Jean Racine est un des trois grands portraitistes de notre pays, aux côtés de Molière et Honoré de Balzac. Comme la psychologie est l’aspect principal de son étude, ce qui est caractéristique de la démarche française du portrait, jetons un œil sur un exemple précis pour en voir les aspects matérialistes, voire matérialiste dialectique.
Regardons pour cela l’oeuvre appelée Bérénice, et plus précisément l’acte IV scène IV. Titus vient de perdre son père et doit devenir roi de Rome. Le problème est qu’il est en couple avec la reine de Palestine, Bérénice.
Or, pour devenir roi de Rome, il doit nécessairement être mariée à une romaine, et cela signifie abandonner Bérénice, qu’il aime pourtant. Jean Racine met alors en scène Titus faisant un monologue, où il se parle à lui-même.
On a ici une dimension que la psychologie moderne a tenté de résumer sous le terme de « schizophrénie ». Ce qui se passe en réalité, c’est que la situation a deux aspects et que Titus, confronté à ce dilemme où une chose est et n’est pas en même temps, est coincé psychologiquement.
Voyons comment Jean Racine a développé de manière extrêmement précise le reflet de cette dimension dialectique. Tout d’abord, regardons le monologue à la lumière de l’expression de Titus.
En effet, au départ il se parle à la seconde personne du singulier. Ensuite, il répond à la première personne du singulier. Il se voit ensuite brièvement roi de Rome tout en restant avec Bérénice, parlant à la première personne du pluriel (le nous le désignant en tant qu’empereur à côté du nous du couple)… Le processus recommence ensuite, jusqu’à finalement que, ayant décidé de devenir roi de Rome sans Bérénice, il parle à la première personne du pluriel (le nous pour lui seulement, en tant qu’empereur).
La confrontation dialectique a abouti à un saut qualitatif.
Titus, seul.
Eh bien, Titus, que viens-tu faire ?
Bérénice t’attend. Où viens-tu, téméraire ?
Tes adieux sont-ils prêts ? T’es-tu bien consulté ?
Ton cœur te promet-il assez de cruauté ?
Car enfin au combat qui pour toi se prépare
C’est peu d’être constant, il faut être barbare.
Soutiendrai-je ces yeux dont la douce langueur
Sait si bien découvrir les chemins de mon cœur ?
Quand je verrai ces yeux armés de tous leurs charmes,
Attachés sur les miens, m‘accabler de leurs larmes,
Me souviendrai-je alors de mon triste devoir ?
Pourrai-je dire enfin : « Je ne veux plus vous voir ? »
Je viens percer un cœur que j‘adore, qui m‘aime ;
Et pourquoi le percer ? Qui l’ordonne ? Moi-même.
Car enfin Rome a-t-elle expliqué ses souhaits ?
L’entendons-nous crier autour de ce palais ?
Vois-je l’Etat penchant au bord du précipice ?
Ne le puis-je sauver que par ce sacrifice ?
Tout se tait, et moi seul, trop prompt à me troubler,
J‘avance des malheurs que je puis reculer.
Et qui sait si sensible aux vertus de la reine
Rome ne voudra point l’avouer pour Romaine ?
Rome peut par son choix justifier le mien.
Non, non, encore un coup, ne précipitons rien.
Que Rome avec ses lois mette dans la balance
Tant de pleurs, tant d’amour, tant de persévérance :
Rome sera pour nous… Titus, ouvre les yeux !
Quel air respires-tu ? N’es-tu pas dans ces lieux
Où la haine des rois, avec le lait sucée,
Par crainte ou par amour ne peut être effacée ?
Rome jugea ta reine en condamnant ses rois.
N’as-tu pas en naissant entendu cette voix ?
Et n’as-tu pas encore oui la renommée
T‘annoncer ton devoir jusque dans ton armée ?
Et lorsque Bérénice arriva sur tes pas,
Ce que Rome en jugeait ne l’entendis-tu pas ?
Faut-il donc tant de fois te le faire redire ?
Ah lâche ! fais l’amour, et renonce à l’empire ;
Au bout de l’univers va, cours te confiner,
Et fais place à des cœurs plus dignes de régner.
Sont-ce là ces projets de grandeur et de gloire
Qui devaient dans les cœurs consacrer ma mémoire ?
Depuis huit jours je règne, et jusques à ce jour
Qu’ai-je fait pour l’honneur ? J‘ai tout fait pour l’amour.
D’un temps si précieux quel compte puis-je rendre ?
Où sont ces heureux jours que je faisais attendre ?
Quels pleurs ai-je séchés ? Dans quels yeux satisfaits
Ai-je déjà goûté le fruit de mes bienfaits ?
L’univers a-t-il vu changer ses destinées ?
Sais-je combien le ciel m’a compté de journées ?
Et de ce peu de jours si longtemps attendus,
Ah malheureux ! combien j’en ai déjà perdus !
Ne tardons plus : faisons ce que l’honneur exige ;
Rompons le seul lien…
Pour souligner la dimension antagonique de l’opposition dialectique dans la situation de Titus, Jean Racine utilise bien entendu traditionnellement deux formes classiques dans les figure de style : l’oxymore et l’antithèse. L’oxymore fait se coller deux mots au sens opposés (telles les expressions « Soleil noir », « obscure clarté », etc.). L’antithèse met dans une même phrase deux mots au sens opposé. L’intérêt est bien entendu de souligner l’intensité dialectique de la situation.
Pourtant dans ce passage, seule l’antithèse est en tant que telle à l’honneur. Il s’agit de souligner l’existence de deux pôles opposés, pas de présenter quelque chose étant une contradiction en soi. L’existence de deux pôles est alors renforcée par la présence multiple de points d’interrogation, pour souligner le questionnement psychologique, la réponse attendue à une question ayant deux aspects.
Titus, seul.
Eh bien, Titus, que viens-tu faire ?
Bérénice t’attend. Où viens-tu, téméraire ?
Tes adieux sont-ils prêts ? T’es-tu bien consulté ?
Ton cœur te promet-il assez de cruauté ?
Car enfin au combat qui pour toi se prépare
C’est peu d’être constant, il faut être barbare.
Soutiendrai-je ces yeux dont la douce langueur
Sait si bien découvrir les chemins de mon cœur ?
Quand je verrai ces yeux armés de tous leurs charmes,
Attachés sur les miens, m’accabler de leurs larmes,
Me souviendrai-je alors de mon triste devoir ?
Pourrai-je dire enfin : « Je ne veux plus vous voir ? »
Je viens percer un cœur que j’adore, qui m’aime ;
Et pourquoi le percer ? Qui l’ordonne ? Moi-même.
Car enfin Rome a-t-elle expliqué ses souhaits ?
L‘entendons-nous crier autour de ce palais ?
Vois-je l’Etat penchant au bord du précipice ?
Ne le puis-je sauver que par ce sacrifice ?
Tout se tait, et moi seul, trop prompt à me troubler,
J’avance des malheurs que je puis reculer.
Et qui sait si sensible aux vertus de la reine
Rome ne voudra point l’avouer pour Romaine ?
Rome peut par son choix justifier le mien.
Non, non, encore un coup, ne précipitons rien.
Que Rome avec ses lois mette dans la balance
Tant de pleurs, tant d‘amour, tant de persévérance :
Rome sera pour nous… Titus, ouvre les yeux !
Quel air respires-tu ? N’es-tu pas dans ces lieux
Où la haine des rois, avec le lait sucée,
Par crainte ou par amour ne peut être effacée ?
Rome jugea ta reine en condamnant ses rois.
N’as-tu pas en naissant entendu cette voix ?
Et n’as-tu pas encore oui la renommée
T’annoncer ton devoir jusque dans ton armée ?
Et lorsque Bérénice arriva sur tes pas,
Ce que Rome en jugeait ne l’entendis-tu pas ?
Faut-il donc tant de fois te le faire redire ?
Ah lâche ! fais l’amour, et renonce à l’empire ;
Au bout de l’univers va, cours te confiner,
Et fais place à des cœurs plus dignes de régner.
Sont-ce là ces projets de grandeur et de gloire
Qui devaient dans les cœurs consacrer ma mémoire ?
Depuis huit jours je règne, et jusques à ce jour
Qu’ai-je fait pour l’honneur ? J’ai tout fait pour l’amour.
D’un temps si précieux quel compte puis-je rendre ?
Où sont ces heureux jours que je faisais attendre ?
Quels pleurs ai-je séchés ? Dans quels yeux satisfaits
Ai-je déjà goûté le fruit de mes bienfaits ?
L’univers a-t-il vu changer ses destinées ?
Sais-je combien le ciel m’a compté de journées ?
Et de ce peu de jours si longtemps attendus,
Ah malheureux ! combien j’en ai déjà perdus !
Ne tardons plus : faisons ce que l’honneur exige ;
Rompons le seul lien…
Comme le portrait concerne la psychologie (sociale) du personnage, il est dans l’ordre des choses que le temps soit à l’honneur. Il s’agit de montrer que, en raison de la contradiction dans laquelle se situe Titus, il doit se projeter en esprit dans le futur, tout en pensant au passé, avec le passé et le futur risquant de se contredire. Ce processus, comme on le sait avec le matérialisme dialectique, tient au saut qualitatif. Et justement, de manière admirable, Jean Racine souligne la dimension quantitative.
Il montre comment la quantité – celle du temps – aboutit à une accumulation produisant un saut qualitatif. Ce saut, c’est bien entendu ici l’empire : au temps heureux s’oppose celui du devoir. Par conséquent, parallèlement au temps, on a tout ce qui relève du règne à Rome.
Titus, seul.
Eh bien, Titus, que viens-tu faire ?
Bérénice t’attend. Où viens-tu, téméraire ?
Tes adieux sont-ils prêts ? T’es-tu bien consulté ?
Ton cœur te promet-il assez de cruauté ?
Car enfin au combat qui pour toi se prépare
C’est peu d’être constant, il faut être barbare.
Soutiendrai-je ces yeux dont la douce langueur
Sait si bien découvrir les chemins de mon cœur ?
Quand je verrai ces yeux armés de tous leurs charmes,
Attachés sur les miens, m’accabler de leurs larmes,
Me souviendrai-je alors de mon triste devoir ?
Pourrai-je dire enfin : « Je ne veux plus vous voir ? »
Je viens percer un cœur que j’adore, qui m’aime ;
Et pourquoi le percer ? Qui l’ordonne ? Moi-même.
Car enfin Rome a-t-elle expliqué ses souhaits ?
L’entendons-nous crier autour de ce palais ?
Vois-je l’Etat penchant au bord du précipice ?
Ne le puis-je sauver que par ce sacrifice ?
Tout se tait, et moi seul, trop prompt à me troubler,
J’avance des malheurs que je puis reculer.
Et qui sait si sensible aux vertus de la reine
Rome ne voudra point l’avouer pour Romaine ?
Rome peut par son choix justifier le mien.
Non, non, encore un coup, ne précipitons rien.
Que Rome avec ses lois mette dans la balance
Tant de pleurs, tant d’amour, tant de persévérance :
Rome sera pour nous… Titus, ouvre les yeux !
Quel air respires-tu ? N’es-tu pas dans ces lieux
Où la haine des rois, avec le lait sucée,
Par crainte ou par amour ne peut être effacée ?
Rome jugea ta reine en condamnant ses rois.
N’as-tu pas en naissant entendu cette voix ?
Et n’as-tu pas encore oui la renommée
T’annoncer ton devoir jusque dans ton armée ?
Et lorsque Bérénice arriva sur tes pas,
Ce que Rome en jugeait ne l’entendis-tu pas ?
Faut-il donc tant de fois te le faire redire ?
Ah lâche ! fais l’amour, et renonce à l’empire ;
Au bout de l’univers va, cours te confiner,
Et fais place à des cœurs plus dignes de régner.
Sont-ce là ces projets de grandeur et de gloire
Qui devaient dans les cœurs consacrer ma mémoire ?
Depuis huit jours je règne, et jusques à ce jour
Qu‘ai-je fait pour l’honneur ? J’ai tout fait pour l’amour.
D’un temps si précieux quel compte puis-je rendre ?
Où sont ces heureux jours que je faisais attendre ?
Quels pleurs ai-je séchés ? Dans quels yeux satisfaits
Ai-je déjà goûté le fruit de mes bienfaits ?
L’univers a-t-il vu changer ses destinées ?
Sais-je combien le ciel m’a compté de journées ?
Et de ce peu de jours si longtemps attendus,
Ah malheureux ! combien j’en ai déjà perdus !
Ne tardons plus : faisons ce que l’honneur exige ;
Rompons le seul lien…
Enfin, on sait que le principe d’une tragédie est la catharsis, la purgation des passions, au moyen de deux émotions : la terreur et la compassion. Ici cela serait une approche formelle que de s’intéresser à cela : ce qui compte pour nous, c’est la dimension portraitiste. Par conséquent, ce qui est frappant ici est la mise en avant des sens. Forcément, Titus se retrouvant dans une situation difficile, face à une contradiction, il vit celle-ci non pas simplement dans son esprit avec la « schizophrénie », mais aussi dans son corps.
Par conséquent, il y a ici un conflit entre deux sens, une contradiction entre ce qu’il voit – Bérénice, qu’il aime – et ce qu’il entend – Rome, lui exigeant de quitter Bérénice.
Titus, seul.
Eh bien, Titus, que viens-tu faire ?
Bérénice t’attend. Où viens-tu, téméraire ?
Tes adieux sont-ils prêts ? T’es-tu bien consulté ?
Ton cœur te promet-il assez de cruauté ?
Car enfin au combat qui pour toi se prépare
C’est peu d’être constant, il faut être barbare.
Soutiendrai-je ces yeux dont la douce langueur
Sait si bien découvrir les chemins de mon cœur ?
Quand je verrai ces yeux armés de tous leurs charmes,
Attachés sur les miens, m’accabler de leurs larmes,
Me souviendrai-je alors de mon triste devoir ?
Pourrai-je dire enfin : « Je ne veux plus vous voir ? »
Je viens percer un cœur que j’adore, qui m’aime ;
Et pourquoi le percer ? Qui l’ordonne ? Moi-même.
Car enfin Rome a-t-elle expliqué ses souhaits ?
L’entendons-nous crier autour de ce palais ?
Vois-je l’Etat penchant au bord du précipice ?
Ne le puis-je sauver que par ce sacrifice ?
Tout se tait, et moi seul, trop prompt à me troubler,
J’avance des malheurs que je puis reculer.
Et qui sait si sensible aux vertus de la reine
Rome ne voudra point l’avouer pour Romaine ?
Rome peut par son choix justifier le mien.
Non, non, encore un coup, ne précipitons rien.
Que Rome avec ses lois mette dans la balance
Tant de pleurs, tant d’amour, tant de persévérance :
Rome sera pour nous… Titus, ouvre les yeux !
Quel air respires-tu ? N’es-tu pas dans ces lieux
Où la haine des rois, avec le lait sucée,
Par crainte ou par amour ne peut être effacée ?
Rome jugea ta reine en condamnant ses rois.
N’as-tu pas en naissant entendu cette voix ?
Et n’as-tu pas encore oui la renommée
T’annoncer ton devoir jusque dans ton armée ?
Et lorsque Bérénice arriva sur tes pas,
Ce que Rome en jugeait ne l’entendis-tu pas ?
Faut-il donc tant de fois te le faire redire ?
Ah lâche ! fais l’amour, et renonce à l’empire ;
Au bout de l’univers va, cours te confiner,
Et fais place à des cœurs plus dignes de régner.
Sont-ce là ces projets de grandeur et de gloire
Qui devaient dans les cœurs consacrer ma mémoire ?
Depuis huit jours je règne, et jusques à ce jour
Qu’ai-je fait pour l’honneur ? J’ai tout fait pour l’amour.
D’un temps si précieux quel compte puis-je rendre ?
Où sont ces heureux jours que je faisais attendre ?
Quels pleurs ai-je séchés ? Dans quels yeux satisfaits
Ai-je déjà goûté le fruit de mes bienfaits ?
L’univers a-t-il vu changer ses destinées ?
Sais-je combien le ciel m’a compté de journées ?
Et de ce peu de jours si longtemps attendus,
Ah malheureux ! combien j’en ai déjà perdus !
Ne tardons plus : faisons ce que l’honneur exige ;
Rompons le seul lien…
A quoi s’oppose le temps ? A l’espace : en plus du temps, nous avons la question du mouvement de Titus, qui doit aller voir Bérénice pour lui annonce la rupture, mais ne le fait pas.
Et, comme il ne le fait pas, on a une présence massive de négations : toute détermination est négation comme l’a souligné Baruch Spinoza. On a là quelque chose d’éminemment dialectique.
Titus, seul.
Eh bien, Titus, que viens-tu faire ?
Bérénice t’attend. Où viens-tu, téméraire ?
Tes adieux sont-ils prêts ? T’es-tu bien consulté ?
Ton cœur te promet-il assez de cruauté ?
Car enfin au combat qui pour toi se prépare
C’est peu d’être constant, il faut être barbare.
Soutiendrai-je ces yeux dont la douce langueur
Sait si bien découvrir les chemins de mon cœur ?
Quand je verrai ces yeux armés de tous leurs charmes,
Attachés sur les miens, m’accabler de leurs larmes,
Me souviendrai-je alors de mon triste devoir ?
Pourrai-je dire enfin : « Je ne veux plus vous voir ? »
Je viens percer un cœur que j’adore, qui m’aime ;
Et pourquoi le percer ? Qui l’ordonne ? Moi-même.
Car enfin Rome a-t-elle expliqué ses souhaits ?
L’entendons-nous crier autour de ce palais ?
Vois-je l’Etat penchant au bord du précipice ?
Ne le puis-je sauver que par ce sacrifice ?
Tout se tait, et moi seul, trop prompt à me troubler,
J’avance des malheurs que je puis reculer.
Et qui sait si sensible aux vertus de la reine
Rome ne voudra point l’avouer pour Romaine ?
Rome peut par son choix justifier le mien.
Non, non, encore un coup, ne précipitons rien.
Que Rome avec ses lois mette dans la balance
Tant de pleurs, tant d’amour, tant de persévérance :
Rome sera pour nous… Titus, ouvre les yeux !
Quel air respires-tu ? N‘es-tu pas dans ces lieux
Où la haine des rois, avec le lait sucée,
Par crainte ou par amour ne peut être effacée ?
Rome jugea ta reine en condamnant ses rois.
N‘as-tu pas en naissant entendu cette voix ?
Et n‘as-tu pas encore oui la renommée
T’annoncer ton devoir jusque dans ton armée ?
Et lorsque Bérénice arriva sur tes pas,
Ce que Rome en jugeait ne l’entendis-tu pas ?
Faut-il donc tant de fois te le faire redire ?
Ah lâche ! fais l’amour, et renonce à l’empire ;
Au bout de l’univers va, cours te confiner,
Et fais place à des cœurs plus dignes de régner.
Sont-ce là ces projets de grandeur et de gloire
Qui devaient dans les cœurs consacrer ma mémoire ?
Depuis huit jours je règne, et jusques à ce jour
Qu’ai-je fait pour l’honneur ? J’ai tout fait pour l’amour.
D’un temps si précieux quel compte puis-je rendre ?
Où sont ces heureux jours que je faisais attendre ?
Quels pleurs ai-je séchés ? Dans quels yeux satisfaits
Ai-je déjà goûté le fruit de mes bienfaits ?
L’univers a-t-il vu changer ses destinées ?
Sais-je combien le ciel m’a compté de journées ?
Et de ce peu de jours si longtemps attendus,
Ah malheureux ! combien j’en ai déjà perdus !
Ne tardons plus : faisons ce que l’honneur exige ;
Rompons le seul lien…
A la fin, la négation concerne le temps : il ne faut plus perdre de temps, donc il faut se décider, ce que fait Titus dans un processus psychologique où l’accumulation quantitative a produit un saut qualitatif.
Comme on peut le voir, on ne peut pas du tout comprendre la valeur du monologue de Titus sans utiliser le matérialisme dialectique. Le monologue a toujours frappé de par sa force culturelle, mais le matérialisme dialectique en montre la substance.
Tout le monologue est construit comme une présentation de la confrontation dialectique dans l’esprit de Titus. Il y a ici à la fois quelque chose d’éminemment dialectique, un travail formidable, une grande œuvre d’art, et quelque chose de très utile dans la compréhension de la psychologie par le matérialisme dialectique, à quoi il faut ici rappeler qu’Akram Yari a été un grand contributeur.