à-dire à interagir de manière technique avec la nature, son esprit s’est agrandi, c’est-à-dire que ses raisonnements ont été toujours plus nombreux, parallèlement à la transformation matérielle de la réalité.

    La nature de ces raisonnements n’acquière une dimension authentiquement matérialiste qu’avec l’émergence de la bourgeoisie ; le caractère dialectique de ce matérialisme apparaît avec la classe ouvrière.

    Pour cette raison, les reflets de cette transformation dans l’esprit ont pu prendre, avec le matérialisme et le matérialisme dialectique, une nature troublée, brumeuse, déformée.

    La religion dans sa forme polythéiste est un de ces types de reflet, tout comme l’art qui l’accompagne qui est caractérisé par une dimension magique, troublante, liée aux rites.

    Cette étape était inévitable : le reflet de la réalité incomprise prenait nécessairement un aspect d’incompréhension, d’inquiétude face à la nature toute-puissante.

    La seconde étape est marquée par une tentative de maîtriser, à défaut de la réalité, au moins la société.

    Pour cette raison et en même temps en raison de l’arriération des modes de production à ce stade de l’humanité, l’art s’est vu considéré comme le vecteur de messages religieux idéalisés ou psychologiques.

    Platon attribuait ainsi à l’art le statut de reflet imparfait de « l’idéal », tandis que chez Aristote l’art était un moyen d’améliorer la psychologie des individus.

    Le christianisme prolonge cette démarche, où l’art se voit – avec les étapes romane et gothique – défini comme le témoignage de ce qu’il y a de meilleur, comme méthode de transmission des valeurs supérieures moralement.

    Par la suite, l’art s’est vu attribué une nature se voulant résolument plus intimiste.

    Avec la bourgeoisie apparaît l’émergence de l’individu, c’est la « vie intérieure » qu’est censé reflété l’art, avec également l’aspect important consistant à exposer de manière unilatérale le raffinement des couches supérieures de la société.

    Cependant, le cadre social général était maintenu et l’art gardait sa dimension liée à la religion ; pour cette raison, des philosophes comme Kant et Hegel ont tenté, inévitablement sans succès, de conceptualiser la contradiction évidente entre un goût individuel et une esthétique universelle.

    Avec le développement impérialiste du capitalisme, le relativisme, le nihilisme et le pessimisme ont donné naissance à l’art contemporain, dans un processus qui commence avec l’impressionnisme, en passant notamment par le cubisme et le surréalisme.

    Cela signifiait, avec le triomphe de l’individu comme clef de voûte de la vision bourgeoise du monde, la fin du beau comme universel, apprécié de manière individuelle, au profit d’un beau uniquement individuel, apprécié de manière universelle de manière relativiste.

    Les tourments individuels, le pessimisme quant à l’avenir, la fascination pour le morbide et l’insensé, le refus de ce qui semble harmonieux et agréable, la quête du sensationnalisme et des sensations fortes pour combler le manque intérieur, le culte du vide comme « absolu » et du trop-plein comme aboutissement productif, voilà ce qui définit l’art contemporain.

    C’était là la conséquence inévitable de la décadence de la bourgeoisie. Cependant, elle avait joué un rôle historiquement progressiste, en arrachant la production d’objets considérés comme beau à la religion.

    En agissant ainsi, elle permettait la reconnaissance de la très longue activité artistique populaire, qui a été défini comme folklore. Les artistes authentiques, producteurs et par conséquent porteurs d’une dimension démocratique, ont toujours puisé dans le folklore.

    Cela est vrai dans tous les domaines, même s’il est plus aisé d’en saisir la nature dans la peinture (par exemple avec Alfons Mucha) ou dans la musique (avec Wolfgang Amadeus Mozart), que dans la sculpture ou l’architecture.

    C’est qu’en arrière-plan, en plus de la question de la forme qui est reliée à la question démocratique – et par conséquent national dans de nombreux cas de nations opprimées – le contenu repose sur la reconnaissance entière de la réalité, dans toute sa complexité.

    Le contenu de l’art authentique est, par conséquent, selon le matérialisme dialectique, le réalisme, défini comme réaliste socialiste en URSS par Staline et Maxime Gorki.

    Le réalisme est, en effet, la retranscription synthétique de la réalité, avec comme exigences la véracité, le caractère historiquement concret, une haute maîtrise technique, une réelle simplicité permettant l’accessibilité, la présentation des différentes contradictions et la mise en avant de la tendance du nouveau contre l’ancien.

    L’art est, pour le matérialisme dialectique, une expression agréable, harmonieuse, belle, de la vision matérialiste (dialectique) de la réalité. L’art est un regard authentique sur la réalité, avec un coeur vrai et chaud permettant de souligner ce qui est vrai, vivant.

    Pour cette raison, Staline a pu désigner les écrivains réalistes socialistes comme les « ingénieurs des âmes ».

    Pour cette raison également, il a toujours existé des formes de réalisme, plus ou moins développées, toujours lié à ce qui est nouveau, par opposition à l’ancien. C’est ce qui explique l’appréciation des œuvres d’art du passé : on y retrouve une expression, même si encore enfantine, d’un regard authentique sur la réalité.

    Le réalisme est toujours ce qui a caractérisé les formes les plus développées, les plus authentiques d’art, accompagnant les idéologies portant les charges démocratiques les plus puissantes. Cela est vrai de la peinture flamande avec le protestantisme, comme de la peinture des ambulants dans le cadre du mouvement démocratique en Russie.

    En France, on trouve notamment au XVIIe siècle, de manière liée au protestantisme, les portraits du graveur Abraham Bosse, ainsi que la peinture des frères Le Nain, alors qu’au XIXe siècle on trouvera, de manière liée à la bourgeoisie, la grande vague réaliste en littérature, dont Honoré de Balzacest le plus grand représentant.

    Au XVIIe siècle encore, liée à la monarchie absolue (et en partie à la bourgeoisie) dans son rejet du féodalisme, on a également les écrivains se faisant les peintres de la psychologie : Molière, Jean Racine, Jean de La Bruyère.

    Il faut également mentionner les peintres réalistes du XIXe siècle, avec non pas tant Gustave Courbetque Léon Lhermitte et Jules Breton.

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  • Le matérialisme dialectique et l’anticapitalisme romantique

    Le matérialisme dialectique oppose, par définition, le nouveau à l’ancien ; le mouvement éternel de la matière procède par sauts qualitatifs et aucun retour en arrière n’est possible. Le nouveau, inévitablement, est faible, frêle, fragile, initialement, avant de triompher ; Mao a résumé cela par la formule « la voie est sinueuse, l’avenir est lumineux ».

    Selon les principes dialectiques, la contradiction au cœur du mode de production capitaliste a deux aspects : la classe ouvrière et la classe capitaliste. Ces deux aspects sont antagoniques et appellent, de manière dialectique, à l’établissement de la dictature du prolétariat au lieu de la dictature de la bourgeoisie.

    Une personne engagée de manière matérialiste dans la lutte des classes, le travail productif et l’expérimentation scientifique ne peut pas ne pas saisir cette dynamique dialectique. Si ce n’est pas le cas, alors inévitablement il y aura une tendance à être corrompu par le pessimisme, le nihilisme, qui relèvent de la bourgeoisie décadente.

    Un sentiment très fort qui se produit est l’impression d’être inadapté à son époque ; c’est le « mal du siècle » romantique où il semble que les possibilités d’épanouissement sont impossibles, contrairement en apparence à une époque précédente.

    Le romantisme exprime ainsi la nostalgie d’une époque qui n’a pas été connue, mais qui est idéalisée. Cette idéalisation permet de souligner des valeurs rentrant en conflit avec celles dominant à l’époque où la pseudo nostalgie est valorisée.

    Le romantisme est en pratique un phénomène pratiquement religieux, fonctionnant à la fois comme consolation, par la fuite esthétique, intellectuelle, spirituelle, et en même temps comme vecteur d’une protestation contre l’idéologie dominante et l’ordre établi.

    Or, de par les modalités d’existence du mode de production capitaliste, il existe des couches sociales qui, de manière temporaires, maintiennent un semblant d’existence, sans parvenir à devenir en tant que telles des classes sociales. Ces couches sociales, placées comme tampon entre le prolétariat et la bourgeoisie, peuvent être soit directement liées à la classe ouvrière comme les masses populaires, soit directement liées à la classe capitaliste comme l’appareil d’État.

    Leur nature sociale est variable et sujette à de nombreux changements, car ce ne sont pas des classes : seule la classe capitaliste et la classe ouvrière conservent leur stabilité historique, la bourgeoisie entrant toujours plus en décadence et comportant un nombre toujours plus réduit de gens, la classe ouvrière se renforçant.

    Pour cette raison, il y a un nombre très important d’idéologies semi-cohérentes représentant les intérêts de ces couches sociales qui apparaissent. Selon ce qui est nécessaire, ces idéologies piochent dans tous les courants politiques historiques, maintenant la fiction de la cohérence par le volontarisme et la fuite en avant, un vocabulaire pseudo-révolutionnaire, etc.

    Elles mettent en place un anticapitalisme romantique, c’est-à-dire mettant en avant une forme passée comme ayant été correcte mais corrompue, trahie. Il s’agirait, par conséquent, de faire repartir en arrière la roue de l’Histoire.

    Ces idéologies visent à justifier l’existence de certaines couches sociales aux yeux du capitalisme en se montrant capable de manipuler les masses populaires, tout comme elles cherchent à manipuler les masses populaires afin d’exercer une pression sur le capitalisme.

    Ces idéologies relèvent de l’anticapitalisme romantique. Elles ont un socle social commun, depuis les courants national-révolutionnaire, national-syndicaliste, fasciste, etc. jusqu’au communisme libertaire, l’anarchisme, etc.

    Elles reflètent un moyen de « geler » le capitalisme, de le « réformer » dans un sens petit-bourgeois, tout en maquillant cela derrière une rhétorique révolutionnaire.

    Lénine, dans La maladie infantile du communisme (le « gauchisme »), note de manière importante :

    « On ne sait pas encore suffisamment à l’étranger que le bolchevisme a grandi, s’est constitué et s’est aguerri au cours d’une lutte de longues années contre l’esprit révolutionnaire petit-bourgeois qui frise l’anarchisme ou lui fait quelque emprunt et qui, pour tout ce qui est essentiel, déroge aux conditions et aux nécessités d’une lutte de classe prolétarienne conséquente.

    Il est un fait théoriquement bien établi pour les marxistes, et entièrement confirmé par l’expérience de toutes les révolutions et de tous les mouvements révolutionnaires d’Europe, – c’est que le petit propriétaire, le petit patron (type social très largement représenté, formant une masse importante dans bien des pays d’Europe) qui, en régime capitaliste, subit une oppression continuelle et, très souvent, une aggravation terriblement forte et rapide de ses conditions d’existence et la ruine, passe facilement à un révolutionnarisme extrême, mais est incapable de faire preuve de fermeté, d’esprit d’organisation, de discipline et de constance.

    Le petit bourgeois, « pris de rage » devant les horreurs du capitalisme, est un phénomène social propre, comme l’anarchisme, à tous les pays capitalistes.

    L’instabilité de ce révolutionnarisme, sa stérilité, la propriété qu’il a de se changer rapidement en soumission, en apathie, en vaine fantaisie, et même en engouement « enragé » pour telle ou telle tendance bourgeoise « à la mode », tout cela est de notoriété publique. »

    L’anticapitalisme romantique est toujours réactionnaire en tant qu’idéologie éclectique et anti-matérialiste ; les individus le portant sont de nature contradictoire politiquement, tendant vers la bourgeoisie ou le prolétariat selon les moments.

    La démarche de Front populaire et de démocratie populaire a été mise en avant, durant les années 1930 et 1940, comme moyen de convaincre de manière rationnelle et progressiste les éléments petit-bourgeois de leur intérêt à la démocratie et au socialisme.

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  • Le matérialisme dialectique et le principe de l’identité

    Dans la conception idéaliste du monde, on retrouve le principe de l’identité. Selon ce point de vue, si on nomme quelque chose A, on peut dire que A = A, c’est-à-dire qu’une chose est elle-même et reste elle-même.

    Pierre est Pierre ; il n’est pas Paul et il ne le sera jamais. Tout existe de manière séparée, avec ses particularités, ses propriétés, son identité. Le capitalisme, qui se fonde sur la reconnaissance de capitaux multiples dans la concurrence et d’un capital unique avec le monopole, systématise cette approche.

    Un individu est alors tellement identique à lui-même qu’il n’est, finalement, identique à personne, à part lui-même : il possède « son » code ADN, il peut « choisir » son « genre », il dispose d’un libre-arbitre complet, sa personnalité serait unique, etc.

    Le matérialisme dialectique considère que tout cela est faux ; s’il faut parler d’identité, alors cela ne peut être valable que pour l’Univers, qui est infini, éternel et à ce titre est « identique » au sens que, même s’il se transforme, il est unique, la seule chose qui existe.

    On peut parler de l’Univers aujourd’hui comme demain, car c’est le même espace, même en transformation. Il est la seule chose qui se maintienne, en tant que totalité organisée et en développement perpétuel.

    Pour le reste, c’est-à-dire les éléments de l’Univers, il est possible de dire que A = A, mais en même temps c’est faux. C’est là le principe dialectique de la réalité matérielle. Tout est en effet en mouvement et, pour reprendre l’image employée par le philosophe grec Héraclite, on ne peut pas se baigner deux fois dans le même fleuve.

    Pierre n’est déjà plus Pierre, car il s’est transformé, le faisant tout le temps ; on peut bien sûr parler de Pierre, mais cela sera relatif : il s’agit de Pierre à un moment précis, et encore cette manière de « fixer » la réalité, de la photographier, est une simplification.

    Une définition relevant de l’identité ne peut être que relative, descriptive, mais certainement pas absolue. Une définition décrit ce qu’on connaît d’une chose à un moment donné, mais cela ne saurait être éternel, car tout change, et change dans une infinité d’inter-relations que la science justement vise à saisir de manière toujours meilleure.

    Reprenons l’exemple de Pierre. Ce dernier n’existe pas isolément, pour le matérialisme historique : il est obligé d’obéir aux impulsions de sa classe sociale, selon des lois historiques. Il n’a pas un libre-arbitre, qui existerait de manière indépendante de la réalité.

    À cela s’ajoute que, sur le plan matériel, il n’est pas isolé du reste de la nature. La maladie est, par exemple, considéré comme une agression, comme un « mal », venant déranger un équilibre par définition statique.

    Un tel point de vue est idéaliste, faisant de l’individu une entité isolée. En réalité, l’individu est et n’est pas en même temps : il est relié à un ensemble – celui de la vie sur Terre, la Biosphère – dans la mesure où il est composé d’éléments chimiques, qui rentrent en interaction à une multitude de niveaux. Le réchauffement climatique est un exemple de cela.

    De plus, l’individu se décompose lui-même en toute une série d’éléments, dont notamment les bactéries. Or, les bactéries ne connaissent pas les frontières fictives imaginées par l’être humain et ce qu’on appelle maladie n’est rien d’autre qu’un processus de synthèse qui se déroule.

    Lorsque la maladie est remarquée, le saut produit par la synthèse a déjà eu lieu. Dans cette perspective, les maladies ne sont pas des « accidents », mais ont bien un sens, relevant du mouvement de la matière.

    C’est un sens qui nous échappe encore totalement, mais c’est une piste à suivre, car on ne peut pas séparer un individu abstraitement sain du reste de la nature.

    Naturellement, dans la conception idéaliste du monde, les individus font par contre « face » à la maladie ; c’est bien entendu la raison pour laquelle les scientifiques à la solde de la bourgeoisie butent entièrement sur des problématiques comme les cancers et le SIDA, caractérisées par un haut niveau de synthèse entre la maladie et le corps.

    Bien entendu, il y a l’arrière-plan la question de savoir si ces maladies relèvent d’un processus naturel, en quoi consiste ce processus naturel : il y a ici une gigantesque perspective du travail.

    Pour cela, encore faut-il comprendre que la matière en mouvement ne respecte pas le principe idéaliste d’identité ; elle ne connaît pas de frontières, que ce soit au niveau des bactéries comme des classes sociales, ainsi que de la Biosphère elle-même. Les êtres humains ne sont que des composantes de l’Univers ; le principe d’identité n’est qu’un fétichisme propre à la période capitaliste.

    En réalité, chaque chose obéit, de fait, à la loi de la contradiction et, par conséquent, elle possède en elle-même un mouvement interne, résumé par Mao Zedong dans la formule « 1 devient 2 ». C’est le principe du mouvement dialectique de la matière, A étant A et en même temps ne l’étant pas, cette contradiction étant le moteur du mouvement, le mouvement lui-même.

    Et non seulement A possède une contradiction interne, mais en plus il est inter-relié à d’autres choses, d’autres phénomènes. Le principe de l’identité isole arbitrairement une chose, un phénomène ; il prive également de mouvement de manière arbitraire, alors que tout est en mouvement.

    On peut bien sûr effectuer une sorte de photographie d’une chose à un moment, mais considérer que la chose sera toujours ainsi est anti-matérialiste. Le seul moyen de justifier le principe de l’identité est d’ailleurs de faire comme Platon et de placer « au ciel » des chiffres magiques, des « idées » issues de Dieu, qui auraient « formé » la matière.

    On voit aisément que la conception idéaliste du monde tente de systématiser une description purement mathématique de chaque phénomène, pour être en mesure d’agir immédiatement, avec un raisonnement de type unilatéral à court terme. C’est là sa nature pragmatique.

    La conception idéaliste du monde ne voit pas le mouvement ; elle ne voit que l’identité. La Terre a pour elle un satellite, la Lune, et elle-même tourne autour du Soleil, le processus se répétant « à l’infini » de par le principe de l’identité, une chose ne changeant jamais à moins qu’un événement de cause extérieure ne se produise.

    C’est cette conception idéaliste du monde qui fait que sont recherchées, de manière idéaliste, des causes « extérieures » aux problèmes (sociaux, sentimentaux, génétiques, etc.), au lieu de porter son attention sur le mouvement s’appuyant sur les contradictions internes.

    La conception matérialiste dialectique du monde ne voit pas l’identité de manière absolue, mais uniquement de manière relative ; elle voit surtout le mouvement, qui est la caractéristique même de la matière. La Terre est le lien d’une transformation de la matière vivante, dans un processus toujours plus complexe, de par sa dynamique interne, inépuisable étant donné que rien n’est indivisible.

    L’identité est au mieux une constatation propre à un moment défini arbitrairement, au pire une abstraction, un fétiche. Dans les faits, rien n’est identique, même pas à soi-même : tel est l’enseignement du matérialisme dialectique.

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