Le marxisme est né avec le mouvement ouvrier ; il consiste en les écrits de Karl Marx et de Friedrich Engels, mais également en leur action politique, avec la première Internationale et la naissance de la social-démocratie allemande.
Ce dont on parle ici, c’est de gens en particulier, dans un pays en particulier, avec des idées en particulier. Et de par la dimension de ces idées de ces gens dans ce pays, c’est l’universel qui a prévalu et dans le monde entier, le marxisme a été reconnu comme juste par le mouvement ouvrier. Comme juste, non pas seulement pour l’Allemagne, mais pour tous les pays.
D’autres idées sont apparues et se sont ajoutées au marxisme, se plaçant en son sein, le développant à travers des obstacles, des difficultés, des conflits. Pareillement des idées développées en Russie et en Chine ont été reconnues ayant une valeur non pas simplement pour ces pays seulement, mais pour tous les pays.
Lénine et Mao ont été des références dans le monde entier.
Pourrait-alors penser que le processus peut continuer comme cela à l’infini, que d’autres peuvent s’ajouter, que le marxisme continuerait ainsi de se développer ?
Bien sûr, mais alors on doit reconnaître que ce n’est plus du marxisme. Le marxisme serait la base encore, mais il y aurait tellement d’ajouts, d’approfondissements, que le marxisme serait méconnaissable. Ce serait le marxisme, mais transformé. Déjà à l’époque de Lénine, le marxisme était transformé de manière profonde par rapport à l’époque de Marx, et c’est pareil avec Mao.
Une discussion intéressante avait eu lieu à ce sujet, dans les années 1990 entre les maoïstes français et des représentants en France du Parti Communiste du Pérou. Ces derniers expliquaient que pour comprendre le marxisme, il fallait d’abord comprendre le maoïsme, car le maoïsme était la forme la plus avancée du marxisme.
Pour les communistes français, cela semblait être le contraire : c’est en comprenant bien le marxisme qu’on arrivait, fort naturellement, au maoïsme. En un sens, les deux ont naturellement raison, car c’est une contradiction. Cependant, si c’est une contradiction, alors elle est productive.
C’est justement en se tournant vers cette nature productive qu’on dépasse les séparations entre marxisme, léninisme, maoïsme et qu’on saisit l’unité de substance, qui permet de voir en quoi il s’agit d’une seule et même chose, et non de trois choses avec lesquelles il faudrait « composer ».
Mao Zedong avait déjà pressenti ce qu’il faut bien appeler la mort du marxisme, mort non pas au sens où il est dépassé, devenu inutile ayant fait son temps, mais au sens où il forme de la matière qui s’est insérée dans quelque chose de plus développé.
Mao Zedong dit avec une profonde justesse et un regard historique d’une vaste ampleur que :
« Le monde est infini. A la fois dans le temps et l’espace, le monde est infini et inépuisable. Au-delà de notre système solaire, il y a de nombreuses étoiles qui, ensemble, forment la Voie Lactée. Au-delà de cette galaxie, il existe de nombreuses autres galaxies.
Considéré globalement l’univers est infini, et considéré étroitement, l’univers est aussi infini.
Non seulement l’atome est divisible, mais c’est aussi le cas du noyau atomique et il peut être divisé à l’infini (…).
Tous les individus et toutes les choses spécifiques ont leurs naissances, leurs développements, et leurs morts.
Chaque personne meurt, parce qu’elle est née. L’être humain doit mourir, et Chang San [NDLR : équivalent de Dupont, Durand, etc.] étant un homme, il doit mourir.
Personne ne peut voir Confucius qui vivait il y a 2000 ans, parce qu’il devait mourir.
L’humanité est née, et par conséquent l’humanité doit aussi mourir. La Terre est née, et ainsi elle doit également mourir.
Toutefois, quand nous disons que l’humanité mourra et que la Terre mourra, c’est différent de ce que disent les chrétiens au sujet de la fin du monde.
Lorsque nous parlons de la mort de l’humanité et de celle de la Terre nous voulons dire que quelque chose de plus avancé que l’humanité viendra la remplacer, et ceci est un stade plus élevé dans le développement des choses.
J’ai dit que le marxisme avait également sa naissance, son développement et sa mort. Cela peut sembler absurde.
Mais comme Marx dit que toutes les choses qui se déroulent ont leur mort, comment cela ne serait-il pas applicable au marxisme lui-même ?
Dire qu’il ne mourra pas, c’est de la métaphysique.
Naturellement, la mort du marxisme signifie que quelque chose de plus élevé que le marxisme viendra le remplacer. »
La mort du marxisme dont parle ici Mao Zedong, c’est la naissance du matérialisme dialectique.
Est-ce que cela veut dire que le matérialisme dialectique lui-même connaîtra la mort, disparaîtra ? C’est évidemment le cas ; le matérialisme dialectique connaîtra le même sort que le marxisme : il s’effacera pour laisser place à une compréhension plus approfondie du monde. Ce sera le matérialisme dialectique ayant connu un saut qualitatif.
Quand cela déroulera-t-il ? Très certainement dans les décennies suivant l’unification de l’humanité et la systématisation du matérialisme dialectique au niveau mondial. Il y aura alors un tel approfondissement, un tel développement de nuances, que des différences apparaîtront et que la loi de la contradiction s’appliquera au matérialisme dialectique lui-même.
Mais on n’en est, bien sûr, pas encore là. Ce dont il s’agit, pour la période donnée, c’est que l’humanité assimile les fondamentaux du matérialisme dialectique et sache les manier dans la pratique, ou plutôt : que le matérialisme dialectique soit porté comme vision du monde par toujours davantage de gens, jusqu’à la généralisation complète à l’échelle de la société.
Le socialisme triomphera lorsque le prolétariat comprendra la contradiction qui le lie et l’oppose à la bourgeoisie, et lorsque la loi de la contradiction sera saisie dans la vie quotidienne, dans l’expérimentation scientifique et les sciences, dans la production industrielle et sa conception, dans les arts et les lettres.
C’est une nouvelle ère où, plus les connexions sont comprises, plus les connexions se développent, le saut qualitatif connaît sa maturité, et se réalise.