Charu Mazumdar: Poursuivre la lutte contre le révisionnisme moderne (1965)

Quotidiennement, nous devrons poursuivre la lutte contre le révisionnisme, en adoptant la tactique de la prise du pouvoir à l’échelon régional. Certaines idées révisionnistes sont profondément enracinées à l’intérieur du parti. Nous devrons continuer la lutte contre celles-ci. Ici, nous examinons quelques questions.

1. La question qui a pris de l’importance aujourd’hui dans la lutte contre le révisionnisme est le soutien total donné par les dirigeants soviétiques à la classe dirigeante réactionnaire de l’Inde. Ils ont annoncé qu’ils donneront à l’Inde une aide de 6 milliards de roupies au cours du quatrième plan quinquennal.

L’idée selon laquelle l’aide soviétique renforce l’indépendance de l’Inde est extrêmement erronée. Car il n’y a aucune analyse de classe derrière ceci. Nous devrons placer clairement devant le peuple nos opinions contre ce soutien.

Alors que le gouvernement de l’Inde suit la voie de la coopération avec l’impérialisme et le féodalisme, si un soutien lui est apporté, c’est la classe réactionnaire qui est consolidée. Par conséquent, l’aide soviétique ne renforce pas le mouvement démocratique de l’Inde, mais elle augmente la puissance des forces réactionnaires en coopération avec l’impérialisme dirigé par les Etats-Unis et avec les Soviétiques.

C’est la coopération américano-soviétique de révisionnisme moderne que nous observons en Inde − une association démoniaque contre les luttes de libération populaires à l’avenir. D’après notre expérience en Inde, nous voyons que la dominance des gros monopolistes existe sur la production des grosses industries qui se sont agrandies dans le secteur public avec l’aide soviétique.

Donc, l’état ne sera pas en mesure de maîtriser le pouvoir des patrons monopolistes par l’intermédiaire des industries du secteur public.

Ce sont les patrons monopolistes qui dominent la production des industries du secteur public. Notre expérience est la même dans les deux cas de l’acier et du pétrole.

2. La question qui est devenue importante pour nous aujourd’hui est le nationalisme bourgeois. Ce nationalisme est extrêmement borné et c’est le nationalisme borné qui est aujourd’hui l’arme la plus importante de la classe dirigeante. Elle ne se sert pas seulement de cette arme dans le cas de la Chine, mais également sur n’importe quelle question telle que le Pakistan, etc. En évoquant le slogan de l’unité nationale et d’autres slogans, elle veut préserver l’exploitation du capital monopoliste.

Nous ne devons pas oublier que le sentiment d’unité de l’Inde est survenu en conséquence du mouvement anti-impérialiste.

Alors que le gouvernement indien continue à se compromettre avec l’impérialisme, ce sentiment d’unité est frappé à la racine. Il n’y a qu’un seul but à l’origine du slogan d’unité donné par la classe dirigeante actuelle et c’est l’unité pour l’exploitation par le capital monopoliste.

Donc, ce slogan d’unité est réactionnaire et les marxistes doivent s’opposer à ce slogan. Le slogan – « Le Cachemire est une partie inaliénable de l’Inde » − est donné par la classe dirigeante dans l’intérêt du pillage. Aucun marxiste ne peut soutenir ce slogan.

C’est un devoir fondamental des marxistes d’accepter le droit à l’autodétermination de chaque nationalité. Sur les questions du Cachemire, des Nagas, … il faut que les marxistes manifestent leur soutien en faveur des combattants.

La conscience d’une nouvelle unité viendra au cours de la lutte même contre ce gouvernement indien de l’impérialisme, du féodalisme et des gros monopolistes, et c’est dans l’intérêt de la révolution qu’il sera alors nécessaire de garder l’Inde unie. Cette unité sera une unité solide.

C’est à partir de cette conscience de nationalité qu’il y a eu des luttes en Asie du Sud contre l’imposition du hindi et que 60 personnes ont perdu la vie au cours de cette année 1965. Donc si l’importance de cette lutte est dépréciée, la classe ouvrière s’isolera des luttes des larges masses. C’est dans l’intérêt de la classe ouvrière qu’il faut soutenir les efforts pour le développement de ces nationalités.

3. « Instaurer l’analyse de classe dans le mouvement des paysans ». Au stade actuel de la révolution, la paysannerie tout entière est l’alliée de la classe ouvrière, et cette paysannerie est la plus grande force de la révolution démocratique populaire de l’Inde. C’est en gardant ceci à l’esprit que nous devrons aller de l’avant dans le mouvement de la paysannerie.

Mais tous les paysans n’appartiennent pas à la même classe. Il y a principalement quatre classes parmi les paysans − riche, moyen, pauvre, sans terre − et il y a la classe des artisans ruraux.

Il y a des différences dans leur conscience révolutionnaire et dans leur capacité à travailler selon les circonstances. Par conséquent, les marxistes doivent toujours essayer d’asseoir le leadership des paysans pauvres et sans terre sur tout le mouvement paysan. On fait souvent l’erreur, en analysant la classe des paysans, de la déterminer sur base des titres de propriété de terres. C’est une erreur dangereuse.

Elle doit être analysée sur base de leur salaire et de leur niveau de vie. Le mouvement paysan deviendra militant dans la mesure où nous établirons le leadership des paysans pauvres et sans terre sur le mouvement paysan tout entier. Il ne faut pas oublier que quelle que soit la tactique de combat acceptée sur base du soutien de la large paysannerie, cela ne peut jamais, dans aucune mesure, être de l’aventurisme.

Il faut se rappeler que toutes ces années, nous basant sur le soutien au non-paysans, nous avons recherché le caractère étriqué du mouvement paysan, et que chaque fois que se produisait une répression, nous pensions qu’il devait y avoir eu de l’aventurisme. Il ne faut pas oublier qu’aucun mouvement des paysans basé sur des revendications fondamentales ne suivra une voie pacifique.

Pour une analyse de classe de l’organisation paysanne et pour asseoir le leadership des paysans pauvres et sans terre, il faut dire en termes clairs aux paysans qu’aucun de leur problème fondamental ne peut être résolu à l’aide de quelque loi de ce gouvernement réactionnaire.

Mais ceci ne signifie pas que nous ne devons profiter d’aucun mouvement légal. Le travail des associations paysannes publiques sera principalement d’organiser des mouvements pour obtenir des avantages juridiques et pour des changements légaux.

Donc parmi les masses paysannes, la tâche principale et la plus urgente sera de créer des groupes du parti et d’expliquer le programme de la révolution agraire et la tactique de la prise du pouvoir à l’échelon régional. Par l’intermédiaire de ce programme, les paysans pauvres et sans terre seront placés à la direction du mouvement paysan.

4. A partir de 1959, le gouvernement a de plus en plus souvent déclenché de violents attaques contre chaque mouvement démocratique d’Inde. Nous n’avons dirigé aucun mouvement de résistance active contre ces violentes attaques.

Nous avons lancé un appel à la résistance passive face à ces attaques, tel, entre autre exemple, le cortège funèbre après le mouvement pour la nourriture. Nous devons nous souvenir des enseignements de Mao Zedong – « Une simple résistance passive contre la répression creuse un fossé dans l’unité combattante des masses et conduit invariablement vers la voie de la capitulation ».

Par conséquent, à l’époque actuelle, au cours de tout mouvement de masse, un mouvement de résistance active devra être organisé. Le programme de résistance active est devenu une absolue nécessité avant tout mouvement de masse.

Organiser un mouvement de masse aujourd’hui sans ce programme signifie plonger les masses dans le découragement. Par suite de la résistance passive de 1959, il ne fut possible d’organiser aucun rassemblement de masse pour exiger de la nourriture à Calcutta dans les années 1960-61. Cette organisation de résistance active suscitera une nouvelle confiance dans les esprits des masses et la vague de lutte s’élèvera.

Que voulons-nous dire par résistance active ? Premièrement, sauvegarde des cadres. Pour cette sauvegarde des cadres, des abris et un système de communication convenables sont nécessaires.

Deuxièmement, apprendre au peuple les techniques de résistance, comme s’allonger devant les tirs, ou se servir de barrière robuste, former des barricades, etc. Troisièmement, des efforts pour venger chaque attaque avec l’aide de groupes de cadres actifs, qui ont été décrits par le camarade Mao Zedong comme « la lutte de représailles ».

Dans un premier temps, en proportion de leurs attaques, nous ne serons capables de venger que quelques attaques. Mais si même un petit succès est obtenu dans un cas, la large propagande créera un nouvel enthousiasme parmi les masses. Ces luttes de résistance active sont possibles dans les villes et dans les campagnes, partout. Cette vérité fut vérifiée dans le mouvement de résistance noire en Amérique.

5. Il n’y a pas d’idée précise dans le parti au sujet de l’organisation clandestine. Une organisation secrète ne se forme pas simplement si quelques dirigeants restent dans la clandestinité. Au contraire, ces mêmes dirigeants font face au danger de se faire isoler des rangs du parti.

Si les dirigeants du parti entrent dans la clandestinité et travaillent comme des dirigeants d’organisations publiques de masse, ils se feront invariablement arrêter. Donc la direction clandestine devra aller de l’avant dans le travail de construction d’un parti secret.

Ce n’est donc pas un fait que la tâche de former un parti secret soit uniquement celle des dirigeants clandestins ; il faut que chaque membre du parti travaille pour l’organisation secrète et c’est grâce à ces nouveaux cadres du parti que les relations du parti avec les masses se noueront.

Alors seulement les dirigeants clandestins seront en mesure de travailler en tant que dirigeants. Par conséquent, à l’époque actuelle, l’appel principal auquel le parti fait face est − chaque membre du parti devra créer un Groupe Militant du parti.

Ces Groupes Militants devront être enthousiasmés par la politique révolutionnaire. Cette tâche consistant à créer des Groupes Militants sera la tâche principale pour tous les membres du parti de tous les fronts. La rapidité avec laquelle nous pourrons élever ces militants en membres du parti dépendra du nombre de nouveaux militants que ces militants seront capables de rassembler.

Ce n’est qu’alors que nous pourrons avoir un grand nombre de cadres du parti inconnus de la police et que toutes les difficultés des dirigeants clandestins à entretenir des liens avec les rangs du parti disparaîtront.

Certaines idées révisionnistes chez nous, concernant des questions politiques et organisationnelles, les organisations de masse, etc ont été indiquées ici. Aujourd’hui, les membres du parti devront repenser chaque mouvement de masse.

Le révisionnisme a bâti son nid dans le style de notre mouvement, dans notre pensée organisationnelle, en d’autres termes, dans presque toutes les sphères de nos vies. Tant que nous ne serons pas capables de le déraciner, on ne pourra pas construire le nouveau parti révolutionnaire, les perspectives révolutionnaires de l’Inde seront entravées. L’histoire ne nous pardonnera pas.

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et le PC d’Inde (marxiste-léniniste)