Le GOULag n’a nullement été une exception due aux années 1930 et, pour cette raison, dans l’immédiate après-guerre, il prolonge son existence, en tant que composante marginale de la société soviétique.
Le problème fondamental de cette existence à la marge fut la naissance d’une couche criminelle façonnée culturellement par l’identité des camps et réfutant toute socialisation, faisant de l’anti-soviétisme le noyau dur de leur action criminelle résolument anti-sociale.
Ces éléments criminels, considérés comme non prioritaires par rapport aux contre-révolutionnaires, purent profiter de la situation pour chercher à conquérir l’hégémonie au sein des camps. Il y a là un problème fondamental tenant à la dimension administrative des camps, qui se contentaient de mettre de côté et ne parvenaient pas à tourner les choses favorable culturellement.
Cela fut d’autant plus vrai après 1945, alors qu’il y avait une vague de détenus farouchement anti-communistes liés aux nazis pendant la seconde guerre mondiale ou issue de l’intense lutte des classes suivant 1945.
Pour cette raison, il fut mis en place par la GOULag, en février 1948, des Osobye lagéria, camps spéciaux, pour les éléments contre-révolutionnaires les plus dangereux. Il y avait un peu plus de 100 000 détenus dans ces camps spéciaux en 1949, 257 000 en 1952.
Au premier juillet 1946, il y avait 806 193 prisonniers dépendants de la GOULag, dont 506 289 relevaient du contingent du camp, c’est-à-dire qu’ils étaient condamnés à plus de trois ans et devaient par conséquent purger leur peine dans des unités de camp.
Au premier janvier 1951, le chiffre s’est considérablement agrandi. Alors que l’URSS s’est agrandi territorialement par rapport à avant 1939, il y a 579 918 personnes détenues dans les camps pour avoir mené des activités contre-révolutionnaires et 1 948 228 personnes détenues pour des crimes.
Parmi la première catégorie, on a 334 538 condamnés pour trahison à l’URSS (article 58), 46 582 pour participation à des groupes anti-soviétiques, 18 337 pour espionnage, 7 515 pour terrorisme et 2 329 pour intentions terroristes, 3 250 pour sabotage.
Parmi la seconde catégorie, on a 637 055 personnes condamnées pour vol de la propriété publique, 394 241 pour vol de la propriété personnelle, 65 816 pour banditisme, 93 477 pour hooliganisme, etc.
2,9 % des détenus ont été condamnés à une peine de moins d’un an, 8,8 % à une peine entre 1 et 3 ans, 16,3 % entre 3 et 5 ans, 53,9 % entre 5 et 10 ans, 9,2 % entre 10 et 15 ans, 4,1 % entre 15 et 20 ans, 4,8 % à plus de 20 ans.
La proportion des prisonniers en fonction de leur nationalité correspond grosso modo à l’URSS ; au 1er janvier 1951 on a ainsi parmi les prisonniers 1 405 522 Russes, 506 221 Ukrainiens, 96 741 Biélorusses, 56 928 Tatars, 30 029 Ouzbeks, 25 906 Kazakhs, 23 704 Azéris, 23 583 Géorgiens, 26 764 Arméniens, 25 425 Juifs, etc. avec toutefois une proportion plus forte de personnes issues des nouvelles républiques (43 016 Lituaniens, 28 520 Lettons, 24 618 Estoniens).
Au premier janvier 1953, il y avait 2 472 247 prisonniers dans les camps et colonies (et 152 614 dans les prisons).
Dès la mort de Staline, les départements productifs de la GOULag furent remis aux ministères concernés par leurs activités et la GOULag elle-même passa du ministère de l’intérieur au ministère de la justice.
En apparence, cela semblait une démarche logique, en réalité cela allait dans le sens du démantèlement effectif des camps de travail pour les éléments anti-sociaux. Il y eut une vaste amnistie, d’un million de détenus, provoquant d’importants troubles sociaux dans le pays en raison d’une vague de crimes, et l’URSS devenue révisionniste bascula dans une forme de terrorisme d’État totalement étranger au principe de la répression socialistes des éléments anti-sociaux.
Que ceux-ci terminent dans des camps de travail impliquait la lutte des classes et l’URSS révisionniste allait à rebours d’une telle démarche.