La crise générale du capitalisme n’a ni « avant » ni « après », ni « cause » ni « conséquence »

La crise générale du mode de production capitaliste (MPC) touche tous les domaines de la vie et par conséquent son mouvement dialectique est véritablement général ; si aucun phénomène n’existe isolément, c’est d’autant plus vrai pour le MPC.

Il faut raisonner en termes de marée montante et ne pas chercher un endroit précis où faire apparaître la crise générale du MPC, comme s’il y avait une cause et que la crise serait une « création » à un moment donné.

Eugen Varga commet très précisément cette erreur. Lors d’un débat en 1947 en URSS concernant sa vision erronée d’un capitalisme désormais organisé (le « capitalisme monopoliste d’État »), il affirme la chose suivante, montrant son incompréhension du matérialisme dialectique :

« On ne peut pas fixer la crise générale du capitalisme à une année précise, un mois ou même un jour particulier.

Il y a des camarades qui prétendent que la crise générale du capitalisme a commencé avec la révolution d’Octobre, avec le début de la division du monde en deux systèmes.

Le camarade Staline fait par contre remarquer que la première guerre mondiale a été l’expression de la crise générale du capitalisme. Si pourtant il en est ainsi, alors nous devons dire que la crise générale du capitalisme était déjà établie.

Lorsqu’un phénomène trouve son expression, alors elle doit également être existante. C’est ma manière de voir les choses.

Et s’il en est ainsi, alors cela signifie qu’il y avait déjà avant 1914 une crise générale du capitalisme. Je suis d’avis que la première étape de la crise générale du capitalisme coïncide avec le plein développement du stade monopoliste du capitalisme. »

Cette conception est totalement fausse. Du fait qu’on ne puisse pas désigner un moment particulier, ce qui reste discutable par ailleurs, Eugen Varga aboutit à la question de trouver un « début ». Ce début est alors repoussé dans le passé, et la fin est toujours repoussé à plus tard, le capitalisme étant en déclin, en crise générale, mais cela pendant des décennies entières !

Ce que n’a pas compris Eugen Varga, c’est que la première guerre mondiale peut tout à fait être l’expression de la première crise générale du capitalisme… Même si celle-ci ne se déclenche qu’après.

Le mouvement dialectique n’a rien à voir avec le principe de « cause » et de « conséquence ». Le mouvement matériel prime également sur le temps, qui n’est que la description du mouvement matériel. Il n’y a pas de « temps » en soi.

La première guerre mondiale a été l’expression de la crise générale du MPC, car celle-ci était justement en train de surgir comme phénomène, et telle une marée montante, elle charrie toute une série de phénomènes avant même d’émerger en tant que tel. Ce n’est pas parce qu’un homme et une femme se rencontrent et tombent amoureux qu’ils vont se marier, mais parce qu’ils sont dans un mouvement où ils vont se marier que leur rencontre connaît un tournant.

Ainsi, on peut très bien considérer que la crise générale du capitalisme se déclenche avec la formation de deux systèmes, tout en disant, dialectiquement, que la première guerre mondiale a été une expression de la crise générale du capitalisme. Il n’y a ni début ni fin dans le mouvement général de la matière, pas de commencement avec un « big bang », ni de fin des temps. Il n’y a pas de négation de la négation, de « cassure » dans le développement général : il y a des sauts.

De la même manière, Eugen Varga n’a pas compris qu’il ne fallait pas chercher une date pour trouver le déclenchement de la crise générale du MPC. C’est un phénomène qu’il faut chercher, qui est lui-même « dans le temps » – et qui en réalité définit le temps, ce dernier étant un moyen pour procéder à la description du mouvement de la matière.

On voit bien par exemple que l’émergence de l’humanité a considérablement accéléré les phénomènes au niveau planétaire. C’est un excellent exemple de crise générale.

Eugen Varga se situait en fait en dehors du processus révolutionnaire, voilà pourquoi il avait besoin de formaliser la crise générale du capitalisme. Celle-ci est un processus et, au sens strict, nous en sommes les protagonistes. Il faudra attendre que le mode de production capitaliste soit entièrement dépasse pour avoir un aperçu adéquat de l’ensemble du processus de crise générale du MPC / révolution mondiale.

C’est lorsque, en effet, tous les aspects de la crise générale du MPC auront connu un saut qu’on pourra les définir adéquatement et voir comment ils se sont transformés. La question animale, par exemple, relève de la crise du MPC et selon l’ampleur de sa transformation, on pourra dire quand le processus s’est enclenché historiquement.

Faut-il partir de la systématisation de l’utilisation d’animaux dans l’industrie dans les années 1950 par le MPC ? De la destruction de la vie à l’échelle planétaire dans les années 2000 ? Et dans quelle mesure l’émergence de l’élevage relève-t-elle de cette question ?

Toutes ces questions sont de type pratiques encore. Et on ne les saisit pas avec un « avant » et un « après », une « cause » et une « conséquence ».