Finalement, tout alla plus vite encore que prévu. Le Parti Communiste de Chine tablait sur une victoire en 1951, cela fut 1949. De début juillet à fin octobre 1948, le Kuomintang perd un million d’hommes et l’équilibre numérique des forces s’établit ainsi.
En octobre 1948, 24,5 % de la Chine est d’ailleurs sous le contrôle de l’Armée Populaire de Libération, avec 35,3 % de la population (soit 2,3 millions de kilomètres carrés et 168 millions de personnes). 29 % des 2 009 villes du pays en font partie.
Pour cette raison, Mao Zedong multiplie les remarques et analyses sur les principes d’organisation, sur la nécessaire administration à organiser ; les tentatives du Kuomintang de gagner du temps, y compris avec l’intervention de navires britanniques organisant une provocation armée, furent également déjouées.
Rien n’y fera et le premier octobre 1949, c’est à Pékin que Mao Zedong proclame la République populaire de Chine. Le Kuomintang s’est quant à lui replié sur l’île de Taiwan.
La Chine populaire s’inscrivant dans le Mouvement Communiste International, les rapports avec l’URSS devaient acquérir une importance capitale.
Après la victoire de 1945 sur l’Allemagne nazie et le Japon militariste, Staline avait conseillé au Parti Communiste de Chine de négocier une paix avec le Kuomintang. Staline pensait en effet que le rapport de force ne serait pas suffisant, notamment avec l’élan de l’intervention américaine dans la région.
Staline pensait que les forces communistes chinoises ne pourraient pas franchir le Yangzi Jiang, le troisième plus long fleuve du monde, qui traverse la Chine d’ouest en est, sans avoir à être confrontées à une intervention militaire américaine.
Ce conseil de Staline ne fut pas suivi et Mao Zedong mena donc la révolution chinoise à la victoire. Staline reconnut par la suite son erreur lors du processus de rapprochement au plus haut niveau qui suivit la victoire chinoise.
La première chose qu’il dit à Mao Zedong lors de leur rencontre en décembre 1949 à Moscou fut ainsi :
« On ne juge pas les vainqueurs. Les vainqueurs ne peuvent pas être jugés, c’est une loi fondamentale. »
C’est cela qui explique également l’approche que l’on retrouve, dans ce télégramme de Staline, du début de l’année 1949, envoyé au Parti Communiste de Chine :
« Nous vous prions de considérer nos conseils précisément comme des conseils, qui ne vous engagent en rien et que vous êtes en mesure d’accepter ou de refuser.
Vous pouvez être convaincus du fait que le refus de nos conseils n’influencera pas nos relations et que nous resterons pour vous les mêmes amis que nous avons toujours été. »
Anastase Mikoyan fut envoyé à la fin du mois de janvier 1949 à Xibaipo, dans le Hebei, où était basé la direction du Parti Communiste de Chine. Les discussions s’engagèrent sur les aides soviétiques à la Chine nouvelle.
Un envoyé spécial, Ivan Kovalev, resta à cette occasion en Chine, rencontrant de manière régulière Mao Zedong.
Au même moment, tactiquement, l’ambassadeur soviétique en Chine expliquait à son homologue américain que si les communistes prenaient le pouvoir dans le pays, ce serait comme « chevaucher un tigre », qu’il ne devait pas s’inquiéter, que l’histoire a montré que le pays avait de telles forces centrifuges qu’il n’était pas gouvernable de manière centralisée, etc.
À partir d’avril, une délégation fut organisée pour aller en URSS, mais Staline demanda explicitement que Mao ne vienne pas, le chemin étant encore trop risqué alors qu’il était d’une importance centrale pour la révolution chinoise.
C’est pour cette raison Liu Shaoqi, qui dirige la délégation, qui arrive à Moscou le 26 juin 1949, dont un événement marquant fut l’appel de Staline à trinquer à ce que bientôt le petit frère rattrape le grand et le dépasse.
Mao Zedong vint ensuite en URSS, du 16 décembre 1949 au 17 janvier 1950, Mao demandant en particulier à être présent pour féliciter Staline pour son 70e anniversaire. Mao avait à ce moment-là lui-même 56 ans.
Lors du convoi amenant Mao en train à Moscou, des gardes surveillaient les rails sur tout le parcours ; dans toutes les stations en URSS se tenait un représentant du PCUS(b) saluant le convoi, alors que le vice-premier ministre des affaires étrangères attendait lors du passage de à la frontière.
La délégation menée par Mao Zedong fut très étonné de la rigueur du protocole diplomatique soviétique, car elle fut reçu non pas en tant que délégation partidaire, mais en tant que délégation gouvernementale. À ce titre, Mao Zedong fut présenté comme « Monsieur Mao Zedong » et non comme un camarade, comme le protocole diplomatique l’exigeait, ce qui étonna la délégation chinoise.
Mao Zedong rencontra Staline dès son jour d’arrivée, à 18 heures au Kremlin. Les discussions portèrent notamment sur le contenu du Traité d’amitié, d’alliance et d’aide mutuelle, qui devait instaurer le cadre général des rapports sino-soviétiques.
Mao Zedong demanda également la venue d’un haut cadre du PCUS(b) pour l’aider à la publication de ses propres œuvres ; ce fut Pavel Yudin qui vint en Chine, entre juillet 1950 et octobre 1951, afin de participer à la mise en place des tomes 1 et 2 des œuvres choisies de Mao Zedong, qui furent publiées en Chine et en URSS au tout début des années 1950.
Lors de la célébration de l’anniversaire de Staline, au Bolchoï le 21 décembre, Mao Zedong fut placé à la droite de Staline, lui-même ayant Kaganovitch à sa droite.
Mao Zedong fut également le premier étranger à avoir la parole après le communiqué officiel soviétique ; son discours fut interrompu cinq fois par des applaudissements avec le public se levant à la fin, ce qui se passa seulement pour lui.
Par la suite eut lieu un spectacle, Mao Zedong étant assis à côté de Staline, les deux étant salués par leurs nom par le public à la fin de celui-ci.
Le lendemain, lors d’une fête avec un programme culturel, Mao Zedong fut également placé à côté de Staline.
Le 4 janvier 1950, la Pravda publia un discours de Liu Shaoqi tenu à la conférence des syndicats des pays d’Asie et d’Océanie, où la voie militaire employée en Chine est présentée comme le modèle à suivre pour les pays coloniaux et semi-coloniaux.
Le lendemain fut publié un article sur les fonctions de la dictature du prolétariat dans les pays de régime populaire, où il était expliqué que « la lutte du peuple chinois est un exemple pour tous les peuples colonisés et dépendants en lutte pour leur indépendance », avec également des citations de Mao Zedong.
La Pravda commença également une série de 18 articles sur la Chine écrits par le romancier soviétique Constantin Simonov, le dernier étant un éloge de Mao Zedong.
La révolution chinoise avait rejoint la révolution russe.