La Chine révisionniste et la ligne internationale

Initialement, la Chine devenue révisionniste maintint en apparence certains fondamentaux. En 1977 elle produisit un document sur la théorie des trois mondes, cherchant ainsi une certaine légitimité dans sa démarche, alors qu’en réalité sa ligne était totalement opportuniste.

Deng Xiaoping cherchait en fait à préserver la Chine révisionniste de toute action d’éclat, de tout éclat, comme pour passer sous les radars, afin d’aller à long terme dans le sens d’une superpuissance. Il fallait ainsi continuer d’avoir de bons rapports avec la superpuissance américaine, mais également contrebalancer par de nouveaux rapports avec la superpuissance soviétique.

Au début de l’année 1979, Deng Xiaoping se rendit aux États-Unis alors que les relations diplomatiques sino-américains venaient d’être établies, aux dépens du régime de Taïwan (les États-Unis retirant leurs forces armées de l’île). Un Communiqué conjoint sino-américain du 17 août 1982 prolongea ce rapprochement, alors que le président américain Ronald Reagan vint à Pékin en 1984.

C’était là un gage de stabilité à l’écart du conflit des deux superpuissances (et non contre elles comme à l’époque de Mao Zedong). De 1982 à l’effondrement du social-impérialisme soviétique en 1989, la ligne suivit ainsi le mot d’ordre « Indépendant et pacifique » (Duli zhizhu de heping waijiao).

Deng Xiaoping aux Etats-Unis en 1979

La ligne fut avalisée au 12e congrès du Parti Communiste de Chine devenu révisionniste, en septembre 1982, avec la « construction du socialisme aux caractéristiques chinoises », accompagnée d’une dénonciation complète de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.

Dès lors, comme il était clair que la superpuissance américaine ne laisserait pas le social-impérialisme soviétique s’approprier la Chine, cette dernière modifia sa ligne. L’important diplomate chinois Huan Xiang, dans son article d’octobre 1982 publié dans le Quotidien du peuple, abandonna la thèse de l’URSS comme principale source de la menace de guerre.

Au mois de novembre, le ministre chinois des affaires étrangères, Huang Hua, alla à Moscou pour l’enterrement de Brejnev. Il exprima le fait d’être « optimiste » quant aux rapports sino-soviétiques, ce qui lui valut toutefois de devoir démissionner peu après son retour à Pékin.

En 1984, c’est le vice-premier ministre chinois Wan Li qui alla à Moscou pour l’enterrement d’Andropov, de même qu’en 1985 pour celui de Tchernenko. Rencontrant le nouveau secrétaire, Gorbatchev, il affirma son souhait que l’URSS avance dans la construction du socialisme. C’était là la fin officielle de la thèse du social-impérialisme soviétique et la reconnaissance de l’URSS comme « socialiste ».

Entre 1983 et 1984, le commerce sino-soviétique double pratiquement, de même pour entre 1984 et 1985. Cependant, on restait dans un chiffre bien inférieur au commerce soviéto-japonais ou même soviéto-américain.

Gorbatchev en personne vint alors à Pékin en mai 1989. Il y avait là tout un nouvel alignement, où la Chine était passée en quelque chose sous le chapeau américain tout en préservant une certaine indépendance, et c’est là où va s’enclencher le processus de la Chine comme atelier, puis usine du monde.

Cette période suit la ligne internationale définie par le mot d’ordre « adopter un profil bas » (Taoguang yanghui) et va se prolongea jusqu’au milieu des années 1990.

En septembre 1989, Deng Xiaoping résuma de la manière suivante les points fondamentaux de cette ligne internationale chinoise. Il fallait avoir du recul, agir sans précipitation, renforcer la Chine intérieurement.

Il fallait observer et analyser calmement (lengjing guancha), assurer ses propres positions (wenzhu zhenjiao), faire face aux changements patiemment et avec confiance (chenzhuo yingfu), masquer ses capacités et éviter d’apparaître sous les feux de la rampe (taoguang yanghui), savoir maintenir un profil bas (shangyu shouzhuo), ne jamais diriger (juebu dangtou), s’efforcer d’aboutir à des réalisations (yousuo zuowei).

Le président russe Boris Yeltsine vint à Pékin en avril 1996 et un traité de partenariat stratégique, en mode coopératif, fut signé. C’était là la reconnaissance par la Russie que, de toute façon, elle n’était plus en mesure de rien contre la Chine, alors qu’un rapprochement était utile pour contrebalancer la superpuissance américaine. En 1997 ce fut le président chinois Jiang Zemin qui vint à Moscou, pour la signature d’une déclaration commune pour un monde multi-polaire.

La Chine commençait sa marche forcée pour devenir une superpuissance.

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contre l’hégémonie des superpuissances