Le quatrième congrès de l’Internationale Communiste s’est tenu à la fin de l’année 1922. C’est un congrès de transition : on n’est déjà plus dans l’esprit des précédents congrès, on n’est pas encore dans celui de ceux qui vont suivre.
Au moment où il s’ouvre, la marche sur Rome vient d’avoir lieu et on commence à comprendre que le fascisme n’est pas qu’un aspect de la réaction, qu’il est un saut qualitatif de celle-ci. Cela va modifier l’ensemble de la démarche de l’Internationale Communiste, pour aboutir à la thèse du Front populaire, quelques années plus tard.
De plus, en 1922, il est clair que la vague révolutionnaire issu d’octobre 1917 a connu, non pas un temps d’arrêt au sens strict, mais un détour et qu’on est là en pleine offensive du capital. Il s’agit donc de renforcer la base prolétarienne, d’où la stratégie du front unique et d’appel à un gouvernement ouvrier.
Le précédent congrès posait les bases de cette approche, le tout reposant sur l’évaluation de la crise générale du capitalisme, dont Eugen Varga est encore, pour l’instant, le principal analyste. Le capitalisme est en déclin, il cherche cependant une voie pour bloquer celui-ci de manière relative, en pressurisant les salaires, en augmentant le temps de travail, etc.
La dimension de transition ne repose toutefois pas qu’en l’irruption du fascisme dans la conquête du pouvoir et l’offensive du capital. L’Internationale Communiste s’aperçoit également que ses tâches sont bien plus denses que prévues.
Il y a déjà des questions, comme celle des situations dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, qui demandent un gigantesque investissement intellectuel, d’analyses historiques approfondies. Cela exige de mettre des structures en place.
Il y a ensuite que la construction des Partis Communistes se déroule de manière bien moins correcte que prévue. Les Français sont divisés en tendances, les Danois ont deux structures séparées, les Norvégiens sont divisés et la direction a un mauvais rapport avec l’Internationale Communiste, la direction des Italiens a une démarche ultra-sectaire, etc.
On ne saurait comprendre l’ampleur de cette crise qu’affronte l’Internationale Communiste si l’on ne voit pas qu’il y a déjà eu une tentative de la résorber. Le Comité Exécutif élargi s’est en effet réuni à Moscou du 24 février au 4 mars 1922, avec 36 délégations.
On peut considérer que c’est le noyau dure de l’Internationale Communiste qui s’est alors réuni, avec comme pays représentés :
– l’Allemagne, la France, la Tchécoslovaquie, l’Italie, l’Angleterre, les Etats-Unis, le Japon ;
– la Russie, l’Ukraine, la Géorgie, l’Arménie,
– la Pologne, la Bulgarie, la Yougoslavie, la Roumanie,
– la Norvège, le Danemark, la Suède, la Finlande, l’Islande, la Lettonie, la Lituanie, l’Estonie, la Hollande, l’Espagne, la Suisse, l’Autriche, la Hongrie,
– le Canada, l’Australie, l’Argentine ;
– la Perse, la Chine, l’Afrique du Sud, Java.
Cette session du Comité Exécutif élargi a concrètement abordé les mêmes points que lors du congrès à venir – ce qui signifie que n’ont pas été résolus les problèmes entre-temps, lors d’une période de plus de six mois.
De plus, il y a ouvertement une opposition à l’application du principe de Front unique, avec une motion « minoritaire » signée des Partis espagnol, français et italien. Pour eux, hors de question de chercher à travailler avec les socialistes en général.
Le quatrième congrès de l’Internationale Communiste va révéler qu’on est à un tournant historique et que la réalisation du prolongement de la vague révolutionnaire d’octobre 1917 va être bien plus compliqué que ce que les communistes s’imaginaient.
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de l’Internationale Communiste