L’esprit international, publié dans le Populaire le 17 août 1933, conclut véritablement la séquence de critique des néo-socialistes lancé à la mi-juillet par Léon Blum en affirmant sous la plume de celui-ci que :
« Le parti français continuera de vivre et d’agir comme section française de l’Internationale Ouvrière, ce qui ne l’empêchera pas, bien entendu, de lutter, ainsi qu’il l’a toujours fait, sur le plan national contre son capitalisme national et contre les forces politiques qui en sont l’expression. »
Commence alors l’engagement concret sur le terrain politique, la bataille au sein du Parti.
L’action dans le cadre national, dans le Populaire du 18 août, prend ainsi en exemple la question du blé et du vin pour montrer que les socialistes posent les questions dans un certain cadre mais ne peuvent les résoudre qu’au niveau international, en ayant mis le capitalisme de côté.
Quinze ans d’action, le 20 août, salue le loyalisme de la SFIO envers l’Internationale Socialiste Ouvrière, qui justement commence le lendemain sa Conférence à Paris, avec 142 délégués de 36 paris (et de 30 pays).
Vient alors l’affrontement direct. À Angoulême, le 27 août, a lieu une grande conférence organisée par la Fédération SFIO de la Charente, avec les principales figures néo-socialistes sauf Marcel Déat, empêché.
Adrien Marquet y souligne ainsi la volonté des néo-socialistes de soutenir l’État à tout prix, pour le redresser :
« Si notre parti nous place dans l’alternative de choisir entre l’unité et la banqueroute, le choix sera douloureux, mais l’intérêt du prolétariat l’exige. Je vous déclare que nous n’hésiterons pas.
L’Etat républicain ne fera pas faillite. S’il y a des défaillances dans les autres groupes de la majorité, s’il y a des divergences entre les personnes qui risquent de faire échouer nos idées, alors ce sera tout le régime qui sera compromis (…).
La révolution, certes, est impossible actuellement. Si nous ne nous préoccupons pas, après avoir inspiré confiance, après avoir déclenché le choc psychologique indispensable aux grandes réalisations, d’entamer une grande réforme de l’État, vous aurez la volonté d’apporter dans l’administration les modifications qui s’imposent. »
Pierre Renaudel dit quant à lui :
« Nous en avons assez des théories imprimées en de vastes et obscurs travaux.
Nous sommes arrivés à l’heure des réalisations, nous voulons que la nation française puisse enfin s’engager dans une politique vigoureuse de la paix.
Si, à la rentrée, le gouvernement Daladier nous apporte dans le budget et hors du budget des propositions semblables à celles que Marquet exposait tout à l’heure et si le gouvernement continue dans l’ordre de la politique extérieure une action forte, nous le soutiendrons.
S’il défaille, nous le combattrons. »
C’est là l’affirmation d’une ligne de rupture. Paul Faure, l’autre principal dirigeant de la SFIO avec Léon Blum, prend alors le relais de celui-ci pour l’article en première page. Il aborde directement cette conférence dans le Populaire du 29 août 1933, avec Il faudra parler clair :
« Les « néo-socialistes », comme les qualifie la presse politique et d’information, ont tenu un meeting à Angoulême annoncé à grand orchestre et relaté à plus grand orchestre encore.
Quatre à cinq mille personnes ont écouté et applaudi les orateurs, et l’événement est présenté comme devant avoir des « répercussions sur la politique du pays et sur le mouvement socialiste international », s’il faut en croire le communiqué Havas, publié par toute la presse, y compris le Populaire.
Jamais, ni Guesde, ni Jaurès, ni aucun autre, n’ont bénéficié d’une telle publicité. Il semble vraiment que des puissances mystérieuses et bienveillantes soient fortement intéressées depuis quelque temps à faire connaître tous les faits et gestes de ceux qu’on appelle les « néo-socialistes ».
L’heure est venue pour nous – j’ai déjà alerté les camarades – de nous méfier des manœuvres tentées de l’extérieur contre notre unité en vue de dissocier la grande force politique que le socialisme français représente.
De nous méfier et de faire face résolument au péril s’il se précise.
Depuis plusieurs années, du nord au midi, notre Parti a eu l’occasion de mobiliser parfois des quinze et vingt mille citoyens, venus de toute une région, en des manifestations magnifiques et enthousiastes.
Pas une ligne, pas un mot dans la grande presse. L’agence Havas demeurait silencieuse. Cette fois c est le grand tapage, préparé dès la veille et puissamment orchestré.
Et non seulement le néo-socialisme est présenté en termes aimables et flatteurs, mais la majorité du Parti est raillée, déconsidérée dans sa pensée, sa doctrine, son action.
L’Agence Havas présente la figure sympathique des « participationnistes [au gouvernement] démocrates » quelle oppose aux « anti-participationnistes bolchevisants ». Il ne nous manque évidemment que le couteau entre les dents !
La même Agence révèle qu’à Angoulême a été dressé le procès de la doctrine traditionnelle du socialisme à qui on reproche son « immuabilité de principe en regard des faits », et nous apprend enfin qu’on a jeté les « bases d’un socialisme régénéré ».
Ce que j’ai voulu noter dans ce premier article, c’est l’attitude particulière depuis quelques semaines de certaines agences d’information, dont l’une au moins est soumise à l’influence directe du gouvernement à moins que ce ne soit le gouvernement qui soit soumis à son influence.
Cela dit, je veux examiner les thèses et conceptions développées à Angoulême, en laissant de côté, naturellement, toutes considérations de polémique personnelle, mais en mettant les points sur les i.
Nous vivons à une époque, où il faut parler clair. »
Cet épisode d’Angoulême fut considéré comme une césure très nette, il s’agissait désormais pour Léon Blum et Paul Faure, les deux dirigeants de la SFIO, de faire place nette pour maintenir leur organisation en vie.
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