10. La jeunesse révolutionnaire

Est-ce qu’Akram Yari a commencé sa carrière révolutionnaire dès l’école ?

Oui. Il a commencé son travail alors qu’il était étudiant. Après son diplôme universitaire, il devint un professeur au lycée, et là, il a entraîné des centaines de jeunes hommes à devenir de futurs révolutionnaires. La fondation de l’OPJ (Organisation Progressiste de la Jeunesse) a ses racines dans ses jeunes années.

Est-ce qu’Ibrahim Kaypakkaya a commencé sa carrière révolutionnaire dès l’école ?

Ibrahim Kaypakkaya est mort à 21 ans, après avoir été torturé pendant quasiment quatre mois ; il avait déjà construit le parti et l’armée de libération. Cela montre quelle a été sa vie avant. Kaypakkaya a découvert les idées révolutionnaires alors qu’il était étudiant, à la faculté des sciences de l’université d’Istanbul, en physique.

Il a participé à la fondation du club d’idées Capa, en mars 1968, devenant son président. Il fut expulsé de l’école en novembre 1968 pour avoir préparé un tract contre la sixième flotte américaine. Par la suite, il écrivit dans la presse de la gauche révolutionnaire, et devint rapidement un dirigeant.

Est-ce que Siraj Sikder a commencé sa carrière révolutionnaire dès l’école ?

Oui, le camarade Siraj Sikder a commencé sa carrière révolutionnaire à partir de sa période étudiante. Il était impliqué dans l’aile gauche pro-Pékin du syndicat d’étudiants. Quand il a étudié à l’université d’ingénierie Ahsanullah, il a été élu comme vice-président central de cette organisation.

Est-ce que Gonzalo a commencé sa carrière révolutionnaire dès l’école ?

Né en 1934, Gonzalo décrit dans son interview de 1988 les événements qui l’ont marqué dans sa jeunesse : « Je dirais que ce qui a forgé en moi le fait d’avancer dans cette voie, à été la lutte du peuple. J’ai pu voir la combativité du peuple d’Aréquipa lors du soulèvement de 50, et comment la masse, devant la violence barbare d’assassinats de jeunes gens, a répondu avec une furie irrépressible, comment ils se sont battus contre l’armée et l’ont fait reculer jusque dans ses casernes.

L’armée dut faire venir des forces supplémentaires pour pouvoir les écraser.

C’est un fait, pourrais-je dire, qui m’a beaucoup marqué, parce que là, après avoir compris Lénine, j’ai compris comment le peuple, la classe, quand elle s’empare des rues et marche, fait trembler la réaction malgré tout le pouvoir qu’elle a. Un autre fait fut les luttes de 56, là aussi, le peuple combattit, d’autres trafiquèrent, et c’est ce que font la réaction et les opportunistes ; mais le peuple combattit et imposa des conditions ; il y eut des mouvements massifs, fortement décidés. Ces faits, entre autres, m’ont servi à comprendre le pouvoir de masses, que ce sont elles qui font l’histoire.

De plus, j’ai eu l’occasion, rétrospectivement, de vivre le soulèvement de 48 au port de Callao, voir de mes propres yeux, la bravoure, comment le peuple est généreux d’héroïsme et comment les dirigeants trafiquent. »

Dans l’interview, il explique comment ces luttes de masse l’ont amené en direction du communisme : « Mon intérêt pour la politique commença à se développer à la fin du secondaire, à partir des événements de l’année 50 ; et des années suivantes, je me rappelle qu’avec d’autres camarades de classe, nous avions formé un cercle pour l’étude des idées politiques ; nous avions un grand intérêt pour étudier toutes les idées politiques. Vous vous imaginez dans quel moment je me trouvais ? C’est là que j’ai commencé. 

Déjà à l’université, dans la lutte universitaire même, j’ai eu l’occasion de vivre de grandes grèves, de grands affrontements entre apristes [membres de l’APRA] et communistes, et des débats. C’est ainsi que s’éveilla mon désir de connaître des livres.

Quelqu’un eut l’amabilité de m’en prêter un ; je crois que c’était « Un pas en avant, deux pas en arrière », ça m’a plu. A partir de là, je commençais à étudier des livres marxistes. Ensuite, ce qui m’a beaucoup marqué, c’est l’image du camarade Staline ; à cette époque, nous les personnes qui nous approchions du communisme et qui réussissaient à militer, nous nous formions avec les « Questions du Léninisme » ; c’était un livre de chevet.

Je l’ai étudié comme il se doit, sérieusement, vu son importance. La vie de Staline m’intéressa ; elle était pour nous un exemple de la révolution. J’eus des problèmes pour entrer au Parti Communiste, parce qu’il y avait un critère absurde qui disait que, pour militer, il fallait être fils d’ouvrier et moi, je ne l’étais pas ; mais d’autres avaient un autre critère, et ainsi je pus entrer au Parti.

J’ai participé à la défense de Staline : nous le ravir alors, c’était comme nous arracher notre âme ; à cette époque, on diffusait davantage les œuvres de Staline que celles de Lénine, il en était ainsi à cette période.

Ensuite, je suis parti à Ayacucho pour des raisons de travail et pour ce que je croyais être un temps court, un temps court qui dura des années ; je pensais que ça allait durer un an, vu les circonstances, mais chacun propose et la classe dispose ; la masse et le peuple font de chacun de nous beaucoup de choses. Ayacucho m’a servi à découvrir la paysannerie ; Ayacucho était à l’époque un village très petit ; sur une grande partie, c’était la campagne.

Aujourd’hui encore, si on va dans les quartiers pauvres à la sortie de la ville, on trouve encore des paysans et à un quart d’heure de la ville, c’est déjà la campagne. Ici aussi, j’ai commencé à comprendre le Président Mao Zedong, j’ai avancé dans ma compréhension du marxisme.

La lutte entre marxisme et révisionnisme a eu beaucoup d’importance dans ma formation. Quelqu’un a eu la malchance de me prêter la fameuse Lettre Chinoise, la « Proposition au sujet de la ligne générale du Mouvement Communiste International » ; il me la prêtait avec l’obligation de la lui rendre ; évidemment, l’appropriation était compréhensible.

La lettre m’amena à approfondir la grande lutte entre marxisme et révisionnisme. Je me suis consacré au travail du Parti et à balayer le révisionnisme, je crois qu’ensemble, avec d’autres camarades, nous avons réussi, en laissant de côté un ou deux, en guise de remède comme on dit, ils étaient déjà invariablement révisionnistes.

Ayacucho a eu pour moi une immense importance, et cela a un rapport avec la voie de la révolution, et aussi avec les enseignements du Président Mao. Ainsi, je suis devenu marxiste et le Parti m’a façonné avec l’acier, avec patience je crois. »

Est-ce qu’Alfred Klahr a commencé sa carrière révolutionnaire dès l’école ?

Né en septembre 1904, Alfred Klahr a rejoint dès l’adolescence l’Union de la Jeunesse Communiste, qui est née en Autriche à la suite de la révolution de 1917 en Russie. Devenant un étudiant, il rejoignit également le groupe communiste des étudiants (KOSTUFRA). Par la suite, il est resté plusieurs mois à Berlin, travaillant à la rédaction de la Rote Fahne (Drapeau rouge), organe central du Parti Communiste d’Allemagne, pour travailler ensuite pour le Rote Fahne d’Autriche.

Après, il travailla de 1930 à 1932 à Moscou, en tant que représentant de l’Union de la Jeunesse Communiste d’Autriche. A la fin de cette période, il devint le représentant de la Rote Fahne d’Autriche.

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11. Une pensée en développement

Si Akram Yari était vivant, aurait-il réussi à porter une pensée plus développée, comme la pensée Gonzalo ?

Les MLM soutiennent que c’est la ligne qui est décisive. Ainsi, c’est le développement de la ligne correcte d’Akram Yari qui a amené l’affirmation de la pensée Akram Yari, qui a été développé par l’Organisation des Ouvriers d’Afghanistan (Marxiste-Léniniste-Maoïste, principalement Maoïste), sous la direction du camarade « X ». Est-ce que ce n’est pas le président Gonzalo qui a formulé le maoïsme à partir de la pensée Mao ? Et est-ce que ce n’est pas le président Gonzalo qui l’a développé par des contributions d’une reconnaissance hautement universelle ?

Comme c’est le cas pour Akram Yari et le camarade « X. » Comme ce fut le cas avec Mariategui et le Président Gonzalo au Pérou. Le président Akram Yari a généré la Pensée, et nous la développons et l’étendons en arborant, en défendant et en appliquant le maoïsme aux conditions concrètes de notre pays et cela sera effectué en menant la Guerre Populaire Prolongée et en la continuant jusqu’au Communisme. C’est la ligne du président Akram Yari, qui contribue comme noyau à la formation de la Pensée Akram Yari, et est la garantie du triomphe.

Si Ibrahim Kaypakkaya était vivant, aurait-il réussi à porter une pensée plus développée, comme la pensée Gonzalo ?

Certainement, puisqu’Ibrahim Kaypakkaya a réussi à comprendre la réalité de la société turque, avec la question principale du capitalisme bureaucratique et la question nationale kurde.

Si Siraj Sikder était vivant, aurait-il réussi à porter une pensée plus développée, comme la pensée Gonzalo ?

Siraj Sikder a déjà fait de nombreuses contributions dans la théorie et la pratique de la révolution au Bengale occidental. Il a été une des figures les plus développées du mouvement communiste contemporain mondial. Ainsi, s’il était vivant, comme nous connaissons la tendance générale de la loi de la matière, la révolution bangladeshi pourrait réussir et naturellement la direction et la pensée se développeraient ; sans pensée, il ne peut pas y avoir de révolution.

Si Alfred Klahr était vivant, aurait-il réussi à porter une pensée plus développée, comme la pensée Gonzalo ?

La pensée d’Alfred Klahr n’a pas pu se développer, en raison des conditions concrètes de l’Autriche. C’était davantage le produit de la naissance idéologique et politique de la classe ouvrière autrichienne tentant de dépasser l’étape social-démocrate vraiment forte et très radicale, qui avait précédé.

Avec le poids du révisionnisme dans le Parti Communiste en Autriche, mais également de la social-démocratie, après 1945, il aurait été vraiment difficile pour Klahr de forger une ligne révolutionnaire dans ce contexte difficile.

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12. Les enseignements de Gonzalo: de la pensée à la guerre populaire

[Il s’agit d’un document de synthèse réalisé par le PCF (mlm).] 

1.Gonzalo et l’optimisme révolutionnaire

Quand une classe va dans le sens de la prise du pouvoir, il faut construire de solides compétences dans tous les domaines, et bien sûr c’est plus vrai que jamais dans le cas de la classe ouvrière, qui doit avoir un système culturel et idéologique tout-puissant , permettant de comprendre tous les aspects de la société et de le révolutionner.

Gonzalo a joué un rôle historique en permettant de comprendre cela. Il a souligné que les révolutionnaires doivent porter un optimisme absolu; dans le document «ILA-80 » qui explique le déclenchement de la lutte armée au Pérou en 1980, il a expliqué:

« Nous avons besoin d’un optimisme élevé, qui a une raison d’être : nous sommes ceux qui conduisent ceux qui façonnent l’avenir, nous sommes des guides, l’état major du triomphe invincible de la classe, pour cette raison nous sommes optimistes.

Nous possédons l’enthousiasme, parce que nous nourrit l’idéologie de la classe : la marxisme-léninisme-pensée Mao Zedong. Nous vivons la vie de la classe, nous participons de sa geste héroïque, le sang de notre peuple nous remplit d’ardeur et bout dans nos coeurs. Nous sommes ce sang puissant et palpitant, prenons ce fer et cet acier inflexible qu’est la classe et fusionnons-le avec la lumière immarcescible du marxisme-léninisme-pensée Mao Zedong. »

2.Chaque classe révolutionnaire appelle à la lutte épique

Lorsque la révolution bourgeoise française s’est lancée à la fin du 18ème siècle, il y avait la nécessité historique d’une mobilisation épique des masses. La bourgeoisie a plongé dans le passé, à la recherche de quelque chose qui pourrait apparaître aussi proche que possible de ses propres besoins et a pris ce qui pourrait être un modèle pour galvaniser la lutte: la république romaine.

Napoléon, en passant de la figure d’un général romain à un César impérial, a été le jouet d’un processus historique où il a dirigé des changements internationaux nécessaires à la bourgeoisie française pour pleinement se développer dans la conquête du pouvoir.

Karl Marx et Friedrich Engels ont expliqué cette question idéologique, en supprimant les brumes et les prétentions idéologiques bourgeoises à faire la révolution qui soit la dernière, et la révolution totale. Mais ils n’ont pas intégré cette question idéologique et culturelle dans le socialisme scientifique, car à leur époque il n’y avait pas de révolution de nouvelle démocratie / de révolution socialiste dans le monde.

3.Les pensées comme expression du mouvement de la matière

Avec la révolution socialiste en Russie en Octobre 1917 et la nouvelle révolution démocratique en Chine remportée en 1949, le matérialisme dialectique a formulé scientifiquement la question d’avant-garde, du parti révolutionnaire.

L’idéologie révolutionnaire dirige le processus révolutionnaire ; dans le parti révolutionnaire lui-même, des luttes de deux lignes surgissent dans le processus: la vie du Parti communiste obéit également aux règles du développement dialectique.

Et ainsi font les pensées, car elles sont le reflet du monde, de la matière en mouvement dialectique, à la dimension de l’univers lui-même.

Dans le document « La vie, la matière, l’univers, (7) : qu’est-ce qu’une pensée ? » promu par le PCMLM [France], il est expliqué :

« La pensée consiste en des mouvements moléculaires et chimiques dans le cerveau, mouvements qui sont de la matière et qui sont la conséquence du mouvement de la matière en dehors du corps – le mouvement extérieur est perçu.

Dans ce mouvement de la perception, la matière grise se développe – elle en arrive à la compréhension synthétique du mouvement dialectique de la matière. Alors, elle devient ouvertement une expression de la matière en mouvement. »

4.Les individus ne pensent pas

Au XIIIe siècle, la réaction française avait dû lutter contre les thèses matérialistes à l’Université de Paris. Ces thèses étaient les conclusions logiques de la pensée d’Averroès (1126-1198), le grand penseur de la Falsafa, la philosophie arabo-persane.

L’Eglise avait interdit 13 thèses en 1270, et parmi celles-ci : « La proposition : l’homme pense est fausse ou impropre », « Le libre arbitre est une puissance passive, non active, qui est mue par la nécessité du désir », « La volonté humaine veut et choisit par nécessité », « Il n’y a jamais eu de premier homme », « Le monde est éternel », « Il n’y a qu’un seul intellect numériquement identique pour tous les hommes. »

Ces thèses sont correctes et une expression du matérialisme.

Lorsque l’on parle au sujet de la pensée, il n’est pas parlé de la pensée d’un individu, même si c’est un individu qu’il l’exprime. Les individus ne pensent pas. L’humanité est matière en mouvement, la pensée est simplement un reflet du mouvement. Il ne peut pas y avoir de pensée individuelle, ce que les individus pensent est l’expression du désir et de la nécessité.

5.La pensée comme arme culturelle-idéologique pour la révolution dans chaque pays

Gonzalo n’a pas seulement appelé à l’optimisme révolutionnaire, parce qu’il y avait la nécessité de luttes épiques. Ce serait subjectiviste et non conforme à l’idéologie communiste, qui tend vers l’avenir et non vers le passé.

Ainsi, en plus de l’appel à l’enthousiasme, il a formulé l’idée que dans chaque pays se lève une pensée révolutionnaire, synthétisant la société et affirmant la manière correcte de résoudre les contradictions sociales.

L’histoire en mouvement engendre l’enthousiasme et la compréhension correcte de la réalité dans les pensées des masses, de l’avant-garde, de la direction révolutionnaire.

Dans le document « Sur la pensée Gonzalo » du Parti communiste du Pérou, il est expliqué:

« Mais, de plus, et ceci représente le fondement de toute direction, les révolutions engendrent une pensée qui les guide et qui est le résultat de l’application de la vérité universelle de l’idéologie du prolétariat international aux conditions concrètes de chaque révolution.

Cette pensée-guide est indispensable pour obtenir la victoire et conquérir le Pouvoir et, plus encore, pour poursuivre la révolution et maintenir toujours le cap sur l’unique et grandiose but: le Communisme. »

6.La pensée comme synthèse d’une société

Chaque société nationale connaît des contradictions, que la pensée communiste analyse, produisant la synthèse révolutionnaire qui consiste dans le programme révolutionnaire et les méthodes pour le réaliser.

En Russie et en Chine, Lénine et Mao Zedong connaissaient non seulement la situation politique, mais aussi avec précision la situation économique et les aspects culturels-idéologiques. Ils ont souvent cité des œuvres littéraires et fait référence à leur propre culture, la situation culturelle- idéologique des masses (par exemple le rapport d’autorité dans la campagne, l’émergence ou non du capitalisme dans les campagnes, etc.)

Dans de nombreuses autres situations, des dirigeants révolutionnaires ont produit une pensée, une synthèse de leur propre réalité.

Au Pérou, José Carlos Mariátegui a écrit en 1928 une analyse complète de l’histoire de son pays: « Sept essais d’interprétation de la réalité péruvienne », qui explique l’histoire de la colonisation, de la situation des campagnes et des Indiens Quechua, etc.

En Italie, Antonio Gramsci, l’un des fondateurs du Parti Communiste en 1926, a étudié de la même manière la culture et l’histoire de son pays, comprenant la nature de l’État italien et la contradiction historique entre le nord et le sud (Mezzogiorno) du pays.

Alfred Klahr a été le premier théoricien à expliquer que son pays l’Autriche était une nation («Sur la question nationale en Autriche », 1937) et comment le nazisme allemand n’était pas seulement sous le contrôle du capital impérialiste, mais aussi des Junkers.

Ibrahim Kaypakkaya, né en 1949 et tué par l’Etat turc en 1973, a réalisé une étude exhaustive de la « révolution » faite par Mustafa Kemal et de l’idéologie kémaliste, ouvrant la voie à une compréhension correcte de la nature économique, politique et culturelle-idéologique de la Turquie.

Ulrike Meinhof a étudié la nature de dépendance de l’Allemagne de l’Ouest, qui était sous le contrôle des États-Unis; voyant le processus de reprise économique après 1945, elle a proposé une stratégie à long terme de guerre populaire sur la base des couches les plus pauvres de la jeunesse et de la lutte contre la présence impérialiste des États-Unis. Elle a été assassinée en prison en 1976.

Un autre grand révolutionnaire à produire une pensée était Siraj Sikder, dans le Bengale oriental. Né en 1944, il comprenait à la fois le Pakistan et l’expansionnisme indien, en proposant la voie de la révolution agraire pour obtenir l’indépendance nationale. Il a été assassiné en détention en 1975.

7.La guerre populaire comme produit de la pensée

Suivant la leçon matérialiste dialectique de Gonzalo, les communistes ont dans chaque pays la tâche de produire une synthèse de leur propre situation nationale, comme les contradictions révolutionnaires doivent être réglés dans ce cadre.

La guerre populaire n’est pas une « méthode » ou un style de travail, c’est la production matérielle de la pensée, c’est-à-dire la confrontation révolutionnaire avec le vieil Etat et les classes dominantes réactionnaires, selon une stratégie basée sur la pensée, sur la synthèse révolutionnaire fait dans l’étude pratique d’un pays.

Quand la pensée révolutionnaire authentique est produite, elle cherche la confrontation avec l’ancienne société, à tous les niveaux. La guerre populaire ne signifie pas seulement la lutte armée, mais aussi la négation culturelle-idéologique des valeurs de l’ancienne société.

Si les révolutionnaires n’ont pas le niveau pour mener la lutte dans tous les domaines, ils ne seront pas en mesure de faire triompher la révolution et de lutter contre les tentatives de restauration de l’ancienne société.

Cette compréhension est la conséquence directe des enseignements de Mao Zedong sur la culture et l’idéologie et de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.

8. « Principalement appliquer »

Gonzalo a considéré que notre idéologie n’est pas seulement le marxisme-léninisme-maoïsme, mais le le marxisme-léninisme-maoïsme principalement maoïsme. Il voulait montrer que notre idéologie est une synthèse et non pas un assemblage d’enseignements.

De la même manière, il estime que, dans chaque pays, l’idéologie était le marxisme-léninisme-maoïsme et la pensée, principalement la pensée (par exemple au Pérou: le marxisme-léninisme-maoïsme pensée Gonzalo principalement pensée Gonzalo).

La raison en était que la pensée, c’est la synthèse dans une situation concrète, avec son application. De la même manière, un principe est de « arborer, défendre et appliquer, principalement appliquer. »

La « pensée » est authentique et correcte seulement si elle signifie une confrontation réelle sur tous les aspects de l’ancienne société, l’aspect pratique étant à la pointe.

9.La pensée et la guerre populaire ne sont pas des concepts indépendants

Durant les années 1990-2000, le Mouvement Populaire Pérou (MPP), organisme généré par le Parti Communiste du Pérou pour le travail à l’étranger, a mené un important travail pour promouvoir le marxisme-leninisme-maoïsme.

Malheureusement, lors de l’approche des aspects pratiques nationaux, le MPP a seulement appelé à suivre l’exemple du Pérou et n’a jamais été en mesure d’aider les communistes à produire une synthèse de leur propre situation.

Le MPP n’a jamais appelé à étudier les réalités nationales, et au lieu de cela a fait la promotion d’un cosmopolitisme consistant à reproduire un style de travail de manière stéréotypée. Au lieu d’accompagner de véritables forces révolutionnaires au marxisme-léninisme-maoïsme, le MPP en est arrivé au point d’appuyer des centristes, comme ils reconnaissaient verbalement le maoïsme.

Ceci est un exemple d’une mauvaise compréhension de l’aspect principal. Ce qui compte, ce n’est pas d’assumer la guerre populaire d’une manière abstraite, mais la Guerre Populaire basée sur la Pensée. Le révisionnisme au Népal est un bon exemple: en dépit du fait d’assumer la « guerre populaire », ce qui a été appelé « chemin de Prachanda » [Prachanda’s path] n’a jamais eu une grande importance culturelle-idéologique de haut niveau, alors il contenait déjà de nombreuses erreurs concernant les principes fondamentaux du matérialisme dialectique.

10.Notre horizon: produire des pensées et rejeter le fascisme

Notre horizon est le suivant: dans chaque pays, une pensée communiste doit être produite, la synthèse de la société, montrant la voie pour résoudre les contradictions. Les communistes ne peuvent pas faire une révolution dans leur propre pays, sans avoir un niveau élevé dans les champs culturels-idéologiques.

Les masses vivent dans une culture pleine de musique, de films, de littérature ; les enseignements de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne nous rappellent l’importance de la lutte dans ce domaine. Les communistes dans le monde doivent échanger leurs expériences et leurs connaissances ; en de nombreux domaines, ils ont les mêmes luttes à mener.

Si les communistes ne sont pas en mesure de faire cela, les classes dominantes réactionnaires produiront une idéologie plongée dans le passé pour « régénérer » la société, un faux « socialisme », qui est le fascisme.

Chaque pensée est ainsi d’importance historique, c’est la base de la Guerre Populaire. Chaque pensée permet de lancer la guerre populaire, qui détruit le vieil Etat, et alors que ce processus se généralise, il devient une guerre populaire mondiale. La pensée devient alors la synthèse de la société mondiale qui émerge sur les décombres de l’impérialisme, ouvrant la voie à la construction d’une société communiste mondiale.

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Déclaration maoïste du premier mai 2019

À l’occasion de ce nouveau premier mai, le Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste de Belgique et le Parti Communiste de France (Marxiste-Léniniste-Maoïste) expriment leur assurance et leur enthousiasme quant à l’affirmation grandissante de la seconde vague de la révolution mondiale.

La première avait donné naissance, il y a cent ans, en mars 1919, à l’Internationale Communiste ; la seconde réalisera l’objectif de celle-ci : l’unification mondiale et la réalisation du socialisme sur toute la planète.

La formation d’une République Socialiste Mondiale est inéluctable au 21e siècle. La réalisation de l’unification complète de l’Humanité, sur la base des rapports socialistes dans l’économie et dans toute la société, est certaine. Il ne peut y avoir strictement aucun doute à ce sujet.

La résolution des problèmes environnementaux, par l’établissement de rapports dialectiques de l’Humanité avec la planète considérée comme une biosphère, est inévitable. La compréhension de la nature de la matière vivante et son respect va de pair avec la compréhension matérialiste dialectique de l’évolution générale de l’univers éternel et infini.

Nous affirmons que la maîtrise du matérialisme dialectique et de ses thèses fondamentales sur l’univers sont la base même pour comprendre la réalité et la transformer.

Il est indéniable que cela exige encore des initiatives formidables. Mao Zedong avait parlé, dans les années 1960, des cinquante à cent années à venir où l’humanité connaîtrait des bouleversements comme elle n’en a jamais connu. Nous sommes précisément dans cette période et il s’agit d’être en première ligne. Nous le sommes en tant qu’avant-garde de la classe ouvrière en Belgique et en France.

Nous disons : il n’y aura ni capitulation, ni retour en arrière, ni modification des fondamentaux idéologiques, ni révision des grands principes. Nous avons pleinement conscience de la complexité des tâches qui nous incombent, mais nous saurons les assumer avec vigueur et le plus grand sens des responsabilités. Nous sommes pleins d’optimisme quant à l’avenir : le triomphe du Communisme correspond au mouvement de l’univers lui-même. Le prolétariat est la classe la plus révolutionnaire de l’Histoire.

Il est vrai que, dans les métropoles impérialistes, la recomposition du tissu prolétarien est encore un processus en cours, qui ne suit pas un parcours linéaire et qui exige encore un travail de fond extrêmement important. Il existe sur ce plan encore un travail titanesque à mener. Nous pensons cependant avoir saisi les orientations générales nécessaires. Nos deux organisations sont en ce sens pleinement engagées dans cette lutte visant à faire en sorte que le prolétariat se ressaisisse et parte à la reconquête de son identité, celle-ci ayant connu de profonds changements dus à l’accroissement des forces productives, au-delà des profondes déformations, des errements significatifs.

Ce processus de recomposition du tissu prolétarien correspond à l’émergence de la seconde vague de la Révolution Mondiale. Et le mode de production capitaliste, tant en Belgique qu’en France, connaît de tels problèmes internes, de par ses limites historiques, qu’il est de moins en moins en mesure de geler les rapports sociaux au moyen de l’appareil d’État et de la corruption d’une partie importante du prolétariat. Cela avait amené, depuis les années 1950, le déplacement de la contradiction principale dans la zone des tempêtes : l’Afrique, l’Amérique latine, l’Asie. Nous sommes désormais dans une nouvelle période.

Il y a également la réaffirmation de l’idéologie communiste qui se pose historiquement, à travers la maturation des conflits de classe et surtout le rôle moteur de diffusion joué par nos organisations. Nous affirmons ici de manière très claire que les explications que nous fournissons du matérialisme dialectique sont les armes décisives pour disposer des outils nécessaires, dans les domaines théorique et pratique, intellectuel et matériel, pour faire avancer la Cause. Il ne s’agit pas d’un à-côté ou d’une philosophie accompagnant de simples revendications, mais du noyau dur de l’affirmation communiste.

Il va de soi qu’il serait toutefois faux de considérer de manière unilatérale que la contradiction prolétariat-bourgeois a déjà repris son cours naturel. C’est très loin d’être le cas. Les restes idéologiques, culturels, sociaux, politiques… des années 1950-1980 sont encore largement présents. Les années 1990-2010 ont également été marquées par un renforcement de nombreux aspects du mode de production capitaliste, en raison des progrès technologiques, de l’effondrement du bloc dominé par le social-impérialisme soviétique et de l’intégration dans l’économie capitaliste mondiale de la Chine devenue social-fasciste.

En ce sens, il est incorrect de considérer un mouvement comme les « gilets jaunes » en France autrement que comme une expression de la crise capitaliste en général et de la petite-bourgeoisie en particulier. Il existe un phénomène de ciseaux où tout ce qui est entre le prolétariat et la bourgeoisie est broyé. Ce phénomène est d’ailleurs parallèle à de nombreux autres qui, pareillement, expriment la peur de voir le capitalisme ne plus être en mesure d’assurer la paix sociale, de donner libre cours aux petits capitalistes, de neutraliser la classe ouvrière.

Les interprétations petites-bourgeoises de la crise écologique de grande ampleur et l’écocide terrifiant qu’il provoque, de l’aggravation catastrophique du réchauffement climatique, de la dramatique condition animale, sont également l’expression terrorisée des couches intermédiaires du capitalisme prises entre le marteau des exigences prolétariennes et l’enclume du capitalisme. Il s’agit en réalité de phénomènes correspondant à la limite historique du capitalisme. L’heure de son dépassement mondial est arrivé.

Les discours sur un « monde fini », sur la nécessité de passer à un développement économique « durable », d’adopter un mode de vie plus « sobre », ne sont rien d’autres qu’une tentative de freiner la roue de l’Histoire. Le fascisme réapparaît également de manière plus forte comme exigence d’un retour en arrière. Les appels à être davantage « raisonnable » sont toujours plus nombreux au sein des couches intellectuelles parasitaires. Tout ce catastrophisme est fondamentalement étranger à qui a compris l’ampleur des changements en cours, leur envergure.

En réalité, la matière est inépuisable et nous connaissons une époque de transformation générale, tant de la vie sociale que du rapport de l’humanité au reste de la matière. Il s’agit, pour être à la hauteur de ce processus, de libérer les forces productives, en adoptant les principes du socialisme dans tous les domaines. C’est cela qui va établir des dynamiques productives pour l’ensemble de la vie dans la Biosphère qu’est la planète, annonçant à moyen terme le processus de colonisation spatiale et de la diffusion toujours plus grande de la vie.

Cela exige une grande capacité d’autocritique, par rapport au mode de vie ancien. Seul le collectivisme est en mesure de briser l’individualisme et l’égoïsme caractérisant les initiatives et les valeurs dominantes dans le mode de production capitaliste. Seule une perspective se fondant sur la notion de totalité, d’ensemble, d’universalisme, peut permettre que la société ne sombre pas sous les coups de l’ultra-individualisme, de sa consommation capricieuse, de son mépris pour toute morale et toute exigence sociale.

Le mode de production capitaliste, en perdition, ne produit également plus que des horreurs culturelles et des poisons idéologiques. L’art contemporain, le relativisme moral, le cynisme le plus outrancier, le culte des egos démesurés et de l’apparence futile, la littérature subjectiviste, la musique dissonante comme valeur en soi ou bien répétitive et simpliste avec des harmonies simples… Le capitalisme profite de la surproduction de capital pour infester toujours plus d’aspects de la vie quotidienne.

Cela est cependant vain. Les masses se sentent fondamentalement étrangères à toute cette décadence, même si des secteurs plus ou moins importants peuvent se sentir fascinés ou momentanément désorientés. Les masses sont du côté de la transformation et de la culture, de l’ouverture et du développement. Les fixations identitaires, les fétichismes matériels, la superficialité leur sont par essence étrangères. Ici, l’avenir s’oppose à la célébration d’un passé idéalisé, le Socialisme à la décadence de la « culture » dans le capitalisme, à ce romantisme anticapitaliste qu’est le fascisme.

En Belgique et en France, la bataille est par conséquent celle pour libérer les initiatives des masses, pour élever leur conscience et leurs capacités d’organisation. L’avant-garde ouvre ici des espaces et, partant de la centralité ouvrière, forme le mouvement amenant l’émergence de la Démocratie populaire comme proposition stratégique. Il s’agit de faire vaciller le système dominant, de l’ébranler, de partir à son assaut pour l’établissement d’un nouvel État. Il faut être ici certain de la victoire.

Vive la classe ouvrière, classe la plus révolutionnaire de l’Histoire !

Vive son idéologie : le matérialisme dialectique, aujourd’hui le Marxisme-Léninisme-Maoïsme !

Guerre populaire jusqu’au Communisme !

Vive la seconde vague de la révolution mondiale !

Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste de Belgique
Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

Mai 2019

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La petite-bourgeoisie et la crise générale du capitalisme

Le mode de production capitaliste est toujours plus ébranlé ; si certains secteurs se développent particulièrement, d’autres stagnent voire reculent. Aussi, l’angoisse d’une précarisation sociale violemment forcée prend à la gorge des parties toujours plus importantes de la population. Il y a cependant lieu d’avoir un aperçu juste de ce processus.

En effet, la petite-bourgeoisie cherche toujours à gommer son existence pour prétendre à une certaine « objectivité », alors que dans les faits elle est une couche sociale tampon entre prolétariat et bourgeoisie.

Elle déforme les luttes ou se les approprie, selon ses propres intérêts. Elle refuse d’être subordonnée tant à la bourgeoisie qu’au prolétariat. Aussi n’est-il pas possible de s’orienter du point de vue du prolétariat sans comprendre les modalités de la crise générale du capitalisme frappant la petite-bourgeoisie.

L’enjeu de la question :
la protection des forces démocratiques

Il existe de nombreuses conceptions du changement social, notamment l’alternative réforme ou révolution. Cependant, au-delà des divergences possibles et des différences d’analyses ou d’interprétations, il est évident que le capitalisme, malgré ses prétentions à la stabilité, connaît des soubresauts, des moments de profondes perturbations, des périodes de crise.

Même si l’on admet pas le principe, qui nous semble juste, que le capitalisme ne peut qu’aboutir à une crise générale et qu’il ne peut chercher à s’en sortir que par la guerre, on est bien obligé d’admettre qu’il existe des phases où le capitalisme est tellement tourmenté qu’il y a des explosions sociales.

Or, si elles sont incomprises ou si elles sont orientées dans une direction réactionnaire, alors il ne reste plus de place pour rien. Si la petite-bourgeoisie passe en masse dans le camp de la réaction, celle-ci se voit terriblement renforcée.

Les socialistes et les communistes, comme l’ensemble des forces démocratiques, ont été balayés par le fascisme italien et le national-socialisme allemand, ainsi que par le franquisme espagnol, le fascisme clérical autrichien, etc., qui tous ont su mobiliser la petite-bourgeoisie.

Celle-ci était prise à la gorge par la crise, elle a cherché une porte de sortie. Elle a pensé en trouver une dans le fascisme. C’est cela qu’il s’agit de comprendre, en ayant en tête que ce n’est jamais une question purement « théorique », de par la répression, la militarisation.

C’est toujours une question vitale pour le mouvement ouvrier et par ailleurs l’ensemble des forces démocratiques. Échouer à saisir la complexité de la société à des moments clefs, c’est ne pas être en mesure de faire face à la pression réactionnaire et à l’écrasement fasciste de tout ce qui s’oppose au capitalisme.

La petite-bourgeoisie, couche sociale et non pas classe

Les enseignements de Karl Marx et Friedrich Engels présentent le mode de production capitaliste comme se fondant sur deux classes, le prolétariat et la bourgeoisie. Cette dernière possède les moyens de production et exploite la classe antagonique, qui n’a rien à perdre à part ses chaînes.

Il est évident que cette thèse, tout à fait juste dans ses fondements, exige d’être contextualisée. En l’occurrence, avec l’apparition de l’impérialisme comme stade suprême du capitalisme, on peut s’apercevoir que les pays capitalistes les plus puissants tirent tellement de ressources de leur hégémonie qu’ils sont capables de disposer de périodes de grande stabilité.

En raison du développement ample de la productivité capitaliste et de la domination des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, les pays capitalistes les plus puissants ont pu arracher une paix sociale en corrompant une partie du prolétariat, mais aussi en donnant naissance à de larges couches sociales intermédiaires entre la bourgeoisie et le prolétariat, ayant des fonctions subalternes dans le capitalisme mais se distinguant de la fonction directe de l’exploitation.

C’est ce qu’on appelle la petite-bourgeoisie. C’est une couche sociale et non pas une classe, elle oscille entre prolétariat et bourgeoisie. De par son statut social et son mode de vie, elle exerce une grande influence sur le prolétariat.

Son mode de vie plus élevé aboutit à une certaine fascination dans le prolétariat, notamment par rapport à la question de l’accès à la propriété. A la complication nouvelle historiquement par rapport à Karl Marx que pose le fait que le prolétariat soit devenu un prolétariat métropolitain, vivant dans le 24 heures sur 24 de l’idéologie capitaliste, s’ajoute la corruption petite-bourgeoise des valeurs prolétariennes.

Cette corruption n’est pas que culturelle ou sociale, elle est aussi directement économique et politique, ce qui revient d’ailleurs au même. Car la petite-bourgeoisie a besoin de la classe ouvrière comme levier afin de s’opposer à la bourgeoisie pour exister de manière moins « comprimée » au sein du capitalisme, pour gagner de l’espace entre prolétariat et bourgeoisie.

Les exemples sont innombrables de phénomènes sociaux commençant dans le camp prolétarien et happés par la petite-bourgeoisie, qui en arrache la direction, en en profitant tout en en vidant la substance. On peut penser, pour prendre des exemples qui parlent, au hip hop, au metal ou aux musiques électroniques, où des éléments petits-bourgeois, plus éduqués et plus opportunistes, se sont appropriés les scènes culturelles et le genre musical.

Le principe des ciseaux dans le cadre
de la crise générale du capitalisme

De par sa nature, le mode de production capitaliste est obligé de faire en sorte que l’accumulation du capital soit toujours plus croissante et cela dans une situation marquée par la chute tendancielle du taux de profit, dans un contexte de concurrence internationale toujours plus acharnée, alors qu’à l’arrière-plan des monopoles se mettent en place. Cela aboutit à une agressivité vers l’extérieur et vers l’intérieur, c’est-à-dire des interventions militaires sur le plan international et une pressurisation de la classe ouvrière à l’intérieur du pays.

Cela a des conséquences très lourdes lors des moments de crise apparaissant comme de vraies césures. En effet, tant qu’il n’est pas ébranlé dans ses fondements, le capitalisme est capable d’une telle accumulation qu’il est en mesure de maintenir l’existence de couches sociales artificielles telles que la petite-bourgeoisie, l’aristocratie ouvrière, de larges couches de fonctionnaires, comme produit indirect de l’élan productif.

Par contre, dès que la base capitaliste va vers son déclin, ces couches sociales protégées en apparence sont les premières à tomber, révélant et exprimant l’antagonisme essentiel entre les deux classes fondamentales formant la contradiction du mode de production capitaliste.

La crise générale du capitalisme agit comme des ciseaux, comprimant, écrasant tout ce qui existe entre prolétariat et bourgeoisie. Ce processus est évidemment complexe, visant certaines couches sociales plus que d’autres, de manière non symétrique et sans proportions entre les couches sociales. Tout cela dépend des rapports de force politique et économique, du contexte, de la nature de l’État, de la nature des crises économiques, etc.

Ainsi, l’armée est par définition une couche artificielle portée par le capitalisme, mais jamais la bourgeoisie n’amènera sa suppression, puisqu’il en va de sa survie. Il n’en va pas de même pour la recherche scientifique, par exemple, aussi absurde que cela apparaisse, car le capitalisme est porté par une classe décadente qui est incapable d’organisation. La bourgeoisie peut couper le fonds des subventions à l’art contemporain, qui lui est pourtant utile ; elle ne peut pas pour autant trop pressuriser la police.

La compression de la petite-bourgeoisie est ainsi un processus mécanique, produit de manière automatique de par la recherche de profits par la bourgeoisie. La petite-bourgeoisie est simplement sur sa route : elle dispose de capital et, à ce titre, aussi faible soit ce capital, il est une cible pour la bourgeoisie en quête d’accumulation.

La panique de la petite-bourgeoisie devant la prolétarisation

La petite-bourgeoisie a une véritable hantise de la prolétarisation. Elle entend rester à l’écart du prolétariat. Et, en même temps, elle sait très bien que la bourgeoisie est son ennemi, que les monopoles visent son expropriation. La petite-bourgeoisie est ainsi placée dans une situation intenable, l’amenant à avoir des revendications incohérentes.

D’un côté, elle veut avoir davantage de propriété, de l’autre elle ne peut pas avoir confiance ni en la bourgeoisie qui ne compte rien lui céder, ni s’appuyer sur la classe ouvrière, qui porte en elle l’abolition de la propriété.

D’un côté, elle rejette toute critique collectiviste du capitalisme, de l’autre elle ne veut pas se retrouver comme simple valet de la bourgeoisie, tout en ayant en plus besoin de la classe ouvrière dans son opposition aux monopoles.

La petite-bourgeoisie n’est donc pas seulement une classe fantôme, n’existant que temporairement dans le mode de production capitaliste : elle est également hantée. La hantise du déclassement social la traverse de part en part.

Cela la pousse à réagir de manière d’autant plus hystérique qu’elle ne parvient pas à trouver la source de son trouble, et à être d’autant plus perturbée si jamais elle perçoit que sa propre nature est la source de sa condamnation sociale historique.

Elle invente par conséquent tout un nombre d’idéologies et de démarches sociales, toutes plus éclectiques les unes que les autres, car n’étant pas une classe, elle n’a pas le sens des réalités et doit puiser à la fois dans le camp bourgeois et le camp prolétarien.

Il y a donc toujours un dénominateur commun dans les expressions petites-bourgeoises : rejetant à la fois la classe ouvrière et les monopoles – ce qui n’est pas possible sur le plan historique – la petite-bourgeoisie est amenée à prôner une hypothétique troisième voie entre capitalisme et communisme.

Les caractéristiques de la « troisième voie » petite-bourgeoise

La quête d’une « troisième voie » entre capitalisme et communisme, c’est-à-dire entre les monopoles et la classe ouvrière, s’est exprimée par un nombre sans fin de démarches et d’idées utopiques censées résoudre les problèmes du monde.

Leurs caractéristiques obéissent à la loi comme elles reflètent le caractère incohérent de la petite-bourgeoisie. On retrouve donc systématiquement :

– la croyance en un complot d’une élite secrète ;

– le refus d’utiliser le terme bourgeoisie ;

– le refus de reconnaître l’existence de la classe ouvrière ;

– le refus d’aborder la question de la propriété ;

– la focalisation sur la finance ;

– l’exigence de la sobriété, d’un retour en arrière sur le mode productif ;

– le refus de la politique ;

– le refus de l’organisation démocratique prolongée et structurée de manière bien déterminée.

La petite-bourgeoisie se fait le vecteur d’une démarche qui ne doit servir qu’elle-même, qui ne doit correspondre qu’à ses propres intérêts. En même temps, elle a besoin de mobiliser dans le prolétariat pour se renforcer et doit donc utiliser une certaine démagogie sociale. Pour autant, rien ne doit aller dans le sens d’une éventuelle remise en cause de la bourgeoisie ; certains thèmes sont donc absolument proscrits.

La petite-bourgeoisie, lorsqu’elle formule un mouvement, met donc toujours en place un simulacre de lutte de classe.

Les nombreux exemples français

La France est traditionnellement un pays où la petite propriété a eu une grande place. Elle est restée majoritairement agricole jusque l’entre-deux guerres, et même après 1945 le poids de cette réalité sociale est resté très important, notamment dans la question du logement.

Sa dynamique impérialiste a permis de former de larges couches sociales intermédiaires, avec un puissant encadrement social et culturel, notamment au moyen des syndicats.

Il n’est donc pas surprenant que, avec la progression de la crise générale du capitalisme, il y ait une quasi avalanche de mouvements petit-bourgeois contestataires. L’un des plus fameux aura été « Nuit debout », qui prétendait réactiver le principe de la révolution française. C’est également pour beaucoup la dynamique de La France Insoumise, avec le même état d’esprit de non-remise en cause de la propriété, de l’utilisation du concept de « peuple » dans un sens très large et opportuniste.

Un autre mouvement très marquant a été le tandem Égalité & réconciliation / Dieudonné. La mode de la « quenelle » relève directement de l’esprit révolté petit-bourgeois ; elle a d’ailleurs puissamment contaminé le prolétariat lui-même. Alain Soral, leader de Égalité & réconciliation, a obtenu un grand succès comme polémiste agressif, au style violemment plébéien.

Il faut ici rappeler le très grand succès de la vague délirante voyant en les phénomènes sociaux un complot des « illuminatis ». Il y a eu bien d’autres variantes, comme les discours sur le « complot » qu’aurait été le 11 septembre, l’explication que la traînée des avions est un empoisonnement (les « chemtrails »), à quoi il faut ajouter le mouvement « zeitgeist », etc.

Ce « blocage » psychologique sur une élite est également celui d’ATTAC, qui vise uniquement la finance, ou bien dans l’arrière-pays, des « nationalistes autonomes ». Il y a eu la vague des bonnets rouges avec leur jacquerie fiscale, et il y a les antispécistes qui voient un complet « spéciste » dirigé le monde.

Il faut bien sûr mentionner l’immense vague formée par les décroissants, Alternatiba, les colibris de Pierre Rabhi et les zadistes. On est ici dans une vague de « retour à la terre » pour retrouver les valeurs censées être authentiques de la petite production.

Il y a également eu l’ultra-gauche, avec « l’insurrection qui vient » de Julien Coupat jusqu’au mouvement contre la loi travail, qui a d’ailleurs reçu le soutien ouvert de la CGT, c’est-à-dire de l’aristocratie ouvrière.

Et il y a les gilets jaunes, jacquerie fiscale portée par la petite-bourgeoisie entrepreneuriale.

La révolte petite-bourgeoise :
une base juste, une orientation déraillée

La petite-bourgeoisie n’est pas une classe et par conséquent sa crise n’est pas sa propre crise à elle. Elle n’a pas de densité historique suffisante pour cela. Sa crise est donc en même temps la crise du prolétariat et la crise de la bourgeoisie.

Elle est en même temps la crise du mode de production capitaliste, dans son existence concrète en tant que contradiction travail manuel / travail intellectuel, contradiction villes / campagnes.

Cela signifie que ce que porte la petite-bourgeoisie dans sa réalité même, c’est la transformation de la base du mode de production capitaliste, dans le sens de son effondrement. Cependant, tout le problème est que la petite-bourgeoisie est incapable de comprendre cela.

La question de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes est historiquement celle de l’écologie, celle des gilets jaunes est celle du rapport entre les villes et les campagnes dans le cadre de la vie quotidienne. Les zadistes auraient dû se positionner en défense de la nature sauvage et les gilets jaunes comme les partisans du droit à la ville combiné au droit à la campagne.

Au lieu de cela, ils ont choisi de défendre la petite production locale pour les uns, la jacquerie fiscale pour les autres : cela reflète leur base sociale.

De la même manière, les antispécistes ne sont que le fruit d’une exigence d’un autre rapport avec les animaux (et non de l’absence de rapport destructeur). Les nationalistes autonomes sont l’expression de l’arriération de certains secteurs populaires et une tentative totalement déformée par le racisme de s’y opposer ; le triomphe de Dieudonné est une déviation de l’esprit universaliste anti-particulariste en haine fanatique d’une minorité.

La décroissance est une réaction au gaspillage absurde du capitalisme, ATTAC un refus de la passivité face à la prédominance du capital financier, Nuit debout un effort de convergence sociale, etc.

Il y a toujours une base réelle, la réalité sociale sur laquelle s’exprime la colère de la petite-bourgeoisie existe vraiment. Cependant, pour être à même de saisir le sens de cela, il faut une compréhension matérialiste dialectique que la petite-bourgeoisie ne peut pas saisir, pour deux raisons :

– cela lui est étranger, car elle s’oppose à la classe ouvrière dans sa vision du monde ;

– cela lui est impossible, car elle récuse tout rationalisme, tout matérialisme, toute conscience socialiste.

Une fois que la petite-bourgeoisie est lancée sur sa propre base, elle n’est pas rattrapable, de par son irrationalité.

La question du rapport
entre petite-bourgeoisie et classe ouvrière

La petite-bourgeoisie n’étant pas une classe, sa révolte n’est en soi qu’une conséquence historique du mode de production capitaliste. Par conséquent, la lutte de classe du prolétariat ne peut pas être celle de la petite-bourgeoisie. Il ne peut jamais s’agir d’unifier les exigences du prolétariat et de la petite-bourgeoisie, de les mettre sur le même niveau.

Tout comme la paysannerie, la petite-bourgeoisie n’est qu’une couche sociale transitoire historiquement ; elle n’a pas d’autonomie, elle ne peut qu’osciller, vaciller, être entraînée par l’un ou l’autre des deux pôles du capitalisme que sont le prolétariat et la bourgeoisie.

L’opportunisme consiste toujours à aligner le prolétariat sur la petite-bourgeoisie au nom de l’unité populaire nécessaire, alors qu’il s’agit justement inversement d’aligner la petite-bourgeoisie sur les nécessités historiques portées par le prolétariat.

L’une des démarches classiques de l’opportunisme vise forcément à ne pas aborder la question de ce qui relève de la petite-bourgeoisie, de ce qui relève du prolétariat. Une autre démarche vise à faire passer ce qui relève de la petite-bourgeoisie pour ce qui relève du prolétariat.

L’opportunisme a ainsi comme méthode soit de prétendre défendre le peuple « en général », soit de tenir un discours maximaliste dont le contenu est en réalité vain, petit-bourgeois, sans lien avec le processus historique du point de vue du prolétariat.

Bien cerner cet opportunisme et le récuser est une tâche incontournable.

La tentation romantique fasciste de la petite-bourgeoisie

La complexité du rapport entre prolétariat et petite-bourgeoisie s’accentue avec l’appel d’air effectué par le fascisme auprès de la petite-bourgeoisie.

Même si le fascisme signifie appauvrissement social, nihilisme culturel et volonté de guerre comme solution aux problèmes, avec une domination concrète des monopoles, il apparaît de par sa démagogie comme une utopie satisfaisant les fantasmagories de la petite-bourgeoisie.

En effet, le fascisme vise une conquête de la petite-bourgeoisie et même d’une partie réelle des masses populaires, du prolétariat, au moyen de la rhétorique nationaliste et de prétentions sociales communautaires.

Le fascisme s’expose toujours auprès de la petite-bourgeoisie comme un romantisme. C’est une démarche anti-rationnelle correspondant tout à fait au style petit-bourgeois, car la petite-bourgeoisie est en quête perpétuelle d’un moyen d’exister historiquement, alors que c’est impossible.

En présentant une utopie pacifiée virtuelle, le fascisme sait qu’il va parler à la petite-bourgeoisie, qui a l’impression d’avoir enfin trouvée une manière d’avoir sa place.

L’idéal communautaire du fascisme vise directement les attentes petites-bourgeoisies d’un monde statique, rassurant pour elle, sans compression de la part du prolétariat ni de la bourgeoisie.

Le fascisme comme « annulation » de la lutte des classes

Un aspect essentiel du fascisme qui parle à la petite-bourgeoisie, même si c’est en fait l’outil des intérêts de la bourgeoisie, est le refus de la lutte des classes. C’est là un grand thème du fascisme. La « réconciliation », la remise à sa « place » de chaque groupe social, le rétablissement d’un « équilibre », tout cela correspond aux espoirs de la petite-bourgeoisie.

Et cela sert directement la démarche du fascisme. L’objectif du fascisme est toujours de dévier les initiatives vers des choses secondaires ou carrément fausses, irrationnelles, afin d’empêcher la lutte des classes de tracer la route nécessaire pour renverser le mode de production capitaliste.

Le fascisme dévie les exigences de la lutte de classes pour proposer des solutions qui n’en sont pas, mais qui grâce aux préjugés, au manque de conscience sociale, culturelle, politique, à l’absence de connaissance du matérialisme dialectique, donnent l’impression de se diriger vers la sortie de la crise capitaliste.

Le fascisme n’est pas une simple réaction niant la lutte de classes. Il est une opération de mystification, visant à dévier l’énergie de la lutte des classes, afin de l’annuler. Cela n’étant possible que pendant un temps, le fascisme doit pour cette raison rapidement faire des réformes pour mener le pays à la guerre, seule voie possible pour la bourgeoisie et principalement les monopoles d’élargir leur accumulation capitaliste.

La démocratie populaire comme front populaire antifasciste

En tant que communistes disciples de Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao Zedong, nous savons que le Mouvement Communiste International a développé la forme de la démocratie populaire comme période intermédiaire entre la phase de pourrissement du capitalisme avancé et le socialisme.

Nous refusons le révisionnisme et défendons ce patrimoine.

La démocratie populaire, en brisant le pouvoir des monopoles et des grands propriétaires terriens, frappe le mode de production capitaliste en son cœur. Cela satisfait à la fois les intérêts de la classe ouvrière, mais également de la petite-bourgeoisie qui n’est plus alors sous le joug des monopoles.

Naturellement, la petite-bourgeoisie veut de son côté développer le capitalisme, cependant elle ne peut plus le faire de manière suffisamment ample pour devenir une bourgeoisie, avec des monopoles qui se reforment. De plus, la part principale de la production se fait par l’intermédiaire des monopoles anciens qui n’ont en effet pas été démantelés, mais socialisés. Cela présuppose bien entendu un État au service des larges masses, avec la classe ouvrière organisée comme force décisive historiquement.

La démocratie populaire se présente donc comme l’étape adéquate pour rassembler suffisamment les larges masses pour briser les monopoles et ouvrir la voie au socialisme.

Le Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste) affirme que l’objectif actuel n’est pas la révolution socialiste, mais la démocratie populaire comme étape historique obligatoire dans le cadre du capitalisme avancé.

Les concepts des « deux moments »
et du « courant transversal »

Si l’on regarde le parcours des mouvements portés par la petite-bourgeoisie, on peut voir qu’il y a toujours deux moments :

a) le premier est celui d’une véritable dynamique, avec une vraie portée critique, avec de larges sas avec le prolétariat, avec qui après tout la petite-bourgeoisie partage de très nombreux aspects de la vie quotidienne ;

b) le second moment est par contre celui d’un retournement complet, avec subitement l’affirmation de tendances fascistes plus ou moins fortes.

Nous affirmons que c’est là une loi historique. Cela se justifie par le fait que, n’étant pas une classe, la petite-bourgeoisie peut commencer à affirmer quelque chose, mais vacille immanquablement et finalement intègre son initiative dans une redynamisation du capitalisme, à moins que le prolétariat ne l’encadre adéquatement.

Dans le cas où il n’y a pas cet encadrement, le passage d’un moment à un autre peut se faire à un rythme plus ou moins rapide.

Le mouvement zadiste a mis du temps avant de prendre un tournant du type pétainiste, avec le culte du retour à la terre et de la mise en valeur de la petite production autosuffisante, etc. Le potentiel d‘une tournure tout à fait différente a existé pendant toute une période.

Le mouvement des Gilets Jaunes a quant à lui connu un retournement très rapide, passant quasi instantanément sous la coupe des éléments petits-bourgeois les plus liés au capitalisme, comme les commerçants, les petits entrepreneurs, les artisans, etc.

Il est un autre aspect important : l’émergence d’un courant transversal.

La dynamique de l’articulation de ces deux moments produit également un phénomène que les intellectuels bourgeois résument en disant que « les extrêmes se rejoignent » : il s’agit en réalité de la convergence de l’ultra-gauche avec l’extrême-droite. La nature petite-bourgeoise de l’ultra-gauche ramène celle-ci à échouer dans sa volonté d’affrontement total et la conduit à former un courant transversal de protestation avec l’extrême-droite.

Il s’agit là aussi d’une loi historique, dont un exemple connu est le soutien du trotskisme à l’occupation nazie, par le fait de nier la nécessité de la lutte armée au nom de « l’internationalisme ». Un autre exemple connu est le refus du front populaire antifasciste en Espagne par les courants d’ultra-gauche, au nom de la « révolution ».

Un dernier exemple est une tradition intellectuelle faisant de ce moment un fétiche et revendiquant une idéologie « nationale-révolutionnaire », « nationale-bolchevique ».

L’étape de la démocratie populaire comme orientation

Nous affirmons, eu égard à cette analyse, que la tâche actuelle des communistes est de contribuer à l’unification des masses contre les monopoles, sous la direction idéologique de la classe ouvrière.

Cela signifie que l’autonomie ouvrière est l’aspect principal et prime sur une unification avec la petite-bourgeoisie qui, sinon, aboutirait à une subordination à celle-ci. La priorité absolue est toujours de réfuter l’opportunisme qui idéalise tel ou tel phénomène qui transcenderait la différence entre prolétariat et petite-bourgeoisie.

Cela ne veut pas dire que le prolétariat ne doit pas soutenir le cas échéant la petite-bourgeoisie, bien au contraire. D’ailleurs, ce n’est qu’en la soutenant qu’il sera possible d’en faire une alliée, que la petite-bourgeoisie aura de vrais résultats, et donc ne répondra pas positivement au fascisme.

Cependant, fusionner conceptuellement la classe ouvrière et la petite-bourgeoisie est de l’opportunisme. Nous affirmons que c’est cela qui a amené le Parti Communiste Français à devenir révisionniste, la cause en étant l’interprétation opportuniste de Maurice Thorez des principes de Front populaire et de Démocratie populaire.

Nous rétablissons l’interprétation correcte : c’est notre identité politique, idéologique.

Pour synthétiser :

a) la révolte de la petite-bourgeoisie n’a de valeur historique que si elle se place en décalage par rapport au mode de production capitaliste, et donc qu’elle se place dans l’orientation portée par la classe ouvrière :

b) sans cela, elle va dans le sens d’un vecteur du fascisme comme mouvement romantique de masse cherchant à la neutralisation des contradictions :

c) le Front populaire contre les monopoles, contre le fascisme, contre la guerre, est l’orientation politique des communistes ;

d) l’établissement de la Démocratie populaire est le programme politique des communistes.

Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

Décembre 2018

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Le prolétariat métropolitain

Dans un pays capitaliste développé, il existe de nombreux moyens de fuir la réalité, de se replier sur sa vie privée. Les forces productives sont suffisamment développées pour qu’on puisse vivre de manière à peu près correcte au quotidien, dans un environnement relativement stable, en se préoccupant de s’élever socialement, d’avoir différentes activités sportives ou culturelles, voire même d’accumuler du capital.

Les revendications sociales elles-mêmes servent directement les syndicats, qui eux-mêmes participent aux institutions, aux entreprises, contribuant à la modernisation des rapports sociaux, à leur adaptation aux nouvelles situations. Les exigences révolutionnaires ne font que alors vivoter à la marge de la société, de manière coupée de la classe ouvrière, ne s’exprimant au mieux que de manière bornée ou folklorique.

Ce panorama n’a rien de nouveau ; il est de fait vrai depuis 1968, voire le début des années 1960. Il reflète la situation mise en place par le capitalisme une fois qu’il s’est élancé : si auparavant, jusque dans les années 1950, il y avait encore beaucoup de goulots d’étranglements empêtrant les masses dans la misère la première crise venue, désormais il y a en France une base matérielle suffisante pour fournir un minimum de satisfaction matérielle et une intégration qui va avec.

Pour cette raison, il existe un poids croissant de l’importance de la subjectivité. Il ne suffit pas de prendre conscience de la réalité sociale, il faut également faire le choix de ne pas céder à la corruption, faire le choix de participer à la transformation du monde, se positionner de manière adéquate dans le rapport entre révolution et contre-révolution.

Cette thèse a été formulée comme suit, en 1972 déjà, par la Fraction Armée Rouge :

« La situation d’exploitation des masses dans les métropoles n’est plus couvert par seulement le concept de Marx de travailleur salarié, dont on tire la plus-value dans la production.

Le fait est que l’exploitation dans le domaine de la production a pris une forme jamais atteinte de charge physique, un degré jamais atteint de charge psychique, avec l’éparpillement plus avancé du travail s’est produite et développée une terrifiante augmentation de l’intensité du travail.

Le fait est qu’à partir de cela, la mise en place des huit heures de travail quotidiennes – le présupposé pour l’augmentation de l’intensité du travail – le système s’est rendu maître de l’ensemble du temps libre des gens.

À leur exploitation physique dans l’entreprise s’est ajoutée l’exploitation de leurs sentiments et de leurs pensées, de leurs souhaits et de leurs utopies – au despotisme des capitalistes dans l’entreprise s’est ajouté le despotisme des capitalistes dans tous les domaines de la vie, par la consommation de masse et les médias de masse.

Avec la mise en place de la journée de huit heures, les 24 heures journalières de la domination du système sur les travailleurs a commencé sa marche victorieuse – avec l’établissement d’une capacité d’achats de masse et la « pointe des revenus », le système a commencé sa marche victorieuse sur les plans, les besoins, les alternatives, la fantaisie, la spontanéité, bref : de tout l’être humain !

Le système a réussi à faire en sorte que dans les métropoles, les masses sont tellement plongées dans leur propre saleté, qu’elles semblent avoir dans une large mesure perdu le sentiment de leur situation comme exploitées et opprimées.

Cela, de telle manière qu’elles prennent en compte, acceptant cela tacitement, tout crime du système, pour la voiture, quelques fringues, une assurance-vie et un crédit immobilier, qu’elles ne peuvent pratiquement rien se représenter et souhaiter d’autre qu’une voiture, un voyage de vacances, une baignoire carrelée.

Il se conclut de cela cependant que le sujet révolutionnaire est quiconque se libère de ces encadrements et qui refuse de participer aux crimes du système.

Que quiconque trouve son identité dans la lutte de libération des peuples du tiers-monde, quiconque refuse de participer, quiconque ne participe plus, est un sujet révolutionnaire – un camarade. »

Aux côtés du Collectif Politique Métropolitain italien, la RAF allemande a souligné cette importance de la modernité capitaliste pour la question du niveau de conscience. Il ne s’agit pas de considérer de manière unilatérale le caractère corrompu des masses dans les pays capitalistes développés. Ce serait là du tiers-mondisme, un travers dans lequel la RAF elle-même est tombée en partie.

Cependant, il y a ici une dimension métropolitaine – pour désigner ce qui relève de la métropole impérialiste – qui doit impérativement être pris en compte. Aussi affirmons-nous qu’il est nécessaire de parler de prolétariat métropolitain lorsqu’il est parlé du prolétariat tel qu’il existe, dans une métropole impérialiste, depuis les années 1960.

Ne pas faire cela serait ne pas faire de distinction entre le prolétariat métropolitain et le prolétariat qui, jusqu’aux années 1950, ne disposait pas de moyens matériels l’intégrant dans un 24h sur 24 du capitalisme. Il n’y avait pas de toilettes individuelles, ni de télévision ; il n’y avait pas de consommation massive de viande, ni de matériels électroniques aisément accessibles. Les vacances n’étaient pas encore un bien de consommation de masse, pas plus que les voitures, les assurances-vie, l’art contemporain.

L’intensité de l’exploitation n’avait pas atteint le degré extrême d’usure psychique d’aujourd’hui ; si physiquement, le travail était davantage éreintant, il vidait psychologiquement et nerveusement moins qu’aujourd’hui, il emprisonnait moins les esprits et les démarches.

C’est ce qui explique que le prolétariat métropolitain ne se rebelle pas comme le faisait le prolétariat, que les conflits n’ont ni la dimension, ni la profondeur, ni la violence, ni le degré de conscience qu’ils avaient de par le passé.

Cela ne veut nullement dire que le mode de production capitaliste ait changé de forme, ni que cela remette en cause la chute tendancielle du taux de profit impliquant l’effondrement du capitalisme, la fuite en avant dans la guerre impérialiste.

Ce que nous disons, c’est que nous avons découvert que l’échec de la proposition communiste des années 1950 provient de l’incompréhension de la paupérisation, considérée comme générale alors, bien qu’en réalité elle n’était que relative, le capitalisme connaissant un nouveau cycle. En proportion, la bourgeoisie devenait plus riche, mais la modernisation permettait tout de même d’amener les larges masses à participer au nouveau cycle, dont elles tiraient des avantages matériels.

C’est cela qui fait que, si auparavant la participation aux syndicats était nécessaire comme Lénine l’a souligné avec raison, à partir des années 1960, l‘exigence de l’autonomie prolétarienne implique le rejet formel de ceux-ci.

Naturellement, il y a ici le besoin de bien saisir les changements historiques et de parer à toute relecture gauchiste ou droitière du passé. Le phénomène d’étudiants et de petits-bourgeois prétendant réinterpréter le communisme à la suite de mai 1968 est bien connu et perdure jusqu’à aujourd’hui. Nous tenons à rappeler ici qu’il y a deux maoïsmes : le vrai, celui du matérialisme dialectique, qui prolonge Marx et Lénine mais aussi Engels et Staline, et le faux qui consiste en un spontanéisme aux contours flous et aux pratiques pragmatiques-machiavéliques.

Cependant, nous pensons qu’en saisissant de manière juste la contradiction villes-campagnes, nous avons réussi à trouver un moyen de distinguer le juste de l’erroné, et ce pour tous les cas. La destruction de la planète, c’est-à-dire de la Biosphère, va de paire avec une vie quotidienne aux mœurs dépassés, impliquant destruction écologiques et anéantissement des animaux. Comprendre cet arrière-plan et le combattre est inévitable ; il est facile de voir que des gens prétendant vouloir changer les choses, tout en restant étrangers à cette problématique, relèvent du problème et non de la solution.

C’est évidemment un problème également avec les masses elles-mêmes, qui vivent de manière réactionnaire, leur vécu soutenant objectivement et subjectivement le mode de production capitaliste. Cependant, les masses sont souvent prêtes à développer leur conscience une fois placées face à la contradiction villes-campagnes, si la démarche communiste est bien calibrée. L’isolement idéologique réussi dans la contradiction travail manuel – travail intellectuel est bien moins de mise.

Nous affirmons que c’est là une stratégie historique convenant au prolétariat métropolitain, c’est-à-dire le prolétariat du mode de production capitaliste développé. Le prolétaire métropolitain, aliéné en plus d’être exploité, reste un être naturel confronté à la remise en cause générale de tous les cadres de vie par un mode de production capitaliste exigeant que tout lui soit subordonné. Les besoins existentiels du prolétaire métropolitain restent en contradiction complète avec un mode de production capitaliste qui entend façonner sa production, sa consommation, son corps, sa famille, son habitation, ses déplacements, selon ses propres besoins.

Développer la rupture avec la vie quotidienne aliénée et exploitée dans la métropole impérialiste !

Porter la rupture subjective au cœur de masses à travers l’autonomie prolétarienne contre les institutions de la métropole impérialiste !

Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

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1968 – 2018 : Déclaration maoïste du premier mai 2018

Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste [Belgique]

Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

Le premier mai de cette année a une signification particulière : il y a 50 ans eut lieu la révolte estudiantine de mai 1968 en France, qui a produit un mouvement populaire dans tout le pays, amenant plus de dix millions de travailleurs à faire grève. Elle a également produit de nombreuses organisations révolutionnaires – qui sont historiquement résumées sous l’étiquette de « gauchisme » – essayant de relancer le processus révolutionnaire brisé par le triomphe du révisionnisme, suite au coup d’État en Union soviétique en 1953.

Elle était en peine convergence, en tant que révolte de la jeunesse, qu’appel de la Révolution, avec la Grande Révolution Prolétarienne Culturelle en Chine.

La valeur de mai 1968 en France – et aussi dans d’autres pays, avec des formes différentes -, la valeur des expériences révolutionnaires des années 1970 en général, l’aspect négatif des influences idéologiques des petits-bourgeois et des universités (avec les étudiants, mais aussi les enseignants), doivent être compris correctement. En ce premier mai 2018, nous appelons à apprendre la leçon du passé.

La valeur historique de mai 1968 fait partie du patrimoine révolutionnaire mondial, car cela montre que, aussi forte que la société moderne bourgeoise puisse être à organiser ses institutions et ses contrôles idéologiques et culturels, elle est condamnée à l’échec. Il y a toujours un moyen de briser le système maintenant les masses dans une attitude passive ; il y a toujours un moyen d’ouvrir des espaces pour la conscience révolutionnaire.

En ce sens, la leçon principale de mai 1968 est l’autonomie des travailleurs, c’est-à-dire l’autonomie de la classe ouvrière, la nondépendance vis-à-vis des institutions et en particulier des syndicats. Le principal syndicat, la CGT, dominé par le Parti « Communiste » révisionniste, joua un rôle majeur pour empêcher l’alliance entre les étudiants et les ouvriers, pour réduire la lutte à une question économique. Il était une composante des institutions en tant que tel.

C’est la grande leçon de mai 1968, qui correspond au changement de forme de la société bourgeoise depuis que les forces productives se sont développées après 1945. Cela souligne bien sûr l’aspect subjectif. La capacité de rompre avec les formes de pensée et d’action diffusées par la bourgeoisie exige un haut niveau idéologique-culturelle.

C’était une nouvelle situation pour les communistes dans les pays impérialistes. Si mai 1968 a eu un tel écho, c’est aussi parce que la révolution russe d’octobre 1917 et la révolution démocratique chinoise de 1949 relevaient de sociétés peu développées, tant dans le plus grand pays du monde que dans le pays le plus peuplé du monde.

Mai 1968 en France apparaît donc comme une rupture majeure dans une société moderne bourgeoise, quelque chose d’un genre nouveau. Nous ne devons jamais oublier que la jeunesse rebelle a alors compris que la question était celle de la vie quotidienne.

La lutte des classes ne se réduisait pas à une question économique, mais était comprise comme telle : une lutte concernant chaque aspect de la vie, parce que la révolution touche au mode de production, à l’organisation de la société, au fait de permettre que se développent les facultés de chaque personne.

C’est pourquoi nous disons que la clef de mai 1968 est que le Parti révolutionnaire interagisse avec les larges masses à travers l’autonomie ouvrière : cela a été compris dans les vraies expériences maoïstes après mai 1968, en France, en Allemagne, en Italie, en Belgique.

C’est le moyen de construire le nouvel État, d’organiser la rupture à l’échelle de la société avec l’idéologie dominante. C’est le véritable sens du maoïsme.

Et ce sens réel était porté par la ligne rouge, à l’inverse de la ligne noire, qui prétendait être antirévisionniste dans la mesure où elle proposait le modèle révolutionnaire des années 1920, alors qu’en réalité c’était une tendance syndicaliste, légaliste, formaliste.

En ce premier mai 2018, nous appelons à comprendre ce fait : en raison de l’échec temporaire de la ligne rouge dans les années 1980-1990, les derniers restes de la ligne noire qui existent encore aujourd’hui prétendent avoir formé, dans les années 1960-1970, la bonne ligne, être le vrai mouvement maoïste.

Ce n’est pas vrai et il y a encore le besoin d’un mouvement prolétarien « de retour aux sources », récupérant l’héritage du passé et la Pensée-Guide qui a émergé alors.

Nous disons: il n’y aura pas de processus révolutionnaire dans aucun pays, si on ne comprend pas la lutte des deux lignes des années 1960-1970.

Même si souvent la ligne rouge avait tendance à passer au subjectivisme, elle était sur la bonne voie ; la ligne noire n’a rien à proposer, sinon une stratégie néo-syndicaliste, formelle, pleine de clichés, sans aucune valeur culturelle et idéologique. L’exemple français de mai 1968 est ici très clair, car il y avait :

– un Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France – PCMLF, qui était légaliste, néosyndicaliste, allant de plus en plus à travers de nombreuses scissions vers le réformisme, l’hoxhaisme, une ligne pro-Deng Xiaoping ;

– une Union des Jeunesses Communistes (marxistes-léninistes) – UJC (ml), devenue la Gauche Prolétarienne – GP, étant l’organisation la plus célèbre des années 1960-1970 en raison de son activité, de sa quête de l’autonomie ouvrière.

Cette lutte de deux lignes existait en fait partout dans le monde, par exemple à travers la contradiction entre le Parti communiste d’Inde (marxiste) et le Parti communiste d’Inde (marxiste-léniniste), le Türkiye İhtilalci İşçi Köylü Partisi et le Parti communiste de Turquie / Marxiste-Léniniste, le Revolutionary Youth Movement II et le Revolutionary Youth Movement I, etc.

C’est au cours de ces luttes des deux lignes que Siraj Sikder, Akram Yari, Ibrahim Kaypakkaya, Gonzalo, Charu Mazumdar… sont apparus comme Pensées-Guides dans leur propre pays.

Comme on le sait, la ligne rouge n’a pas réussi à mener à bien son initiative, même si elle a marqué l’histoire de son pays, contrairement à la ligne noire.

Il est évident, par exemple, que même s’ils ont échoué, le Black Panther Party et les Weathermen ont marqué l’Histoire américaine, alors que le Parti Communiste Révolutionnaire des États-Unis, ne l’a pas fait. La raison de l’échec peut maintenant être correctement comprise, cinquante ans après.

La ligne rouge, alors, surestimait la question de l’aspect subjectif, croyant que le processus révolutionnaire ne serait qu’une question de quelques années; ce n’est pas avant le début des années 1980 qu’apparut la compréhension que le processus révolutionnaire serait en soi de nature prolongée.

La ligne rouge, également, n’a pas été capable de récupérer correctement le matérialisme dialectique.

La continuité du marxisme-léninisme, défini par Staline, à travers la Grande Révolution Prolétarienne Culturelle, à travers le Maoïsme, n’a pas été appréhendée de manière appropriée, permettant l’émergence de la gauche-subjectiviste et de la droite-liquidationniste. L’histoire de la ligne rouge est donc souvent marquée par l’instabilité et le triomphe brutal du liquidationnisme. Nous devons comprendre que c’était le prix à payer pour découvrir la nouvelle situation.

Pour cette raison, il n’y a pas de fétichisme à faire, ni de mai 1968, ni des expériences faites alors et ensuite. Cela remettrait entre les mains du subjectivisme, même si le risque principal, encore aujourd’hui et à cause du développement des forces productives, est encore la perte de l’aspect subjectif.

Il faut rappeler ici que de nombreux acteurs de mai 1968 sont devenus membres des institutions, notamment dans les domaines intellectuel et culturel. Et la partie moderniste de la bourgeoisie a aussi utilisé l’ébranlement de mai 1968 pour promouvoir le libéralisme, l’individualisme, le refus de toute valeur « conservatrice » qui signifie n’importe quelle valeur, etc.

Chaque séquence de lutte de classe doit être correctement comprise en rapport avec les séquences avant et après celle-ci, et bien sûr avec le but principal : la conquête du pouvoir. Nous disons pour cette raison: apprenons, ce 1er mai 2018, de mai 1968 !  ■

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Subjectivité, collectivité, auto-détermination

Avril 2018

Parti Communiste de France (Marxiste-Léniniste-Maoïste)

Prolétaires de tous les pays, unissez vous !

Nous voulons ici souligner des points essentiels sur l’importance de l’esprit révolutionnaire, sur ce que cela implique dans l’engagement révolutionnaire, dans le regroupement des personnes ayant acquis un certain niveau de conscience les amenant à assumer le conflit avec le mode de production capitaliste.

Ce que nous voulons dire par là, c’est qu’il n’existe pas de vie possible dans une société capitaliste sans un esprit de rupture et de confrontation avec les valeurs qui sont imposées dans la vie quotidienne. Il ne s’agit pas simplement d’un partage inégalitaire des richesses, d’une hiérarchie sociale injuste qui posent problème, mais bien de toutes les facettes de la vie qui sont déformées, appauvries, niées, empêchant chaque personne de déployer ses facultés réelles.

La laideur des grandes villes, l’impossibilité de développer des activités artistiques, l’arriération des mentalités prisonnières d’un travail répétitif, l’isolement des campagnes, la destruction de la nature… tout cela se confronte à la compréhension que tout pourrait être autrement.

Et cela est d’autant plus flagrant que, grâce à la culture historique dont on peut disposer, on s’aperçoit que la société a progressé, évolué, que les forces productives et les richesses matérielles ont grandi sans commune mesure. Il y a un formidable héritage culturel populaire qui est nié, gâché, abîmé, converti en prétexte pour une consommation passive qui renforce inversement le mode de production capitaliste.

Cette question de l’héritage ne doit pas être sous-estimée : elle va de paire avec deux choses fondamentales. La première, c’est le fait que l’héritage relève d’un concept s’appuyant sur l’existence de la classe ouvrière comme classe devant prendre les commandes de la société, tout comme la bourgeoisie et l’aristocratie l’ont fait dans le passé pour façonner la société selon leurs propres valeurs.

Il ne s’agit pas d’aller vers le passé, de pratiquer un romantisme anticapitaliste idéalisant le petit capitalisme ou le moyen-âge, voire l’antiquité.

La seconde chose fondamentale, c’est que l’humanité actuelle est le fruit d’une accumulation de valeurs, d’expériences, de principes, qui se sont synthétisés et permettent justement ce qu’on appelle le progrès.

Il ne s’agit pas de nier les apports du passé, qui ont contribué à la civilisation. Il s’agit de faire le tri entre ce qui relève du progrès et ce qui relève des formes du passé, de l’exploitation, de l’oppression.

A cela s’ajoutent les éléments à la fois nouveaux et façonnés par les mentalités arriérées : il est évident par exemple que la chasse à courre appartient au passé et doit être supprimée. Il faut également saisir en quoi la fuite dans l’alcool ou les drogues appartient à un mode de vie isolé, aliéné, propre à la vie quotidienne épuisante et épuisée que propose le capitalisme.

Par conséquent, la subjectivité révolutionnaire se doit d’aller avec le refus systématique du subjectivisme. Depuis 1848 et l’établissement de son pouvoir, depuis l’impressionnisme en peinture, depuis des philosophes comme Auguste Comte avec le positivisme ou encore Henri Bergson avec son vitalisme, la bourgeoisie ne cesse de valoriser le choix individuel comme porteur de sens et de valeurs.

La défense intransigeante du réalisme – du réalisme socialiste dans le sens de l’Union Soviétique de Joseph Staline – est une réponse incontournable aux lubies subjectivistes liées, d’une manière ou d’une autre et cela de manière obligée, à la bourgeoisie.

Il ne s’agit jamais de faire un fétiche de sa propre situation, malgré les souffrances et ce qu’on peut endurer dans cette société. Au-delà de sa situation personnelle, particulière, il y a la question de l’ensemble, de l’avenir.

Chercher à détruire ce qui nous détruit ne peut être que le point de départ, aboutissant à l’organisation collective dans le but de donner une réalité au renversement d’un système d’exploitation et d’oppression.

Cette subjectivité révolutionnaire reste la base pour trouver une voie pour exister de manière authentique malgré le capitalisme ; c’est une exigence qui part du plus profond de la conscience et de la sensibilité de toute personne voyant les choses en face.

Mais c’est une base qui, de manière dialectique, forme également une étape seulement, pour se rassembler, s’organiser, donner la vitalité à ce qui doit être appelé l’avant-garde, le Parti.

Précisons ici une chose capitale. Ce qu’on appelle révolution n’est pas, ici, un vain espoir ou l’attente d’un changement supprimant tous les problèmes d’un coup, mais c’est également un moment, une étape essentielle, cruciale, pour pouvoir avoir les moyens de briser les obstacles.

Il faut savoir raisonner en termes d’étapes et de moyens. L’Histoire procède par sauts, la lutte de classes reflète désormais la contradiction du mode de production capitaliste. Saisir cela, comprendre ce que signifie la subjectivité révolutionnaire comme antagonisme théorique et pratique, c’est se lancer dans le processus historique révolutionnaire, et cela veut dire aussi : être à la hauteur de l’idéologie, du matérialisme dialectique.

Pour cette raison, la nature même de l’organisation révolutionnaire, en conflit avec l’État – et non pas la société -, avec comme objectif de dépasser le mode de production capitaliste – et non de le faire reculer, de le repousser, de le refouler – repose sur les trois principes suivants : subjectivité, collectivité, auto-détermination.

Par subjectivité, il faut comprendre la capacité de décision personnelle, l’engagement existentiel qui amène l’identité à se façonner de manière dialectique pour une expression normale, naturelle de la vie, et contre ce qui exploite et opprime.

Sans cette rupture subjective, qui est d’une importance capitale dans une métropole impérialiste, rien n’est possible à part l’esprit de capitulation, la soumission à une vie quotidienne anéantissant les facultés, la sensibilité, façonnant toute la personnalité au service du capitalisme.

L’unité des personnes ayant fait le choix de cette rupture est la collectivité.

Il ne s’agit pas ici de nier l’idéologie ou de sous-estimer son rôle, sa nature ; toute notre activité cette dernière décennie en témoigne d’ailleurs, puisque nous avons de manière ininterrompue rétabli les fondamentaux du matérialisme dialectique, des principes du communisme.

Vive notre Parti, qui a rétabli l’idéologie révolutionnaire, se plaçant sous le drapeau de Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao Zedong, qui a le premier affirmé dans un pays impérialiste l’universalité de la guerre populaire comme théorie militaire du prolétariat !

On aurait tort de s’imaginer, pour autant, que cela aboutit au dogmatisme comme ossification théorique, bien au contraire. Le mépris que nous pouvons avoir – que nous avons – contre des vantards pseudo-révolutionnaires ne repose pas tant sur le fait qu’ils sont d’une faiblesse idéologique criante, que sur leur nature méprisante à l’égard de tout ce qui est rupture sur le plan de la vie quotidienne.

Qu’en 2018, l’existence du véganisme ne soit toujours pas pris en compte par des gens prétendant changer le monde nous suffit largement pour n’avoir rien envie de faire avec de telles personnes. Que des gens qui prétendent vouloir la révolution, le grand soir, le soulèvement ou bien la « guerre populaire » – peu importe les différences fictives de terminologie – nient les expériences des années 1970 et 1980 nous suffit amplement à les cataloguer, à les disqualifier.

Il ne faut pas se leurrer : le principe même de Parti, de collectivité, ne repose jamais sur l’idéologie seule, mais toujours sur les gens qui la portent, sur leur capacité à la porter. Lorsqu’il n’y a plus ces gens, le parti révolutionnaire devient révisionniste, l’idéologie étant modifiée, inlassablement et imperceptiblement, jusqu’à sa négation complète.

Pour cette raison, il ne faut pas avoir de fétichisme du Parti, mais bien de ceux et celles qui portent la subjectivité révolutionnaire capable de porter l’idéologie du Parti. C’est en ce sens que le P«C»F ne vaut plus rien depuis 1953 et qu’il n’y a pas à chercher à quel moment le révisionnisme aurait fini de tout liquider.

Ce qui fait justement la force de la collectivité révolutionnaire, du Parti, c’est cette capacité humaine à échanger, à apprendre, à enseigner, à diriger, à organiser. Il n’existe aucune différence entre camarades au sein d’une telle collectivité, car chacun sait l’importance de la rupture qui a dû être portée pour en arriver là.

Assumer la conflictualité révolutionnaire n’est jamais aisée et même une fois qu’on y arrive, cela n’est pas gagné pour toujours. Il faut savoir se lier aux tendances nouvelles de l’époque, qui renforcent la subjectivité, permettent le développement du Parti. Une collectivité révolutionnaire ne vit pas séparé du mouvement de la réalité.

Cela signifie ici connaître également la patience, car le principe : « Les masses font l’histoire, le Parti les dirige », ne doit pas être remplacé par un volontarisme subjectiviste s’imaginant que « Le Parti fait l’histoire, les masses le dirige ».

L’inévitable inégalité de développement selon les situations souligne, par là même, le principe de l’auto-détermination.

Le Parti ne peut exister que par le centralisme démocratique, car sans Direction, il n’y a pas de ligne. Cependant, chaque révolutionnaire doit savoir s’insérer et porter le projet révolutionnaire conformément aux principes de la subjectivité révolutionnaire, de la collectivité organisée pour la porter.

Seul le Parti peut diriger, porter le matérialisme dialectique, mais chaque révolutionnaire est capable d’auto-détermination à partir du moment où il a été façonné par la collectivité, par le Parti. C’est le principe du Parti d’avant-garde : il ouvre la voie à une capacité individuelle de rupture, d’acquisition des grands principes du communisme, d’une vie tournée vers le nouveau, portant par conséquent l’initiative révolutionnaire dans une réalité donnée.

Que la situation de cette réalité soit différente selon les endroits, selon les moments, ne change rien et ne modifie nullement l’esprit de collectivité. C’est cet esprit, pétri dans le matérialisme dialectique, façonné par la lutte des classes, qui permet au Parti d’exister comme force historique, comme catalyseur de l’Histoire.

Pour le Communisme ! ■

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Monisme et négation de la négation

Nous défendons le monisme – c’est notre identité fondamentale. Cela signifie que nous considérons qu’il n’y a pas de parties « scindées » dans l’univers, pas de parties du tout : tous les différents éléments sont les composantes de seulement un processus : l’univers lui-même.

Cela signifie que le matérialisme historique n’est qu’une étude de certains éléments de l’univers – l’histoire de l’humanité – mais qu’il ne peut être séparé du matérialisme dialectique, qui étudie le mouvement de l’univers.

C’est la différence majeure nous séparant des faux « maoïstes » pour qui l’idéologie communiste est simplement une voie technique pour faire la révolution. Pour ces gens, le marxisme est comme une recette de cuisine, fonctionnant de manière cosmopolite, c’est-à-dire partout et tout le temps.

Ils tombent dans le grand piège : celui de l’anthropocentrisme, niant que nous sommes de la matière et qu’ainsi nous appartenons au mouvement général de la matière. L’évolution de l’humanité n’est pas séparée du reste, et le changement climatique est une preuve terrible de la nécessité d’un saut idéologique dans la conception de l’humanité.

Mao Zedong a ouvert cette compréhension, avec sa fameuse remarque sur les lois de la dialectique, qui ne sont en fait qu’une loi, puisque le monisme nécessite qu’il n’y ait qu’une seule réalité : la matière elle-même, qui signifie mouvement, le mouvement produisant l’espace et le temps.

Mao Zedong dit ainsi, dans une discussion :

« Engels a parlé au sujet des trois catégories, mais en ce qui me concerne je ne crois pas à deux de ces catégories (l’unité des opposés est la loi la plus fondamentale, la transformation de la qualité et de la quantité l’une en l’autre est l’unité des contraires [que sont] qualité et quantité, et la négation de la négation n’existe pas du tout).

La juxtaposition, au même niveau, de la transformation de la qualité et de la quantité l’une en l’autre, la négation de la négation, et la loi de l’unité des opposés est « triplisme », pas le monisme. La chose la plus fondamentale est l’unité des opposés.

La transformation de la qualité et de la quantité l’une en l’autre est l’unité des contraires [que sont] qualité et quantité. Il n’y a pas de telle chose comme la négation de la négation.

Affirmation, négation, affirmation, négation… dans le développement des choses, chaque maillon de la chaîne des événements est à la fois affirmation et négation. »

S’il y avait quelque chose comme la « négation de la négation », cela signifierait qu’un processus dialectique de négation de la négation pourrait être compris comme séparé du mouvement général de la matière.

Il n’y aurait plus d’univers en tant que totalité, mais des mouvements dialectiques partout. C’est précisément la conception des faux maoïstes (et cela montre que ce sont des trotskystes), qui se désintéressent ou nient la dialectique de la matière, prétendant être dialectique de leur méthode et seulement dans le champ de la lutte de classe.

Selon le matérialisme dialectique authentique, il y a seulement une chaîne d’événements, et cette chaîne a des « noeuds », qui sont tous inter-reliés dialectiquement. L’univers est un oignon, où toutes les couches sont interconnectées.

C’est pourquoi le matérialisme dialectique n’est pas seulement une « méthode » pour aider le matérialisme historique, mais la science en elle-même.

Cela permet de comprendre que la vie sur Terre forme une couche, que nous pouvons appeler biosphère comme le fit le scientifique soviétique Vladimir Vernadsky. Cela permet de comprendre que le système solaire est une couche de la galaxie, qui est une couche d’un amas de galaxie, etc.

Comprendre les couches et l’interpénétration des couches est ce que fait le matérialisme dialectique. C’est pourquoi il n’y a pas de telle chose comme la négation de la négation : cela donnerait à une négation locale une signification qu’elle n’a pas.

Il n’y a qu’un seul processus, un mouvement dialectique de la matière infinie, formant l’univers éternel.

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Les manifestations extérieures d’une chose et son essence

Le décalage entre le mouvement général de la matière et l’humanité est à l’origine de ce qu’on appelle la science. On ne peut pas se fier aux apparences, car les choses sont en mouvement. Si l’on prend en compte un phénomène uniquement par rapport à soi, alors on est en décalage avec l’essence réelle de ce phénomène.

Mao a ainsi pu dire :

« Il faut analyser le fond de chaque chose et ne considérer les manifestations extérieures que comme une avenue menant à la porte dont il faut franchir le seuil pour saisir vraiment le fond du problème. C’est là la seule méthode d’analyse, sûre et scientifique. »
(Une étincelle peut mettre le feu à toute la plaine)

Ou comme l’a résumé Marx, dans Le Capital :

« Si les manifestations extérieures d’une chose et son essence fusionnaient étroitement, toute science deviendrait dès lors superflue. »

Cependant, cela ne veut pas dire que la science soit impossible, ou bien que les connaissances ne peuvent pas exister en tant que tel, qu’elles soient nécessairement uniquement relatives.

Bien au contraire, étant donné que les humains sont eux-mêmes de la matière, ils peuvent eux-mêmes se conformer à la réalité. La science est, en fait, forcément pratique. Et cette pratique n’est pas anthropocentrique : elle vise à découvrir la matière dans son essence, à comprendre le sens de la transformation en elle-même.

Le réchauffement climatique est un bon exemple d’aspect secondaire incompris d’une transformation effectuée de manière unilatérale, sans saisie de l’essence réelle des choses transformées.

Le rapport aux animaux est un autre exemple de non-reconnaissance de l’essence réelle d’un phénomène, par exemple avec des éléphants placés dans un cirque, en non-adéquation complète avec l’essence de l’éléphant.

Toute erreur de l’humanité est ici lourde de conséquences et amène des problèmes en série, dont les résultats sont alors inattendus bien entendu, et de grande portée. Tous les drames existant dans la vie de l’humanité, ou provoquée par elle, proviennent de cela.

L’humanité ne peut donc pas imposer des principes, elle ne peut que les reconnaître et s’y conformer. Comme le formule Friedrich Engels :

« Les principes ne sont pas le point de départ de la recherche, mais son résultat final ; ils ne sont pas appliqués à la nature et à l’histoire des hommes, mais son résultat final ; ce ne sont pas la nature et l’empire de l’homme qui se conforment aux principes, mais les principes ne sont exacts que dans la mesure où ils sont conformes à la nature et à l’histoire. »
(Anti-Dühring)

Cet approfondissement est lui-même dialectique, non sans limites :

« Processus infini d’approfondissement de la connaissance par l’être humain des choses, phénomènes, processus, etc., allant des phénomènes à l’essence et d’une essence moins profonde à une essence à une essence plus profonde. »
(Notes de Lénine : « Résumé de la Science de la logique de Hegel »)

Cela signifie que la connaissance elle-même obéit à la dialectique. Tout processus est dialectique. La pensée obéit à un cheminement dialectique, l’histoire des humains, l’ensemble de l’univers, tous ses éléments, etc.

Le processus est inévitable, et est marqué à chaque fois par un saut à une étape supérieure. Friedrich Engels dit ainsi :

« Toutes les situations qui se sont succédé dans l’histoire ne sont que des étapes transitoires dans le développement sans fin de la société humaine progressant de l’inférieur vers le supérieur.

Chaque étape est nécessaire, et par conséquent légitime pour l’époque et les conditions auxquelles elle doit son origine : mais elle devient caduque et injustifiée en présence de conditions supérieures, nouvelles qui se développent peu à peu dans son propre sein ; il lui faut faire place à une étape supérieure qui entrera à son tour dans le cycle de la décadence et de la mort. »

C’est la raison pour laquelle, en Chine populaire, on a souligné que même des détours servent à la constitution du nouveau, améliorant celui-ci : les échecs rendent plus forts, car ils renforcent la connaissance de ce qui est juste.

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Lénine – Sur la question de la dialectique (1915)

Le dédoublement de l’un et la connaissance de ses parties contradictoires est le fond (une des « essences » , une des particularités ou marques fondamentales, sinon la fonda­mentale) de la dialectique.(v. la citation de Philon sur Héraclite : Car l’un est ce qui se compose de deux contraires, de sorte qu’une fois coupé en deux, ces contraires apparaissent. N’est-ce pas ce principe que d’après les Hellènes, leur grand et célèbre Héraclite plaçait en tête de sa philosophie et dont il s’enorgueillissait comme d’une découverte nouvelle ? (…) De la même façon les parties de l’univers sont opposées en deux et opposées réciproquement : la terre — en montagne et en plaine, l’eau – en douce et en salée … de la même façon l’atmosphère en hiver et en été et aussi en printemps et automne)

C’est ainsi que Hegel également pose la question (dans sa « Métaphysique » Aristote se débat constamment à ce propos et se bat contre Héraclite, contre les idées héraclitéennes).

La justesse de cet aspect du contenu de la dialectique doit être vérifiée par l’histoire de la science. Habituellement (par exemple chez Plékhanov) on ne prêle pas assez attention à cet aspect de la dialectique : l’identité des contraires est prise comme somme d’exemples (le grain, le communisme primitif).

Chez Engels aussi. Mais c’est « pour la vulgarisation »… et non comme loi de la connaissance (et loi du monde objectif) : en mathématiques + et -. différentielle et intégrale ; en mécanique, action et réaction ; en physique, électricité positive et électricité négative ; en chimie, combinaison et dissociation des atomes ; en sciences sociales, la lutte des classes.

L’identité des contraires (leur « unité », dirait-on peut-être plus exactement, bien que la distinction des termes identité et unité ne soit pas ici particulièrement essentielle ; en un certain sens, les deux sont justes) est la reconnaissance (la découverte) des tendances contradictoires, s’excluant mutuellement, opposées, dans tous les phénomènes et processus de la nature (dont ceux de l’esprit et de la société).

La condition pour connaître tous les processus de l’univers dans leur « auto-mouvement », dans leur développement spontané, dans leur vie vivante, est de les connaître comme unité de contraires. Le développement est « lutte » des contraires.

Les deux conceptions fondamentales (ou les deux possibles ? ou les deux observées dans l’histoire) du développement (de l’évolution) sont : le développement comme diminution ou augmentation, comme répétition, et le développement comme unité des contraires (dédoublement de l’un en contraires s’excluant mutuellement et rapports réciproques entre eux).

La première conception du mouvement laisse dans l’ombre l’auto-mouvement, sa force motrice, sa source, son motif (ou bien transporte cette source en dehors : dieu, sujet, etc.). La deuxième conception dirige l’attention principale précisément sur la connaissance de la source de l’auto-mouvement.

La première conception est morte, terne, desséchée. La deuxième est pleine de vie. Seule la deuxième donne la clef de l’auto-mouvement de tout ce qui est ; seule elle donne la clef des « sauts », de l’ « interruption dans la gradation », du « changement en contraire », de l’abolition de l’ancien et de la naissance du nouveau.

L’unité (coïncidence, identité, équivalence) des contraires est conditionnelle, temporaire, transitoire, relative. La lutte entre contraires s’excluant mutuellement est absolue, comme sont absolus le développement et le mouvement.

NB : le subjectivisme (le scepticisme et la sophistique, etc.) se distingue de la dialectique, entre autres, en ce que dans la dialectique (objective) la différence entre le relatif et l’absolu est elle-même relative. Pour la dialectique objective, dans le relatif il y a l’absolu. Pour le subjectivisme et le sophistique, le relatif est seulement relatif et exclut l’absolu.

Marx, dans « Le Capital », analyse d’abord le rapport de la société bourgeoise (marchande) le plus simple, habituel, fondamental, le plus massivement répandu, le plus ordinaire, qui se rencontre des milliards de fois : l’échange des marchandises.

L’analyse fait apparaître dans ce phénomène élémentaire (dans cette « cellule » de la société bourgeoise) toutes les contradictions (respective les germes de toutes les contradictions) de la société contemporaine. L’exposé nous montre ensuite le développement (et la croissance et le mouvement) de ces contradictions et de cette société dans la somme de ses diverses parties, depuis son début jusqu’à sa fin.

Telle doit être la méthode d’exposition (respectivement d’étude) de la dialectique en général (car la dialectique de la société bourgeoise chez Marx n’est qu’un cas particulier de la dialectique).

Que l’on commence par le plus simple, habituel, massivement répandu, etc., par n’importe quelle proposition : les feuilles de l’arbre sont vertes ; Jean est un homme ; Médor est un chien, etc. Ici déjà (comme l’a remarqué génialement Hegel), la dialectique est là ; le particulier est général (cf. Aristote « Métaphysique » : on ne peut penser qu’il y a une maison en général en dhors des maisons en particulier).

Donc, les contraires (le particulier est le contraire du général) sont identiques : le particulier n’existe pas autrement que dans cette liaison qui conduit au général. Le général n’existe que dans le particulier, par le particulier.

Tout particulier est (de façon ou d’autre) général. Tout général est (une parcelle ou un côté ou une essence) du particulier. Tout général n’englobe qu’approximativement tous les objets particuliers. Tout particulier entre incomplètement dans le général, etc., etc. Tout particulier est relié par des milliers de passages à des particuliers d’un autre genre (choses, phénomènes, processus), etc. Il y a déjà ici des éléments, des embryons du concept de nécessité, de liaison objective de la nature, etc.

Le contingent et le nécessaire, le phénomène et l’essence sont déjà ici, car en disant : Jean est un homme, Médor est un chien, ceci est une feuille d’arbre, etc., nous rejetons une série de caractères comme contingents, nous séparons l’essentiel de l’apparent et nous opposons l’un à l’autre.

Ainsi, dans toute proposition on peut (et on doit), comme dans une « maille », une « cellule », mettre en évidence les embryons de tous les éléments de la dialectique, montrant ainsi que la dialectique est inhérente à toute la connaissance humaine en général.

Quant aux sciences de la nature, elles nous montrent (et, encore une fois c’est ce qu’il faut montrer sur tout exemple le plus simple) la nature objective avec ses mêmes qualités, le changement du particulier en général, du contingent en nécessaire, les passages, les modulations, la liaison mutuelle des contraires.

C’est la dialectique qui est la théorie de la connaissance (de Hegel et) du marxisme : voilà à quel « aspect » de l’affaire (ce n’est pas un « aspect », mais le fond de l’affaire) Plékhanov, pour ne rien dire d’autres marxistes, n’a pas prêté attention.

La connaissance est présentée sous la forme d’une série de cercles aussi bien par Hegel (cf. la Logique) que par l’éclectique Paul Volkmann, « gnoséologue » contemporain des sciences de la nature, ennemi de l’hégélianisme (qu’il n’a pas compris) (cf. ses « Erkenntnistheoretische Grundziige »). « Les cercles » en philosophie : [la chronologie est-elle obligatoire à propos des personnes ? Non !]

Antique : de Démocrite à Platon et à la dialectique d’Héraclite. Renaissance : Descartes versus Gassendi (Spinoza ?). Moderne : d’Holbach-Hegel (par Berkeley, Hume, Kant). Hegel-Feuerbach-Marx.

La dialectique comme connaissance vivante, multilatérale (le nombre des côtés augmentant perpétuellement) avec une foule de nuances pour toute façon d’aborder, d’approcher la réalité (avec un système philosophique qui croit en un tout à partir de chaque nuance) : voilà un contenu incommensurablement riche en comparaison du matérialisme « métaphysique », dont le principal malheur est d’être incapable d’appliquer la dialectique à la Bildertheorie (Théorie du reflet), au processus et au développement de la connaissance.

L’idéalisme philosophique n’est que niaiserie du point de vue du matérialisme grossier, simple, métaphysique.

Au contraire, du point de vue du matérialisme dialectique, l’idéalisme philosophique est le développement (l’enflement, le gonflement) unilatéral, exagéré, « überschwengliches » (cf. Dietzgen, Petits écrits Philosophiques 1903)) de l’un des petits traits, de l’un des aspects, de l’une des facettes de la connaissance en absolu détaché de la matière, de la nature, divinisé.

L’idéalisme, c’est de la bondieuserie. Juste. Mais l’idéalisme philosophique est (« plus justement » et « en outre » ) la voie vers la bondieuserie par une des nuances de la connaissance (dialectique) humaine infiniment complexe.

La connaissance humaine n’est pas (respectivement ne décrit pas) une ligne droite, mais une ligne courbe qui se rapproche indéfiniment d’une série de cercles, d’une spirale.

Tout segment, tronçon, morceau de cette courbe peut être changé (changé unilatéralement) en une ligne droite indépendante, entière, qui (si on ne voit pas la forêt derrière les arbres) conduit alors dans le marais, à la bondieuserie (où elle est fixée par l’intérêt de classe des classes dominantes). Démarche rectiligne et unilatéralilé, raideur de boisât ossification, Subjectivisme et cécité subjective, voilà les racines gnoséologiques de l’idéalisme.

Et la bondieuserie (idéalisme philosophique) a, naturellement, des racines gnoséologiques, elle n’est pas dépourvue de fondement ; c’est une fleur stérile, c’est incontestable, mais une fleur stérile qui pousse sur l’arbre vivant de la vivante, féconde, vraie, vigoureuse, toute-puissante, objective, absolue connaissance humaine.

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L’unité des contraires comme base de l’auto-mouvement

Le matérialisme dialectique est le cœur du marxisme, et de ses prolongements que sont le léninisme et le maoïsme. Malheureusement, en France, ce noyau même de l’idéologie communiste n’a jamais été compris ni diffusé.

Dans l’esprit de Pierre-Joseph Proudhon et de Jean Jaurès, et du « socialisme français » en général, la dialectique a été soit considérée comme une sorte d’étrange mystique, soit comme la simple reconnaissance que deux choses contraires peuvent coexister.

Or, le matérialisme dialectique n’est ni une mystique, ni la reconnaissance d’un assemblage « contradictoire » de choses, comme par exemple on pourrait dire qu’il existe une contradiction entre deux équipes de football pour faire un match, ou bien une contradiction entre le caractère divertissant d’un film et son absence d’intérêt culturel, etc.

La contradiction n’est pas une division faite au hasard, sa compréhension ne saurait être le simple constat qu’il existe deux aspects, un bon et un mauvais. Le fameux plan « thèse – antithèse – synthèse » représente le contraire du matérialisme dialectique, car il prétend combiner des choses entre elles sans se préoccuper de leur réalité, de leur substance.

La contradiction n’existe qu’en tant que moteur de la chose, d’un phénomène, ce qui est très différent. Lénine, dans « Sur la question de la dialectique », écrit en 1915 et publié pour la première fois en 1925, dit ainsi :

« Le dédoublement de l’un et la connaissance de ses parties contradictoires (v. la citation de Philon sur Héraclite au début de la IIIe partie (« De la connaissance ») de l’Héraclite de Lassalle) est le fond (une des « essences », une des particularités ou marques fondamentales, sinon la fondamentale) de la dialectique. »

La citation dont parle Lénine est celle-ci :

« Car l’un est ce qui se compose de deux contraires, de sorte qu’une fois coupé en deux, ces contraires apparaissent. N’est-ce pas ce principe que, d’après les Hellènes, leur grand et célèbre Héraclite plaçait en tête de sa philosophie et dont il s’enorgueillissait comme d’une découverte nouvelle ? (…)

De la même façon, les parties de l’univers sont divisées en deux et opposées réciproquement : la terre — en montagnes et en plaine, l’eau — en douce et salée… de la même façon l’atmosphère en hiver et été et aussi en printemps et automne… C’est cela même qui a servi d’éléments à Héraclite pour composer ses ouvrages sur la nature ; empruntant à notre théologien l’idée des contraires, il l’illustra par des exemples nombreux et soigneusement élaborés. »

La dialectique est donc bien la reconnaissance de deux aspects. Mais ces deux aspects ne peuvent pas être choisis de manière abstraite. Leur rapport est dynamique, et il est le moteur d’une chose, d’un phénomène.

Voici pourquoi Lénine donne les exemples suivants :

« En mathématiques + et -. Différentielle et intégrale.

En mécanique, action et réaction.

En physique, électricité positive et électricité négative.

En chimie, combinaison et dissociation des atomes.

En sciences sociales, la lutte des classes. »

Lénine ajoute donc alors précisément :

« L’identité des contraires (leur « unité », dirait-on peut-être plus exactement, bien que la distinction des termes identité et unité ne soit pas ici particulièrement essentielle. En un certain sens, les deux sont justes) est la reconnaissance (la découverte) des tendances contradictoires, s’excluant mutuellement, opposées, dans tous les phénomènes et processus de la nature (esprit et société y compris).

La condition pour connaître tous les processus de l’univers dans leur « auto-mouvement », dans leur développement spontané, dans leur vie vivante, est de les connaître comme unité de contraires. Le développement est « lutte » des contraires.

La première conception du mouvement laisse dans l’ombre l’auto-mouvement; sa force motrice, sa source, son motif, (ou bien transporte cette source en dehors : dieu, sujet, etc.). La deuxième conception dirige l’attention principale précisément sur la connaissance de la source de l’ « auto »-mouvement. »

Ainsi, la dialectique n’est pas la simple reconnaissance de deux aspects, mais de deux aspects qui, dans leur unité, permettent le mouvement. Si l’on perd cette question du mouvement, alors les deux aspects peuvent s’avérer totalement idéalistes.

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Sur un aspect du développement contradictoire de la matière

La matière devient toujours plus complexe, obéissant à la loi du développement qualitatif. Cette complexification procède par bonds qualitatifs et il n’y a pas de retours en arrière possible.

Comment expliquer alors le fait qu’il y ait des destructions, comme avec les guerres et le réchauffement climatique ? N’est-ce pas en contradiction avec la complexification de la matière ?

De la même manière, ne pourrait-on pas considérer que la dictature du prolétariat est en contradiction avec le fait que la bourgeoisie soit apparue : sa négation ne serait-elle pas un retour en arrière, à un moment où elle n’existait pas ?

Cette question a été d’une grande importance dans le mouvement ouvrier au début du XXe siècle. Karl Kautskya basculé justement dans cette tendance à relativiser et à intégrer l’ensemble du mouvement de la matière dans un seul ensemble, sans voir le sens des contradictions.

Il pensait par exemple que les bourgeoisies seraient intégrées grâce aux succès du mouvement ouvrier ; la bourgeoisie céderait et serait absorbée. Le révisionnisme de Nikita Khrouchtchev ne dit pas autre chose.

Une réaction erronée à cette conception a été l’ultra-gauchisme, qui consiste à rejeter absolument la bourgeoisie comme réalité historique, à la nier ainsi que ce qu’elle a produit de positif. C’est également une erreur unilatérale.

Le mouvement de la matière étant contradictoire par nature, il produit deux choses : un aspect positif et un aspect négatif. Quand on court, on transpire : la transpiration a une fonction pour le corps, permettant de réguler la température. Cependant, on peut penser que la sueur serait de la matière qui serait perdue.

Ce serait là un avis erroné, car l’être humain qui court n’est pas séparé de son environnement ; la sueur intègre une fonction dans le système général de la vie sur notre planète. L’être humain n’existe pas de manière isolée et si sa sueur est perdue, ce n’est pas vrai pour tout le monde.

Il en va de même pour les cadavres et à ce titre il est tout à fait erroné tant de les enfermer dans des cercueils que de les incinérer. La matière doit rester dans le cycle de la vie.

Dans cet esprit, il est absurde de parler de valorisation des déchets : au sens strict, la vie ne comprend pas le concept de « déchets ». L’urine et les défécations elles-mêmes appartiennent au cycle organique de la vie.

Il en va de même pour la bourgeoisie. Ce qu’elle a réalisé est conservé ; le mode de production socialiste renverse le mode de production capitaliste, mais il prend sa réalité matérielle comme base. C’est pourquoi il assume également, par exemple, l’héritage culturel démocratiquequi a été produit par cette base matérielle. Ce qu’on appelle le gauchisme nie justement la production historique positive qui a pu exister.

Pourquoi alors appeler à exercer la dictature du prolétariat ? Ne peut-on pas penser que la bourgeoisie s’insérerait naturellement dans le mouvement historiquement nécessaire ?

C’est une idée tout à fait logique et à ce titre elle a été produite dans le mouvement ouvrier. Cependant, elle pose mal le problème concernant le développement contradictoire de la matière.

En effet, si la bourgeoisie s’oppose au prolétariat, c’est parce qu’il y a une contradiction entre les deux. On pourrait alors imaginer qu’il suffise que le prolétariat dise à la bourgeoisie quoi faire. Il suffirait de rééduquer et dans l’idée, on pourrait s’imaginer que la bourgeoisie « accepte ». C’est ce que pensait Karl Kautsky et Nikita Khrouchtchev.

Cependant, il y a une contradiction au sein de la bourgeoisie elle-même. En effet, la bourgeoisie devenue réactionnaire s’oppose à la bourgeoisie progressiste qu’elle a été, de la même manière que le vieillard s’oppose à l’enfant qu’il a été.

La matière ne connaît pas de mouvement vers l’arrière, vers le passé. La bourgeoisie ne peut donc pas se régénérer et redevenir une classe progressiste. Les bourgeois sont nécessairement réactionnaires, conservateurs, rétrogrades. Sur le plan individuel, il faut une longue rééducation par le travail, des révolutions culturelles doivent avoir lieu dans toute la société pour dépasser les conceptions anciennes erronées.

Voilà pourquoi le développement de la matière exige que le nouveau écrase l’ancien, qu’il mette de côté les éléments rétrogrades – c’est le sens de la dictature du prolétariat et cela veut dire effectivement fusiller, mettre en camps de travail, emprisonner. Lénine, Staline et Mao Zedong ont toujours été explicites dessus ; la différence entre socialistes et communistes puisent dans le refus ou l’acceptation de cette nécessité.

Quand donc on considère, après la révolution, qu’un bourgeois doit être rééduqué, on ne considère pas qu’il soit « en trop », mais seulement qu’il est un produit d’une base matérielle passée, périmée et qu’à ce titre il doit s’éteindre historiquement, soit en se mettant de côté en se soumettant, soit en l’éliminant s’il se rebelle.

C’est une question d’adéquation historique et c’est pour cela que la dictature du prolétariat est une période transitoire. La dictature du prolétariat déblaie les anciennes fondations pour en poser de nouvelles.

Après la révolution socialiste, ce qui est produit par un mode de production dépassé – les guerres, les bourgeois réactionnaires, l’écocide, etc. – doit être réfuté comme appartenant à un passé encore présent, mais en train de disparaître. Les anachronismes disparaissent.

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Le matérialisme dialectique et le «big bang»

Selon le matérialisme dialectique, l’Univers est infini, composé uniquement de matière inépuisable. Il s’oppose ainsi à l’idéalisme qui considère qu’il a existé une « création » à partir de rien.

Cette question essentielle de la nature de l’Univers a toujours été une ligne de démarcation entre matérialisme et idéalisme. Dans le tableau L’école d’Athènes, de Raphaël, Platon qui se trouve au milieu pointe vers le ciel, source de la réalité matérielle.

Son « monde des idées » consiste en des modèles ayant façonné la matière. Le platonisme se situe dans la lignée de Pythagore et considère que le « Un » divin a donné naissance à un monde « multiple » composé de nombres. La réalité matérielle ne serait qu’un sous-produit de Dieu.

Chez Aristote, se situant à côté de Platon dans le tableau, où lui indique le bas au moyen de sa main, on a une approche qui s’arrache du platonisme et qui aboutit à la fameuse allégorie de l’œuf et la poule. Si Aristote ne connaît pas encore le principe de l’évolution et en reste à un « éternel retour », il a déjà compris qu’il n’y a pas de première poule, ni de premier œuf.

Le matérialisme qui va se développer à sa suite au Moyen-Âge, principalement avec le persan Avicenne et l’arabe Averroès, aboutira au rejet de la notion de « premier homme » et par conséquent de l’idéalisme religieux.

L’éternité de l’Univers fut alors assumé, depuis Spinoza jusqu’à Karl Marx et Friedrich Engels, avec une matière infinie, inépuisable, éternelle. L’idéalisme et le matérialisme s’opposaient fondamentalement sur la question de la nature de l’Univers et Emmanuel Kant, au XVIIIe siècle dans La critique de la raison pure, note déjà que se font face une thèse et une anti-thèse :

Thèse

« Le monde a un commencement dans le temps et il est aussi, relativement à l’espace, contenu dans certaines limites ».

Antithèse

« Le monde n’a ni commencement ni limites spatiales, mais il est infini aussi bien relativement à l’espace que par rapport au temps ».

Les religions ont particulièrement combattu cette affirmation de l’éternité de l’Univers et le point le plus développé de leur dispositif en ce sens vient du chanoine catholique belge Georges Lemaître (1894-1966), qui a développé en 1927 l’hypothèse de l’atome primitif, plus connue sous le nom de théorie du « Big Bang ».

Cette théorie est fondamentalement créationniste, sous un masque pseudo-scientifique qui a permis de conquérir une hégémonie idéaliste en ce domaine. Elle a été soutenue ouvertement par le Vatican, qui a prolongé cette perspective avec la conception du « dessein intelligent » de la « naissance » de l’Univers.

Le pape Pie XII donna son soutien à cette théorie, notamment par un discours effectué en 1951 à l’Académie des sciences, alors que l’année suivante, l’assemblée générale de l’Union Astronomique Internationale se tint à Rome au lieu d’en Union Soviétique comme initialement prévu, avant de revenir à Moscou, en 1958, alors que le révisionnismeavait triomphé en URSS.

Le Pape y résume la théorie du « Big Bang » de la manière suivante : 

« On ne peut nier qu’un esprit éclairé et enrichi par les connaissances scientifiques modernes, et qui envisage avec sérénité ce problème est conduit à briser le cercle d’une matière totalement indépendante et autonome — parce que ou incréée ou s’étant créée elle-même — et à remonter jusqu’à un Esprit créateur.

Avec le même regard limpide et critique dont il examine et juge les faits, il y entrevoit et reconnaît l’oeuvre de la Toute-Puissance créatrice, dont la vertu, suscitée par le puissant Fiat prononcé il y a des milliards d’années par l’Esprit créateur, s’est déployée dans l’Univers, appelant à l’existence, dans un geste de généreux amour la matière débordante d’énergie.

Il semble en vérité, que la science d’aujourd’hui, remontant d’un trait des millions de siècles, ait réussi à se faire le témoin de ce Fiat lux initial, de cet instant où surgit du néant, avec la matière, un océan de lumière et de radiations, tandis que les particules des éléments chimiques se séparaient et s’assemblaient en millions de galaxies (…).

Il est remarquable que des savants modernes, versés dans l’étude de ces sciences, estiment l’idée de la création de l’Univers parfaitement conciliable avec leurs conceptions scientifiques et qu’ils y soient même plutôt conduits spontanément par leurs recherches, alors qu’il y a encore quelques dizaines d’années une telle « hypothèse » était repoussée comme absolument inconciliable avec l’état présent de la science.

En 1911, le célèbre physicien Svante Arrehnius déclarait encore que « l’opinion que quelque chose puisse naître de rien est en contradiction avec l’état présent de la science, selon laquelle la matière est immuable ». De même, elle est de Plate cette affirmation : « La matière existe. Rien ne naît de rien ; en conséquence la matière est éternelle. Nous ne pouvons admettre la création de la matière. » »

Selon le matérialisme dialectique, par contre, il n’y a pas de source ; il n’y a que la matière et celle-ci est en mouvement éternel, composant également toute la réalité. Il n’y a donc ni début, ni fin.

Pour cette raison, l’Union Soviétique de Staline a catégoriquement réfuté le « Big Bang », considérant, comme l’a formulé Andreï Jdanov dans un discours du 24 juin 1947, que :

« Les falsificateurs de la science veulent faire revivre le conte de l’origine du monde à partir de rien ».

Andreï Jdanov précise tout de suite après à ce sujet :

« Une autre faille de la « théorie » [du Big Bang] en question consiste en le fait qu’elle nous amène à une attitude idéaliste assumant que le monde est fini. »

Il souligne encore :

« De la même manière, les déviations kantiennes des physiciens modernes les ont amenés à des affirmations comme quoi les électrons posséderaient un « libre-arbitre » et à des tentatives de décrire la matière comme une simple superposition de vagues et d’autres apparitions. »

Les communistes d’Union Soviétique avaient parfaitement compris que la théorie du « Big Bang » allait de pair avec la conception d’un monde matériel qui serait « terminé », c’est-à-dire limité et par conséquent incapable d’être en mouvement de manière éternelle.

La théorie du « Big Bang » consiste en une justification nécessairement déiste d’un « démarrage » au monde, à l’Univers. Elle n’est pas nouvelle en soi, par ailleurs, ne faisant que reprendre une manière de voir déjà systématique chez les idéalistes dans la seconde moitié du XIXe siècle, avec l’idée d’un « échauffement initial ».

Les partisans du « Big Bang » prétendent constater de manière nouvelle un décalage vers le rouge des grandes longueurs d’onde des raies spectrales et de l’ensemble du spectre observé parmi les objets astronomiques lointains, qui serait la preuve qu’ils s’éloigneraient.

Cependant, déjà au XIXe siècle, Friedrich Engels se moquait de ceux qui imaginaient une naissance en expansion d’un Univers qui finirait par mourir de froid (ce qui fut appelé par la suite le « Big Crunch »).

Dans une lettre à à Karl Marx du 21 mars 1869, Friedrich Engels présente cela notamment ainsi :

« La mutation des forces naturelles, notamment de la chaleur en force mécanique, etc., a donné lieu en Allemagne à une théorie extrêmement insipide, qui découle du reste déjà avec une certaine nécessité de la vieille théorie de Laplace, mais que l’on avance maintenant avec des preuves quasiment mathématiques : à savoir que l’Univers ne cesse de refroidir, que les températures à l’intérieur de l’Univers tendent toujours plus à s’équilibrer, et qu’ainsi il arrive finalement un moment où toute vie devient impossible, où le monde entier n’est plus constitué que de planètes gelées tournant les unes autour des autres.

Il n’y a qu’à attendre que les curés s’emparent de cette théorie comme du dernier mot du matérialisme. On ne peut rien imaginer de plus bête.

Étant donné que d’après cette théorie il est toujours nécessairement transformé plus de chaleur en d’autres formes d’énergie qu’il n’est possible que d’autres formes d’énergie se transforment en chaleur, il s’ensuit naturellement que l’état de grande chaleur originel à partir duquel tout se refroidit est absolument inexplicable, et même que c’est une contradiction et que cela présuppose donc l’existence d’un Dieu.

Le choc initial de Newton s’est transformé en échauffement initial.

Et pourtant cette théorie passe pour être le fin du fin du matérialisme le plus accompli, ces messieurs préfèrent se construire un monde qui commence dans l’absurdité et s’achève dans l’absurdité, plutôt que de voir dans ces conséquences absurdes la preuve que jusqu’à présent ils ne connaissent qu’à moitié leur soi-disant loi naturelle. Mais en attendant cette théorie fait fureur en Allemagne. »

Les communistes d’Union Soviétique de l’époque de Staline se situent dans le prolongement parfait de cette manière matérialiste dialectique de comprendre notre Univers.

Comme le formula la résolution finale d’une conférence d’astronomes et de physiciens soviétiques en décembre 1948 à Leningrad :

« La « théorie » réactionnaire et idéaliste de l’expansion de l’Univers domine en ce moment la cosmologie étrangère. Malheureusement, cette théorie anti-scientifique a pénétré dans les pages de nos publications spécialisées… Il est indispensable de démasquer sans relâche cet idéalisme astronomique, qui promeut le cléricalisme. »

L’Union Soviétique assumait, à cette époque, la défense du matérialisme dialectique et développait la cosmologie de manière séparée des instances internationales (où l’URSS n’avait que deux représentants en 1953, contre 42 en 1956, 89 en 1960, etc.).

Avec le triomphe du révisionnisme, l’URSS devenue social-impérialiste abandonna cette conception ; en France, le fondateur de l’astrophysique comme discipline, Evry Schatzman (1920-2010), a suivi précisément cette voie.

En Chine populaire, cependant, Mao Zedong prolongea la défense de la conception selon laquelle l’Univers est éternel. Il avait compris que la question d’un monde « fini » était au coeur de l’idéalisme et pour cette raison il s’est focalisé sur le caractère infini de la matière.

Lors d’une discussion en 1955 du secrétariat du Comité Central du Parti Communiste de Chine avec une équipe de scientifiques, Mao Zedong formula son point de vue de la manière suivante au physicien Qian Sanqiang, qui travailla notamment en France avec Frédéric Joliot-Curie et Irène Joliot-Curie.

Demandant à Qian Sanqiang la composition du noyau nucléaire, celui-ci répondit qu’il y avait des protons et des neutrons ; Mao demanda alors ce qui les composait, Qian Sanqiang répondant qu’à ce stade la science ne le savait pas.

Mao Zedong expliqua alors :

« Les protons, les neutrons et les électrons peuvent être divisés, parce qu’il y a « un devient deux » et « l’unité des contraires » ! Nous ne pouvons le prouver encore par les moyens expérimentaux, mais dans le futur, quand nous aurons de meilleurs moyens, nous serons capable de prouver qu’ils sont divisibles. »

Cette thèse de Mao Zedong s’est avérée correcte. Il est donc connu des historiens des sciences que Mao Zedong a, dès les années 1950, insisté sur le principe selon lequel rien n’est indivisible. Des prix Nobel de physique comme Sheldon Glashow, Tsung-Dao Lee (en 1979, à 47 ans), et Chen-Ning Yang (en 1957, à respectivement 30 et 32 ans) ont souligné cet aspect essentiel.

A chaque fois qu’il a abordé la question du mouvement de la matière, Mao Zedong a souligné la dimension dialectique à tous les niveaux. Voici ce qu’il disait par exemple en novembre 1957 lors de la Conférence internationale des partis communistes et ouvriers réunie à Moscou, en pleine bataille anti-révisionniste :

« Voyez-vous, l’atome est plein à craquer d’unités de contraires. Il y a celle entre le noyau de l’atome et l’électron. À l’intérieur du noyau, il y a celle entre le proton et le neutron. Au proton correspond à son tour le proton et l’antiproton, et au neutron, le neutron et l’antineutron.

En un mot, l’unité des contraires est omniprésente. Il nous faut faire une large propagande en faveur de son concept et en faveur de la dialectique.

À mon avis, la dialectique doit sortir des cercles de philosophes et se répandre parmi les larges masses populaires. Je propose que les bureaux politiques, les comités centraux et les comités régionaux à tous les échelons des différents partis communistes discutent de cette question.

En vérité, nos secrétaires de cellules ont compris la dialectique : quand ils préparent leur rapport à l’assemblée générale de la cellule, ils ont chacun un petit calepin sur lequel ils inscrivent deux choses, qui sont d’une part leurs qualités et de l’autre leurs défauts.

Un se divise en deux, c’est là un phénomène Universel, c’est là la dialectique. »

Cette bataille pour la promotion de la divisibilité de la matière a culminé avec la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.

Une étape essentielle de cette perspective fut la publication en juin 1965 d’un article de douze pages du physicien japonais Shoichi Sakata, intitulé « Un dialogue au sujet des nouvelles perspectives sur les particules élémentaires », dans Le Drapeau rouge, organe théorique du Comité Central du Parti Communiste de Chine.

A l’article était associé deux pages de notes des éditeurs, saluant le travail de Shoichi Sakata, ainsi que huit pages de remarques par des scientifiques chinois. L’ensemble fut publié de nouveau par le Quotidien du peuple et le Quotidien de Guangming. Puis, en octobre 1965, Le Drapeau rouge publia six nouveaux articles sur ce thème, le dossier s’intitulant « Les sciences naturelles et le matérialisme dialectique ».

Les titres des articles étaient les suivants : Les sciences naturelles et le matérialisme dialectique : L’examen de la faillite de l’idéalisme et de la métaphysique du point de vue du développement de la physique moderne (par Zhu Hongyuan), Quelques vues sur l’application du matérialisme dialectique dans la recherche de la théorie de la structure moléculaire (par Xu Guang Xuan), Le matérialisme dialectique est l’arme pour explorer la nature (par Ai Siqi), Étudier les pensées de Mao Zedong, améliorer les méthodes de la recherche scientifique (par Yu Guangyuan) et Sur la divisibilité de la matière (par Gong Yuzhi).

Voici comment Shoichi Sakata, dans Physique théorique et dialectique de la nature, en juin 1947, résume sa conception de l’Univers en oignon :

« La science actuelle a trouvé que, dans la nature, il existe deux « niveaux » qualitatifs différents : la forme du mouvement, par exemple une série de niveaux comme particules élémentaires-noyaux-atomes-molécules-masses-corps célestes-nébuleuses.

Ces niveaux forment des points nodaux variés qui restreignent les différents modes qualitatifs de l’existence de la matière en général. Et ainsi ils ne sont simplement reliés de manière directe comme décrit ci-dessus. 

Les « niveaux » sont également connectés dans une direction comme molécules-colloïdes-cellules-organes-individus-sociétés. Même dans les masses semblables, il existe des « niveaux » d’états correspondant aux solides-liquides-gaz.

Dit de manière métaphorique, ces circonstances peuvent être décrites comme ayant une sorte de structure multi-dimensionnelle du type d’un filet de pêche ou, plutôt serait-il mieux de dire, qu’ils ont une structure du type des oignons, en phases successives. Ces niveaux ne sont en rien isolés mutuellement et indépendants, mais sont connectés mutuellement, dépendants et constamment « transformés » les uns en les autres.

Un atome, par exemple, est construit à partir des particules élémentaires et une molécule est construite à partir d’atomes et, inversement, peut être fait la décomposition d’une molécule en atomes, d’un atome en particules élémentaires.

Ces types de transformation arrivent constamment, avec la création d’une nouvelle qualité et la destruction des autres, dans des changements incessants. »

Mao Zedong avait connu la thèse de Shoichi Sakata par une traduction d’un de ses articles dans le Bulletin d’études de la dialectique de la nature, à la fin de l’année 1963. Lors d’une réunion de 1964, Mao Zedong mit en avant ce bulletin et les paroles suivantes sont rapportées de sa part :

« Lénine a déjà dit que tout est divisible. Prenons l’atome, par exemple : non seulement l’atome est divisible, mais l’électron l’est aussi. Mais beaucoup de gens pensaient que l’atome serait indivisible.

La science de la division de l’atome est encore jeune. Dans les dernières années, les scientifiques ot réussi à briser le noyau d’un atome. Il y a des protons, des antiprotons, des neutrons, des antineutrons, des muons, des antimuons. Tous sont lourds et il y a des légers également.

Quant au fait de savoir si l’électron pouvait être séparé du noyau, cela a été résolu il y a bien longtemps (…).

L’électron n’a pas été divisé, mais un jour il le sera. « On peut enlever la moitié d’un marteau mesure un pied de long par jour, mais il n’y aura toujours pas de fin à cela, même après dix mille générations. » C’est la vérité.

Si tu n’y crois pas, tu peux essayer. S’il y a une fin, il n’y a pas de science.

Le monde est infini. Le temps et l’espace sont infinis. Dans l’espace, à la fois le micro et le macro sont infinis.

La matière est infiniment divisible, c’est pourquoi les scientifiques ont un travail à faire pour toujours, même après un million d’années. »

C’est également en 1964 que Mao Zedong rencontra pour la première fois Shoichi Sakata ; dans une discussion de la même année, les paroles suivantes de Mao Zedong sont rapportées :

« Aujourd’hui, je vous ai demandé de venir discuter de l’article de Sakata. Sakata a dit que les particules élémentaires ne sont pas indivisibles et que l’électron est également divisible. Il se tenait sur la position du matérialisme dialectique (…).

Le monde est infini. Dans à la fois le temps et l’espace, le monde est infini et inépuisable. Au-delà de notre système solaire sont de nombreuses étoiles qui, ensemble, forment la Voie Lactée.

Au-delà de cette galaxie sont de nombreuses autres galaxies. Considéré globalement l’Univers est infini, considérée étroitement, l’Univers est également infini. Non seulement l’atome est divisible, mais c’est aussi le cas du noyau atomique et de même pour l’électron.

Tchouang-tseu dit: ‘On peut enlever la moitié d’un marteau mesure un pied de long par jour, mais il n’y aura toujours pas de fin à cela, même après dix mille générations’. C’est correct.

Pour cette raison, notre compréhension du monde est infini. Sans cela, la physique ne pourrait se développer (…).

Tout est conservation et non-conservation en même temps. Les gens pensaient que la conservation de la parité est une loi de la nature, mais plus tard les physiciens sino-américains Tsung-Dao Lee et Chen-Ning Yang on trouvé qu’au moins dans le champ des interactions faibles des particules élémentaires, la parité est non-conservatrice.

Est-ce pareil dans la conservation de la qualité et la conservation de l’énergie ? Il n’est rien dans le monde qui soit absolument statique (…).

La conservation et la non-conservation, c’est l’équilibre et le déséquilibre en même temps, mais il y a aussi des cas où l’équilibre est totalement brisé. »

La perspective matérialiste dialectique de Mao Zedong se heurtait de front à la logique se développant parallèlement dans les pays capitalistes, où la découverte des quarks, en 1966, était accompagnée de l’affirmation selon laquelle il s’agissait des éléments fondamentaux de l’Univers.

Pour cette raison, dans le cadre de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne amena la défense de la cosmologie matérialiste dialectique à une nouvelle étape.

Il y eut ainsi en 1966 un groupe de Pékin se consacrant aux particules élémentaires, avec 39 scientifiques suivant la perspective de Shoichi Sakata et proposant un modèle de physique des particules, le straton. A cela s’ajoute une vaste campagne contre la conception d’Albert Einstein.

L’approche relativiste d’Albert Einstein n’accorde, en effet, pas de valeur en soi au temps et à l’espace, utilisant un système de référentiels relativisant la vérité Universelle. De plus, le principe de la courbure du temps et de l’espace qui en est le fondement signifie que l’Univers est fermé (mais en expansion), non infini.

C’est le principe d’Univers comme sphère, sans limites puisqu’on peut faire éternellement le tour, mais donc sans matière infinie, inépuisable. Albert Einstein, qui avait initialement pris position pour un Univers statique, défendit même par la suite la théorie du « Big Bang » ; sa théorie d’une lumière conservant nécessairement toujours la même vitesse est également de l’idéalisme.

En Union Soviétique, les revues Avancées dans les sciences physiques et Questions de philosophie avaient de ce fait déjà mené de larges attaques en 1949 contre la conception d’Albert Einstein. C’était là défendre la position qui était déjà celle de Lénine dans Matérialisme et empirio-criticisme, Lénine qui dans La portée du matérialisme militant notait déjà le caractère « à la mode » de la conception d’Albert Einstein.

Cela explique pourquoi, au coeur même du noyau idéologique de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, on trouve un Groupe d’Étude de la critique de la théorie de la relativité à l’Académie des sciences, fondé en mars 1968.

Le premier document de ce groupe, en juillet 1968, eut le titre révélateur suivant : Critiquer minutieusement les points de vue bourgeois contre-révolutionnaires dans les sciences naturelles – Sur le principe de la vitesse de la lumière, le fondement de la théorie de la relativité.

En août 1969, un document de critique générale de la théorie de la relativité fut publié, avec en avril 1970 un meeting anti-Einstein se teint à l’Université de Pékin. L’Académie des sciences ouvrit également un bureau de critique de la théorie de la relativité, accompagné d’un journal intitulé Discussion sur les problèmes de la théorie de la relativité.

Un mouvement de critique fut également lancé à Shanghai, avec le Groupe révolutionnaire de Shanghai de critique des sciences naturelles, signant du nom de « Li Ke » (soit « disciplines scientifiques » en chinois), qui publia notamment une Introduction aux écoles et pensées majeures des sciences naturelles modernes occidentales (Physique des particules élémentaires, cosmologie).

Zhang Chunqiao et Yao Wenyuan, deux des dirigeants de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, se retrouvaient ici en première ligne.

A Shanghai fut également lancé en 1973, avec deux numéros tout d’abord, à 100 000 exemplaires, puis ensuite de manière trimestrielle avec dix numéros en tout, le Journal de la dialectique de la nature.

Dans un numéro de 1974, dans l’article Le point de vue d’Einstein sur l’Univers, on lit :

« Comme les faits historiques de ces dernières décennies l’ont manifesté, les débats autour de la théorie de la relativité et la critique de celle-ci sont allées bien au-delà du champ académique.

C’est non seulement associé au développement de la science physique, mais aussi avec la lutte idéologique et politique… Nous devons continuer dans la direction de critiquer et de réformer l’ensemble du système de la théorie de la relativité. »

Dans l’article de la même année Une critique de la théorie de la relativité, il est affirmé :

« Dès les années 1920, Lénine a sévèrement fait remarquer que la théorie d’Einstein était exploitée par la majorité des intellectuels bourgeois dans beaucoup de pays (…). Durant les trente années suivantes, les théoriciens soviétiques ont eu une attitude prudente et même critique envers le système d’Einstein (…).

Mais quand les révisionnistes soviétiques sont parvenus au pouvoir, ils ont fait un retournement à 180° et ont renversé la critique de la théorie de la relativité. Ils qualifièrent même la critique « d’odieuse interférence ‘philosophique’ » (…).

Ils affirmèrent que « le temps d’imposer la tyrannie sur les sciences naturelles au nom de la philosophie était fini pour toujours » (…).

Comme les faits historiques des récentes décennies l’ont montré, le débat autour de la théorie de la relativité et sa critique sont allés bien au-delà du champ académique. Cela n’est pas seulement associé au développement des sciences physiques, mais aussi avec la lutte idéologique et politique (…). Nous devons continuer dans la direction de critiquer et réformer l’entier système de la théorie de la relativité. »

Dans la même perspective, le principe du « trou noir » était abordé avec le refus de la négation de la matière, le titre de l’article à ce sujet en 1973 affirmant : Le mouvement ne peut pas être exterminé – Une critique sur « l’hypothèse » du trou noir.​

Le mouvement éternel de la matière infinie, c’est là la théorie générale du développement selon le matérialisme dialectique ; c’est ce qui faisait dire à Mao Zedong que :

« Le déséquilibre est une loi générale et objective. Le cycle, qui est sans fin, passe du déséquilibre à l’équilibre et, à nouveau, de celui-ci à celui-là. Chaque cycle, cependant, correspond à un niveau supérieur de développement. Le déséquilibre est absolu, tandis que l’équilibre est temporaire et relatif.

La rupture de l’équilibre, c’est un bond en avant. Elle est supérieure à l’équilibre, parce qu’en situation de déséquilibre, on doit se creuser les méninges – et c’est là une bonne chose. »

Le Journal de la dialectique de la Nature accorda bien entendu une attention toute particulière à réfuter directement la théorie du « Big Bang », notamment avec des articles comme Qu’implique la découverte du rayonnement micro-ondes de fond de 3K ? Une critique de l’hypothèse du « Big Bang », Qu’implique le « décalage vers le rouge » ? Re-critique de la théorie du « Big Bang », Quelle est la nature de la chaleur ?.

Dans le premier, on lit :

« La totalité de l’Univers n’a de solution ni mathématique, ni physique, mais philosophique. La prétendue solution mathématique et physique de l’Univers est tout autant une solution philosophique, mais une solution idéaliste et aprioriste. »

Le capitalisme a besoin du « Big Bang » pour s’imaginer lui-même en expansion dans un monde sans contradictions. Il ne peut pas prouver le « Big Bang » autrement qu’à partir d’une vision du monde idéaliste, dont la théorie du « Big Bang » n’est qu’un sous-produit.

Dans l’article de 1975 intitulé Sur la conservation et la non-conservation du mouvement – une critique des première et seconde lois de la thermodynamique, on peut lire :

« Le prolétariat regarde toujours dans le futur avec confiance et optimisme. Mais la bourgeoisie… voit toujours une triste perspective avec une sombre humeur. Ce pessimisme ne reflète que son destin historique. »

Le point de vue, matérialiste dialectique, du prolétariat, considère l’Univers comme éternel, la matière comme toujours en mouvement. Dans l’article L’Univers est l’unité du fini et de l’infini, on retrouve une synthèse de l’esprit matérialiste dialectique, de sa vision du monde :

« La fin de toute chose concrète, le soleil, la Terre et l’humanité n’est pas la fin de l’Univers. La fin de la Terre apportera un corps cosmique nouveau et plus sophistiqué.À ce moment-là, les gens tiendront des réunions et célébreront la victoire de la dialectique et souhaiteront la bienvenue à la naissance de nouvelles planètes.

La fin de l’humanité se traduira également par de nouvelles espèces qui hériteront de toutes nos réalisations. En ce sens… la mort de l’ancien est la condition de la naissance du nouveau. »

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Le matérialisme dialectique et la nature dialectique de l’Univers lui-même

Le matérialisme dialectique affirme que tout obéit à la loi de la contradiction. La matière est, en elle-même, porteuse du mouvement ; toute chose, tout phénomène obéit à la loi de la contradiction.

Une question peut pourtant se poser : qu’en est-il de l’Univers ? Obéit-il lui même à la loi de la contradiction ? Si rien n’est indivisible, comme l’a affirmé Mao Zedong, est-ce le cas de l’Univers ?

Il va de soi que les multiples aspects scientifiques de cette question occuperont les scientifiques pendant des siècles. On peut cependant déjà avoir un aperçu tout à fait concret de la réponse nécessaire.

La seule réponse possible est en effet la suivante : l’Univers est justement le mouvement de la matière. On pense qu’être matérialiste, c’est concevoir l’Univers comme étant matériel : cela est juste, mais le matérialisme dialectique va plus loin.

Le matérialisme dialectique considère que le mouvement est la substance de la matière. Or, comme on l’a vu dans le rapport entre l’espace et le temps, c’est l’espace qui prime, le temps étant la contradiction de l’espace avec lui-même.

Nous avons dit justement que l’espace consistait en la matière. Il y a donc contradiction entre la matière et la matière, dans sa substance même. La réalité de cette contradiction est ce qu’on appelle l’Univers.

Si on disait que l’Univers était la matière et non le mouvement contradictoire, alors on devrait séparer les deux et partant de là avoir une matière statique. Outre que c’est impossible, cela nous ramène au temps et non à l’espace, puisque ici tout est figé.

Si on dit, par contre, que l’Univers est le mouvement, on justifie l’espace car le mouvement se réalise dans l’espace, par la matière. Ce qu’on appelle l’Univers est donc la loi de la contradiction.

C’est Mao Zedong qui a compris cela le premier et c’est le cœur idéologique même de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.

Reste que le problème se pose encore. Si l’Univers obéit lui-même à la loi de la contradiction, alors il a lui-même deux aspects. De manière plus poussée encore, on devrait dire que la loi de la contradiction obéit elle-même à la loi de la contradiction.

On pourrait ici penser qu’une loi est un principe et n’obéit pas à ce qui s’applique dans les faits. Mais la loi de la contradiction existe par la matière et non pas virtuellement. Il n’y a pas de matière sans mouvement et inversement ; il n’y a pas de contradiction sans matière et inversement.

Il semblerait bien alors qu’il faille dire que l’Univers lui-même est contradictoire. Seulement, ce qui en découlerait serait que l’Univers ne serait pas un, mais deux, ou double et, comme chaque aspect obéit à la loi de la contradiction, on aurait alors une infinité de contradictions et donc plus d’Univers mais une infinité de bouts d’Univers, c’est-à-dire plus d’Univers du tout.

Il y aurait un moyen simple, de fait, pour se sortir de cette question : il suffirait de faire appeler à Friedrich Engels qui a posé comme faisant partie de la loi de la contradiction la contradiction entre quantité et qualité. On pourrait alors dire que les « bouts » de l’Univers se rassembleraient quantitativement pour effectuer un saut qualitatif.

On sait pourtant que selon Mao Zedong, la contradiction entre quantité et qualité relève de la contradiction elle-même. Il faut donc, si Mao Zedong a raison, chercher une autre solution.

Celle-ci nous est fournie par Mao Zedong lui-même. Nous savons qu’il a justement rejeté le principe de négation de la négation. C’était une nécessité si l’on comprend que la loi de la contradiction est par définition porteuse de la contradiction en elle-même.

Si l’on dit en effet que la loi de la contradiction est l’Univers mais que cet Univers n’est pas contradictoire, alors il faudrait chercher en dehors de lui-même la source de cette contradiction. Cela serait revenir à l’idéalisme et à la nécessité de Dieu pour « démarrer » l’Univers.

Il faut donc que l’Univers ait en lui la contradiction, que la contradiction trouve sa source en elle-même. C’est bien le cas et sa contradiction s’exprime sous la forme de la matière. L’Univers en tant que matière est l’expression de la contradiction de la contradiction avec elle-même, de l’espace avec lui-même, produisant le mouvement et partant de là, le temps.

S’il y avait la négation de la négation, alors la contradiction serait la négation d’elle-même ; on aurait des contradictions qui se produiraient dans des conditions données, mais sans que l’on en connaisse la substance. Elles seraient éparpillées, sans base, tout se contredisant sans progrès, sans sens.

Il est frappant de voir ici comment les pseudo-marxistes veulent bien reconnaître les contradictions sociales, mais sans chercher à comprendre la nature de la contradiction. Le réformisme les appelle inévitablement, les happant intellectuellement et culturellement, parce qu’ils ne font au mieux que constater la contradiction dans le temps, à un moment donné, au lieu de la saisir dans son universalité, à travers une contradiction particulière.

En ce sens, l’Univers est la contradiction elle-même, existant par la matière comme produit de sa propre nature, indissolublement lié à la matière comme réalité elle-même. Voilà pourquoi la matière est infinie et éternelle, absolument inépuisable : cela tient à la nature contradictoire de l’Univers lui-même.

Voilà pourquoi la vie aboutit à la mort : le mouvement est en contradiction avec lui-même, avançant lui-même de manière dialectique.

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