À la suite de l’épisode d’Angoulême, Paul Faure prolongea lui aussi ses attaques. Où veut-on en venir, dans le Populaire du 30 août, pose un « avertissement amical mais tout à fait sérieux » aux néo-socialistes, car :
« L’ordre et l’autorité encore une fois doivent tout d’abord régner dans le Parti, non pas un ordre et une autorité émanant de quelques individus, mais exprimés par la volonté des militants de nos sections. »
Suit alors l’article Pour la défense du Parti et de son unité, le 31 août, qui attaque les néo-socialistes comme scissionnistes en rappelant le scandale du texte lu Pierre Renaudel le dernier jour du congrès de la SFIO de juillet 1933 :
« A la dernière séance du Congrès de Paris, malgré de singuliers propos, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils n’avaient que de lointains rapports avec tout ce que nous connaissons de la pensée socialiste, nous avons, sans hésitation et sans arrière-pensée, tendu à tous et sans exception une main fraternelle.
En guise de réponse on nous annonça un manifeste de combat. »
Le 2 septembre 1933, l’article La volonté de scission prolonge le tir, en dénonçant de manière ouverte les néos-socialistes :
« Je suis maintenant convaincu que des camarades, – parmi ceux qui n’acceptent plus le socialisme tel qu’il fut enseigné par nos maîtres et tel qu’il fut forgé par une longue série de Congres nationaux et internationaux – sont animés d’une volonté de scission.
Ils auraient probablement déjà tenté « le coup », s’ils avaient trouvé dans nos sections quelques échos favorables et quelques encouragements sérieux. Mais, à part de très faibles exceptions, la masse de nos militants est demeurée inébranlable dans sa foi unitaire (…).
Il est impossible de laisser s’accomplir des manœuvres dont le but de division est certain et qui créent, en attendant pire, un malaise fort préjudiciable h la bonne marche et à la vie normale de nos groupes.
Je répète ce que j’écrivais dans un précédent article, que le manifeste des protestataires annoncé à grand bruit et à grandes menaces depuis le Congrès de Paris et rendu public depuis quelques jours, n’avait rien cassé.
D’abord, parce qu’il était – m’avait-il semblé – de ton conciliant, et puis, parce qu’il ne contenait rien de sensationnel, ni même seulement d’un peu nouveau.
La manifestation d’Angoulême, c’est autre chose.
Il s’agit d’élus dressés publiquement en bataille contre leur propre parti, contre sa politique, contre les décisions de ses congrès et qui se déclarent résolus à poursuivre cette campagne de rébellion. Je n’aurai nulle peine à démontrer que ceci est intolérable. »
Le choix, le 3 septembre 1933, affirme pareillement :
« Je ne pense pas qu’un seul parti socialiste au monde ait jamais fait preuve d’autant de libéralisme et de tolérance fraternelle et bienveillante que nous. Nous en sommes fort mal récompensés.
Mais la coupe est pleine et déborde.
Quel est le membre du Parti qui pourra admettre qu’un certain nombre de parlementaires, élus sur le programme du Parti, avec le concours dévoué des militants, soient autorisés à partir en guerre publiquement contre les décisions régulièrement prises par nos Congrès et contre la politique fixée, délibérée, voulue, par l’immense majorité des membres de notre organisation?
L’un des orateurs d’Angoulême a déclaré qu’entre le redressement financier du pays et l’opinion du Parti, son choix était fait. Fort bien. Cela signifie en termes clairs, que tous les Congrès, d’Avignon de Paris, et tant d’autres Congrès qu’on voudra, n’ont aucune espèce d’importance et qu’on est fermement décidé à n’en tenir aucun compte.
L’intérêt national, derrière quoi on abrite la rébellion, est un prétexte qui ne trompera personne. Qu’est-ce d’ailleurs que le redressement financier? C’est la suite du budget de l’an passé, n’est-ce pas?
Comme redressement, c’est réussi. M. Lamoureux vient de révéler que le déficit s’était accru de quelques nouveaux milliards. Comment s’y prendra-t-on pour redresser un peu mieux? Nous n’avons aucun doute à ce sujet. Il y aura un simulacre de mesures contre l’oligarchie capitaliste.
Pour le reste, c’est-à-dire pour le tout, ou peu s’en faut, on s’en prendra aux classes moyennes, aux épargnants, aux salaires, aux traitements, aux paysans, aux consommateurs.
C’est ce rançonnement général, qu’on voudra nous faire avaler comme un redressement, auquel on prétend, à Angoulême, sacrifier jusqu’à la fidélité à son Parti, jusqu’à l’unité du Parti.
Nous n’acceptons ni cette mise en demeure, ni ces menaces. Nous ne les acceptons absolument pas. »
Le 4 septembre, c’est Jean-Baptiste Lebas, maire de Roubaix et figure de la SFIO depuis 1920 par son importance dans le Nord, qui publie, toujours en première page, Le Parti défendra son unité. Il y rappelle que :
« Si la liberté de discussion est entière sur la doctrine et la méthode, pour l’action, majorité et minorités doivent se fondre dans une unanimité qui fait la force du Parti. »
Il y dénonce la « méthode opportuniste, encore appelée réaliste », qui fut précisément appliquée en Allemagne :
« On se souvient qu’elle fut appliquée en Allemagne par la social-démocratie depuis l’effondrement de l’Empire et l’avènement de la République.
Au pouvoir, elle n’osa toucher ni à la grande propriété foncière, ni aux trusts et monopoles capitalistes.
Hors du pouvoir, sa pensée dominante fut d’empêcher l’accès des partis de réaction, puis du parti hitlérien au gouvernement en pratiquant constamment une politique modérée de coalition dont les résultats furent le découragement d’une partie du prolétariat victime d’un chômage sans fin, l’éloignement des classes moyennes ruinées d’un « Parti socialiste de gouvernement » impuissant, la marche foudroyante du mouvement fasciste.
La voilà l’expérience allemande qu’on ose nous recommander ! »
Il y a une mobilisation générale contre les néos-socialistes et on voit bien qu’elle a d’autant plus de vigueur qu’il s’agit de maintenir l’unité de la SFIO et surtout d’attribuer tous les errements depuis 1920 au groupe parlementaire, aux néos-socialistes qui en forment l’ossature.
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