Le Congrès Européen contre le fascisme et la guerre

Le congrès antifasciste devant se tenir à Prague les 16 et 17 avril 1933, à l’appel des oppositions syndicales allemande, italienne, polonaise, finit par devoir se tenir à Copenhague les 4 et 5 juin, pour finalement se dérouler à Paris.

Dénommé Congrès Européen contre le fascisme et la guerre, il était clairement porté par l’Internationale Communiste, mais de telle manière en fait à laisser la dynamique se former par en bas, formant une nouvelle culture antifasciste.

C’est particulièrement vrai pour le Parti Communiste Français. Coincé dans une ligne ultra-gauchiste jusqu’à Maurice Thorez, il s’est redressé, mais en perdant toujours ses membres. Avec la question antifasciste, l’activisme typiquement français trouve une base assez solide pour développer du contenu sur une base qui ne soit pas syndicaliste étroite, ni une démarche ultra-révolutionnaire.

Il y a ainsi un réel mouvement à la base et d’ailleurs pas seulement chez les ouvriers communistes. On doit parler d’une véritable redéfinition. Cela est d’autant plus vrai que la violence anti-ouvrière s’exprime plus fortement, tant par les gardes mobiles contre les grévistes (et les communistes) qu’avec les commandos des Jeunesses Patriotes.

75 000 personnes manifestent ainsi le 28 mai 1933 au Père-Lachaise pour célébrer la Commune de Paris, et le Congrès Européen contre le fascisme et la guerre accueille 3 277 délégués venus de toute l’Europe à la Salle Pleyel à Paris.

Voici la Résolution contre le fascisme hitlérien :

« Les délégués au congrès antifasciste élèvent une protestation véhémente contre le procès intenté par le gouvernement hitlérien en vue d’aboutir à l’assassinat légal des camarades Torgler, Dimitrov, Popov et Tanef.

Ces chefs ouvriers, connus et aimés du prolétariat du monde entier, on veut les traduire devant le tribunal sanglant des nazis à Leipzig et les mêler à l’incendie du Reichstag aux côtés du provocateur Van der Lubbe.

Il n’est plus personne au monde qui ignore aujourd’hui que le feu a été mis au Reichstag par l’état-major fasciste des Goering et des Hitler.

Le chef de la fraction communiste parlementaire au Reichstag, Torgler, n’a pas plus de responsabilités dans cet acte que les dirigeants du mouvement prolétarien bulgare Dimitrov, Popov et Tanev.

La preuve en a été faite clairement, ouvertement, irréfutablement. La faiblesse du gouvernement fasciste éclate dans la faiblesse même de l’inculpation qui vise nos camarades. Il ne s’agit pas d’autre chose que d’un assassinat préparé de sang-froid.

Le congrès antifasciste européen en appelle à tous les travailleurs, à tous les antifascistes de tous les pays. Qu’ils organisent immédiatement l’action pour sauver la vie des victimes promises au tribunal des bourreaux fascistes.

Que le 18 juin, dans toutes les villes d’Europe, se déroulent d’ardentes démonstrations contre le honteux procès de Leipzig et pour la libération des chefs prolétariens emprisonnés.

Dans toutes les entreprises, dans tous les syndicats, dans toutes les organisations de masse, dans des milliers de meetings et d’assemblées, protestez contre l’assassinat légal, médité par les incendiaires nazis !

Accablez de télégrammes de protestation contre le gouvernement Hitler ! Multipliez les délégations dans les ambassades allemandes au cours de la période qui précédera la honteuse session du tribunal de Leipzig.

A bas la dictature sanglante de Hitler !

A bas le tribunal d’assassins des fascistes !

Luttez pour la libération de Torgler, Dimitrov, Popov et Tanev ! »

Aspect essentiel, 2 000 de ces délégués n’étaient pas communistes, mais sans-parti, social-démocrates, syndicalistes, républicains, chrétiens, anarchistes… L’Humanité peut alors constater à la conclusion du congrès que :

« Le Comité européen élu au congrès représente toutes les nuances de l’antifascisme agissant. »

C’était d’autant plus un succès que la direction socialiste française a totalement passé sous silence le Congrès, qui a toutefois obtenu une véritable attention à la base. De fait, le Parti Communiste Français a défini un nouveau terrain en France en mai : l’antifascisme.

Et c’est une révolution culturelle pour lui. C’est aussi toutefois une porte de sortie, puisque dans les faits, il n’a pas été capable de trouver une voie révolutionnaire pour la France, ni même de parvenir au niveau pour être en mesure d’avancer en ce sens.

C’est là un aspect essentiel, sans quoi on ne peut pas comprendre le basculement complet que va connaître le Parti Communiste Français sur le plan des fondements idéologiques, adoptant un drapeau bleu blanc rouge jusque-là honni.

La mobilisation contre la guerre lui a apporté une crédibilité, l’antifascisme lui permet désormais une socialisation. Mais encore faut-il tenir le choc de celle-ci sans dévaluer les principes. Or, le Parti Communiste Français n’a pas un socle idéologique suffisant pour cela.

Et cela se produit alors que le Parti socialiste connaît une terrible crise interne, avec les « néos-socialistes », l’obligeant à formuler une nouvelle proposition idéologique. De cette rencontre entre socialistes et communistes à ce moment-clef va surgir le Front populaire.

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