La rupture « sino-soviétique », comme l’ont appelé les médias à l’époque, consiste en le grand conflit idéologique entre d’un côté le Parti Communiste d’Union Soviétique (PCUS) et le Parti Communiste de Chine (PCC).
Suite à la mort de Staline, une clique a pris le pouvoir par un coup d’État et a commencé à généraliser le révisionnisme, transformant l’appareil d’État de l’Union Soviétique en machinerie fasciste.
Le PCUS remettait alors totalement en cause les enseignements de Marx, Engels et Lénine, rejetant même Staline.
C’est alors le Parti Communiste de Chine qui a assumé le combat idéologique, qui a été marqué par trois moments clefs, dans une montée en puissance de la critique effectuée, strictement parallèle à la progression dans la compréhension du matérialisme dialectique.
La question du bilan suite à l’émergence du révisionnisme soviétique
La première période est celle qui concerne le bilan de la période où Staline a été le dirigeant du Parti Communiste en Union Soviétique. Le vingtième congrès du PCUS, en 1956, prit le PCC par surprise, et au départ les positions du PCC furent en défense de Staline, mais avec une certaine équivoque.
Au fur et à mesure toutefois, il est évident que les tendances révisionnistes au sein du PCC furent écrasées et alors fut lancée une vague de critiques du révisionnisme, en s’appuyant notamment sur l’exemple yougoslave.
L’un des derniers grands combats de Staline était dirigé contre le révisionnisme de Tito en Yougoslavie ; à partir du moment où le PCUS revenait en arrière sur cette question, la critique de la Yougoslavie par le PCC affirmait la ligne rouge.
Furent ainsi notamment publiés en juin 1958 les documents « Le révisionnisme yougoslave est le produit de la politique impérialiste » et « Le révisionnisme yougoslave répond exactement aux besoins de l’impérialisme US ».
La montée en puissance de la critique s’affirma en 1959 avec un article dans le Quotidien du Peuple, à l’occasion du 80e anniversaire de la naissance de Staline, saluant la mémoire du grand révolutionnaire « artisan des grands succès remportés par l’Union soviétique depuis 42 ans ».
D’autres documents très célèbres à l’époque furent ceux rassemblés dans la brochure « Vive le léninisme » en 1960 : Pour le 90e anniversaire de la naissance de Lénine, En avant sur la voie du grand Lénine et Unissons-nous sous le drapeau révolutionnaire du grand Lénine.
La défense du léninisme face à la ligne « pacifique »
Le point culminant de la première période de l’affrontement idéologique se produisit avec le congrès des 81 partis communistes et ouvriers à Moscou, en novembre 1960. Le PCUS tendait à l’affirmation de la possibilité d’une révolution « pacifique », par la voie parlementaire, alors que le PCC défendait la ligne de la révolution par les armes.
Un compromis fut alors trouvé à ce congrès, et il est significatif que le PCC ait alors été représenté par deux figures du révisionnisme chinois : Liou Shaoqi et Deng Xiaoping.
La situation se tendit cependant toujours davantage, le PCUS critiquant le PCC par l’intermédiaire d’autres partis, comme celui d’Italie, et visant non pas le PCC, mais le Parti du Travail d’Albanie qui soutenait alors le PCC.
Le PCC ne relâcha pas la pression et il y eut toute une série d’articles publiés dans le Quotidien du Peuple et dans le Drapeau Rouge :
* Prolétaires de tous les pays, unissons-nous contre l’ennemi commun (15 décembre 1962);
* Les divergences entre le camarade Togliatti et nous (31 décembre 1962) ;
* Léninisme et révisionnisme moderne (5 janvier 1963) ;
* Unissons-nous sous la bannière des déclarations de Moscou (27 janvier 1963) ;
* D’où proviennent les divergences : réponse à Maurice Thorez (27 février 1963) ;
* Encore une fois sur les divergences entre le camarade Togliatti et nous (4 mars 1963) ;
* Commentaires sur les déclarations du PC des Etats-Unis (8 mars 1963) ;
* Le miroir des révisionnistes (9 mars 1963) ;
* La vérité sur l’alliance de la direction du PCUS avec l’Inde contre la Chine (2 novembre 1963).
Le PCUS répondit par un long document, à quoi le PCC répondit par un document extrêmement célèbre à l’époque et connu sous le nom de « Lettre en 25 points ».
Le PCUS rejeta brutalement ce document, à quoi le PCC répondit de nouveau par un document le 15 août, suivi d’une série de documents explicatifs largement diffusés par les marxistes-léninistes sympathisant alors avec la bataille chinoise contre le révisionnisme soviétique.
On trouve ainsi :
* Les divergences entre la direction du PCUS et nous – leur origine et leur évolution (6 septembre 1963) ;
* Sur la question de Staline (13 septembre 1963) ;
* La Yougoslavie est-elle un pays socialiste (26 septembre 1963) ;
* Des défenseurs du néo-colonialisme (22 octobre 1963) ;
* Deux lignes différentes dans la question de la guerre et de la paix (19 novembre 1963) ;
* Deux politiques de coexistence pacifique diamétralement opposés (12 décembre 1963) ;
* Les dirigeants du PCUS sont les plus grands scissionnistes de notre temps (14 février 1964) ;
* La révolution prolétarienne et le révisionnisme de Khrouchtchev (31 mars 1964) ;
* Le pseudo-communisme de Khrouchtchev et les leçons historiques qu’il donne au monde (14 juillet 1964).
La rupture
Le second moment de l’affrontement apporta un gigantesque prestige au PCC, qui eurent de très nombreux communistes adhérant à sa critique et formant des cercles marxistes-léninistes pour lutter contre le révisionnisme.
L’éviction en 1964 de Khrouchtchev de la direction du PCUS ne modifia pas la donne, Brejnev ne faisant que renforcer la dimension bureaucratique de la clique dominant le régime. La rupture était consommée entre le PCUS et le PCC, chacun représentant une ligne antagonique.
Des documents connus du PCC furent alors notamment :
* Le triomphe du léninisme (22 avril 1965) ;
* Luttons jusqu’au bout contre le révisionnisme khrouchtchévien (14 juin 1965) ;
* De l’unité d’action de la nouvelle direction du PCUS (11 novembre 1965) ;
* Les dirigeants du PCUS traîtres aux deux déclarations de Moscou (30 décembre 1965).
Le PCC allait d’autant plus de l’avant qu’il liquidait ses propres tendances révisionnistes, le tout aboutissant à une lutte de deux lignes menée avec comme cadre la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP).
Le PCC affirmait que le processus en URSS avait abouti à la domination d’une classe de capitalistes monopolistiques et bureaucratiques ; il y avait là un exemple historique de restauration, la GRCP se posant comme modèle de contre-restauration.
La clique révisionniste dominant l’URSS fut qualifié de fasciste, les dirigeants de « nouveaux tsars » ; le PCC considérait que l’URSS était devenu un « social-impérialisme » : social en paroles, impérialiste dans les faits. Deux documents présentent notamment ce nouveau concept pour définir l’URSS :
– Léninisme ou social-impérialisme ? ;
– Le social-impérialisme soviétique fait partie de l’impérialisme mondial.
Une citation de Mao Zedong fut très connue :
« En URSS aujourd’hui, c’est la dictature de la bourgeoisie, la dictature de la grande bourgeoisie, c’est une dictature de type fasciste allemand, une dictature hitlérienne. »
Sur le plan diplomatique, le PCC se posait comme défenseur de ceux ne voulant pas être écrasés par le tandem USA-URSS, frères jumeaux impérialiste et social-impérialiste.
Ce fut par contre ici le lieu d’une vaste opération du révisionnisme chinois, qui prôna une alliance avec les impérialistes « intermédiaires » et soutenait les « États nationaux » (rejetant le concept maoïste de pays semi-colonial semi-féodal). C’est l’affirmation du maoïsme, principalement par Gonzalo, qui permit de rejeter ici le révisionnisme.
Et ce qui compte véritablement, dans ce qui a été appelé la « rupture sino-soviétique », c’est le rejet pratique du révisionnisme, puis l’élaboration de sa critique et enfin la réalisation du principe de contre-restauration dans le cadre d’un Etat socialiste, avec la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.
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