[Publié dans Révolution Prolétarienne du 2 janvier 1975.]
Au lendemain de l’élection de Giscard d’Estaing le 19 mai 74, les dirigeants du parti révisionniste affichaient leur satisfaction: jamais, selon eux, la « gauche unie » n’avait réuni un bloc de voix aussi important, frôlant de peu la majorité absolue.
Ce n’était certainement pas le sentiment des travailleurs qui avaient voté Mitterrand sans enthousiasme, sans grandes illusions, simplement parce qu’ils ne voulaient plus voir les mêmes politiciens au gouvernement, et notamment Giscard, parce que, pensaient-ils, de toute manière, ça ne pourrait être pire qu’auparavant avec Mitterrand.
Pour eux, l’élection de Giscard signifiait qu’en principe, dans le cadre électoral, pendant 7 ans ils ne pouvaient s’attendre à aucun changement significatif si ce n’est à l’aggravation de leurs conditions de vie.
Déception d’autant plus grande que le parti révisionniste avait laissé entendre que les meilleures conditions étaient réunies pour une victoire électorale de la « gauche ».
Et dans une large mesure, c’était vrai: « l’union de la gauche » présentée par le P »C »F depuis des années comme la panacée, réclamée, attendue, préparée, avait enfin abouti au « programme commun » deux ans à peine plus tôt. Elle conservait donc encore un certain pouvoir d’illusions malgré les législatives de 1973, une certaine « dynamique ».
D’autre part, il ne s’agissait plus d’élections législatives où les découpages et les modes de scrutin électoraux déforment le score réel des différents partis bourgeois, mais d’élections présidentielles où la « gauche » et la droite peuvent se compter voix par voix, à l’échelon du pays. Enfin, lors de ces élections provoquées par la mort de Pompidou, les candidats officiels de la bourgeoisie apparaissaient au premier tour divisés face à un candidat unique de la « gauche ».
Pour offrir, malgré cet échec particulièrement sensible, une perspective crédible, la direction du P »C »F, Marchais en tête, se lançait dans une sorte de fuite en avant vers un réformisme et un électoralisme encore plus ouverts et avoués qu’auparavant.
L’échec électoral est expliqué ainsi: il n’y a pas eu de majorité électorale pour la » gauche » dans la mesure où la « gauche » semblait encore trop vouloir « passer à la construction d’une société socialiste ».
La conclusion est; elle aussi, claire: il faut carrément abandonner, même à titre d’horizon lointain, l’idée de socialisme et gagner de nouveaux électeurs en leur précisant bien qu’il ne s’agît absolument pas de changer de société, que le programme commun ne touche en rien au système capitaliste et ne débouche pas obligatoirement du tout sur le socialisme.
C’est le sens du nouveau slogan « Union du peuple de France pour le changement démocratique ». Le 21° congrès extraordinaire, convoqué pour fin octobre 74, devait normalement ratifier cette orientation. C’est ce que Marchais a expliqué avec beaucoup de cynisme et de sans gêne à deux journalistes bourgeois.
Harris et Sédouy, quelques jours seulement après le Comité Central de juin: « Qu’est-ce que je leur ai dit, aux camarades, à ce Comité Central ? …. Je leur ai dit ceci: (…) nous sommes un grand Parti: 400.000 membres; 21.000 cellules, etc. Mais malgré cela, nous sommes incapables de réaliser tous seuls les transformations que nous souhaitons.
Se pose donc le problème de savoir avec qui s’allier… En l’occurrence, le Parti Socialiste et les radicaux de gauche… Résultats aux présidentielles: 49,2% des voix: 13 millions d’électeurs ont voté pour nous… On peut se féliciter… Mais on n’a toujours pas la majorité…
Et même, franchirions nous la barre avec 50,02% que ce serait pour nous encore insuffisant, cette majorité formelle… Il nous faut un courant qui rassemble beaucoup plus de monde, si nous voulons réussir l’expérience que nous proposons.
Déjà, à bien regarder les résultats, on s’aperçoit que nous mêmes, mais surtout le Parti Socialiste, n’avons pas fait le plein au premier tour. (…) Bref, au second tour, l’alliance de la gauche a fait le plein des voix sur lesquelles elle pouvait compter.
Alors ? Alors j’ai dit aussi cela au Comité Central et je le redis dans le Parti, partout où je vais: que cela nous plaise ou non, il n’y a pas aujourd’hui en France de majorité qui souhaite « passer à la construction d’une société socialiste »… Je dis aux militants: si nous nous battons sur ce mot d’ordre, vous allez fêter le 100° et même le 150° anniversaire du Parti dans l’opposition… Vous et vos enfants… et la bourgeoisie continuera de diriger le pays…
Il ne faut donc pas que le programme de transformations que nous proposons aux Français soit tellement avancé qu’il entraîne un phénomène de rejet chez des gens que nous pouvons gagner. (…)
D’ailleurs, on ne changera pas de société puisque, de sociétés, il n’y en a que deux : capitaliste ou socialiste. Mais on changera des choses qu’il est indispensable de changer avant d’aller plus loin. Ceux qui croient au « grand soir », à la révolution, se font des illusions, dans un pays développé comme le nôtre. (…)
– Le programme commun, vous y tenez toujours autant ?
Du point de vue de son contenu fondamental, oui. Mais évidemment, il faudra lui faire subir des adaptations conjoncturelles. C’est l’évidence… Surtout si la prochaine échéance électorale est dans deux ou quatre ans.
– Et si des élections ont lieu dans 6 mois ?
Nous ferons aussi des adaptations conjoncturelles du programme commun. (…) Si nous nous assignons comme objectif premier de COMMENCER la transformation socialiste, si c’est cela notre mot d’ordre, ce n’est pas 13 millions de voix que nous aurons, c’est 10… Il faut tout de même se décider à voir les gens comme ils sont, et pas comme on voudrait qu’ils soient… » (Harris et Sédouy P 428-429).
De fait, toute la préparation du congrès a été axée sur l’abandon du mot d’ordre de socialisme. Marchais déclarant au lendemain du CC: « II ne s’agit pas de socialisme, pas non plus du commencement de la construction du socialisme. Il s’agit de réformes démocratiques ». Et au CC: « la majorité de notre peuple n’est pas disposée à passer au socialisme ».
Voilà qui tranche avec les formules employées encore par Waldeck Rochet, au lendemain de mai 68 : « Le socialisme se trouve à l’ordre du jour, en France comme partout dans le monde… La classe ouvrière, la majorité du peuple doivent être conquises à l’idée et à la pratique d’une transformation socialiste de la société ». (Manifeste de Champigny).
A partir de là, à partir de cet abandon avoué de l’objectif du socialisme, la direction du P »C »F espérait élargir au maximum ses bases électorales, les étendre à tout un électorat réactionnaire : « Aujourd’hui, est-ce au socialisme que nous voulons gagner la masse de ceux qui n’ont pas encore rejoint le combat pour des objectifs simplement démocratiques ?
Non, c’est à ces objectifs démocratiques que nous voulons les gagner ». A partir du moment où disparaît même l’idée d’un passage au socialisme, le rassemblement essentiellement électoral autour d' »un changement réel » pouvait en effet englober à peu près toutes les classes sociales: « Fixons-nous une limite à ce rassemblement ?
Notre réponse est catégorique: Non, aucune limite, à l’exception de la poignée de féodaux des grandes affaires et de leurs commis politiques. »
Le P »C »F a alors particulièrement en vue ce qui reste de l’électorat gaulliste. Après la défaite de Chaban, Marchais ne s’en cache pas et fait, à la télévision même, des avances publiques à Sanguinetti, dès, qu’est acquise l’élection de Giscard.
Il souligne dans son rapport au CC: « Je le dis en pesant mes mots: nous tenons le rapprochement avec les travailleurs et patriotes gaullistes comme une des questions déterminantes de la réalisation de l’union du peuple français qui est notre objectif ».
Ainsi, des politiciens gaullistes comme Charbonnel, traité quelques mois auparavant de fasciste parce qu’il menaçait certains fonctionnaires de sanctions, se verraient félicités et encouragés dans leur opposition à Giscard d’Estaing. Ainsi aura lieu une rencontre officielle entre des responsables de la J »C » et ceux de l’UJP, sorte d’antichambre de l’UDR réservée aux plus jeunes et dont certains servaient de force d’appoint aux nervis des SAC.
L’autre perspective d’alliance sur laquelle le P « C »F insiste particulièrement, ce sont » les petits et moyens entrepreneurs »: « atteints par les mesures de concentration du capital, ils s’interrogent sur leur avenir. Ils peuvent mesurer combien -loin d’être opposés à l’amélioration des conditions de leurs salaires – leurs intérêts leur commandent d’agir avec l’ensemble des forces populaires, pour les changements démocratiques ».
A la rentrée de septembre 1974, lors de la fermeture de plusieurs petites entreprises, le P »C »F chercha, localement, mais sans succès, à affirmer, sur le terrain, cette possibilité vraiment nouvelle d’alliance entre patrons et ouvriers…
Ce qui se dessine alors, ce qui est encouragé c’est la généralisation d’une euphorie réformiste diluant toute référence à des positions de classe, débouchant ouvertement sur la collaboration de classes.
A titre d’exemple, cette déclaration, parmi d’autres, d’un membre du P »C »F, publiée dans la « Tribune de discussion » avant le 21° congrès: « Alors, est ce que ce but n’est pas apte à rallier les chrétiens, les UDR, les séminaristes, les cadres supérieurs, le voisin de palier. J’en passe et des meilleurs…
Je pense donc que nous pouvons, sans arrière pensée, être fiers de la pureté de nos buts, tendre la main à l’électeur de droite, à des hommes politiques de droite en sachant qu’ils acceptent de s’associer à cette tâche.
Car ils sont, comme nous, témoins de la crise matérielle, économique et morale qui envahit la France: pornographie, érotisme, drogue, injustice, chômage… ».
Désormais, l’application du programme commun par un gouvernement de gauche n’est plus présentée comme une étape transitoire, un moyen indispensable pour passer au socialisme. Au contraire, le CC souligne: « la démocratie que nous voulons n’est pas conçue comme un moyen pour aller plus loin. »
Et la « Tribune de discussion » renchérit:
« II ne me semble pas juste de dire qu’au bout de la législature, le peuple décidera démocratiquement de poursuivre ou non vers le socialisme. Nous affirmons que le choix sera plus étendu:
– poursuivre sur la base du programme commun
– choisir un autre gouvernement, de droite
– faire un nouveau pas vers plus de bien être, de démocratie, de liberté… oui, peut-être, pourquoi pas ? … poser en commun les bases du socialisme… »
La nouveauté de l’affaire, c’est de faire figurer le passage au socialisme comme une possibilité bien improbable, le plus certain étant la prolongation indéterminée du système capitaliste avec un gouvernement de « gauche »… ou de droite !
Voilà qui est fait pour réconforter et rassurer une frange de l’électoral réactionnaire, mais qui n’offre plus aucune perspective, même en trompe l’œil, à la masse des travailleurs qui aspirent à des changements profonds.
Pour faire passer cette orientation, la direction entend accélérer la transformation du Parti. Quand elle parle de le renforcer il s’agit d’y faire rentrer en nombre des éléments réformistes ou réactionnaires carrément hostiles à l’idée de socialisme: « Je ne pense ni erroné, ni inutile de déclarer que peuvent être membres du Parti des gens qui ne souhaiteraient pas le passage au socialisme » déclare dans la « Tribune de discussion » officielle, un révisionniste de Paris.
Et quand Plissonnier parle « d’en profiter pour promouvoir une nouvelle génération de dirigeants à tous les échelons », il s’agit d’accélérer ce qui est très sensible, notamment depuis 1968, la promotion aux postes de responsabilités de techniciens, cadres, enseignants attirés par le réformisme accentué du P »C »F et par l’espoir d’y faire rapidement carrière.
Mais cette transformation plus ouverte du P »C »F en un parti réformiste, bourgeois dans son fond, basé sur la collaboration de classes, de multiples indices montrent, dans le cours même de la préparation du congrès, que la direction du P »C »F rencontre des résistances pour la faire accepter.
La « Tribune de discussion » ouverte avant le congrès dans « L’Humanité », destinée, il est vrai, à offrir une image « démocratique » du parti révisionniste, se consacre essentiellement, et ce n’est pas un hasard, à vaincre un certain nombre de résistances, même si ces résistances surtout dans ce cadre, s’expriment de façon souvent confuse.
Une grande partie de la « Tribune » consistera à multiplier les contre-attaques face à un avocat du diable – un certain Sterdyniak – à qui est laissée, en début de campagne, la possibilité d’exprimer son opposition sur deux points clés:
1°) d’une part la question du socialisme:
« même actuellement, on ne peut se contenter de dire: « la majorité de notre peuple ne veut pas du socialisme » et de ranger le socialisme dans notre placard en attendant des jours meilleurs; de dire « rassurez-vous ! le programme commun, ce n’est pas le socialisme, comme si le socialisme était un repoussoir ».
2°) d’autre part la question du recrutement dans le parti révisionniste:
« il me parait erroné et inutile de déclarer que peuvent être membres du PCF des gens qui ne souhaiteraient pas le passage au socialisme ».
Par ailleurs, le thème de l’alliance avec les PME, thème qui a les plus grandes difficultés à obtenir dans les entreprises un minimum d’écho auprès des travailleurs, même influencés par le P »C »F, suscite dans le cours de la « Tribune », un malaise persistant: « II est difficile… de convaincre les petits patrons et leurs salariés qu’ils sont ensemble victimes de la politique des grands monopoles en se contentant de l’affirmer ».
A quoi il est apporté des réponses qui se veulent rassurantes mais qui restent floues, et pour cause, et très peu convaincantes, du type: « Notre juste souci de gagner les propriétaires des PME à l’union du peuple de France, l’assurance du maintien de leur existence et de leur activité donnée par le programme commun, ne peuvent en aucun cas nous amener à céder en quoi que ce soit sur les revendications de ces travailleurs » déclare Poperen, membre du BP du P »C »F. Patrons et travailleurs de PME auraient des « intérêts convergents et non toujours identiques »!
Alors que des millions d’ouvriers savent, par expérience, que les patrons des PME, face aux difficultés économiques, aux restrictions de crédit, recourent toujours au blocage des salaires, à l’accélération des cadences, au chômage partiel, aux licenciements, et comme en particulier dans le bâtiment, à la fermeture pure et simple. Quant à l’alliance avec les gaullistes, elle ne suscite pas apparemment de remise en cause nette.
Toutefois, nombre de « contributions » reviennent dessus, et dès qu’elles essaient de sortir des considérations générales sur l’indépendance nationale, et de devenir plus concrètes, elles offrent, en clair, la perspective, inquiétante pour des travailleurs tant soit peu attachés au socialisme, de collaboration avec des éléments foncièrement anticommunistes.
Ainsi ce témoignage d’un révisionniste qui avait fait ses études dans une école militaire de 58 à 66, où prédominaient des officiers gaullistes et anti-communistes: « dès cette époque, à la faveur de rencontres sportives mettant en contact des cadres sportifs adhérant au PCF et des cadres sportifs militaires, des discussions passionnées étaient engagées…
Ces contacts se sont d’ailleurs mués parfois en amitié: tel sous-officier, responsable des sports, aux propos anti-communistes, qui la retraite venue, se fit une joie d’offrir ses services à un club d’athlétisme d’une municipalité communiste ». Voilà qui en dit long en tout cas sur la politique et le personnel sportif des municipalités révisionnistes…
Quelques semaines à peine avant le congrès, le climat et les objectifs mêmes du congrès se modifient brusquement. Jusqu’alors ce qui était mis au premier plan, c’était: « l’union du peuple de France, la main tendue aux gaullistes et aux PME, et à tous…. à l’exception d’une poignée de féodaux », « les changements limités du programme commun… qui ne sont pas conçus comme un moyen d’aller plus loin », « le socialisme n’est pas à l’ordre du jour ». C’étaient les thèmes centraux des réunions de cellules « à cœur ouvert » organisées au mois de juillet.
Désormais, les responsables du P »C »F, dans les conférences fédérales, les réunions « plein-phare » mettent au contraire en avant une nouvelle batterie de mots d’ordre: « renforcement du Parti », « le PCF parti d’avant garde de la classe ouvrière », « le PCF seul garant de l’application du programme commun de la gauche »…, « le renforcement du PCF, condition du maintien de l’union de la gauche »…
Dans le même temps, les remontrances aux « alliés », le PS et les radicaux de gauche, ne tarissent pas, ils sont quotidiennement accusés de « faire objectivement le jeu du grand capital », « d’être tentés de renouer avec leur passé de collaboration de classes », d’exercer « un chantage sur le PCF ».
La raison apparente immédiate de ce revirement, ce sont les résultats des élections législatives partielles de septembre: les révisionnistes y ont perdu des voix et n’ont obtenu aucun siège.
Alors que radicaux de gauche et socialistes progressaient au détriment de l’UDR, mais aussi du P »C »F et obtenaient plusieurs sièges. Si cet échec électoral, réel mais limité, a pu être l’occasion d’un tel revirement, c’est qu’il pouvait servir d’aliment et d’argument à toutes les résistances plus ou moins clairement exprimées à « l’union du peuple de France » telles qu’elles se manifestaient à l’intérieur du P »C »F.
Cet échec électoral ravivait de façon aiguë toutes les méfiances latentes, au sein du P »C »F vis-à-vis de la solidarité de l’union de la gauche, la confiance qui pouvait être accordée au PS et à Mitterrand. En clair, deux questions, même si elles ne sont pas explicitement formulées, viennent à l’ordre du jour.
à qui profite l’union de la gauche ?
L’échec électoral de Septembre révèle crûment que le P.S. est, de loin, le plus gros bénéficiaire de l’opération.
Réduit à 5% de l’électorat en 1969, lors de l’élection présidentielle, la vieille social-démocratie pourrie, discréditée va se donner un nouveau visage « de gauche », grâce principalement au P »C »F qui a répété depuis plusieurs années que le P.S. avait changé de nature, qu’il était l’ornière de la collaboration de classe, etc…
Que Mitterrand n’avait plus rien à voir avec l’anticommuniste des années 50 etc … Ainsi remis en selle, le P.S. rénové a reconquis une base électorale et, maintenant, de ce point de vue, dépasse le P »C »F.
Or pour supplanter le P »C »F, le P.S. joue sur deux tableaux:
– en tant que vieux parti bourgeois qui inspire entière confiance à la bourgeoisie, qui a su, depuis longtemps, la servir avec zèle (répression des mineurs en 1948, guerre d’Algérie avec Guy Mollet) et qui conserve son réseau de notables réactionnaires, il est en mesure de rassembler toute un électoral bourgeois, petit bourgeois, réactionnaire qui, par de vieux réflexes, se méfie encore du P »C »F.
Il cultive la peur du P »C »F parmi toute une partie de l’électorat qui persiste à voir dans ce parti des velléités révolutionnaires ou craignent l’instauration d’une dictature terroriste semblable aux nouveaux tsars du Kremlin. Il se présente ainsi comme le meilleur garant de la démocratie bourgeoise, jouant à l’occasion sur ses liaisons maintenues officiellement dans de nombreuses municipalités.
– d’un autre côté, le P.S. se pose en parti « plus à gauche » que le P »C »F, s’offrant le luxe de parler de socialisme, au moment où le P »C »F met ce mot d’ordre au placard ; par le biais de la C.F.D.T. et des « Assises » , en maniant démagogiquement une phraséologie révolutionnaire et des thèmes comme l’autogestion, le P.S. est en mesure de récupérer des travailleurs qui s’écartent du P »C »F parce qu’ils constatent son évolution toujours plus franche avec le réformisme.
où veut en venir le ps ?
A partir de là, une seconde question se pose à nombre de militants du P »C »F: OU VEUT EN VENIR LE P.S.?
Tout indique que le P.S., disposant d’une influence électorale plus large que celle du P »C »F et de Mitterrand, propulsé par deux fois comme vedette, lors des présidentielles, avec l’aide du P »C »F, tout indique que le P.S. a désormais les moyens de jouer le rôle de « parti charnière », et, une fois au gouvernement, de rester maître du jeu, libre de maintenir ou de rompre son alliance avec le P »C »F en fonction d’intérêts de la bourgeoisie.
Dès Août 74, Lecanuet appelait les socialistes à se séparer du P »C »F, à rejoindre les centristes et se déclarait déjà prêt à les accueillir…
Comment nombre de militants du P »C »F n’auraient-ils pas senti durant la campagne présidentielle que, tandis qu’ils servaient de colleurs et de diffuseurs pour le premier secrétaire du P.S., Mitterrand, lui, entouré d’un état-major d’où était exclu tout représentant du P »C »F, menait une campagne sur un programme « personnel » passant pratiquement sous silence le programme commun ? Comment ne pas se souvenir de 1947, de l’expulsion par les socialistes des ministres P »C »F du gouvernement ?
En ravivant les inquiétudes latentes: à qui profite l’Union de la Gauche ? Le P.S. se prépare-t-il à rompre l’alliance à son profit ?
L’échec électoral de Septembre en soulève d’autres, étroitement liées : A quoi bon aller de concession en concession, d’ouverture en ouverture, sous prétexte d’obtenir l’alliance des socialistes, si tout cela n’aboutit qu’à affaiblir électoralement le P »C »F, renflouer le P.S. et lui donner la possibilité de rejeter, le moment venu, après l’avoir utilisé comme marche-pied, le P »C »F dans l’isolement ?
A quoi bon faire un pas de plus sur cette voie en tendant la main aux P.M.E. et aux gaullistes, en enterrant l’objectif du socialisme ?
Pour couper court à toute une série de questions qui pouvaient surgir et se développer à la suite de cet échec électoral et dans le cadre des discussions avant le Congrès, le P »C »F a choisi alors de dire tout haut, d’écrire publiquement ce qui, jusqu’à présent faisait l’objet d’explications officieuses, de bouche à oreille vis-à-vis des travailleurs récalcitrants.
Jusqu’à présent tandis que (‘ »Humanité » affirmait quotidiennement « la gauche unie progresse », « le P.S. a changé de nature », on rassurait les militants inquiets en leur disant: « il faut faire patte de velours pour obtenir la majorité, mais une fois au gouvernement, Mitterrand, on le tiendra, les petits patrons subiront notre loi… le P »C »F a prévu tout cela et il est le plus fort. »
Ainsi le XXIème Congrès, qui aura du consacrer euphoriquement « l’Union du Peuple de France » a été contraint de se transformer en un congrès défensif où se sont multipliées les interventions de dirigeants notamment, pour rassurer les militants sur le mode: oui nous sommes le parti de la classe ouvrière, le Parti révolutionnaire de l’Union de la gauche, oui nous resterons vigilants, nous ne permettrons pas que le P.S. retombe dans la collaboration de classe, oui nous exigerons l’application intégrale du Programme Commun etc…
C’est la première fois qu’un Congrès du P »C »F se tient dans ces conditions. Certes l’orientation d’ensemble a été de fait adoptée. Les amendements adoptés, assez nombreux, tout en servant à améliorer la façade démocratique, ne représentent que des concessions formelles, et visent effectivement à rassurer les militants inquiets.
D’une part, « les réformes profondes » y sont plus nettement rattachés au projet de « socialisme aux couleurs de la France », avec un rappel du « manifeste de Champigny »; d’autre part une mise en garde contre les dangers d’infidélité qui pèsent sur les partenaires du P »C »F a été incorporé au texte primitif; enfin, toute une partie a été rajoutée dans le paragraphe sur le Parti, pour souligner « le PCF est le grand parti révolutionnaire de notre temps. Il lutte pour le socialisme ».
Mais l’orientation définie par le Comité Central de Juin n’est pas modifiée dans le fond : il faut aboutir à des « réformes profondes » sur la base des « orientations fondamentales » du Programme Commun.
Quant au programme lui-même: d’une part des dispositions conjoncturelles devront être revues, le moment venu, d’autre part « il pourra s’enrichir de convergences nouvelles dégagées par les partis signataires, des idées positives soumises par les forces qui s’associent à l’union ».
La main reste tendue, bien sûr, aux centristes, aux gaullistes, aux petits et moyens patrons; et l’horizon du socialisme est évoqué plus souvent, la résolution souligne en conclusion: « Aujourd’hui… le P »C »F consacre toute son énergie au rassemblement des forces capables de réaliser les changements démocratiques nécessaires. » Depuis le Congrès de Vitry, le mot d’ordre de l' »Union du Peuple de France » est passé au second plan, le P »C »F n’a pas cessé de mettre en avant la mise en garde et les griefs vis-à-vis du Parti socialiste.
Si le P »C »F met sur la place publique des griefs contre le P.S., qui circulaient dans ses rangs, c’est qu’il a de plus en plus de mal à répondre aux militants réticents connus par le passé, avec des arguments du type: « de toute façon, nous sommes les plus forts ». L’expansion et les ambitions du P.S. enlèvent de plus en plus toute solidité à ce genre d’argumentation machiavélique.
Et dans le même temps, les attaques publiques contre le P.S. apparaissant tardivement, sont peu crédibles et ne peuvent guère rassurer les militants inquiets.
Car elles portent sur des points que Marchais le premier avait semble-t-il admis il y a peu de temps, pour conclure le programme commun ou pour propulser Mitterrand aux présidentielles.
> Accuser maintenant le P.S. de vouloir se renforcer au détriment du P »C »F, qu’est ce que cela veut dire ? Il n’y a rien de nouveau. Mitterrand ne s’en est jamais caché, du moins auprès de ses « collègues socialistes européens »: « notre objectif fondamental, c’est de faire la démonstration que sur 5 millions d’électeurs communistes, 3 millions peuvent voter socialiste » déclarait-il le lendemain même de la signature du Programme Commun.
> Accuser maintenant le P.S. de s’allier à des partis bourgeois de « droite » pour gérer des municipalités, qu’y a t-il de nouveau ? La chose n’a nullement empêché la conclusion du programme commun. Et le P.S. ne s’est jamais engagé, pour, autant, à rompre ces alliances municipales.
> Accuser maintenant le P.S. d’être prêt à prendre la tête d’un gouvernement, Giscard restant président de la république, c’est avoir la mémoire bien courte. Lors des législatives de Mars 1973, Marchais avait clairement laissé entendre que la « gauche » était prête en cas de victoire électorale au Parlement, à prendre en mains les rênes du gouvernement, Pompidou restant président de la république.’
> Accuser maintenant le P.S. d’oublier le programme commun, c’est oublier un peu vite que le P »C »F a soutenu, sans broncher, la campagne présidentielle de Mitterrand qui, avec son programme « personnel », ne se gênait pas pour prendre les plus grandes libertés vis-à-vis, du programme commun et le reléguer dans l’ombre.
> Accuser le P.S. de vouloir simplement « gérer la crise du capitalisme » au détriment des travailleurs, c’est s’apercevoir, un peu tard, que le programme économique de Mitterrand n’avait pas d’autre but, c’est oublier que le P »C »F n’avait trouvé, alors, rien « à y redire ».
> Comment faire croire que le P »C »F est plus révolutionnaire que le P.S. parce qu’il réclamait davantage de nationalisations, alors que Marchais déclarait lui-même à Maire et Séguy, au lendemain du C.C. de Juin: « ceux qui croient à la révolution se font des illusions ».
En envoyant publiquement quelques attaques au P.S., en reprenant celles qui se murmurent depuis longtemps à l’intérieur du P »C »F, en tentant de se présenter comme le parti révolutionnaire de l’union de la gauche, le P »C »F cherche à étouffer les contradictions qui se développent dans ses rangs et autour de lui. Mais comment prendre au sérieux ces attaques, puisqu’elles s’en prennent à des faits et à des positions admises et acceptées depuis longtemps par le P »C »F, au nom de l’Union.
Et surtout comment peuvent- elles satisfaire les travailleurs qui s’interrogent puisqu’elles laissent intacte la ligne révisionniste: alliance électorale avec les partis de gauche, venue au pouvoir par le biais des élections, maintien intégral du programme commun et des propositions d’alliance avec les gaullistes, les petits et moyens patrons.
Ce n’est pas en se demandant très fort, et avec des arguments qui se retournent contre le P »C »F, si le P.S. ne pratique pas la collaboration de classe, qu’il est possible de répondre à des travailleurs qui mettent en doute le P »C »F lui-même, sa ligne d’ensemble, sa capacité même à jouer encore un rôle révolutionnaire en France.
Ainsi le P »C »F est de plus en plus pris dans l’étau de ses contradictions, s’enfonce de plus en plus dans la logique irréversible de sa dégénérescence révisionniste. Pour détourner les travailleurs de la voie révolutionnaire, de la voie de la destruction de l’Etat bourgeois, le P »C »F, depuis près de 20 ans, a propagé la thèse du passage pacifique au socialisme, par le biais des élections et donc au moyen d’alliances électorales.
Pour que la thèse révisionniste acquière une certaine crédibilité, le P »C »F a été nécessairement amené à essayer d’élargir sa base électorale propre, c’est à dire à multiplier ouvertement, à l’adresse de l’électorat bourgeois, petit bourgeois ou réactionnaire, les preuves qu’il n’y a plus rien à craindre de lui, qu’il a bel et bien abandonné toute velléité révolutionnaire.
D’autre part, pour que l’idée de « l’union de la gauche » se matérialise, pour que la vieille social-démocratie accepte de s’allier à lui, et le considère comme un partenaire acceptable pour la bourgeoisie, capable de gérer le capitalisme, le P »C »F a été également amené à accentuer franchement son orientation réformiste, bourgeoise, à multiplier les concessions et à les matérialiser dans le programme commun.
Cette fuite en avant vers un réformisme avoué, se distinguant de moins en moins de la social-démocratie est une nécessité inéluctable pour le P »C »F. Il n’a pas d’autre choix.
Et dans toutes ses attaques actuelles contre le P.S., le P »C »F prend bien soin de souligner qu’il n’envisage aucunement la rupture de l’alliance avec le P.S.
Il lui est impossible de prendre l’initiative de remettre en cause l’alliance avec le parti socialiste, présentée pendant des années comme le seul débouché politique possible à la classe ouvrière: ce serait bouleverser tout le système d’illusions pacifistes, électoralistes, qu’il a déployé depuis des années.
Mais en même temps, le parti révisionniste, en tant que parti bourgeois, n’a de raison d’être dans le système politique bourgeois, et donc de chance de parvenir à maintenir son influence sur les travailleurs, que s’il parvient à prolonger l’illusion qu’il lutte pour des changements véritables, pour la disparition du capitalisme.
C’est donc au moment où les aspirations révolutionnaires des masses prennent un nouvel essor que le P »C »F est amené, pour matérialiser et rendre crédible son projet de passage pacifique au socialisme, à conclure enfin l’alliance avec le parti socialiste et par conséquent à accélérer sa fuite en avant vers un réformisme des plus avoué.
Pour répondre à sa manière, aux aspirations révolutionnaires des masses, il n’a, on le voit dans toute une série de luttes revendicatives, ainsi d’autre choix que d’aggraver ses contradictions avec les masses.
On voit en particulier dans toutes les luttes de plus en plus nombreuses, qui, au-delà des revendications immédiates, mettent en cause l’organisation capitaliste de la vie et du travail, et posent, de façon plus ou moins nette, la question d’une autre société, socialiste, à construire. Dans toutes ces luttes, le P »C »F se révèle incapable de prendre en compte les aspirations des travailleurs.
Quand les hauts-fournistes d’Usinor accusent le capitalisme qui assassine les ouvriers et envisagent une organisation du travail qui mettent en premier plan la vie et la santé de l’ouvrier, le révisionnisme s’oppose catégoriquement à eux et propose seulement de perpétuer la férocité de l’exploitation par une prime de sécurité.
Face à la révolte profonde des mineurs de Liévin, victimes depuis des dizaines d’années de la politique énergétique délibérée de l’impérialisme français, le P »C »F ne peut que chercher à l’étouffer par ce chantage: « si vous allez trop loin, les Houillères vont fermer encore plus vite ».
Le salaire au rendement ? Il n’en est pas question dans le programme commun. L’augmentation uniforme ? La préservation de la hiérarchie est un des dogmes du programme commun. Un salaire minimum décent ?
Malgré la grande lutte des postiers qui réclamaient notamment 1700 Frs et d’autres luttes encore, la C.G.T., impose quand elle peut, la revendication du salaire minimum à 1500 Frs. Les petites boites qui ferment ? Au nom de « l’union du peuple de France », le P »C »F appelle les ouvriers à trouver les moyens de s’unir avec les patrons qui licencient…
Et lorsque, comme à Lip, les travailleurs exigent jusqu’au bout la satisfaction de leurs revendications, alors les propositions révisionnistes sont amenées à se démasquer crûment comme auxiliaires de la bourgeoisie et à être massivement rejetées.
Ce que révèle la querelle ce sont les contradictions qui se font jour et qui s’aiguisent au sein du P »C »F.
Et ces contradictions ne sont elles-mêmes que le reflet des contradictions croissantes qui opposent le P »C »F aux masses, même s’il les influence encore, à leurs aspirations révolutionnaires. La vie le prouve: de plus en plus nombreux des militants ouvriers, membres du P »C »F ou influencés par lui, parce qu’ils se posent de nombreuses questions, rejetant les calomnies révisionnistes, engagent la discussion avec notre Parti, s’associent à nos actions et souvent demandent à adhérer.
Malgré son apparente force numérique, financière, électorale, le P »C »F est profondément miné par la contradiction entre sa politique de plus en plus ouvertement réformiste et la montée des aspirations révolutionnaires des masses. La possibilité est ouverte de décomposer à terme, d’éliminer le parti révisionniste.
Nombre de ses militants et de travailleurs qu’il influence encore sont prêts dès maintenant si on sait les mobiliser, à venir renforcer le Parti authentiquement communiste, large, auquel ils aspirent et que nous sommes en train de construire.
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Nouvelle Cause du Peuple, NAPAP, Action Directe