À sa fondation, l’Internationale Communiste pensait que la révolution russe permettrait de faire en sorte qu’elle prolonge directement la seconde Internationale, en purgeant celle-ci de ses éléments révisionnistes et opportunistes.
Or, au cinquième congrès, Zinoviev constate la chose suivante :
« Camarades, comme dit, pendant cette année, nous avons dû mener notre lutte à 90 % contre les déviations de « droite ».
J’ai avoué dès le départ que plus on étudie les documents de nos partis frères, plus on voit que les dangers de droite ne sont pas à sous-estimer, qu’ils sont plus grands à ce que quiconque pouvait s’imaginer, et cela pas parce que nos gens sont de mauvaises personnes – les gens sont en règle générale très bien – mais parce qu’il en est ainsi présentement dans cette partie du temps de l’histoire mondiale.
Nous traversons maintenant une période entre deux vagues de la révolution et il n’en est que naturel qu’émergent dans cette période des dangers de droite.
Les résidus de la social-démocratie sont dans notre camp plus grands qu’on ne se l’imaginait alors. »
Il y a ainsi un double problème pour l’Internationale Communiste. Déjà, il y a des traditions erronées qui se sont maintenues. Ensuite, la social-démocratie existe encore. En Allemagne, en France et en Grande-Bretagne, elle possède une base électorale puissante. Et dans tous les cas, elle se place comme favorable à une participation gouvernementale, comme un soutien ouvert au régime en place et en opposition complète aux communistes.
Zinoviev en conclut que :
« La social-démocratie est devenue dans toute une série de pays le troisième parti de la bourgeoisie.
C’est un nouveau fait dans la situation internationale, la clef tactique dans les mains des communistes.
La théorie selon laquelle le fascisme aurait « vaincu » la social-démocratie était une fausse clef, qui devait conduire à des conséquences opportunistes.
Si les sociaux-démocrates avaient vraiment combattu les fascistes et avaient été vaincus par eux, il se serait produit de cela un rapprochement entre les sociaux-démocrates et les communistes et non pas l’aggravation de la lutte entre eux.
Mais comme la social-démocratie n’a en réalité pas lutté contre le fascisme et n’a pas été « vaincue » par lui, alors les communistes doivent suivre une toute autre tactique que ce que voulait Radek.
Le plus important dans tout cela, c’est que la social-démocratie est devenue une aile du fascisme.
Le parti socialiste français [en fait la SFIO] n’est-il pas autre chose que l’aile gauche de la bourgeoisie ?
Aux élections, cela même été pour ainsi dire écrit chez le notaire. Il y a une liste commune des partis bourgeois et du parti socialiste [le Cartel des gauches avec les Radicaux indépendants, les radicaux-socialistes, les républicains-socialistes et la SFIO].
Toute la différence réside dans le fait que les noms de ceux des partis bourgeois étaient à droite et ceux pour le parti socialiste étaient à gauche. De quel preuve a-t-on encore besoin ? Le parti socialiste français est l’aile gauche de la bourgeoisie française.
Il joue encore à cache-cache, il ne siège pas encore au gouvernement, mais elle est un facteur co-gouvernemental ; plus le développement continuera, plus cela sera toujours plus net.
La seconde Internationale est devenue l’aile gauche de la bourgeoisie, le parti co-gouvernemental. Cela exprime non seulement l’esprit social-traître de la social-démocratie, mais également le manque d’assurance de la situation de la bourgeoisie, qui est de là amené à saisir ce moyen. »
Zinoviev critique ici le positionnement de deux figures importantes alors : le Polonais Karl Radek en Russie depuis 1917 et l’Allemand Heinrich Brandler.
Et c’est également le moment où Eugen Varga commence à capituler et à imaginer une stabilisation prolongée du mode de production capitaliste, annonçant sa future conception du « capitalisme monopoliste d’Etat ». Sa remise en cause en découle.
En fait, l’Internationale Communiste s’aperçoit qu’en bataillant lors des précédents congrès contre les gauchistes, pour avoir une perspective constructive (front unique, gouvernement ouvrier), cela a laissé des espaces béants à l’opportunisme dans les rangs communistes ainsi qu’aux prétentions social-démocrates à être au centre du jeu.
Ce qui n’était qu’une tactique communiste, un esprit de quête d’unité pour mobiliser pour la lutte des classes, a été utilisée conceptuellement pour des convergences avec la social-démocratie. Cette tendance avait littéralement brisé de l’intérieur la tentative de soulèvement général en Allemagne en 1923, aboutissant à un échec complet.
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de l’Internationale Communiste